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    On apprend aujourd’hui qu’à Orléans, la rectrice fait porter la responsabilité des mauvaises statistiques sur l’échec scolaire sur les enfants issus de l’immigration.

    Ces propos sont dans le sillage de ceux de Claude Guéant.

    Enfants issus de l’immigration, la formule est vague car on ne sait pas ce qu’elle recoupe.

    Par contre, elle est comprise par beaucoup comme enfants des cités dont les parents ne parlent pas bien français.

    On connaissait donc l’amalgame : L’immigration aboutit à la délinquance, s’ajoute celui-ci : l'immigration est génératrice d’échec scolaire.

    La formule de la rectrice d’Orléans a deux objectifs à part se faire mousser auprès du gouvernement et assurer la promotion de sa carrière : assimiler immigration et échec scolaire et laisser croire que sans l’immigration, le niveau scolaire des jeunes français est correct ce qui justifie la politique de paupérisation de l’éducation nationale.

     

    Je remarque l’insistance avec laquelle on laisse entendre que l’échec scolaire en France serait une question d’origine ethnique et sociale.

    Par contre, rien n’est dit sur les ravages des médias audiovisuels sur le développement des enfants.

     

    Un livre est sorti sur le sujet en février 2011, « Tv lobotomie », et personne n’en a parlé. L’auteur, Michel Desmurget est un chercheur en neurosciences qui a consulté toutes sortes d’étude scientifiques rigoureuses qui concluent que plus un enfant passe de temps devant des écrans, plus grand est le risque qu’il développe un retard de parole et de langage à l’âge d’être maternelle ou un échec scolaire à l’école primaire et au collège.

     

    On a même poussé le bouchon très loin en demandant à un groupe de bons élèves d'augmenter le temps qu'il passe devant des écrans. En un trimestre, un nombre significatif de ces enfants a vu ses résultats scolaires chuter...

     

    Et comme par hasard, les enfants qui regardent le plus la télévision, sont ceux des familles pauvres…

     

    Pourtant, alors qu’il y a péril en la demeure, on n’entend pas un membre du gouvernement, de l’UMP ou même une personnalité de l’éducation nationale proposer ou recommander quoi que ce soit sur le sujet. La télé n’est-elle pas l’endroit rêvé pour les politiciens ? Ils peuvent y mentir en toute liberté et se faire mousser pour pas cher…

     

    Normal, il y a des milliards en jeu, de la multiplication des chaînes de télé à la publicité en passant par la fortune des amis des politiciens, l’oligarchie des médias.

     

    Alors que l’enfant d’immigré, ce cancre en puissance si on suit le raisonnement de nos politiciens, il ne représente rien, même pas une voix aux élections !

     

    L'auteur de TV Lobotomie interviewé par Audrey Pulvar sur France-Inter

     


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    Mort de Ben Laden: dans les médias le doute est interdit

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Hallucination. Ils voient des conspirationnistes partout et des conspirations nulle part. A l’annonce de la mort de Ben Laden, ils relativisent les zones d’ombre et caricaturent les sceptiques. Diagnostic d’un mal insidieux qui atteint particulièrement journalistes et experts en benladenologie. 

    « Théorie du complot, conspirationnisme, adeptes du complot, négationnistes » : quiconque usant de son droit au doute se verra aussitôt taxé du qualificatif péjoratif de « complotiste ». Depuis l’annonce de la mort de Ben Laden, nombreux sont les journalistes et autres spécialistes de l’islamisme à mettre en garde le citoyen contre toute forme de scepticisme à l’endroit de la version officielle.

    Etrange époque : depuis les années 70 et l’essor du journalisme d’investigation, il était légitime -sinon nécessaire- de remettre en question tout récit gouvernemental au sujet d’un évènement politique de grande ampleur. Sans ce réflexe, des affaires aussi différentes que celles du Watergate, du Rainbow Warrior ou de la BCCI n’auraient jamais pu émerger. Mais depuis le 11 septembre 2001, l’exercice de l’esprit critique est désormais assimilé à une nouvelle pathologie : le « conspirationnisme », sorte de tumeur maligne consistant à se poser des questions sur la crédibilité d’une déclaration officielle. A la suite des attentats du World Trade Center et du Pentagone, cette sémantique de diabolisation a notamment été introduite en France par Guillaume Dasquié à l’occasion d’un duel à distance et caricatural –de part et d’autre- avec son adversaire Thierry Meyssan.

    Cette technique d’intimidation a porté ses fruits : désormais, dans les rédactions, le moindre journaliste émettant à voix haute des doutes sur tel attentat ou telle capture d’un criminel se verra rapidement taxé de « théoricien du complot » par un collègue ricaneur et généralement ignorant de la complexité de l’affaire en question. Cette réaction, à la fois hautaine et sarcastique, était récurrente hier sur les antennes audiovisuelles, notamment les chaînes info.

    Ainsi, sur France 24, le journaliste Sylvain Attal, commentateur régulier tout au long des heures suivant l’annonce du décès de Ben Laden, n’a cessé, à l’instar de certains collègues sur les chaînes concurrentes, de soupirer en évoquant, à propos des zones d’ombre, ces « inévitables théories du complot » qui ne vont pas manquer de surgir. L’homme est coutumier du sujet puisque son débat sur le 11-Septembre, organisé en 2008 sans respecter d’ailleurs les règles du débat contradictoire et de l’impartialité de l’animateur, avait provoqué une crise interne : à la suite d’un appel –révélé par le Canard enchaîné- de Nicolas Sarkozy qui avait sermonné le Pdg Alain de Pouzilhac pour avoir laissé passer l’émission, le directeur de la rédaction, Grégoire Deniau, a été licencié.

    Depuis hier, les questions légitimes relatives à l’élimination de Ben Laden, notamment sur la cause de son immersion précipitée en mer d’Oman et sur l’identification du corps, sont promptement relativisées. La plupart des commentateurs, comme sur I Télé, ont expliqué la disparition brutale du corps par un seul motif : la crainte des Etats-Unis de voir se constituer un lieu de pèlerinage sur sa tombe.

    Toute autre hypothèse, comme la volonté d’éliminer directement le leader terroriste afin qu’un procès ne puisse pas se tenir ou que son corps ne soit pas identifié par des parties indépendantes, n’est pas évoquée sinon pour donner un exemple de réflexe dit « complotiste ». Au lieu de rechercher –en les argumentant- les motifs potentiels des Etats-Unis dans cette évacuation soudaine, on disserte et l’on spécule sur les états d’âme des « conspirationnistes » comme l’a fait hier, par exemple, le Nouvel Obs avec Bruno Fay, auteur d’un livre uniquement consacré à ce thème.

    Quand de brillants intellectuels, comme Noam Chomsky et Michel Collon, considèrent pourtant que le 11-Septembre n’a pas vraiment d’importance, ils consentent de facto, en entérinant la version officielle par leur indifférence, au triomphe du mensonge d’Etat à propos de cet évènement. La même désinvolture parcourt le champ de l’islamologie.

    Interrogé aujourd’hui par Oumma au sujet de la responsabilité du 11-Septembre, le chercheur Dominique Thomas est catégorique : « Si l’on se réfère aux documents diffusés par la vitrine médiatique d’al-Qaida, al-Sahab, depuis plusieurs années, ils montrent qu’al-Qaïda a organisé et planifié ces attaques. Les documents sur les prisonniers de Guantanamo, rendus publics par Wikileaks et dont font partie plusieurs responsables de ces attaques, montrent et confirment la complexité des réseaux et des connexions qui ont servi à mener cette opération.

    Ces documents battent d’ailleurs en brèche la version des complotistes qui ne croient pas en une implication d’al-Qaïda, à moins de penser que toute l’organisation ait pu être infiltrée. Cet élément ne ressort dans aucun des dossiers de Wikileaks (câbles diplomatiques et Guantanamo Files) »

    A nouveau, les citoyens s’interrogeant sur l’étendue et les complicités du réseau d’Al Qaida sont qualifiés par le terme simpliste et réducteur de « complotiste ». Le spécialiste omet de préciser qu’une controverse subsiste sur la nature exacte de al-Sahab, « vitrine médiatique d’al-Qaida », notamment depuis qu’un expert en informatique, Neal Krawetz, avait démontré en 2007 que le logo d’al-Sahab avait été rajouté en même temps que celui d’IntelCenter, organisation proche du Pentagone qui avait prétendu avoir découvert –sans le retoucher- le film produit par les terroristes.

    De plus, déployer l’argument quelque peu sommaire selon lequel les « complotistes » ont tort de douter car les documents Wikileaks ne révèleraient rien dans leur sens peut prêter à sourire. Enfin, sur la question de l’infiltration de réseau d’Al Qaida, il est de notoriété publique que la plupart des services secrets –notamment américains, français, allemands, égyptiens, marocains- ont, au moins, tenté de le pénétrer. Seule la question de l’instrumentalisation peut encore se poser. Comme l’avait rapporté le premier hebdomadaire indien en février 2000, même le Mossad avait tenté –en vain- de recruter une dizaine d’Afghans pour infiltrer le groupe d’Oussama Ben Laden.

    Au vu de l’argumentation parfois confuse des défenseurs de la version officielle, les « complotistes » sont assurés de pouvoir continuer à douter et, pour les plus audacieux, élaborer des hypothèses à partir des multiples faits qui contredisent le discours gouvernemental. En 2009, j’avais interrogé pour la Télé Libre le partisan le plus zélé du récit de l’Administration Bush : Jean-Charles Brisard. A ma question portant sur les preuves de l’implication d’Al Qaida dans les attentats, sa réponse s’est avérée fort laborieuse pour un expert du sujet.

    Présenté comme un « spécialiste du terrorisme » par I Télé, Jean-Charles Brisard a d’ailleurs provoqué aujourd’hui une vive altercation sur l’antenne avec Tariq Ramadan, dénoncé comme étant « proche du camp des conspirationnistes ». L’islamologue suisse lui a rétorqué qu’il était dans une « volonté de clarification ». L’ancien ministre socialiste Paul Quilès, présent sur le plateau, est alors intervenu pour fustiger le regret de Tariq Ramadan à propos de l’impossibilité entérinée d’un procès de Ben Laden.

