• De Saddam Hussein à Oussama Ben Laden : du bon usage de l’assassinat politique en terre arabe.

    Pierre PICCININ

    L’annonce faite par l’administration Obama, ce lundi 2 mai 2011, de la mort du fondateur d’al-Qaïda, Oussama Ben Laden, vient ajouter un nom supplémentaire à la liste déjà longue des leaders arabes qui, après avoir étroitement collaboré avec Washington et ses alliés européens, étaient, à la suite d’événements et de retournements de situation divers, devenus gênants pour leurs anciens alliés.

    Il ne s’agit pas, ici, de polémiquer sur les circonstances particulières qui ont entouré l’exécution d’Oussama Ben Laden, ni non plus sur la manière non moins étrange dont les autorités états-uniennes, après avoir enlevé son corps sur un de leur bateau de guerre, l’ont fait disparaître illico presto en l’ensevelissant dans les profondeurs de la Mer d’Oman, mais bien de s’interroger sur la série de décès et accidents cérébraux ou vasculaires qui touche l’élite arabe, autant de personnalités de premier plan ayant eu d’étroites relations avec l’hyper-puissance américaine et qui, certainement, auraient eu bien des choses à dire, à révéler, à expliquer…

    Que de surprises et de détails croustillants aurait réservé un tribunal public où, sur la sellette, se serait assis cet homme qui fut financé et armé par les Etats-Unis d’Amérique lorsqu’il s’agissait de combattre les Soviétiques en Afghanistan, dans les années 70’ et 80’, lui que les présidents Carter et Reagan qualifièrent de « freedom fighter » ! Quelle tribune exceptionnelle un tribunal eût été pour cet homme bien au courant des ficelles et des coulisses de la politique états-unienne à travers tout le monde arabe ! Bien mieux que les « révélations » de Wikileaks, un tel procès eût défrayé la chronique…

    Serait-ce pour cette raison qu’il a été nécessaire de lui mettre du plomb dans la tête ? Et serait-ce pour cette même raison qu’un autre homme qui en savait trop, le président irakien Saddam Hussein, fut quant à lui jugé à la va-vite, sur base de chefs d’accusation mineurs qui écartèrent des débats les responsabilités états-uniennes et européennes, et ce non pas devant un tribunal international, mais face à des juges locaux, et pour finir au bout d’une corde ?

    Et puis, on se souviendra aussi des embrassades de Bernard Kouchner et de Nicolas Sarkozy, serrant bien fort contre leur cœur leur « ami » Zine el-Abidine Ben Ali, le dictateur tunisien. On se rappellera sans peine des amabilités et des sourires à pleines dents de Barak Obama pour Hosni Moubarak, sa meilleure carte au Proche-Orient. Impossible d’oublier les accolades chaleureuses et complices, les petites tapes dans le dos, de Sylvio Berlusconi, à l’égard du colonel Mouammar Kadhafi.

    Pendant des années (des décennies !) et jusqu’il a fort peu, ces tyrans ont bien servi leurs « amis » d’Occident. Recevant armes et reconnaissance sur la scène internationale, ils bénéficiaient de la politique du singe : « je ne vois rien ; je n’entends rien ; je ne dis rien » ; mais je soutiens, j’arme et je finance…

    Ces tyrans, en échange, ont asservi leur peuple, l’ont soumis aux intérêts de plusieurs milliers de sociétés états-uniennes et européennes, qui ont pillé les matières premières de ces pays et fait violence à une main-d’œuvre surexploitée, amassant eux-mêmes des fortunes colossales, tandis que leurs sujets survivaient dans la misère et la précarité, s’entassant par centaines de milliers, à Tripoli comme au Caire, dans ces immeubles mal bâtis, surchauffés au soleil de l’été torride, payant, pressurés et dépouillés de tout, des loyers démesurés qui ajoutaient ce crime à l’empire de leurs maîtres et à la richesse des partenaires et supporters que ces derniers trouvaient en Occident.

    N’est-il pas plaisant, dès lors, d’entendre aujourd’hui le président Obama condamner les années de dictature et se féliciter de ce que le peuple égyptien se soit débarrassé du despotisme ? D’entendre Monsieur Sarkozy « hausser le ton » et imposer, manu militari, des sanctions au dictateur libyen ?

    A qui s’adressent donc ces discours ? Pas à leurs anciens alliés. Ni non plus aux peuples d’Afrique du nord et d’Orient, qui les haïssent et ne sont dupes en aucun cas de leurs simagrées hypocrites.

    C’est à nous qu’ils s’adressent, à nous, citoyens de l’Occident. Nos gouvernants font maintenant la fine bouche, s’indignant publiquement, se dédouanant à qui mieux-mieux. Et nous, nous sommes tout prêts à les croire, à les applaudir et à nous indigner avec eux, sûrs de notre bonne conscience, à les saluer, même, pour leur sens de l’honneur, des responsabilités, et l’amour de la liberté. Nous ne sommes pas dupes, nous non plus, pourtant. Mais leurs discours nous conviennent bien. N’est-ce pas nous qui les avons élus ? Ne sont-ce pas nos voix (ou notre silence) qui ont cautionné leur politique ?

    Mais toutes les dictatures du monde soutenues par l’Occident, tous les Bouteflika d’Algérie, les Mohamed du Maroc, les généraux de Birmanie, les Kabila du Congo, les Abdallah de Jordanie… tous devraient désormais se le tenir pour dit : le jour où vous ne pourrez plus servir à l’Occident, vous serez abandonnés à la vindicte de vos peuples, rejetés comme les derniers des parias, éliminés d’une balle dans la tête.

    Saddam Hussein pendu haut et court ; Zine el-Abidine Ben Ali dans le coma ; Hosni Moubarak victime d’une crise cardiaque ; Mouammar Kadhafi bombardé dans sa résidence de Tripoli ; Oussama Ben Laden exécuté à bout portant… Certes, le procédé n’est pas nouveau : de Salavador Allende à Ernesto Guevara, de Patrice Lumumba à Slobodan Milosevic, on a toujours su faire taire...

    Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : on meurt beaucoup, depuis un certain temps, dans les hautes sphères du monde arabe.

    Pierre PICCININ
    professeur d’histoire et de sciences politiques

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  • Les 9 morts de Ben Laden

    Correo del Orinoco

    Compte tenu des problèmes de reins de Ben Laden, des fonctionnaires des Etats-Unis, des chefs d’Etat et des experts contre le terrorisme ont dit que le leader d’Al Qaueda était mort depuis quelque temps. Ce sera la neuvième fois que sa mort est sérieusement évoquée.

    2 Mai 2011 - Quand le président Obama a annoncé au monde entier la mort de Ben Laden à la télévision dimanche soir, il est devenu le neuvième chef d’Etat ou membre de haut rang d’un gouvernement à le faire.

    En raison des problèmes de reins avérés de Ben Laden et, conséquemment, de la nécessité de dialyses, des membres de gouvernements, des chefs d’Etat et des experts contre le terrorisme ont émis l’opinion à plusieurs reprises que le leader d’Al Qaeda était mort depuis un certain temps. Ces affirmations étaient fondées sur la mauvaise santé de Ben Laden fin 2001 et les signes visibles de son mauvais état physique aussi bien que sur des informations réelles concernant sa mort dans le même temps.

    En Juillet 2001, Ben Laden a été transporté en avion à l’Hôpital Américain de DUBAI pour un traitement rénal. Selon des sources émanant des renseignements français il était là-bas en charge de l’attaché local de la CIA . Quand l’agent par la suite a parlé de sa rencontre avec ses amis, il a été aussitôt appelé à Washington.

    Le soir du 11 Septembre, Ben Laden était dans un hôpital militaire pakistanais sous observation de la ISI du Pakistan, équivalent pakistanais de la CIA qui a des liens étroits avec cette dernière.

    En octobre 2001, Ben Laden apparaît sur une vidéo avec un costume de l’armée et une coiffure islamique, visiblement pâle et émacié. En Décembre 2001, une autre vidéo est diffusée, montrant un Ben Laden sérieusement malade, incapable apparemment de bouger son bras gauche.

    Alors, le 26 Décembre 2001, Fox News fait état d’une information du journal Paquistán Observer selon lequel les Talibans auraient annoncé officiellement la mort de Ben Laden en début de mois.

    Selon le reportage, il a été enterré en moins de 24H dans un tombe sans inscription, en accord avec les rites sunnites Whahabites.

    Ce qui suivit fut une série de déclarations de personnalités affirmant ce qui était déjà évident : supposé vivre dans des caves et bunkers dans les montagnes entre Afghanistan et Pakistan, Osama Ben Laden n’aurait pas eu l’équipement de dialyse dont il avait besoin pour vivre.

    1 Le 18 Janvier 2002, le président du Pakistan Pervez Musharraf a annoncé très catégoriquement : "Je pense maintenant que, franchement, il est mort."

    2 Le 17 Juillet 2002, le responsable de l’anti-terrorisme au FBI, Dale Watson, dit lors d’une conférence pour les officiers de l’ordre public que "Ben Laden n’est probablement plus parmi nous", avant d’ajouter prudemment : "Je nai pas de preuves à l’appui".

    3 En octobre 2002, le président Afghan Hamid Karzaï a dit à la CNN : "Il me plairait d’en arriver à penser que Ben Laden est probablement mort."

    4 En Novembre 2005, le Sénateur Harry Reid a révélé qu’on lui avait dit que Ben Laden aurait pu trouver la mort dans le tremblement de terre qui a eu lieu au Pakistan en octobre de la même année.

    5 En Septembre 2006 les Renseignements français ont laissé filter une information suggérant que Ben Laden était mort au Pakistan.

    6 Le 2 Novembre 2007, l’ex-premier ministre Pakistanias Benazir Bhutto a dit à David Frost d’al Jazeera que Omar Sheik avait assassiné Ben Laden.

    7 En Mars 2009, l’ex officier des Renseignements Américain pour les affaires étrangères et professeur de "Relations Internationales" à l’Université de Boston, Angelo Codevilla, a affirmé : "De toute évidence, il semble qu’ Elvis Presley soit plus vivant qu’Oussama Ben laden"

    8 En Mai 2009, le président Pakistanais Asif Ali Zardan, confirme que ses "ses partenaires locaux dans les Agences de Renseignements des Etats-Unis" n’ont jamais rien entendu à propos de Ben Laden en 7 ans et il a confirmé : "Je ne crois pas qu’il soit vivant."

    9 Aujourd’hui, en 2011, le président Obama est venu de la même façon s’ajouter aux personnes de toutes sortes, en position d’autorité, qui ont prononcé la mort d’Osama Ben Laden.

