• Opposons-nous aux rafles ici et maintenant

     

    Depuis de nombreuses années, l’Etat orchestre un battage médiatique au service de sa politique contre l’immigration. Suite aux révoltes au Maghreb et au Moyen-Orient, il augmente les contrôles aux frontières et les interpellations au faciès. La préfecture et ses chiens de garde ciblent les abords des associations d’aide aux sans-papiers, des administrations, des gares et galeries marchandes ...

    À Strasbourg, ceux qui n’ont pas de papiers sont emprisonnés au Centre de Rétention Administratif de Geispolsheim puis expulsés le plus souvent depuis l’aéroport d’Entzheim. Cette traque, en plus d’ancrer chez certains la peur d’un retour forcé (synonyme parfois de torture, prison ou mort ; le plus souvent de misère), participe ici à banaliser le contrôle de l’Etat sur nos vies par le fichage au moyen des papiers d’identité.

    Être sans papiers pousse à accepter des boulots dans la restauration, le bâtiment, le nettoyage et autres secteurs où l’exploitation est à son comble (salaires et conditions de merde). Les patrons sont friands d’une main-d’oeuvre corvéable à merci qui ferme sa gueule sous peine d’être dénoncée aux flics. Le capitalisme a besoin de l’immigration, légale ou non.

    L’enfermement, la gestion et les expulsions des sans-papiers sont un marché juteux que se disputent les charognards tels Vinci, Eiffage, Bouygues, Air France, Accor, la Croix Rouge, Sodexho, etc, au moyen de contrats passé avec l’Etat.

    À Geispolsheim, l’Alsacienne de Restauration et Véolia se font leur beurre sur le cantinage et le nettoyage. Dans la même logique de profit mais sous couvert de bonne conscience humanitaire, l’Ordre de Malte y cogère l’enfermement et collabore à la répression en réduisant la vie à des dossiers administratifs.

    Menant la bataille juridique de la régularisation, des associations telles que RESF trient les bons et les mauvais sans papiers sur des critères d’intégration. Ils créent ainsi la séparation entre ceux qui « mériteraient » de vivre ici et les autres, là où il pourrait y avoir de la solidarité et des luttes hors du moule légaliste et citoyenniste.

    Mais certains n’ont pas choisi la voie de la résignation ou de l’indignation. Dans de nombreux centres de rétention (à Paris, à Marseille, en Italie, en Belgique et ailleurs), des détenus se révoltent et s’évadent à coup d’incendies, d’émeutes, sans concession avec l’Etat et ses flics. Contre les centres de rétention, de multiples étincelles de rage ont surgi en solidarité, et surgissent encore.

    Que chacun déploie ses forces contre les rafles, les CRA, les expulsions, et contre tous ceux à qui cela profite.

    Pour un monde sans Etat ni frontières
    Détruisons toutes les prisons

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    Trouvé sur Indymedia Grenoble


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  • A Paris, le jasmin a l'odeur des menottes

    Mercredi, au square de la Porte de la Vilette ©Pierre Pytkowicz
    « La police : le soir, le matin, tout le temps ! » Hier, dans le square de la porte de la Villette où plusieurs centaines de Tunisiens ont trouvé refuge depuis leur arrivée à Paris, les esprits étaient encore échauffés par les nombreuses arrestations des dernières heures.

    Dans la nuit de mardi à mercredi, une soixantaine de personnes, en majorité des Tunisiens récemment arrivés en France, ont été placées en garde à vue à Paris et en Seine-Saint-Denis. L’opération policière, qui s’est déroulée dans les 10e, 18e, 19e et 20e arrondissements de Paris, avait pour « visée d’établir un diagnostic de (leur) situation » a osé expliquer la préfecture de police de Paris.

    « Ce matin encore, deux policiers en civil sont venus nous dire qu’ils allaient prendre nos empreintes » peste Chaibi Maher, tunisien d’une quarantaine d’années, arrivé il y a un mois dans la capitale.

    Procédures judiciaires en cours

    La soixantaine de personnes interpellées et placées en garde à vue se trouvaient toujours hier au commissariat de Pantin. Ils font l’objet d’une procédure judiciaire pour « infraction à la législation sur le séjour » et un juge devait se prononcer hier sur de possibles expulsions.

    « Il y a deux cas de figures, explique Me Samia Maktouf, qui défend plusieurs de ces Tunisiens. Ceux qui ont un passeport provisoire italien seront certainement renvoyés vers l’Italie. Ceux qui n’ont aucun papier seront placés en centre de rétention. Comme le consulat tunisien n’est pas en mesure de délivrer des laissez-passer, ils seront certainement libérés. »

    Venue leur rendre visite sur place, l’avocate est assaillie par les témoignages de violences policières. Celui-çi, qui dort dans le parc, assure qu’il a été réveillé par des coups de matraques à l’aube. Cet autre au visage juvénile et qui dit avoir quinze ans, explique que les policiers français l’ont arrêté la semaine dernière. Il mime une clef de bras et une grimace de douleur pour expliquer son arrestation. « Et tout cela aux frais du contribuable, soupire l’avocate. Pour le même prix, on aurait pu les loger dans un hôtel trois étoiles ! ».

    La ville débloque des fonds

    Depuis des semaines plusieurs centaines de Tunisiens vivent dans des conditions extrêmement précaires aux portes de Paris. Certains affirmaient hier ne pas avoir mangé depuis plusieurs jours.

    Mardi, le maire de Paris Bertrand Delanoë (PS) a débloqué 100 000 euros pour leur venir en aide et à chargé les associations France Terre d’asile et Emmaüs de mettre en place des dispositifs de soutien et d’accompagnement social et sanitaire.

    Mise à jour, jeudi, 10 heures

    Les interpellations de Tunisiens se sont poursuivies mercredi soir à Paris et Marseille. A Paris, l'opération s'est déroulée vers 21 heures, au moment où un repas chaud était distribué à plusieurs dizaines de migrants par la Croix Rouge Porte de la Villette. La préfecture de police a confirmé qu'"une opération similaire à celle d'hier", avait eu lieu mercredi soir, sans donner de précisions sur le nombre de personnes interpellées. Mercredi en fin de journée, la préfecture de police avait précisé que "la majorité" des Tunisiens arrêtés mardi soir "ont ou vont faire l'objet d'arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière".

    A Marseille, l’opération policière s'est déroulée entre 21 heures et minuit, au moment où des associations tentaient de trouver des solutions d'hébergement pour plusieurs dizaines de migrants installés dans un square près de la gare Saint-Charles. Quinze migrants ont été interpellés puis placés en garde à vue pour «infraction à la législation sur les étrangers».

    Enfin à Nice, 28 migrants ont été interpellés mercredi midi, selon Nice Matin, alors qu'ils manifestaient devant la préfecture pour réclamer des papiers.


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  • Une mer de guerre



    Annamaria Rivera

    Traduit par  Fausto Giudice


    De nouveaux cadavres d’hommes, de femmes et d’enfants sont venus allonger la longue liste de ceux qui ont fait un immense tombeau de ce Mare Nostrum* qui fut autrefois une mer  permettant à des gens, des coutumes et des cultures de fraterniser, et devenu aujourd’hui une frontière blindée qui sépare et extermine, tuant ce qui reste de notre humanité.

    Les dernières 250 victimes du Canal de Sicile, des Érythréens et des Somaliens – que certains médias s’acharnent, malgré la dimension de cette tragédie, à qualifier de “clandestins” et d’“extracommunautaires” -, ne sont pas seulement mortes du fait de la prohibition de l’accès  à l’Europe, mais aussi de notre coupable ingérence “humanitaire” en Libye. On a préféré les bombardements aux corridors réellement humanitaires, on a ignoré cyniquement le devoir de sauver avant tout les êtres humains et, en premier lieu, les réfugiés, persécutés et pris au piège dans la guerre civile.

