• Qui appuie Micheletti et le gouvernement de facto ?

    par Decio Machado

    Le Honduras est l’un des pays les plus pauvres du continent américain (le troisième dans le classement des pays pauvres). 63 % des familles honduriennes souffrent d’une malnutrition et des milliers d’enfants et de petites filles vivent dans la rue.

    En 2006 Le Honduras a signé le Traité de libre échange (ALENA) avec les USA. La conséquence de la signature précitée pour le pays de l’Amérique centrale, qui l’a souscrit avec les prétentions d’augmenter ses exportations et d’obtenir un plus grand investissement étranger, a consisté en ce que celles-ci ont diminué et que le déficit commercial du Honduras avec le géant du nord a augmenté. L’agriculture hondurienne s’est appauvrie encore plus et des milliers de postes de travail ont été perdus dans le secteur des médicaments génériques, car en même temps que l’accord de l’ALENA le Honduras avait dû accepter la condition de la protection des patentes pharmaceutiques étasunienne, et donc subir l’interdiction de produire des médicaments génériques copie de médicaments US.
    [NTD : l’ALENA représente le processus "classique" de confiscation des richesses d’un pays pauvre par un autre plus puissant, en arguant de la liberté du commerce. Cela est admirablement décris par Eduardo Galeano dans le livre "Les veines ouvertes de l’Amérique Latine" voir une fiche ici. Mis en place lors des colonisations, le processus de pillage et de confiscation est toujours actif et il est continu, il est placé depuis plusieurs année sous l’égide d’organismes globaux tel que l’OMC qui, sous couvert d’équilibrage des échanges commerciaux, planifient en fait un pillage généralisé et planétaire.]

    À travers le processus particulier de l’évolution lente du président Mel Zelaya vers la gauche, en 2008 le Honduras a été admis au sein du consortium pétrolier Petrocaribe (l’entreprise formée par des entreprises nationales pétrolières latino-américaines) et il s’est incorporé à l’ALBA en aoùt 2008. [NDT : ce dernier point ainsi que le rapprochement avec Ortega et les critiques de Zelaya sur l’ingérence des USA au Venezuela et en Bolivie ont fini de sceller l’animosité croissante de l’oligarchie hondurienne contre le président et accrut les inquiétudes de Washington, ce qui a certainement décidé le putsch dont nous sommes témoin].

    La version officielle pour le coup d’état, l’ex-vice-président du Costa Rica, Kevin Casas-Zamora, l’a donnée en déclarant à la BBC Monde que “Zelaya est resté sans appui de l’élite politique et qu’il était en confrontation avec le Congrès. Cette situation a créé un dilemme dans les possibilités de gouvernance, qui n’était surmontable seulement si Zelaya abandonnait ses prétentions à modifier la Constitution et si un mécanisme était créé, celui qui permettait à l’exécutif et aux députés de prendre des décisions de manière collégiale”. En résumé, l’oligarchie hondurienne, au pouvoir dans le pays depuis des lustres, prétendait que Mel Zelaya fût président mais sans gouverner.

    La position ferme de Zelaya face aux institutions politiques honduriennes, définie plus qu’une fois comme "têtue" par les élites de l’Amérique centrale et la vieille oligarchie locale, a généré un fort conflit interne où les accusations contre le président constitutionnel ont déferlés dans les sous des qualificatifs de “populiste“ (conséquence de l’augmentation du salaire minimum et des approches de consultation populaire à travers d’une quatrième urne dans le but de voir si la population voulait un changement constitutionnel). La stratégie de déstabilisation des forces réactionnaires s’est conclue par un coup d’état qu’elles ont cherché justifier par des raisons invraisemblables et des argumentations incroyables. Aucun pays de la planète n’a officiellement appuyé les putschistes, ce qui est une première historique par rapport à ce type d’événement.

    Ce qui s’est passé au Honduras a été un coup d’état néolibéral, au bénéfice des plus riches et d’une classe moyenne peu nombreuse qui à la prétention de devenir riche. [NDT : Zelaya disait lui-même à El Pais le jour du putsch "j’ai pensé faire les changements à l’intérieur du schéma néolibéral. Mais les riches ne cèdent ni un penny. Les riches ne veulent rien céder de leur argent. Ils veulent tout garder pour eux. Alors, logiquement, pour faire des changements il faut incorporer le peuple".]

    Dernière mise à jour (6 oct 17h00) visible ici : Le destin de l’Amérique Latine se joue maintenant au Honduras ?

    la famille putschiste
    Au premier rang de gauche à droite : Gabriela Nuñez (avec sa petite boîte de pommes de terre Burgolpe King), Lizzy Flores, Romeo Vásquez Velásquez (la marionnette), Adolfo Desvisado Facussé, Jorge Canahuati Larach et Rafael Ferrari .

    Au duxième rang de gauche à droite : Carlos López Contreras, Porfirio Lobo, Roberto Micheletti, Carlos Flores, Marcía Facussé de Villeda (Morticia) et Myrna Castro (la sorcière "qui brûle les livres").

    Au troisième rang de gauche à droite : Ricardo Maduro, Rafael L. Callejas et Cardemal Rodríguez Maradiaga Dans la souricière à droite, les yeux du rat Elvin Santos.


    Qui appuie Micheletti et le gouvernement de facto ?

    L’experte en questions militaires honduriennes Leticia Salomón, chercheuse à l’Université Nationale, n’a eu aucun doutes pour référencer les auteurs du coup, en indiquant que : “il a été planifié par un groupe patronal dirigé par Carlos Roberto Flores Facussé, ex-président du Honduras (1988-2002) et propriétaire du journal `La Tribuna`, conjointement avec ´La Prensa´, ´El Heraldo´, et dans les chaînes de TV 2, 3, 5 et 9 qui ont été les piliers fondamentaux du putsch”.

    John Dimitri Negroponte Carlos Roberto Flores Facussé, propriétaire du quotidien “La Tribuna”, a été l’un des fers de lance de la campagne que le Département d’État des États-Unis a lancé l’an passé contre Zelaya, et que depuis l’année précédente il tenait des réunions avec John Dimitri Negroponte, une figure chez les "faucons" américains, quand il était secrétaire adjoint pour les Affaires Hémisphériques (relations des États-Unis avec les pays d’Amérique Latine) du gouvernement de George W. Bush.

    Le groupe auquel fait référence Salomón doit être complété par Jaime Rosenthal et Gilberto Goldstein, les dirigeants du Groupe Continental, empire qui a une place quasi monopolistique sur la banque hondurienne, l’industrie agroalimentaire et les médias comme ´El Tiempo´ et ´Canal 11´. Le reste des familles qui composent l’oligarchie hondurienne qui contrôlent 90 % de la richesse du pays et qui ont appuyé le putsch contre Zelaya sont : Rafael Ferrari, Juan Canahuati, le financier Camilo Atala, le marchand de bois José Lamas, l’entrepreneur énergétique Fredy Násser, Jacobo Kattán, l’industriel sucrier Guillermo Lippman et le constructeur Rafael Flores, entre autres. Dan l’organigramme des conjurées, il faut souligner la présence d’un autre personnage "obscur entre les obscurs", le magnat Miguel Facussé, décoré par le Sénat colombien en 2004 de l’Ordre du Mérite à la Démocratie, c’est lui qui détient aujourd’hui le monopole le marché de l’huile de palme et qui en 1992 a appuyé l’achat de terres aux paysans à moins de 10 % de leurs valeur réelle.

    Dans ce sens, il n’est pas étonnant que l’entreprise privée hondurienne ait été l’un des acteurs qui ont appuyé le coup d’état et le gouvernement illégitime dès le début, en qualifiant le putsch comme un processus "démocratique" et "irréversible".

    Ainsi l’a assuré Alejandro Álvarez, vice-président du Conseil Hondurien de l’Entreprise Privée (COHEP), l’organisation économique privée la plus puissante de ce pays qui agglutine 62 syndicats. Selon ce magnat du secteur de la construction hondurienne, “Le Honduras est dans un processus de sauvetage d’un état de droit précaire …, parce qu’un pouvoir a voulu se mettre au-dessus de la loi”, en faisant une référence à la consultation populaire patronnée par le président Zelaya destitué à l’égard de son initiative de la quatrième urne.

    lvarez est aussi vice-président de la Chambre Hondurienne de la Construction (CHICO), et en mars de cette année, après avoir été élu président du COHEP, avec le cynisme propre à un putschiste, il se déclarait apolitique et se penchait publiquement pour "établir un dialogue avec le gouvernement pour appuyer d’une manière dynamique les initiatives dans lesquelles ils coïncident et pour discuter celles dans lesquelles existaient des divergences".

    Un autre dirigeant patronal conjuré remarquable est Adolfo Facussé, président de l’Association Nationale des Industriels (ANDI), autre habitué des marches de l’Union Civique Démocratique (l’organisation qui appuie socialement le gouvernement conjuré [NDT : Appelés également les Camisas Blancas (chemises blanches) en référence aux chemises portées par les manifestants comme symbole de paix… de paix ? Quel cynisme pragmatique !] ). Selon Facussé, “Il y a eu respect de l’ordre constitutionnel face au président renversé qui ne voulait pas le respecter, parce ce qu’il faisait était illégal”. Le 13 septembre Facussé a été expulsé de l’aéroport de Miami jusqu’à celui de San Pedro Sula par les autorités américaines de migration. Son passeport a été marqué du mot "Inadmissible".
    [NDT : mise à jour 07/10 : Un ministre transfert des fonds pour les contre-manifestations]

    Luis Larach, président de la Chambre de Commerce et d’Industries de Cortés, une organisation patronale de la zone nord une des plus grandes puissances économiques du pays, est un autre des entrepreneurs qui a immédiatement offert son appui à Micheletti dans un communiqué, par lequel il a invité “la population hondurienne à se maintenir ferme dans une défense de la démocratie”.

    Ces trois personnages font une partie des différents entrepreneurs qui financent et participent aux marches de l’Union Civique Démocratique (le groupe qui appuie socialement le putsch), et ce sont parmi les appuis internes les plus importants pour le gouvernement de facto. _

    Le pouvoir patronal conjuré hondurien marque clairement le chemin dans lequel est engagé le pays, définissant ainsi un holding d’entreprises putschistes dans lesquelles nous pouvons distinguer les milieux suivantes :

    - Pour le secteur de la presse écrite, les quotidiens, les revues et les produits imprimés : La Prensa, El Heraldo, Estilo et Diez, tous propriété de Jorge Canahuati Larach ; le journal La Tribuna et Lithopress Industrial de l’ex-président Carlos Flores Facussé ; et l’Hablemos Claro, Hablemos Claro Financiera, un As Deportivo et Cromos tous d’une propriété de Rodrigo Wong Arévalo.

    - Pour le secteur médiatique, de la télévision, du câble, de la téléphonie et d’Internet : le Groupe Televicentro, Canal 5, Telecadena 7 et 4, Telesistema 3 et 7, MegaTV, une Multivisión, Multifon, Multidata et Televicentro Online, tous appartenant au magnat Rafael Ferrari ; le Canal 10 ou TEN de Rodrigo Wong Arévalo ; le Canal 54 de Jorge Faraj et de Camilo Atala ; Tigo-Celtel de Antonio Tavel Otero ; Telemás de Gabriela Núñez ; et 45TV La Ceiba et la Televisión 8 Tela de Rodolfo Irías Navas.

    - Pour le secteur de la diffusion radiophonique : Emisoras Unidas, HRN, Radio Norte, Suave FM, Rock n`Pop Vox FM, XY, 94 FM, Radio Satélite, Radio Caribe et Radio Centro, toutes du holding médiatique de Rafael Ferrari ; Audiovideo, Radio América, Radio San Pedro, Súper 100, La Moderna et Radio Le Ceiba de Miguel Andonie Fernández ; et les Communicaciones del Atlántico, Radio El Patio La Ceiba, Stereo 91 La Ceiba, Stereo 102.5 La Ceiba, Romántica 103.5 FM La Ceiba, Radio Aguàn Colón, 92.7 FM Tela et 91.5 FM Tela de l’entrepreneur médiatique Rodolfo Irías Navas.

    - Pour les industries agroalimentaires, la nourriture et les boissons, ce sont des marques : Burger King, Little Caesar´s, Church´s Chicken, Popeyes, Dunkin´ Donuts, Baskin Robbins, Pollo Campero et Chilli`s de Rafael Ferrari ; Pizza Hut, Kentucky, Agua Azul, Aquafina, Pepsi, Seven Up, Mirinda Naranja, Mirinda Uva, Teem, Enjoy, Adrenaline, Gatorade, Quanty, Be-Light, Link, SoBe EnergyLipton Thé, tous contrôlés par l’entrepreneur pro putschiste Jorge Canahuati Larach ; Yummies Zambos, Yummies Ranchitas, Cappy, les divers Ziba´s, Taco de Rancho, Chicharrones de Rancho, Mazola, des divers Issimas et les fruits et légumes Áltima, tous ces produits sous contrôle de Miguel Facussé Barjum ; et tous les produits Sula, fruits et légumes, jus de fruits, yaourts, beurres et fromages, tous des produits de Schucry Kafie.

    - Pour le secteur des sociétés financières, des associations et des manufactures, ont trouve : le Groupe Ficohsa, Banco Ficohsa, Interamericana de Seguros, Ficohsa Express, PSI Proyectos & Servicios Inmobiliarios, Dicorp, Fundación Ficohsa, toutes des compagnies de Jorge Faraj et de Camilo Atala ; le Groupe Terra de Freddy Nasser ; Asin et Audiovideo de Miguel Andonie Fernández ; le Groupe Roble de Ricardo Maduro ; le Fonds Hondureño de Inversión Turística (Bahía de Tela), le Groupe Televicentro, Emisoras Unidas y Telerón de Rafael Ferrari ; le Groupe Dinant (ex Corporación Cressida), les Químicas Magna, Cressida Industrial, Químicas Láser, Alimentos Dixie y Exportadora del Atlántico, toutes de Miguel Facussé Barjum ; Lactohsa de Schucry Kafie ; Corinsa y Embotelladora de Sula de Jorge Canahuati Larach ; Comunicaciones del Atlántico de Rodolfo Irías Navas ; la Fondation Covelo et la banque Covelo d’Adolfo Facussé.
    et

    - Pour les industries énergétiques, de l’énergie et des combustibles, on trouve : Petróleos de Honduras, Gasolineras Uno, Tramaq (transports), Enetran et les usines thermique Enersa, Elcosa et Río Blanco, propriété de Freddy Nasser ; l’usine thermo-électrique Lufussa de Schucry Kafie ; la compagnie Semeh de Rafael Ferrari et Arturo Corrales ; et celle de biocombustibles Dinapower, propriété de Miguel Facussé Barjum.

    - Pour le secteur des commerces et des centres commerciaux : les supermarchés La Colonia et Diunsa de Mario Faraj ; Jestereo, La Curacao, Tropigas et Mall Multiplaza de Ricardo Maduro ; Eleganza, Jorge J. Larach & Cía et les commerces Larach de Jorge Canahuati Larach ; Proconsumo, Xedex, Audaz et Ganex de Miguel Facussé Barjum.

    - Pour les industries pharmacochimiques : les laboratoires Finlay de Jorge Canahuati ; Infarma, Mandofer et Farmacia Regis de Miguel Andonie Fernández.

    - Pour les industries textiles et de la confection : le Groupe Lovable de Juan Canahauti, et les Textiles Río Lindo d’Adolfo Facussé.

    - Pour l’hôtellerie, on trouve Intercontinental de Ricardo Maduro.

    - Pour les transports : Inter Airports de Freddy Nasser ; Catisa, Tupsa et Trasul, toutes de Roberto Micheletti.

    - Pour la monde sportif : l’Olimpia de Rafael Ferrari ; le Motagua de Camilo Atala et Pedro Atala.

    D’un autre côté, les secteurs sociaux qui constituent en interne un appui à Micheletti sont les suivants : d’un côté, la diligence maximale vient du secteur de la petite bourgeoisie prise en main par Armida de López Contreras l’épouse de Carlos López, “le chancelier“ de Micheletti. Les coordinateurs de niveau moyen sont employés municipaux à la Mairie de Tegucigalpa, et quelque employés d’entreprises privées. La base [NDT : populaire] n’existe pas et les personnes mobilisées proviennent des quartiers pauvres de Tegucigalpa à qui on garantie le paiement de 300.00 lempiras par une marche (environ 15 dollars), le transport aller et retour, la nourriture du jour, en plus d’un tee-shirt blanc [NDT : celui porté dans la marche, la fameuse chemise blanche].

    A la tête de ces groupes, on trouve entre autres le maire de Tegucigalpa, Ricardo Álvarez, qui en manipulant des fonds initialement originaires des entreprises privées et par la suite des coffres municipaux (plusieurs d’entre eux provenant préalablement de l’administration centrale), il est le responsable logistique de plusieurs de ces groupes.

    On trouve aussi dans les appuis au régime putschiste : les pouvoirs judiciaires, le Congrès National, le Parquet Général de la République, le Procureur Général de la République, et le Commissaire National aux Droits de l’homme, tous élus par le Congrès. Congrès dirigé par Roberto Micheletti juste avant le putsch, on trouve aussi des alliés politiques de Carlos Flores Facussé.