    Malgré les injonctions ou les sarcasmes, le droit au doute doit être assumé, formulé, revendiqué. Si l’époque est visiblement propice à l’acceptation de toute narration gouvernementale, des bastions de résistance à l’intoxication politico-médiatique sont possibles, notamment sur Internet. Et, parfois, même sur les chaînes info, une dissonance peut surgir : ainsi en va-t-il des témoins interrogés par hasard et en direct pour commenter tel ou tel évènement. Hier, Al Jazeera English a donné la parole à un résident de la ville d’Abbottabad.

    Provoquant l’embarras perceptible du journaliste qui l’interviewait, l’homme a affirmé qu’il ne croyait pas du tout en la domiciliation passée de Ben Laden dans le secteur, insistant sur la présence militaire environnante et les contrôles d’identité incontournables pour l’accès au territoire. Malgré la relativisation du journaliste quant aux « suspicions » du voisinage, le badaud a réitéré son incrédulité sur une quelconque présence d’Oussama Ben Laden. C’est alors qu’est survenu un incident plutôt rare lors d’un direct : à 3’12, alors qu’il insistait sur son scepticisme, la retransmission semble interrompue avant de reprendre aussitôt, donnant l’impression d’une coupure de montage.

    L’interview prend alors fin. Une erreur technique, probablement, même si l’ « adepte du complot » le plus excessif voudra sans doute y voir autre chose : la censure maladroite d’un régisseur d’Al Jazeera English voulant mettre fin à un propos véridique qui irait à l’encontre du discours sur le « puissant réseau d’Al Qaida ». Une propagande menée –entre autres- par les Etats-Unis et le Qatar dont l’émir est le propriétaire de la chaîne.

    Au-delà de cet incident, un test pour jauger de la neutralité journalistique est aisément réalisable. A l’instar de ce témoin crucial, vivant sur le terrain, comptez dans les prochains jours le nombre d’intervenants qui, sur les antennes françaises, remettront en cause la nouvelle légende d’un Ben Laden dissimulé durant six ans aux yeux de tous. L’inéquité du traitement médiatique est déjà patente.

    Hicham Hamza

    Source : Alter Info


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    M. Guetta officie sur une radio publique (France-Inter). Il devrait au moins par respect pour ceux qui le paient (c'est à dire nous) avoir un minimum d'objectivité (je dis bien un minimum) mais ce n'est pas son souci évidemment. Son seul but est de faire croire au plus grand nombre que ce qu'il dit est vrai. Alors tous les moyens sont bons.

    Avec sa chronique fielleuse sur Cuba*, on tombe dans l'indignité du propos, dans la falsification de l'histoire, dans le mensonge éhonté. J'espère qu'il ne se prend pas pour un journaliste, ce serait le comble; mais même pour un mauvais chroniqueur anti-communiste invétéré, il y a des faits qui ne devraient pas être occultés sinon on s'expose à n'être qu'un vulgaire et médiocre propagandiste de l'anti-castrisme primaire.

    Le blocus étatsunien perpétré depuis 50 ans contre Cuba avec ses effets internationaux plus que pervers sur la population et dont chacun sait qu'il a été mis en place pour désespérer le peuple cubain afin qu'il se retourne contre ses dirigeants ? Une pochade pour Guetta ! Pourtant, ce sont des centaines de milliards de dollars que Cuba a perdu à cause de l'embargo économique imposé par les USA.

    Les attaques physiques incessantes perpétrées sur le sol cubain depuis les EU, les attentats assassins contre la population et l'agriculture cubaines par des terroristes notoirement protégés par la CIA, les agressions en tous genres (tout a été tenté) fomentées par la CIA, les tentatives permanentes de déstabilisation politique à coups de millions de dollars, le financement de faux-dissidents, etc, etc.. ?  Des fantasmes pour Guetta !

    Aucun pays au monde, je dis bien aucun pays au monde n'a subi aussi longtemps, autant de saloperies, d'agressions odieuses, de la part d'un autre pays. Sans le courage de son peuple, sans sa détermination à préserver son indépendance et le système politique qu'il s'est choisi, sans l'intelligence de ses dirigeants et la sincérité de leur engagement, sans la capacité d'une population à résister ensemble et souvent dans le dénuement contre l'Empire, Cuba serait déjà le 51ème état des USA. De tout cela, Guetta se moque !

    Que Cuba soit maintenu par le bon vouloir d'un seul pays, en situation de guerre permanente et qu'il doive ainsi dépenser une grande part de son PIB à se défendre, Guetta en rit !

    Le comble de sa mauvaise foi est lorsqu'il affirme que Cuba ne pourrait supporter  la comparaison avec une Amérique latine qui "se démocratise". D'abord, je ne savais pas que Guetta soutenait les Chavez, Corréa, Moralès et autre Ortéga dans les efforts qu'ils fournissent pour instaurer la démocratie dans leurs pays. C'est nouveau pour le public de France-Inter, mais il n'y a que les "cons" qui ne changent pas, dont acte !

    Ensuite, il semble ignorer (et c'est une faute de sa part) qu'il existe une alliance entre l'Amérique latine et les Caraïbes qui s'appelle l'ALBA (Alliance Bolivarienne pour les Amériques). Elle favorise la logique coopérative au détriment du libre-échange au concept anti-démocratique et léonin dont Washington est le promoteur. Cuba en fait partie. Elle en a même été avec le Venezuela, à l'initiative. Pourquoi, dans ce cas craindrait-elle une telle comparaison ? C'est ridicule !

    Cuba est un petit pays, pauvre en ressources naturelles, conscient de ses faiblesses et donc forcément dépendant d'autres pays pour son approvisionnement mais certainement pas pour ses idées et le bien-être de son peuple qui lui, sait faire la comparaison avec des états très proches comme Haïti ou St Domingue où la misère abrutit les populations.  Mépriser Cuba à ce point, c'est suspect !

    Enfin, il écrit : Cuba est "le seul Etat communiste que les Etats-Unis aient dû tolérer si près de leurs côtes". Il ajoute à son mépris, la falsification de l'histoire. Ce qui est vrai, c'est que les EU ont toujours considéré l'Amérique latine comme leur arrière-cour. Ils ont eu recours aux coups tordus, aux pires assassinats, pour asservir les peuples et maintenir leur pouvoir sur l'Amérique latine et continuer ainsi à piller comme des soudards les ressources naturelles de ces pays, pauvres pour la plupart, mais jamais au grand jamais, ils n'ont toléré à leurs portes l'existence d'un système politique différent du leur.

    Dire cela est la pire escroquerie qu'on puisse commettre. Non, les USA n'ont rien toléré du tout, au contraire. A Cuba, depuis l'attentat du La Coubre (1960), depuis la tentative d'invasion par la baie des cochons (1961), ils font tout  depuis 50 ans pour essayer de changer la politique cubaine. Et nous savons que ça continue à Cuba comme partout en Amérique Latine,  voir le Honduras.

    Le problème de Guetta, est qu'il s'obstine à occulter un atout extraordinaire pour Cuba : le peuple cubain dans son entier est d'accord avec ses dirigeants. Il ne suffit plus d'éliminer physiquement quelques dirigeants et d'exercer une répression féroce contre une partie de la population, non non non. C'est un déluge de bombes qui devra s'abattre sur Cuba, puisque ce sont 12 millions de résistants qu'il faudra éliminer. Cuba s'est imposé sans l'autorisation du grand frère étatsunien.

    Cuba défendra bec et ongles les acquis de sa Révolution, n'en déplaise à M. Guetta ! Ses évolutions, ses réformes sont de la souveraineté du peuple cubain. Les enjeux sont énormes mais le peuple cubain est libre ! Fort de son expérience, hautement éduqué, attaché à ses acquis sociaux et à sa Révolution il saura faire face avec pugnacité et intelligence. Et il vaincra... alors, M. Guetta sera encore déçu !

    Finalement, Guetta est au service d'une propagande bien moche. Avec son cerveau lessivé à l'ultra-libéralisme avancé, il ne peut pas imaginer d'autres voies politiques que celle de son mentor Sarkozy.... Dans une impasse intellectuelle, il faillit à son devoir d'information. Sa chronique est par conséquent indigne.

    Michel Taupin

    Cuba Si France  ici

     

    * Chronique du mercredi 20 avril 2011 : "En faillite, Cuba change de cap"


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  • 5 leçons sur la télé à papa et les nouveaux médias.

    ENVOYE SPECIAL SUR MOHAMMED NABBOUS : "TOUT CE QUI EST BALANCE SUR LE NET, C'EST DIFFICILE DE VERIFIER".

    Contre-enquête Cela devait être un hommage à un journaliste de l’ère digitale. Envoyé Spécial qui diffuse un reportage sur Mohammed Nabbous. Sauf qu’entre erreurs factuelles et photomontages assumés, on a enterré les principes de base du journalisme. Ouch.

    5-lecons-sur-la-tele-a-papa-et-les-nouveaux-medias

    Nabbous, une incroyable expérience de l'ère journalistique digitale. fallait-il en rajouter ?

    L’histoire de Mohamed Nabbous , journaliste libyen qui a travaillé sur le web pendant le premier mois de la révolution libyenne depuis Benghazi, force le respect. Pendant 4 semaines, il utilise ses compétences en ingénierie télécom pour créer Al Hurra TV la première web TV libyenne qui diffuse en direct 24h/24 via satellite alors que le web est bloqué.

    Il anime une équipe de caméramen et de modérateurs qui recoupent les infos qui parviennent du terrain. Il se branche sur des caméras installées dans Benghazi qui diffusent en direct les images de la révolution. Mo’ meurt le 19 mars, touché à la tête par un tir de sniper. Cette incroyable expérience journalistique de l’ère digitale est très bien rapportée ici et ici .


    On aurait préféré tirer notre coup de chapeau à Envoyé Spécial pour son reportage . Hélas notre fact-checking du sujet relève 6 grosses erreurs et approximations. C’est la mode en ce moment pour les petits jeunes du web de balancer aux vieux routards de la presse ou de l’édition leurs boulettes. On en a tiré 5 leçons. Mais on vous jure qu’on ne fait pas ça de gaieté de coeur.


    1 La télé à papa pille le web sans citer ses sources (l’inverse est lourdement condamné par la loi)

    Les 10 premières minutes du sujet d’Envoyé Spécial reprennent des dizaines de vidéos et d’images tapées sur Youtube et Google Images. Aucune des photos n’est créditée ou sourcée. 25 secondes d’un entretien audio avec Mohamed Nabbous réalisé par le site américain Democracy Now sont diffusées sans mention de la source.