    D’ores et déjà nous le savons : même ces victimes par excellence, noyées (à cause de retards ou d’impéritie ?) au cours des opérations de secours des garde-côtes italiens, ne viendront pas solliciter l’empathie qui déclenche le ressort de la solidarité collective et induit la réflexion sur la folie de guerres “humanitaires” qui tuent des humains. Cela fait longtemps que notre malheureux pays n’éprouve plus les sentiments qui, il y a juste 20 ans, poussèrent les habitants de Brindisi, ville de 90 000 habitants, à restaurer, secourir et héberger dans leurs propres maisons 27 000 réfugiés albanais.
     
    Ce sont des eaux plutôt troubles qui ont coulé depuis sous les ponts : la propagande raciste et sécuritaire, le poison liguiste** administré jour après jour à des doses toujours plus élevées, une politique médiocre qui fait assaut de méchanceté à l’égard des “étrangers” dans la concurrence électoraliste, une Europe unie qui ne sait s’unir que quand il s’agit d’argent et défense de ses frontières contre l’irruption des Barbares. Si bien que pas même cette dernière tragédie, pas même les images des visages souffrants et terrorisés des rescapés et les récits de ceux parmi eux qui ont perdu en mer toute leur famille, pas même l’idée des enfants engloutis par les eaux qui auraient du les pousser vers le salut n’entraîneront de réflexion sur la folie collective dont nous sommes la proie.
     
    Nous applaudissons, plus ou moins tardivement, avec plus ou moins d’enthousiasme, au vent de printemps qui ébranle les régimes despotiques sur l’autre rive et nous acceptions le despotisme grossier des plombiers qui nous gouvernent, eux qui parlent d’êtres humains à la recherche d’un meilleur sort ou de salut en termes de robinets à fermer et de baignoires à vider.
     
    Nous participons à l’armée des “hommes de bonne volonté” qui vont pacifier la Libye à coups de bombes et nous nous fichons de nos malheureux ex-colonisés, d’abord discriminés ou réduits en esclavage, puis englués entre la guerre civile et l’intervention “humanitaire” : derniers du monde, sans paix et sans patrie, s’ils n’ont plus où aller, où retourner, c’est aussi grâce aux effets de longue durée de notre politique coloniale et néocoloniale.
     



    Le radeau des illusions, photomontage de Gérard Rancinan, Paris-Match n°3069, 13/3/2008
     

    Est-ce que nos plombiers de service joueront à nouveau aux victimes de l’Europe cynique et tricheuse qui n’arrive pas à les défendre contre le “tsunami humain” aussi à propos des survivants érythréens et somaliens et de ceux qui réussiront à arriver chez nous ? Est-ce que nos “hommes de bonne volonté” oseront subordonner le devoir d’accueillir dignement les réfugiés à quelque petit accord, en l’occurrence passé à l’arrachée avec l'hypothétique prochain gouvernement de transition libyen ?
     
    Une remarque basique enfin. Les révoltes qui ont renversé ou ébranlé les régimes dictatoriaux de l’autre rive sont animées dans beaucoup de cas par le désir de liberté et l’exigence de dignité : la liberté et la dignité signifient pour les jeunes révoltés aussi la liberté de mouvement et le droit d’aller chercher ailleurs un sort plus digne, sans mettre en danger leur propre vie. Les gouvernements de transition ne pourraient donc pas prétendre représenter la rupture radicale avec les anciens régimes sans en briser les axes porteurs : parmi ceux-ci, les accords bilatéraux qui ont fait d’eux les gendarmes féroces et stipendiés de la Forteresse Europe.

    En somme, une des conditions pour que les révolutions en cours soient de vraies révolutions, capables de conquérir des couches du peuple, réside dans leur volonté et possibilité de résister aux chantages européens et plus généralement atlantiques. Ce n’est ni facile ni sûr. Mais ce serait moins ardu si ceux qui refusent d’endosser le vieux rôle de chiens de garde des frontières des autres, avaient pour alliés sur cette rive-ci ceux et celles qui décideraient vraiment qu’ils et elles n’en peuvent plus du colonialisme, des guerres “humanitaires” et des frontières blindées et seraient, pour ces raisons et pour d’autres, disposés à se révolter contre les plombiers et “hommes de bonne volonté” en tous genres.
     

    NdT

    *Mare nostrum : expression latine signifiant "notre mer", employée couramment dans la Rome antique pour désigner la Méditerranée, considérée comme la piscine domestique de la Rome impériale, et reprise par Mussolini dans sa rhétorique impériale, dans un discours prononcé à Tripoli en avril 1926 et annonçant sa volonté de “refaire de l’Italie” la puissance contrôlant la Méditerranée.

    ** Liguiste : de la Ligue du Nord, raciste et allophobe.

     



    Merci à Tlaxcala
    Source: http://www.ilmanifesto.it
    Date de parution de l'article original: 07/04/2011
    URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=4532


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  • Lampedusa: les barbelés de notre médiocrité



    Annamaria Rivera

    Traduit par  Fausto Giudice

    Face à l’exode, tout à fait prévisible, de quelques milliers de migrants et de réfugiés, on ne pourrait imaginer de farce plus indigne que celle qui se joue dans le malheureux pays dans lequel il nous est échu de vivre, désormais padanisé* du Nord au Sud, à quelques exceptions près.

    Et le contraste est strident entre la noblesse du printemps arabe et la misère des réponses italouillardes** à l’issue escomptée et secondaire de cet extraordinaire tournant historique : rien que chaos, déshumanisation, alarmisme social, compétition entre égoïsmes institutionnels, camps de concentration, barbelés, menaces de rapatriements collectifs, patrouilles “spontanées” et chasse aux fugitifs jusque dans les hospitalières Pouilles.

    La jeune taupe a bien creusé : le mélange monstrueux de liguisme nazi, de cynisme individualiste de propriétaires, de provincialisme pingre et inconscient dessine aujourd’hui le portrait le plus fidèle de la nation italienne.
     
    Nous sommes le pays qui est incapable – ou refuse – de contraindre à la démission son médiocre despote, camarade de goûter et de bunga-bunga***des tyrans renversés par les révoltes : un homme qui, après l’apocalypse japonaise, a eu le culot de qualifier l’arrivée de réfugiés de “tsunami humain”. Et il est donc cohérent que nous en exprimions au niveau institutionnel et social les attitudes, les tics, les sautes d’humeur indécentes.
     


    Chappatte, Le Temps (Genève), 31/3/2011
     

    À l’opposé - et ce n’est pas un hasard – l’héroïsme et la générosité collectifs qui ont guidé le soulèvement tunisien se sont reflétés dans la solidarité, l’altruisme, le naturel serein avec lesquels les populations très pauvres des villages frontaliers – et les autorités tunsiennes elles-mêmes – ont accueilli presque 150 000 réfugiés arrivés de Libye : cela, dans un pays d’à peine 10 millions et demi d’habitants, se trouvant dans une phase très difficile de transition politique, sociale et économique.
     
    Chez nous – un pays de plus de 60 millions d’habitants – il a suffi de 20 000 arrivées pour entraîner le cycle pervers et crapuleux dont nous avons parlé, qui va de l’impéritie et du chaos à leur instrumentalisation alarmiste, du malaise et du rejet populaires aux renvois de balles entre institutions. Il faut ajouter que c’est seulement en apparence que la France est à peine moins dégoûtante, qui, à Vintimille, renvoie les Tunisiens vers l’Italie : pour retrouver leur honneur perdu - si l’on ose dire – Sarkozy & Co., eux aussi anciens camarades de goûter de Kadhafi et grands protecteurs de Ben Ali, préfèrent les bombardements “humanitaires” à l’accueil et à la solidarité.
     
    Et pourtant il n’y a dans toute cette situation aucun lien objectif, mais plutôt des volontés perverses et des inaptitudes subjectives. Pour ne parler que du niveau institutionnel, il suffirait, pour garantir aux migrants un traitement digne d’un pays civilisé, de réaliser un plan d’accueil diffus, organisé en petits groupes, et surtout édicter un décret sur la protection temporaire, parfaitement possible selon les lois et règlements actuels. Cela permettrait entre autres aux migrants de transiter dans les pays européens et de rejoindre la France et l’Allemagne, c’est-à-dire leurs objectifs réels, contournant ainsi le “bouchon” de Vintimille. C’est ce que demande la myriade d’associations de défense des droits des migrants, à commencer par l’ARCI.
     
