• Un conte sur le capitalisme

    Jordi SOLER ALOMA

    Sur la planète Ómniun vivaient quatre habitants seulement. Chacun d’eux possédait une zone de la planète. Ils n’avaient pas de besoins physiques, car leur organisme était un circuit clos.

    Dans la zone où vivait Admetus il y avait de petits cailloux de couleur bleue, tous de même taille et de même forme, avec lesquels il faisait des mosaïques sur le sol ce qui lui procurait un très grand plaisir esthétique. Dryads faisait de même, mais avec des cailloux de couleur verte, et de son côté Nyx en faisait tout autant avec des cailloux rouges tout comme Syrinx avec des cailloux jaunes.

    Un jour, Admetus rêva qu’il faisait une mosaïque avec des cailloux de différentes couleurs et ce rêve l’impressionna énormément. Il se réveilla tout bouleversé et réfléchit : comment puis-je me procurer des cailloux d’autres couleurs ? Il s’en alla voir Dryads et lui raconta son rêve qui impressionna ce dernier également beaucoup. Alors, il lui demanda quelques-uns des cailloux de couleur verte qu’il possédait. Dryads lui répondit qu’il devait aller les chercher dans une grotte et que cela lui prendrait un certain temps. Admetus lui répondit qu’il attendrait le temps nécessaire.

    Dryads se dirigea donc vers sa grotte, mais en chemin il pensa que lui aussi il aimerait bien faire une mosaïque de plusieurs couleurs et que puisqu’il rapporterait à Admetus des cailloux, ce dernier pourrait bien en faire tout autant pour lui-même. Lorsqu’il fut de retour avec une douzaine de cailloux, il dit à Admetus qu’il voulait des cailloux bleus. Admetus fut d’accord et lui dit qu’il ne tarderait pas longtemps. Au bout d’une demi-heure, il revint avec douze cailloux bleus. Dryads resta songeur un moment. Il avait mis quatre heures pour rapporter douze cailloux alors qu’Admetus n’avait mis que trente minutes.

    Dryads fit un rapide calcul et expliqua à Admetus que s’il avait obtenu 12 cailloux en 30 minutes, chaque caillou avait requis 2,5 minutes. De sorte que dans le temps nécessaire à Dryads pour obtenir un caillou vert, Admetus, lui, avait obtenu 8 cailloux bleus. Admetus, chagriné, convint qu’il avait raison et échangea 8 cailloux bleus contre 1 caillou vert. La première transaction économique de la planète Ómnium venait d’avoir lieu.

    Ce que venaient de faire Dryads et Admetus c’était calculer la valeur de leurs cailloux respectifs en fonction du temps nécessaire pour les obtenir. Il était par conséquent établi que :

    8 cailloux bleus = 1 caillou vert.

    Du point de vue d’Admetus, les 8 cailloux bleus n’avaient pas d’autre valeur que le fait d’avoir investi un certain temps pour leur obtention, alors que le caillou vert possédait la valeur de pouvoir être utilisé comme élément innovant dans sa mosaïque : c’est-à-dire qu’il avait une « valeur d’usage ». Admetus voyait dans cette « valeur d’usage » le reflet de ses 8 cailloux bleus (c’est-à-dire, la « valeur d’échange » de ses cailloux bleus s’exprimait dans la « valeur d’usage » du caillou vert). Cette relation donnait à un caillou vert la qualité d’être l’équivalent de 8 cailloux bleus, c’est-à-dire conférait à un caillou vert la propriété d’être directement échangeable contre 8 cailloux bleus, d’être par conséquent le miroir dans lequel les cailloux bleus pouvaient voir l’image de leur valeur (invisible autrement).