    Mais les télés elles s’offusquent quand leurs contenus sont copiés : TF1 réclame en ce moment 221 millions d’euros de dommages et intérêts pour contrefaçon à Youtube et Dailymotion qui diffusent des extraits vidéos de la chaîne.


    Rappelons simplement aux mastodontes de l’info que les contenus sont aussi largement encadrés sur le web . Mais que – ô merveille – la reprise est souvent autorisée sous certaines conditions . Et qu’ un large courant du journalisme en ligne (les geeks d’ Al Jazeera en font partie) développe l’idée d’une reprise des sujets des confères à partir du moment où la source est citée.

    2 Le journaliste TV peut dire n’importe quoi tant qu’il pose bien sa voix

    La voix de commentaire du journaliste qui marque un temps d’arrêt puis descend pour conclure est devenue un cliché du documentaire télé. Une marque de fabrique « grand reporter » qui vient rattraper une recherche d’infos trop juste. Quelques une parmi les informations fausses de la voix off:


    Nabbous a été interviewé via sa webcam le 20 février sur CNN qui rediffuse ici les images au lendemain de sa mort.


    Erreur 1 : A 9’40’’ «Tous les jours, il est en duplex avec CNN»

    Faux : Nabbous n’a réalisé qu’un seul duplex avec CNN. Et c’était dans la nuit du 19 au 20 février.

    Contacté par StreetPress, Gilles Jacquier (la voix off, c’est lui !) qui cosigne le reportage avec Lucas Menget et Edouard Perrin répond :

    « Il [Nabbous] en a fait plusieurs [des duplex]. Allez vous renseigner chez CNN, vous verrez ».

    Renseignement pris par téléphone auprès du journaliste de CNN présent sur le livestream d’Al Hurra TV pendant le duplex sur la chaîne d’information américaine : « Il m’est impossible de vous confirmer si Nabbous a fait un ou plusieurs duplex car personne n’est présent ici tout le temps. Pour vous le certifier, il faudrait que quelqu’un cherche et compte ». Les dizaines de modérateurs du chat de la web TV qui archivent tout ce qui se dit sur Nabbous que ce soit en vidéo, son ou photo et dans toutes les langues n’ont compté qu’un seul duplex.

    Gregory Leclair, qui a joué le rôle de modérateur puis « d’attaché de presse bénévole » de Nabbous nous confirme : « S’il y avait eu d’autres duplex, les links auraient tournés sur le chat, et je n’en ai pas vu ».

    Erreur 2 : A 9’50’’ « Le dernier [duplex avec CNN] date de la veille de sa mort »

    Faux : Dans cette séquence du reportage, on voit une vidéo Nabbous sur CNN… La même séquence qu’à l’erreur 1 mais rediffusée par CNN au lendemain de sa mort ! Dans la vidéo complète, quelques secondes auparavant, Don Lemon de CNN lance le sujet en disant « dans les premiers jours de l’insurrection libyenne, j’avais parlé avec le jeune homme».

    Explication de Gilles Jacquier d’Envoyé Spécial :

    « C’est une petite erreur effectivement. En fait c’était un “blow” repris par CNN, suite à un hommage qui lui est rendu. (…) Sur le fond ça ne change pas grand chose, [car ce qu’il dit] il l’a répété plusieurs fois que ce soit sur son site ou pour d’autres médias (…) Donc ça ne change rien au fond de l’histoire».

    Erreur 3 : A 0’20’’ « Le 17 février son appel résonne sur Internet »

    « Le 17 février son appel résonne sur Internet » affirme le journaliste avant qu’on ne voit Nabbous déclarer : « We want our freedom ». L’appel diffusé date en fait du dimanche 20 février, vers 2 heures du matin. StreetPress était présent sur le livestream et a filmé ce passage . Ca aurait arrangé Envoyé Spécial que son « rebelle », comme il est présenté dans le sujet, lance son appel le 17 février, le jour symbolique du début de la révolte libyenne. Mais pas de bol, il crée sa web TV 2 jours plus tard, le 19 février et lance son appel en direct le 20.

    Erreur 4 : A 5’20’’ « CNN va même l’élever au rang de héros»

    La voix off du reportage : « Des milliers d’hommages, jusqu’aux plus grandes chaînes de télévision. CNN va même l’élever au rang de héros ». Une vidéo où l’on lit « Nominate him for CNN Heroes » est diffusée en même temps.

    Nabbous mériterait 1.000 fois d’être déclaré « CNN Heroe 2011 » et ça sera peut-être le cas. C’est ce que demande un internaute dans la vidéo « Nominate him for CNN Heroes », où les nominations reposent sur le plébiscite du public sur le site de CNN. Mais aujourd’hui c’est faux.


    « CNN Heroes, ce sont les gens qui doivent proposer des personnes », nous confirme-t-on à CNN : « Ca n’est pas lié au nombre de votes mais plus une personne est proposée, plus elle a de chance d’être nominée ». Pour l’instant, Nabbous n’apparaît nulle part sur CNN Heroes. Mais si vous voulez le proposer, c’est par ici .

    3 « La télé, c’est du montage » quitte là encore à montrer n’importe quoi

    Coco ça serait tellement mieux pour l’histoire qu’on laisse entendre que le personnage tombe sous les balles pendant son direct ! Et sinon on se fait un petit montage photoshop pour que la Web TV soit plus vraie que vraie ?

    Erreur 5 : A 2’15’’ « Ultime témoignage : Mohamed tombe sous les balles » ou le fantasme de la mort en direct à la télé

    « Voici la bande sonore de son dernier reportage » annonce la voix off à 1’55’’. On entend la voix de Nabbous sur fond d’échanges de tirs « Je suis au milieu d’une fusillade, dit Nabbous, il y a énormément de tirs… où est le tireur ? Il doit être là-haut [bruits de tirs] ». « Ultime témoignage : Mohamed tombe sous les balles », conclut la voix off.

    Nabbous tombe-t-il sous les balles qu’on entend ? Non, Nabbous sera tué dans un autre secteur de Benghazi plus tard dans la journée . Pourtant c’est clairement ce que laisse entendre le montage. Même si le journaliste qui l’a réalisé s’en défend :

    « Oui c’est son dernier reportage on n’est pas d’accord ? Et je ne dis pas qu’il meurt dans la seconde qui suit. Je n’ai jamais dis ça »

    Erreur 6 : Un montage photoshop pour montrer la Web TV de Nabbous


    La web TV de Nabbous n’a jamais existé telle qu’elle est présentée dans Envoyé Spécial. Normal, c’est un photomontage.


    La page de la Web TV de Nabbous qu’on aperçoit dans le reportage n’a jamais existé telle qu’elle est présentée : Les logos et photos au dessus de la vidéo ne correspondent pas, le chat vidéo a disparu. Comme l’explique Gilles Jacquier :

    « On a incrusté [une image du site] en fond d’écran » derrière la vidéo de Nabbous. « C’est un sujet internet. On l’a mis pour que les gens sachent à quoi ressemblait cette web télé ».

    Louable intention. Est-ce qu’il ne faut tout de même pas signaler aux téléspectateurs qu’il s’agit d’une reconstitution, d’un photomontage ? « Vous savez, la télévision c’est du montage », nous lâche Jacquier, lauréat du prix Albert Londres en 2003. Reçu 5 sur 5 Monsieur l’Envoyé très Spécial.
     
    4 Les médias traditionnels français sont à la ramasse sur les réseaux sociaux

    « Tout ce qui est balancé sur le net, c’est difficile de vérifier » lâche à StreetPress Gilles Jacquier, qui revient sur son sujet : « Il y a une histoire à faire (…), avec des images internet pour [l’essentiel], qui sont aussi difficilement vérifiables, d’où la difficulté de faire ce portrait là ».

    La médias traditionnels français sont largement à la ramasse sur les réseaux sociaux et ne savent pas comment les utiliser. Mais gageons que ça viendra. Le New York Times comme ABC ont leurs « social media reporters », chargés de couvrir les médias sociaux.

    Et les médias sociaux ont été un matériau de première main pour les gros networks anglo-saxons, rappelle Vadim Lavrusik qui enseigne à la Columbia University Graduate School of Journalism.
    Lavrusik cite Riyaad Minty , le social media editor d’Al Jazeera English qui explique que Facebook a permis aux reporters de la chaîne de « prendre le pouls du terrain » pendant les révoltes en Afrique du Nord. Al Jazeera a pu savoir quelles manifestations étaient prévues et prendre des contacts directs avec des sources: « Ca nous a permis de comprendre comment les citoyens de certains pays pensaient et ce qu’ils avaient en tête ».


    5 Avec son format rouleau compresseur, le «journalisme d’assertion» tue l’info

    Quand les journalistes d’Envoyé Spécial ont décidé de « raconter l’histoire singulière d’un révolutionnaire à part », Nabbous était déjà mort. On a pris l’habitude de la cavalerie qui arrive en retard. Les grosses machines d’info à la française n’ont pas l’agilité des pure players d’info sur web ou des networks anglo-saxons. Dont acte.

    En arrivant après la bagarre, il faudra donc faire appel à des documents réalisés par d’autres : Pourquoi ne pas les citer ? Il faudra réaliser des reconstitutions : Pourquoi ne pas les signaler ? Le format télé impose de raconter une histoire : Fallait-il en rajouter ?

    Vérification vs. Assertion « N’ajoutez rien à ce qui n’est pas là » et « soyez le plus transparent possible quant à vos méthodes » sont 2 des 5 règles de base d’un « journalisme de vérification » , rappellent les journalistes Bill Kovach et Tom Rosenstiel dans The Elements Of Journalism . L’écueil, pour Kovach et Rosentiel, c’est un « journalisme d’assertion » qui se dispense de ces règles mais vient asséner, marteler, sans vérifier ni recouper et qui ne se remet jamais en question.

    Dans la télé à papa le « journalisme d’assertion » raconte de belles histoires mais a tué l’info. Dites ça à Françoise Joly et Ghislaine Chenu et elles vous tuent.