    Le Parti démocratique évoque lui aussi la protection temporaire, mais de manière passablement plus ambiguë, car il ne résiste pas à la tentation de demander dans le même souffle un “accord avec la Tunisie pour gérer l’arrêt des arrivées et la programmation des rapatriements”. Peut-être les « démocrates » ignorent-ils qu’ainsi ils trahissent la volonté et l’esprit du printemps arabe, dont la déclaration récente du Forum économique et social tunisien est un exemple. Le Forum demande à son propre gouvernement l’exact contraire : de refuser “la demande des autorités italiennes concernant un rapatriement de masse obligatoire des émigrés” et ”l’interruption de l’application des accords sur les questions migratoires, passés avec l’ex-dictature”.
     
    Mais les nôtres sont durs de la feuille. Ils n’ont pas encore compris que la liberté pour laquelle les jeunes Tunisiens et Égyptiens, peut-être aussi Libyens, ont lutté et luttent, c’est aussi la liberté de mouvement. Les jeunes révoltés qui ont expérimenté virtuellement le droit à la mobilité – avec les blogs, Facebook et autres réseaux sociaux – et qui donc se sentent déjà partie prenante d’une communauté globale sans frontières, n’acceptent plus (en admettant qu’ils l’aient jamais accepté) d’être confinés à l’intérieur des enceintes nationales. Par leurs révolutions ils ont déclarés faire partie d’au moins une région euro-méditerranéenne.
     
    Certes les raisons qui les poussent à risquer leur vie en embarquant sur les habituelles charrettes de la mer sont aussi multiples que leurs biographies individuelles. Pour beaucoup de jeunes prolétaires tunisiens, la transition, avec l’effondrement du secteur touristique et de tout le secteur informel induit, signifie perte de travail et de revenu, impossibilité de continuer à faire vivre leur famille. Pour d’autres, cette transition, avec le relâchement de la surveillance policière, représente l’occasion de réaliser enfin un projet de migration qu’ils avaient dans le tiroir. Pour beaucoup d’entre eux, partir, aller voir ce qu’il y a sur l’autre rive, est simplement le corollaire de la liberté conquise par le soulèvement.
     
    Penser qu’on peut contraindre de telles aspirations entre les barbelés de notre médiocrité fainéante et devenue méchante, de notre égoïsme incapable et provincial, est pure sottise car cela va dans la direction opposée à celle des désirs collectifs des autres et du mouvement historique.
     
    Dès maintenant, des brèches et des voies de fuite s’ouvrent dans les clôtures de barbelés. Et à propos : pourquoi est-ce que nous, les vrais “hommes et femmes de bonne volonté”, ne nous armons pas de cisailles - des vraies, pas des symboliques - pour encourager le cours de l’histoire ?
     
     Ndt

    *Padanisé : néologisme formé à partir du mot Padania, la chimérique république virtuelle de la région du Pô inventée par la Ligue du Nord. Une version post-moderne de l'esprit de clocher et du “maître chez soi”.

    **Italouillardes : néologisme du traducteur, formé à partir de franchouillard et de trouillard, pour rendre l’italien italiche.

    *** Bunga-bunga : Terme inspiré à Berlusconi par Kadhafi pour désigner ses orgies.





    Merci à Tlaxcala
    Source: http://www.liberazione.it/rubrica-file/I-fili-spinati-della-nostra-mediocrit----LIBERAZIONE-IT.htm
    Date de parution de l'article original: 03/04/2011
    URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=4487


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  • L'usine à expulser du Mesnil-Amelot tourne à vide

    ENQUÊTE.

    Ah, le charmant petit village du Mesnil-Amelot ! Son église Saint-Martin, classée au patrimoine historique ; ses habitations typiques des villages ruraux de la Plaine de France et ses... trois centres de rétention, antichambres pour les expulsions de sans-papiers.

    En 1989, la première prison pour étrangers de ce village de Seine-et-Marne est installée dans des bâtiments de chantier Algeco. Vingt-deux ans plus tard, la politique du chiffre est passée par là et c’est un immense complexe qui devait être inauguré le 29 mars 2010, il y a tout juste un an.

    Ses grands bâtiments flambant neufs se dressent à l’entrée du village. Derrière deux rangées de grillages, on aperçoit les structures de plein pied surmontées de caméras de vidéosurveillance et de détecteurs de mouvements. Conçu pour accueillir 240 retenus, ce CRA devait être le plus grand jamais construit depuis celui de Vincennes (Val-de-Marne), ravagé par un incendie en juin 2008. Pour contourner la législation qui interdit les centres de plus de 140 places, feu le ministère de l’Immigration a fait construire deux centres limitrophes, de 120 places chacun, qui possèdent une seule et même entrée.

    Un ensemble sécuritaire high-tech au service des expulsions

    Le nouveau CRA du Mesnil-Amelot est celui de tous les records. Outre sa taille, il est aussi le plus moderne : un ensemble sécuritaire high-tech au service des expulsions. En mars 2010, la Cimade, association d’aide juridique aux étrangers retenus, avait pu le visiter et décrivait des chambres truffées de caméras, des portes automatisées et des détecteurs de mouvements.

    Ironie du sort, ce centre du futur multiplie les dysfonctionnements et son ouverture a déjà un an de retard. Initialement prévue pour mars 2010, son inauguration ne cesse d’être repoussée. Dernièrement, elle a été annoncée pour la fin du mois d’avril. Pas officiellement bien sûr car, gêné aux entournures, le ministère de l’Intérieur refuse de communiquer sur le sujet. De fait, cette non-ouverture est aussi synonyme d’une gabegie financière et d’un marasme politique. La suppression, en tant que tel, du ministère de l’Immigration en novembre 2010, puis le départ de Brice Hortefeux, remplacé par Claude Guéant, aurait-il contribué à cette confusion au plus haut sommet de l’État ? Il est sûr qu’au moment où le gouvernement multiplie les sorties sur sa «  très grande fermeté à l’égard de l’immigration illégale », l’affaire fait désordre.

    Ouverture repoussée jusqu'en juin

    En décembre dernier, le ministère résiliait, en toute discrétion, l’appel d’offres pour l’exercice de la mission d’aide juridique. Motif officiel ? « L’intérêt général » ! « Visiblement, le ministère s’est engagé sur des projections de prestations trop importantes par rapport à la réalité des travaux », explique Clémence Richard, de la Cimade. Un nouvel appel d’offres devrait être lancé, certainement pas avant le mois de juin, ce qui repousserait d’autant l’ouverture du centre.

    Comment les travaux ont-ils pu prendre un tel retard ? Premier élément de réponse : la passation de pouvoir entre la gendarmerie et la police aux frontières (PAF). D’abord suivi par les gendarmes mobiles, le chantier, commencé en décembre 2007, bascule à la PAF au début de l’année 2009. Mais, entre temps, les gendarmes, militaires bénéficiant de logements de fonction, ont eu le loisir de construire un énorme bâtiment pour leurs pénates... Des logements qui devraient désormais servir de cantonnement pour les CRS en déplacement sur la région parisienne et plus précisément à Roissy.

    Des portes blindées dangereuses

    Autre raison de ce retard, les (nombreux) défauts de construction des bâtiments. Exemple parmi tant d’autres : les portes blindées, qui ont toutes dues être remplacées. Métalliques, peu fonctionnelles parce que trop lourdes, elles ont même été jugées « dangereuses », alors que quarante places sont réservées aux familles dans le centre n°2. De même, la complexité des serrures était telle que des policiers et des ouvriers travaillant dans le centre se sont retrouvés enfermés sans réussir à en sortir...

    Autre problème qui prête à sourire, en cas de déclenchement intempestif des détecteurs d’incendie, toutes les portes du CRA s’ouvraient ! « Très sécurisant en matière d’évacuation, mais un peu problématique quand il s’agit d’éviter les évasions », s’amuse un délégué syndical.

    Une dizaine de fonctionnaires de police, chargés, depuis un an, de surveiller les locaux vides, jour et nuit.