    On peut aussi inclure, l’Église Catholique, comme l’un des premiers acteurs à se positionner en faveur du coup d’état au Honduras. Dans un communiqué de la Conférence Épiscopale, lu par le cardinal Oscar Andrés Rodríguez [NDT : ce dernier se pose maintenant en "médiateur"] et avalisé par les onze évêques qui composent l’institution précitée, l’organe le plus influant de l’Église catholique hondurienne, s’est positionné clairement en faveur du gouvernement de facto de Roberto Micheletti, en faisant appelant le président constitutionnel Manuel Zelaya à ne pas retourner au Honduras, et en intercédant devant l’OEA en faveur des putschistes.

    Avec l’armée comme défenseur principal et garant du gouvernement illégitime lointe avec la police dont la répression brutale quotidienne s’est spécialement exercée dans les affaires de Tegucigalpa et de San Pedro Sula, au début d’un août, les réservistes des Forces Armées du Honduras ont aussi exprimé leur appui au gouvernement de Micheletti. Le président de l’Association des Réservistes des Forces Armées, le colonel à la retraite César Ordóñez, a remis en cadeau à Micheletti, le 7 août passé, le drapeau hondurien comme preuve que l’organisation, comme il a dit lui-même, est “à la disposition” du gouvernement de facto.


    Et pour les soutiens internationaux ?

    Bien que le rejet du coup d’état au Honduras ait été unanime dans tous les forums internationaux incluant les 192 pays qui composent l’ONU, on peut souligne dans le cadre international l’appui caché exercé par quelques gouvernement auprès du gouvernement de facto hondurien.

    Selon le porte-parole du Honduras, les ambassades de Taïwan et d’Israël, sont les seules nations qui ont jusqu’à présent reconnu le gouvernement de facto de Roberto Micheletti, en opposition au rejet ferme de la communauté internationale.

    Le gouvernement de la Colombie, bien qu’il ait préalablement retiré son ambassadeur de Tegucigalpa, a organisé, le 20 juillet passé, une réunion avec les représentants du gouvernement de facto à Bogotá. Le dialogue entre le chancelier du gouvernement putschiste, Carlos López, et le président colombien Álvaro Uribe s’est développé autour de “la situation au Honduras, la situation interne que nous vivons” comme l’avouait lui-même quelques jours après le chancelier illégitime hondurien.

    López n’a pas eu de réserve quand il a indiqué qu’Uribe a exprimé sa "sympathie" pour le gouvernement de Micheletti et que la réunion s’est finie sur le fait que les deux nations sont “victimes d’agresseurs externes communs, comme Hugo Chávez” qu’il a considéré “une menace pour les nations, pour l’indépendance de chacune d’elles”. Le gouvernement colombien s’est trouvé obligé de reconnaître l’existence de la réunion, et qu’elle a été secrète, mais s’est déchargé en annonçant qu’elle avait été organisée dans le cadre de la médiation du président Oscar Arias, chose qui n’a été à aucun moment officiellement ratifiée part le président du Costa Rica.

    D’une même manière, dans des attitudes contradictoires, il a aussi eu, le gouvernement du Panama, qui à travers de son vice-président et chancelier, Juan Carlos Varela, a loué le 21 juillet passé les Forces Armées putschistes du Honduras. Varela a indiqué que “Au Honduras j’ai vu une armée responsable respecter les décisions de la Cour Suprême de Justice et resté concernée à la moitié d’une crise qu’ils n’ont pas déclenchée”, en oubliant que l’armée hondurienne n’est pas soumise aux ordres de la Cour suprême, mais à celles de son Commandant en Chef, le président légitimement élu par le peuple, dans notre cas : Manuel Zelaya.

    Lucia PinochetLa droite la plus réactionnaire de l’Amérique Latine a exprimé de diverses manières son appui au régime de Micheletti. Entre autres se remarque les déclarations d’appui au gouvernement illégitime de la part de la fille du dictateur chilien Augusto Pinochet, Lucía Pinochet, conseillère municipale de Vitacura à Santiago, ou de l’entrepreneur vénézuélien Pedro Carmona, qui a joué un rôle central dans le coup d’état à Caracas en 2002 qui a évincé durant 48 heures le président Hugo Chávez, ou même celle du leader apriste du congrès péruvien, Jorge del Castillo, qui s’est publiquement manifesté en indiquant que le putsch au Honduras “a été un contrecoup plus qu’un coup pour éviter le coup que Zelaya préparait”. Ni le Panama ni le Pérou n’ont retirés leurs ambassadeurs de Tegucigalpa. Pedro Carmona[NDT : Pour le Pérou, on peut aussi noter la présence de matériel de la police péruvienne utilisé par la police et l’armée hondurienne contre les manifestants]
    Au Venezuela, Globovisión, une chaîne de télévision appartenant aux adversaires du gouvernement présidé par Hugo Chávez, a aussi manifesté ses sympathies pour le coup d’état dans le petit pays de l’Amérique centrale. Jorge del CastilloDepuis le 28 juin , les directeurs des divers programmes de Globovisión ont fait plus qu’appuyer le coup d’état au Honduras, en accusant à son tour le gouvernement de Chávez d’ingérence pour avoir condamné le putsch. Dans ce sens, Guillermo Zuloaga, président de Globovisión a affirmé le 17 juillet passé que “Le gouvernement de Micheletti est adapté à la Constitution, et nous voulions, nous adorerions qu’ici au Venezuela que la Constitution fût respectée comme elle est respecté au Honduras”, il indique ainsi un clair appui au gouvernement des putschistes.

    Le même jour, le propriétaire de Globovisión également propriétaire du concessionnaire Toyoclub Valencia C.A., a admis que l’entreprise automobile qu’il dirige spécule sur les prix des véhicules. “Nous pouvons dire que nous spéculons, mais nous fournissions des sources d’emploi” Guillermo Zuloaga, a affirmé le propriétaire de Toyoclub, le concessionnaire fermé pour avoir escamoté 24 véhicules dans l’une des résidences de Zuloaga, située à Los Chorros, Caracas. Après avoir été interrogé pour savoir pourquoi des entrepreneurs comme lui spéculent sur les prix des véhicules, bien qu’ils reçoivent des devises à un prix officiel (Bs 2,15) de la part de la Commission d’Administration de Devises (Cadivi) pour leurs importations, Zuloaga a juste à nouveau indiqué que “les concessionnaires génèrent des postes”, en démontrant ainsi quelle est l’éthique patronale qui caractérise des entrepreneurs de ce type.

    Aux États-Unis le coup d’État au Honduras a disposé du soutien de diverses figures publiques du monde politique.

    Ileana Ros-LehtinenLa congressiste d’origine cubaine Ileana Ros-Lehtinen, déclarait peu de temps après le putsch que “les forces militaires au Honduras ont respecté la Constitution” après avoir expulsé le président José Manuel Zelaya du pouvoir. [NDT : cette congressiste est celle qui a lancé la proposition de résolution 749, voir la mise à jour en bas de cet article]

    Cette congressiste américaine, connue à Cuba comme la “Louve Féroce” après sa participation dans l’affaire Elián, n’a pas eu de pudeur en déclarant que “Zelaya a manifesté une conduite irrégulière par ses violations réitérées de la Constitution et des lois et à l’inobservance des résolutions et des sentences des organes institutionnels”.

    Ros-Lehtinen a appuyé la séquestration à Miami de l’enfant cubain Elián González, et elle est célèbre dans le Congrès pour donner son vote à toutes les causes de droite contre Cuba et les mouvements progressistes de l’Amérique Latine.

    Jim DeMintEgalement le sénateur américain du Parti Républicain par Caroline du Sud, Jim DeMint, qui a argumenté que le président constitutionnel Mel Zelaya est un “dictateur du même type que Chávez” et un “leader illégitime”, en même temps qu’il a exigé du président Obama qu’il “s’écarte des despotes” et que “les USA doivent donner tout l’appui aux gens de tout pays qui luttent pour les mêmes valeurs que nous partageons et nous défendons aux USA”. [NDT : DeMint est celui qui a organisé le comité du Congrès pour l’appui du putsch, voir cet article]

    Actuellement, DeMint maintient son blocage au vote de confirmation de l’académicien Arturo Valenzuela comme responsable au Département d’État des USA pour l’Amérique Latine. DeMint s’oppose aussi au vote de confirmation de Tom Shannon, sélectionné par le président Barack Obama comme ambassadeur pour le Brésil et qui occupait précédemment le poste pour lequel Valenzuela a été proposé.

    Le blocage d’une nomination est un droit auquel peuvent recourir les législateurs de l’opposition dans l’échafaudage compliqué législatif américain. “Le sénateur DeMint maintiendra le blocage contre les deux jusqu’à ce qu’il change la posture de l’Administration (Obama) à l’égard du gouvernement du Honduras”, comme ont indiqué des sources de son bureau à une agence de presse le 18 septembre passé.

    Ce sénateur est associé au groupe religieux conservateur connu comme “The Family” (une organisation internationale politique chrétienne), et il a publiquement appuyé la dictature militaire au Honduras dans les années 80, quand l’ambassadeur de l’époque américain, John Negroponte, avait transformé le Honduras en base pour les opérations paramilitaires contre le sandinisme et les mouvements révolutionnaires en Amérique centrale.

    Le mouvement “The Family” est déclarée aux USA comme une organisation non imposable, opérant sous le nom de la Fellowship Fundation. Tandis que cette fondation n’a pas de recettes elle dispose de revenus de plus de 12 millions de dollars en 2003 uniquement par le biais des dons. Sa mission, selon ses satuts, consiste à : “développer et maintenir une association informelle de groupes de personnes, se présentant comme `ambassadeurs d’une réconciliation`, en modelant les principes de Jésus, basés sur l’amour de Dieu et des autres”. Les groupes de ce mouvement se sont réunis au Pentagone et au Département de Défense, et ont des connexions directes et claires avec l’Agence Centrale d’Intelligence (CIA).

    Mitch McConellDeMint est l’un des membres les plus influant du groupe de sénateurs ultraconservateurs qui conteste la position du président Obama à l’égard du gouvernement illégitime du Honduras. Ces législateurs, dirigé par le leader conservateur de la haute chambre, Mitch McConell, ont exprimé dans une lettre envoyée à Hillary Clinton la nécessité de reconsidérer la position "unilatérale" de l’Administration Obama au sujet du Honduras.

    De même le congressiste républicain Aaron Shock a récemment divulgué une analyse du Service d’Investigations du Congrès américain, selon lequel "la destitution de l’ex-Président Zelaya a été constitutionnelle et nous devons (la) respecter", bien qu’il trouvât aussi illégal que le Président ait été expulsé du pays. Aaron Shock

    Pendant son discours, le congressiste a déclaré qu’il "est inacceptable que notre gouvernement (des EU) essaie d’obliger le Honduras à violer sa propre constitution après avoir coupé l’aide étrangère" en même temps il a recommandé de réactiver l’assistance américaine et internationale au Honduras, de rendre les visas des fonctionnaires honduriens, de reconnaître la légitimité de tels comices s’ils ont lieu d’une manière juste et impartiale. Finalement, Shock a recommandé que le gouvernement hondurien permet la sortie de Zelaya de l’ambassade brésilienne, reconnaît que son renversement a été un châtiment suffisant pour les mesures qu’il avait prises et qui ont mené à la situation, qu’il y ait un abandon des poursuites contre lui et que l’on émette une amnistie générale pour tous ceux qui ont été impliqués dans sa. Ainsi, Zelaya aurait le droit de faire une campagne pour le candidat de sa préférence dans les élections futures, mais s’il incite à la violence il devrait être arrêté et accusé.

    Conformément à The Washington Post, pour les "faucons" conservateurs, qui appuis le gouvernement conjuré de Micheletti, “Obama et le Département d’État des USA ont fusionné avec Chávez et ses alliées pour exiger que Zelaya soit remis au pouvoir”.

    Avec l’ambiguïté, et l’appui explicite, que les divers acteurs américains maintiennent à l’égard du Honduras, l’éditorial du quotidien new-yorkais The Wall Street Journal, du 1 juillet passé constitue une référence, on pouvait y lire que “le coup militaire arrivé au Honduras le 28 juin passé et qui a conduit à l’exil le président de ce pays de l’Amérique Centrale, Manuel Zelaya, est étrangement démocratique”. Dans cet éditorial il est écrit que “l’armée n’a pas renversé le président Manuel Zelaya par elle-même, mais en suivant un ordre de la Cour Suprême du Honduras”, et il se continue en indiquant que “les autorités législatives et judiciaires restaient intactes” après l’action militaire.

    Le plus spectaculaire de l’éditorial a consisté à remarquer que Obama s’est positionné à ce sujet “aux côtés des Nations Unies, de Fidel Castro, de Hugo Chávez et d’autres démocrates modérés”, en assurant à son tour que ce qui est arrivé au Honduras doit être lu “dans le contexte du chavisme latino-américain”.

    Le quotidien conservateur américain indique que Chávez a utilisé “l’argent provenant du pétrole vénézuélien pour aider Zelaya a gagner les élections honduriennes de 2005” et pour sa part Zelaya a essayé d’utiliser “de procédés illégaux pour forcer le Congrès afin qu’il réforme la Constitution”.

    L’éditorial finit par indiquer que “cette intimidation populiste a fonctionné sur beaucoup de points dans la région et au Honduras, d emanière compréhensible cela a faits peur à ceux qui sont atteints par une subversion antidémocratique similaire, appuyée par l’argent et les agents de Chávez, dans leur pays”.

    Après le renversement de Zelya le gouvernement conjuré a immédiatement établi un contrat avec le lobby américain Chlopak, Leonard, Schechter & Associates, lequel depuis quatre mois à touché plus de 290.000 dollars de la part du Honduras, son rôle a fondamentalement été de développer des manoeuvres en faveur des putschistes au sein du Capitole.

    En Europe, la fondation allemande Friedrich Naumann Stiftung (FNS) liée au FDP (le Parti Démocrate Libéral), elle a été dénoncée devant le Parlement allemand par le groupe parlementaire, Die Linke (La Gauche) pour son appui au gouvernement putschiste de Micheletti. Il alors pas surprenant de découvrir que cette fondation, donne aussi une couverture à Carlos Alberto Montaner, vice-président de l’Internacional Liberal, l’un des adversaires les plus acharné du régime cubain. La FNS développe aussi des opérations de propagande contre les gouvernements progressistes de la Bolivie, de l’Équateur, du Nicaragua et du Venezuela.

    En juillet 2007, l’agence allemande (indépendante) d’information German Foreign Policy remarquait que la FNS “commençait un nouveau programme pour développer un réseau de forces néolibérales à travers l’Amérique Latine en donnant une attention spéciale aux forces des adversaires de Cuba, du Venezuela et de la Bolivie”. La FNS se trouve derrière le “Réseau Libéral de l’Amérique Latine” (RELIAL) qui, selon sa propagande réunit 46 organisations de 17 pays.

    En Bolivie, sans aller plus loin, RELIAL a entre ses plus actifs noyaux envers le groupe FULIDE du propriétaire terrien Branko Marinkovic qui est à la tête du Comité séparatiste pro-Santa Cruz. FULIDE a la caractéristique d’exhiber des svastikas dans ses manifestations.

    Pour ce qui concerne les fondations, la Fondation espagnole ressort aussi pour les Analyses et les Études sociales (FAES), dirigée par l’ex-président José Maria Aznar. Cet organisme a émis un document daté du 15 juillet dans lequel il défend le renversement du président constitutionnel du Honduras, en déclarant le coup comme une action de légitime défense de la liberté et de la démocratie.

    La FAES considère que "la sortie de Zelaya illustre le premier recul important pour les intérêts de Hugo Chávez. Pour la première fois, les institutions d’un pays ont tourné le dos à un leader populiste et ont défendu la démocratie. La Constitution a fonctionné. On a évité la dévastation de la démocratie libérale".

    Au début d’un septembre, le Comité pour l’Amérique Latine (COLAT) du Conseil de l’Union européenne a approuvé à la majorité le maintient du Honduras dans les négociations pour l’Accord d’Association entre l’UE et l’Amérique Centrale, terminologie euphémique que l’UE utilise pour définir ses TLC (traité de libre-échange). Dans le COLAT du Conseil de l’Union, le gouvernement espagnol (socialiste) a échoué dans sa tentative de laisser le Honduras en dehors des négociations commerciales avec l’UE.

    Selon des sources du COLAT, la Commission "ne veut pas laisser le Honduras isolé" dans ces conversations, elles ont été paralysées en juillet peu de jours après la destitution et l’expulsion du pays de l’ex-président Manuel Zelaya. Il était prévu de finir les négociations cette année pour l’Accord d’Association, il entrera en vigueur en 2010.

    En même temps que le gouvernement espagnol justifie sa position devant ses associés communautaires en indiquant que l’Accord d’Association est une priorité pour ceux-ci, étant donné qu’ils arboreront la présidence de l’UE dans le premier semestre de l’année suivante, les pays de l’Amérique centrale débattent sur l’opportunité ou non de continuer le processus avec le Honduras, après la déclaration condamnatoire du Système d’Intégration de l’Amérique Centrale (SICA).

    La présence du gouvernement de facto hondurien dans les négociations signifierait en fait une reconnaissance implicite de tous les pays membres à la table des négociations.