    Source ici

    Source : Jacques Torrance et Johan Weisz StreetPress

    Photos : Impression écran Libya Al Hurra / Design: Jérémie Dres

    Cc Publié le 01.04.11


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  • Guerre de Libye : bavures médiatiques avant les premiers bombardements

    Publié par Julien Salingue

    Au moment où nous écrivons, les avions d’une « coalition » bombardent les positions militaires du Colonel Khadafi (N D LRV : selon d’autres sources des zones résidentielles auraient aussi été bombardéees, on compterait près de 90 morts civils). Quoi que l’on pense de cette guerre, force est de constater qu’elle fait l’objet d’un traitement médiatique digne du journalisme de guerre le plus exécrable. Les observations que nous rapportons ici ont été effectuées avant le début des bombardements. Et elles sont déjà annonciatrices du pire…

    Si tu veux la guerre…

    Lorsque l’éventualité d’une guerre s’est précisée, la plupart des grands médias ont manifesté un certain empressement. Cet empressement était-il dicté par la conviction qu’il fallait venir au secours de populations civiles et qu’il n’y avait pas d’autre solution que la guerre ? Ce serait une prise de position à présenter comme telle. Mais, contrastant avec la gravité des responsables qui ont décidé cette guerre, l’impatience des impatients revêt des formes passablement malsaines, comme si une guerre n’était pas avant tout une guerre !

    Dès le vote de la résolution de l’ONU le 17 mars au soir, la nouvelle se répand comme… une trainée de poudre : la guerre approche. Dans les médias, les bruits de bottes se font entendre. Le 18 mars, Reuters publie une dépêche : « Compte à rebours pour une intervention en Libye ». Le Point, l’Express, le Nouvel Obs (et bien d’autres) la reprennent et font leur l’image du « compte à rebours ». Le lecteur est averti : qu’il se tienne prêt…

    L’attente ne sera pas longue. La déclaration d’Alain Juppé selon lequel « tout est prêt » pour déclencher les hostilités est elle aussi reprise en boucle dès le vendredi 18 en une des sites internet. Entre autres : « Libye : "Tout est prêt" pour une intervention militaire » (site de Libération) ; « Lybie [sic] : "Tout est prêt pour une action militaire" » (site de l’Est Républicain) ; « Libye : tout est prêt pour une intervention, selon Juppé » (site du Nouvel Obs) ; « L’armée française prête à l’assaut contre Kadhafi » (site de la Tribune) ; enfin, sur un ton encore un peu plus belliqueux que ses confrères, le site de 20 minutes titre : « Libye : malgré le cessez-le-feu proclamé par le pouvoir, les Occidentaux sont prêts au combat ». De toute évidence, les médias aussi.

    Certains sont même un peu trop prêts… C’est ainsi que dans l’après-midi du 18 mars, la chaîne I>télé, sans doute un peu trop impatiente, ose le scoop :

    Aucune action militaire n’a alors été menée. Il faudra en réalité attendre le lendemain avant que soit annoncé le premier tir français. Au grand désespoir d’Itélé qui, se rendant compte que son scoop ressemble de plus en plus à une bourde, remplace subrepticement, en fin d’après-midi, le mot « frappes » par le mot « crise ». 24 heures plus tard, l’information étant désormais correcte, le terme « frappes » refait son apparition à l’écran. Au grand soulagement d’Itélé ?

    Le 19 mars, Reuters publie une dépêche au titre des plus audacieux :

    « Vers des frappes imminentes ». En substance : les frappes ne sont pas encore imminentes, mais elles le seront bientôt. Une redondance qui révèle l’impatience ?

    La guerre, ça fait vendre, coco

    Cette impatience peut difficilement se prévaloir de visées exclusivement « humanitaires ». Elle traduit aussi une toute autre préoccupation : être le premier sur le coup. Concurrence journalistique ou compétition commerciale ? La seconde est loin d’être absente, car la guerre, c’est vendeur. Et rien de tel, pour appâter le chaland, que de lui proposer un pseudo-sondage en ligne. C’est le Parisien, rapidement rejoint par le Figaro, qui a ouvert les hostilités :

    S’agit-il d’informer ? Evidemment pas… D’ouvrir un « débat » ? A quoi bon, puisque la « communauté internationale » est unanime (voir plus loin). Il s’agit d’attirer le lecteur et de le fidéliser en le mettant directement à contribution et en créant l’illusion que son avis compte !

    Toutes les méthodes sont bonnes pour vendre et faire vendre. La palme du cynisme revient à Libération qui, en raison de la double actualité (Libye+Japon), a proposé à ses lecteurs un numéro spécial le vendredi 18 mars, avec une « double une ». Le communiqué de presse annonçant cet « événement » est des plus révélateurs :

    « Vendredi dans Libération : un numéro exceptionel [sic] consacré à la Libye et au Japon » […] « Citation de Nicolas Demorand, directeur de la rédaction de Libération : "Au moment où une série de catastrophes au Japon bouleverse chacun de nous, la communauté internationale semble enfin se mobiliser pour empêcher le colonel Kadhafi d’écraser l’insurrection du peuple libyen. Nous avons voulu donner toute sa mesure à cette actualité d’une incroyable densité, où se télescopent ces deux événements". Ce numéro « collector » de Libération sera disponible en kiosque vendredi 18 mars 2011 ».

    Les morts, coco, c’est collector.

    Moi, Kadhafi, il me fait pas peur

    Collector, aussi, certains propos forts courageux de va-t-en guerre parisiens, avant même le début de l’offensive.

    Le vendredi 18 mars, le Grand journal de Canal plus reçoit « trois grands observateurs de l’actualité » : Thomas Legrand (de France Inter), Yves Thréard (du Figaro), Alain Duhamel (d’un peu partout). La Libye est bien évidemment évoquée : Michel Denisot explique que suite à la résolution de l’ONU, les autorités libyennes ont annoncé un cessez-le-feu. On assiste alors à une scène surréaliste, au cours de laquelle Jean-Michel Aphatie et son camarade Yves Thréard nous livrent une analyse d’une exquise finesse :

    - Alain Duhamel : « (…) Un cessez-le-feu, c’est parce qu’ils veulent voir venir, sûrement ».
    - Jean-Michel Aphatie : « Ils ont les jetons. »
    - Yves Thréard : « Kadhafi est un peureux. »
    - Alain Duhamel : « Faut pas non plus les caricaturer… »
    - Jean-Michel Aphatie : « Moi je pense qu’ils ont un peu la trouille. »

    Aphatie et Thréard, confortablement installés sur leur plateau de télévision, triomphent et ironisent : Kadhafi a peur d’une intervention armée. On imagine que nos deux journalistes, à qui la guerre ne fait pas peur, ont déjà réservé leur billet d’avion pour la Libye afin de prendre part aux combats.

    A l’instar de leur confrère d’I>télé Olivier Ravanello qui, le samedi 19 mars, quelques heures avant les premiers bombardements, s’emporte, sourire aux lèvres : « On veut se débarrasser de Kadhafi, on va peut-être même arriver, par chance, à ce qu’une bombe lui tombe sur la tête ».

    Il est difficile de se contenter de comptabiliser ces mouvements de menton parmi les faux frais de la liberté d’opinion. Une fois encore ces commentaires qui n’éclairent rien, même pas les raisons de ceux qui soutiennent inconditionnellement cette guerre, contrastent avec la gravité de ceux qui l’ont décidée. Que dire alors du respect dont ils témoignent pour ceux qui, non moins gravement, ne sont pas convaincus par cette intervention ou lui sont hostiles ? L’indécence fait-elle partie des nouvelles règles de la déontologie ?

    Mais nos journalistes sont courageux. Nul doute que le Ministère de la Défense les décorera pour acte de bravoure médiatique. Contrairement à ces traîtres d’Allemands.

    Les « alliés » et les traîtres

    Nul n’aura échappé à l’argument-massue repris dans la plupart des grands médias : la guerre bénéficie du soutien de la « communauté internationale ».

    Une « communauté internationale » dont on ne cesse de nous rappeler qu’elle inclut des pays arabes. Ce ne serait donc pas une guerre de l’Occident… comme le Monde, en un lapsus révélateur, le dit pourtant en « une » le 19 mars, accompagné de cette sympathique invitation au« monde arabe » : « Il faut associer le monde arabe aux opérations militaires. Il en a les moyens : il dispose de centaines de chasseurs. Il a l’occasion de faire l’Histoire, pas de la contempler ». Typiquement « occidental ».

    Pour Thomas Legrand, toujours sur le plateau du Grand journal, la messe est dite : « Avant de commenter tout ça, il faut quand même souligner cette résolution extraordinaire. Moi je trouve que c’est historique, et c’est extraordinaire. Je crois que c’est la première fois qu’on peut dire que, enfin c’est pas la première fois, mais la communauté internationale ça veut vraiment dire quelque chose aujourd’hui ».

    Thomas Legrand, comme la plupart de ses confrères, « oublie » commodément de rappeler que quelques pays mineurs, périphériques et peu influents, n’ont pas voté la résolution de l’ONU, : la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Allemagne… Mais tout ceci n’est qu’un détail car, comme on nous le répète jusqu’à l’usure, le Qatar a proposé de participer à l’intervention, et on ne va tout de même pas perdre du temps avec ceux qui veulent gâcher la fête. Plutôt que d’exposer leurs raisons et de tenter de les comprendre, avant de les justifier ou, dans le cas de nos commentateurs va-t-en-guerre, de les condamner, on préfère s’ériger en tribunal de la « communauté internationale » Quant aux raisons, bonnes ou mauvaises, qui ont conduit certains Etats « amis », comme l’Allemagne, à refuser de soutenir l’expédition militaire, elles sont balayées d’un revers de manche d’uniforme :

    - Pour Jean-Michel Aphatie, l’explication est simple : « L’Allemagne est dirigée par quelqu’un qui n’est pas à la hauteur de la situation, de cette situation » (le Grand journal, 18 mars).

    - Le Monde, dans son éditorial du 20 mars (« Berlin face à ses responsabilités internationales »), ne fait pas non plus dans la nuance : « L’Allemagne souhaite obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Soutenue par la France, cette demande est légitime […]. Encore faut-il être à la hauteur des responsabilités auxquelles on aspire. L’Allemagne d’Angela Merkel n’en a pas fait la démonstration, le 17 mars, en refusant d’approuver la résolution de l’ONU permettant l’usage de la force contre le régime du colonel Kadhafi ».