    Certains pourraient dénoncer qu’aucune des ces informations antérieures n’avait de crédibilité, mais comme il apparaît aujourd’hui que le corps de Ben Laden a eu une sépulture dans la mer en moins de douze heures sans possibilité de vérifier son identité, la même question de crédibilité se pose pour la dernière occurrence de sa mort.

    A ce point la seule preuve qui nous est fournie sont quelques images de TV (...) et la parole de Barack Obama.

    Source : http://www.correodelorinoco.gob.ve/...

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    http://www.legrandsoir.info/Les-9-morts-de-Ben-Laden.html

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  • Les 300 000 morts de la guerre contre le terrorisme

    La guerre contre le terrorisme lancée par George W Bush aura coûté 1 283 milliards de $, et fait entre 227 000 et 300 000 morts, au moins, dont près de 120 000 civils, soit 51% des pertes recensées.

    par Jean Marc Manach Le 2 mai 2011

    Les attentats du 11 septembre 2001 avaient fait 2 996 victimes, dont 343 sapeurs-pompiers, et 59 policiers, venus secourir les victimes enfermées dans les tours du World Trade Center. La guerre contre le terrorisme lancée par George W. Bush Jr a, elle, entraîné la mort de plus de 227 000 personnes, ou plus de 300 000 si l’on prend les estimations “hautes“, dont 116 657 civils (51%), de 76 à 108 000 islamistes, insurgés ou talibans (34-36%), 25 297 soldats des forces loyalistes en Irak et en Afghanistan (11%), et 8 975 soldats américains, britanniques et autres nations de la coalition (3,9%).

    Voir aussi la visualisation dont s’est inspirée Loguy.

    En se basant notamment sur les documents rendus publics par Wikileaks, le Guardian avait estimé, en octobre 2010, à 109 032 le nombre de civils et militaires tués en Irak entre 2004 et 2009, dont 66 081 civils, 23 984 ennemis, 15 196 soldats irakiens, et 3 771 soldats de la coalition.

    Mais ces chiffres ne prenaient en compte que les seuls morts documentés dans les rapports de la coalition. icasualties.org a ainsi, de son côté, répertorié 4770 soldats de la coalition (dont 4452 Américains et 179 Britanniques) morts au combat, en Irak, depuis 2003, et 2441 (dont 1566 Américains, 364 Britanniques, et 56 Français) en Afghanistan, depuis 2001.

    Il faut aussi y rajouter, pour l’Irak, 16 595 soldats des forces de sécurité irakiennes post-Saddam), 1764 contractants privés, 1002 Sahwa des Fils de l’Irak (force supplétive de l’armée irakienne), ainsi qu’entre 38 778 et 70 278 morts du côté soldats irakiens pro-Saddam et des insurgés.

    Du côté de la guerre en Afghanistan on dénombre également plus de 7500 morts du côté des forces de sécurité afghanes, 200 au sein de l’Alliance du Nord, et plus de 38 000 talibans et insurgés.

    100 000, ou 1,4 M de civils morts en Irak ?

    Mais le plus grand nombre de décès est à chercher du côté des civils. Iraq Body Count a ainsi documenté entre 100 et 110 000 civils morts de façon violente, depuis 2003 (à quoi il conviendrait de rajouter 15 000 civils morts mentionnés dans les warlogs publiés par WikiLeaks).

    Une étude publiée dans la revue médicale The Lancet, avait de son côté estimé à 654 965 le nombre de morts entre 2003 et 2006, soit 2,5% de la population irakienne, ce qui laisserait à penser que le chiffre serait aujourd’hui, mis à jour, de 1.455.590 morts Irakiens.

    Just Foreign Policy - Morts irakiens dus a l'invasion U.S.Si les chiffres publiés dans The Lancet ont été controversés, les estimations portant sur le nombre de victimes de la guerre en Irak varient de 100 000 à plus d’un million.

    En Afghanistan, le nombre de civils tués depuis 2006 ne serait “que” de 9759, dont 6269 tués par les forces anti-gouvernementales, et 2723 par la coalition ou les soldats de l’armée régulière, d’après l’ONU, à quoi il conviendrait de rajouter entre 6300 et 23 600 civils morts directement, ou indirectement, du fait de la guerre entre 2001 et 2003.

    Voir, à ce sujet, cet extrait de Rethink Afghanistan documentaire de
    Robert Greenwald, connu pour ses films sur Fox News ou l’administration Bush :


    La guerre au terrorisme ? 1 283 Md$

    Au total, la guerre au terrorisme aura coûté, depuis 2001, 1 283 milliards de dollars pour les trois programmes principaux de la guerre contre le terrorisme : l’opération Enduring Freedom en Afghanistan, l’opération Iraqi Freedom en Irak et l’opération Noble Eagle visant à renforcer la sécurité des bases militaires.

    Ce dernier programme est surtout mené pendant les premières années de “la guerre contre la terreur“. Le coût de la guerre suit les grands dynamiques des deux conflits. Le désengagement irakien se répercute largement dans le budget alloué : il passe de 142,1 milliards à 95,5 milliards de dollars entre l’année fiscale 2008 à 2009 (aux États-Unis, une année fiscale correspond à la période entre octobre d’une année et septembre de l’année suivante). C’est aussi en 2010 que le budget alloué à la guerre en Afghanistan dépasse le budget pour l’Irak.

    En cumulé depuis le début de chaque conflit, l’Irak a coûté 806 milliards de dollars, soit 63% du total, contre 444 milliards pour l’Afghanistan, 35% du total.

    150 000 soldats US encore engagés

    Dès le lendemain des attentats du 11 septembre 2001, Washington avait envahi l’Afghanistan, avec l’accord du Conseil de Sécurité des Nations-Unies, qui créa la Force Internationale d’Assistance à la Sécurité en décembre 2002. Le nombre de soldats américains présents est en constante et légère augmentation jusqu’en 2007. L’Afghanistan n’est pas une priorité, notamment à partir de mars 2003 et le début de la guerre en Irak. 150 000 soldats sont alors mobilisés, 10 fois plus qu’en Afghanistan.

    En 2007, Georges W. Bush lance le “surge“, augmentation massive des troupes pour mettre fin aux violences qui ensanglantent le pays. De 132 000 en janvier 2007, le chiffre atteint 170 000 en novembre suivant. Entre l’Irak et l’Afghanistan, les États-Unis mobilisent à cette date-là 195 000 personnes, un maximum qui ne sera uniquement atteint à nouveau en août 2009.

    Promesse de sa campagne électorale, Barack Obama annonce le retrait des troupes d’Irak après son élection. Entre avril 2009 et septembre 2010, le nombre de troupes engagés passe de 39 000 à 98 000, soit 2,5 fois plus. En juin 2009, la situation s’inverse entre les deux pays : les troupes déployées en Afghanistan sont plus nombreuses que les troupes au sol en Irak, conséquence du “surge” afghan et du retrait irakien.

    Ces chiffres ne reflètent pas toute la réalité. En novembre 2010, à l’occasion d’une une” sur la privatisation de la guerre, OWNI avait ainsi réalisé cette visualisation sur la montée en puissance des sociétés militaires privées engagées en Irak et en Afghanistan, dont les effectifs, respectivement de 112 092 et de 95 461 (soit 207 553) dépassaient ceux des troupes militaires présents dans ces pays-là : 79 100 et 95 900, soit 175 000 “soldats réguliers” :

    Avec Pierre Alonso pour les chiffres sur les troupes, et les sommes engagées.


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  • FAI – La stratégie du pourrissement

    FAI – La stratégie du pourrissement

    Edit : Et Ô miracle, histoire de me faire mentir, depuis quelques minutes, Youtube roxxe à nouveau du côté de Free alors que depuis 1 semaine et plus, c’était la misère intégrale. La vie c’est vraiment remplie de petits moments magiques parfois ^^

    La plupart des internautes français le constatent : Youtube rame complètement. Impossible depuis plusieurs jours de lire correctement une vidéo en 360p et je ne vous parle même pas de la HD. J’ai constaté ce problème sur ma connexion perso (free), puis après avoir fait un petit sondage sur Twitter en demandant aux gens de me faire une capture écran de cette page, je sais quels sont les FAI qui rencontrent un souci avec Youtube :

    • Free – Touché très fortement
    • SFR – Touché
    • Orange -Touché
    • Bouygue – Pas de problème
    • Numéricable – Pas de problème
    • Renater et autres machins un peu exotiques – Pas de problème

    Pas besoin donc de rebooter ma Freebox en invoquant l’esprit magique de Xavier Niel (l’équivalent de eywa chez les na’vi).

    SFR FAI   La stratégie du pourrissement

    SFR

    numericable FAI   La stratégie du pourrissement

    Numéricable

    renater FAI   La stratégie du pourrissement

    Renater

    bouygues FAI   La stratégie du pourrissement

    Bouygues

    orange1 FAI   La stratégie du pourrissement

    Orange

    free FAI   La stratégie du pourrissement

    Free

    Le problème ici est un problème de tuyau et d’argent. Une histoire digne d’un épisode de Dallas ou Dynastie !! Je vais essayer de vous expliquer les raisons de ce blocage pour le moins énervant…

    Comme on l’a vu par le passé avec des histoires comme Megaupload et Orange, ou encore Neuf et Dailymotion, les internautes continuent d’être les victimes permanentes d’une guerre que se livrent les FAI et les fournisseurs de contenu. Si je prends le cas de Youtube, il y a effectivement de plus en plus de monde qui s’y connecte pour regarder des vidéos de plus en plus lourdes. Les tuyaux entre les FAI et Youtube, qui ont été mis en place suite à des accords de peering ne sont plus assez « gros » (en plus d’être mal équilibrés), ce qui provoque un engorgement.

    Le résultat est là : une majorité d’abonnés ADSL français sont dans l’incapacité de lire une vidéo Youtube sans la laisser pré-charger pendant 1/4 d’heure.

    Seule solution pour régler le problème : Augmenter la taille du tuyau.

    Techniquement, c’est faisable très simplement… Alors pourquoi est ce que ce problème perdure ? Et bien la vraie raison est que cela coûte un peu d’argent.

    La question est donc : Qui doit payer ?

    Le deal que nous avons tous passé avec notre FAI est le suivant : « Je te paye un abonnement tous les mois et tu me donnes accès à Internet ». Mais aujourd’hui, ce deal n’est plus respecté.

    En effet, que ce soit à l’époque avec le cas Megaupload, ou maintenant avec Youtube, ce n’est plus un véritable accès à Internet que nous avons. Nous nous dirigeons petit à petit vers un internet qui ressemblera plutôt à un bouquet payant de sites internet.