    Mais les hâtes de l’UE et de certains pays d’Amérique Centrale, pour conclure ce processus, on entrainé que le 17 septembre dernier, le Costa Rica manifestait publiquement la nécessité de modifier l’ordre européen. “Je considère que ce que nous devons solliciter est un changement d’ordre (de négociation) avec l’UE”, a déclaré le ministre costaricien de Commerce Extérieur, Marco Ruiz. L’ordre de l’UE indique que l’accord se signera avec seulement cinq pays de l’Amérique Centrale c’est-à-dire le Costa Rica, le Guatemala, le Nicaragua, le Salvador et le Honduras.

    Le ministre costaricien a indiqué qu’il faut “profiter du temps” et que l’idée n’est pas de laisser le Honduras en dehors de l’accord, mais on ne peut adhérer tant qu’il n’aura pas un gouvernement légitimement reconnu. Cette position a entrainé la mise en touche des opérations de la diplomatie conjurée hondurienne dans sa recherche à ce que l’UE l’accepte à la table des négociations, bien que cet accord soit au final pour vendre encore plus le pays à des intérêts étrangers. [NDT : voir ALENA]


    Et les multinationales ?

    Le Canal 36 du Honduras (chaîne résistante), a dénoncé que l’entreprise TIGO appuie le gouvernement conjuré. Canal 36 était une chaîne de télévision sponsorisé par TIGO, mais à la suite de sa prise de position critique envers le gouvernement de facto, elle est a présent sans parrainage. [NDT : censurée depuis le début du putsch et même interdite d’émettre depuis la semaine dernière, tout comme Radio Globo]

    Dans les diverses manifestations contre le secteur patronal qui se sont déroulées au Honduras le 27 juillet dernier, les manifestants ont cassé les cartes SIM TIGO, en exprimant de cette façon leur rejet de l’appui que la compagnie donne au gouvernement conjuré.
    [NDT : A propos de Tigo, un contact au Honduras nous fait part que des SMS de propagande sont émis par l’opérateur TIGO]

    Selon ses porte-paroles, Radio Globo a pu vérifier que la compagnie TIGO a été fort pressée par “de gros clients” pour adopter une position pro-putschiste. Un fort boycott se développe actuellement de la part des secteurs de la Résistance Nationale contre l’entreprise de téléphonie. La compagnie TIGO (qui les ¾ des deux millions d’abonnés au téléphone mobile dans le pays) repérait et brouillait les appels vers Canal 36 et vers Radio Globo pour empêcher la communication des citadins et des citadines qui dénoncent les abus du régime conjuré en utilisant leur portable. [NDT : dans cette brève nous montrons également que TIGO n’hésite pas à envoyer des messages de propagande pro-putschistes à ses abonnés.]

    Dans un article publié le 18 juillet dans le quotidien hondurien El Libertador, a été publié une liste de 100 personnes considérées comme les instigateurs du putsch qui a renversé le président Manuel Zelaya. A la position 37 de la liste apparaît le Cubain de Miami Antonio Tavel Otero, directeur exécutif de TIGO.
    [NDT : voici l’article de El Libertador, ainsi qu’une traduction sur Le Grand Soir]

    TIGO est subsidiaire de Millicom Internacional, qui est à son tour propriétaire d’Amnet TV et a été impliqué dans un scandale de corruption au Costa Rica pendant le premier mandat d’Oscar Arias.

    TIGO.Millicom est propriété du groupe suédois Industriförvaltnings AB Kinnevik. Son directeur exécutif est Mikael Grahne et dans l’équipe de direction, il y a Daniel Johanesson, un ex-directeur de l’entreprise suédoise de trains SJ.


    Et les institutions de Bretton Woods ?

    Malgré l’appui international, incluant l’appui du FMI, appelant à la restitution du gouvernement légitime au Honduras, ce pays a reçu, le 28 août passé, une attribution de 150 millions de dollars du FMI comme faisant partie d’un programme d’aide pour adoucir l’impact de la crise globale (les Droits Spéciaux du Tour-DEG), selon la Banque Centrale hondurienne. Tout cela bien que d’autres organismes aient suspendu leur aide au pays après le coup d’état du 28 juin. La Banque Centrale du Honduras a également indiqué qu’elle recevra une attribution additionnelle de 13,8 millions de dollars de DEG par le FMI dans les semaines suivantes.
    [NDT : Depuis le FMI a suspendu l’accès à cet argent jusqu’aux élections du 29 novembre, cette suspension n’a été mise en place qu’à la suite de plaintes de la part de membres de l’ONU. Il faut rappeler également que le directeur général actuel du FMI est le socialiste (branche libérale) français Dominique Strauss-Kahn.]

    Le Honduras, qui a été exclu de l’OEA après le coup, a souffert de l’annulation de l’aide du BID et de la Banque Mondiale – environ 200 millions de dollars pour 2009 - et Washington a également annulé une aide militaire de 16,5 millions de dollars. [NDT : cela n’a pas empêché le Commandement Sud US d’inclure l’armée hondurienne dans les manœuvres militaires Panamx 2009]



    Decio Machado.

    Le webzine Rebelión a publié cet article à la demande explicite de l’auteur, en respectant sa liberté pour le publier dans d’autres médias.


    Source :
    Rebelión
    Quiénes apoyan al gobierno ilegítimo de Roberto Micheletti



    Traduction : Primitivi


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  • Honduras : la violence est du côté des putschistes

    Le second rapport du Comité de Familles de Détenus Disparus au Honduras (COFADEH) depuis le début du coup d’état est affligeant. Enorméments de violations des libertés fondamentales, beaucoup de cas de torture, des menaces de mort, des arrestations arbitraires, beaucoup d’atteinte aux femmes et aux jeunes. Ainsi les membres de l’organisation Jeunesse Populaire Morazaniste font l’objet de constantes menaces par SMS. D’un autre côté le Honduras est le pays où les oligarques ne sont pas des plus tendres, un peu comme partout en Amérique Latine d’ailleurs. Comme l’est Tuky Bendaña de San Pedro Sula, qui paie des policiers pour agresser les personnes qui lui font ombrage. Bref, même si le Honduras est un pays excessivement violent 50/1000 homicides par an la violence globale est tout de même toujours du même coté : les oligarques, les latifundistes, et depuis le 28 juin les putschistes.

    Le visage et les chiffres de la répression !

    21 assassinats officiellement recensés, parmi ceux-ci 4 professeurs ; plus de 4 000 plaintes de violation de la liberté fondamentale et de 114 citoyens et citoyennes accusées de sédition sont rapportés dans le second rapport sur les violations des droits de l’homme après le coup d’État, dénommé “le visage et les chiffres de la répression”.

    Dans la présentation du deuxième rapport sur les violations des droits de l’homme le Comité de Familles de Détenus Disparus au Honduras (COFADEH), révèle l’augmentation des violations des droits de l’homme pendant 115 jours de résistance contre le coup d’état perpétré le 28 juin dernier.

    Jusqu’à présent il y a 5 détenus politiques, 4 cas catalogués comme persécution directe de la jeunesse. Plusieurs d’entre eux ont eu à sortir du pays. De la même manière il y a 500 procédures de plaintes déposées par la population à l’Antenne d’Accès à la Justice du COFADEH.

    De plus sont inscrits 3 attentats contre des personnes et 95 menaces de mort. En ce qui concerne les atteintes à l’intégrité de la personne on enregistre 133 cas de traitements cruels qui ne sont rien d’autres que des tortures, parmi ceux-ci on trouve 15 cas de liaisons graves, 394 personnes présentent des lésions et des coups, et plus de 211 personnes sont affectées par des armes non conventionnelles.

    Violation de la liberté de circulation

    En ce qui concerne les droits à la liberté de circulation se sont produites 1 987 détentions illégales, 2 tentatives de séquestration et il y a eu 114 détenus politiques accusés de sédition, qui passent en jugement, mais maintenant en liberté conditionnel.

    10 allanamientos, 13 plaintes pour persécution envers des responsables sociaux et des défenseurs des droits de l’homme, ainsi que 4 attentats contre des organisations, parmi celles-ci le Syndicat de Travailleurs des Boissons et Similaires (STIBYS), le Syndicat de Travailleurs du Patronage National de l’Enfance (SITRAPANI) et le COFADEH.

    Le premier rapport dénonçait les violations des droits de l’homme enregistrées dans une période allant du 28 juin au 17 juillet. Et ce second rapport lui va du 16 juillet au 15 octobre 2009.

    Au sujet de la liberté d’expression, 14 violations ont été enregistrées contre des médias et 12 agressions contre des journalistes. En ce qui concerne la liberté de circulation, il y a eu 52 retenues militaires et policières durant les couvre-feux ordonnés du régime de facto.

    “Connaissant les effets de la dictature militaire nous pouvons dire que ce n’était pas un fait isolé mais nous étions en face de toute une stratégie non pour prendre et contrôler le pouvoir durant deux mois, mais pour prendre ce pouvoir a long terme, ou bien que la dictature est arrivée pour rester dans la région”, a déclaré Bertha Oliva, coordinatrice du COFADEH.

    Bien que la dictature militaire que nous vivons aujourd’hui a des traits similaires à celle que nous avons subit pendant les années quatre-vingts, une différence importante est qu’à cette époque les tortionnaires du peuple cachaient leurs visages, ils cachaient aussi leurs noms.

    “Aujourd’hui, au contraire, les tort ont un visage, ils ont un nom et nous sommes devant des gens avec un uniforme bleu, vert olive et blanc. L’autre de nos grands soucis est la stratégie de la dictature militaire contre le secteur de l’éducation qui se matérialisent depuis les détentions illégales et arbitraires à la rétention d’universitaires, en passant par l’enregistrement des profils, de requêtes de procureurs pour les poursuivre et lancer un procès, jusqu’à arriver à l’assassinat.

    Conformément aux registres de cet organisme, les morts des maîtres Roger Abraham Vallejo, Mario Contreras, Félix Murillo et Eliseo Hernández, sont en relation avec le contexte du coup d’état.

    Carlos H. Reyes, le candidat présidentiel indépendant et le membre du Front National de Résistance Contre le Coup d’État, a déclaré que le COFADEH a gagné le poste qui lui correspond bien au dessus de ceux qui se disent, au sein de l’état, défendre les droits de l’homme.

    De la même manière, Anarely Vélez, représentant le Comité pour l’Expression Libre (C-Libre), a soutenu que depuis que s’est produit le coup d’État ils ont lancé au monde une série d’alertes qui dénonçaient les attaques contre les médias comme Radio Globo, Canal 36, Radio Progrès, Canal 11, Diario Tiempo et la persécution de différents journalistes dans l’exercice de leur profession.

    Finalement le directeur Exécutif d’ACI-PARTICIPA et d’ex-Commissaire National des Droits de l’Homme, Leo Valladares Lanza, a dit que toutes les actions du gouvernement de facto, n’ont été rien de plus qu’une autre stratégie pour étouffer les voix qui dénoncent les droits de l’homme.

    Valladares Lanza condamne le coup d’État et mis en avant le fait qu’un mandataire des droits de l’homme doit être la voix de ceux qu’ils n’ont pas, ou encore de ceux qui l’ont mais qu’on écoute pas.

    Données provenant de defensoresenlinea.com

    Source :
    Revistazo ¡Rostros y cifras de la represión !
    Defensoresenlinea.com El COFADEH revela un aumento de graves violaciones a DDHH en Honduras
    Traduction : Primitivi


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  • Bolivie: capitalisme andino-amazonien ?

    Affrontements gauche-droite au Venezuela et en Bolivie |1|

    Le Venezuela et la Bolivie connaissent de véritables batailles entre la gauche au gouvernement et la droite qui, bien qu’étant dans l’opposition, détient le pouvoir économique et médiatique (sans compter les puissants appuis qu’elle compte dans l’appareil d’Etat – les ministères, la justice, une partie de l’armée - et dans la hiérarchie des Eglises catholique – surtout - et protestante).

    Au Venezuela, les batailles les plus agressives livrées par la droite ont commencé après trois ans de gouvernement Chavez, c’est-à-dire début 2002 en réaction aux réformes économiques décidées par le gouvernement au cours de l’année 2001. Cela a pris la forme d’affrontements majeurs comme le coup d’Etat d’avril 2002, la grève patronale de décembre 2002-janvier 2003, l’occupation de la place Altamira à Caracas par des généraux séditieux et des dirigeants de l’opposition politique. Elles ont commencé à fortement baisser d’intensité après août 2004 grâce à la victoire du non au référendum révocatoire du président Chavez |2|. Depuis lors, la droite cherche des occasions pour reprendre l’initiative mais sa capacité de mobilisation a été fortement réduite.

    En Bolivie, la droite a livré de véritables batailles en 2007 et en 2008 après moins de deux ans de gouvernement Morales. Elle a utilisé la violence à plusieurs reprises et choisi une stratégie de batailles frontales en 2008. La victoire d’Evo Morales au référendum révocatoire d’août 2008 avec 67,43% des voix |3| n’a pas entraîné une réduction de la violence de la droite. Au contraire, cette violence est allée crescendo pendant plusieurs semaines après son échec au référendum, notamment parce que la droite se sentait capable de réunir une majorité dans plusieurs départements-clés de l’Est du pays. Or les résultats du référendum révocatoire d’août 2008 montrent que la popularité d’Evo Morales, indiscutable à l’échelle nationale est aussi relativement forte dans les départements de l’orient majoritairement favorables aux statuts d’autonomie et opposés à la nouvelle Constitution (il obtient 52,5% dans le Pando, 49,8% à Tarija, 43,7% dans le Beni et 40,7% à Santa Cruz).

    La réaction très forte du gouvernement et la mobilisation populaire face au massacre de partisans d’Evo Morales dans la province de Pando (combinée à la condamnation internationale notamment de la part de l’UNASUR qui s’est réunie de manière extraordinaire en septembre 2008 pour apporter son soutien au gouvernement d’Evo Morales) ont fini par provoquer un armistice (provisoire). Après un an de boycott, la droite s’est engagée à accepter l’organisation du référendum sur la nouvelle Constitution. Cela a débouché sur une nouvelle victoire pour Evo Morales fin janvier 2009 : la nouvelle Constitution a été approuvée par 62% des votants.

    Retour sur les affrontements en Bolivie en 2008

    Le gouvernement d’Evo Morales a dû affronter en 2008 une opposition très violente de la droite représentant les intérêts de la classe capitaliste locale (industriels, grands propriétaires fonciers, groupes financiers) liée aux intérêts des transnationales privées qui exploitent les ressources naturelles (pétrole, gaz, différents minerais). Álvaro García Linera, vice-président de la Bolivie, offre dans une interview |4| une vision stratégique de ces affrontements. En voici quelques extraits particulièrement significatifs. Il part du constat que la droite refusait d’accepter sa situation de force politique minoritaire et avait opté pour la séparation entre les départements orientaux riches |5| et le reste du pays où se trouve la capitale La Paz. Ensuite, il décrit la politique suivie par le gouvernement qui a refusé l’affrontement à plusieurs reprises avant de choisir de frapper fort.

    « La droite n’était pas disposée à être incluse dans le projet national - populaire comme force minoritaire et dirigée, et elle optait pour l’explosion territoriale. La lutte pour le pouvoir se rapprochait du moment de sa solution belliqueuse ou finale dans la mesure où, en dernière instance, le pouvoir de l’Etat est coercition. C’est ce que nous appelons « le point de bifurcation », c’est le moment où la crise de l’Etat, entamée huit ans auparavant, se résout soit via une restauration du vieux pouvoir étatique, soit via la consolidation du nouveau bloc de pouvoir populaire. (…)

    Après les résultats du référendum d’approbation du mois d’août 2008, le bloc civico-préfectoral (c’est-à-dire la droite, NdET) commence son escalade putschiste : ils prennent les institutions, on attend ; ils attaquent la police, on attend ; ils détruisent et saccagent des édifices d’institutions publiques dans 4 départements, on attend ; ils désarment les soldats, on attend ; ils prennent les aéroports, on attend (…). Ils se lancent eux-mêmes dans une voie sans issue. (…) Le préfet déclenche le massacre de Pando |6| dans le but de donner un signal d’intimidation aux leaders populaires… et cet acte pousse dans ses derniers retranchements la tolérance de la totalité de la société bolivienne. Le massacre des paysans amène la population à tirer un trait d’égalité entre les préfets de droite et leur mentor Sánchez de Lozada (le président renversé en octobre 2003 par la colère populaire, NdET) ou García Meza |7|, et a forcé l’Etat à réagir par une intervention rapide, aiguë, en défense de la démocratie et de la société. Et sans douter une seule seconde, nous visons le maillon le plus faible de la chaîne putschiste : Pando. Il s’est agi du premier état de siège dans l’histoire bolivienne qui ait été dicté par la défense et la protection de la société, avec l’appui total de la population horrifiée par l’action des putschistes.

    Ce fait, ajouté au rejet des putschistes par la communauté internationale, mettra un terme à l’initiative civico-préfectorale, entraînant leur repli désordonné. C’est le moment d’une contre-offensive populaire où les organisations sociales et populaires du département de Santa Cruz |8| ont été en première ligne. Non seulement les paysans et les colonizadores |9| se mobilisent mais aussi les pauvres des quartiers populaires de Santa Cruz et spécialement les jeunes des villes qui, lors de journées mémorables de résistance contre les bandes fascistes, défendront leurs districts à Santa Cruz et rompront la domination clientéliste des loges de Santa Cruz.