    Et, plus loin : « [L]e non-engagement allemand dans l’affaire libyenne est révélateur d’une hésitation qui peut être perçue par les partenaires de la République fédérale comme un manque de solidarité, voire de maturité ».

    - Sur son blog qui engage, au moins indirectement, Libération (puisque son site, en fait la promotion à la « Une »), l’incontournable Jean Quatremer se joint lui aussi au concert anti-allemand. Le 19 mars, dans un billet subtilement titré « L’honneur perdu d’Angela Merkel », il fait à son tour la leçon à la chancelière. Extraits : « Angela Merkel, une nouvelle fois, gouverne en fonction d’impératifs de politique intérieure, sans aucune considération pour ses engagements européens et atlantistes, et surtout sans aucune commisération pour le peuple libyen qui lutte pour sa liberté ». […] « Cet accès de pacifisme est d’autant plus curieux que la chancelière n’a toujours pas annoncé qu’elle allait retirer ses troupes d’Afghanistan… Bref, entre l’abstention et le soutien à Kadhafi, il n’y a qu’un pas ». Avant de conclure : « Angela Merkel chercherait à administrer la preuve qu’elle n’a strictement aucun sens de l’histoire qu’elle ne s’y prendrait pas autrement ». Rompez les rangs.

    L’entrée en guerre de la France réveillerait-elle, chez plusieurs journalistes et éditorialistes, de bons vieux réflexes anti-allemands ? Rien n’est moins sûr : « pas à la hauteur », « manque de maturité », « strictement aucun sens de l’histoire »… L’exact opposé, en somme, de notre bon président Sarkozy.

    Cocorico !

    C’est une évidence, surtout depuis que les hostilités ont débuté : nos chers médias exaltent leur fierté d’être français. En témoignent ces unes :

    Le Monde daté du 20-21 mars, après avoir titré la veille (voir plus haut) sur la « riposte » (la riposte ?) de « l’Occident », se drape lui aussi de tricolore.

    Même Daniel Schneidermann, que l’on a connu mieux inspiré, cède à la tentation chauvine dans son billet du 18 mars : « Sacré matin ! Soyons honnêtes. Qui, ici, sur ce site, dans ces forums, qui peut jurer qu’il reste indifférent, en voyant les rebelles de Benghazi, ce peuple qui a risqué sa vie en se soulevant contre le dictateur fou,brandir le drapeau français cette nuit ? Qui peut rester indifférent à leur gratitude envers le rôle joué par la France dans l’adoption de la résolution 1973 du Conseil de sécurité, qui va autoriser la « communauté internationale » à bombarder les colonnes de Kadhafi ? […] Et pour une fois, le cocorico français est sans doute partiellement justifié ».

    Certes, le gouvernement français a joué un rôle moteur dans l’adoption de la résolution de l’ONU. Mais est-ce la principale information dans cette affaire ? Pourquoi cette insistance malsaine sur le « rôle de la France » ? Se réjouir aux côtés des habitants de Benghazi, oui, mais pourquoi serait-on plus heureux, ou moins « indifférent », parce que des drapeaux français ont été brandis ? Cette fierté, qui fait appel aux sentiments chauvins les plus primaires, n’est-elle pas mal placée ? On chercherait à susciter un engouement populaire pour une guerre aux objectifs et à la durée indéterminés qu’on ne s’y prendrait pas autrement…

    De l’exaltation de la guerre au chauvinisme le plus franchouillard, en passant par les pitreries de journalistes qui rêveraient d’être des GI’s, le traitement médiatique des prémisses de l’expédition militaire contre la Libye nous rappelle cruellement que l’information est, souvent, parmi les premières victimes de la guerre. Et ce n’est, malheureusement, qu’un début.

    Julien Salingue

    Annexe. De l’expertise avant toute chose…

    On ne s’improvise pas expert d’un pays étranger. On a pu le vérifier à de nombreuses reprises ces dernières semaines au sujet, entre autres, de l’Egypte et de la Tunisie. Et parfois, à vouloir jouer les experts, on frôle le ridicule. Nous rapporterons ici un exemple, parmi bien d’autres, de ces approximations expertes. Le 18 mars, l’Edition spéciale (Canal plus) reçoit l’homme qui a personnellement convaincu Barack Obama, par SMS, de décider de bombarder la Libye : BHL moi-je. Les chroniqueurs de l’émission ont bien travaillé : alors qu’ils sont en train de discuter avec un expert militaire, une carte « explicative » s’affiche à l’écran. La voici :

    En bleu, les « zones contrôlées par Kadhafi ». En rose, les « zones contrôlées par les rebelles ». Question à 1000 euros : qui contrôle les zones en gris ? Mystère…

    Chacun aura en outre noté l’Hénaurme faute d’orthographe : « LYBIE » au lieu de « LIBYE ». Mais que Canal plus soit pardonné : la chaîne n’est pas la seule à s’être trompée. Même les meilleurs font des erreurs. La preuve, de nouveau, en images :

    Gageons que Jean-Michel Aphatie et Thomas Legrand qui ont, comme on l’a vu, beaucoup de choses à dire à propos de la guerre en cours, savent placer la « Lybie » sur une carte.

    Source : http://www.acrimed.org/article3558.html


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  • Informations et Manipulations

    La manipulation mentale évoque de sinistres choses. Il y a des siècles, les églises furent les premières à façonner nos pensées. Les souverains se sont servis des religions pour modeler nos esprits et nous imposer l’obéissance. Avant, il y avait l’Église qui distillait la bonne parole des puissants et maintenant il y a les médias, et quand on sait que près de 90% des médias appartiennent à seulement 3 hommes, proches du pouvoir … et amis de notre cher président : N.Sarkozy !

    Pendant la grande messe du 20 H les informations importantes sont noyées dans une masse de faits divers qui détournent l’attention du téléspectateur. Malgré cela beaucoup de sujets n’ont pas été traités, dommage ! Mais en matière de médias, rien n’est innocent, le silence moins que tout. Ce n’est pas parce que l’on ne parle pas de misère sociale que ça n’existe pas. Et ce n’est pas parce qu’ils l’ont « dit à la télé » que c’est forcément vrai !

    Les médias agissent à la manière d’une drogue, et accroissent la vulnérabilité des individus aux idéologies fabriquées à leur intention. Les images déconnectent l’individu du monde réel pour un monde virtuel. Ils façonnent nos esprits et la diffusion de séries américaines nous fait adopter progressivement la culture et les valeurs américaines. Et si le modèle anglo-saxon bat de l’aile, alors, les médias font l’apologie du modèle scandinave. Il ne faut pas laisser le temps au téléspectateur de se poser trop de questions, il ne faut surtout pas qu’il se dise : « et si finalement notre système n’était pas si mal que ça ? ». Préparer nos cerveaux au discours de l’idéologie dominante : voilà le rôle des médias !

    Une nouvelle technique de manipulation est apparue depuis quelques années : les sondages. Les instituts de sondage sont, pour la plupart, détenus par les patrons de presse qui sont très proches du pouvoir. L’IFOP est la propriété de L. Parisot. La présidente du MEDEF contrôle donc un organe de fabrication de l’opinion publique. Elle peut donc influencer les citoyens avec des pseudos sondages. Au bout de plusieurs années de dénigrement de la fonction publique, à la télé, à la radio, dans les journaux, par des pseudos reportages ou des réflexions d’animateurs et journalistes à la botte du pouvoir, le scénario est en place pour le dépeçage de l’état. Et le citoyen qui vient de perdre quelque chose d’essentiel pour lui, applaudit des deux mains à ce qu’il croit juste : la propagande a joué son rôle ! Il en est de même pour les retraites, la dette, les salaires, la santé, ou le travail du dimanche, l’individu manipulé est persuadé que les décisions prises sont justes et obligatoires. La propagande agit et lui enlève tout sens critique.

    Avant chaque élection, pour essayer de nous faire oublier l’essentiel, les médias, tous comme un seul homme nous parlent d’’insécurité, d’immigration ou d’identité nationale. Une multitude de faits rendus plus horribles les uns que les autres sont commentés, analysés, répétés. Personne ne se soucie de leur véracité. Actuellement l’écologie est à la mode et si tous les médias nous parlent régulièrement d’écologie, ce n’est pas parce que nous sommes devenus subitement écolos. C’est simplement pour nous préparer à certaines réformes, certaines taxes qu’il va falloir justifier : le travail de manipulation a déjà commencé !

    Celui qui maîtrise les techniques de l’information peut manipuler l’opinion publique. Celui qui tient les rênes de l’information et des médias dirige en fait la société. Personne ne devrait posséder plus d’un moyen d’information : c’est une des conditions de la liberté !

    Article original publié sur http://2ccr.unblog.fr/

    ci-dessous en forme de tract, que vous pouvez imprimer, photocopier, distribuer ou joindre à vos contacts mails

    INFORMATIONS ET MANIPULATIONS

    Conscience Citoyenne Responsable


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  • La Tunisie et Cuba : le double standard médiatique et politique

    Cubainformación

    José Manzaneda, Coordinateur de Cubainformación.- La récente révolution qui a reversé le gouvernement de Tunisie nous sert pour analyser le double standard des grands médias en fonction du pays sur lequel ils informent.

    Vidéo : http://www.youtube.com/watch?v=n11Q...

    L’écrivain Santiago Alba Rico nous rappelle une étude sur les médias de 2005 qui comparait le traitement informatique sur la Tunisie et Cuba par les médias espagnols [1]. De janvier à juin de cette année, par exemple, le journal El Mundo dans son édition en ligne a publié 5162 articles sur Cuba, presque tous aux sujets de problématiques de la vie quotidienne du pays et remplis de condamnations sur l’action du gouvernement local, bien qu’aucun ne soit relié avec des conflits politiques et sociaux graves.

    Au contraire sur la Tunisie il publia seulement 658 articles, 8 fois moins que sur Cuba, et aucun sur ses problèmes sociaux et presque tous sur le championnat du monde de handball célébré cette année là. Le journal El País publia 618 articles sur Cuba, avec la même ligne pour souligner les problèmes et contradictions sociales, contre 199 sur la Tunisie, mais dans ce cas presque tous sur le tourisme et le championnat mondial de handball.