    Ce qui fait moins rire les syndicats, c’est le peu d’effectifs mobilisés en prévision de cette ouverture titanesque. Depuis le transfert de compétence entre la gendarmerie et la PAF, cette dernière a mobilisé 255 fonctionnaires pour les trois centres de rétention (qui pourront gérer jusqu’à 360 retenus). Trop peu, dit-on en interne où ce manque d’effectifs inquiète. Aucun renfort n’est prévu alors que le nombre de retenus devrait doubler. Pour l’instant, les centres 2 et 3 mobilisent une dizaine de fonctionnaires de police, chargés, depuis un an, de surveiller les locaux vides, jour et nuit.

    La PAF assure que la mise en place à l’intérieur du centre d’un tribunal de grande instance - au grand dam des magistrats - diminuera d’autant les escortes et donc le nombre de policiers requis. Mais l’argument convainc peu. D’autant que le fonctionnement même du tribunal est remis en cause par le manque d’interprètes, ces derniers refusant de se déplacer jusqu’au CRA pour si peu de missions. Or sans interprète, les procès ne peuvent pas se tenir....

    Gâchis financier et aberration politique, le centre de rétention du Mesnil-Amelot réussit à unir contre lui fonctionnaires de police, élus de gauche et associations de soutien aux étrangers. Une absurdité qui n’est pas une mauvaise nouvelle pour tout le monde : les défenseurs des sans-papiers y voient, eux, une brèche dans la machine à expulser.

    Paru dans l'Humanité du 31 mars 2011

    Source ici


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  • Voir aussi :
    [APP] Mémorial des morts aux frontières de l’Europe
    “La liberté de circulation s’impose comme une évidence”
    Ceuta, tombeau du rêve européen

    Ceux qui voudraient en savoir plus pourront se référer au texte de Claire Rodier, Instaurer la liberté d’aller et venir, repris dans l’anthologie sur Gisti intitulée Liberté de circulation : un droit, quelles politiques ?.


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  • Sur la Côte d'Azur, la chasse aux Tunisiens bat son plein

    L’arrivée dans le Sud-Est de la France de quelques dizaines de Tunisiens serait-elle en train de faire perdre la tête aux autorités françaises ? Depuis le début du mois, la préfecture des Alpes-Maritimes a enregistré 113 interpellations de Tunisiens, soit une augmentation « significative ». Les autorités ont donc sorti l’artillerie lourde : renfort de CRS, augmentation des patrouilles de surveillance, sur les routes, les voies ferroviaires et maritimes, mais aussi consignes discriminatoires et multiplication des atteintes aux droits.

    La 
note affichée au commissariat de CannesAinsi, le commissariat de Cannes a vu affichée sur ses murs, durant tout le week-end, une note dactylographiée incitant à arrêter en priorité les Tunisiens. Elle demande aux fonctionnaires de la CSP (Circonscription de sécurité publique) d’« interpeller les étrangers en situation irrégulière ‘de nationalité tunisienne’ dans la gare et aux abords samedi et dimanche ».

    Dénoncée par le syndicat Unité SGP police, cette note interne a été retirée dimanche soir, la préfecture précisant que «le renforcement du dispositif de surveillance et de mise en oeuvre des mesures de reconduite à la frontière s’applique à tous les étrangers en situation irrégulière quelle que soit leur nationalité».

    Les centres de rétention font le plein

    Sauf que ce sont bien les Tunisiens qui remplissent actuellement les centres de rétention administrative (CRA) du Sud-Est de la France. Celui de Nice compte à lui seul 21 tunisiens pour 38 places. A Nîmes, le CRA, fermé à cause d’une épidémie de gale la semaine dernière, a rouvert vendredi pour vingt tunisiens. Cinq devaient encore arriver hier.

    «Hâtives» d’après les associations présentes dans les CRA, les procédures se font en dehors des cadres légaux : arrestations et rétentions illégales, usage abusif des menottes, notifications des droits insuffisantes, etc. « Samedi, on a carrément vu la police du CRA saisir le juge des libertés pour prolonger la rétention, témoigne David Rohi, coordinateur de la mission éloignement à la Cimade. Normalement c’est au préfet de le faire, donc la saisine a été jugée irrecevable, ils ont été libérés. »

    Réadmissions ou expulsions

    L’administration est visiblement pressée de les expulser du territoire français. « Ils ne restent que très peu de temps, indique Assane Ndaw, de Forum Réfugiés. Deux, trois jours avant d’être réadmis en Italie ou reconduit en Tunisie. » Jusqu’à présent, aucun n’a demandé l’asile en France. « Ce sont des jeunes hommes qui souhaitent venir travailler ou rejoindre de la famille, explique David Rohi. Certains sont juste de passage vers d’autres pays européens ».


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    La police à délogé,  vendredi 28 janvier 2011, 50 personnes dont 20 enfants de leur campement dans un hangar désaffecté de la RTM, place Cazemeajou,  dans le 15e arrondissement à Marseille.

    Ceux qui n'étaient pas présents lors de l'expulsion n'ont pas eu le droit de recuperer leurs bagages.

    On peut penser que ces familles vont rejoindre le campement de la porte d’Aix !

    (Mille bâbords 16276 :
    Depuis plusieurs mois, des hommes, femmes et enfants expulsés de leurs squats y vivent dans le froid, la boue, entre immeubles et fin d’autoroute dans des abris de fortune, sous des tentes, à la merci d’attaques racistes...)

    Alain Fourest, l’animateur infatigable de "Rencontres Tsiganes" (http://www.rencontrestsiganes.asso.fr/) est "désespéré". "On met des vieux, des enfants, des malades à la rue en plein hiver. Et pour nous associations tout le travail est encore à reprendre à zéro"

     

     


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  • La honte ! Collomb expulse sous la neige les Rroms de Vaise

    Inimaginable ! Très peu de personnes ne pensait qu’il allait le faire. Et bien l’actuel maire PS de Lyon l’a fait. Il a fait expulser en plein hiver une soixantaine de personnes qui avait pris domicile dans un bâtiment situé sur le parking de l’ancien Grand Bazar de Vaise. Il a fait expulser par la police ce vendredi 17 décembre 2010 des familles avec des bébés, des enfants en bas âges, des personnes malades alors que dehors il neigeait !
    Collomb voulait être le premier, c’est sûr, à utiliser les nouvelles possibilités répressives de la loi LOPPSI 2, avant qu’elle soit votée, en prenant un arrêté pour permettre l’expulsion sans tenir compte de la justice...

    La suite ici


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    Le site Internet de l’office de tourisme de Malte annonce sans détour : « Les îles maltaises seront une fête pour vos sens. L’avantage d’y séjourner est de vous permettre d’expérimenter plusieurs séjours en un ». C’est en effet ce que constatent les milliers de boat-people africains faisant route vers l’Italie et qui, depuis 2002, se fracassent sur les côtes maltaises. Ils ont été arrêtés, parqués dans des centres de détention ou de rétention (ouverts ou fermés). Pour ces migrants interdits d’Europe, Malte est devenue une prison à ciel ouvert.

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    Communiqué commun du Gisti, d'Iris et de la LDH - 22 octobre 2010 -

    Le gouvernement peut poursuivre en toute quiétude le fichage biométrique des Rroms, de tous les autres étrangers bénéficiant de l’aide au retour, ainsi que de leurs enfants. Ainsi en a décidé le Conseil d’État, en rejetant le 20 octobre 2010 le recours formé par le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), l’association Imaginons un réseau Internet solidaire (Iris) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH) contre le décret de création du fichier Oscar.

    Alors que la Commission européenne a annoncé le 19 octobre qu’elle renonçait à ouvrir une procédure d’infraction contre la France pour absence de transposition de certaines garanties minimales de procédure imposées par la Directive sur la libre circulation, le Conseil d’État a donné dès le lendemain carte blanche au gouvernement pour poursuivre son fichage et sa traque des étrangers, ressortissants communautaires ou non.

    L’ensemble des moyens soulevés par le Gisti, Iris et la LDH a été rejeté. Tout en reconnaissant la base légale incertaine du dispositif de l’aide au retour - fixé par une circulaire de 2006 non publiée selon les termes de la réglementation en vigueur et donc réputée abrogée à la date de publication du décret contesté -, la décision dépasse résolument ces incertitudes. Sur l’ensemble des moyens, les conclusions du Conseil d’État ne s’éloignent guère du mémoire en défense du gouvernement, y compris pour apprécier la pertinence et l’adéquation aux finalités du traitement des données enregistrées et de leur durée de conservation.