    Bof bof… Je suis désolé mais je paye un abonnement aussi pour avoir accès à Youtube. Cette situation n’est donc pas normale et doit être réglée. Historiquement et logiquement, c’est aux FAI de se démerder pour que l’accès de leurs abonnés soit le plus fluide possible, quelque soit le site internet consulté.

    Mais comme je vous le disais, augmenter la taille des tuyaux coûte un petit peu d’argent. Les FAI tentent donc depuis plusieurs mois de faire pression sur certains éditeurs de contenu et en particulier Google, pour que ceux-ci prennent à leur charge cette dépense. On la vu encore récemment avec SFR qui a tenté un coup de poker avec OVH en essayant de leur faire payer le peering.

    Seul hic : Les éditeurs de contenu ne veulent pas payer. Google fait de la résistance et avec lui des services de CDN comme Akamai.

    Vous l’aurez compris, nous sommes dans une impasse… Il s’agit d’un vrai bras de fer entre les FAI et les fournisseurs de contenu. Et malheureusement, la stratégie adoptée par Free, Orange et SFR semble être celle du pourrissement. On laisse l’accès au site Youtube pour ne pas être accusé de censeurs, mais avec un débit de merde, pour que les gens pensent que c’est chez Youtube que ça coince.

    Je déduis quand même, à la vue des graphiques envoyé par mes gentils followers, qu’Orange et SFR ont un peu plus de pitié pour leurs abonnés et doivent déporter une petite partie du surplus de ces connexions sur du Transit IP (c’est à dire de l’achat de bande passante à un opérateur). Par contre, chez Free, ils sont sans pitié… Un véritable manque de respect pour ses abonnés !

    Free veut jouer les gros bras face à Google, alors on laisse saturer le peering et basta. Stratégie très agressive dont nous subissons tous les conséquences… On nous a d’ailleurs tellement bien bourré le crâne en nous expliquant que si le FAI prenait à sa charge ce coût d’évolution actuelle, le prix de notre abonnement ADSL augmenterait, qu’en bon français grippe-sou, nous en venons à défendre bec et ongle notre FAI, montrant du doigt le méchant Google ! Hors de question de voir notre abonnement ADSL augmenter !

    Pire, on plaindrait presque les FAI de devoir payer la facture… « Non, mais vous comprenez, les pauvres, pourquoi est ce qu’ils devraient augmenter les capacités de leur réseau pour 1 ou 2 site populaire comme Youtube ? » Pourquoi ??? Parce que c’est leur travail et qu’on les paye pour ça !

    network map free FAI   La stratégie du pourrissement

    Puis arrêter de tout faire passer par Paris, en améliorant le maillage du réseau, ça ne pourra pas faire de mal…

    La vérité, c’est que les FAI ont tout l’argent nécessaire pour faire évoluer leurs infrastructures et assurer un accès internet de bonne qualité à leurs clients. C’est prévu dans leur business model depuis le début et je vais même vous dire mieux : Ils sont tellement rentables qu’ils pourraient le faire sans problème dès à présent ! Si je reprends le cas de Free et de la maison mère Iliad, leur activité est très très très rentable. D’après le dernier rapport de gestion publié par iliad [PDF], leur marge brute est de 55,9%, leur marge EBITDA de 39,1% et enfin, leur marge nette est de 15,3%.

    Autant dire que l’argent pour upgrader son réseau, Free l’a largement avec ses 4,5 millions d’abonnés. Mais il semblerait qu’ils préfèrent réduire au maximum les dépenses sur le réseau actuel pour se concentrer sur l’avenir : le FTTH ou Très haut débit. L’idée en mettant le paquet dès le début sur le FTTH est toujours la même : Ecraser la concurrence en construisant le réseau de nouvelle generation le plus capillaire possible pour l’utiliser et le louer aux concurrents pendant des décénnies. C’est bien gentil tout ça, mais en attendant, moi j’ai toujours un accès merdique à internet… et je continue de payer comme un âne.

    Une de mes sources qui traine un peu dans ce milieu, m’indique même que les 3 principaux opérateurs français que sont Orange, SFR et Free, auraient eu quelques « discussions » à ce sujet, dont le leitmotiv était « Il faut faire payer Google donc travaillons ensemble dans ce sens« . Ça reste à prouver bien sûr mais nos petits FAI français ne semblent avoir peur de rien ni de personne et s’imaginent probablement faire plier le géant américain. Si Bouygues et Numéricable ne dégradent pas leur service, c’est peut être simplement parce qu’ils sont trop petits pour entrer dans le cadre des discussions avec les autres FAI ? Vas savoir…

    Autre point stratégique qui pourrait expliquer pourquoi les FAI choisissent cette technique du pourrissage, c’est leur annonce de proposer des services de CDN (Content Delivery Network). Pour faire simple et compréhensible par tous, un CDN est un réseau de plusieurs serveurs répartis géographiquement qui fait office de relai (comme un cache) pour distribuer les données localement sans que l’internaute ai à la chercher à l’autre bout du monde.

    Plus de rapidité et moins d’engorgement pour tous. Ce genre de service comme Akamai ou Cloudfront d’Amazon est payant pour les fournisseurs de contenu. En se faisant CDN et en faisant payer très chère l’interconnexion (peering privé), les FAI auront bientôt tous les pouvoirs pour prendre en otage les fournisseurs de contenu. En effet, quel autre choix aurait par exemple Google, que de s’offrir les services de CDN de Free pour que l’accès à Youtube se fasse dans de meilleures conditions ? C’est déjà le cas en Angleterre et ça semble poser de vraies questions. Ce sera bientôt le cas en France avec SFR. Dans le cadre du débat autour de la neutralité du net, les députés français se sont d’ailleurs posés la question de la dangerosité de cette double casquette FAI / Fournisseur de contenu. Qui empêchera tel FAI de favoriser son propre contenu ou de dégrader celui des autres ?

    Malin non ?

    Orange a racheté Dailymotion il y a peu de temps, et l’on peut très bien imaginer qu’un jour, ils dégradent “involontairement” le service vers Youtube en offrant un meilleur accès à Dailymotion par le biais d’une connectivité directe (peering privé) ou transit IP “made in Orange”. Heureusement, je leur fais confiance et ça n’arrivera pas… Euuh attendez… ah si, Orange est bien dans le trio des FAI qui empêchent leurs abonnés d’avoir un accès normal à Youtube et demandent que les éditeurs passent à la caisse. Zut alors…

    Bref, tout ça pour dire que :

    • Non, ce n’est pas normal que l’accès à Youtube soit dégradé de cette façon
    • Oui, les coupables sont bien les FAI qui ne font rien pour sortir de cette situation (en trouvant un accord avec Google pour upgrader l’interconnexion avec leur réseau par le biais du peering ou d’un routage du surplus de trafic via des opérateurs de transit IP)
    • Non, ce n’est pas aux abonnés de trinquer pour cette histoire de sous

    Je le dis et je le répète, je paye un abonnement Internet pour avoir accès à Internet dans sa globalité et pas juste aux sites que m’autorisent Monsieur Free, Monsieur Orange ou Monsieur SFR. Laissons tomber les pétitions et les beaux discours et allons directement à la case protestation en saturant d’appels les supports techniques (et commerciaux!) de nos FAI d’amour pour gueuler !

    • SFR : 1077
    • Orange : 3900
    • Free : 3244

    Il n’y a que comme ça que ça peut faire changer les choses. C’est déjà arrivé par le passé avec Dailymotion qui annonçait sur sa homepage que le service était dégradé par SFR et qu’il fallait les contacter via la hotline, et bizarrement, depuis plus aucun problème.

    abonnes neuf4 FAI   La stratégie du pourrissement

    Il faut l’ouvrir, faire un peu de bruit et compter sur l’intelligence des FAI concernés qui se rendront compte forcement à un moment, que prendre en otage ses propres abonnés pour négocier avec Google, n’est pas une solution viable à long terme. (et en plus ça m’énerveeeee !!!)

    Korben ici


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  • Des nouvelles ...

    Depuis que nous avons ouvert ce blog, nous recevons régulièrement des articles de Tunisie, d’Egypte, de Libye, de personnes présentes aux côté de ceux et celles qui luttent.
    C’est ainsi qu’il y a quelques semaines nous avons commencé à recevoir des témoignages depuis Misrata, en Libye, alors que les nouvelles dans les médias français de ce qu’il se passait sur place se faisaient de plus en plus rares.
    Nous avons malheureusement appris que l’un des auteurs de ces témoignages et articles, Baptiste, a été grièvement blessé par balle. Ses amis font circuler un texte pour donner quelques nouvelles, nous le reproduisons ci-après. Nous sommes de tout coeur avec eux, et espérons qu’il pourra être transporté et opéré le plus rapidement possible. (Nous pouvons faire suivre tout message qui leur serait destiné. L’adresse mail du blog est la suivante : enroute(arobase)riseup.net).

    Si on parle de Baptiste*, c’est parce que, par malchance, une balle perdue des forces kadhafistes l’a gravement blessé dans une rue de Misrata, à plus de deux kilomètres des zones de combats. Il a connu et nous connaissons avec lui ce que vivent les gens de cette ville depuis deux mois, quand ils se déplacent dans la rue, défendant leurs quartiers ou leurs maisons des armes de Kadhafi, ou font simplement leur vaisselle dans la visée d’un sniper. Soutenir le peuple veut aussi dire assumer les risques qui sont les siens.

    Nous sommes venus ici avec lui depuis plus d’un mois pour soutenir cette révolution, et ce soutien, nous l’exprimons par les différents médias libres auxquels nous participons sur internet. Nous envoyions nos textes à différents sites – Rue 89 avait notamment publié l’un de nos articles sur la situation à Misrata. Dans cette guerre, rendre visible la vie qui s’invente c’est un front en tant que tel. Et, si nous avons pu amener de la force à ceux qui luttaient c’est surtout en étant présents auprès de Libyens à des moments ou ils se sentaient abandonnés par toute la Terre.

    La blessure qu’il a reçu au cou oblige maintenant Baptiste à être opéré rapidement hors de Libye, pour survivre. Au regard de son état, les moyens de transports disponibles sont pour l’instant totalement inadaptés. Seul un hélicoptère médical pourrait l’évacuer. Pour ces raisons, il faut que la France, dont les bateaux sont a dix kilomètres de la ville, trouve une possibilité d’évacuation sûre. Des hélicoptères survolent parfois Misrata.
    La diplomatie française, déjà engagée aux cotés du nouvel État libyen, pourrait mettre ces moyens à notre portée pour sauver notre ami.