    Le journaliste Pascual Serrano nous rappelle que, tandis les journaux mentionnés continuent à remplir leurs écrits avec des termes péjoratifs contre Cuba, comme "dictature" ou "régime", en de rares occasions ils les ont appliqués dans leurs articles sur la Tunisie [2]. Leurs lecteurs au long de toutes ces années ont à peine lus les dénonciations sur les graves violations des droits humains dans ce pays africain. A l’inverse, ils sont saturés avec les apparitions des dénommés "dissidents" cubains, dont les accusations contre leur gouvernement, bien quelles ne sont pas accompagnées de preuves, sont systématiquement converties en informations.

    La docilité des médias avec l’ancien gouvernement de Tunisie est proportionnelle à la complicité qu’ils ont eu avec lui durant des décennies, et il en va de même avec d’autres facteurs de pouvoirs mondiaux.

    Le dernier rapport de la Banque Mondiale sur la Tunisie, par exemple, fait l’éloge du modèle économique du gouvernement déchu [3]. Un modèle qui finalement a conduit à une explosion sociale due au chômage, à la pauvreté et aux prix élevé des produits de consommation courante. Mais tandis que la Banque Mondiale a octroyé, durant des années, des prêts millionnaires à la Tunisie, elle n’a pas octroyé un seul prêt à Cuba. La raison, hormis le droit de véto qu’ont en pratique les États-Unis dans cette institution, est que l’île refuse d’appliquer les plans d’ajustements structurels néolibéraux que la Tunisie a suivis à la perfection. Malgré tout cela, sans prêts et sous blocus, Cuba améliore chaque année ses indicateurs de développement humain [4].

    Les gouvernements des grandes puissances condamnent année après année l’action du gouvernement et le système économique de Cuba, et font pression sans cesse pour le renverser. Malgré cela il n’y a pas apparition dans ce pays de symptômes graves de rupture sociale, et les problèmes économiques de l’île sont abordés publiquement dans des dizaines de milliers d’assemblées citoyennes, dans un exercice démocratique sur lequel les médias internationaux informent à peine [5].

    Les dénonciations de l’Union Européenne, par exemple, sur une supposée "répression" à Cuba rendent perplexes si on compare les actions de la police cubaine à celles qui ont lieu dans de nombreux endroits en Europe [6], ou si on contemple le silence européen, durant toutes ces années, devant les crimes de la police tunisienne. L’Union Européenne, par exemple, approuva en 1996 la dénommée "position commune sur Cuba", qui conditionne tout accord avec l’île à des mesures politiques et économpiques de tous types [7]. En 1998 cependant l’Union Européenne signa un accord d’association avec la Tunisie, sans aucun préalable à des changements internes [8].

    Ceci est le double standard des médias, puissances et institutions financières, dont les pressions et condamnations de certains gouvernements n’ont que peu à voir avec une supposée promotion de la démocratie et des droits humains, et beaucoup plus avec la docilité et la fermeté de ces gouvernements face aux intérêts économiques et politiques des grands facteurs de pouvoir mondiaux.

    Source : http://www.albatv.org/Tunez-y-Cuba-...

    Source française et traduction non précisée - NdR

    [1] 1 : http://www.gara.net/paperezkoa/2011...

    [2] 2 : http://www.rebelion.org/noticia.php...

    [3] 3 : http://web.worldbank.org/WBSITE/EXT...,,contentMDK:22513413 pagePK:64257043 piPK:437376 theSitePK:1074568,00.html

    [4] 4 : http://www.eleconomista.cubaweb.cu/...

    [5] 5 : http://spanish.china.org.cn/interna...

    [6] 6 : http://www.cubainformacion.tv/index...

    [7] 7 : http://www.rebelion.org/noticia.php...

    [8] 8 : http://www.eu2008.fr/PFUE/lang/es/a...

    URL de cet article 12573
    http://www.legrandsoir.info/La-Tunisie-et-Cuba-le-double-standard-mediatique-et-politique.html
     

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  • Wikileaks : à qui profite le crime ?

    Pierre PICCININ
    Les « révélations » du site Wikileaks, qui vient de publier plusieurs dizaines de milliers de correspondances diplomatiques états-uniennes, sont hélas des plus décevantes, à ce stade du moins, car d’un commun navrant.

    Rien, par exemple, sur le rôle des Etats-Unis quant à la déstabilisation du gouvernement iranien et à son intervention dans la « révolution verte » qui avait suivi les élections de juin 2009 ; rien sur le virus informatique « stuxnet » qui serait en train de paralyser l’armée iranienne et ses centres de recherche nucléaire ; rien sur la Syrie ; rien sur les négociations israélo-palestiniennes qui ont repris depuis peu et sont pourtant au cœur de la politique états-unienne au Proche-Orient ; et absolument rien sur Israël.

    En outre, aucune information sur l’origine de ces documents et leur authenticité (que les principaux intéressés ne dénient cependant pas…). En fait, globalement, rien de vraiment nouveau, rien de sensationnel dans ce qui a été publié jusqu’à présent.

    En effet, cette correspondance contient d’abord quelques mots malheureux de tel ou tel diplomate de second rang sur l’un ou l’autre chef d’Etat, mais pas de quoi fouetter un chat (rien d’inhabituel, en somme, dans ce genre d’échanges informels, comme le savent fort bien toutes les chancelleries du monde) : Mohammad Kadhafi aime les jolies filles ; Hamid Karzaï est corrompu jusqu’à la moelle ; Vladimir Poutine aime jouer des biceps ; Silvio Berlusconi est trop âgé et fatigué ; Angela Merkel est une dure à cuire ; et Nicolas Sarkozy serait quant à lui autoritaire… Dernière nouvelle ! Le président français est aussi qualifié de « roi nu » ; mais, là, personne ne comprend, ni ne se risque à une interprétation. Et Washington espionne l’ONU. Incroyable !

    graffiti

    Pour le reste, la principale « nouvelle », c’est que la plupart des chefs d’Etat arabes (le président égyptien Hosni Moubarak, le roi de Jordanie, les dictateurs du Golfe persique, etc., tous alliés traditionnels des Etats-Unis) se sont déclarés très farouchement opposés au gouvernement de Mohammad Ahmadinejad et souhaitent une intervention états-unienne. Sans blagues ?! C’est le cas depuis 1980 et la guerre Iran-Irak, durant laquelle tous ces Etats avaient ouvertement soutenu et financé Saddam Hussein contre la République islamique des Ayatollahs…

    Bref, on n’apprend rien.

    Cependant, la diffusion de cette correspondance n’est peut-être pas dénuée de tout intérêt. N’est-il pas curieux, en effet, que les seules informations « pertinentes » concernent quasiment uniquement le Moyen-Orient et plus particulièrement l’Iran ? Et ne pourrait-on pas se demander, en fin de compte, si ces « fuites » n’auraient pas été organisées et utilisées, ne serait-ce que partiellement, par la Maison blanche elle-même ?

    C’est que le fait de divulguer de la sorte ces déclarations permet de renforcer un peu plus la pression sur l’Iran et d’officialiser d’avantage encore son isolement au sein du monde arabo-musulman, tout en mettant les Etats arabes hostiles à Téhéran face à leurs responsabilités. Le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, n’a d’ailleurs pas hésité à renchérir en se réjouissant de ce que, désormais, Israël et les pays arabes sont officiellement d’accord sur le danger iranien et le moyen de le juguler.

    De même, l’autre « grande info », la question de l’achat à la Corée du Nord, par l’Iran, de fusées capables d’atteindre l’Europe, survient à point nommé pour la politique étrangère des Etats-Unis, non seulement à l’égard de l’Iran, mais également précisément au moment où l’OTAN veut construire son fameux bouclier antimissile. Et voilà comment faire d’une pierre deux coups…

    Oncle Sam - Iran

    Ainsi, tout, pour l’essentiel de ces « révélations », ramène à l’Iran, désignée en tant que « menace pour le monde » (pour l’Europe en particulier, dont plusieurs gouvernements sont peu enclins à une nouvelle intervention musclée au Moyen-Orient et devraient dès lors être convaincus du danger), comme l’avait été l’Irak de Saddam Hussein, avant qu’il ne fût confirmé, par la guerre illégale de 2003, que le pays était en réalité sans défense.

    A bien y réfléchir, cette affaire ressemble sensiblement à un beau coup de propagande qui pourrait viser à justifier une agression à l’encontre de l’Iran et à créer le consensus autour de cette perspective. En politique, les vieilles recettes éprouvées resservent souvent. Sur les traces de Sherlock Holmes, cherchons donc à qui profite le crime...

    La plupart des chroniqueurs parlent d’un « 11 septembre de la diplomatie ». C’est en tout cas très surfait et fort excessif. Et garantissent que la diplomatie états-unienne ne sera plus la même à l’avenir. Rien de moins sûre…

    Pierre PICCININ

    (professeur d’histoire et de sciences politiques – Ecole européenne de Bruxelles I)

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    http://www.legrandsoir.info/Wikileaks-a-qui-profite-le-crime.html
     

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  •   Décodage de 25 techniques de désinformation Voici quelques techniques courantes utilisées par différents organes de pouvoir – publics ou privés – cherchant à occulter des vérités qui dérangent. Il est utile de garder ces concepts à l’esprit lors de la lecture d’informations relatives à des sujets controversés (ils sont nombreux) … pour autant, règle n°1, que vous sachiez même qu’ils le sont. Faites le test. Vous serez sans doute surpris de constater à quel point ces procédés percolent au travers de nombre de propos tenus par des instances officielles, des "experts" et par extension de nombreux médias.

    Jean-Luc Guilmot – Juin 2008

    Technique n°1 : Evitement
    Ne pas écouter la controverse, ne pas la voir, ne pas en parler. Si elle n’est pas rapportée, elle n’existe pas et il n’y a pas lieu de s’en occuper.

    Technique n°2 : Superficialité
    N’aborder la controverse qu’en périphérie, sur des points mineurs voire pittoresques. Eviter soigneusement les points clés de l’argumentation.

    Technique n°3 : Indignation
    Rejeter le sujet de façon indignée ("jamais une chose pareille ne serait possible"). Jouer sur le sentiment d’incrédulité ("il y aurait eu des fuites", "ça se saurait", …)

    Technique n°4 : Rumeur
    Considérer la controverse comme une rumeur de plus, sans fondements, quels que soient les arguments présentés.