    La vigueur et la fermeté de la riposte politique et militaire du gouvernement contre le coup, ajoutées à la stratégie de mobilisation sociale dans Santa Cruz et vers Santa Cruz, a créé une parfaite articulation entre société et Etat rarement vue dans l’histoire politique de la Bolivie. C’est cette force de frappe que le projet indigéno-populaire déploya au moment décisif. La droite évalua l’état de ses troupes de choc, isolées, en débandade et se rendit compte du haut niveau de la volonté politique du bloc indigéno-populaire qui était prêt à tout. La droite préféra déclarer forfait et se rendre. C’est ainsi que le cycle de la crise étatique, de la polarisation politique s’est refermé et que la structure durable d’un nouvel Etat s’est imposée au cours d’une épreuve de force belliqueuse.  »

    Álvaro García Linera poursuit en établissant un parallèle historique : « Une chose pareille a eu lieu en 1985 |10|, quand les mineurs qui constituaient le noyau de l’Etat nationaliste se rendirent face aux divisions de l’armée qui protégeaient le projet néolibéral. Aujourd’hui, le bloc des entrepreneurs et des propriétaires terriens doit assumer la défaite et céder le pas à la nouvelle corrélation de forces politiques de la société. A sa manière, septembre – octobre 2008 aura le même effet sur l’Etat que la défaite de la « marche pour la vie » des mineurs de 1986. A part que maintenant, c’est le bloc populaire qui fête la victoire et les élites de l’argent qui doivent assumer leur défaite historique.  »

    Jusque là, Álvaro García Linera développe un point de vue fort optimiste sur la déroute politique de la droite, mais plus loin dans l’interview, il souligne lui-même que celle-ci ne manque pas de points d’appui pour rebondir et chercher à reprendre l’initiative pour en finir avec l’expérience de gauche en cours : « La bourgeoisie rentière n’a déjà plus les entreprises pétrolières pour alimenter généreusement ses revenus. Le réseau clientéliste agraire que les rentiers de la terre ont créé dans le milieu agro-industriel s’est énormément affaibli avec l’existence de l’entreprise d’Etat d’aliments EMAPA et le fait que la part publique de la chaîne de production du soja, du blé, du riz représente entre 20 et 30% de la production totale. Mais le bloc d’opposition irréductible conserve encore des espaces importants de pouvoir agricole |11|, commercial et financier et cela lui donne une grande capacité de pression et de confrontation.

    Par contre, ce qu’il n’a pas aujourd’hui, et cela peut durer des années, c’est un projet d’Etat ; combien de temps n’en aura-t-il pas ? Personne ne le sait, mais il a comme objectif d’essayer d’empêcher le projet populaire de continuer à avancer. A la différence des classes populaires qui en 1985 ont été battues et matériellement déstructurées pour donner lieu à un cycle lent de réorganisation, la droite n’est pas dans cette situation. La droite a subi un choc politique, a perdu la direction de l’Etat, a perdu la capacité de séduire la société à partir de l’Etat mais elle a encore beaucoup de pouvoir économique. Il y a une différence dans la forme de consolidation du point de bifurcation quand le secteur populaire est défait, politiquement et matériellement, ou quand il s’agit du secteur patronal, parce que celui-ci peut perdre politiquement mais conserver le pouvoir économique qui lui permet de garder un pouvoir de veto permanent. »

    Revendications des peuples indigènes originaires |12| et avancées dans la nouvelle constitution de 2009

    Pour connaître le projet politique indigéniste défendu par d’importantes organisations liées au MAS (Mouvement vers le socialisme, le parti du président Evo Morales –voir point suivant- ), il faut se référer au Pacte d’Unité qui a été rendu public en septembre 2006 pour préparer l’Assemblée constituante.

    Autonomie : "L’autonomie indigène, originaire et paysanne, en tant qu’axe fondamental du processus de décolonisation et d’autodétermination, est la condition et la base de liberté de nos peuples et nations. Elle se fonde sur des principes fondamentaux, générateurs d’unité et d’articulation sociale, économique et politique, non seulement entre nos peuples et nations, mais également dans la société dans son ensemble. Elle vise la construction permanente d’une vie pleine et entière, via des formes propres de représentation, administration et propriété de nos territoires."

    Régime foncier et territorial : "Le droit originel sur les ressources non renouvelables appartient aux nations et aux peuples indigènes originaires et paysans. La propriété des ressources non renouvelables appartient quant à elle à part égale aux nations et peuples indigènes originaires et paysans, et à l’Etat unitaire plurinational." Cette formulation est sujette à des interprétations différentes. En effet, ce qui tend à dominer dans la politique du gouvernement d’Evo Morales, c’est l’exploitation des ressources naturelles par l’Etat comme l’affirme très clairement le vice-président de la République dans une interview récente (voir plus loin L’exploitation des ressources pétrolières de la région amazonienne de la Bolivie).

    Latifundio : "[L’Etat doit] distribuer les terres de manière équitable, se porter garant des droits et nécessités actuelles et à venir des nations et peuples originaires et paysans, et veiller au bien-être de la population dans son ensemble."

    Education : "La priorité de l’Etat plurinational est de donner à l’éducation, pilier fondamental, un caractère intraculturel, interculturel, pluriculturel et plurilingue, à tous les échelons et sous des formes diverses ; conformément à la diversité ethnique et linguistique du pays, l’enseignement et l’administration utiliseront en priorité la langue indigène, l’espagnol ensuite comme langue de communication interculturelle."

    Le Pacte d’unité réclame aussi la coexistence des systèmes juridiques indigènes originaires et paysans avec le système juridique occidental et la création d’un quatrième pouvoir indépendant par rapport à l’Etat : le pouvoir social instituant alternatif qui trouve sa source dans les mouvements sociaux. Le thème du pouvoir social plurinational a été amplement débattu, en tant que "quatrième pouvoir" à caractère civil et corporatif (ses membres seraient choisis par les us et coutumes et par le suffrage universel). Il aurait pour attribution de "veiller sur et contrôler" les pouvoirs de l’Etat et aurait la faculté de les sanctionner, étant indépendant d’eux - une idée qui n’a finalement pas été reprise dans la NCPE (Nouvelle Constitution politique de l’Etat).

    La nouvelle constitution qui a finalement été approuvée en janvier 2009 lors du référendum constitutionnel par 62% des votants constitue une avancée pour les peuples indigènes et originaires. Cette constitution garantit entre autres : la reconnaissance des langues indigènes, la reconnaissance des droits des nations et peuples indigènes à l’exercice de leur propre système politique, juridique et économique, l’établissement de Territoires « indigènes originaires paysans » dotés de compétences en terme de définition de forme propre de développement, d’administration de la justice indigène, de gestion des ressources naturelles renouvelables, etc. Plusieurs parties de la constitution garantissent ces droits.
    Ci-dessous en version intégrale la partie I, Titre II, chapitre 4.

    Encadré  : Droits des Nations et des peuples indigènes originaires et paysans
    (Extraits de la nouvelle constitution de la Bolivie)
    Chapitre Quatre

    Article 30. I. Est une nation ou un peuple indigène originaire et paysan, toute collectivité humaine qui partage une identité culturelle, une langue, une tradition historique, des institutions, un territoire et une cosmovision dont l’existence est antérieure à l’invasion coloniale espagnole.

    II. Dans le cadre de l’unité de l’Etat et en accord avec cette Constitution, les nations et les peuples indigènes originaires et paysans jouissent des droits suivants :


    1. A exister librement.
    2. A leur identité culturelle, leur croyance religieuse, leur spiritualité, leurs pratiques et coutumes et à leur propre cosmovision.
    3. A ce que l’identité culturelle de chacun de ses membres, s’il le désire, soit inscrite avec la citoyenneté bolivienne sur sa carte d’identité, passeport ou tout autre document d’identification ayant une validité légale.
    4. A l’auto détermination et territorialité.
    5. A ce que leurs institutions fassent partie de la structure générale de l’Etat.
    6. A l’octroi d’un titre de propriété collective des terres et des territoires.
    7. A la protection de leurs lieux sacrés.
    8. A créer et administrer des systèmes, des moyens et des réseaux de communication propres.
    9. A ce que leurs savoirs et connaissances traditionnels, leur médecine traditionnelle, leurs langues, leurs rituels et leurs symboles et vêtements soient valorisés, respectés et promus.
    10. A vivre dans un environnement sain, avec une gestion et une utilisation adéquates des écosystèmes
    11. A la propriété intellectuelle collective de leurs savoirs, sciences et connaissances ainsi qu’à leur valorisation, utilisation, promotion et développement.
    12. A une éducation intra-culturelle, interculturelle et multilingue dans tout le système éducatif.
    13. A un système de santé universel et gratuit qui respecte leur cosmovision et leurs pratiques traditionnelles.
    14. A l’exercice de leurs systèmes politiques, juridiques et économiques en accord avec leur cosmovision.
    15. A être consultés au moyen de procédures appropriées et en particulier à travers leurs institutions, chaque fois que sont prévues des mesures législatives ou administratives susceptibles de les affecter. Dans ce cadre, on respectera et on garantira le droit à une consultation préalable obligatoire, réalisée par l’Etat, de bonne foi et en concertation, en ce qui concerne l’exploitation des ressources naturelles non renouvelables dans le territoire qu’ils habitent |13|.
    16. A la participation aux bénéfices de l’exploitation des ressources naturelles dans leurs territoires.
    17. A la gestion territoriale indigène autonome et à l’usage et bénéfice exclusif des ressources naturelles renouvelables existantes sur leur territoire sans préjudice des droits légitimement acquis par des tiers.
    18. A la participation aux organes et institutions de l’Etat.

    III. L’Etat garantit, respecte et protège les droits des nations et des peuples indigènes originaires et paysans consacrés dans cette Constitution et dans la loi.

    Article 31. I. Les nations et peuples indigènes originaires en danger d’extinction, en situation d’isolement volontaire et sans contacts, seront protégés et respectés dans leurs formes de vie individuelle et collective.

    II. Les nations et peuples indigènes isolés et sans contacts jouissent du droit à rester dans cette condition et du droit à la délimitation et à la consolidation légale du territoire qu’ils occupent et habitent.

    Article 32. Le peuple afro-bolivien jouit, en tout ce qui le concerne, des droits économiques, sociaux, politiques et culturels reconnus dans la Constitution pour les nations et les peuples indigènes originaires et paysans.

    L’épreuve du pouvoir pour le MAS

    Le parti du président Evo Morales, le MAS-IPSP (Mouvement vers le socialisme – Instrument politique pour la souveraineté des peuples), a la particularité d’avoir été créé par des organisations syndicales paysannes à la fin des années 1990 |14|. En ce qui concerne la nature sociale du MAS, Pablo Stefanoni |15| se demande aujourd’hui s’il ne serait pas intéressant d’étudier ce mouvement politique en tant que parti de petits propriétaires ruraux et urbains (commerçants, micro-entrepreneurs) d’origine indigène.

    Si on adopte cet angle de vision, cela modifie la compréhension de cette organisation politique vue jusqu’ici comme l’émanation des mouvements sociaux des plus opprimés. Ceci dit, il s’agit bien de petits propriétaires qu’on aurait tout à fait tort d’ostraciser. En effet, ils ont parfaitement leur place dans un processus de construction d’une société alternative au capitalisme, une société de transition vers le socialisme. Pablo Stefanoni pose une autre question qui pousse plus loin l’interrogation : « L’accumulation familiale – rebaptisée « capitalisme andin » – ne repose-t-elle pas pourtant sur des formes d’exploitation et d’auto-exploitation au moins égales – généralement pires – à celles qui prévalent dans le capitalisme formel, régulé par le droit du travail |16| ? »

    Disposant depuis 2006 d’une majorité à la Chambre des députés, le MAS est confronté à l’exercice du pouvoir politique. Au fil du temps, comme tout parti de gauche qui fait l’exercice concret de la participation aux institutions parlementaires et au gouvernement, une évolution se fait jour. Le MAS ne fait pas exception. Comme le dit simplement Pablo Stefanoni, le raisonnement d’un certain nombre de militants change : « la politique doit servir à changer le pays », on passe à « pourquoi n’ai-je pas droit, moi, à un poste, alors que j’ai fait campagne et me suis battu pour que le MAS gagne ? ». C’est d’autant plus répandu que, selon une règle de fonctionnement du MAS, les candidats paient eux-mêmes les frais de leurs campagnes électorales, cela signifie qu’un certain nombre d’entre eux (la majorité ?) s’endette pour pouvoir mener une campagne électorale permettant d’avoir des chances d’être élu |17|.

    Dans certains cas, ils prennent aussi des engagements afin de s’assurer des appuis. Cela conforte le clientélisme qui imprégnait déjà la vie politique du pays.
    Lorsque le MAS a accédé au gouvernement, il a annoncé qu’il rompait avec une tradition qui voulait que le parti victorieux licencie un grand nombre de fonctionnaires pour les remplacer par ses membres ou ses protégés/clients. Il a fixé un maximum de remplacement à un niveau très bas : 5% des fonctionnaires afin de garantir l’institutionnalisation non partidaire de la fonction publique. Cette décision a été difficilement acceptée par une partie des militants qui espéraient que leur effort pendant la campagne électorale et lors des luttes serait récompensé par un ou des postes de travail. Finalement, la direction du MAS a flexibilisé sa position et est allée au-delà de la limite des 5%.

    En janvier 2007, un scandale a éclaté à La Paz : certains militants du MAS se sont fait payer afin de donner leur soutien à des candidats fonctionnaires. Mais cela n’a pas pris des proportions massives. Début 2009, un deuxième scandale a causé plus de dégâts : Santos Ramirez, dirigeant historique du MAS |18| qui avait été placé à la tête de l’entreprise pétrolière publique YPFB, a été pris en flagrant délit de corruption à grande échelle. Le MAS au gouvernement a réagi très fermement afin de donner l’exemple. Santos Ramirez a été emprisonné dans l’attente de son procès. Le MAS a montré à la société que bien que certains de ses cadres n’étaient pas immunisés contre la corruption, le parti rompait avec la tradition d’impunité des mandataires politiques en étant favorable à leur condamnation en cas de délit. Ceci dit, le scandale Santos Ramirez a provoqué une véritable commotion qui laissera des traces |19|.

    Lorsqu’Evo Morales a accédé à la présidence, il a pris une mesure exemplaire afin de montrer qu’il mettait fin à des privilèges : il a baissé son propre salaire. Evidemment, cela a été très bien perçu dans la population, à juste titre. Cette mesure a impliqué de baisser également les salaires des autres mandataires politiques car il est inconcevable que ceux-ci gagnent plus que le président et ne donnent pas eux-mêmes l’exemple d’un gouvernement refusant des privilèges pour lui–même. Par la suite, le gouvernement a cru bon de flexibiliser sa position afin de permettre l’octroi de hauts salaires à des dirigeants d’entreprises publiques. Ceux-ci sont autorisés à gagner plus que le président de la République. Álvaro García Linera, qui justifie cette décision, l’appelle la NEP bolivienne en faisant référence à la NEP appliquée sur recommandation de Lénine au début des années 1920 en Russie soviétique |20|.

    Álvaro García Linera, vice-président de la Bolivie, plaide pour un « capitalisme andino-amazonien »

    Álvaro García Linera est partisan du développement d’un « capitalisme andino-amazonien » dans lequel l’Etat joue un rôle clé. Sans déformer la proposition, on peut considérer que le vice-président bolivien est favorable à une forme andine-amazonienne de capitalisme d’Etat. De manière imagée, en utilisant l’image du train, il décrit clairement la hiérarchie des acteurs de ce modèle : « L’Etat est le seul acteur qui peut unir la société. C’est lui qui assume la synthèse de la volonté générale, planifie le cadre stratégique et guide le premier wagon de la locomotive économique. Le deuxième, c’est l’investissement privé bolivien. Le troisième, l’investissement étranger. Le quatrième, la petite entreprise. Le cinquième, l’économie paysanne et le sixième, l’économie indigène. Tel est l’ordre stratégique dans lequel doit se structurer l’économie du pays |21| ». La perspective ouverte par Álvaro García Linera est clairement distincte ou opposée à un authentique socialisme du XXIe siècle. Il faut reconnaître qu’il ne déguise pas la nature réelle du projet qu’il défend sous des phrases socialistes ronflantes.

    Pablo Stefanoni attribue à Evo Morales une perspective proche ou identique à celle de son vice-président Álvaro García Linera : « Loin d’encourager la lutte des classes dans son acception marxiste, Evo Morales réactualise les clivages déjà mentionnés – nation/antination, peuple/oligarchie – et promeut de fait une nouvelle « alliance de classes » – sans pour autant utiliser ce terme qui rappelle les années 1950. Alliance qui inclut les « entrepreneurs patriotes » et les « militaires nationalistes », pour construire un « pays productif et moderne », grâce aux bénéfices des ressources naturelles « récupérées par l’Etat ». L’essentiel du programme économique gouvernemental porte ainsi sur la modernisation/industrialisation d’une économie en retard, sous la direction d’un Etat fort, qui remplace une bourgeoisie nationale inexistante |22|. » Cela nous mène aux antipodes de nombreuses prises de positions d’Evo Morales dans des forums internationaux et dans le pays quand il dénonce le système capitaliste et déclare qu’il faut en débarrasser la planète.

