• Épique époque…

    Daniel VANHOVE
    tableau : "Strange Times" de POLLY DRESSLER BECH

    La fin de l’année approche à grands pas. Dans les villes occidentales, les vitrines se parent de leurs plus beaux atouts pour nous séduire, remplies d’idées alléchantes et de cadeaux devenus indispensables pour que « les fêtes » soient réussies. Les illuminations scintillent de tous côtés. Comme chaque année, le maire de Paris a inauguré officiellement les éclairages féériques de « la plus belle avenue du monde » – selon les Parisiens – mais, avec des ampoules de basse consommation, nous indique-t-on. Ah, ouf ! nous voilà rassurés. Parce qu’enfin, c’est la crise, non !?

    Ce n’est pas comme en Irak, où le pays dévasté par 20 ans d’embargo et de guerres fomentées par l’Occident et par l’intervention illégale américano-britannique est dans un état de délabrement tel que quelques heures d’électricité par jour sont un vrai luxe…

    De la fête de Saint Nicolas à celle du Père Noël, sans oublier celle de la Saint Sylvestre, les semaines qui arrivent vont être mises à profit pour nous tenter et surtout, pour tenter de vider nos poches au nom de « la fête », cette idéologie dominante qui voudrait nous faire croire que la vie s’articule ainsi : une fête permanente, à la moindre occasion, du berceau jusqu’à la tombe, au point d’ailleurs de l’en vider de son sens. Et pourtant, c’est la crise !

    Ce n’est pas comme en Haïti, ce bout de terre en bout de mer où la majorité de la population n’a même plus de toit pour s’abriter, sans compter le choléra qui fait des ravages dans une indifférence presque généralisée…

    Saison oblige, les pubs pour les sports d’hiver ne sont pas en reste. Les médias y consacrent une part grandissante de leurs annonces, tant dans la presse écrite et audiovisuelle que sur Internet. Quelques encarts ici-et-là vous demandent d’ailleurs si – malheureux distrait ! – vous n’avez pas oublié de réserver vos dates et vos lieux de glissade. Entre foie gras et champagne, sapin de Noël débordant des derniers gadgets pour amuser les enfants que nous voudrions tant rester, et blancheur immaculée des sommets enneigés, nous n’avons que l’embarras du choix. Bien que ce soit quand même la crise !

    Ce n’est pas comme à Gaza, où depuis des années une population de 1.500.000 personnes tente de survivre à son étranglement scrupuleusement orchestré par l’occupant sioniste, avec la passivité abjecte d’une classe politique européenne lâchement complice…

    Dans un autre domaine, l’État français que ses indicateurs économiques moins bons que ceux de l’Allemagne obsèdent, vient d’annoncer la prolongation pour quelques semaines de la prime au remplacement des voitures anciennes au profit de nouveaux modèles qui polluent moins. Ah, ouf ! une nouvelle fois. Les retardataires hésitants vont pouvoir comme les autres penser faire acte de citoyenneté et apaiser leur conscience en achetant in extremis un véhicule baptisé « propre ». Et comme le remarquait un internaute avisé, ou chagrin selon les points de vue : polluons moins… pour polluer plus longtemps. Mais, c’est pourtant la crise !

    Ce n’est pas comme pour les sans-abris de nos villes illuminées, qui depuis plusieurs jours souffrent du froid au point d’en mourir, sans bruit, comme les flocons blancs qui enveloppent les pays du Nord, mais qui eux font pourtant la Une des JT. Notez les priorités…

    Dans un tout autre domaine (encore que !) les dernières révélations du site Wikileaks continuent de faire des vagues à travers les chancelleries de la planète. Et depuis la parution des 250.000 télégrammes litigieux, le personnel diplomatique de la plupart des pays concernés n’a de cesse de fustiger celui qui est présenté tantôt comme un anarchiste, tantôt comme un Robin des Bois des temps modernes, mais toujours comme un inconscient ne réalisant pas combien ces révélations risquent de mettre la vie de certaines personnes en danger.

    La secrétaire d’Etat US Hillary Clinton, plutôt mal prise, poussant même le mensonge – mais cela semble être un trait de famille, comme l’autre déjà à l’époque, empêtré dans son affaire Lewinsky – jusqu’à prétendre que Julian Assange mettait en péril tous les responsables politiques qui n’ont comme seule et unique préoccupation – à quand la canonisation ? – que le bien-être des citoyens de par le monde. On croit rêver d’entendre de telles déclarations dans la bouche-même d’une responsable politique du pays le plus belliqueux qui soit et qui se fout pas mal des dégâts irréversibles qu’occasionnent ses multiples interventions militaires ! Et où l’on peut conclure, qu’effectivement, crise il y a… Reste à bien déterminer laquelle.

    Ce n’est pas comme en Afghanistan, où les drones de la coalition poursuivent leurs meurtres dits « ciblés », flanqués de leurs multiples dommages collatéraux passés prestement sous silence complice de nos médias vendus aux tenants du pouvoir, et où il vaut mieux rester tapis chez soi…

    Dans un autre domaine encore, les dernières semaines ont été remplies de cris d’alarme de nos divers gouvernements à propos de l’endettement insupportable des États. Au point que des plans d’austérité axés principalement à l’encontre des citoyens, fleurissent un peu partout et n’en finissent pas d’aller dans la surenchère. C’est presque à qui osera frapper le plus durement sa population. Parce que, quand même : les pontes du FMI qui se voudraient gardiens de la rigueur budgétaire – comme s’il s’agissait-là désormais de la valeur la plus noble à défendre – ces nouveaux maîtres d’une orthodoxie planétaire – ceux-là mêmes qui sont outrageusement payés plus que n’importe qui – n’ont de cesse de nous dire et nous répéter que nous, petit peuple, vivons au-dessus de nos moyens, et que cette dette que nous risquons de léguer à nos enfants est un héritage honteux, empoisonné et carrément irresponsable. Parce qu’enfin, il faut bien nous rendre à l’évidence que c’est la crise, quand même !

    Ce n’est pas comme dans une majorité de pays d’Afrique où la quête d’un peu de nourriture et d’eau salubre reste une priorité quotidienne, sans parler d’une hygiène toute relative, et qui voit ainsi s’éloigner de plus belle les Objectifs pompeux du Millénaire, énième promesse des pays riches…

    Et j’en passe, j’en passe… dans ce monde profondément malade !

    Ainsi, le capitalisme dont on nous a rabâché les oreilles qu’il était un « modèle indépassable » et qui fonctionnait principalement sur nos sociétés de consommation où l’on encourageait les citoyens à acheter à crédit, semble soudain revenir sur le principe même qui l’a fait prospérer des années durant. Même si ceux-là nous répétaient l’adage selon lequel « qui paie ses dettes s’enrichit »… cela semble être devenu d’un coup la pire des catastrophes annoncées. Cependant, comme le faisait remarquer un autre internaute, si nos Etats sont endettés, ils sont aussi détenteurs de valeurs. Tout comme le citoyen qui s’endette pour acheter sa maison la rembourse au fil du temps et en contrepartie, devient propriétaire d’un bien. La dette se transforme ainsi en contre-valeur du bien qu’elle permet d’acquérir, de conserver et d’entretenir. Mais, sans doute est-ce parce qu’aujourd’hui, il faut nous persuader que c’est la crise !

    A vrai dire, si tout cela renfermait un minimum de sérieux, en termes « d’héritage empoisonné pour nos générations futures », il est étrange que ces dettes – qui ne sont rien d’autre que des jeux d’écriture, négociables à tout moment – revêtent tout à coup une importance majeure, quand dans le même temps, l’héritage de nos déchets nucléaires, véritable suicide planétaire, ne semble pas effrayer le moins du monde ceux-là mêmes qui crient au loup face au risque d’un euro ou d’un dollar chancelants et d’une dette toute théorique ! Et dans le même ordre d’idées, comme le soulignait pertinemment Hugo Chavez, « si le climat était une banque, ils l’auraient déjà sauvé »… Mais, que voulez-vous, c’est la crise !

    Essayons donc d’être sérieux un moment. Ici, l’on crie haro sur le baudet pour un problème où existent nombre de solutions, quand là il règne un silence d’or. L’on nous culpabilise d’un côté en nous martelant que nos enfants auront un tribut impossible à porter, quand dans le cas du nucléaire, nous hypothéquons l’avenir non pas de nos enfants, mais de la planète entière pour plus de 100.000 ans ! Pour avoir une idée de ce que cela représente, rappelons-nous les difficultés à déjà imaginer comment vivaient nos ancêtres il y a 5.000 ans… Non mais, quelle blague !

    Comment ceux-là voudraient-ils que nous les prenions un tant soit peu au sérieux ?! D’une part, ils s’agitent comme des marionnettes pour un souci temporaire et fluctuant en fonction des parités monétaires toutes théoriques – faire monter ou baisser le dollar, le yuan, l’euro ou le yen par un jeu financier spéculatif au profit de quelques uns – et d’autre part, l’enjeu même de la survie de notre planète les indiffère, tant qu’ils peuvent s’en mettre plein les poches à travers le réseau nucléaire qui est d’un profit immédiat et colossal. Cherchez l’erreur ! Ou plus exactement, la parjure !...

    Conclusion : soyons lucides, la crise existe. Assurément ! Mais elle est bien pire que celle à laquelle on voudrait nous faire croire : elle se niche au plus profond des quelques cerveaux malades qui nous gouvernent. N’est-il pas urgent de les empêcher de nuire plus encore !?

    Daniel Vanhove
    Observateur civil
    Auteur


    http://www.legrandsoir.info/Epique-epoque.html

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  • QUI A PEUR DE WIKILEAKS ?

    Les attaques contre Wikileaks ne mettent pas en question la véracité des textes, mais leur diffusion

    Manuel_Castells
    Auteur : Manuel Castells

    Ça devait arriver. Depuis quelques temps déjà, les gouvernements étaient inquiets de voir le contrôle de l'information leur échapper sur internet. Jusque là, ils traînaient la liberté de la presse comme un fil à la patte, mais avaient appris à composer avec les médias traditionnels. Désormais, le cyberespace, qui foisonne de sources d'information autonomes, menace sérieusement l'un des fondements de la domination: la capacité de dissimuler les faits.