    Technique n°5 : Homme de paille
    Présenter la position de son adversaire de façon volontairement erronée, en sélectionnant son argument le plus faible, en amplifiant sa portée puis en le détruisant.

    Technique n°6 : Messager
    Décrédibiliser le porteur du message. Par extension, associer les opposants à des dénominations impopulaires telles que "excentrique", "extrême-droite", "gauchiste", "terroriste", "conspirationniste", "radical", "fanatique", ou même "blonde" etc…

    Technique n°7 : Biais
    Exacerber tous les faits qui pourraient donner à penser que l’opposant opère en dissimulant ses véritables intentions ou est sujet à tout autre forme de biais.

    Technique n°8 : Confusion
    Quelque soit le niveau de la polémique mais sans y faire référence, confirmer la thèse officielle par un communiqué laconique sur une nouvelle étude favorable et rassurante.

    Technique n°9 : Autorité
    S’associer à l’autorité (organismes internationaux etc.) et présenter ses arguments avec suffisamment de jargon, de détails techniques et de sources pour les crédibiliser.

    Technique n°10 : Innocence
    Faire l’innocent. Quelle que soit la solidité des arguments de l’opposant, éviter la discussion en leur contestant toute crédibilité, toute existence de preuves, toute logique ou tout sens. Mélanger le tout pour un maximum d’efficacité.

    Technique n°11 : Amalgame
    Associer les charges de l’opposant à des charges farfelues facilement réfutables, qu’elles soient antérieures ou le fait d’autres opposants. En y étant associées, les charges subséquentes, quelle que soit leur validité, sont alors beaucoup plus facilement discréditées.

    Technique n°12 : Diviser
    Diviser pour mieux régner et par extension mettre l’accent sur les différences entre les différents courants des opposants et l’impression de chaos que cela procure.

    Technique n°13 : Pseudo-débat
    Présenter la version de l’opposant en premier lieu puis démentir par une succession de déclarations issues de sources faisant apparemment autorité.

    Technique n°14 : Confession
    Admettre avec candeur que des manquements (mineurs) ont été identifiés et que des solutions ont été apportées. Les opposants cependant en ont tiré parti pour gonfler la controverse et tenter de démontrer ce qui n’existe pas.

    Technique n°15 : Edulcorer
    Utiliser des termes techniques sans contenu émotif pour décrire le problème.

    Technique n°16 : Enigme
    Les énigmes n’ont pas de solution. Etant donné la multitude des paramètres, des intervenants et de leurs interactions, le sujet est bien trop complexe pour ne pouvoir être jamais résolu. Une technique couramment utilisée pour décourager ceux qui cherchent à suivre…

    Technique n°17 : Solution complète
    Eviter le problème en exigeant de l’opposant qu’il fournisse une solution complète à la résolution de la controverse.

    Technique n° 18 : Omission
    Omettre des preuves, des publications ou des témoignages contraires. S’ils n’existent pas, ce ne sont pas des faits, et le sujet ne doit pas être couvert.

    Technique n°19 : Sang froid
    Amener l’opposant à argumenter dans une position difficile et jouer sur sa perte de sang froid pour le décrédibiliser.

    Technique n°20 : Expertise
    "You don’t bite de hand that feeds you", disent les Anglais. Créer son propre groupe d’experts et le financer directement ou indirectement.

    Technique n°21 : Preuve impossible
    Ignorer les preuves présentées par l’opposant comme étant non pertinentes et lui demander des preuves inaccessibles, que ce soit matériellement (non disponibles ou soustraites au regard du public), techniquement (années de recherche) ou financièrement.

    Technique n° 22 : Déni
    Dénier toute crédibilité ou être extrêmement critique vis à vis de publications, de témoignages ou même de propos officiels d’organes de pouvoir, en les désignant comme des "sources non valides" ou "des éléments sortis de leur contexte".

    Technique n°23 : Fausse preuve
    Introduire des éléments contradictoires par rapport à l’argument de l’opposant, au besoin en fabriquant de fausses preuves, par exemple sous la forme d’études scientifiques au protocole particulièrement étudié.

    Technique n°24 : Grand Jury
    Organiser un grand jury ou des états généraux avec tous les atours de la consultation la plus large et la plus ouverte qui soient. Neutraliser ensuite les sujets qui fâchent et présenter le rapport final comme étant l’état du consensus général.

    Technique n°25 : Diversion et distraction
    Créer l’événement ailleurs pour distraire et écarter l’attention du public

    «transmis par florent bigel»
    http://www.vigli.org/PDF911/Decodage_de_25_techniques_de_desinformation.pdf

    Alter Info l'Information Alternative


    Auteur : vigli.org - Source : Alter Info


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  • Décrypter le décryptage islamophobe de l'Express

    Christophe Barbier, rédacteur en chef de l'Express, a une longueur d'avance sur les organisateurs d'apéros saucisson-pinard : instigateur dès février 2010 d'une réunion éditoriale placée sous le signe de la charcuterie - "pâté, rillettes, saucisson" - il a aussi gravé ses thèses riches (c'est-à-dire grasses) dans le papier glacé de l'hebdomadaire - dernière livraison, n°3092 semaine du 6 au 12 octobre.

    Le dossier s'intitulait "L'Occident face à l'Islam" et s'étalait sur 11 pages interrompues par six rappels publicitaires : un grand bol d'air consumériste pour donner à cette enquête une haleine idéologique aussi fraîche que celle des journalistes du Point fantasmant dans leurs salons sur les polygames de banlieue. Retour sur ce dossier symptômatique d'une construction, à la fois ignorante et maligne, de l'Islam comme péril.


    La couverture d'abord est exemplaire : en lettres capitales, un titre se décline selon plusieurs pistes qui convergent toutes vers le niveau d'alerte maximal - en quatre phases : "le retour de la menace terroriste", "la poussée des fondamentalistes", "l'échec de l'intégration", "les forces politiques qui en profitent". Une rhétorique où la menace est évidemment mondiale et la générosité pure qui visait à civiliser le métèque en l'intégrant à l'échelle de la nation, vaine en tous points. Enfin, on attise la rancoeur en imputant la droitisation de l'Europe aux musulmans - qui ne sont pourtant pas ceux qui votent en majorité pour les partis ultra-nationalistes. Tous nos malheurs ne découleraient en somme que de cette affreuse religion : c'est dire la subtilité de la problématique unidimensionnelle mise en place par l'Express.


    L'Occident - dont l'évidence de la définition et la supériorité morale sont tenues pour acquises tout au long du dossier - est d'emblée positionné "en face". L'imaginaire haineux de la confrontation déployé par la rédaction de l'Express est implicitement prêté à l'autre partie - celui de la "musulmanerie". Or, d'un point de vue islamique et dégagé de la gangue orientaliste des préjugés qui représentent le musulman comme un barbu au couteau entre les dents - un tel dispositif est non seulement absurde, mais contraire à la lettre :

    "La piété ne consiste point en ce que vous tourniez vos visages vers le Levant ou le Couchant. Vertueux sont ceux qui croient en Dieu et au jour dernier, aux Anges, au Livre et aux prophètes, qui donnent pour l'amour de Dieu des secours à leurs proches, aux orphelins, aux nécessiteux, aux voyageurs indigents et à ceux qui demandent l'aide, et pour délier les jougs, qui observent la prière, qui font l'aumône. Et ceux qui remplissent les engagements qu'ils contractent, se montrent patients dans l'adversité, dans les temps durs et dans les temps de violences. Ceux-là sont justes et craignent le Seigneur." Coran 2-77

    La photographie choisie pour la couverture de l'hebdomadaire représente un paysage crépusculaire, avec un minaret bien visible en premier plan à droite et un pauvre petit clocher - réduit à la pénombre - en second plan. L'Express met lui-même en scène le péril qu'il prétend analyser en construisant, au moyen notamment de cette imagerie islamophobe, un discours aux références très discutables et dont le peu de légitimité morale et de fiabilité théorique ont déjà été avérés - deux entretiens sont publiés, l'un avec la menteuse Ayaan Hirsi Ali et l'autre avec l'ego hypertrophié d'Abdennour Bidar. On a connu des sources mieux habilitées pour délivrer un discours crédible et rationnel sur l'Islam. Pour qu'une critique puisse être prise en compte, encore faudrait-il qu'elle soit posée sur des fondements honnêtes qui ne cherchent pas systématiquement à nuire et à tourner en dérision l'objet qu'elle prétend investiguer.


    Ce décryptage d'un clash annoncé, s'il prétend donc éclairer le lecteur, remplit de fait une autre mission : interpréter la partition néo-conservatrice bien connue d'une prétendue guerre de civilisations entre deux blocs monolithiques fantasmés. Sa réactivation actuelle au sein de l'opinion publique française assure des fonctions géopolitiques bien précises que l'Express, tout en prétendant promouvoir une réflexion critique et informer son lectorat, se contente en réalité de valider - et non sans malhonnêteté : puisque d'une part, il ne dit évidemment jamais d'où il parle et, d'autre part, il emploie une imagerie grossière et un style excessif dignes des "tabloïds" - ce qui ne fait pas vraiment honneur à son histoire.


    Dès la page 60, on voit une de ces photographies dont raffolent les sites laïcards ultra-nationalistes : des musulmans qui prient dans la rue - sûrement par goût de l'exhibitionnisme, et certainement pas faute de locaux adéquats, propres, fermés et propices au recueillement. L'usage de cette image sans autre commentaire que : "l'islam à la française reste une gageure des années 1990" témoigne d'une bonne dose de mépris et d'un refus de penser.

    La photographie est surplombée de lettres énormes et rouges sur fond noir - une esthétique qui relève davantage du remake de Dracula que de l'analyse rationnelle. Dans ce premier article, on nous annonce dès le chapô qu'il sera "sans tabous". Putasserie oblige. Le lecteur islamophobe en aura pour ses 3, 50 euros.


    Christian Makarian, qui signe le premier papier, observe que : "la supériorité des valeurs occidentales est d'un faible secours face à un faisceau convergent d'éruption planétaire". La religion musulmane est donc ici réduite aux groupes variés et armés qui se revendiquent de l'Islam politique. Ce dispositif idéologique est récurrent dans les discours islamophobes : on s'étonne que les musulmans s'en émeuvent, on leur prête une trop grande sensibilité.