    À titre d’exemple, la durée de conservation de 5 ans n’est nullement considérée comme arbitraire, alors même qu’elle est de loin supérieure au délai de prescription de l’action publique en matière contraventionnelle (1 an) voire délictuelle (3 ans). Rappelons qu’il s’agit uniquement d’éviter qu’un « pécule » de 300 euros soit indûment accordé plus d’une fois ! De même, la collecte de 10 empreintes digitales est à rapporter aux 2 seules empreintes exigées par la réglementation européenne en matière de passeports biométriques, dont les enjeux sont tout de même plus sérieux !

    Le recours à de tels arguments – dont on peut estimer qu’ils sont plus politiques que juridiques -  est à rapprocher de l’accélération soudaine de l’instruction, comme s’il importait surtout de lever au plus vite l’hypothèque qui pesait sur la légalité d’Oscar. Certes, les associations requérantes avaient elles-mêmes demandé au Conseil d’Etat de tenir compte de l’urgence de la menace pesant sur les Roms. Elles avaient d’ailleurs obtenu de la sous-section compétente pour instruire le dossier que la séance publique soit avancée à la mi-novembre. Les associations requérantes ont été informées que la séance aurait finalement lieu bien plus tôt, le 29 septembre, laissant ainsi à peine 10 jours ouvrés au Rapporteur public pour présenter ses conclusions.

    Le fichage biométrique des Rroms ne connaît désormais plus aucun obstacle. Il est lourd de conséquences en termes de restrictions à la liberté de circulation des ressortissants communautaires comme l’ont pourtant démontré les associations, et, au-delà, de l’ensemble des étrangers bénéficiaires de l’aide au retour.

    Pour plus de détails sur le fichier Oscar, la procédure de recours et le dispositif de l'aide au retour, voir: http://www.iris.sgdg.org/actions/fichiers/

    Contact : Meryem Marzouki, contact@iris.sgdg.org , Tel : 01 44 74  92 39


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  • Le mal-être de l’Europe : l’errance Rom, partie visible de l’iceberg

    Jeunes Roms à Lipany, Slovaquie. (AFP)
    « Plutôt que la diversité raciale, culturelle ou ethnique ne devienne un facteur limitateur des échanges humains et du développement, il faut repenser notre façon de voir les choses, discerner dans de telles diversités un potentiel d’enrichissement mutuel et prendre conscience du fait que les échanges entre les grandes traditions de spiritualité humaine représentent la meilleure chance pour l’esprit humain lui-même de durer. »
    Marie Robinson (haut commissaire des Nations unies aux Droits de l’homme)

    La question des minorités est devenue si sensible pour la paix et la stabilité dans le monde que l’Assemblée générale des Nations unies a adopté, en 1992, la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques. Beaucoup de peuples se trouvent en mal d’identité. Huit à dix millions de Tziganes errent en Europe, minoritaires dans tous les Etats, objets de toutes les persécutions, de tous les rejets.

    Le tintamarre occasionné par l’expulsion d’un millier de Roms, suite à une décision de la France, aurait pu passer sans problème n’était-ce par la stigmatisation des Roms désignés expressément par la circulaire du 5 août 2010. Lors de la réunion de Bruxelles, la séance fut mouvementée.

    « La Commission européenne a attaqué sans ambages ni circonvolutions oratoires la politique menée par la France à l’égard des Roms. Viviane Reding a judicieusement ouvert le feu sur deux fronts au moins : celui du droit et celui de la morale. Elle a non seulement accusé le pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité de discrimination et de violations des droits fondamentaux, mais elle a aussi ouvertement douté de l’intégrité de ces ministres qui disent blanc à Bruxelles mais font noir à Paris. Désormais, le pays prend l’eau de toute part, est attaqué et contesté de partout. Virer les racailles des cités étant désormais impossible (trop nombreux, trop hostiles, trop solidaires dans leur haine de la France), l’Etat a jugé opportun de s’en prendre à un petit groupe, les Manouches ». (1)

    Si la commissaire européenne Viviane Reding a récusé sa comparaison de la politique française vis-à-vis des Roms avec les drames de la Seconde Guerre mondiale, l’administration Obama s’est dite préoccupée. Le répit a cependant été de courte durée. Sous couvert d’anonymat, un haut responsable du département d’Etat a exprimé son inquiétude sur le dossier Roms. « A l’évidence, les droits des Roms sont importants pour nous, et nous invitons la France et d’autres pays à (les) respecter. » Comme le rappelle le quotidien britannique, la France n’est pas la seule à avoir lancé des procédures contre les gens du voyage.

    La Suède, le Danemark, l’Allemagne, la Belgique ou l’Italie, entre autres, multiplient les mesures discriminantes à leur encontre. Pauvre Europe ! Le traitement infligé par la France aux Tziganes roumains et bulgares la met à rude épreuve. C’est au tour de Viviane Reding, la commissaire européenne à la Justice et aux Droits des citoyens, de fustiger une politique qualifiée de « honteuse ». (...) L’Union dévoile au grand jour ses carences. La diplomatie européenne est inexistante, comme en témoigne son rôle de spectatrice des négociations directes entre Israéliens et Palestiniens. Il est bien loin le temps où l’Europe unie au sein d’une communauté faisait rêver. L’expulsion des gens du voyage - des citoyens européens comme les autres - est un signal d’alarme. Ces pactes ne sont pas des chiffons de papier, jetés à la corbeille pour convenances électoralistes. (2)

    Un problème ancien et récurrent

    Le problème des Roms qui tétanise l’Europe n’est pas nouveau. L’Union européenne a pris plusieurs initiatives pour favoriser l’intégration des Roms, mais en l’absence d’une réelle politique communautaire dans ce domaine, les réponses des pays européens vont de la fermeté à la tentative d’intégration. En tant que citoyens de l’UE depuis 2007, les Roms roumains et bulgares jouissent de la liberté de circulation et du droit au séjour sur le territoire des États membres.

    L’Union européenne a récemment pris des initiatives pour améliorer les conditions de vie des Roms. Le 31 janvier 2008, le Parlement européen a adopté une résolution réclamant « une stratégie européenne pour les Roms ». La Commission est aussi chargée de stimuler l’utilisation des fonds structurels européens par les États pour renforcer l’intégration des Roms. Entre 2007 et 2013, environ 9,5 milliards d’euros seront mis à disposition des États (...) La plupart des pays ont mis en place des politiques restrictives. L’Italie est, avec la France, le pays qui pratique le plus les reconduites à la frontière, et les évacuations de camps, comme le 7 septembre à Milan. (...) Le gouvernement actuel poursuit une politique très dure.

    En Allemagne, les Roms du Kosovo, qui ont pour la plupart fui leur pays pour échapper à la guerre, sont encouragés à rentrer chez eux avec des aides au retour. Berlin a par ailleurs, annoncé son intention de renvoyer « par étapes » au Kosovo environ 10.000 Roms ne disposant pas d’autorisation de séjour formelle. En Europe de l’Est, les Roms continuent de subir discriminations et agressions. De rares pays européens ont démontré une attitude positive envers les Roms. En Suède, les Roms sont officiellement considérés comme une minorité, et le gouvernement a créé en 2006 une délégation afin d’améliorer leurs conditions de vie. Le gouvernement espagnol a, lui, adopté en avril un « plan d’action pour le développement de la population gitane 2010-2012 », doté de 107 millions d’euros sur trois ans, avec des actions en matière d’éducation, de santé, de logement et pour les femmes (3).

    Le problème est aussi un problème identitaire et de minorités. Ce sont des variables d’ajustement. La poussée de l’extrême droite en Europe a eu pour terreau les minorités. Jean-Marie Le Pen est le bon exemple suivi par l’Italie, la Belgique, le Danemark, les Pays-Bas et même la Suède que l’on croyait à l’abri de l’intolérance avec pour la première fois l’entrée de l’extrême droite au Parlement. Trois raisons : la crise financière, la mélanodermie, la diabolisation de l’islam surtout après le 11 septembre. Ce qui arrive aux Roms est déjà arrivé aux « autres », les charters de la honte de milliers de personnes retenues dans les centres de rétention, personne n’en parle et pourtant, la majorité de milliers de personnes ont été reconduites sans protestation ni médiatisation.