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    Uncovered Pudenda (L'Empire est nu), par Gianfranco Uber, Italie

    Si l'on ignore ce qui se passe, mais qu'on en a peur, les gouvernants ont le champ libre pour voler et s'amnistier les uns les autres, comme en France et en Italie, ou pour massacrer des milliers de civils et laisser libre cours à la torture, comme aux États-Unis, en en Irak et en Afghanistan. Voilà pourquoi les élites politiques et des médias s'alarment de la publication par Wikileaks de centaines de milliers de documents originaux compromettants pour les pouvoirs surfaits des États-Unis et de bien d'autres pays. Wikileaks est un site internet créé en 2007, tenu par une fondation sans but lucratif enregistrée en Allemagne, mais qui opère depuis la Suède. La fondation compte cinq employés permanents, environ 800 collaborateurs occasionnels et des centaines de volontaires répartis dans le monde entier: des journalistes, des informaticiens, des ingénieurs et surtout - compte tenu de ce à quoi elle s'expose - des juristes, pour assurer sa défense.

    Le budget annuel de Wikileaks se monte à 300 millions d'euros, issus de dons de plus en plus confidentiels, même si l'on sait que certains proviennent de sources telles que l'Associated Press. Lancé à l'origine par des dissidents chinois bénéficiant du soutien de certains opérateurs d'internet à Taiwán, le site a peu à peu attiré des militants hackers et des défenseurs de la communication libre, qui se sont unis pour défendre une même cause au niveau mondial: obtenir et diffuser l'information la plus secrète que les gouvernements, les grandes entreprises et parfois les médias cachent au public.
     
    La majeure partie des informations est transmise au site via internet par messages cryptés au moyen de technologies de pointe. Il est conseillé aux expéditeurs d'effectuer les envois depuis des cybercafés ou des points wi-fi le plus éloignés possibles des lieux qu'ils fréquentent habituellement, de n'écrire à aucune adresse comportant la séquence de lettres wiki, mais d'en utiliser d'autres, qui s'obtiennent facilement (comme http//www.destiny. mooo.com). Malgré les attaques qu'il a subies depuis sa création, le site dénonce continuellement des cas de corruption, d'abus, de tortures et d'assassinats dans le monde entier, qu'il s'agisse des agissements du président du Kenya, du blanchiment d'argent en Suisse ou des horreurs guerrières perpétrées par les Etats-Unis.

    Il a reçu de nombreux prix internationaux en reconnaissance de son travail, dont ceux décernés par The Economist et par Amnesty International. Si les hautes sphères tremblent devant ce prestige et ce professionnalisme croissants, c'est que leur tactique de défense face aux réseaux autonomes consiste à les discréditer. Or, les 70 000 pages mises en ligne en juillet sur la guerre d'Afghanistan et les 400 000 récemment publiées sur l'Irak sont des documents originaux émanant majoritairement de soldats américains ou extraits de rapports militaires confidentiels. Dans la plupart des cas, les auteurs des fuites sont des soldats ou des agents de sécurité américains, dont trois sont actuellement en prison. Wikileaks dispose d'un système de vérification qui comprend l'envoi de reporters en Irak, où ceux-ci s'entretiennent avec les survivants et consultent les archives.

    De fait, les attaques à l'encontre de Wikileaks ne mettent pas en question la véracité des textes, mais condamnent leur publication, sous prétexte qu'elle menace la sécurité des soldats et des civils. Réponse de Wikileaks: d'une part, les noms ainsi que les éléments permettant une identification sont effacés, et d'autre part, seuls sont publiés des documents portant sur des faits passés, de sorte qu'il est improbable qu'ils puissent mettre en péril des opérations en cours. Ces arguments n'ont pas empêché Hillary Clinton de condamner le site, tout en se gardant bien de commenter l'occultation des milliers de civils tués ou des pratiques de tortures dont il est fait mention dans les documents. Si Nick Clegg, le vice-premier ministre britannique, a lui aussi condamné la méthode, il a demandé une enquête sur les faits.

    Le plus extraordinaire reste que certains médias de communication collaborent à l'attaque lancée par les services secrets contre Julian Assange, directeur de Wikileaks. L’auteur d’un commentaire éditorial de Fox News verrait d’un bon œil qu’il soit assassiné. Sans aller aussi loin, John Burns n'en cherche pas moins, dans le New York Times, à créer une nébuleuse autour du personnage d'Assange. Il est piquant que ce journaliste soit un proche collègue de Judy Miller, la reporter du Times qui a annoncé, tout en sachant qu'il s'agissait d'un mensonge, que l’on avait découvert des armes de destruction massive en Irak (voir le film Green Zone).

    Attaquer le messager pour faire oublier le message: un grand classique. En 1971, Nixon n'a pas fait autre chose avec Daniel Ellsberg, qui avait publié les fameux papiers du Pentagone où étaient consignés les crimes commis au Vietnam, provoquant un retournement de l'opinion publique. C'est ce qui a conduit Daniel Ellsberg et Julian Assange à tenir des conférences de presse communes. Digne d'un personnage de roman, le jeune Australien (39 ans) a passé une bonne partie de sa vie à déménager et à mettre ses capacités mathématiques au service d'un activisme mené sur internet pour défendre des causes politiques ou dénoncer certains faits.

    Aujourd'hui plus que jamais, il vit dans une semi-clandestinité, passant d'un pays à l'autre, séjournant dans des aéroports et évitant les pays où l'on cherche des prétextes pour l'arrêter. C'est pourquoi une plainte pour violation a été déposée en Suède - où il jouit d'un peu plus de liberté - avant d'être rejetée par la juge (relisez le début de Millenium, le roman de Stieg Larsson) et découvrirez une étrange coïncidence). Précisons que le Parti des Pirates suédois (10% de votes lors des élections européennes) protège Wikileaks et l'héberge sur son serveur central installé dans un bunker souterrain, à l'abri de toute interférence.

    L'histoire ne fait que commencer. Une organisation de communication libre basée sur le travail bénévole de journalistes et de techniciens, dépositaire et agent de transmission au service de ceux qui souhaitent révéler anonymement les secrets d'un monde pourri, affronte ceux qui n'ont nullement honte des atrocités qu'ils commettent, mais qui s'alarment du fait nous, qui les avons élus et qui les payons, puissions avoir vent de leurs méfaits. À suivre…

    Traduction : Chloé M. (Tlaxcala)

    Révision : Michèle Maliane (Tlaxcala)

    Source: http://www.lavanguardia.es/lv24h/20101030/54062523022.html
    Article publié le 30 octobre 2010
    URL de cet article: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=2325


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  • Mouvementisme et eternel recommencement

    On pourrait croire que l’expérience est notre alliée la plus fiable, on pourrait croire aussi que lorsque le sol craque sous nos pieds il est urgent de se replier pour mieux tout défoncer, qu’une vie menée pour le triomphe de la liberté n’est pas qu’une suite d’infirmes stérilités. On pourrait... On veut (se faire) croire que derrière la mascarade politique et syndicale qui s’agite comme un corps fraichement décapité se cache un semblant de potentialité révolutionnaire, d’une autre vie, d’un autre monde. On se ment, à soi-même et aux autres. On se croit autre chose qu’une sorte de professionnel de l’activisme et de « la radicalisation des mouvements », pour finir par en faire un mode de vie, un rôle social confortable. Mais qui vit de combattre un ennemi a tout intérêt de le laisser en vie.

    Depuis quelques semaines, le bout de territoire sous domination de l’Etat français est secoué de divers désordres. Grèves, blocages, pillages, émeutes, destructions en tout genre et sabotages agitent le train-train quotidien. Ici et là, des flics reculent face aux manifestants, collèges, douanes et bureaux de chefs partent en fumée alors qu’un peu partout des émeutiers de tous âges mettent au point des manœuvres de libération à la fois nouvelles et vieilles comme le monde avec rage et joie. Les pratiques sont radicales, il n’y a pas lieu d’en douter.

    Seulement, nous sommes des femmes et des hommes, de celles et de ceux qui mettent en pratique leur rage à bras le corps, qui avons un rêve au cœur, celui de reprendre nos vies en main, et de les vivre, parce qu’ici-bas nous ne faisons que mourir un peu plus, jours après jours, et qu’au-delà, il n’y a rien d’autre que des faux paradis. Ces pratiques sont de celles que nous préconisons pour dévaster ce monde qui nous humilie, ce sont les perspectives de libération totale de l’individu vis-à-vis des institutions, de l’économie, de l’exploitation et de la domination en général qui nous y poussent. C’est parce que nous pouvons entrevoir autre chose que nous nous battons de telle ou de telle autre façon.

    Cet autre-chose, n’est pas une affaire de quelques misérables années de retraites, ni de projets de lois, ni même d’un recul partiel de l’exploitation. C’est le bouleversement intégral des rapports de domination.

    Nous avons fait le constat, après des siècles de guerre sociale plus ou moins diffuse, que les pratiques seules ne disaient rien en elles-mêmes des perspectives qu’elles ont pour but d’atteindre. On peut menacer de faire sauter l’usine avec des bombonnes de gaz pour quelques euros de merde, comme on peut s’agenouiller et se livrer à toutes les compromissions possibles pour atteindre des objectifs révolutionnaires. Les pratiques ne sont qu’une anti-chambre des perspectives, et ce sont des perspectives révolutionnaires et antiautoritaires que nous souhaitons voir émerger.

    Encore un mouvement, encore une période de fatigue cérébrale et physique à courir après des fantasmes que nous avons déjà enterrés profondément dans la fosse du désespoir, à mettre entre parenthèse toutes nos luttes et les sacrifier à des « impératifs » injustifiables. Être partout, sacrifier de sa personne, Quichotter dans le désert. Faire semblant de ne pas remarquer, se faire croire qu’il y a une différence de responsabilité entre les centrales syndicales et leurs bases, qu’il y a encore quelque chose à faire dans, avec ou par rapport au syndicat. Au fond, la majorité des radicaux qui ne donnent plus que dans l’activisme a déjà enterré le mouvement dans sa tête en préparant sa chute, en tablant sur des barrages au retour à la normalité, encore des fantasmes de désespérés.