    Mais enfin, les catholiques par exemple aimeraient-ils que leur foi et le message des Évangiles soient résumés aux pratiques du Ku-Klux-Klan - qui se réclame lui aussi du christianisme?


    Le journaliste poursuit, sans avoir questionné "la supériorité des valeurs occidentales", ni même seulement donné une définition, un exemple ou une manifestation de ces "valeurs" supérieures. Alors que sa prose y participe, il dénonce à la page 62 un "funeste amalgame" entre les "musulmans anonymes" et une "noria de groupuscules agissant pour le compte d'un islamisme affiché et conquérant". Or, par le choix précis de la photographie des hommes contraints de pratiquer leur culte dans la rue, il y a un glissement, une confusion même entre ces deux ces catégories. Le journaliste persiste à feuilleter le dictionnaire des idées reçues sur l'Islam en sortant la carte prévisible de l'Islam politique, sans avoir pris soin d'expliquer au lecteur quelle tendance de l'Islam politique il dénonçait et en oubliant d'expliquer qu'au sein de cet Islam politique, il existait des groupes extrêmement variés, porteurs de projets différents - certains incitant leurs frères à relever la tête dans une perspective anticoloniale, tandis que d'autres la leur écrasent plutôt en adoptant les intérêts géo-stratégiques des "sociétés occidentales" - dont l'Express a établi pour mémoire l'indiscutable supériorité.

     

    Fort de ses préjugés, le journaliste résume la mentalité islamique - alors même qu'il n'a mentionné que les groupuscules dits terroristes et des musulmans anonymes - à "une spiritualité exogène [qui] se transforme en angoisse endogène". Joli chiasme parfaitement creux dont la trouvaille a, faute d'enquête sérieuse, sans doute réjoui le journaliste.

    D'autres expressions irrationnelles ponctuent l'article dénué d'argument précis et rigoureusement fondés : "une amplification du risque", "aucun pays ou presque n'échappe à la question de l'islam", la désormais bien connue "maladie de l'islam"...

    On n'échappe pas non plus à l'argument fallacieux de la démographie, cher à Oriana Fallacci et aux antisémites des années 1930 - le journaliste énonce la liste de prénoms musulmans donnés aux nouveaux-nés bruxellois...


    Page 67, c'est l'entretien avec Abdennour Bidar - un des philosophes auto-proclamés de l'Islam des Lumières. La citation, qui donne son titre à l'article, n'est rien de moins qu'une nouvelle bidarade en forme constat - comme à son usage, illégitime et infondé : "Beaucoup de musulmans étouffent". Beaucoup : on appréciera le degré de précision de cette rumeur. L'ego surdimensionné de Bidar déplore que les "penseurs susceptibles de faire évoluer le dogme [n'aient] trouvé aucun relais." Une publicité télévisuelle vantait autrefois les mérites du poisson (pané et surgelé) - la même joyeuse mélodie vient à l'esprit quand on lit cet ersatz de pensée philosophique qui n'est pas de toute fraîcheur : Heu-reu-se-ment qu'il y a Bidar!

    Plus sérieusement, il y a dans le Traité de la réforme de l'entendement de Spinoza - que Bidar devrait daigner parfois relire - une critique des différents degrés de connaissance ; un énoncé tel que "Beaucoup de musulmans étouffent" relève assurément du degré le plus bas de la connaissance, quelque part entre "l'ouïe-dire" et "l'expérience vague" - c'est-à-dire très loin de la vérité.

     

    Comme dans ses autres textes, le petit Abdennour est très arrogant ; il s'agace et s'invente des obligations là où personne ne lui a rien demandé : "De quel droit cette tradition islamique me commande-t-elle de prier cinq fois par jour? C'est à moi de juger quand prier." Invente donc ton propre culte si tu tiens absolument générer des dogmes!

    Il poursuit : "Je n'ai pas besoin d'un muezzin hurlant dans son micro, mais d'apprendre à entendre un appel intérieur à la prière ou à la méditation." Ce crétin ne s'est apparemment jamais demandé pourquoi les églises sonnaient les cloches, ni si le "muezzin hurlant" ne participait pas précisément de la même fonction de rappel que les cloches - que Bidar trouve sûrement mélodieuses.

     

    L'être exceptionnel qu'est Abdennour Bidar - une cloche elle-même fondue dans le plus dissonant des métaux - n'a nul besoin de rappel. La chose est entendue. Mais pourquoi donc cet acharnement à en priver les autres - nous autres, pauvres musulmans qui n'avons pas atteint son degré d'intelligence et de foi?


    Les musulmans, s'ils étouffent, c'est d'abord sous la pression d'âneries érigées en discours philosophique.


    Le prix de l'article le plus comique de ce dossier islamophobe revient néanmoins à celui de Noria Ait-Kheddache qui s'intitule "France : Polémique au menu" (p.68). Tout un programme. La journaliste, comme ses collègues, ne s'embarrasse pas de précision mais se permet d'asséner comme une vérité générale : "Un islam rigoriste s'immisce depuis quelques années dans les revendications des citoyens français".

     

    La dénonciation du péril halal - si chère au rédacteur en chef, mais c'est sans doute pur hasard - ressurgit : "A Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) depuis la rentrée scolaire, les cantines de la ville propose deux menus : l'un avec viande, l'autre sans." C'est très grave en effet, soufflez trompettes et sonnez tocsins : les "valeurs occidentales" sont en danger, il y a des plats sans viande à la cantine!

     

    Le développement de cet article ridicule se poursuit en citant l'exemple d'un maire de la ville voisine n'ayant rien de mieux à faire pour l'intérêt général de sa commune que de se féliciter de servir une bonne carne industrielle aux enfants tous les midis. Voilà le genre de "résistance", à hauteur de talonnettes, dont la France se flatte aujourd'hui : contrer "l'alliance" entre musulmans et végétariens - ériger un rempart contre l'islamo-vegétarisme, en quelque sorte !


    Les pages 72 à 76 sont pour l'essentiel consacrées à des exemples internationaux, notamment européens et américain puisqu'en dehors de cet espace, selon l'Express, point de culture ...

     

    Un portrait de l'imam Feisal Abdul Rauf, dans le prolongement de l'entretien avec Bidar, offre un modèle de "bon musulman" - au "CV moderne et humanisme". Qu'est-ce qu'un CV moderne? Celui qui n'est pas rédigé à la plume? Ou celui d'un musulman qualifié de "prêcheur soufi" et promoteur d'un Islam tolérable, réduit à sa seule dimension culturelle, vidée de sa pratique? En ligne de mire : un Islam sans Islam - "assemblage d'installations sportives, de galeries, de restaurants, de salles de conférence et d'activités culturelles ouverts à tous." Un espace où, à l'instar de l'Institut des Cultures d'Islam à Paris, on peut vraiment tout faire - sauf pratiquer sa religion.


    Le tour d'Europe traverse l'Allemagne, l'Autriche, la Suède, le Danemark, la Norvège et les Pays-Bas. Chaque fois, la xénophobie dans le débat public est, selon un étrange tour de force, corrélée aux musulmans et non pas à ceux qui produisent le discours xénophobe. Ce qui reviendrait à imputer le sexisme aux femmes, l'antisémitisme aux Juifs, la négrophobie aux Noirs. Ils l'ont bien cherché.


    En dehors de l'Europe et des Etats-Unis, le dossier islamophobe examine sur une page le cas algérien - ce qui n'a rien de surprenant. Dans cette page, Anis Allik, correspondant de l'Express s'emploie à démontrer combien les fidèles non musulmans sont persécutés par des musulmans. Les non musulmans sont des chrétiens. Mais le journaliste oublie de souligner le fait que ces chrétiens n'appartiennent à aucune Eglise - d'Orient ou d'Occident - établie mais relèvent d'une secte néo-évangéliste américaine - qui serait même en France tenue pour dangereuse.

     

    Sans naturellement minimiser les persécutions dont les membres de cette secte font l'objet, on doit cependant ne pas en ignorer le contexte. En outre, ceux qui ont le plus souffert d'arrestations arbitraires et de tortures au Maghreb - avec la complicité de cet Occident aux valeurs supérieures - sont les islamistes. Mais les droits humains, pour le journaliste de l'Express, ne s'étendent pas jusque là.


    L'article qui clôt assez superbement ce dossier mensonger est un entretien avec la menteuse Ayaan Hirsi Ali. Elle vient de publier un livre non encore traduit en français où elle raconte sa vie, sans doute émaillée des mythes qui ont fait sa célébrité. Elle critique le pourtant "bon musulman" Feisal Abdul Rauf mais déclare : "Je suis prête à lui accorder le bénéfice du doute". Les scientifiques devraient se pencher sur une possible corrélation entre arrogance et Islam désislamisé : le travers déjà constaté chez Bidar se retrouve dans les propos de Hirsi Ali ; et tous les deux partagent cet amour pour la "dimension spirituelle de l'islam".

     

    Mais ce goût pour la spiritualité n'empêche malheureusement pas Hirsi Ali de condamner a priori tous les musulmans, coupables tant qu'ils n'ont pas prouvé leur innocence - ses concitoyens, accessoirement : "Le danger [peut] venir aussi des musulmans américains." Que cette humaniste soit conséquente avec elle-même et suggère, en guise de prévention, de les déporter tous à Guantanamo!

     

    Même le journaliste de l'Express - Philippe Coste - esquisse un doute : "Les millions de musulmans américains vous paraissent-ils vraiment tentés par une mouvance extrémiste?"


    En définitive, ce qui se voulait un décryptage de l'Islam n'est qu'une synthèse journalistique des préjugés islamophobes en cours. Les promesses de la couverture ont été tenues : aucun effort n'a été tenté pour rendre intelligible la situation concrète des musulmans. Le dossier brosse en revanche un tableau irrationnel et sombre qui porte en lui le mépris de l'Autre, tenu pour inférieur. Ce choix délibéré en faveur de l'ignorance et de l'activation des peurs n'est pas seulement dommageable pour la réputation des musulmans : il neutralise, plus profondément, toute possibilité d'une réflexion vraiment critique, et dégagée des idées préconçues sur l'Islam conçu comme une idée abstraite - une bannière aussi inadéquate que celle de l'Occident, brandie par les journalistes de l'Express.


    Source ici


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