    Nous remercions les amis libyens qui nous ont aidés depuis notre arrivée, et qui, pour la plupart, ont déjà vécu plusieurs expériences similaires depuis le début de la révolte. Les insurgés ne sont pas les simples victimes d’un tyran, ce sont des hommes libres qui ont décidé comment vivre ou mourir.

    Des reporters freelance amis de Baptiste.

    *Pour l’instant, nous ne communiquons pas son nom par respect pour la famille.

     

    *****

    MISE A JOUR

    Baptiste  a pu être embarqué sur le navire de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Direction Benghazi où il est arrivé  jeudi.         

    Il doit maintenant passer un bilan de santé à Benghazi. Le ministère des Affaires étrangères prendra ensuite une décision quant à son évacuation vers la France.

     

     

     

     

     

     


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  • L’écolabel de WWF : développement vraiment durable ou simple greenwashing ?

    Par Simon Gouin 

    Peut-on faire confiance au caractère écolo des produits labellisés par le célèbre Panda de WWF ? À défaut de prôner un changement radical, faut-il aider les grandes entreprises à verdir un peu leurs activités ? C’est la stratégie qu’a choisie le WWF, organisation internationale de protection de l’environnement. Les partenariats qu’il signe avec des grandes marques permettent à celles-ci de vendre des produits labellisés, à peu de frais, moyennant des changements de comportement assez modestes. Enquête.

    C’est un bel écran plat, fabriqué par Sony. Il consomme 50% d’électricité de moins que la plupart de ses collègues, a un bouton d’arrêt total, qui permet de ne pas le laisser en veille 24h/24, est titulaire d’un écolabel européen et a été soutenu par le WWF lors d’une campagne promotionnelle de quatre mois, fin 2009. Depuis 14 ans, le WWF, organisme de protection de l’environnement, a en effet choisi de travailler avec le monde de l’entreprise.

    Une orientation décidée au niveau international et déclinée par les 48 bureaux nationaux de l’association sous la forme de partenariats stratégiques et de partenariats produits. « Pour les partenariats produits, on prête notre logo à une entreprise pour qu’elle valorise un produit qui a un intérêt écologique démontré, explique Julia Haake, directrice des partenariats entreprises de WWF France. Un logo bien connu des consommateurs, selon elle… et des services marketing toujours prêts à soigner leur image écolo-responsable.

    Une communication efficace

    Sur son site Internet, le WWF souligne les avantages à devenir « partenaire d’une ONG internationale ». Sont mis en avant la « crédibilité scientifique » (« le premier critère d’information et de réassurance est la présence d’un label environnemental »), suivie de la « communication pour que l’entreprise partenaire profite de l’image du WWF et du logo Panda » et enfin la « confiance et force du label Panda ». Le WWF estime que 73% des Français continuent à faire confiance aux labels de certification sociale et environnementale. Le degré de confiance véhiculé par leur logo serait de 84%.

    En apposant son logo sur un produit, le WWF certifie au client que l’objet est plus respectueux de l’environnement. De l’huile d’olive biologique aux tee-shirts en coton bio, en passant par des copieurs et photocopieurs, et l’écran plat : une quarantaine de produits sont appuyés par WWF France. « On ne peut pas mettre le logo sur n’importe quel produit, note cependant Julia Haake. Nous avons tous les mois entre 20 et 30 demandes. On refuse beaucoup de partenariats. » ... Mais quelles sont conditions de la drastique sélection du WWF ?

    Les grosses entreprises : solution à la crise ?

    Le WWF France travaille main dans la main avec 13 entreprises. La plus ancienne : Carrefour, dont le partenariat a été signé en 1998. Les plus récentes : une école de commerce de Nantes, Audencia, Lafarge et le Crédit Agricole. Orange, La Poste, Lafuma, Rainett, Castorama et Ikea bénéficient eux aussi du soutien de WWF. Ces très grosses entreprises ont été choisies pour leur volonté de s’engager dans une démarche de réduction de leur empreinte écologique et pour leurs marges de manœuvre. « Les entreprises ont des impacts environnementaux, explique Julia Haake. Mais elles sont surtout sources de solutions. Pour nous, il est indispensable d’engager ces acteurs vers des solutions à la crise écologique. »

    C’est ainsi qu’en réponse à la crise, le vertueux groupe Carrefour ne vend plus que de l’huile de palme certifiée Greenpalm dans ses « produits distributeur », a stoppé la commercialisation de thon rouge et ne propose plus que du bois certifié. Ikea promeut le covoiturage. Castorama a réduit de 50% son linéaire d’herbicides. Orange a lancé un programme d’allongement de la durée de vie des téléphones mobiles, etc. « Outre les progrès dans ces entreprises, quand l’une d’entre elles prend une décision, cela démontre à un secteur dans son ensemble des solutions et des voies concrètes », ajoute Julia Haake toujours très optimiste.

    Des pratiques écolos limitées

    Reste à savoir ce que contient le cahier des charges. Concernant le bois certifié, par exemple, les labels apposés sur certains produits cachent des pratiques plus que douteuses ! « Quand Biocoop stoppe sa commercialisation de l’huile de palme, c’est bien, mais ce sont des volumes infinitésimaux, argumente Jacques-Olivier Barthes, directeur de la communication au WWF. Quand Carrefour agit, même peu, cela concerne 34 pays ! 28 millions de Français s’y rendent chaque mois. Il y a une question d’échelle. Et ça, ça désarme pas mal de critiques… »

    Car les critiques, en effet, sont nombreuses. À commencer par cette soi-disant force de frappe internationale. Carrefour a bien retiré de ses ventes le bois non-certifié, notamment pour le mobilier de jardin. Ces produits ont été remplacés par du bois certifié FSC, et labellisé par le Panda du WWF. Mais uniquement en France, en Belgique et en Italie, des marchés dits « écosensibles ». C’est ce qu’affirme Sylvain Angerand, chargé de mission pour l’ONG Les Amis de la Terre. La raison ? « En Chine, par exemple, où Carrefour est présent, les consommateurs sont réputés moins regardants sur ces questions écologiques ».

    De simples opérations marketing

    « Je ne suis pas tous les jours dans les supermarchés chinois », répond Julia Haake, convaincue que quand Carrefour s’engage en France, « les décisions valent pour l’ensemble du monde ». Pourtant Carrefour, qui répond prudemment par écrit, assure que pour les « problématiques mondiales » comme l’huile de palme, le bois ou le respect des ressources marines, les décisions « s’appliquent à tous les pays du groupe où les produits concernés sont commercialisés, en tenant compte du contexte local et de la réglementation en vigueur ».

    D’après le rapport développement durable 2006 du géant français de la distribution, il semblerait que seuls trois pays européens aient un contexte local adapté à la vente de produits certifiés FSC. Difficile, dans ces conditions, de ne pas y voir un simple coup de marketing visant à attirer la clientèle avec ces produits d’appel. La politique de Carrefour de remplacement du keruing, une essence tropicale exploitée illégalement, semble suivre cette même logique de pur marketing.

    Greenwashing versus croissance des entreprises

    Dans les magasins Carrefour, le keruing a été remplacé par l’eucalyptus. Surnommé l’arbre de la soif en Amérique Latine où on l’exploite abondamment, l’eucalyptus assèche les rivières et les sources d’eau potable. Il est aussi source de conflits fonciers. Sa monoculture entraîne une réduction de la biodiversité des zones où il est implanté. Le mobilier en eucalyptus est fabriqué au Vietnam, où les coûts de main-d’œuvre sont encore plus bas qu’en Chine. Avant d’arriver en France, les chaises de jardin dotées du petit panda WWF ont donc bien voyagé !

    « Les certifications sont devenues des écrans de fumée très utiles pour ne pas remettre en cause la surconsommation, et les stratégies de croissance des entreprises comme Carrefour », regrette Sylvain Angerand. « Souvent, l’entreprise cherche à se donner bonne conscience en se faisant "repeindre en vert", alors que notre objectif est de la pousser à aller plus loin », reconnaît Daniel Richard, l’ancien président de WWF France, dans un texte sur les partenariat avec les entreprises.

    Vigilance ?

    « Une entreprise qui avance cherche toujours à valoriser ses actions, réagit prudemment Julia Haake. Toute la question est de savoir si ses actions sont vraiment bonnes pour l’environnement. » Le WWF affirme veiller à ce que son image ne soit pas utilisée pour verdir une entreprise. L’ONG vérifie chaque utilisation de son logo. « Toute communication venant de l’entreprise, utilisant notre logo, notre nom, doit être validée par nous, ajoute la directrice des partenariats. Franchement, il n’y a pas d’abus. Même s’il peut y avoir des maladresses, comme avec les publicités. »

    Au sein du WWF, c’est Jacques-Olivier Barthes qui se charge de la vérification des publicités. D’ailleurs, cela tombe bien, il est aussi le porte-parole de l’Observatoire Indépendant de la Publicité, chargé d’épingler publiquement les publicités coupables de greenwashing. Sous sa casquette de l’OIP, il condamne. Sous celle du WWF, il conseille. Une position délicate. « Tout partenaire du WWF peut se faire épingler », précise-t-il. Avant de rappeler que le WWF a remis, avec d’autres associations, le Prix Pinocchio de l’entreprise la plus faussement « développement durable » au Crédit Agricole… lequel est partenaire du WWF France, depuis février 2010.

    Une politique de partenariat national indépendante ?

    Autre partenariat problématique : celui entretenu avec le cimentier Lafarge. « Le WWF a critiqué le projet d’extraction de sable de Lafarge à Quiberon, précise Jacques-Olivier Barthes. Nous avons eu trois réunions de crise ici. » Alain Bonnec, porte parole du collectif Le peuple des dunes, qui a lutté contre le projet de Lafarge n’a, semble-t-il, pas été mis au courant : « Nous avons contacté le WWF à plusieurs reprises, se souvient-il. Un employé nous a dit qu’ils étaient sensibles à notre lutte. Mais personne ne nous a parlé d’une intervention officielle. Ils l’ont peut être fait en privé. » Face à la mobilisation, le projet d’extraction a finalement été suspendu, en 2009.

    « Le partenariat stratégique global avec Lafarge est géré par notre bureau international, explique Julia Haake. Mais nous avons un partenariat local, en France, où l’on travaille sur les questions de l’eau et de la biodiversité. » Ouf, on est rassuré ! Chaque bureau national aurait la possibilité de refuser de décliner localement un partenariat. « Il peut même refuser à l’entreprise de communiquer sur son territoire, ajoute Julia Haake. C’est le cas avec Coca-Cola en France. » Le rapport "développement durable" de Coca-Cola France mentionne pourtant son partenariat avec le WWF. Sans distinguer les branches internationale et française de l’organisation environnementale... Et en mentionnant son action, très controversée, de compensation en eau autour de ses usines indiennes.