    On fait comme si il n’y avait pas déjà eu une dizaine d’autres mouvements, comme si les critiques qui avaient suivit chacun d’eux n’étaient bonnes que pour les mouvements précédents. Souviens-toi bien d’oublier.

    Tomber dans le panneau à chaque fois dans un éternel recommencement, ne surtout pas regarder la réalité en face, appliquer des recettes trouvées dans de mauvais livres, sans jamais sortir des habitudes : journées d’actions, assemblées générales (« inter-pro ») dont la seule finalité semble être leur répétition à l’infini et leur propre reproduction, mythologie de l’opposition entre la base-un-peu-coconne-mais-sincère et les directions des syndicats, apologie des pratiques et mise en arrière-plan des contenus, occupations où l’on s’enferme, symbolismes en tout genre, recours aux médias etc. alors qu’à coté se déchaine et s’émeute une jeunesse au bord de la crise de nerf qui se venge et retrouve le gout.

    D’un coté, des émeutes, de l’autre, des automatismes militants embourbés dans le vieux monde avec au final, et malheureusement, peu de choses qui les relient entre-eux, comme des voisins qui ne réussissent ou ne veulent pas communiquer. Mais la faute à qui ? Le domaine d’intervention choisi en dit long sur le contenu, aussi vrai que le manque ou le refus du contenu est en soi un contenu clair, caché sous un impérieux voile de tâtonnement et d’incertitude de façade. Dans cette situation, aller appuyer candidement des piquets de grèves syndicaux avec des œillères nous empêchant d’apercevoir toutes les manœuvres politiques sous nos yeux qui font barricade à toute spontanéité pendant que juste à coté, les flammes prennent de la hauteur, c’est faire le choix confortable des habitudes, éviter de contribuer au grand saut dans l’inconnu d’un déchainement collectif et individuel des passions destructrices.

    Disons-le franchement, passer son temps à se tromper devrait finir par inquiéter, autrement, nous questionnons la sincérité derrière les velléités affichées de radicalité et de rupture avec la démocratie et ses quelques avantages et garanties.

    On l’a vu, et revu, ce n’est pas la quantité qui gouverne l’efficacité et ce n’est pas la stratégie qui gouverne notre rage. L’éléphant se laisse caresser, pas le pou.

    Des groupes affinitaires de quelques personnes qui se connaissent et ont su développer une affinité et une connaissance mutuelle aiguisée à travers des pratiques et des perspectives communes ont souvent été bien plus efficaces que des masses informes de gibier à flics. Nous parlons là de porter des coups, de jour comme de nuit, efficaces, reproductibles et précis, pas symboliques. Nous parlons de dégâts réels, nous parlons de contribuer à la guerre sociale dans laquelle nous n’admettons aucune trêve, récupération ou amnistie. On l’a vu aussi, ces groupes ne peuvent pas non plus tout faire basculer tous seuls, parce que les mécanismes de la domination ne se brisent pas à coup de marteaux dans des vitres ou de molotovs dans des flics, mais aussi dans l’expérimentation d’une autre vie dans la lutte, et la subversion quotidienne des rapports inter-individuels. L’équilibre doit être respecté, mouvement ou pas.

    Alors cessons de faire de la politique, laissons libre cours à notre créativité et engendrons des ruines...

    Je casse, tu casses, il casse, nous cassons, Les mauvais jours finiront.

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  • Antisystème ? Bien sûr !

    Josep Maria ANTENTAS, Esther VIVAS

    À la suite des incidents du 29-S* à Barcelone, la critique contre les "antisystème" a inondé le débat dans les médias en associant, de façon réductrice et hors contexte, la notion d’ "antisystème" et la violence urbaine.

    Sans lien commun avec cette image qu’on veut lui coller, la pratique au quotidien des « antisystème » se trouve dans les associations de quartier opposées à la spéculation immobilière, dans le syndicalisme alternatif, dans le militantisme contre le changement climatique, dans les forums sociaux, dans la défense du territoire face aux grandes infrastructures, dans les centres sociaux autogérés, dans la conception d’expériences de consommation alternative et dans le développement de la l’agriculture biologique, ou bien dans les tentatives d’ouvrir une brèche dans le système politique en promouvant des candidatures alternatives.

    Les mouvements sociaux alternatifs se déterminent comme étant des moteurs du changement social, ils élaborent des propositions novatrices et encouragent à de nouvelles formes de sociabilité, de pensée critique et de création artistique, en libérant la créativité humaine corsetée dans les routines quotidiennes.

    Dans un contexte où la crédibilité et la légitimité du modèle économique actuel laisse les gens perplexes, et bien que les valeurs de ce modèle imprègnent profondément les consciences de ceux d’en bas, le pouvoir en place lutte pour éviter que le discrédit et le mal-être ne se transforment en mobilisation. Pour y parvenir il est nécessaire que les travailleurs pensent que cette mobilisation ne sert à rien et que tout est perdu d’avance. Et donc, les discours officiels serinent qu’il est impossible d’appliquer une autre politique, d’aller contre les marchés internationaux, que les réformes annoncées sont inévitables ; toutes les tentatives de faire passer le message médiatique décrivant le 29-S comme un échec ont un seul objectif : la démoralisation.

    Il s’agit également de discréditer l’anticapitalisme émergent et les mouvements sociaux. Les tentatives de les criminaliser et de les stigmatiser sont prévues pour créer un gouffre infranchissable entre les minorités militantes et le gros des troupes des secteurs populaires. Nous l’avons vu au début du siècle au moment de l’essor du mouvement « antimondialisation » et nous pouvons le voir aujourd’hui en plein cœur des résistances à la crise.

    Le sensationnalisme autour des violences le 29-S visait à discréditer directement la grève, dans le cas des milieux réactionnaires qui y étaient opposés, ou à discréditer les mouvements sociaux alternatifs, dans le cas de la gauche institutionnelle qui était favorable à l’appel mais contre une perspective de rupture avec l’ordre actuel des choses.

    Le traitement médiatique de l’information sur les actions violentes lorsque celles-ci ont lieu dans des manifestations ou dans des actions de protestation, contraste fortement avec celui de la violence de toute sorte qui émane du pouvoir, la domination et l’exploitation du système actuel, qui ne saute pas souvent aux yeux et qui est installée. De fait, l’accent mis exagérément sur les dégâts occasionnés à des immeubles le jour de la grève sert à cacher les violences beaucoup plus graves portées, ce jour-là, sur des personnes ; tel que la répression policière contre les piquets de grève syndicaux et, surtout, les menaces patronales contre les travailleurs pour qu’ils ne participent pas à la grève.

    Face à un système fermé et violent, incapable de satisfaire les besoins basiques de la majorité des êtres humains, responsable d’une crise écologique mondiale qui menace la survie même de l’espèce, nombreux sont ceux qui comme nous se considèrent antisystème, bien que nous ne voyons pas l’utilité d’user d’un concept, fabriqué par les mass-médias, à connotations nettement péjoratives. Si le système auquel nous sommes opposés est le capitalisme, il n’y a rien de mieux que de nous définir comme anticapitalistes.

    Malgré son supposé caractère négatif, l’anticapitalisme, tel que nous l’entendons, débouche directement sur l’énoncé de propositions alternatives qui pointent vers un autre modèle de société. « L’indignation est un commencement. Une manière de se lever et de se mettre en route. On s’indigne, on s’insurge, et puis on voit », écrivait le philosophe français Daniel Bensaïd. Du premier refus de l’existant on passe ensuite à la défense d’une logique opposée à celle du capital et de la domination.

    Les limites du terme sont, en quelque sorte, les limites de la période actuelle, restreinte encore à la résistance et à la (re)construction, marquée par la difficulté d’exprimer une perspective stratégique dans le positif et pour affirmer, autant une perspective révolutionnaire de transformation, qu’un horizon alternatif de société. Les grands concepts de l’histoire du mouvement ouvrier, comme « socialisme » ou « communisme », ont aujourd’hui une signification équivoque à cause de l’échec des projets émancipateurs du XXème siècle. On a encore besoin de nouvelles expériences fondatrices pour imposer de nouveaux termes ou récupérer les anciens.

    Vue la manière dont va le monde, l’anticapitalisme est aujourd’hui un pari parfaitement raisonnable et un véritable impératif moral et stratégique. Ce ne sont pas les « antisystème » qui doivent se justifier, mais plutôt aux « pro-système » de le faire. « On ne peut pas rester neutre dans un train lancé à toute vitesse », nous rappelait l’historien Howard Zinn dans son autobiographie, et encore moins dans un train qui se dirige vers un précipice comme le fait l’humanité, pour reprendre la métaphore lucide de Walter Benjamin. Il faut choisir entre deux logiques antagoniques, celle de la concurrence et du tous contre tous ou celle des biens communs et de la solidarité. Tel est le dilemme posé par les mouvements anticapitalistes et anti-systémiques d’aujourd’hui.

    Josep Maria Antentas et Esther Vivas

    Note : (*) Le 29-S : Jour de grève générale, le 29 septembre 2010 en Espagne, suivie par 10 millions de personnes dont 1,5 millions de manifestants contre les mesures antisociales du gouvernement Zapatero.

    * Josep Maria Antentas et Esther Vivas sont membres de Izquierda anticapitalista (Gauche anticapitaliste, Etat espagnol) et auteurs de “Resistencias Globales. De Seattle a la crisis de Wall Street” (Editorial Popular, 2009). Article publié dans Público, 15/10/2010., traduit de l’espagnol pour Esteban G. et Fausto Giudice. | Tlaxcala, le réseau international des traducteurs pour la diversité linguistique.

    + info : http://esthervivas.wordpress.com/fr...

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    http://www.legrandsoir.info/Antisysteme-Bien-sur.html

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  • Après avoir critiqué la politique israélienne en Palestine, le chercheur Souhail Chichah est menacé.

    Le 20 septembre dernier, à l’ULB, s’est tenue une conférence sur le thème de "La liberté d’expression", précédée du film du journaliste Olivier Mukuna, "Est-il permis de débattre avec Dieudonné ?", à propos de l’humoriste dont les sketches s’attaquent régulièrement aux milieux sionistes et à la politique israélienne en Palestine.