    Pour rappel, les Roms ont connu un « traitement spécial ». Adolf Hitler, a, plus d’une fois, dans ses écrits comme dans ses discours, souligné son attachement au Christianisme. « Parmi les peuples, écrit Navro, dont Hitler projetait l’élimination, se trouvaient non seulement tous les Sémites : Arabes, Juifs, Berbères, les Slaves (Les Polonais en particulier), mais également les minorités raciales aux origines mal déterminées, comme les Roms. Arrivé au pouvoir, Hitler s’est attelé à mettre en oeuvre la partie la plus infâme de son programme politique, à savoir la mise hors la loi, dans son propre pays, des minorités non chrétiennes.

    La « solution finale », c’est-à-dire le massacre systématique et hautement organisé des minorités dont il avait donné la liste dans « Mein Kampf » fut lancée lors de la réunion de la villa de Wannsee, le 20 janvier 1942. Les Roms, ou Gypsies selon la terminologie anglo-saxonne, n’étaient pas oubliés dans cette politique de purification raciale. Voici ce que le professeur Richard Evans, de l’université de Cambridge, écrit à ce sujet dans le troisième tome de sa trilogie consacrée au Nazisme (Le Troisième Reich en Guerre, Penguin Press, New York 2009) « Parmi la multiplicité des peuples que les Nazis considéraient comme racialement inférieurs, une place spéciale était réservée aux Roms. (...) Les SS saisirent l’occasion de mettre en oeuvre ce que Himmler avait déjà appelé « la solution finale de la question des Roms. » (...) Le terme d’holocauste et le devoir de mémoire envers les victimes de l’holocauste, doivent-ils être des privilèges dont seraient exclues toutes les minorités affectées à l’exception d’une seule ? » (4)

    S’agissant du « renvoi » des Roms par la France, il se trouve il faut le souligner, un autre son de cloche discordant qui disculpe la positon française. « Le président français est tout à fait en droit de traiter les Roms comme il le fait. Ils sont partout considérés comme des parasites et personne n’en veut, rappelle la journaliste britannique Mary Dejevsky. Ecoutons son plaidoyer : « A la fin du mois de juillet, l’Elysée a donné ses instructions pour que soient démantelés les bidonvilles et les camps roms qui s’étaient multipliés en France, et que leurs habitants soient regroupés et expulsés. Ces expulsions ont fait l’effet d’une bombe dans toute l’Europe.

    Le Vatican s’en est mêlé, et l’ONU a demandé à la France de redoubler d’efforts pour intégrer les familles roms, assurer l’instruction de leurs enfants et les installer dans des logements décents. Tout ceci relève bien sûr d’un idéal admirable, parfaitement juste, mais ne vous sert pas à grand-chose si vous êtes un citoyen français, que vous avez passé toute votre vie en France, payé vos impôts, et que vous vous réveillez un beau matin pour trouver au pied de votre jardin, grossissant de jour en jour, un campement digne du - osons le mot - tiers-monde. Que sont censés faire les pouvoirs publics ? (...) Telle est la vérité, crue et politiquement incorrecte. Est-ce au contribuable français de payer l’école, les services publics et la formation professionnelle des familles roms afin de leur assurer un niveau de vie acceptable ? Il est malhonnête d’affirmer que l’on peut faire facilement coexister des niveaux de vie et des attentes aussi opposés, et que les nouveaux venus peuvent être accueillis sereinement, sans lourdes dépenses et sans une énorme dose de bonne volonté. (...) » (5)

    Pourquoi la persécution des Roms en Europe ?

    Est-ce un atavisme historique qui colle à la peau de ces « voleurs de poule qui roulent en cadillac ? ». Au-delà du fait que ce n’est pas un problème uniquement de la France, les raisons sont à chercher ailleurs. Adriano Prosperi de la Républica pense que le dossier des Roms a mis en lumière la proximité des points de vue français et italien. (...) « Un spectre hante l’Europe. Aujourd’hui, le spectre a des habits multicolores et se déplace sur les chariots d’un peuple nomade. (...) Aujourd’hui, une nouvelle internationale voit le jour : l’internationale de la peur. À l’avenir, les historiens devront en tenir compte. Jusqu’à maintenant nous avons eu diverses Europes, chrétienne, humaniste, puis celle des Lumières. Et n’oublions pas la tentative, finalement déjouée, d’imposer une Europe nazi-fasciste, sous le double signe de la romanité et de la svastika. Mais aujourd’hui cette nouvelle Europe est dominée par la peur, par la volonté de fermer les portes aux migrants et de chasser les Roms ».

    « Tous deux partent d’un même présupposé : celui que les Roms sont des immondices, voire moins encore. (...) Les déclarations de Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi ont en commun le mépris pour les êtres humains. (...) Que les Libyens, avec l’aide et l’aval de l’Italie tirent sur des bateaux de pêche chargés de pauvres gens ou les enferment dans des camps de concentration, est considéré par nos dirigeants comme un succès politique. Le résultat est qu’aujourd’hui nous nous trouvons face à un tournant brutal de notre histoire, de l’idée que nous avions de l’Europe, de l’image de la France, et d’une Italie qui avait trouvé dans ses traditions chrétiennes et socialistes de solidarité des ressources éthiques et pratiques pour assurer assistance et réconfort aux déshérités ». (6)

    Dany Robert Dufour pointe du doigt une autre raison ; il nous explique que la cause de cette malvie qui pousse l’homme a être un loup pour l’homme, et d’amener la guerre de tous contre tous est imputable au néolibéralisme qui formate, dirions-nous, les imaginaires amenant à l’égoïsme, le repli sur soi et surtout le rejet de l’Autre.

    Dans une étude percutante il met en exergue les reflexes « panurgiens » de chacun pour suivre le chef qui, lui, sait où il va. Ecoutons le : « L’individualisme n’est pas la maladie de notre époque, c’est l’égoïsme, ce self love, cher à Adam Smith, chanté par toute la pensée libérale. L’époque est à la promotion de l’égoïsme, la production d’ego d’autant plus aveugles ou aveuglés qu’ils ne s’aperçoivent pas combien ils peuvent être enrôlés dans des ensembles massifiés. (...) Vivre en troupeau en affectant d’être libre ne témoigne de rien d’autre que d’un rapport à soi catastrophiquement aliéné, dans la mesure où cela suppose d’avoir érigé en règle de vie un rapport mensonger à soi-même. (...) Notre société est en train d’inventer un nouveau type d’agrégat social mettant en jeu une étrange combinaison d’égoïsme et de grégarité que j’épinglerai du nom d’« égo-grégaire ». (...) Quant à Tocqueville, il est remarquable que cet éminent penseur de la démocratie ait envisagé la possibilité de la mise en troupeau des populations ».