    Une aubaine financière

    Le WWF affirme disposer d’autres outils pour mettre la pression sur les entreprises. D’abord, faire jouer la concurrence : « en 2008, on a appelé à suivre Auchan qui interdit le thon rouge dans ses magasins, raconte Jacques-Olivier Barthes. Six mois plus tard, Carrefour a pris la même décision. » Autre solution : menacer de rompre un partenariat, ce qui est coûteux en terme d’image pour l’entreprise. En 2008, lors de sa fusion avec Suez, Gaz de France a ainsi été éjecté du partenariat, pour cause d’activités nucléaires.

    Le nucléaire, comme la pornographie, le tabac, l’armement ou les OGM, font partie de la liste noire du WWF. Il arrive pourtant que Carrefour vende des produits contenant des OGM... Mais comment critiquer librement ses partenaires quand ils assurent des revenus financiers ? Chaque entreprise donne en moyenne 230.000 euros au WWF pour ce « partenariat stratégique ». La règle fixée par le WWF : la somme totale récoltée grâce aux partenariats avec les entreprises ne doit pas dépasser 30% de son budget. Ce qui représente tout de même une part non négligeable ! Et 90% des sommes versées vont dans les caisses de la Fondation du WWF. Ce qui permet aux donateurs de défiscaliser cet argent : une véritable aubaine !

    Un Conseil d’administration issu du monde de l’entreprise

    « Depuis sa création en 1961, le WWF a une relation très forte avec le monde économique, explique Denis Chartier, maître de conférences en géographie à l’université d’Orléans et co-rédacteur en chef de la revue Écologie et Politique. Les responsables de l’organisation étaient notamment des personnes issues de l’industrie métallurgique, du secteur pétrolier ou de l’industrie du tabac. » Cette tendance est toujours visible de nos jours. En 2008, une grande partie des membres du conseil d’administration de WWF International sont des dirigeants d’entreprises commerciales ou industrielles.

    On trouve notamment le vice-président du groupe Roche Basel, l’une des plus importantes multinationales pharmaceutiques (et la première d’Europe), l’un des directeurs de Godrej & Boyce Manufacturing Co Ltd, l’une des premières entreprises indiennes de produits de consommation courante et d’ingénierie. Et le directeur de la Banque Sarasin & Cie SA, l’une des premières banques privées de Suisse. De nombreux membres du conseil d’administration de WWF sont liés à des entreprises qui s’inscrivent dans « un productivisme marchand à l’origine des problèmes environnementaux contemporains », précise Denis Chartier.

    Verdir plutôt que réformer en profondeur

    Pas question, donc, de critiquer la logique de croissance perpétuelle de nos sociétés de consommation. « Le WWF choisit plutôt de réformer, de changer les choses de l’intérieur, plutôt que de développer une pensée politique impliquant des changements profonds et radicaux de société  », explique Denis Chartier. En mai 2009, en pleine crise économique, l’ONG a ainsi soutenu le premier salon du luxe et du développement durable. Avec des exposants d’éco-hôtellerie, de la mode, de la joaillerie, ou des nouvelles technologies. L’événement a été renouvelé en mai 2010.

    « On est bien loin ici d’une critique des méfaits de la société de consommation, écrit Denis Chartier [1]. On peut se demander si on ne permet pas ici à certaines entreprises de s’offrir une façade verte sans qu’il leur soit nécessaire de remettre en question le système qu’elles alimentent ». Il est clair qu’on est là plus près du délit de greenwashing, que de la volonté farouche d’en finir avec un système économique qui détruit les hommes et la planète.

    Simon Gouin

    Notes

    [1] Denis Chartier, « Développement soutenable et ONG. De la difficulté d’incarner l’alternative », in Aubertin et Vivien (dir.), Le développement durable : décrypter les enjeux politique, Paris, 2010


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  • La Lettre à Tartempion - l'eau du robinetMon cher Tartempion,

    La vie a encore augmenter. Je te le dis volontairement avec une faute d'orthographe, parce que je pense que ça va finir par nous tuer comme un truc mal écrit sur un mur de faits divers. La vie ? On ne pourra bientôt plus se l'offrir. D'ailleurs toi-même, réfléchis, depuis combien de temps tu ne t'es pas payé une bonne vieille vie toute neuve ? Tu vois, ça porte à la gamberge, le pouvoir d'achat. Tout est de plus en plus ric-rac.

    Même si c'est souvent plus raque qu'autre chose. Alors voilà : j'ai décidé de ne plus faire de tarte au gaz, et d'abandonner aussi les raviolis électriques. On ne peut plus se le permettre. Il ne reste que l'amour et l'eau du robinet. C'est presque gratuit. 3,05 € le mètre cube à Angers, soit mille fois moins que l'eau minérale en bouteille.


    Comme tu le sais, on vient de traverser sans se mouiller la journée mondiale de l'eau (c'était le 22 mars) ; je n'ai pas pensé à célébrer ça en passant la journée sous le robinet, mais bon, pas de problème, l'an prochain, je saurai comment célébrer l'eau mondialisée. La ville d'Angers en a profité pour faire une dégustation publique, de l'eau du robinet. Dans un bar à eau. Eh bien ça n'a pas du tout goût d'huile de foie de morue ni de Fernet Branca, ce que certains ont regretté, surtout le Fernet Branca.

    À Guichen, du côté de Rennes, la dégustation d'eau s'est faite, elle, en octobre dernier. C'est là chose plus audacieuse. Les Bretons ont vite le nez qui se pince à l'idée de se désaltérer au robinet : même déshydraté, on ne court pas se nitrater au Château La Pompe. Mais l'eau est vite triste. Trop filtrée, trop débarrassée de tout ce qui ferait son caractère : toxines, vieillissement en fût de chêne, traces de métaux lourds, morceaux qui croquent sous la dent, pétillement radioactif…

    On regrettera d'ailleurs que le Saint Nicolas-de-Bourgueuil ne soit pas plutôt raccordé au réseau public que cette eau insipidement claire. Ce serait bon pour le moral, pour la viticulture française, et pour les Alcooliques anonymes dont il serait inconsidéré de tarir le public ciblé que seul un encouragement à l'alcool domestique peut décomplexer. Il faut bien que l'anonyme se regroupe. Sinon, il se sent seul. Le lien social est à ce prix. Je pense qu'il y a dans ma lettre assez de recommandations pour que tu puisses peser de tout ton lobbying personnel sur le gouvernement.

    Voilà l'enjeu, la concorde sociale retrouvée, et la vie chère combattue avec la livraison, dans tous les foyers, du bon jus de la treille, avec ou sans mitigeur. Le Fernet Branca, c'est un peu frelaté, d'ailleurs. Alors voilà, du picrate à l'évier, pour tous, à toute heure, c'est la nouvelle croisade. Du pinard au robinet. On est déjà quelques-uns, tous très motivés.

    Et si tu penses qu'on va laisser couler, eh bien compte là-dessus et bois de l'eau !

    Nicolas de La Casinière - Journaliste  Source terri(s)toires

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    ndelacasiniere@terristoires.info

     

     

     


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  • L’indignation comme droit pour sauver sa dignité

    caroledemarseille

    Sous la mascarade électorale, se substitue un enjeu fondamental pour le citoyen, à savoir une volonté de jouir de ses droits les plus élémentaires et humains, à savoir la préservation de sa dignité et de sa liberté, qu’il peut aujourd’hui en France faire valoir par l’emblème démocratique que constitue le vote électoral. Un droit tant prôné et médiatisé par l’élite que l’on se demande s’il ne finira pas par devenir un devoir face au taux d’abstention montant dans notre société. Que suggère ce silence des urnes si ce n’est selon l’interprétation courante, qu’une ignorance et un désintérêt politique totale à l’égard de notre gouvernement ou encore, la preuve pour d’autres d’une incapacité à faire des choix face à l’inutilité des partis mis en place et à leur inefficacité avérée sur le terrain.

    Que pouvons-nous penser face à cela, ou du moins, que pouvons nous ne pas faire face à ce spectacle politique trop peu sérieux ? Je ne m’indigne pas contre ceux dont la conscience politique s’insurge chaque jour et qui ont tendance à répondre qu’il faut néanmoins voter car la reconnaissance politique et tout ce qui s’en suit (social, économique, professionnelle…) ne peut être garantie que par notre investissement dans la « Cité » et ce, à travers les urnes qui constitue le recours pour peser sur le territoire local, régional et national. Ils vont jusqu’à nous conseiller d’y aller quitte à voter blanc pour légitimer le « un Homme, une voix » que prône le fondement de la démocratie.

    J’aurai aimé que ce slogan soit pluriel et qu’ils disent, « tous les Hommes, toutes les voix » car il semble bien que ce principe de singularité universelle omette quelques humains, dont la voix n’est certainement pas assez lucide, peut être au son trop exotique pour accréditer la démarche de citoyenneté française. Ne comprend la France qui n’est que français, mais d’ailleurs qui l’est car qu’est-elle, la France ? La question n’est pas de savoir qui est français mais que signifie de l’être dans un pays où la chimère gauloise envahit les représentations communes.

    Ou plutôt, ce qui pose tend problème, ce n’est pas l’exotisme mais c’est ce qu’il apporte au système en ce qu’il peut servir de prétexte pour justifier tous les maux français. Le mal se justifie par ce qui signifie ne pas être français, bien qu’on puisse l’être et donc le malaise français réside dans ce qui ne le symbolise pas. Ceux qui donc s’insurgent et me diront d’aller voter sont certainement munis de bonnes intentions, ils me diront aussi qu’il faut limiter la casse, contrer l’ennemi immoral, bien qu’il ne soit pas illégal et qu’il dispose d’un temps de parole important sur la scène médiatique.

    Je pense qu’un droit est mutilé lorsque l’on se retrouve forcé et meurtri dans son for intérieur face à un choix forcé et stratégique, vicié et réalisé à contre cœur par sa conscience. Sommes-nous libres d’un choix non libre ? Ce serait pour ma part comparable à celui qu’on force à croire, à appliquer une religion à son insu. Est il libre celui la ? Certainement pas répondront les plus vifs défenseurs des libertés. Mais suis-je laïque, libre lorsque que l’on me force à faire un choix que je n’accepte pas, d’autant plus que c’est un droit ; ce qui en dit long sur le fait que le droit ne rend pas toujours libre et heureux, surtout quand il est bafoué et instrumentalisé. Même le désarroi exprimé dans le vote blanc fait encore de nous ceux qui acceptent, cautionnent ce système électoral qui pour ma part, n’est pas du tout démocratique, ou si il l’est, la démocratie n’est pas un bon système et elle n’est certainement pas un concept universel à pomper sur tout pays qu’on prétend civiliser à cette idéologie.