    Parmi les intervenants, Souhail Chichah, chercheur en économie de la discrimination, a critiqué sans détour cette politique, concluant qu’Israël se comporte en "Etat raciste, ségrégationniste et colonial". Il a en outre dénoncé l’impossibilité d’ouvrir ce débat sans être systématiquement vilipendé par les organisations juives et qualifié d’antisémite. Souhail Chichah a ainsi regretté l’instrumentalisation de la Shoah, utilisée pour bâillonner les opposants à la politique d’expansion de l’Etat hébreu. A aucun moment, cependant, il n’a tenu de propos haineux ou irrespectueux envers les Juifs.

    La suite sur le site

     

    Bonjour,
     
    Pour vos archives (si déjà lus) ou pour vous tenir au courant, je vous transfère, en pièces-jointes, 4 pdf reprenant l'article et les 3 tribunes publiées par Le Soir, suite à la projection-débat à l'ULB autour de mon film "Est-il permis de débattre avec Dieudonné ?".
     
    Egalement diffamé par Maurice Sosnowski (président du CCOJB, Professeur à l'ULB et chef de département à Erasme) le chercheur Souhail Chichah (ULB) devrait, à son tour, publié une "carte blanche" ce lundi ou mardi dans Le Soir
     
    Pour info, Souhail Chichah reste menacé de licenciement suite au lobbying délirant de Sosnowski et face auquel, les Autorités académiques de l'ULB gardent un étrange silence ... Or, depuis le 20 septembre, Souhail Chichah a reçu une quinzaine de mails de menaces dont des menaces de mort. Il a déposé plainte contre X auprès de la police et a averti sa hiérarchie à l'ULB.
     
    Pour rappel, à l'issue du débat du 20 septembre à l'ULB, le militant Nordine Saïdi (Egalité) a aussi été menacé de mort par un groupe de miliciens sionistes. Ensuite, le journaliste indépendant Mehmet Koksal a été menacé de se faire tabasser par le même groupe s'il n'effaçait pas les photos qu'il avait prise d'eux. Il a également déposé plainte.   

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    Au-delà de nos personnes respectives, un vrai débat s'est enfin ouvert sur la question cruciale de notre liberté d'expression et du respect de notre intégrité physique et professionnelle lorsque nous souhaitons nous exprimer publiquement sur la question d'Israël et du lobbying sioniste en Europe.
     
    En soi, c'est déjà une victoire citoyenne. Il ne tient qu'à vous, qu'à nous, de la confirmer ... 
     
    Bonne semaine,
     
    Olivier Mukuna
    Journaliste indépendant
     
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    1 commentaire
  • Le Nobel de la guerre aux Messieurs du « Nobel de la paix »
    Domenico Losurdo

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    Faisant fi des instructions laissées par Alfred Nobel, le jury Nobel ne récompense plus le courage au service de la paix, mais l’utilité médiatique au service de l’impérialisme. La liste des lauréats n’est plus qu’une énumération d’alibis pour des politiques coercitives et des guerres. Dernier en date, le prix Nobel de la paix 2010 a été remis à un « dissident » chinois pour justifier le containement de la Chine, observe le philosophe Domenico Losurdo.

     

    Logo du jury Nobel

     

     

    Ces dernières semaines a eu lieu en Australie un vif débat. Dans un article publié par Quartely Essay et en partie anticipé par l’Australian, Hugh White a mis en garde contre d’inquiétants processus en cours : à l’ascension de la Chine, Washington répond par la traditionnelle politique de containment, en renforçant de façon menaçante son potentiel et ses alliances militaires ; Pékin, en retour, ne se laisse pas facilement intimider et « contenir » ; tout cela peut provoquer une polarisation en Asie d’alliances opposées et faire émerger « un risque réel et croissant de guerre de vastes proportions et même de guerre nucléaire ». L’auteur de cette mise en garde n’est pas un illustre inconnu : il a derrière lui une longue carrière d’analyste des problèmes de défense et de politique étrangère, et fait partie en quelque sorte de l’establishment intellectuel.

    Ce n’est pas un hasard si son intervention a provoqué un débat national, auquel a aussi participé le Premier ministre, Julia Gillard, qui a réaffirmé la nécessité du lien privilégié avec les USA. Mais les cercles jusqu’au-boutistes australiens sont allés bien plus loin : il faut s’engager à fond pour une Grande alliance des démocraties contre les despotes de Pékin. Pas de doute : l’idéologie de la guerre contre la Chine s’appuie sur une idéologie de longue date qui justifie et même célèbre les agressions militaires et les guerres de l’Occident au nom de la « démocratie » et des « droits de l’homme ». Et voici qu’à présent le « Prix Nobel de la paix » est conféré au « dissident » chinois Liu Xiaobo : un sens de l’opportunité parfait, d’autant plus parfait si l’on pense à la menace de guerre commerciale contre la Chine brandie cette fois de façon ouverte et solennelle par le Congrès états-unien.

    La Chine, l’Iran et la Palestine

    Parmi les premiers à se réjouir du choix des Messieurs d’Oslo s’est trouvée Shirin Ebadi, qui a immédiatement surenchéri : « Non seulement la Chine est un pays qui viole les droits de l’homme mais c’est aussi un pays qui appuie et soutient de nombreux autres régimes qui les violent, comme ceux qui sont au pouvoir au Soudan, en Birmanie, en Corée du Nord, en Iran… » ; en outre, c’est un pays qui est responsable de la « grande exploitation des ouvriers ». Donc, il faut boycotter « les produits chinois » et « limiter au maximum les échanges économiques et commerciaux avec la Chine » [1]. Et une fois de plus : la contribution à l’idéologie de la guerre conduite au nom de la « démocratie » et des « droits de l’homme » est claire, et la déclaration de guerre commerciale est ouverte. Mais alors, pourquoi Shirin Ebadi a-t-elle eu en 2003 le « Prix Nobel de la Paix » ? Le prix a été attribué à une femme qui a une vision manichéenne des relations internationales ; dans la liste des violations des droits de l’homme il n’y a pas de place pour Abou Ghraib et Guantanamo, pour les complexes carcéraux dans lesquels Israël enferme en masse les Palestiniens, pour les bombardements et les guerres déclenchées sur la base de prétextes faux et mensongers, pour l’uranium appauvri, pour les embargos à tendance génocidaire mis en acte en défiant l’écrasante majorité des membres de l’ONU et de la communauté internationale…

    Et pour ce qui concerne la « grande exploitation des ouvriers » en Chine, Shirin Ebadi parle sans nul doute à tort et à travers : dans le grand pays asiatique, des centaines de millions de femmes et d’hommes ont été soustraits à la faim à laquelle ils avaient été condamnés en tout premier lieu par l’agression impérialiste et par l’embargo proclamé par l’Occident ; et ces jours-ci on peut lire dans tous les organes de presse que les salaires des ouvriers sont en train de progresser à un rythme assez rapide. En tous cas, si l’embargo contre Cuba fait rage exclusivement contre les habitants de l’île, un éventuel embargo contre la Chine provoquerait une crise économique planétaire, avec des conséquences dévastatrices même pour les masses populaires occidentales, et bien le bonjour aux droits de l’homme (du moins aux droits économiques et sociaux). Il n’y a pas de doute : en 2003, celle qui a reçu le « Prix Nobel de la Paix » est une idéologue de la guerre, médiocre et provinciale. A-t-on voulu récompenser une activiste qui, si ce n’est sur le plan international, du moins sur le plan intérieur à l’Iran, entend défendre la cause des droits de l’homme ?

    Si cela avait été l’intention des Messieurs d’Oslo, ils auraient dû récompenser Mohammed Mossadegh qui, au début des années 1950 s’engagea à construire un Iran démocratique mais qui, ayant eu l’audace de nationaliser l’industrie pétrolière, fut renversé par un coup d’Etat organisé par la Grande-Bretagne et les USA, ces pays qui se dressent aujourd’hui en champions de la « démocratie » et des « droits de l’homme ». Ou bien les Messieurs d‘Oslo auraient-ils pu récompenser quelque courageux opposant de la féroce dictature du Shah, soutenu par les habituels, improbables champions de la cause de la « démocratie » et « des droits de l’homme ». Mais alors, pourquoi en 2003 le « Prix Nobel de la Paix » a-t-il été attribué à Shirin Ebadi ? A ce moment-là, tandis que l’interminable martyr du peuple palestinien subissait un nouveau tour de vis, la Croisade contre l’Iran se profilait clairement. Une reconnaissance attribuée à une militante palestinienne aurait été une contribution réelle à la cause de la détente et de la paix au Proche-Orient.

    Les militants palestiniens « non-violents » manquent-ils ? Il est difficile de qualifier de « non-violent » Obama, le leader d’un pays qui est engagé dans diverses guerres et qui dépense à lui seul en armements autant que tout le reste du monde pris dans son ensemble. En tous cas, les « non-violents » ne manquent pas en Palestine, et non-violents sont en tous cas les militants qui arrivent de tous pays en Palestine pour défendre ses habitants d’une violence déferlante, et qui, parfois, ont été balayés par des tanks ou par des bulldozers de l’armée d’occupation. Sauf que les Messieurs d’Oslo ont préféré récompenser une militante qui depuis lors n’a de cesse d’attiser le feu de la guerre en premier lieu contre l’Iran, mais maintenant contre la Chine aussi.

    Après la consécration et la transfiguration de Liu Xiaobo, le président états-unien est tout de suite intervenu : et il a demandé la libération immédiate du « dissident ». Mais pourquoi, en attendant, ne pas libérer les détenus sans procès de Guantanamo ou au moins faire pression pour la libération des innombrables Palestiniens (parfois à peine adolescents) emprisonnés par Israël, comme le reconnaît même la presse occidentale, dans des complexes carcéraux terrifiants ?