    « La notion de « troupeau » apparaît justement, en 1840, lorsqu’il indique que la passion démocratique de l’égalité peut « réduire chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux » délivrés du « trouble de penser » Et de fait, c’est vrai : dans le troupeau, nous sommes tous vraiment égaux. (...) Ce qui est remarquable, c’est que parler d’une société-troupeau de consommateurs prolétarisés n’est nullement incompatible avec le déploiement d’une culture de l’égoïsme érigé en règle de vie (...) Avec cet « égoïsme grégaire » (rappelons que « grégaire » vient du latin gregarius, de grex, gregis, « troupeau »), nous sommes sans doute devant un type d’« agrégat » assez nouveau qu’il conviendrait d’inventorier ». (7)

    Pour le philosophe : « Le capitalisme, qui produit beaucoup et dévore beaucoup, est « anthropophage » : (...) Nous commençons de la sorte à découvrir que le néolibéralisme, comme toutes les idéologies précédentes qui se sont déchaînées au cours du XXe siècle (le communisme, le nazisme...), ne veut rien d’autre que la fabrication d’un homme nouveau. (...) Que vaut encore ce sujet critique dès lors qu’il ne s’agit plus que de vendre et d’acheter de la marchandise ? Pour Kant, tout n’est pas monnayable : « Tout a ou bien un prix, ou bien une dignité. On peut remplacer ce qui a un prix par son équivalent ; en revanche, ce qui n’a pas de prix, et donc pas d’équivalent, c’est ce qui possède une dignité. »

    On ne peut le dire plus clairement : la dignité ne peut être remplacée, elle n’a « pas de prix » et « pas d’équivalent », elle réfère seulement à l’autonomie de la volonté et elle s’oppose à tout ce qui a un prix. (...) Car l’ultralibéralisme veut, lui aussi, fabriquer un homme nouveau. (...) Nous entrons dans un temps nouveau : celui du capitalisme total qui ne s’intéresse plus seulement aux biens et à leur capitalisation, ne se contente plus d’un contrôle social des corps, mais vise aussi, sous couvert de liberté, à un remodelage en profondeur des esprits. (...) C’est pourquoi, devant ce danger absolu, l’heure est à la résistance, à toutes les formes de résistance qui défendent la culture, dans sa diversité, et la civilisation, dans ses acquis. (8)

    Quelles que soient les raisons invoquées pour mettre au ban des minorités , leur avenir sera de plus en plus problématique. La dignité n’étant pas « un produit marchand » ,elle ne trouvera pas d’acquéreur ni même de philanthrope. le vernis de tolérance , des droits de l ’Homme, de liberté voire de démocratie est en, train de voler en éclat sous le coup de boutoir d’un néolibéralisme sans état d’âme les minorités ont du mouron à se faire.

    Dans ce XXIe siècle de tous les dangers, « périssent les faibles et les ratés » pour paraphraser Nietzsche. C’est ainsi que les hommes vivent.

    Pr Chems Eddine CHITOUR
    Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz

    1. Sabine Verhest : L’Europe se fâche enfin. La Libre Belgique15.09.2010

    2. Traitement des Roms : la honte d’un continent, titre The Guardian en éditorial 16 09 2010

    3. Camille Le Tallec : Les-politiques européennes à l’égard des Roms. La Croix16/09/2010

    4. Nevro : Les Roms et l’Holocauste LePost.fr 17/09/2010

    5. Mary Dejevsky : Et si Nicolas Sarkozy avait raison ? The Independent 09.09.2010

    6. Adriano Prosperi : L’Internationale de la peur sera le genre humain. La Repubblica 16.09.2010

    7. Dany-Robert Dufour : Vivre en troupeau, Le Monde Diplomatique Janvier 2008

    8. Dany-Robert Dufour : A l’heure du capitalisme total, Le Monde Diplomatique mars 2003

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  • Comment convaincre un convaincu (du contraire) ?

     

    Posté par calebirri le 24 août 2010

    je discutais, il y a peu, du sujet à la mode du moment (pas l'affaire Woerth, elle est déjà passée aux oubliettes), le « problème des roms ». Au cours de cette conversation, dans laquelle je tâchais de défendre mon point de vue, je me trouvai abasourdi par l'incompréhension mutuelle à laquelle nous étions tous deux confrontés : alors que mon contradicteur me passait par le menu les exactions commises par certains individus de cette communauté, j'essayais en vain de lui faire comprendre que celles-ci n'étaient absolument pas représentatives de la communauté dans son ensemble, et qu'on trouvait des délinquants dans toutes les couches de la société, dans toutes les communautés.

    Mon contradicteur, qui se trouve être une personne intelligente et sensible, embraya alors sur les différences culturelles qui nous séparaient de cette communauté, qui selon lui ne respectait ni les lois françaises, ni les animaux, ni les êtres humains n'appartenant pas à leur communauté. Ne désirant ni s'insérer, ni travailler, ni respecter la loi, ils exigeaient de la part du gouvernement français des terrains, de l'électricité et de l'eau, tout cela gratuitement, sans compter les dégradations qui s'ensuivaient inévitablement à leur départ, départ de plus monnayé par la contribution publique, avec une somme qu'ils s'empresseraient de dépenser là-bas avant de revenir presque aussitôt sur le territoire français.

    Je tentai alors de lui expliquer que cette communauté, malgré ses différences culturelles, se devait d'être accueillie par la population française au nom de “valeurs humanistes”, et que le système actuel avait les moyens et la place nécessaire pour les recevoir décemment, au même titre qu'elle autorise de nombreuses associations à profiter de terrains, de locaux municipaux…

    J'essayai de lui faire voir comme les différences culturelles sont dures à estomper (et le fallait-il ?), et combien il était difficile pour des populations itinérantes de s'adapter à la culture de tous les différents pays qu'elles traversent. N'ayant pour ainsi dire presque aucune chance d'être régularisés, il n'était pas étonnant qu'ils vivent quelque peu en marge. Que si certains en venaient à voler, c'était plus par nécessité que par vice, et s'ils abandonnaient parfois les lieux utilisés dans un état délabré, c'était sans doute car ils n'en étaient que les éphémères utilisateurs, un peu à la manière des toilettes publiques : elles sont sales quand on arrive, et encore plus quand on en sort. On n'y touche le moins possible…

    Et puis, face à ses dénégations contre lesquelles j'épuisais mes forces, j'évoquais mon argument ultime : quelle solution existe-t-il d'autre à part l'intégration? Les mettre dans des camps et les exterminer, tous, pour payer les crimes de quelques uns ? Et si on faisait ça à toutes les communautés où il existe des délinquants, n'allait-on pas finir, à force d'amalgames, par vouloir supprimer tout le monde ?

    Bien sûr, mes arguments ne portaient pas, et ils n'avaient aucune chance de porter. On ne convainc pas un convaincu du contraire aussi facilement : mon contradicteur me répondit qu'ils n'avaient qu'à respecter la Loi, et qu'il serait ravi de voir punis tous ceux qui ne la respectent pas, que les lois n'étaient pas assez contraignantes, et qu'il fallait aller encore plus loin. Alors ce ne sont pas les roms qui étaient en cause, mais bien les délinquants, n'est-ce pas ? Peut-être bien, mais au lieu de les retirer de sa liste, ce dernier était plutôt prêt à l'allonger….

    Alors je m'embarquai sur la responsabilité de la société, qui entrainait inévitablement à la course à l'argent, et donc à tous les moyens pour en acquérir ; à la notion culturelle du bien et du mal qui différait selon les populations ; au double jeu du gouvernement qui d'un côté donnait de l'argent aux roms pour qu'ils s'en aillent tout en sachant très bien qu'ils reviendraient, ajoutant à la défiance du peuple en crise une jalousie sur l'injustice des sommes qu'eux-mêmes ne reçoivent pas.

    Bien sûr toute cette discussion était interminable, et si embrouillée qu'elle ne pouvait mener nulle part. Mon contradicteur ne me convaincrait pas, et je ne le convaincrai pas non plus. Dialogue de sourd ultime qui trouve ses bases dans l'incompréhension originelle qui sépare les deux sortes d'hommes qui existent : ceux qui croient que l'homme est naturellement bon et que le système le pervertit, et ceux qui croient que l'homme est naturellement mauvais et que le système doit le recadrer. Une vaste discussion impossible à résoudre autrement que par des détours interminables entre histoire, philosophie, sociologie, politique…

    Comment, en effet, sortir d'une discussion comme celle-là en disant « ah oui, j'ai compris! », comme une fulgurance, une illumination ? Ce serait remettre en cause toute sa vie, toutes ses croyances, toutes ses amitiés, tout son être en définitive.Alors qu'il est si simple de rester persuadé de son opinion sans même penser qu'il est possible de changer….