    A l’heure où on s’insurge contre l’inexistence en Afrique du processus démocratique, sur le trucage permanent de ses élections, on se pose rarement la question de savoir qui a instauré ce trucage constant de toute élection crédible, notamment au moment où se réalisaient pour ces pays les mouvements de décolonisation pour gagner l’indépendance. Ce fut le cas au Cameroun par exemple à l’aube de sa pseudo indépendance, pour ne prendre que cet exemple la, où cette technique fut de mise pour tout renversement d’élections justes et légitimes votées par le peuple lui-même. Mais ceux qui en étaient à la tête ne pouvaient convenir à l’Autorité de l’Empire. Et plus de cinquante ans et de françafrique plus tard, c’est aussi le cas en Côte d’Ivoire où l’on se permet de réélire celui que la constitution ivoirienne à choisie, sous prétexte que l’institution internationale sait mieux se saisir et appliquer le principe de démocratie.

    Elle choisit ses têtes, et ceux qui s’interposent auront la tête coupée, messieurs, dames. Les africains sont considérés comme incapables de décider eux-mêmes . Ils sont bien trop dociles et peinent encore à chercher de quoi s’abreuver d’un peu d’eau, pas encore potable, mais au minimum le moins infesté par ce que nos industriels français, européens, bref occidentaux, tentent de déverser dans leurs eaux. Apres tout, jetons la merde la où c’est la merde, et faisons croire qu’on va y instaurer le doux parfum du Nord, face à ce soleil agité du Sud qui laisse peu de place à la pensée. Ceux que nous votons en France sont ceux qui se font payer leur campagne électorale par ceux la même qui, multinationales, ont la richesse de leur offrir ce privilège et qui se manifeste concrètement à notre égard comme un matraquage visuel, auditif, mental et se sont ces mêmes firmes ou institutions qui ne cessent d’agrandir le fossé persistant entre les peuples.

    Cet article, c’est juste pour dire que je ne donnerai pas ma voix en 2012 ni à tout vote électoral à ce qui a crée et perpétue les inégalités. Dois je me battre pour un droit sous prétexte que d’autres n’y ont pas accès ? Comprenez la question dans le sens que vous voulez, à savoir, deux alternatives. Ceux qui y verront la question suivante : ai-je le droit de ne pas aller voter alors que tant de gens ne pouvaient ou ne peuvent pas (femmes qui se sont longtemps battus pour y accéder, étrangers, sans papiers, bien qu’ils contribuent à la force économique et autre du pays, les pauvres pays sous développés contraints à un vote truqué et tous ceux qui rêveraient de pouvoir voter librement).

    L’autre alternative, c’est y voir la question : ai-je le droit d’aller voter lorsque justement, en votant je cautionne et alimente ce processus de vote, car en donnant ma voix, qu’elle quelle soit, j’accepte et dit oui pour que ceux qui justement ne bénéficient pas de ce droit en restent démunis ? On peut toujours se poser les mêmes questions, mais comme le problème du français n’est pas celui de savoir si il est français mais de savoir ce qui signifie qu’il le soit, le problème du vote électoral français est de savoir non ce qu’il est, ce que nous savons tous, mais ce qu’il signifie, ce qu’il représente au-delà de tous ces beaux concepts que nous prétendons rejeter tout en les légitimant, tout en étant dépouillé de notre engagement le plus profond que devrait être l’égalité.

    Celle-ci à géométrie non variable et intrinsèque à sa propre structure de société. Qui est étranger à un pays n’y est pas décidant, alors pourquoi la France, étrangère à l’Afrique, y préside. Que l’égalité commence par notre droit fondamental à nous indigner contre ce déni d’humanité. Que la fin arrête de justifier non seulement les moyens mais aussi les prémisses. Que la fin soit le résultat d’un procédé logique, qui des son départ est juste, appliquée et surveillée par un droit qui ne s’autorise pas les pleins droits. Boycotter le vote électoral, c’est aussi un droit, celui de retrouver sa dignité perdue, délibérément ou non, dans la machine infernale de la « guerre révolutionnaire » des esprits, sans parler des corps…

    source : écrits personnels d’une citoyenne qui lit le grand soir

    URL de cet article 13454
    http://www.legrandsoir.info/L-indignation-comme-droit-pour-sauver-sa-dignite.html

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  • Des Blacks Pour Un Beur Libyen, Des Blancs Pour Un Noir Ivoirien.

     
    L’Afrique s’est diversement illustrée en noir et blanc (N&B) dans les dossiers libyen et ivoirien en négociant pour un Beur en butte à une rébellion armée par l’Occident et en livrant son Noir aux Blancs de la force "Licorne", des Français qui n’ont pas voulu perdre la face sur tous les plans, étant allés à Canossa en Libye et cherchant coûte que coûte à se refaire une santé sur le dos du couple Gbagbo tenu responsable moins pour la vie des suppliciés noirs de la guerre post-électorale que de la mort d’un Jean Hélène et/ou d’un Guy André Kieffer disparu le 16 avril 2004, principalement .

    La porte-parole de Ouattara est sans ambages à ce sujet, ce lundi 11 avril, malgré les tentatives de rattrapage subséquentes : "Il a été arrêté par les forces françaises qui l’ont remis aux forces républicaines". En bon hédoniste aimant la vie qu’il continue de croquer de belles dents, d’après les images muettes diffusées après son arrestation, Gbagbo a facilité la tâche à Sarkozy en restant vivant au moment de l’irruption des Français ; sa mort aurait été inacceptable et les colonisateurs qui peuvent encore bombarder des palais présidentiels africains, cinquante ans après l’indépendance, auront sans doute la décence de négocier la vie de Laurent et de Simone Gbagbo, pour se rattraper auprès de leur propre opinion et de la communauté africaine. Surtout s’ils ont tous bénéficié de ses largesses, comme avec Khadafi, au demeurant.

    Si, en effet, cinq présidents africains et un chef de la diplomatie volontaires et mandatés comme médiateurs par l’Union africaine, ont séjourné les 10 et 11 avril derniers en Libye, dans l’espoir d’obtenir une trêve dans une rébellion armée par l’extérieur pour faire tomber Khadafi, au mépris du droit élémentaire, sur la Côte d’Ivoire, en revanche, le silence coupable de l’Afrique des dictatures n’étonne guère : tous plus ou moins mal élus, les chefs d’État africains ne pouvaient, dans leur majorité, irriter une France ou d’une Amérique de Sarkozy et de Obama à la recherche d’une prolongation (deuxième mandat hypothétique) connue sur l’ancien continent, berceau des présidents à vie qui ont sans doute nourri le secret espoir de voir Gbagbo tenir tête.

    Parmi les objectifs visés, figuraient la "cessation immédiate de toutes les hostilités", l’acheminement de l’aide humanitaire et l’ouverture d’un dialogue entre le régime et l’insurrection encadrée par les États-Unis et la France, principalement Paris.

    Le président sud-africain Jacob Zuma et ses homologues du Congo, du Mali, de Mauritanie et d’Ouganda ont également proposé une "période transitoire" pour l’adoption de réformes politiques censées éliminer les "causes de la crise actuelle", et qui dormaient dans quelque tiroir depuis près de trois ans, selon le camp du guide libyen.

    Ils seront confortés par les assaillants de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) lorsque le secrétaire général reconnaissait le même jour l’impasse militaire et s’appesantissait sur l’aspect diplomatique à privilégier, et ceci bien que ses troupes aient continué de bombarder des cibles innocentes.

    Le relatif succès libyen est cependant éclipsé par le douloureux spectacle d’un Gbagbo ramené à l’état d’un Saddam Hussein traqué et extirpé d’un trou à rat pour être soumis à ce spectacle dégradant d’un prisonnier de guerre sans droit ni dignité, palpé, tâté, "adéannisé", exactement comme on faisait de l’esclave noir avant sa livraison à de nouveaux maîtres.

    Les Africains exclus de la cour des grands ont démontré toute leur intelligence dans le dossier –libyen, en fermant pudiquement les yeux sur le sort des Ivoiriens livrés aux mercenaires, aux soldats de l’Organisation des Nations-Unies et aux militaires français.

    Des coalisés de circonstance, en mal d’autorité parce que faisant route vers un second mandat des plus incertains, avaient décidé de fermer le ciel africain à des chefs d’États souverains qui ne demandaient pourtant qu’à être utiles à leurs frères de race. Mobilisés au nom du continent pour apporter une réponse africaine, ils seront éconduits sans autre forme de procès alors qu’on leur demandait d’aller voir à Paris s’ils y étaient, ce qu’ils refusèrent dignement… tout en avouant leur impuissance morale coupable face au pays de Houphouët-Boigny.

    Si, comme le notait "Jeune Afrique" le 11 avril même, "c’est donc plutôt l’impuissance ou l’inertie de l’Union africaine, de la Cedeao et de l’ONU qui ont incité Paris à monter en première ligne, visiblement à reculons", une logique raciale face à un anti-français primaire avait fait pencher la balance du côté du boulanger ivoirien qui a su entretenir "les « amis » de Sarkozy (qui) ne se sont d’ailleurs jamais aussi bien portés qu’avec le leader du FPI : Bolloré, Bouygues, Veolia, Vinci, France Télécom ou Total peuvent en témoigner... », conclue malicieusement Marwane Ben Yahmed.

    Pathé MBODJE
    Journaliste, sociologue

    URL de cet article 13381
    http://www.legrandsoir.info/Des-Blacks-Pour-Un-Beur-Libyen-Des-Blancs-Pour-Un-Noir-Ivoirien.html

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  • Le nettoyage par le vide

    La guerre high-tech

    André Dréan (première parution : juin 1999)

    Mis en ligne le 27 mars 2011

    Thèmes : Capital, multinationales (14 brochures)
    Sciences et technologies (37 brochures)

    Formats : (HTML) (PDF,87.6 ko) (PDF,94.3 ko)

    Version papier disponible chez : Infokiosque fantôme (Partout)

    « Les cris de douleur et de peur s’élèvent dans l’air au rythme de 1 100 pieds par seconde. Après avoir circulé pendant trois secondes, ils sont parfaitement inaudibles. » Aldous Huxley, Le meilleur des mondes.