    Les Messieurs d’Oslo, les USA et la Chine

    Avec Obama nous tombons sur un autre « Prix Nobel de la paix » aux caractéristiques assez singulières. Quand il l’a obtenu, l’an dernier, il avait déclaré qu’il avait l’intention de renforcer en Afghanistan la présence militaire des USA et de l’OTAN et de donner une impulsion aux opérations de guerre. Conforté aussi par la prestigieuse reconnaissance qu’il avait reçue à Oslo, il a été fidèle à sa parole : ils sont maintenant bien plus nombreux qu’à l’époque de Bush, ces escadrons de la mort qui du haut du ciel « éliminent » les « terroristes », les « terroristes » potentiels et les suspects de « terrorisme » ; et ces hélicoptères et avions sans pilotes qui font office d’escadrons de la mort font rage aussi au Pakistan (avec les nombreuses victimes « collatérales » qui s’en suivent) ; l’indignation populaire est si forte et répandue que même les gouvernants de Kaboul et d’Islamabad se sentent obligés de protester contre Washington. Mais Obama ne se laisse certes pas impressionner : il peut toujours exhiber son « Prix Nobel de la paix » !

    Ces jours derniers, a filtré une nouvelle qui fait froid dans le dos : en Afghanistan, se trouvent des militaires états-uniens qui tuent par divertissement des civils innocents, en conservant ensuite quelque partie du corps des victimes comme souvenir de chasse. L’administration états-unienne s’est empressée de bloquer immédiatement la diffusion des détails ultérieurs et surtout des photos : choquée, l’opinion publique états-unienne et internationale aurait pu ensuite faire pression pour la fin de la guerre en Afghanistan ; pour pouvoir la continuer, cette guerre, et la rendre encore plus âpre, le « Prix Nobel de la paix » a préféré infliger aussi un coup à la liberté de la presse.

    Mais on peut faire ici une considération de caractère général. Au 20ème siècle, ce sont les USA qui ont été le pays qui a vu couronner du « Prix Nobel de la paix » le plus grand nombre d’hommes d’Etat : Théodore Roosevelt (pour qui le seul « bon » Indien était celui qui était mort), Kissinger (le protagoniste du coup d’Etat au Chili et de la guerre au Vietnam), Carter (le promoteur du boycott des Jeux Olympiques de Moscou en 1980 et de l’interdiction d’exportation de blé à l’URSS, est intervenu en Afghanistan contre les freedom fighters musulmans), Obama (qui intervient maintenant, contre les freedom fighters, entre temps devenus terroristes, a recours à un monstrueux appareil de guerre). Voyons sur le versant opposé de quelle façon les Messieurs d’Oslo se positionnent à l’égard de la Chine.

    Ce pays, qui représente un quart de l’humanité, ne s’est engagé dans les trois dernières décennies dans aucune guerre et a promu un développement économique qui, en libérant de la misère et de la faim des centaines de millions de femmes et d’hommes, leur permis d’accéder en tous cas aux droits économiques et sociaux. Eh bien, les Messieurs d’Oslo n’ont daigné prendre en considération ce pays que pour attribuer trois prix à trois « dissidents » : en 1989 le « Prix Nobel de la paix » est décerné au XIVème Dalai Lama, qui avait quitté la Chine depuis déjà trois décennies ; en 2000 le Nobel de littérature est attribué à Gao Xingjan, un écrivain qui était désormais citoyen français ; en 2010, le « Prix Nobel de la paix » couronne un autre dissident qui, après avoir vécu aux Etats-Unis et avoir enseigné à Columbia University, retourne en Chine « en vitesse » [2] pour participer à la révolte (tout autre que pacifique) de la Place Tienanmen.

    De nos jours encore, il parle ainsi de son peuple : « Nous les Chinois, si brutaux » [3]. Ainsi, aux yeux des Messieurs d’Oslo, la cause de la paix est représentée par un pays (les USA) qui se croit souvent investi de la mission divine de guider le monde, qui a installé et continue à installer des bases militaires menaçantes dans tous les coins de la planète ; pour la Chine, (qui ne détient aucune base militaire à l’étranger), pour une civilisation millénaire qui, après le siècle d’humiliations et de misère imposé par l’impérialisme, est en train de revenir à son antique splendeur, ceux qui représentent la cause de la paix (et de la culture) sont seulement trois « dissidents » qui n’ont désormais plus grand-chose à voir avec le peuple chinois et qui voient dans l’Occident le phare exclusif qui illumine le monde. Nous voyons sans aucun doute ré-émerger ici dans la politique des Messieurs d’Oslo l’antique arrogance colonialiste et impérialiste.

    Alors qu’en Australie résonnent des voix inquiètes des périls de guerre, à Oslo on redonne du lustre à une idéologie de la guerre de funeste mémoire : les guerres de l’opium ont été célébrées en son temps par J. S. Mill comme une contribution à la cause de la « liberté » de l’ « acquéreur » en plus de celle du vendeur (d’opium), et par Tocqueville comme une contribution à la cause de la lutte contre l’ « immobilisme » chinois. Les mots d’ordre agités aujourd’hui par la presse occidentale ne sont pas très différents ; presse qui ne se lasse pas de dénoncer le despotisme oriental immobile. Il faut en prendre acte : peut-être sont-ils aussi inspirés par de nobles intentions, mais avec leur comportement concret les Messieurs du « Prix Nobel de la paix » ne méritent à l’heure actuelle que le Nobel de la guerre.


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  • La mémoire sélective de l’Occident : les Juifs... et les autres

    Daniel Vanhove

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    La semaine passée j’exprimais mes craintes que ne soit revenu en France, le « temps des rafles ».
     
     

    (JPG)

     

     

    Face à la discrimination avérée des Roms et à la déshumanisation dramatique avec laquelle le président Sarkozy et sa droite xénophobe les traitent - au point d’irriter les instances internationales - ne peut-on pas se demander pourquoi ceux-là n’auraient pas les mêmes droits que les Juifs ? En effet, ces communautés toutes deux millénaires, ont subi les mêmes traques pendant la deuxième guerre mondiale et se sont retrouvées dans les mêmes camps d’extermination de Buchenwald, Auschwitz, Ravensbrück,... où il semble qu’au moins 500.000 Roms, appelés Tziganes à l’époque, aient été supprimés.

    Une partie de l’Europe a donc bien vis-à-vis des Roms, la même responsabilité que vis-à-vis des Juifs dans la façon expéditive et assassine dont elle s’en est débarrassée sous le régime nazi. A moins d’une justice à géométrie variable, pourquoi donc avoir par la suite, opéré une différence dans la manière d’expier nos crimes d’alors ? L’honnêteté et le souci d’une justice équitable exigeraient au minimum de se poser la question.

    Et puisque l’on peut se féliciter des réactions des instances internationales actuelles dans la manière dont elles semblent condamner le sort réservé par la France à cette communauté discriminée, peut-être serait-ce le moment de se pencher sur la possibilité qu’auraient les populations roms de s’établir sur des terres que l’Europe de plus en plus « élargie » daignerait leur concéder... Sans rien enlever à la condamnation la plus ferme dans la manière dont ce dossier est traité en France pour le moment, le président français n’a peut-être pas tort de vouloir élargir le cadre du débat.

    Allégorie :

    Dès lors, voyons un peu, et tentons de faire mieux qu’avec le précédent essai d’imposer en terres arabes le jeune Etat d’Israël qui se révèle être un fiasco insoluble sur les bases actuelles... En se penchant sur une carte de l’UE - puisque ce problème nous concerne collectivement - quel endroit pourrait-il convenir ? Disons... la France ! Excellente situation, où de vastes régions ne sont pas encore urbanisées. Certains se plaignant de la désertification des zones rurales, ce serait à coup sûr une manière de les redynamiser.

    L’on pourrait y dresser une sorte de « Ligne Verte » pour commencer, et on verrait ensuite les modalités pour donner à ce projet d’Etat toutes les garanties utiles que prévoit le Droit international dans ses nombreux textes. Avec la pléthore de fonctionnaires dont nous disposons, et l’expérience récente de l’établissement du Kosovo en Serbie, gageons que certains « experts » pourraient être détachés pour cette mission, comment déjà, euh... ah oui, « humanitaire », c’est ça....

    Voilà un poste rêvé pour le French doctor, et une façon honorable de redorer son blason quelque peu terni ces derniers temps. Et pour ne pas précipiter les choses, établissons un plan quinquennal ayant comme horizon 2020, où pourrait être porté sur les fonds baptismaux, un 28è Etat européen, destiné à la communauté rom qui voudrait s’y établir. Etat qui servirait aussi à accueillir, cela tombe sous le sens, les nombreux réfugiés roms, tziganes, gitans, bohémiens, manouches,... régulièrement chassés de tel ou tel pays depuis des siècles d’errance.

    Pour une Europe économiquement en panne, ce serait-là un chantier formidable, avec des débouchés inespérés. Par ailleurs, avec l’actuel président français, Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa qui ne devra pas remonter bien loin dans le temps pour retrouver ses origines, la France présente tous les avantages d’un tel choix. Sans compter qu’il pourrait carrément présenter sa candidature à la présidence de ce nouveau futur Etat, des fois que les élections françaises de 2012 se présentent mal...

    -  Oui, me répondrez-vous, mais les Roms ne veulent pas s’établir sur base de frontières fixes, ils sont nomades, tout le monde le sait, et très vite ils pourraient se retrouver en France, c’est cela le nœud du problème !

    -  Ce n’est pas bien grave ! La France est un graaand pays - ses représentants n’ont de cesse de le trompéter partout, des fois qu’on en douterait à côté de la Russie, du Canada, des USA, de la Chine, du Brésil, de l’Australie, de l’Inde, de l’Argentine, du Kazakhstan, du Soudan,... - et donc, les familles roms qui ne voudraient pas se fixer dans les limites de cette « Ligne Verte » iront ici-et-là, avec leurs caravanes comme ils l’ont toujours fait, et s’établiront là où ils le désirent, un peu comme des postes détachés, ou des colonies, si vous préférez...

    -  Ho, ho, attention-là, il y a des mots dangereux à ne pas utiliser impunément ! Enfin, moi je veux bien... mais si ces colonies comme vous dites, non contentes d’outrepasser cette « Ligne Verte » débordent même des anciennes frontières françaises... que fait-on !?