    Par ailleurs, Álvaro Garcia Linera met en cause une certaine vision « ONGéiste » |23| et « indigéniste » des Indiens de Bolivie : « La vision selon laquelle le monde indigène a sa propre cosmovision, radicalement opposée à celle de l’Occident, est typique des indigénistes de la dernière heure ou étroitement liés à certaines ONG. Je ne veux pas dire pour autant qu’il n’existe pas des logiques organisationnelles, économiques et politiques spécifiques. Au fond, tous veulent être modernes.

    Les insurgés de Felipe Quispe, en 2000, demandaient des tracteurs et Internet. Ceci n’implique pas l’abandon de leurs logiques organisationnelles. D’ailleurs, cela se voit dans les pratiques économiques indigènes. Le développement des entreprises indigènes possède une logique très flexible. Ils cherchent à accumuler mais jamais ils ne risquent tout pour l’accumulation. D’abord, je commence à travailler seul avec mon entourage familial, noyau de base ultime et irréductible ; ça marche très bien : j’embauche plus de personnes et j’arrête de travailler ; ça ne marche pas : je reviens au second niveau ; ça marche très mal : je retourne dans ma famille où on supporte tout. Jamais on ne rompt avec la logique familiale… Ils veulent se moderniser mais ils le font à leur manière. Ils peuvent exporter, s’intégrer à la mondialisation, mais le noyau familial reste le dernier refuge où on est capable de survivre avec seulement du pain et de l’eau.

    Quand l’activité économique croît à 10, 15 travailleurs, au lieu d’aller jusqu’à 30, 40 ou 50 personnes, ils s’arrêtent et une autre petite entreprise surgit, celle du fils, du beau-frère, il y a une logique de ne jamais mettre tous ses œufs dans un même panier. C’est différent d’une accumulation très rationnelle wébérienne, avec des économies d’échelle, avec beaucoup d’innovation technologique. Dans ce cas, la famille n’est jamais le dernier point d’appui de l’activité productive, c’est un élément de liens, de réseaux, de marchés, de logiques matrimoniales… Il y a une logique propre au monde indigène mais ce n’est pas une logique antagonique, séparée de la logique « occidentale ». Ceux qui ont participé aux derniers mouvements s’en rendent bien compte. » |24|

    L’exploitation des ressources pétrolières de la région amazonienne de la Bolivie

    De manière cohérente, par rapport à la perspective d’un « capitalisme andino-amazonien », Álvaro Garcia Linera plaide, dans l’interview ci-dessous, pour l’exploitation des ressources pétrolières de la région amazonienne. Là aussi, il défend une « real politik » en décalage avec le discours écologiste souvent tenu par le président bolivien…

    « Dans le cas de l’exploration de gaz et de pétrole dans le nord amazonien de La Paz, nous cherchons à produire des hydrocarbures pour équilibrer géographiquement les sources de richesse collective de la société, générer un excédent étatique et simultanément préserver l’espace environnemental en coordination avec les communautés indigènes. Aujourd’hui, nous ne sommes pas en train d’ouvrir le passage dans le nord amazonien pour faire entrer Repsol ou Petrobras. Nous sommes en train d’ouvrir le passage pour faire entrer L’Etat. (…)
    Est-il obligatoire d’exploiter le gaz et le pétrole dans le nord amazonien de La Paz ? Oui. Pourquoi ? Parce nous avons besoin d’équilibrer les structures économiques de la société bolivienne étant donné que le développement rapide de Tarija |25| avec 90% du gaz, va générer des déséquilibres à long terme. (…)

    Question : Et si les communautés disent que l’Etat non plus ne peut y entrer ?

    C’est le débat. Qu’est-ce qui s’est passé ? Quand nous avons consulté la Centrale des Peuples Indigènes de La Paz (en espagnol, CPILAP), on nous a demandé d’aller négocier à Bruxelles avec leur cabinet d’avocats et de respecter des principes environnementalistes publiés par l’USAID. Comment est-ce possible ? Qui veut empêcher que l’Etat explore du pétrole au nord de La Paz : les communautés indigènes Tacanas ? Des ONG |26| ? Ou des pays étrangers ? Pour cela, nous sommes allés négocier communauté par communauté et nous avons obtenu là l’appui des communautés indigènes pour poursuivre l’exploration et l’exploitation de pétrole. Le gouvernement indigéno-populaire a consolidé la longue lutte des peuples pour la terre et le territoire.

    Dans le cas des peuples indigènes minoritaires des terres basses, l’Etat a consolidé des millions d’hectares comme territorialité historique de beaucoup de peuples de petite densité démographique ; mais à côté du droit d’un peuple à la terre, il y a le droit de l’Etat (de l’Etat mené par le mouvement indigéno-populaire et paysan), de donner la priorité à l’intérêt collectif supérieur de tous les peuples. Et c’est ainsi que nous allons procéder par la suite |27|. »

    Cette prise de position n’est pas sans rappeler les différences politiques qui s’expriment en Equateur entre, d’une part, Rafael Correa qui est assez proche de la démarche d’Álvaro Garcia Linera et, d’autre part, celles de la CONAIE (Confédération des Nations indigènes d’Equateur) et de l’ONG « Accion ecologica ». Rafael Correa a critiqué à plusieurs occasions les prises de position des « gauchistes » et des « écologistes radicaux » qui s’opposent à l’exploitation des ressources naturelles du pays.

    Néanmoins, malgré ces critiques, la position officielle du gouvernement et du président équatoriens consiste jusqu’ici à proposer à la communauté internationale de ne pas entamer l’exploitation du pétrole qui se trouve dans le territoire Yasuni situé dans l’Amazonie équatorienne |28|. Alberto Acosta (ex-président de l’Assemblée constituante en 2008 et membre du même parti que Rafael Correa, mais défendant des positions sensiblement différentes sur plusieurs thèmes) est un des grands promoteurs et défenseurs de la proposition équatorienne |29|.

    Il est légitime de se poser les questions suivantes : en convainquant, au nom du « bloc indigéno-populaire » (pour reprendre l’expression d’Álvaro Garcia Linera), les populations amazoniennes d’accepter l’exploitation des ressources non renouvelables du sous-sol des territoires ancestraux qu’elles occupent, le gouvernement d’Evo Morales ne s’inscrit-il pas dans la poursuite d’un modèle extractif productiviste ? Un gouvernement de droite n’aurait-il pas affronté une résistance populaire très forte de la part des peuples indigènes s’il avait voulu exploiter sur leur territoire le pétrole d’Amazonie bolivienne ? Si dans quelques années, la droite revient au pouvoir ne réduira-t-elle pas radicalement les concessions que le pouvoir central a accordées aux peuples originaires quand il a voulu obtenir le droit d’exploiter les ressources de leurs territoires ? Dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux pour les peuples originaires indigènes de refuser l’exploitation industrielle des ressources naturelles non renouvelables ?

    Notes

    |1| Pour une présentation de l’élection d’Evo Morales à la présidence de la Bolivie et des 2 premières années de son mandat, voir Eric Toussaint : « Bolivie : avancées sur les biens communs et la réforme constitutionnelle » en ligne sur le site www.cadtm.org

    |2| Le référendum révocatoire a constitué une véritable défaite politique pour la droite puisque Chavez a été plébiscité avec 59,10% de suffrages en sa faveur (5.800.629 voix), soit 1.810.000 voix de plus que ceux qui se sont exprimés pour sa révocation http://es.wikipedia.org/wiki/Refer%...

    |3| http://es.wikipedia.org/wiki/Refer%... et http://www.nodo50.org/plataformabol...

    |4| Cette interview a été réalisée par Maristella Svampa, Pablo Stefanoni et Ricardo Bajo. Elle est intitulée : “La droite n’a pas encore été défaite sur le plan économique”. Traduction réalisée par Denise Comanne et Eric Toussaint. L’intégralité de cette interview vient d’être publiée (avec une autre traduction) dans l’excellent numéro que la revue Alternatives Sud, éditée par le CETRI, consacre à la Bolivie : La Bolivie d’Evo. Démocratique, indianiste et socialiste ? Vol XVI -2009/3, Louvain-la-Neuve, http://www.cetri.be/spip.php?rubriq...

    |5| Les départements orientaux qui forment la media luna (demi lune) sont ceux de Santa Cruz, Beni, Pando et Tarija. Ensemble, ils représentent 36% de la population du pays et 45% du Produit intérieur brut.

    |6| Une quinzaine de paysans sont assassinés et des dizaines d’autres blessés le 11 septembre 2008 à El Porvenir dans la province de Pando. Son préfet, Leopoldo Fernandez, une des figures de proue de l’opposition de droite, directement impliqué dans le massacre, est emprisonné sur ordre du pouvoir central.

    |7| Dictateur qui a pris le pouvoir par un coup d’Etat sanglant le 17 juillet 1980 à la tête d’un groupe de militaires mêlés au narcotrafic et avec le soutien de la junte militaire argentine. L’année qu’il a passée au pouvoir a été marquée par une véritable terreur avec près de 500 assassinats et 4.000 emprisonnements. Parmi les personnes assassinées lors du putsch, se trouvait le député Marcelo Quiroga Santa Cruz qui était à l’initiative du jugement contre l’ex-dictateur Hugo Banzer. Le 15 janvier 1981 a eu lieu l’assassinat de huit leaders de la direction clandestine du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR).

    |8| Le département de Santa Cruz constitue l’épicentre de la réaction de la droite.

    |9| Les colonizadores sont des paysans qui ont occupé de nouveaux territoires, soit dans le cadre de politiques de colonisation promues par l’État dans les années 1930, soit dans le cadre de mouvements de population auto-organisés. C’est le cas des familles qui ont émigré vers la province du Chapare, dans le département de Cochabamba, pour cultiver la coca. Elles provenaient dans un premier temps de l’Altiplano puis, à partir du plan d’ajustement structurel appliqué en 1985, des régions minières de Oruro et Potosi suite à la fermeture des mines et à la perte de leur emploi. La famille d’Evo Morales fait partie de ces familles paysannes qui ont quitté les hauts plateaux arides et froids pour les terres chaudes et humides de basse altitude du Chapare. Néanmoins, comme indiqué plus haut, si les cocaleros font effectivement partie des colonizadores, ces derniers ne se réduisent pas aux seuls cultivateurs de coca. Par exemple, si la mobilisation vers Santa Cruz comprend des cocaleros de la zone du Chapare, ce sont surtout les paysans colons de la zone de San Julián qui ont été en première ligne.

    |10| Très affectée par la crise de la dette qui a explosé en 1982, la Bolivie a été soumise à un plan néolibéral de choc à partir de 1985 : privatisation des mines et du pétrole, réduction massive des salaires et de l’emploi, ouverture économique forcée, réduction des dépenses publiques. L’auteur intellectuel de ce plan d’ajustement structurel est l’économiste nord-américain Jeffrey Sachs qui a ensuite conçu le plan de choc appliqué en Russie puis s’est converti en adepte de l’annulation de la dette des pays pauvres, notamment des pays d’Afrique subsaharienne.

    |11| Selon Charles-André Udry, dans les deux départements du Beni et de Santa Cruz, 14 familles détiennent 312 966 hectares. Une partie de ces terres n’est pas mise en valeur. Ces familles sont, depuis longtemps, des piliers des divers partis de la droite la plus dure. Aujourd’hui, ces familles - qui se sont approprié le sol entre 1953 et 1992, en particulier sous les régimes dictatoriaux militaires - montent aux barricades contre l’application de la réforme agraire. (Réforme agraire et réappropriation territoriale indigène, http://risal.collectifs.net/spip.ph...)

    |12| Les peuples autochtones boliviens sont généralement désignés comme "originaires" dans les Andes et "indigènes" en Amazonie. La nouvelle Constitution bolivienne érige en sujet de droit les populations "indigènes originaires paysannes" dès lors qu’il s’agit de doter les communautés rurales de droits collectifs.

    |13| Il faut souligner que si la consultation des populations concernées par l’exploitation des ressources naturelles non renouvelables est obligatoire (ce qui est positif), son résultat n’est pas contraignant !

    |14| Les organisations syndicales parties prenantes du MAS sont la CSUTCB (Confédération syndicale unique des travailleurs paysans de Bolivie), la CSCB (Confédération syndicale des colonisateurs de Bolivie) et la CNMCIOB - "BS" (Confédération nationale des femmes, paysannes, indigènes et originaires de Bolivie - "Bartolina Sisa"). A partir de 1988, la CSUTCB, la principale confédération syndicale paysanne bolivienne (qui regroupait en son sein une partie des cocaleros), s’est prononcée pour la construction d’un instrument politique propre aux syndicats. Les syndicalistes, après avoir constaté qu’ils n’arrivaient pas à obtenir un changement politique au niveau du gouvernement notamment, se sont dit qu’ils devaient se doter d’un bras politique afin d’être présents au parlement et à tous les niveaux de pouvoir via la participation aux élections. A la fin des années 1990, Evo Morales et ses partisans lancent le MAS-IPSP dans le prolongement de l’orientation adoptée en 1988 concernant la création de l’instrument politique du mouvement social. Le MAS deviendra au fil des ans la force politique de gauche la plus importante même si d’autres expériences politiques se sont développées dans le prolongement de l’orientation de la CSUTCB de 1988, notamment le MIP (Mouvement Indigène Pachakuti) de Felipe Quispe, sans parler de nombreux partis politiques de gauche qui ont une origine plus ancienne. Felipe Quispe a participé aux côtés d’Álvaro García Linera, l’actuel vice-président bolivien, à la guérilla katariste EGTK et a été secrétaire exécutif de la CSUTCB.

    |15| Pablo Stefanoni est co-auteur, avec Hervé Do Alto, du livre Evo Morales, de la coca al Palacio (Malatesta, La Paz, 2006). Le livre a été traduit et publié en français sous le titre Nous serons des millions. La gauche bolivienne à l’assaut du pouvoir, Editions Raisons D’agir, 2008

    |16| Pablo Stefanoni in « L’Indianisation du nationalisme ou la refondation permanente de la Bolivie », in la revue Alternatives Sud éditée par le CETRI : La Bolivie d’Evo. Démocratique, indianiste et socialiste ? Vol XVI -2009/3, Louvain-la-Neuve, http://www.cetri.be/spip.php?rubriq... . Il précise : « Le gouvernement actuel est revenu sur la flexibilisation du travail approuvée dans les années 1990 – en particulier, sur le « licenciement libre » –, mais ces règles ne régissent pas les économies familiales et informelles qui prévalent pourtant dans des villes entières comme El Alto, voisine de La Paz, où vivent près d’un million d’habitants. (…) La supériorité de la « cosmovision indigène » – un écran qui masque souvent des pratiques corporatistes ou des identités régionales profondément enracinées – sur la « cosmovision libérale » est à peine débattue et la volonté de souligner la dimension ethnique de l’oppression a quasiment fait disparaître sa dimension de classe. Ce n’est pas un hasard si les avancées en matière de droits du mouvement ouvrier ont été rares ou nulles. »

    |17| Cette règle barre de fait l’accès des plus pauvres à la candidature à un poste de député, de sénateur ou de membre de l’Assemblée constituante. De fait, il n’est pas rare de voir, au moment de l’élaboration de listes électorales, des dirigeants syndicaux bien préparés au niveau de leur formation politique devoir céder leur place à des intellectuels de classe moyenne ou de petits entrepreneurs, au capital économique plus important.

    |18| Selon Álvaro García Linera, Santos Ramirez pouvait prétendre à succéder à Evo Morales en tant que candidat du MAS à la présidence de la république.

    |19| Voir Hervé Do Alto, “¿“Más de lo mismo” o ruptura con los “tradicionales” ? Bolivia y el MAS : un caso de democratización paradójica”, Le Monde diplomatique (Edición boliviana), Febrero 2009, nº 11, pp. 6-8.

    |20| « C’est ainsi que nous avons dû approuver une loi qui autorise des salaires plus élevés que celui du Président pour des cadres techniques d’entreprises stratégiques. C’est notre forme locale de la NEP léniniste (Nouvelle Politique Economique, dans la Russie postrévolutionnaire). L’objectif de la NEP, outre l’alliance avec les paysans, était fondamentalement de recruter des techniciens pour administrer les niveaux subalternes de l’Etat, tenant compte du fait que si l’Etat est bien une structure politique, il a des niveaux bureaucratico-administratifs et technico-scientifiques exigeant des connaissances et des savoirs qui ne peuvent être acquis ni transformés rapidement. Lénine, pour en finir avec la catastrophe économique qui eut lieu immédiatement après la révolution, dut réembaucher les techniciens du vieil Etat, jusqu’à créer graduellement une administration plus simple. Il donna comme consigne : sous chaque cadre technique, il faut placer un jeune qui apprend et nous, nous sommes en train de faire pareil. Nous avons déjà commencé en 2006 : on a changé l’organisation et les personnes des niveaux décisionnels de l’administration publique (ministres, vice-ministres et quelques directeurs), mais on ne touche pas à la structure secondaire de l’administration étatique de l’Etat jusqu’à ce que des cadres étatiques, jeunes, formés, se substituent aux vieux cadres. » in interview réalisée par Maristella Svampa, Pablo Stefanoni et Ricardo Bajo et intitulée : “La droite n’a pas encore été défaite sur le plan économique”. Traduction de Denise Comanne et Eric Toussaint.

    |21| in Ortiz P. (2007), « Fue un error no liderar el pedido autonómico » (entrevista a Álvaro García Linera), El Deber, Santa Cruz de la Sierra, 21 janvier 2007. Cité par Pablo Stefanoni in « L’Indianisation du nationalisme ou la refondation permanente de la Bolivie », op. cit.