    Il y a près de dix ans déjà, la chute du mur de Berlin, symbole de la désagrégation du prétendu bloc communiste, suscitait d’immenses espoirs de paix au sein des populations habituées à vivre depuis des décennies sous la menace de l’holocauste nucléaire. Les hommes d’Etat se succédèrent à la tribune du conseil de sécurité de l’Onu pour affirmer que « le danger de guerre mondiale disparaissait ».

    En réalité, les Etats vainqueurs de la Guerre froide, en premier lieu les Etats-Unis d’Amérique, annonçaient déjà la couleur du nouvel ordre mondial qu’ils appelaient de leurs vœux : celle du sang. Il n’a pas fallu deux ans pour que les feux d’artifice qui avaient fêté la fin du Mur se transforment en fusées incendiaires dans le Golfe persique. Depuis, les conflits locaux et les opérations militaires globales n’ont pas cessé. En fait, la guerre n’a jamais été que l’un des modes d’intervention des Etats, même des plus policés d’entre eux, pour régler au même titre que la paix les antagonismes qui les opposent et, de façon générale, pour accroître l’exploitation et la domination qu’ils font peser sur leurs administrés. Il ne pouvait en être autrement pour réorganiser le monde issu de la Guerre froide.

    Les justifications de la guerre sont toujours apparues aux chefs d’Etat aussi nécessaires à la conduite des opérations militaires que les armes elles-mêmes. Pour donner leurs lettres de noblesse aux épouvantables massacres qu’ils dirigent, il leur faut bien définir quelque cause générale qui transcende la réalité sordide de la guerre, qui permette aux citoyens de s’y identifier, et de sélectionner des cibles qu’ils puissent considérer comme leurs adversaires. En Occident, la guerre est actuellement justifiée par l’humanitaire, la cause de l’humanité, assimilée à celle de la civilisation occidentale à laquelle la barbarie de chefs d’Etat « criminels » ferait obstacle.

    Les interventions de l’Otan auraient donc pour objectif de porter secours aux populations qui subissent leurs exactions : tueries, tortures, viols, famines et déportations. A la noblesse des buts des Etats occidentaux correspondrait celle des moyens mis en œuvre. La guerre high-tech aurait des vertus que ne posséderaient pas les guerres traditionnelles. La technologie de pointe permettrait ainsi de créer des armes de précision qui limiteraient les pertes civiles à rien, ce qui fut affirmé sans rire par l’Otan lors de la guerre du Golfe, ou, au pire, à quelques « dommages collatéraux », ce qu’elle est obligée de reconnaître vu la proximité du théâtre d’opérations dans les Balkans. Les « dommages collatéraux » sont la transcription du terme « bavures » dans le jargon technopolicier des statisticiens de la terreur d’Etat. De telles assimilations abusives leur permettent de cacher les objectifs réels des fameuses guerres humanitaires.

    La doctrine des Trois Cercles du Pentagone, partagée par tous les états-majors, a au moins l’avantage de présenter la chose de façon brutale : dès les premières hostilités, il est nécessaire de désorienter et de terroriser les populations des pays adverses, d’anéantir les secteurs décisifs de leur économie, avant même de désorganiser leur appareil d’Etat. Les tueurs galonnés ne s’en cachent pas. Au lendemain de la guerre du Golfe, le général en chef de l’Alliance, Schwarzkopf, exultait : « Jamais aucun pays, même lors de la Seconde Guerre mondiale, n’a été bombardé comme l’Irak. » L’un des successeurs de Schwarzkopf, Nauman, affirme avec cynisme, à propos de la guerre dans les Balkans : « A la fin des opérations aériennes, la Yougoslavie sera revenue là où elle était il y a cinquante ans. » C’est-à-dire, pour le moins, à l’état de champ de ruines, dans lequel elle était au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Mais avec quelques nuées radioactives en plus.

    En effet, en moins de vingt ans, l’industrie de la boucherie humaine a fait de grands progrès : aujourd’hui, la population est mutilée et massacrée en masse, sur place, sans qu’elle ait besoin d’endosser l’uniforme et de prendre le fusil, et, dès les premières opérations militaires, le champ de bataille englobe des pays entiers. La guerre vise plus que jamais à affamer, à écraser, à soumettre les êtres humains, à leur faire passer le goût de la révolte et, en particulier, à parquer et à faire crever, à bref délai et à petit feu, ceux dont le capitalisme mondial n’a nul besoin aujourd’hui. Elle reste l’un des moyens privilégiés qu’il utilise pour se débarrasser de la surpopulation qui l’encombre. En Occident, tout est mis en œuvre pour réaliser le noble but humanitaire, du plus traditionnel, le blocus, au plus sophistiqué, l’arsenal issu de la technologie de pointe, mis au point au cours des deux dernières décennies par les docteurs Folamour du capital.

    Depuis dix ans, le déchaînement de la puissance guerrière occidentale a déjà généré des désastres immenses, pour certains irréversibles pendant de très longues périodes historiques. Car les complexes industriels modernes qui sont les cibles privilégiés de l’Otan constituent des Bhopal et des Tchernobyl en puissance. Leur complexité n’a d’égal que leur fragilité. Leur pilonnage acharné a des conséquences catastrophiques.

    De l’Irak aux Balkans, du Golfe persique au Danube, leur destruction, y compris celle des plus dangereux d’entre d’eux, comme le réacteur nucléaire d’essai proche de Bagdad, bombardé en 1991, a libéré dans le sol, dans le sous-sol, dans les fleuves et dans les mers des masses de produits chimiques et radioactifs toxiques, mutagènes et cancérigènes, pour toutes les formes de vie planétaire, humaine et non humaine. Par suite, des régions entières autrefois très fertiles, comme la région agricole située entre le Tigre et l’Euphrate sont devenues des champs de mines stériles, où l’eau et l’air sont empoisonnés, où les plantes, les animaux et les humains sont contaminés, crèvent d’épidémies et sont l’objet de mutations catastrophiques qui sont transmises de génération en génération. Tel est le sinistre bilan des guerres humanitaires en cours.

    Le ralentissement momentané de la croissance des budgets officiels affectés aux armées, à l’aube des années 90, n’a été que le prélude à la nouvelle accélération dans la course aux armements. Derrière les phrases pompeuses sur le désarmement, tous les Etats procédaient à leur surarmement. Le marché mondial des instruments de mort n’a jamais été aussi florissant et le secteur militaire aussi omniprésent. Il est d’ailleurs impossible de le distinguer, sauf de façon artificielle, du secteur civil, surtout dans le domaine décisif des recherches et des réalisations technologiques. Pour les Etats les plus puissants, au premier chef les Etats-Unis, il fallait mettre progressivement à la retraite les armes les plus obsolètes héritées de l’époque de la guerre froide, recycler et moderniser celles qui pouvaient l’être et, surtout, perfectionner et tester à l’échelle réelle, celles, plus sophistiquées, qui étaient concoctées dans les laboratoires.

    La guerre du Golfe a inauguré, dans la plus grande discrétion, l’utilisation massive d’armes radioactives. L’Onu refuse de reconnaître qu’elles sont partie intégrante de la panoplie nucléaire. Elle réserve l’usage du terme honni aux bombes, à uranium enrichi ou à plutonium. Toutes les autres armes radioactives sont considérées, par les traités, comme armes conventionnelles. L’Onu pourrait aussi bien prétendre que les mitrailleuses ne sont plus des armes à feu dès qu’elles sont dotées de silencieux. La banalisation de l’utilisation militaire de l’atome est facilitée par le fait que, dans l’imaginaire populaire issu de la Guerre froide, les projectiles atomiques sont assimilés aux bombes du même nom. L’immense avantage des nouvelles générations d’armes est qu’elles n’apparaissent pas sous la forme bien connue de l’inquiétant champignon vénéneux. Rien n’est plus discret que les radiations qu’elles émettent.

    Depuis l’époque des mastodontes de la Guerre froide, la technoscience a réalisé de gros progrès. Elle est désormais capable de recycler, de façon très rentable, les sous-produits du fonctionnement des centrales nucléaires et des usines qui fabriquent des bombes nucléaires, jadis considérés comme des ordures à entasser, à enfouir et à oublier au plus vite. Pendant que les lobbies réformistes amusaient la galerie, avec leurs propositions de solutions civiles pour neutraliser les déchets radioactifs, les Etats nucléaristes avaient déjà tranché : la solution militaire était la plus adaptée aux nouvelles donnes de la guerre. Les armes à uranium appauvri, systématiquement employées au cours de la dernière décennie, du Golfe aux Balkans, sans compter la Somalie et Haïti, sont ainsi l’un des principaux produits du recyclage des poubelles nucléaires.

    Les militaires occidentaux, et russes, ont été fascinés par la dureté de l’uranium appauvri. Utilisé dans le blindage des véhicules militaires, il les protège des armes antichars habituelles. Employé dans les projectiles à forte pénétration, de la balle de mitrailleuse au cône de choc du missile, il traverse sans problème les cuirasses des blindés, les murs des casemates et des abris, militaires comme civils. Le terme « appauvri » prête à confusion : il laisse entendre que l’uranium en question n’émettrait presque pas de radiations. Il n’en est rien. L’alliage contient peu d’uranium « enrichi », susceptible de générer des réactions en chaîne quasi instantanées. C’est tout.

    Mais, à l’état inerte, il est déjà dangereusement radioactif. Pour nier les dégâts qu’il occasionne, les nucléaristes ressortent le mythe éculé de la non-dangerosité des faibles doses de radiation émises par les centrales, alors même que les maladies liées au nucléaire augmentent dans les régions où elles sont implantées. De plus, l’uranium appauvri brûle à l’impact avec des températures très élevées et dégage d’énormes quantités de dioxyde d’uranium très radioactif sous la forme d’aérosols, qui se dispersent sur des centaines de kilomètres carrés, puis qui pénètrent dans le sol et le sous-sol jusqu’aux nappes phréatiques. Elles peuvent être aussi inhalées et ingérées. Pendant la guerre du Golfe, pas moins de 500 tonnes d’uranium appauvri ont été dispersées en Irak et au Koweït par les troupes de l’Alliance, y compris celles de la France. Soit, en termes de radioactivité, quatre à cinq bombes du type Hiroshima.

    Dans les années qui ont suivi, le taux des leucémies, des déficiences immunitaires, des cas de stérilité chez les hommes et les femmes, des malformations congénitales des nouveau-nés, etc., bref le taux des maladies d’origine nucléaire a grimpé à grande vitesse en Irak, d’autant plus vite que la population était déjà exténuée par la malnutrition et les épidémies. Les mêmes symptômes sont apparus chez les soldats onusiens qui avaient transporté et manié de telles armes et chez les membres de leurs familles. Aujourd’hui, après les Irakiens, les Somaliens, les Bosniaques, ce sont les Serbes, les Kosovars et, de façon générale, tous les habitants des Balkans, de l’Europe centrale et méridionale qui subissent les retombées de la guerre technologique. Pas plus que le nuage de Tchernobyl, elle ne connaît de frontières. Les rêves les plus fous du docteur Folamour sont en passed’être réalisés par ses successeurs, les champions de la guerre humanitaire.