    Mais il existe pourtant bien une relation évidente et incontestable entre la misère et la violence ! Et quand la misère augmente, la violence aussi. Comme le démontrait déjà le Raphaël de « L'Utopie » (de Thomas More) à propos de la pendaison des voleurs (au 16ème siècle!), la délinquance est le résultat de la politique du pouvoir en place, qui préfère satisfaire son profit plutôt que celui de son peuple, appauvri et délaissé par ceux qui en ont la charge : « en effet, vous laissez donner le plus mauvais pli et gâter peu à peu les caractères depuis la petite enfance, et vous punissez des adultes pour des crimes dont ils portent dès leurs premières années la promesse assurée. Que faites-vous d'autre, je vous le demande, que de fabriquer vous-mêmes les voleurs que vous pendez ensuite ? »

    Un peu plus tard, je rencontrai un autre ami, à qui je confiais mon désespoir, mon indignation devant tant d'incompréhension : comment mon contradicteur pouvait-il à ce point être victime d'une propagande si grossière et si voyante ? Ne voyait-il pas que l'on était en train d'abuser de ses sentiments, en lui mettant chaque jour en pleine lumière des faits divers sordides (mais heureusement rares), en lui indiquant un ennemi capable de l'entraîner vers la haine des autres, ne connaissait-il pas tous les malheurs que ces techniques de conditionnement avaient déjà engendré, ne comprenait-il pas le jeu des puissants qui veulent détourner l'attention de leurs échecs en désignant d'autres coupables ?

    Non, il ne pouvait pas comprendre. Il n'a pas, n'a plus la volonté de comprendre. Cela lui ferait trop mal, et remettrait trop de choses en cause sur sa vision du monde. Il risquerait de voir que le pouvoir se moque de nous depuis trop longtemps, et que le seul moyen qu'il a trouvé pour le conserver sans risque est de diviser des hommes appauvris, afin qu'ils se battent entre eux, au lieu de se battre contre ceux qui les ont rendu misérables ; ce que Thomas More avait compris il y a bien longtemps déjà : « quant à croire que la misère du peuple soit une garantie de sûreté et de paix, l'expérience prouve assez que c'est la plus grande des erreurs. Où y a-t-il plus de bagarres que parmi les mendiants ? Qui est le plus empressé à bouleverser l'état des choses existant, sinon celui qui est mécontent de son lot ? Qui s'élance plus témérairement dans la voie de la révolution que celui qui n'a rien à perdre et qui espère gagner au changement ? Un roi qui serait méprisé et haï de son peuple au point de ne pouvoir tenir ses sujets en respect que par des rigueurs, des extorsions, des confiscations, un roi qui les réduirait à mendier, mieux vaudrait pour lui abdiquer tout d'un coup que d'user de procédés qui lui gardent peut-être la couronne, mais qui lui enlèvent sa grandeur, car la dignité royale consiste à régner sur des gens prospères et heureux, non sur des mendiants. »

    Enfin, mon ami finit tout de même par mettre un terme à mes réflexions, et les éclaira d'un jour nouveau, en exprimant simplement la vérité des choses : on ne convainc pas un convaincu par des mots, ni par des raisonnements. Mais par la réalité. Pour comprendre l'inconnu, l'autre, il faut le découvrir, le côtoyer…le connaître. Alors il ne sera plus un inconnu, et ne fera donc plus peur.

    Caleb Irri

    http://calebirri.unblog.fr



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  • Résistances et Romanitude : au-delà des mots !

    En France, change-t-on de République ou plutôt la République ? L’Europe, fort heureusement, ne se limite pas à la France, toutefois, la France influence l’Europe et des milliers de "Rroms non européens" ( !) sont, par exemple, refoulés vers le Kosovo, qu’ils ont fui, et où ils ne seront pas les bienvenus ! Ce qui se passe, actuellement, en France, donc, intéresse l’Europe tout entière !
     
     

    Au delà des mots, l’engagement total !

    Nous n’avons que les mots comme outils pour l’action, mais nous voici pourtant bien au-delà des mots !

    Nous découvrons notre impuissance face à une politique romaphobe dont l’ampleur et la rudesse nous a surpris. On compte par dizaines les expulsions de campements de Rroms partout en France, sans oublier les Français, dits « gens du voyage », qu’on pourchasse aussi s’ils ne stationnent pas exactement là où il est prévu qu’ils s’arrêtent.

    La violence des interventions policières commandées par l’État, la brutalité des discours ministériels étonnent et révoltent l’opinion internationale, au sein des organisations officielles, tant au niveau européen qu’au niveau de l’ONU.

    Notre stupéfaction n’a d’égale que notre profonde tristesse. Nous sommes également traversés par une vague de colère qui nous meurtris, mais point tant que les « Roms et gens du voyage », qui sont, eux, traités comme des choses ou des délinquants a priori !

    Qu’un État, le nôtre, ose jeter des familles à la rue sans aucune considération pour ce qu’elles vont devenir, ne peut qu’avoir une explication : susciter ou réveiller la haine à l’encontre des « nomades » comme l’on disait jadis, pour tenter de déclencher des réflexes sécuritaires pouvant permettre de regagner une confiance perdue, après l’effondrement des sondages de popularité.

    En faisant un contre-feu médiatique, on joue avec ce feu ! On risque, comme on l’a vu en Italie, de réanimer le nationalisme le plus fou et et d’aller vers des pogroms meurtriers.

    Il est sidérant que les fonctionnaires de police et les administrations préfectorales obéissent, sans la moindre hésitation, à des ordres racistes. Car racisme il y a ! Quand une catégorie de population est désignée à l’opprobre et à la vindicte populaires, que ce soit la nature ou la culture des intéressés qu’on évoque, on sombre, alors, dans le racisme !

    La France dont parle Nicolas Sarkozy et ses partisans aux ordres a cessé d’être la France, celle qu’on aime. Les élus qui s’inclinent devant cette discrimination brutale, bien volontiers à l’UMP, ou sournoisement, comme nombre d’élus dits de gauche, qui laissent hurler les loups, ont rompu avec la France des Droits de l’homme.

    Les Rroms seraient-ils tous en situation irrégulière, les « gens du voyage » seraient-ils tous répréhensibles, -ce qui n’est bien évidemment pas le cas !-, que la France devrait assumer ses responsabilités vis à vis d’une population mise à part, et ne pouvant y compris pas bénéficier des lois et réglements la concernant, qu’il s’agisse de la loi Besson ou des recommandations nombreuses et claires de l’Union européenne.

    La Justice passe après la force. Les premiers à subir les mesures les plus rigoureuses, voire les plus brutales, sont au nombre des plus pauvres des humains, et ceux qui leur manifestent de la solidarité sont, à leur tour, considérés comme des délinquants ! Cela ne saurait durer sans que de vifs conflits se développent !

    La mauvaise foi et la malveillance nourrissent, à l’évidence, une politique pernicieuse qui aggrave une situation qui n’était déjà pas positive.

    Que faire ? Désobéir, bien sûr ! Ne pas respecter des directives inhumaines. Se rapprocher des familles. Leur dire notre solidarité. Rencontrer nos compatriotes français pour leur exprimer notre reconnaissance du droit à vivre, s’ils le veulent, en habitat mobile. Se porter aux côtés des étrangers, roumains ou bulgares, pour leur réaffirmer que nous acceptons leur présence en France, terre d’Europe.

    Nous ne sommes ni laxistes ni naïfs. Nous savons que toute population contient des éléments criminels mais nous savons aussi que les généralisations, au lieu de faire reculer la criminalité, l’exacerbe. La répression, seule, conduit toujours à l’échec.

    Une longue lutte pour la dignité s’engage. Le gouvernement actuel en sortira vaincu ou conduira notre pays vers une zone trouble qui est de celles dans lesquelles s’engouffrent et périssent les démocraties. En nous solidarisant étroitement avec les Rroms, nous savons qu’une fois encore ce sont les parias qui nous ouvrent les yeux. Nous resterons lucides et inflexibles. Les Rroms et autres Manouches, quel que soit le nom qu’on leur donne, qu’ils soient Français ou étrangers, sont nos compatriotes européens. Les menacer, c’est nous menacer. Nous ne laisserons pas faire ceux qui salissent la France sans résister. Résistances et Romanitude est plus que jamais notre nom.

    Jean-Pierre Dacheux ici

    Auteur d’une thèse de doctorat en philosophie sur "Les interpellations tsiganes de la philosophie des Lumières". Membre du Collectif de soutien aux familles rroms vivant dans le Val d’Oise. Élu local.

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