• LE DEBIT DE L'EAU

    La Lettre à Tartempion - l'eau du robinetMon cher Tartempion,

    La vie a encore augmenter. Je te le dis volontairement avec une faute d'orthographe, parce que je pense que ça va finir par nous tuer comme un truc mal écrit sur un mur de faits divers. La vie ? On ne pourra bientôt plus se l'offrir. D'ailleurs toi-même, réfléchis, depuis combien de temps tu ne t'es pas payé une bonne vieille vie toute neuve ? Tu vois, ça porte à la gamberge, le pouvoir d'achat. Tout est de plus en plus ric-rac.

    Même si c'est souvent plus raque qu'autre chose. Alors voilà : j'ai décidé de ne plus faire de tarte au gaz, et d'abandonner aussi les raviolis électriques. On ne peut plus se le permettre. Il ne reste que l'amour et l'eau du robinet. C'est presque gratuit. 3,05 € le mètre cube à Angers, soit mille fois moins que l'eau minérale en bouteille.


    Comme tu le sais, on vient de traverser sans se mouiller la journée mondiale de l'eau (c'était le 22 mars) ; je n'ai pas pensé à célébrer ça en passant la journée sous le robinet, mais bon, pas de problème, l'an prochain, je saurai comment célébrer l'eau mondialisée. La ville d'Angers en a profité pour faire une dégustation publique, de l'eau du robinet. Dans un bar à eau. Eh bien ça n'a pas du tout goût d'huile de foie de morue ni de Fernet Branca, ce que certains ont regretté, surtout le Fernet Branca.

    À Guichen, du côté de Rennes, la dégustation d'eau s'est faite, elle, en octobre dernier. C'est là chose plus audacieuse. Les Bretons ont vite le nez qui se pince à l'idée de se désaltérer au robinet : même déshydraté, on ne court pas se nitrater au Château La Pompe. Mais l'eau est vite triste. Trop filtrée, trop débarrassée de tout ce qui ferait son caractère : toxines, vieillissement en fût de chêne, traces de métaux lourds, morceaux qui croquent sous la dent, pétillement radioactif…

    On regrettera d'ailleurs que le Saint Nicolas-de-Bourgueuil ne soit pas plutôt raccordé au réseau public que cette eau insipidement claire. Ce serait bon pour le moral, pour la viticulture française, et pour les Alcooliques anonymes dont il serait inconsidéré de tarir le public ciblé que seul un encouragement à l'alcool domestique peut décomplexer. Il faut bien que l'anonyme se regroupe. Sinon, il se sent seul. Le lien social est à ce prix. Je pense qu'il y a dans ma lettre assez de recommandations pour que tu puisses peser de tout ton lobbying personnel sur le gouvernement.

    Voilà l'enjeu, la concorde sociale retrouvée, et la vie chère combattue avec la livraison, dans tous les foyers, du bon jus de la treille, avec ou sans mitigeur. Le Fernet Branca, c'est un peu frelaté, d'ailleurs. Alors voilà, du picrate à l'évier, pour tous, à toute heure, c'est la nouvelle croisade. Du pinard au robinet. On est déjà quelques-uns, tous très motivés.

    Et si tu penses qu'on va laisser couler, eh bien compte là-dessus et bois de l'eau !

    Nicolas de La Casinière - Journaliste  Source terri(s)toires

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