    -  Là non plus, ce n’est pas bien grave, l’UE ne va quand même pas chicaner pour si peu ! Et en gros, s’ils débordent au Nord, ils se trouveront en terre wallonne qui ne sait plus si elle veut rester belge ou devenir française, donc quelques familles roms de plus ou de moins ne feront pas la différence. A l’Est, ils se retrouveront soit en Allemagne, autre grand pays de l’UE qui peut bien prendre en charge les quelques uns dont elle a envoyé les ainés dans ses camps nazis ; soit en Italie, qui à l’époque était alliée à l’Allemagne d’Hitler et qui a donc sa part de responsabilités, elle aussi. Et au Sud, ils auront le choix entre le pays basque et le pays catalan, qui ne se reconnaissent plus espagnols et réclament leur autonomie, alors... Il y a donc bien assez de place pour ces quelques égarés qui ne voudraient pas se sédentariser sur le territoire délimité que l’UE leur assignerait...

    -  Oui mais, il paraît aussi qu’ils sont menteurs, voleurs et de mœurs bizarres, et qu’ils s’installent où bon leur semble et mettent ainsi la sécurité de l’Etat et des communes qui les accueillent en danger !

    -  Mais tout cela n’est pas grave, voyons ! L’on construira un mur de sécurité pour nous en protéger... Imaginez un peu le chantier, c’est une manne à ne pas rater par les temps qui courent ! Et puis il y aura aussi nos policiers et nos forces de l’ordre pour surveiller ces nouvelles frontières... On pourrait même prévoir des portes d’accès dont ces forces de sécurité contrôleraient l’ouverture et la fermeture en cas d’agitation excessive ou de risques de rébellion. Ainsi, il n’y aurait aucun risque d’infiltration.

    -  Mais si certains d’entre eux finissaient quand même par échapper au contrôle et se mélanger alors aux populations locales ! Imaginez un peu les conséquences...

    -  Mais puisque je vous dis que les « experts » se pencheront sur toutes ces questions ! Allons, il n’est quand même pas difficile de leur donner des papiers sur lesquels ils seront clairement identifiés comme Roms ! Ce ne sont-là que des détails, et vous voyez bien qu’il y a toujours une solution à tout. N’oubliez pas que nous sommes l’Europe ! Nous n’allons tout de même pas nous laisser influencer pour si peu. Le cas échéant, nous enverrons l’armée et ils comprendront vite qui est le maître ! Et puis, vous savez, pour faciliter ces grandes manœuvres, nous avons une ADM des plus efficaces (Arme de Décérébration Massive), incontournable : les médias habituels s’emploieront à un matraquage en bonne et due forme et publieront les envolées lyriques et les papiers dithyrambiques que ne manqueront pas de nous pondre la clique d’intellos-bien-pensants-du-tout-Paris à propos d’une telle solution ; ainsi que des interviews de quelques stars « people » triées sur le volet... Je suis certain qu’on pourrait même imaginer un méga-concert européen pour récolter des fonds. On pourrait l’appeler, voyons un peu, euh... « L’Euroute du Rom »... je vois déjà les affiches, et l’impact sur le public ! Vous verrez, ce sera un truc de ouf, ils ne pourront pas refuser...

    Épilogue :

    A travers la question posée par les gens du voyage, nous vivons un moment intéressant, permettant de comptabiliser combien d’entre ceux qui sont toujours prêts à dicter leurs impératifs aux autres nations, se proposeront pour accueillir les Roms qui le désirent... Peut-être comprendront-ils enfin la résistance toute légitime des Palestiniens de qui ces mêmes discoureurs exigent pourtant depuis des décennies d’accepter les conditions... inacceptables que l’entité sioniste soutenue par eux, tentent d’imposer aux Palestiniens...

    Moralité de l’histoire : hélas pour les Roms, ils ne sont pas les Juifs...

    Et avant que l’image de la France ne soit complètement dévoyée par la bêtise d’une poignée d’incultes arrogants, je voudrais rappeler ce qui a pu faire aussi sa grandeur, par ces lignes : « Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols. Et j’ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre. C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton. »

    Extrait d’une lettre de Gustave Flaubert à George Sand - 12 juin 1867

    Concrètement :

    Les faits sont clairs et incontestables : une circulaire du 5 août dernier, signée par le directeur de cabinet du Ministre Hortefeux, adressée aux préfets, au directeur général de la police et de la gendarmerie nationales, est libellée ainsi : « Le Président de la République a fixé des objectifs précis, le 28 juillet dernier, pour l’évacuation des campements illicites : 300 campements ou implantations illicites devront avoir été évacués d’ici trois mois, en priorité ceux des Roms. »

    Et plus loin, la même circulaire stipule que chaque préfet doit s’assurer : « ...de la réalisation minimale d’une opération importante par semaine (évacuation / démantèlement / reconduite) concernant prioritairement les Roms. »

    Au cours d’un déjeuner à l’Elysée dont on ose à peine imaginer l’ambiance, incapable de se maîtriser, le président français a exprimé sa morgue, stigmatisant cette fois la Commissaire européenne à la Justice, la Luxembourgeoise Viviane Reding pour ses remontrances ; et ses obséquieux courtisans n’ont pas fait mieux, détournant la forme du blâme, au détriment du fond.

    Or, la stigmatisation est clairement établie. Et les détours des ministres se dérobant ou tentant de minimiser les faits, à l’instar de leur mentor, ne font qu’ajouter à la gravité de leurs décisions. On savait le gouvernement Sarkozy miné par le populisme. La réalité est sans doute bien pire. Et l’arrogance du petit monarque et de ses suppôts bat tous les records de vulgarité.

    Quand l’on entend les réactions outrées de ces sinistres individus, réagissant aux critiques qui leur sont adressées alors que nombre d’entre eux sont empêtrés dans des dossiers plus que douteux, ceux-là devraient non seulement être démissionnés, mais dans une démocratie saine et qui se respecte, être déchus de leur droit d’éligibilité. À vie !

    (JPG)

    * Daniel Vanhove est Observateur civil et membre du Mouvement Citoyen Palestine

    Il a publié aux Ed. Marco Pietteur - coll. Oser Dire :

    -  Si vous détruisez nos maisons, vous ne détruirez pas nos âmes - 2004
    -  La Démocratie mensonge - 2008

    Du même auteur :

    -  Le temps des rafles est revenu... - 12 septembre 2010
    -  Tenter de démêler le vrai du faux, au fil de l’info... - 4 septembre 2010
    -  Le Moyen-Orient au bord d’une nouvelle « préventive » ? - 16 août 2010
    -  La justice européenne... ou l’habituelle loi du plus fort - 20 juin 2010
    -  Le constat s’impose : l’actuelle entité sioniste doit disparaître - 11 juin 2010
    -  Ce racisme « toléré et tranquille »... et ses suites dramatiques - 6 juin 2010
    -  Ce racisme toléré, tranquille, bien entretenu et ominiprésent... - 31 mai 2010
    -  Pitoyable ploutocratie européenne... - 16 mars 2010
    -  L’Etat le plus moderne du « village global » : la Palestine ! - 29 décembre 2009
    -  Et si on déplaçait Israël dans l’Ouest des Etats-Unis ? - 22 novembre 2009
    -  N’est-il pas dit que la critique est aisée, mais l’art difficile ? - 10 novembre 2009
    -  N’est-il pas temps de revoir le plan de partage de la Palestine ? - 20 juin 2009
    -  Cette vérité qui dérange tant la diplomatie européenne - 25 avril 2009
    -  L’asphyxie de Gaza continue - 14 avril 2009
    -  Charm el-Cheikh : quand les riches perpétuent leurs détestables réflexes - 11 mars 2009
    -  Un terrorisme d’état pire que le 11 septembre - 5 février 2009
    -  A Gaza, après les bombes le droit international ? Peu probable... - 27 janvier 2009
    -  Scènes ordinaires de la vie en Palestine, à Gaza - 20 janvier 2009


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  • À votre avis, ils vont servir à quoi tous ces fichiers ?

    Posté par calebirri le 13 septembre 2010

    Le fichage biométrique s'accélère : que ce soit dans les pays dits « développés » ou non, il se pourrait bien que d'ici à quelques années tous les êtres vivants soient marqués « du sceau  de la Bête », comme l'avait prédit l'Apocalypse… ce n'est pas que je sois particulièrement porté sur le mysticisme, mais à vrai dire l'idée que nous soyons tous affublés d'un numéro de matricule ne correspond pas exactement à ma conception du « Bien » ; de plus, « une étoile jaune » virtuelle ne m'enchante guère, et je dois admettre que l'hypothèse de me faire « scanner » en plus de mon numéro de sécu m'effraie assez. Surtout qu'il n'est sans doute que le prélude à pire encore, avec le fichage ADN qui prend de l'ampleur, et tout cela sans compter le futur qui nous attend: rien de moins que le « puçage », c'est à dire le numéro inscrit sous la peau. Car à quoi serviraient ces fichiers s'ils n'étaient pas, à terme, couplés au moyen d'identification suprême, la puce RFID ?

    Bien sûr, pour justifier ce fichage généralisé, mondial même, on nous vend de la sécurité, du confort, des possibilités alléchantes, mais qu'en est-il vraiment ?

    Tous ces fichiers constitués, vont-ils pouvoir faire cesser un terrorisme qui tue moins que la route chaque année, comme veulent le faire croire les Etats-unis qui ont fiché des millions d'Irakiens, et quelques centaines de milliers d'Afghans ? Vont-ils servir à l'accès des misérables à une vie meilleure, comme le disent les Indiens ? Honnêtement, on est en droit d'en douter, car quel bénéfice peuvent-ils en tirer ? Le droit d'obtenir un passeport qu'ils n'auront jamais les moyens d'utiliser ?

    Ou bien vont-ils servir à autre chose, et qui correspondrait plus au tour que sont en train de prendre les évènements?