    |22| Pablo Stefanoni in « L’Indianisation du nationalisme ou la refondation permanente de la Bolivie », in Alternatives Sud : La Bolivie d’Evo. Démocratique, indianiste et socialiste ? Vol XVI -2009/3, Louvain-la-Neuve, http://www.cetri.be/spip.php?rubriq...

    |23| Néologisme pour désigner ce qui est lié au monde des ONG (organisations non gouvernementales).

    |24| in Svampa M., Stefanoni P. (2007), « Evo simboliza el quiebre de un imaginario restringido a la subalternidad de los indígenas » (entrevista a Alvaro Garcia Linera), in Monasterios K., Stefanoni P. et Do Alto H. (dir.), reinventando la nación en Bolivia, La Paz, Clacso-Plural.

    |25| Le préfet de la province de Tarija fait partie de l’opposition de droite en compagnie des préfets des provinces de Santa Cruz, Beni et Pando.

    |26| Dans le cas de la Bolivie, cependant, un tel discours d’opposition franche aux ONG est d’autant plus étonnant qu’il apparaît en totale contradiction avec la composition même du gouvernement, dont les ministres sont largement issus des rangs de ce type d’institutions. Parmi elles, le CEJIS (Centre d’études juridiques et de recherches sociales), reconnu par les mouvements indigènes de l’Orient comme un soutien indéfectible dans la reconquête par les peuples autochtones de leurs prérogatives sur leurs territoires ancestraux. Certains des poids lourds de l’équipe de Morales y ont fait leurs classes, tel Carlos Romero, l’actuel ministre des Autonomies.

    |27| Interview réalisée par Maristella Svampa, Pablo Stefanoni et Ricardo Bajo et intitulée : “La droite n’a pas encore été défaite sur le plan économique”. Traduction réalisée par Denise Comanne et Eric Toussaint. Alternative Sud, La Bolivie d’Evo. Démocratique, indianiste et socialiste ? Vol XVI -2009/3, Louvain-la-Neuve.

    |28| Rafael Correa a défendu cette position à plusieurs reprises dans des réunions des Nations unies ainsi que dans d’autres instances internationales. Cette proposition connue comme le projet ITT (sigle venant du nom des trois forages d’exploration qui se trouvent dans la zone : Ishpingo-Tambococha-Tiputini) est une des initiatives du gouvernement équatorien afin de lutter contre le réchauffement climatique. Il s’agit de ne pas exploiter quelque 850 millions de barils de pétrole situés dans le Parc Yasuní, réserve naturelle qui contient une des plus importantes biodiversités dans le monde. L’exploitation de ce pétrole lourd pourrait rapporter à l’Etat entre 5 et 6 milliards de dollars (avec un prix d’environ 70 dollars le baril).

    |29| Voir en français une interview extrêmement intéressante d’Alberto Acosta réalisée par Matthieu Le Quang et intitulée « Le projet ITT : laisser le pétrole en terre ou le chemin vers un autre modèle de développement », www.cadtm.org/Le-projet-ITT-.... En espagnol, “La moratoria petrolífera en la Amazonia ecuatoriana, una propuesta inspiradora para la Cumbre de Copenhague”, www.cadtm.org/La-moratoria-p.... Alberto Acosta donne sa version sur l’origine du projet et présente un grand nombre de facteurs contradictoires qui interviennent dans sa concrétisation.


    Éric Toussaint est un collaborateur régulier de Mondialisation.ca.  Articles de Éric Toussaint publiés par Mondialisation.ca


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  • Le Pérou copie la Colombie

    par André Maltais

    Depuis l’élection d’Alan Garcia, en 2006, le Pérou a accéléré son insertion dans ce que la sociologue et chercheuse en sciences politiques, Monica Bruckman, appelle « le dispositif continental d’endiguement de l’avancée de la gauche en Équateur, en Bolivie et au Venezuela ».

    Dans un article paru en septembre dans le Monde diplomatique, la chercheure des Nations unies, nous apprend que Garcia, ex-président social-démocrate et anti-impérialiste dans les années 1980, a remplacé les idéaux de son parti, l’Alliance populaire révolutionnaire américaine (APRA), par l’inquiétante doctrine du « chien du jardinier ».

    Le 28 octobre 2007, dans une lettre adressée aux journaux péruviens, Garcia explique que les mouvements sociaux, indigènes, environnementalistes et la gauche en général sont comme le chien du jardinier « qui ne mange pas mais empêche les autres de manger », bref, qu’en défendant les ressources naturelles du pays, ils sont les ennemis de sa modernisation.

    Les déclarations méprisantes de Garcia ne s’arrêtent pas là. Au début de 2007, il traitait les indigènes de « sauvages arriérés » et demandait aux nombreux pauvres de son pays de « cesser de quémander » parce que cela fait d’eux « des parasites ».

    Le 2 février 2008, il félicite la police dont certains membres viennent d’exécuter deux paysans. « C’est très bien qu’ils défendent le Pérou, déclare-t-il. Que cela serve de leçon à ceux qui incitent publiquement à la grève et à l’agitation. »       

    La modernisation dont parle le président, rappelle Bruckman, vient du traité de libre-échange que le Pérou a signé avec les États-Unis, en décembre 2007.

    Dès lors, le Congrès péruvien accordait au gouvernement tous les pouvoirs pour légiférer par décrets pendant les six premiers mois de 2008. Garcia en profite pour modifier ou créer une centaine de lois favorables à la privatisation des ressources du pays exigée par Washington.

    Les nouvelles lois vont jusqu’à découper la forêt amazonienne, et même la mer, en concessions vendables à de grandes entreprises.

    Aussitôt les indigènes se sont mobilisés contre les décrets 1090 (Loi des forêts et de la faune sylvestre) et 1064 (Régime juridique pour l’exploitation des terres agricoles). Le premier met en vente 68% des forêts péruviennes, avec toute leur biodiversité faunique et florale, tandis que le second facilite les transactions dans le cas de terres indigènes.

    Au printemps 2009, les protestations débouchent sur une grève régionale qui dure deux mois, les indigènes occupant des portions d’autoroutes et bloquant l’accès à des pipelines et stations pétrolières.

    Le 5 juin (Journée mondiale de l’environnement!), une brutale intervention policière cherche à déloger 5000 indigènes Wampi et Awajun d’un important tronçon autoroutier et provoque la mort de 24 policiers et d’une cinquantaine de manifestants et à la disparition de centaines de civils.

    Cinq mois plus tard, le « massacre de Bagua » n’a pas encore été investigué, les dirigeants indigènes sont toujours détenus ou exilés et leurs hameaux truffés d’agents du renseignement.

    Garcia, nous dit Monica Bruckman, profite de l’appareil légal répressif créé par Alberto Fujimori, dans les années 1990, « appareil qu’il a encore durci et qui permet la criminalisation des mouvements sociaux et l’impunité des forces armées dans leurs actions de répression. »

    « Se sachant non poursuivis pour les blessures et les morts causées, policiers et militaires n’hésitent pas à utiliser leurs armes. »

    Qualifiés d’extorqueurs, les manifestants et les autorités locales qui les soutiennent encourent des peines pouvant aller jusqu’à 25 ans de prison. Toute personne peut être arrêtée sans mandat et être coupée de l’extérieur pendant dix jours tandis que la police peut mener des enquêtes sans ordre du procureur.

    Au lendemain des événements de Bagua, Lima, qui venait d’accorder l’asile politique à des opposants vénézuélien et bolivien recherchés par la justice de leur pays, dénonce « une agression soigneusement préparée contre le Pérou » et laisse entendre que la révolte autochtone est attisée par les présidents Chavez et Morales de ces deux mêmes pays.

    Le 28 septembre dernier, Garcia, seul président latino-américain à soutenir fermement l’occupation états-unienne des bases militaires colombiennes, réussit à convaincre le Tribunal constitutionnel péruvien d’approuver l’intervention des Forces armées dans les « conflits influencés par une idéologie étrangère ».

    Le Pérou est maintenant transformé en centre d’opérations pour le Pentagone. Selon les registres du Congrès péruvien, entre 2004 et 2009, pas moins de 55’350 militaires états-uniens seraient entrés en territoire péruvien et, à partir de 2006, leur durée moyenne de séjour passe de 100 à 277 jours.

    Les activités de ces patrouilles se concentrent dans des zones de fort conflit social (la jungle et sa périphérie) et consistent surtout en appui informatif et en entraînement contre le trafic de drogue.

    Pour Fredy Otarola, député du Parti nationaliste péruvien (PNP), l’objectif caché est d’entraîner les frégates lance-missiles et autres unités navales de la 4e flotte états-unienne avec ses homologues péruviennes, les ports servant au réapprovisionnement des navires et au repos des équipages.

    Et, advenant des « causes imprévues », dit-il, l’armée péruvienne peut inviter des militaires étrangers avec armes et navires de guerre sans l’autorisation du Congrès prévue par la constitution.

    Le Pérou procède aussi à une intégration militaire croissante avec son voisin colombien : manœuvres communes dans les zones frontalières avec opérations aériennes, établissements de canaux de communications et de procédures de coordination, entraînement des états-majors, etc.

    Les présidents Garcia et Uribe justifient ce rapprochement militaire par des « problèmes communs » comme le trafic de drogue et la présence de guérillas.

    À propos de ces dernières, les médias colombiens et péruviens prétendent que la guérilla colombienne des FARC a réussi à faire renaître de leurs cendres ses homologues péruviennes du Sentier lumineux et du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru à qui, après les avoir déclarées vaincues, on impute maintenant la responsabilité du moindre acte de violence.

    L’hiver dernier, quatre manœuvres militaires conjointes colombiano-péruviennes avaient lieu précisément dans la région où opèrent les unités états-uniennes et les pseudo-guérillas.

    Le spécialiste en matière de sécurité, Ricardo Soberon, croit que ces manœuvres « ratifient l’alliance entre la Colombie, le Pérou et les États-Unis », ces derniers profitant d’un traité de libre-échange générateur de mécontentement et de conflits sociaux au Pérou « pour consolider leur stratégie militaire en Amérique du Sud ».

    Il s’agit là, poursuit-il, d’un coup très dur porté à la stabilité régionale et à la formation du Conseil de défense sud-américain qui a, entre autres objectifs, celui de diminuer les ingérences étrangères dans la région.

    Mais les mouvements sociaux péruviens disposent d’une énorme capacité de mobilisation. En plus de faire tomber les régimes de Francisco Morales Bermudez (1978) et d’Alberto Fujimori (2000), ils ont, en 2006, fait du parti nationaliste d’Ollanta Humala, la deuxième force politique du pays :

    « Par la polarisation qu’elle engendre, conclut Monica Bruckman, la politique brutale de M. Garcia crée la condition d’une offensive de ces organisations politiques progressistes. La répression est une arme puissante mais aussi très dangereuse : elle peut se retourner contre celui qui en use. »


    André Maltais est un collaborateur régulier de Mondialisation.ca.  Articles de André Maltais publiés par Mondialisation.ca


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  • Chili. Une organisation mapuche déclare la guerre à la République du Chili

    vendredi 23 octobre 2009

    Dans un communiqué publié hier 20 octobre 209, les leaders mapuches de la Coordinadora Arauco Malleco ont déclaré la guerre à la république du Chili après avoir déclaré terminé le dialogue avec le gouvernement de Michelle Bachelet dans leur lutte pour la récupération du territoire ancestral. La direction de la CAM a annoncé que les mapuches renonçaient à la nationalité chilienne à la suite d’un nouvel affrontement avec la police qui s’est soldé par la mort d’un indien.

    La CAM revendique des attaques contre des camions et déclare la guerre à la République du Chili

    Nous communiquons à l’opinion publique nationale et internationale ce qui suit :

    Par le fait qu’il n’y a eu aucun signe de la part du gouvernement pour mettre fin aux forces de répression dans nos communautés, nous avons, comme Coordinadora Mapuche Arauco Malleco, pris une décision dans laquelle nous exprimons publiquement notre renonciation à la nationalité chilienne, et déclarons territoire de la nation autonome mapuche celui situé au sud du Rio Bio Bio à partir de la reconnaissance explicite que l’État fait de son existence dans le Traité de Tapihue de 1825, Art 19.

    Par conséquent, nous déclarons terminé tout dialogue avec la République du Chili et lui déclarons la guerre, à partir d’aujourd’hui, 20 octobre 2009. Et nous appelons toutes les communautés à suivre le même chemin pour parvenir à l’élimination complète de tous ces objectifs qui opèrent dans notre nation Mapuche

    Pour cela même nous avons donné liberté d’action aux organes de la résistance mapuche pour agir contre les intérêts capitalistes en territoire mapuche. . Par conséquent, nous assumons pleinement l’action récente menée à bien par nos Weichafes Pehuenches, Nagche, Lafkenches, pichunches et huilliches des communautés Mapuche en conflit de la CAM. 

    Nous communiquons à notre peuple et l’opinion publique ce qui suit :

    Mardi 20 octobre 2009, nos Weichafes ont réalisé des actions contre deux camions forestiers de l’entreprise El Bosque, qui circulaient sur la route entre Collipulli avec la ville d’Angol, précisément en haut de Cancura dans la région de La Araucania. Ils fournissent des services aux entreprises forestières et en conséquence deux de ces engins ont été détruits.

    Ces actions sont destinées exclusivement à dénoncer toutes les dernières actions violentes contre notre nation mapuche, et en même temps à soutenir le processus de récupération des terres de nos communautés en conflit.

    C’est aussi la façon par laquelle nos Organes de la Résistance du Territoire Mapuche-Pehuenche, Nagche, Lafkenches, pichunches et Huilliche expriment leur rejet des condamnations subies par nos frères détenus dans différentes prisons de l’État chilien et la façon de communiquer que tant que continueront d’exister des prison politiques et des condamnations, ces actions se poursuivront par nos Weichafes, soutenues par toutes les communautés Mapuche de la nation mapuche.

    Enfin, nous réaffirmons notre conviction de continuer sur le chemin de nos ancêtres qui avec force se sont donnés à la cause de la justice et de la dignité de notre beau et héroïque Peuple Mapuche. La Coordinadora est plus forte que jamais dans sa lutte pour le Territoire et l’Autonomie.

    Tant qu’existera la pauvreté et la misère en raison du manque de terres par les politiques de l’Etat qui légitiment la dépossession territoriale, la CAM continuera d’exister.

    Avec la force de nos Futa Kech Kuifi et Weftun (renaissance des nouveaux guerriers), qui germent et se multiplient à travers le Wallmapu pour une cause qui chaque jour devient une cause plus sacrée.

    Marichiweu !

    Organes Territoriaux de la Résistance - ORT-CAM. 

    Territoire et Autonomie pour la nation Mapuche !

    ¡WEUWAIÑ PU PEÑI, PU LAMNIEN !


    De son côté, l’Alliance Territoriale Mapuche qui depuis plusieurs mois a lancé une vague de récupération de terres, appelle à une manifestation le vendredi 23 dans la ville de Temuko contre la répression dont souffrent les communautés en confit : enfants blessés par les carabiniers, villageois arrêtés et incarcérés, perquisitions et fouille de maisons, l’application des lois anti-terroristes contre les populations en lutte pour leur territoire.

    SOURCE OCL 


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  • JOSÉ MUJICA

    José Mujica, dit “El Pepe”, 74 ans, a passé quinze ans de sa vie en prison. Son passé de Tupamaro – guérillero d’extrême gauche – dans les années 1960, au cours duquel il fut blessé, avant de se reconvertir en politique au retour de la démocratie, n’empêche pas cet ancien agriculteur, qui continue à mener une vie sans prétention, d’être le favori pour l’élection présidentielle du 25 octobre.

    José MujicaOn dit de José Mujica, candidat [du Frente Amplio (FA), gauche au pouvoir] à la présidence uruguayenne, qu’il s’approprie aujourd’hui la stratégie du président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, en vue de séduire l’électorat conservateur. Comme lui, il est issu de la gauche radicale, son style est informel, son verbe haut et imagé, et il n’a pas de formation universitaire.

    Mujica est un ex-guérillo du Mouvement de libération nationale - Tupamaros [une guérilla urbaine d’extrême gauche des années 1960, menée contre un régime autoritaire puis écrasée par l’armée en 1973]. Ce courant politique [sorti de la clandestinité en 1985, lors du retour de la démocratie] est aujourd’hui la composante majoritaire de la coalition gouvernementale FA, qui réunit le centre et la gauche. S’il est élu, Mujica insiste sur le fait qu’il n’y aura pas de grande réforme dans le secteur de l’économie. Et pour faire campagne il a troqué à regret sa tenue d’ancien paysan pour un costume-cravate.

    En tête dans les sondages avec 45 % des intentions de vote, le candidat va tenter de remporter l’élection du 25 octobre dès le premier tour. Dans l’éventualité d’un second tour, ses adversaires des partis traditionnels (conservateurs), le Parti national et le Colorado, devront s’allier pour pouvoir le battre.

    “Le centre droit [Parti national] a choisi de semer la peur, en exploitant la fibre conservatrice d’un pays qui veut changer, mais en douceur. Ils nous font donc passer pour une menace pour les investisseurs. Mais nous sommes en fait la garantie de la continuité”,

    Dans des lettres publiées au cours de la campagne, il promet de maintenir en place l’équipe du gouvernement de Tabaré Vázquez. Il a également déclaré que le président Lula était pour lui un modèle et qu’il s’emploierait à résoudre les problèmes sociaux de manière “politique et négociée”.