    Au lendemain de la guerre du Golfe, lorsque Schwarzkopf souligna « qu’elle avait des effets bénéfiques sur l’industrie, entre autres sur l’industrie pharmaceutique », il souleva des tempêtes d’indignation morale. Au fond, il ne faisait que révéler au grand jour l’une des fonctions essentielles des boucheries initiées par les Etats capitalistes. La guerre résume, en quelque sorte, les avancées réalisées par le capital mais, en retour, elles les accélère. Elle est le ban d’essai du progrès. L’industrie de la tuerie, sous l’égide de l’Etat centralisé, est le laboratoire grandeur nature du développement de l’industrie en général. A l’aube de l’industrialisation, l’introduction du travail salarié et des machines dans l’armée permanente fut pour beaucoup dans leur généralisation à l’échelle de toute la société bourgeoise.

    Depuis plus de deux siècles, bien des formes d’organisation et des modes d’activité propres au capitalisme ont été anticipés et testés dans l’appareil militaire de l’Etat. En témoigne à l’évidence l’aventure du nucléaire, rejeton de la Seconde Guerre mondiale, comme source d’énergie fondamentale et modèle de gestion centralisée, militarisée et bureaucratisée de la société.

    La guerre high-tech marque l’accélération du processus. Les laboratoires sponsorisés par les trusts et par les Etats, qui fabriquent les marchandises les plus diverses, des armes aux médicaments, souvent les deux à la fois, y voient l’occasion rêvée pour tester in vivo, hors des enceintes de leurs technopoles, leurs brillantes inventions et pour analyser quelles en sont les retombées militaires et civiles. Aujourd’hui, les docteurs Mengele sont légion, ils sont les hérauts de la démocratie et leurs champs d’expérience inclut de très vastes territoires. L’Otan envoie sur les champs de bataille encore fumants, par le biais des institutions humanitaires de l’Onu, des missions charitables chargées d’étudier sur le tas les effets de toutes les merveilles avec lesquelles elle a martyrisé des populations entières, en Irak et ailleurs. La main qui assassine est aussi celle qui soigne.

    Rien d’étonnant aussi que des soldats de l’Otan jouent à l’occasion le rôle peu enviable de souris de laboratoire. De retour du Golfe et de Somalie, nombre de GI ont déposé des plaintes auprès de l’administration américaine et ont manifesté sous les murs du Capitole. Ils accusaient l’armée américaine de leur avoir inoculé des substances qui les rendaient malades et qui avaient des effets dévastateurs sur leurs compagnes et sur leurs progénitures. Sous prétexte de les protéger des gaz de combat de l’armée irakienne, qu’elle s’est d’ailleurs bien gardée d’employer contre les troupes de l’Alliance, leur propre service sanitaire les avait soumis à des tests, en particulier à des vaccinations, et parfois forcés, sous la menace de la cour martiale, à prendre des drogues issues de manipulations génétiques. Pour les Etats, les êtres humains ne sont jamais que du bétail à démembrer, même lorsqu’ils combattent sous leurs couleurs.

    Les deux guerres mondiales appelèrent sous les drapeaux des millions d’hommes, arrachés du jour au lendemain à leur routine et envoyés au massacre. Leur vie, et celle de leurs proches, en fut bouleversée. Sous l’impression pénible du cataclysme d’août 1914, Rosa Luxembourg pouvait écrire : « Des millions de prolétaires de tous les pays tombent au champ de honte, du fratricide et de l’automutilation, avec aux lèvres leurs chants d’esclaves. » Mais elle soulignait aussi que, dégrisés par l’horreur de la guerre, les esclaves pouvaient se retourner contre leurs maîtres. De fait, la Première Guerre mondiale engendra des fraternisations dans les tranchées et des mutineries dans la plupart des armées belligérantes. En Europe et en Russie, des révolutions éclatèrent, menaçant l’existence même du système capitaliste. Même les grandes guerres coloniales, comme celle du Viêt-nam, firent encore appel à la conscription de masse. Il en coûta la victoire au Pentagone, lorsque les GI commencèrent à désobéir et à déserter et même, parfois, à tuer leurs propres officiers.

    L’éventualité de la perte de contrôle sur les troupes reste toujours la hantise de la hiérarchie militaire. Elle préfère commander des prétoriens sans état d’âme que des appelés parfois insoumis. Dans les pays les plus développés, l’armée connaît le même genre d’évolution que toutes les autres institutions du capital : elle est restructurée à travers la mise en œuvre d’instruments technologiques plus sophistiqués qui nécessitent moins de main-d’œuvre qu’autrefois mais plus qualifiée et plus disciplinée. D’où l’image du cybermercenaire bardé de prothèses, qui symbolise la guerre « post-héroïque », selon la formule ineffable des experts en communication de l’Otan, propagée par les médias.

    Mais entre la représentation et la réalité, il y a encore beaucoup de différence. Même les armées de la guerre des étoiles ne sont pas composées que d’officiers technocrates. Au bas de l’échelle, il y a toujours les soutiers qui ont parfois signé pour des motifs assez peu guerriers. L’armée américaine, donnée en modèle du professionnalisme, offre ainsi aux engagés pour trois ans, sortis des quartiers misérables noirs et latinos, la possibilité de suivre des études gratis après leur démobilisation.

    Nombre s’y sont laissés prendre vers la fin des années 80. Ils n’imaginaient même pas qu’ils auraient à combattre. Lorsque l’intervention en Irak leur est apparue inévitable, des GI ont déserté, en particulier en Allemagne, d’autres ont refusé de partir et ils ont été envoyés menottes aux mains dans le Golfe pour y servir parfois de chair à expérimentation. A moindre échelle, des résistances du même genre ont eu lieu ailleurs dans d’autres bataillons de fantassins de l’Otan, pas seulement dans l’armée irakienne, ou serbe, comme le prétendent les médias à la solde des états-majors occidentaux.

    En Occident, la guerre en cours aggrave la soumission des citoyens au capital, même si, à l’heure actuelle, elle ne prend pas la forme de fureur guerrière. Le pouvoir d’Etat leur rabâche qu’il n’aura plus besoin de faire appel à eux et qu’ils ne pâtiront même plus des retombées de la guerre, pas plus que les soldats qui combattent en leur nom. Pourtant, les manifestations et les doléances d’anciens et d’anciennes GI montrent qu’il n’en est rien.

    Les engagés volontaires du ghetto payent cher leurs illusions de promotion par l’armée. Aujourd’hui clochardisés en masse, ils crèvent à petit feu, irradiés et intoxiqués : ils représentent près de 15 % des sans-logis aux Etats-Unis. Vu l’énorme disproportion des forces militaires en présence, les troupiers de l’Otan sont bien plus mutilés et tués par leurs propres armes que par celles de l’adversaire désigné à leur vindicte. Les horreurs qu’ils infligent aux populations étrangères se retournent déjà contre eux et leurs proches. « L’option zéro cadavres dans nos propres troupes », qui est l’une des justifications officielles de la boucherie technologique relève de la propagande de guerre mensongère. En réalité, l’automutilation a atteint des degrés inconnus jusqu’alors dans l’histoire du capitalisme.

    Mais nos concitoyens préfèrent ne pas croire à l’effet boomerang de la guerre. Les abris sont pour les autres. Eux sont à l’abri. De là leur indifférence envers les malheurs d’autrui, leurs larmes sans conséquence pour les charniers du Kosovo que leur présentent les médias, leur incrédulité envers les plaintes des vétérans du Golfe et d’ailleurs, et leur fascination morbide pour les prouesses fort peu héroïques que mènent en leur nom les cybersaigneurs de la guerre aérienne. Leur passivité suffit bien aujourd’hui à l’Etat pour mener ses affaires.

    Mais demain ? Même ceux que la guerre révulse sont presque tous désorientés et font le gros dos. D’autant plus que beaucoup d’appels révolutionnaires, qui résumaient autrefois l’hostilité à l’appareil militariste de l’Etat, basé sur la conscription de masse, sont en partie dépassés par l’évolution de la structure de classe de la société capitaliste et des institutions qui sont nécessaire à sa conservation. Ainsi l’appel aux prolétaires en uniforme à retourner leurs fusils contre la hiérarchie galonnée a perdu beaucoup de son sens. Non pas que des mutineries militaires soient devenues impossibles. Mais la professionnalisation de l’armée et les armes high-tech utilisées aujourd’hui par n’importe quelle puissance militaire, même d’envergure régionale, sont adaptées au terrorisme d’Etat. Elles rendent vaine toute tentative de réapproppriation générale de l’arsenal du capital par ceux qu’il écrase, qu’ils soient en civil ou en uniforme.

    Face à la force militaire, qui paraît sans limites et hors de portée de toute intervention humaine, et à l’ambiance de soumission, que pas grand-chose ne trouble, rien ne semble possible. Pourtant, le colosse a des pieds d’argile. Il repose toujours sur le dos de ses ilotes salariés. La technologie n’est rien sans eux et elle a ses faiblesses. C’est pourquoi nous réaffirmons avec force, même si cela semble relever à l’heure actuelle du vain désir, que seules des poussées révolutionnaires peuvent stopper la course guerrière à l’abîme. Bien sûr, aucun slogan révolutionnaire ne déclenchera des vagues d’insoumission, de désertion et de sabotage contre la machine de guerre. Pas plus d’ailleurs que n’importe quelle forme de refus révolutionnaire de faible ampleur, même si elle a de l’importance pour ceux qui ne veulent pas céder aux cris stridents des sirènes guerrières. Mais, que des révoltes tant soit peu larges et radicales contre la guerre éclatent, à l’intérieur comme à l’extérieur des armées, et le beau mécanisme sera enrayé.

    PS : Signalons, pour finir, les coordonnées de l’une des sources de documentation des plus fiables sur la guerre high-tech. L’International Action Center, association pacifiste d’origine américaine, aborde de manière très détaillée, quelle que soient les limites de ses leaders réformistes qui jouent au lobbying, le problème des armes sophistiquée employées depuis la guerre du Golfe, en particulier de celles à uranium appauvri.
    Adresse postale : International Action Center, 39, West 14th Street, #206, New York, NY 10011, USA
    Adresse mail : iacenter A iacenter . org
    Adresse du site web : http://www.iacenter. org


    André Dréan


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