    Car il ne faut pas être dupes : les fichiers créés vont finir par recenser toutes les personnes « normales », à l'exception bien sûr des marginaux, c'est à dire tous ceux qui lutteront soit idéologiquement contre le nouveau système se mettant peu à peu en place, soit physiquement. Ils permettront de mettre au pas tous les individus, en permettant une identification immédiate, un suivi de tous les instants, et peut-être même bien pire…

    Et puisque ces puces électroniques sont capables d'être activées ou désactivées à distance, elles permettront sans doute de maintenir les individus dans les limites fixées par cette administration, sans possibilité d'échapper au regard d'un Big Brother omniscient (qui aura accès à toutes vos données personnelles telles que compte en banque, dossier médical, vie privée….), et qui vous indiquera dans un premier temps ce que vous n'avez pas le droit de faire, pour dans un second vous indiquer ce qu'il faut que vous fassiez. On peut très bien imaginer l'autorisation de procréer rendue conditionnée aux revenus, l'emploi décidé par l'administration, et bien d'autres choses encore…

    On peut même très bien penser qu'à terme on vous empêche de sortir de chez vous (comme une prison), ou même qu'on puisse vous tuer à distance… le jour où tous nous serons fichés, l'imagination de tous les dictateurs n'aura plus de limites : nous serons à la merci de celui ou de ceux qui contrôlent ces fichiers, et nous aurons alors beau jeu de parler retraites, ou développement durable… nous serons tous des esclaves potentiels, qui ne tiendront à la vie (physique ou spirituelle) que grâce à notre soumission à leur bon vouloir.

    Vous pouvez bien me considérer paranoïaque, ou ce que vous voulez, mais il ne fait pour moi aucun doute que le but de ces fichiers n'est autre que celui-ci. D'ailleurs, c'est l'histoire entière qui me soutient : quand on voit toutes les atrocités qu'ont été capables d'engendrer tous les gouvernants de cette planète au cours du temps, on ne peut que s'interroger sur leurs volontés aujourd'hui, disposant en plus de technologies susceptibles de ranger la science-fiction dans les rayons « histoire » de nos futures bibliothèques, pour peu qu'il y en ait encore.

    Que croyez-vous donc ? Que ces fichiers vont nous aider à résoudre une crise qui n'est destinée qu'à nous affaiblir pour que nous acceptions toutes les dérives actuelles , qu'ils vont permettre de résoudre une insécurité fictive provoquée artificiellement par la mainmise du pouvoir sur les médias ? Il ne s'agit plus aujourd'hui d'être de droite ou de gauche, car demain c'est ensemble que nous serons véritablement égaux, esclaves d'une minorité qui possèdera le contrôle sur nos vies… pire que ce que tous les dictateurs ont toujours rêvé.

    D'ailleurs, il faudra y repenser le jour où nous nous révolterons. Si nous n'avons rien alors à proposer, il se pourrait bien que la révolution tant désirée signe l'arrêt de mort de la liberté : car s'il est bien une chose à la quelle un fichier peut servir, c'est à la suppression de celle-ci. Et tout ce qui conduit à la mise en place de fichiers est une aubaine pour tout régime autoritaire qui désire le pouvoir. La violence serait pour eux un cadeau inestimable.

    Caleb Irri


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  • Le racisme ordinaire contre les Arabes : État des lieux d’une intolérance assumée en Europe

     
    « Toute vérité passe par trois stades : en premier lieu on la ridiculise ; en deuxième lieu on s’y oppose violemment ; enfin on l’accepte comme si elle allait de soi. »
    Schopenhauer

    Cet été est assurément l’été de tous les dangers ! Après les colères de Gaïa, voilà que refait surface et au grand jour, dans des pays qui se piquent de dicter la norme, le spectre de l’intolérance dans tous les pays européens et même aux Etats-Unis avec le feuilleton de la mosquée de Ground Zero. Pratiquement, dans tous les pays européens, Suède, Danemark, Belgique, Italie et France, l’extrême droite se sent pousser des ailes. Nouvelle particularité, le thème récurrent est de plus en plus assumé par les pouvoirs en place et est vu comme un argument de campagne, bref, c’est une machine à gagner les élections.

    L’Arabe musulman c’est le cocktail explosif on gagne à tous les coups, il n’est que de voir comme le terme de l’insécurité a fait gagner Wildes aux Pays Bas et est un thème de compagne porteur transversal en France.

    Naturellement, le thème de la xénophobie et du racisme est contagieux. Les pays arabes ne brillent pas, à titre d’exemple, par leur tolérance et le racisme est toujours en sommeil ; Pour rappel l’esclavagisme a été supprimé en Mauritanie il y a à peine deux décades. Cependant, ces mêmes pays ne s’intronisent pas donneurs de leçons et "dépositaires en ce qui concerne la norme des droits de l’Homme", qui deviennent, on l’aura compris, de plus en plus les droits de l’homme blanc chrétien. Dans cet ordre d’idées, il nous a paru important de répondre à quelques faits constatés, notamment à une interview du sieur Jean-Marie le Pen, tortionnaire de son état et député en France, que la vulgate officielle des médias français a cru bon de rediffuser en boucle pour bien leur donner des arguments visant à légitimer le discours ultrasécuritaire du pouvoir.

    Sous la plume de Seargent Pepper nous lisons : « Un documentaire daté d’avril et consacré à Jean-Marie Le Pen vient de refaire surface avec force remous. Dans une séquence pendant laquelle le vieillard rugissant aborde ses souvenirs, il lâche une de ces immondes petites phrases dont lui seul, autrefois, avait le secret : "J’ai acheté une maison de campagne pour permettre à mes enfants, qui habitaient le XVe, de voir des vaches au lieu de voir des Arabes." Le dérapage, c’est plutôt quand la droite dite républicaine ou modérée se met à mener une politique d’extrême-droite pour se maintenir au pouvoir quoi qu’il en coûte. (...)

    Aux étages supérieurs de notre société, la parole s’est libérée, le mépris a été légalisé. (..) Mais que l’on se rallie en masse derrière des étendards xénophobes pour hurler que des exceptions sont la règle, non. Que l’on se mette à croire, à l’unisson et d’un pas cadencé, que des groupes ethniques sont responsables de tous nos maux, non encore. Qu’on en oublie que nous n’avons jamais voulu intégrer ceux que nous accusons aujourd’hui de ne pas vouloir s’intégrer, non toujours. » (1)

    Un autre exemple toujours actuel Nous lisons sous la plume de Iman Kurdi journaliste d’un quotidien saoudien qui prend au mot et se livre à une explication de texte accablante des dérapages du ministre de l’intérieur lors de l’université d’été de l’UMP en septembre 2009 : « Brice Hortefeux, le ministre de l’Intérieur français, a été condamné pour injure raciale contre les Arabes. Le ministre de l’Intérieur, condamné pour injure raciale, va faire appel : il avance que ses propos auraient été mal compris. Le 4 juin, un tribunal parisien l’a reconnu coupable d’"injure non publique envers un groupe de personnes en raison de leur origine". Hortefeux a le douteux privilège d’être le premier ministre en exercice condamné pour racisme. Dans de nombreux pays, il aurait dû présenter des excuses et démissionner. »(2)

    « Mais voyons, poursuit Iman Kurdi, de quoi il est précisément coupable. Toute l’affaire tourne autour d’un jeune homme appelé Amine Brouch-Benalia. Son père est algérien. En septembre 2009, lors de l’université d’été de l’UMP à Seignosse [Landes], ce jeune militant a souhaité se faire prendre en photo aux côtés de Brice Hortefeux. Tandis que ce dernier s’exécute, on entend une femme dire au ministre : « Il [Amine] mange du porc et boit de la bière », ce à quoi Hortefeux réplique : « Ah, mais ça ne va pas du tout, alors, il ne correspond pas du tout au prototype. » Tous rient. On entend alors une autre militante signaler : « C’est notre petit Arabe. » (...)

    Tout d’abord, il y a cette femme qui nous dit avec fierté que cet Arabe mange du porc et boit de l’alcool [elle précise également qu’il est catholique]. En d’autres termes : c’est un type bien parce qu’il ne fait pas comme les autres Arabes. Il est l’exception qui confirme la règle, un « bon » Arabe au milieu de la multitude des « mauvais » Arabes.(...) Le recours au terme « prototype » suggère que les Arabes sont tous les mêmes ; sa connotation déshumanisante est avilissante. Quand le ministre déclare que « un, ça va », mais que ça commence à poser problème « quand il y en a beaucoup », non seulement il affirme que tous les Arabes sont des fauteurs de troubles, mais il confirme l’idée qu’on pourrait à la rigueur en sauver un ou deux, sur une majorité de bons à rien. En outre, il signale aux citoyens français nés de parents arabes qu’ils ne sont pas de « véritables » citoyens français. (2)

    Un autre pourfendeur heureux des Arabes est un émigré de la troisième génération, en l’occurrence, Eric Zemmour dont le père, juif natif d’Algérie, lui se veut carrément « plus royaliste que le roi ». Il en rajoute au grand bonheur de tous ceux qui règlent leur compte avec l’Arabe, voire avec le musulman par juif interposé. Hichem Hamza écrit à ce propos : (...) Alors que ses propos, relatifs aux « trafiquants, pour la plupart, noirs et arabes » ont déchaîné les passions sur le Web, sa tolérance, déclarée le même jour sur France ô, à l’égard du racisme à l’embauche, n’a pas été remarquée par les internautes.

    Une injustice médiatique qu’il était temps de réparer. (...) Loin d’être une bévue regrettable, l’attitude de Zemmour résulte davantage d’une posture réfléchie et stratégique. (...) Eric Zemmour qui affirma lors d’un débat, et sans la moindre preuve statistique à l’appui, que « 90 à 95% des mineurs délinquants sont noirs ou arabes ». (....)En cette fin d’hiver, Zemmour récidive en commettant un nouvel ouvrage, Mélancolie française, consacré à l’Histoire de France. Le titre sibyllin évoque la tristesse qui se serait emparée de la nation, affligée, de ne pas avoir accompli sa mission quasi divine, sa destinée manifeste, de succéder à l’Empire romain. (...) » (3)

    « Aux yeux du journaliste, la France de 2010 est comparable à un Empire submergé par de « nouveaux barbares » - comprenez les immigrés afro-maghrébins - qui refuseraient de se « romaniser » ou de s‘assimiler. (....) Même Jean-Marie Le Pen a estimé, que Zemmour faisait partie de ces rares journalistes, avec Elizabeth Lévy et Serge Moati, à le traiter « correctement ». (...) Défense de l’existence des races, banalisation de l’arabophobie et de l’islamophobie, nostalgie de la domination occidentale, lepénisation des esprits, apologie de la haine sous couvert de liberté d’expression (3) Dieudonné constate que, malgré son dérapage, Zemmour n’a pas été sanctionné : « Il faut être juif pour avoir la liberté d’expression en France. » (3)

    Qui sont ces Arabes et d’où viennent-ils ?