    Mujica est déjà un sénateur très populaire, celui qui a remporté le plus grand nombre de voix au cours des dernières élections. Ses fonctions de ministre de l’Agriculture au sein du gouvernement actuel [entre 2005 et 2008] ne lui ont pas fait abandonner la vie très simple qu’il mène dans une petite ferme à la campagne, près de Montevideo, ce qui lui vaut la sympathie et un soutien sans faille des classes les plus démunies.

    “J’ai du mal à l’imaginer tous les jours en costard, mais son changement d’image veut dire : ne soyez pas inquiets, Uruguayens, je saurai donner une bonne image de notre pays à l’international”, interprète Adolfo Garcé, politologue à l’université de la République d’Uruguay.

    “En évoquant Lula comme modèle, El Pepe rappelle qu’il vient de loin. Il a été révolutionnaire, sa pensée est socialiste, mais il est disposé aujourd’hui à faire alliance avec le centre ou la droite”, précise-t-il.

    Bien qu’il ait confié qu’en échange de son soutien il passerait les rênes de l’économie à l’ex-ministre de l’Economie Danilo Astori – qui a des convictions plus libérales –, Mujica défendra le secteur de l’agriculture et de l’élevage. “Il affirme sans cesse que l’agriculture a plus besoin de laboratoires que de vaches. Il rêve de voir l’Uruguay devenir une sorte de Nouvelle-Zélande, où l’Université coopérerait avec l’agriculture. Danilo Astori est moins enthousiaste à cette idée d’interférences sur le marché”, soutient le politologue.

    Le 25 octobre, José Mujica affron­tera l’ex-président Luis Alberto Lacalle (1990-1995), représentant du Parti na­tional, qui bénéficie de 34 % des intentions de vote, et Pedro Bordaberry, candidat du parti Colorado, qui totalise 9 % des intentions de vote.
    affirme Mujica [qui s’est allié au Parti communiste et surfe sur la vague de popularité du président sortant, Tabaré Vázquez].

    SOURCE 


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  • 18.10.2009. BRÉSIL : la bataille pour la liberté d’expression en Amérique Latine


    Mr le Président, Mesdames et Messieurs les députés,

    Durant les dernières semaines, à travers la couverture du coup d’état au Honduras, nous avons observé avec peur, les niveaux d’autoritarisme que la presse brésilienne a atteints. Pendant que notre délégation parlementaire cherchait à Tegucigalpa la manière de contribuer au retour de la démocratie au Honduras, les médias nationaux jonglaient du mieux qu’ils le pouvaient afin de légitimer un gouvernement auto-proclamé à la suite d’un coup d’état et ignoraient totalement les innombrables violations des droits humains ainsi que les restrictions des droits civils pratiqués par le gouvernement de Micheletti. La presse nationale a été très silencieuse sur les fermetures et l’occupation de radios dans la capitale par l’armée.

    En attendant, les chiffres en matière de violation de la liberté d’expression et de liberté de la presse sont très élevés. A Tegucigalpa, les stations Canal 36, Radio TV Maya et Radio Globo ont été saisies. La cabine de transmission de Radio Juticalpa à Olancho a été mise hors d’usage à coups de fusils. Radio Progreso a été fermée dans la ville de Progreso. Les chaînes Canal 26 ainsi que TV Atlantica ont reçu l’ordre des soldats de ne transmettre d’autres informations que celles du gouvernement putschiste. Même les journalistes sont menacés. Gabriel Fino Noriega, de Radio Estelar, a été assassiné dans les premiers mois qui ont suivi le coup d’état. Et ne parlons pas des agressions répétées dont ont été victimes les reporters de Telesur, la chaîne ayant réalisé la plus grande couverture sur le coup d’état, les interdictions et la répression des manifestations publiques de soutien au Président démis, Manuel Zelaya. 

    Malgré les nombreuses violations de la liberté d’expression au Honduras, la presse Brésilienne ne trouve pas la situation préoccupante. Et comme par hasard, elle ne semble pas l’être non plus pour la SIP, Société Interaméricaine de Presse, d’habitude la première à crier lorsqu’un état latino-américain procède à des changements dans les moyens de communication.

    Ce fut la cas lorsque le Président Vénézuélien Hugo Chavez ne renouvela pas la concession de RCTV, ou bien lorsqu’en 2004 l’Assemblée nationale du Venezuela, approuva la Loi Resorte (Loi de Responsabilité Sociale des Radios et Télévisions) qui a comme objectif, de promouvoir la responsabilité des prestataires de services, des annonceurs, des producteurs nationaux indépendants, et des utilisateurs des services de communication, recherchant l’équilibre démocratique, la promotion de la justice sociale et la formation citoyenne.

    Construite sur la base d’un vaste processus de participation populaire, qui a duré pendant plus d’un an avec des débats à travers tout le pays, la Loi Resorte a donné la priorité à la production locale et communautaire. Tout en soutenant les media populaires, elle a octroyé une pluralité de voix dans tous les média, a définit le fonctionnement des chaînes publiques en prévoyant les mécanismes de contrôle social, a régulé la propriété des média ainsi que leur contenu en redistribuant des contrôles de plages horaires pour les enfants, un temps imparti pour la publicité et a mis en place la prévision de transmission de programmes valorisant la culture nationale et la lecture critique des média.


    Lorsqu’en Bolivie, le Président Evo Morales a approuvé un décret octroyant des espaces au sein des média de communication pour la libre opinion des journalistes et d’autres travailleurs en lien avec le secteur de la presse, les grands média ont hurlé au scandale. Ils ont estimé que c’était un gag que d’avoir à réserver 3 minutes quotidiennes à la radio et à la télévision pour accroître la pluralité et la diversité des idées et opinions dans les grands média de communication.

    Ils protestèrent de la même manière contre le projet de la nouvelle Loi de Communication du Président Equatorien Rafael Correa, qui à la suite d’innombrables débats au Forum Equatorien de Communication, proposa la répartition égalitaire du spectre électromagnétique par lequel circulent les ondes de Radio et de télévision. La proposition étant de réserver 33% du spectre pour chacun des secteurs : public, privé et communautaire.

    C’est aussi au nom de la défense de la pluralité de voix et de l’intérêt public que le parlement Uruguayen a approuvé un projet de loi sur les contenus numériques aussi bien à la télévision qu’à la radio ou au cinéma prévoyant un horaire pour la transmission de contenus déterminés. C’est ce même parlement qui a créé en même temps, la figure du médiateur public, un lien direct entre le citoyen téléspectateur et l’entreprise de communication. Une des tâches du médiateur par exemple sera de s’occuper des plaintes au niveau national, ayant rapport avec les programmes à destination des enfants ou encore des plaintes des écrivains et artistes dont la liberté est menacée. Cette fois, la presse brésilienne est restée silencieuse à propos de cette importante initiative dans ce pays voisin.

    La dernière à avoir payé le prix des attaques de la grande presse et accusée de violation de la liberté d’expression a été la Présidente Argentine Cristian Kirchner. La nouvelle Loi de Services de Communication Audiovisuel, après avoir été débattue en séances publiques et que des suggestions de la part de l’opposition y aient été ajoutées, a été adoptée par le Congrès, ayant pour résultat la transformation complète du monopole historique du groupe Clarin.

    D’après le texte, aucune entreprise ne pourra obtenir plus de 10 concessions de radio et de télévision (soit 14 de moins qu’actuellement) et celui qui possède une canal de télévision de signal ouvert, ne pourra dans la même localité, être le gérant d’une chaîne câblée. En fait, la loi s’attaque à la multi-propriété dans la diffusion des radios, interdisant les concentrations verticales et horizontales. L’audience sera aussi limitée, comme c’est le cas aux Etats-unis. Les zones couvertes par la totalité des chaînes d’une même entreprise ne peuvent dépasser les 35% des habitants de la dite région, pour éviter tout risque d’un autre type de monopole.

    La loi se confronte en plus au problème de la production nationale, établissant des quotas minimum pour des programmes produits dans le pays, mais aussi pour la production indépendante qui gagne ainsi une réserve de 30% de la grille de programmation de chaînes hébergées dans des villes de plus de 1,5 millions d’habitants.

    Même la question du monopole de la transmission des championnats de football - tellement fréquente au Brésil - a été abordée. Un des articles garantit le droit à l’accès universel des contenus informatifs d’intérêt important et d’événements sportifs. Enfin, elle met en place la réalisation d’audiences publiques afin de déterminer l’élargissement des concessions de radio et de télévision.

    Ainsi, comme dans bon nombre de pays d’Amérique Latine, l’état Argentin a pris les mesures nécessaires pour démocratiser les moyens de communication, en garantissant les mécanismes qui permettent une liberté d’expression de secteurs jadis exclus de la sphère publique médiatique. Rapidement, la presse Brésilienne a attaqué sur la présidente Cristina Kirchner, comme elle l’avait fait auparavant avec les autres présidents qui se sont attaqués au pouvoir intouchable des grands média de communication. Il s’agit d’un action préventive censée empêcher le vent de changement qui souhaite construire des média plus démocratiques sur notre continent, de souffler au Brésil.

    La Conférence Nationale de Communication, prévue en Décembre, aura très certainement parmi ses principales revendications la nécessité de rompre avec le monopole des média et la défense de la liberté d’expression pour toutes et tous dans notre pays. Ce sera un espace où le citoyen lambda pourra exprimer ses souhaits dans le secteur de la communication, et d’après les résultats déjà réalisés par Brasil Adentro au niveau des municipalités, le désir de transformation dans le contrôle des média est énorme. A la différence du discours plaidé par les radios, et de ce que semble comprendre le Tribunal Suprême Fédéral, la communication, comme tout autre domaine, est demandeuse de régulation pour que la loi du plus fort, politiquement et économiquement cesse d’imposer son dictât.

    Une partie des grands groupes du secteur des média se refuse à participer au débat public démocratique. Ils ont retiré leurs cadres de l’organisation de la Conférence et préfèrent continuer leur politique de toujours, à savoir, mener les débats dans les couloirs du Palais Présidentiel et du Congrès, faisant la sourde oreille aux réclamations, qui ne sont ni plus ni moins, que le résultat des services offerts par les chaînes de radio. Alors que notre presse attaque ceux qui prônent les changements concrets et permettent la démocratisation des média, elle reste silencieuse devant les violations de la liberté d’expression qui se passent au Honduras. Quelque chose ne colle pas ! Et la société brésilienne, pour ce qu’il apparaît, montre des signes qu’elle en a assez de rester assise, et muette. Qu’enfin viennent les transformations que le peuple brésilien attend depuis si longtemps !

    Merci beaucoup.

    Ivan Valente

    Député Fédéral PSOL/SP

    Traduction : Lazhari Abdeddaim, pour www.larevolutionvive.org.ve


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  • Réflexions du compañero Fidel


    UN PRIX NOBEL POUR EVO


    Si l’on a octroyé le Prix Nobel à Obama pour avoir remporté des élections dans une société raciste bien qu’il soit Afro-américain, Evo le méritait tout autant pour les avoir gagnées dans son pays, bien qu’il soit indigène, et pour avoir en plus tenu ses promesses.

    Pour la première fois dans les deux pays, des gens de ces ethnies s’installent à la présidence.

    J’ai dit à plusieurs reprises qu’Obama était quelqu’un d’intelligent, élevé dans le système social et politique auquel il croit. Il aspire à étendre les services de santé à presque cinquante millions d’Etasuniens, à sortir l’économie de la profonde crise qu’elle souffre et à redorer l’image de son pays, ternie par des guerres génocidaires et par les tortures. Il ne conçoit pas qu’il faille changer le système politique et économique de son pays, il ne le souhaite pas et il ne le peut pas.

    Le Prix Nobel de la paix avait été concédé avant à trois présidents des USA, à un ex-président et à un candidat à la présidence.

    Le premier fut Theodore Roosevelt, élu en 1901, celui des Rough Riders (les rudes cavaliers), qui débarqua ses cavaliers à Cuba, mais sans monture, à la suite de l’intervention réalisée en 1898 pour empêcher l’indépendance de notre pays.

    Le second fut Thomas Woodrow Wilson, qui fit entrer les USA dans la Première guerre pour le partage du monde. Au Traité de Versailles, il imposa des conditions si sévères à l’Allemagne vaincue qu’il jeta les bases de l’apparition du nazisme et de l’éclatement de la Deuxième Guerre mondiale.

    Le troisième est Barack Obama.

    L’ex-président, c’est Carter qui reçut le Prix Nobel plusieurs années après avoir conclu son mandat. Sans aucun doute, l’un des rares présidents de ce pays à avoir été incapable d’ordonner l’assassinat d’un adversaire, contrairement à d’autres ; il rendit le Canal de Panama, créa la Section des intérêts des USA à La Havane, évita de sombrer dans de gros déficits budgétaires et de gaspiller l’argent au profit du complexe militaro-industriel, contrairement à Reagan.

    Le candidat a été Al Gore, quand il était déjà vice-président, le politique étasunien meilleur connaisseur des terribles conséquences des changements climatiques. Il fut victime de la fraude électorale quand il était candidat à la présidence et privé de la victoire par W. Bush.

    Les avis ont été très divisés au sujet de l’octroi de ce prix. Beaucoup partent de conceptions morales ou relèvent des contradictions évidentes dans cette décision surprenante.

    Ils auraient préféré que ce prix récompense une œuvre réalisée. Le Prix Nobel de la paix n’est pas toujours allé à des gens qui le méritaient. Il a parfois été décerné à des gens pleins de ressentiment, suffisants, ou pis encore. Apprenant la nouvelle, Lech Walesa s’est exclamé avec mépris : « Qui ? Obama ? C’est trop tôt. Il n’a encore rien fait. »

    Dans notre presse et sur CubaDebate, des compagnons honnêtes et révolutionnaires se sont montrés critiques. L’un d’eux a affirmé : « La semaine où Obama a reçu le Prix Nobel de la paix, le Sénat étasunien a voté le budget militaire le plus élevé de l’histoire : 626 milliards de dollars. » Au journal télévisé, un autre journaliste a commenté : « Qu’a donc fait Obama pour mériter une telle distinction ? » D’autres se sont demandés : « Et la guerre d’Afghanistan et la recrudescence des bombardements ? » Ce sont là des vues basées sur des réalités.

    De Rome, le cinéaste Michael Moore a eu une phrase lapidaire : « Mes félicitation, président Obama, pour le Prix Nobel de la paix. Maintenant, s’il vous plaît, gagne-le donc ! »

    Je suis sûr qu’Obama est d’accord avec Moore. Il est assez intelligent pour comprendre les circonstances qui entourent son cas. Il sait qu’il n’a pas encore gagné ce prix. Ce jour-là, il a déclaré dans la matinée : « Je n’ai pas l’impression de mériter d’être en compagnie de tant de personnalités transformatrices qui l’ont reçu. »

    On dit que les membres du fameux comité qui décerne le Prix Nobel de la paix sont au nombre de cinq. Un porte-parole dit qu’ils ont été unanimes. On pourrait se demander : ont-ils consulté ou non Obama ? Peut-on prendre une décision de ce genre sans avertir auparavant la personne récompensée ? Obama ne peut être jugé de la même manière sur le plan moral selon qu’il connaissait d’avance ou non l’octroi de ce prix. On peut en dire autant de ceux qui ont pris la décision.

    Peut-être serait-il nécessaire de créer le Prix Nobel de la transparence.

    La Bolivie compte d’importants gisements de gaz et de pétrole, et possède aussi les plus grandes réserves connues de lithium, un minerai extrêmement utile à notre époque pour stocker et utiliser l’énergie.

    Evo Morales, paysan indigène très pauvre, faisait paître dans les Andes, en compagnie de son père, le troupeau de llamas de sa communauté indigène. Il n’avait même pas six ans. Tous deux les conduisaient quinze jours durant jusqu’au marché où ils les vendaient pour acheter les aliments de la communauté. Quand j’ai interrogé Evo sur cette expérience singulière, il m’a raconté qu’il « descendait dans un hôtel 1000 étoiles », une belle formule pour désigner le ciel si dégagé de la Cordillère qu’on y installe parfois des télescopes.

    Durant ces dures années de son enfance, la seule autre issue pour les paysans de la communauté aymara où il est né était d’aller couper la canne à sucre dans la province argentine de Jujuy où une partie de la communauté se réfugiait parfois lors de la campagne sucrière.

    Quand le Che, blessé et désarmé, fut assassiné à La Higuera le 9 octobre 1967, Evo, qui est né le 26 de ce mois, mais en 1959, n’avait pas encore fêté son huitième anniversaire. Il apprit à lire et à écrire en espagnol dans une petite école publique où il se rendait à pied, à cinq kilomètres de distance de la chaumière où il vivait avec ses frères et ses parents.

    Durant son enfance hasardeuse, Evo était constamment à la recherche de maîtres. Il a appris de son peuple trois principes moraux : ne pas mentir, ne pas voler, ne pas être faible.