    Dès le IXe siècle av. J.-C., des textes assyro-babyloniens et hébraïques mentionnent sous le nom d’Arabes des populations parlant une langue sémitique et venant périodiquement du désert arabique vers la région syro-mésopotamienne. Puis ce nom est donné à toutes les tribus nomades de la péninsule arabique, et, à partir de l’expansion du VIIe siècle après. J.-C., il désigne les peuples nomades et agriculteurs qui adoptent cette langue. Les historiens nous assurent qu’en des temps immémoriaux, quand l’Europe en était à la préhistoire, l’Arabie était une contrée verdoyante et fertile, irriguée par plusieurs fleuves, un pays souriant où les pâturages alternaient avec les forêts. Le changement climatique survenu il y a environ dix mille ans fut important.

    La sécheresse, qui s’installa peu à peu, favorisa l’avancée du désert, déterminant ainsi un mode de vie particulier et modifiant les relations entre les peuples : aux lisières de l’Arabie, des civilisations naquirent, montèrent vers leur zénith, brillèrent d’un éclat fulgurant, puis déclinèrent...De grand royaumes surgirent ainsi et retournèrent au néant. Pourtant, des marchands qui traversaient cette contrée parlaient, parlent avec émerveillement, des royaumes qu’ils avaient traversés en faisant des descriptions enthousiastes. Par leur langue comme par leurs croyances religieuses, les Arabes font partie du monde sémitique. Le Royaume de Saba fondé dans l’Arabie du Sud-Ouest vers le XIe avant J.-C accomplit des prouesses technologiques qui dénotent un haut degré de développement.

    A partir du premier siècle après J.-C. trois peuples se trouvent sous la souveraineté d’un même roi : les Sabéens, les Hymiarites et un troisième peuple habitant l’Arabie méridionale converti au judaïsme. Les langues sémitiques (araméen, arabe, hébreu,) écrit Chouikha forment un groupe de langues parlées depuis la plus haute Antiquité au Moyen-Orient, au Proche-Orient ainsi qu’en Afrique du Nord. L’araméen apparut vers 850 avant J.-C. en Syrie, et dès le VIe siècle fut utilisé comme Linga franca de l’Égypte à l’Afghanistan. (4)

    Le fameux appel du Christ sur la croix en araméen : « Ya Ilahi, Ya ilahi, limasabaktani » que les Chrétiens ânonnent sans comprendre, un locuteur de la langue arabe le comprend aisément : « ô Mon Dieu, ô Mon Dieu, Pourquoi m’as-tu abandonné ! ». Littéralement [Pourquoi Tu as pris de l’avance sur moi]. L’arabe est une langue très riche ; les Arabes se vantent, d’avoir 80 mots pour désigner le miel, 500 pour le lion, 1000 pour le chameau et l’épée.

    Le vocabulaire comprend 60.000 mots. La latinisation des noms des penseurs musulmans montre leur influence auprès des savants européens : Ibn Sina Avicenne, Ibn Tufayl Abubacer, Ibn Bajjah Avempace. Les califes abbassides créent au début du IXe siècle une académie de traduction appelé Bayt al Hikma (Maison de la sagesse) à Bagdad et envoient des émissaires à Byzance pour acquérir les manuscrits grecs à prix d’or. (...) Parmi les traducteurs fameux, on peut mentionner au IXe siècle le médecin Hunayn ibn Ishaq (Johannitius) qui transcrit les corpus médicaux d’Hippocrate et de Galien, qui serviront de base au Canon de la médecine d’Avicenne qui sera lui-même traduit en latin et fera autorité durant cinq siècles. (...) (4)

    Malgré ces évidences on constate déjà que dès le XIXe siècle des thèses racistes de la supériorité de l’homme blanc de religion chrétienne apparaissent. Ernest Renan s’en était fait le chantre dans « L’avenir de la science » :« On parle souvent d’une science et d’une philosophie arabes, et, en effet, pendant un siècle ou deux, au Moyen âge, les Arabes furent bien nos maîtres, mais c’était en attendant que nous connussions les originaux grecs. (...) » (4)

    S’agissant justement de cette langue arabe, Jacques Berque le fin connaisseur de l’islam et de la langue arabe, explique que la fonction de la langue, pour les Arabes, est différente, supérieure à celle qu’elle remplit pour les Occidentaux : « (...) Non seulement elle exprime et suggère, mais elle guide, transcende. » (...) Il donne un exemple : ainsi, en arabe, les mots se rapportant à l’écrit dérivent tous de la racine k.t.b. : Maktûb, maktab, maktaba, kâtib, kitâb. En français, ces mêmes mots sont : écrit, bureau, bibliothèque, secrétaire, livre.

    Les mots français sont tous les cinq arbitraires, mais les mots arabes sont, eux, « soudés, par une transparente logique, à une racine, qui seule est arbitraire ». « Alors que les langues européennes solidifient le mot, le figent, en quelque sorte, dans un rapport précis avec la chose, que la racine n’y transparaît plus, qu’il devient, à son tour, une chose, "signifiant" une chose, le mot arabe reste cramponné à ses origines. Il tire substance de ses quartiers de noblesse. » (5)

    On estime justement que la langue française compte plus de 480 mots provenant de l’arabe. De même on estime qu’il y a environ 4000 mots espagnols empruntés à l’arabe. Des douzaines d’étoiles ont une étymologie arabe. Le plus notable des ouvrages Le livre des Etoiles fixes est dû à Abd al-Rahman al-Sufi (Azophi en Occident). Qu’en est-il justement de l’arabe et de sa destinée en France ? L’enseignement de la langue arabe est ancien sur le territoire français. Il remonte dit-on à l’époque de François 1er.

    Bien plus tard, l’agrégation d’arabe fut créée en 1905. L’enseignement de l’arabe était essentiellement lié au phénomène colonial et à la politique du « diviser pour régner ». Ainsi, le maréchal Lyautey écrivait dans une circulaire de 1925 : « Nous n’avons pas à enseigner l’arabe à des populations qui s’en sont toujours passé. L’arabe est facteur d’islamisation, puisqu’il est la langue du Coran, et notre intérêt nous commande de faire évoluer les Berbères hors du cadre de l’Islam. » Après la décolonisation, la langue arabe continua d’être enseignée et en 1975 le Capes d’arabe fut créé. Dans le courant des années 1990, l’enseignement de l’arabe devient victime de choix idéologiques. En 2005, la session du Capes d’arabe a été supprimée.

    L’Education nationale en France considère que l’arabe est une langue étrangère, bien qu’elle soit usitée dans les familles, dans les cages d’escaliers, dans les quartiers. Elle domine dans les banlieues, dans les prisons. L’arabe en France est la langue des sous-scolarisés et des savants. Pourtant, la langue arabe ne peut pas être considérée comme une langue « rare » puisqu’elle est parlée par plus de 350 millions d’individus dans le monde. L’âge d’or de la langue arabe c’est aussi l’âge d’or de la science et de la technologie musulmanes dont les plus grands auteurs étaient arabophones sans être arabes. Maïmonide écrivit son livre Dellalat el haïrin, (Le guide des égarés) en arabe et non en hébreu.

    L’horloge et les lévriers

    La recherche d’un bouc émissaire en fonction de son appartenance religieuse ou ethnique est vieille comme la civilisation et elle n’est que le produit des frustrations de ceux qui cherchent des réponses rapides et simples, en tout cas à faible risque, face au véritable mal qui les ronge : le racisme. Ce « fond rocheux » qui sommeille dans l’inconscient de cet Occident imbu de sa « pureté du sang », « limpeiza de sangre » et seul habilité à gouverner le monde. Elles ne comprennent pas que l’infortune et les hasards de l’histoire peuvent les amener à la même condition qu les Arabes actuels eux qui furent les héritiers paresseux d’une civilisation qui éclairait le monde. Bagdad était illuminée quand l’Europe émergeait aux temps historiques.

    On raconte que Haroun Er Rachid envoya comme présent à Charlemagne vers l’an 800 une horloge à eau ; une clepsydre. Charlemagne lui aurait envoyé en retour des lévriers. D’un côté, les premières horloges du monde révolution technologique majeure s’il en est, de l’autre des lévriers... ! Non, les Arabes n’étaient pas des barbares ! Ce plaidoyer pour raison garder, n’a nullement pour ambition de contribuer à un retour en grâce [j’aurai convoqué d’autres arguments spécifiques à la décharge de ces Arabes Algériens qui étaient de toutes les compagnes de la France pendant plus d’un siècle, leur nationalité française actuelle, il ne la tienne pas, certes, du du droit du sang comme le français de souche, mais du droit du sang versé...] ;

    On ne peut être naïf à ce point mais simplement pour témoigner que les Arabes sont ce qu’ils sont avec leurs parts de lumière et d’ombre aux même titre que les autres humains, ni plus ni moins . Par ailleurs, face à l’immensité des défis de tout ordre qui menacent la Terre, cet Occident ne comprend pas que l’humanité est une, elle est issue d’une Eve quelque part dans la Corne de l’Afrique, il y a de cela sept millions d’années.

    Pr Chems Eddine CHITOUR
    Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz

    1. Sergeant Pepper : Les boutades sur les Arabes me font rire... Agoravox 27 août 2010

    2. Iman Kurdi : Brice Hortefeux se moque des Arabes. Arab News15.06.2010

    3. Hicham Hamza : De quoi Zemmour est-il le nom ? Site Oumma.com.10 mars 2010.

    4. Chouikha:La langue arabe, son histoire, son originalité:Agoravox 25 juin 2010

    5. Jacques Berque : Les Arabes. Editions du Seuil 1959, Réédition , 1970

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