    Quand il eut treize ans, son père l’autorisa à vivre à San Pedro de Oruro pour y faire des études secondaires. L’un de ses biographes nous dit qu’il était meilleur en géographie, en histoire et en philosophie qu’en physique et en maths. Le plus important, toutefois, c’est que pour payer ses études, il se levait à deux heures du matin afin de travailler comme boulanger, bâtisseur ou dans d’autres métiers exigeant des efforts physiques. Il allait en classe l’après-midi. Ses compagnons l’admiraient et l’aidaient. Dès l’école primaire, il avait appris à jouer divers instruments à vent et il fut trompettiste d’une prestigieuse fanfare d’Oruro.

    Encore adolescent, il avait organisé l’équipe de football de son communauté, dont il était le capitaine.

    L’accès à l’université n’était pas à la portée d’un indigène aymara pauvre.

    Une fois conclues ses études secondaires, il fit son service militaire et rentra dans sa communauté, sur les hauteurs de la cordillère. La pauvreté et les catastrophes naturelles obligèrent sa famille à émigrer vers la région sous tropicale d’El Chapare où elle obtint un petit lopin de terre. Evo avait vingt-trois ans quand son père mourut en 1983. Il travailla durement la terre, mais c’était aussi un militant né qui organisa tous les travailleurs, créa des syndicats et combla par là des vides dans des secteurs où l’Etat ne faisait rien.

    Les conditions d’une révolution sociale s’étaient peu à peu créées en Bolivie dans les cinquante dernières années. Elle éclata le 9 avril 1952, avant même le début de notre lutte armée à Cuba, sous la conduite du Mouvement nationaliste révolutionnaire de Víctor Paz Estenssoro : les mineurs révolutionnaires vainquirent les forces répressives et le MNR prit le pouvoir.

    Les objectifs révolutionnaires étaient loin de s’accomplir en Bolivie. Dès 1956, selon des gens bien renseignés, le processus commença à s’étioler. La Révolution triompha à Cuba le 1er janvier 1959. Trois ans plus tard, en janvier 1962, notre patrie était expulsée de l’OEA. La Bolivie s’abstint. Plus tard, tous les gouvernements, hormis le Mexique, rompirent leurs relations avec nous.

    Les scissions du mouvement révolutionnaire international se firent sentir en Bolivie. Pour que les choses y changent, il allait falloir plus de quarante ans de blocus à Cuba, le néolibéralisme et ses conséquences désastreuses, la révolution bolivarienne au Venezuela et l’ALBA, mais surtout Evo et le Mouvement au socialisme (MAS).

    Il est malaisé de résumer cette riche histoire en quelques pages.

    Je me bornerai à dire qu’Evo a été capable de vaincre les terribles campagnes de calomnies orchestrées par l’impérialisme, ses coups d’Etat et ses ingérences dans les affaires intérieures du pays, de défendre la souveraineté de la Bolivie et le droit de son peuple millénaire au respect de ses coutumes. « La coca n’est pas de la cocaïne », a-t-il lâché au plus gros producteur de marihuana et au plus gros consommateur de drogues au monde, dont le marché nourrit la criminalité organisée qui coûte des milliers de vies au Mexique tous les ans. Deux des pays où se trouvent les troupes yankees et leurs bases militaires sont les plus gros producteurs de drogues de la planète.

    La Bolivie, le Venezuela et l’Equateur, pays révolutionnaires qui, à l’instar de Cuba, sont membres de l’ALBA, ne tombent pas dans le piège mortel du commerce de drogues : ils savent ce qu’ils peuvent faire et ce qu’ils doivent faire pour apporter la santé, l’éducation et le bien-être à leurs peuples. Ils n’ont pas besoin de troupes étrangères pour combattre le narcotrafic.

    La Bolivie mène de l’avant un programme étonnant sous la direction d’un président aymara qui jouit de l’appui de son peuple.

    En moins de trois ans, l’analphabétisme a été éliminé : 824 101 Boliviens ont appris à lire et à écrire ; 24 699 l’ont fait en aymara et 13 599 en quechua. La Bolivie est le troisième pays délivré de l’analphabétisme, après Cuba et le Venezuela.

    Des millions de personnes reçoivent maintenant, pour la première fois de leur vie, des soins médiaux gratuits : la Bolivie est l’un des sept pays au monde à avoir, ces cinq dernières années, réduit la mortalité infantile, et elle pourra atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement avant 2015, ainsi que diminué les morts maternelles dans une proportion similaire ; 454 161 personnes y ont été opérées de la vue, dont 75 974 Brésiliens, Argentins, Péruviens et Paraguayens.

    La Bolivie a engagé un programme social ambitieux : tous les enfants des écoles publiques, de la première à la huitième année de classe – soit presque deux millions d’élèves – reçoivent un don annuel pour pouvoir acheter les articles scolaires.

    Plus de 700 000 personnes de plus de soixante ans perçoivent un bon équivalent à 342 dollars par an.

    Toutes les femmes enceintes et les enfants de moins de deux ans touchent une aide d’environ 257 dollars.

    La Bolivie, l’un des trois pays les plus pauvres du continent, a fait passer sous le contrôle de l’Etat ses principales ressources énergétiques et minérales, tout en respectant et en indemnisant les intérêts touchés. Elle avance précautionneusement pour ne pas avoir à reculer d’un pas. Ses réserves en devises ont augmenté, au point d’avoir triplé depuis le début du gouvernement d’Evo. La Bolivie fait partie des pays qui utilisent le mieux la coopération étrangère et défendent fermement l’environnement.

    Elle est parvenue à établir en très peu de temps le Recensement électoral biométrique, enregistrant près de 4,7 millions d’électeurs, presque un million de plus que le dernier de janvier 2009, soit 3,8 millions.

    Les élections auront lieu le 6 décembre. Le peuple soutiendra assurément encore plus son président. Rien ni personne n’a pu freiner son prestige et sa popularité qui ne cessent de croître.
    Pourquoi ne décerne-t-on donc pas le Prix Nobel de la paix à Evo ?

    Il a un lourd handicap, je sais : il n’est pas président des Etats-Unis.


    Fidel Castro Ruz
    Le 15 octobre 2009
    16 h 25

    SOURCE 


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  • Le sommet de l'ALBA s'est ouvert à Cochabamba


    Le VIIème sommet de la gauche américaine radicale et « anti-impérialiste », l’ALBA, Alliance bolivarienne pour les Amériques, s’est ouvert ce vendredi après-midi à Cochabamba, dans le centre de la Bolivie. L’ALBA, qui regroupe notamment le Venezuela, Cuba, la Bolivie, l’Equateur, le Nicaragua et le Honduras, cherche à développer une intégration régionale « d’après des principes de solidarité et de coopération et non sous l’égide du capitalisme et de la compétition » . Les chefs d’état du Venezuela, Hugo Chavez, et d’Equateur, Rafael Correa, ont fait le déplacement et ont été accueillis par le président bolivien Evo Morales. Une délégation de la Russie, pays non membre de l’ALBA, est également présente. Parmi les dossiers du sommet, la crise au Honduras, le changement climatique, et une future monnaie commune pour la région, le « sucre ».
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    Une vue du sommet de l'ALBA à Cochabamba en Bolivie, le 16 octobre 2009.
    ( Photo: Danilo Balderrama / Reuters )
     


    Avec notre envoyé spécial à Cochabamba, Reza Nourmamode

    « Nous sommes un syndicat de présidents révolutionnaires et anti- impérialistes » a réaffirmé Evo Morales pour définir l’Alliance bolivarienne pour les Amériques. Lors du discours d’ouverture, le président bolivien a souligné les principaux thèmes qui feront l’objet d’une déclaration finale : les droits des peuples indigènes, la lutte contre le réchauffement climatique, et la crise au Honduras…

    Une représentante du président déchu du Honduras Manuel Zelaya est d’ailleurs présente à Cochabamba afin de demander l’appui de l’ALBA pour le retour de la démocratie dans son pays.

    Autre dossier particulièrement attendu, celui de la création du « sucre », un système d’appui aux échanges commerciaux, premier pas vers la naissance d’une monnaie commune pour les pays de membres de l’alliance.


    Hugo Chavez
    Président du Venezuela
    « Le “sucre” est un système unique de compensation régionale, un outil d’échange pour un commerce juste pour contrer le capitalisme hégémonique. Le “sucre” est un pas très important pour notre souveraineté monétaire, pour nous libérer de la dictature du dollar que l’empire yankee impose au monde depuis longtemps. »

     Chavez 
     
    17/10/2009 par Reza Nourmamode
    Un autre sommet se déroule au même moment, celui des mouvements sociaux et peuples indigènes des pays de l’ALBA… Un sommet qualifié non de parallèle mais de « complémentaire » par les autorités des différents pays qui promettent que les recommandations formulées par la base seront prises en compte à l’heure des décisions. Les chefs d’Etat et les leaders sociaux ont d’ailleurs prévu de faire meeting commun dans un stade de la ville après la clôture du sommet.

    SOURCE RFI 


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  • Obama au pied du mur : démocratie ou chaos en Amérique Latine

    L’Amérique latine est au seuil d’une nouvelle ère : soit une ère de retour à l’incertitude politique, à la violence et au chaos, soit une ère de stabilité politique et de prospérité économique. Le Honduras en est un indicateur crucial.


    Partisans du président élu Zelaya - Le comportement des Etats-Unis en Amérique Latine n’auraient sur le fond pas changé, restant les adeptes des coups de force afin d’imposer leurs intérêts par le biais d’oligarchies et de dictatures militaires
    Les résultats possibles de la crise hondurienne sont susceptibles de définir la prochaine ère pour l’Amérique latine ainsi que le futur rôle des Etats-Unis dans cet hémisphère, et même au delà. En effet, l’Histoire est beaucoup plus complexe que celle d’un courageux président réfugié dans une ambassade étrangère dans son propre pays.

    Lors de sa deuxième visite en Asie comme secrétaire d’état, Hillary Clinton a déclaré le 21 juillet à Bangkok, « Les Etats-Unis sont de retour. » La déclaration a déconcerté beaucoup de pays asiatiques, en dépit de toutes les explications de Clinton qui ont suivi. Les pays asiatiques, à la recherche d’une unité et d’une coopération économique au niveau régional se rendent bien compte de la subtile signification des termes employés. Cependant, il est peu probable que ces pays politiquement stables et économiquement prospères soient d’accord pour autoriser sans garantie des interférences extérieures, particulièrement avec une influence régionale chinoise croissante et l’élection de Yukio Hatoyama comme premier ministre du Japon.

    Mais qu’éprouve l’Amérique latine face aux ingérences des Etats-Unis ? Les résultats du coup de force hondurien devraient permettre de répondre à cette question.

    Depuis l’introduction de la doctrine Monroe en 1823 [1], la politique et les structures économiques des pays latino-américains étaient des composantes des politiques extérieures des Etats-Unis, indépendamment de savoir qui présidait à la Maison Blanche. Les économies de la région ont paru, à l’occasion, servir de laboratoire pour des théories économiques concoctées dans des universités américaines. Beaucoup de pays latino-américains ont vécu - et une vie plutôt chiche - entre les interventions des Etats-Unis, des oligarchies locales égoïstes, et une sauvagerie et un désordre produits par les dictatures militaires. Dans beaucoup de cas, ces trois composantes ont été intrinsèquement liées.

    Mais l’influence des USA dans cette région, comme dans le reste du monde, a commencé à décliner. Les guerres des néo-conservateurs au Moyen-Orient et en Asie du sud ont eu lieu mais étaient des tentatives désespérées, et aujourd’hui manquées pour récupérer en partie une influence en perte de vitesse.

    L’ancienne administration Bush a laissé l’Amérique latine à elle-même alors que les aventures militaires des Etats-Unis ailleurs dans le monde représentaient un poids considérable pour le pays, militairement, économiquement et politiquement, à l’intérieur comme à l’extérieur. Mais comme Clinton a promis un retour vers l’Asie, l’administration d’Obama a tenté un retour vers l’Amérique latine, une région qui est sensiblement différente de ce qu’elle était auparavant, avec une nouvelle forme de socialisme populaire prenant pied (au Venezuela, en Bolivie, et ailleurs) sans complètement bouleverser les modèles économiques qui ont longtemps régi ces pays. Tandis que beaucoup supportent mal la franchise du Président Hugo Chavez, peu de monde en Amérique latine, excepté les quelques alliés qu’il reste aux Etats-Unis, le considére comme une menace. Tout au contraire, le nouvel âge a promis une plus grande coopération dans tous les secteurs économiques entre les pays latino-américains, que ne l’a fait n’importe quelle autre période dans le passé. La nouvelle Amérique latine faisait ses débuts, plus équitable qu’avant, politiquement stable, et économiquement prometteuse, voir dans certains cas, prospère.

    En effet, les Etats-Unis se sont retrouvés face à une réalité différente, leur retour ayant d’abord été bien accueillis, même par Chavez lui-même. Obama a utilisé un langage qui a apaisé beaucoup de craintes et pouvait s’avérer prometteur.

    « Parfois nous avons cherché à imposer nos conditions. Mais je m’engage devant vous à ce que nous cherchions une association équilibrée. Il n’y a pas d’associé principal et d’associé secondaire dans nos relations ; il y a simplement un engagement basé sur le respect mutuel et les intérêts communs et les valeurs partagées, » a déclaré Obama le 19 avril au Sommet des Amériques, au plaisir et au soulagement de son auditoire.

    Est-ce que cela signifiait la fin des coups de force, des interventions militaires, des sanctions économiques, de l’intimidation politique et toutes les formes de coercition qui ont régi une grande partie des rapports entre les deux hémisphères durant tant d’années ? Assurément, comme les dirigeants latino-américains, ou au moins la plupart d’entre eux, ont voulu le croire.

    Et pourtant, le président démocratiquement élu du Honduras, Manuel Zelaya a été renversé le 28 juin. C’était un coup classique de junte latino-américaine. Le dirigeant populaire a été escorté encore en pyjama et expulsé vers un autre pays. Le chef du coup de force, Roberto Micheletti, a pris toute une série de mesures draconiennes, commençant par l’installation d’un nouveau gouvernement fait d’alliés et de copains - avec la bénédiction de l’oligarchie locale - et terminant avec la déclaration de l’état d’urgence limitant les libertés civiles. Après plusieurs tentatives et beaucoup d’épisodes dramatiques, Zelaya est revenu dans son pays et est maintenant confiné à l’ambassade brésilienne dans Tegucigalpa, encerclé par une armée qui ne fait que représenter les très riches d’un pays très pauvre : les oligarches et les généraux.

    D’une certaine manière, le coup de force au Honduras met en lumière le nouvel ordre dans le continent, comme l’ont prouvé l’unité entre beaucoup de pays latino-américains, la permanence de leurs organisations régionales, et l’influence croissante des gouvernements démocratiquement élus. Mais il a également mis en lumière la difficile position du gouvernement des États-Unis : condamnant le coup d’un côté (ce qu’a fait le Président Obama, et même clairement) et condamnant de l’autre l’action courageuse de Zelaya (ce qu’a fait Hillary Clinton, et tout aussi clairement.) Clinton a décrit l’action de Zelaya comme « inconsidérée. » Elle n’était pas la seule, naturellement, puisque l’ambassadeur des États-Unis à l’Organisation des États Américains, Lewis Amselem, a déclaré que le retour de Zelaya était « irresponsable et stupide. » Zelaya devrait cesser « d’agir comme s’il se tenait le premier rôle dans un vieux film, » a-t-il recommandé. Pire encore, les Républicains aux Etats-Unis - qui considèrent les respnsables du coup de force comme des alliés de confiance qui leur rappellent leurs alliés du passé - se précipitent dans la capitale hondurienne, voulant dangereusement légitimer comme hommes d’Etat les dirigeants du coup de force.

    Entre la posture « anti-coup » d’Obama, et la rhétorique anti-Zelaya de son propre Département d’État (et la stupidité républicaine à propos du « retour » de leur pays en Amérique latine), la position des Etats-Unis manque de clarté, quelque chose de dangereux à un moment où l’Amérique latine s’était attendue à une claire rupture avec les Etats-Unis du passé, et à un « un engagement basé sur le respect mutuel et les intérêts communs et les valeurs partagées. » Le Président Obama peut être sincère, mais il doit s’assurer qu’il agit selon ses promesses, pas dans l’intérêt de l’Amérique latine mais pour les futurs rapports de son propre pays avec cette partie du monde. Quant à l’Amérique latine elle-même, les répercussions du siège de l’ambassade brésilienne et le futur de la démocratie au Honduras créeront un précédent terrible dans une période d’espoir, ou serviront alors de preuve que les fantômes du passé ne hanteront plus l’Amérique latine, quelle que soit la façon dont s’activent les généraux.


    * Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est écrivain et publie pour PalestineChronicle. Ses écrits sont publiés par de nombreux journaux, quotidiens et anthologies à travers le monde. Son dernier livre : La Seconde Intifada : une chronique du combat du peuple (Pluto Press, Londres) et son prochain : Mon Père était un combattant de la liberté : l’histoire non dite de Gaza (Pluto Press, London).

    Du même auteur :

      Le théâtre sur le nucléaire iranien est censé détourner notre attention - 14 octobre 2009
      La justice cette fois ? Le rapport Goldstone va-t-il être transmis ? - 21 septembre 2009
      Pour les Etats-Unis, un gel de la colonisation juive en Palestine n’est plus un préalable - 7 septembre 2009
      Lutter pour le droit de marcher ... - 5 septembre 2009
      Les cerf-volants de Gaza - 26 août 2009
      Fatah : nouveau début ou fin imminente ? - 20 août 2009

    SOURCE INFO PALESTINE 


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