    Admetus avait, en outre, besoin de cailloux rouges et jaunes pour réaliser la mosaïque de son rêve. Il rendit donc visite à Nyx et à Syrinx avec qui il établit respectivement que :

    4 cailloux bleus = 1 caillou rouge
    2 cailloux bleus = 1 caillou jaune

    Comme il leur manquait encore les concepts pour se référer à ces nouvelles situations qu’ils venaient de créer, ils nommèrent cette façon de mettre les cailloux bleus en rapport avec les autres cailloux pour fixer leur valeur « forme relative de la valeur », et la propriété que possédaient les autres cailloux de refléter la valeur (autrement invisible) des cailloux bleus « forme équivalente ». Désormais, ils possédaient une grille pour la valeur des cailloux bleus :

    1 caillou vert
    8 cailloux bleus = 2 cailloux rouges
    4 cailloux jaunes

    Ils nommèrent cette liste : « forme dépliée de la valeur » et ils nommèrent le procédé précédent pour le distinguer de celui-ci : « forme simple ».

    Dès lors, tous les cailloux reflétèrent leur valeur en cailloux bleus. Cela convertit les cailloux bleus en l’équivalent universel, de sorte que chacun voulait posséder des cailloux bleus pour pouvoir les échanger sans aucune difficulté contre des cailloux d’autres couleurs. Ils nommèrent cette norme établie pour l’échange « forme argent » et les cailloux bleus commencèrent à prendre le nom d’« argent » au lieu de cailloux bleus.

    Admetus finit sa mosaïque. Il n’eut plus besoin d’autres cailloux. Cependant, les trois autres étaient encore en pleine réalisation de leur mosaïque. Il advint soudain qu’Admetus ressentit une immense paresse et lorsque les autres vinrent échanger leurs cailloux il leur dit qu’il n’en avait plus en magasin, mais il leur proposa un marché : Admetus les autorisait à pénétrer dans sa zone pour y chercher des cailloux bleus, mais à deux conditions : a) : ils devaient le faire selon un horaire déterminé, et b) : ils déposeraient tous les cailloux dans l’entrepôt d’Admetus et lui, Admetus, leur remettrait des petits rectangles de papier portant inscrite la quantité déterminée de cailloux bleus qu’ils représentaient et, en outre, en guise de compensation, chacun d’eux devrait réaliser une copie de sa propre mosaïque dans la zone d’Admetus.

    On convint aussi d’une clause de sécurité : Admetus pourrait devenir propriétaire de la zone de la planète appartenant à celui qui ne respecterait pas ce pacte. Comme les papiers d’Admetus remplacèrent ses cailloux en tant qu’équivalent, on commença à leur donner le nom d’« argent » (alors qu’en réalité ce n’étaient que des bouts de papier rectangulaires avec un nombre imprimé dessus). L’action d’échanger des bouts de papier contre des cailloux fut appelée « acheter » et l’action d’échanger des cailloux contre des bouts de papier fut appelée « vendre ». Le fait d’utiliser les cailloux dans la mosaïque s’appela « consommation ». La quantité de bouts de papier (argent) que chacun recevait en échange de son action de ramassage de cailloux fut appelée « salaire ».

    Admetus comprit l’énorme pouvoir sur les autres que lui conférait le fait d’être l’émetteur de l’argent et le propriétaire des cailloux bleus. Il commença à en user pour s’amuser aux dépens des autres. La première chose qu’il fit ce fut d’acheter tous les cailloux jaunes que possédait Syrinx et il les vendit plus cher aux autres. Il en fit autant avec les cailloux d’autres couleurs. Finalement, tous les cailloux de la planète aboutirent dans l’entrepôt d’Admetus qui les disposa sur des présentoirs avec un numéro qui représentait le coût de chaque caillou (ce numéro fut appelé « prix »). Admetus fixa arbitrairement des prix élevés pour tous les cailloux, en même temps qu’il baissa les salaires de sorte que les autres furent incapables de respecter la clause de sécurité si bien qu’Admetus devint le propriétaire de la totalité de la planète. Désormais, il possédait tout. Que pouvait-il désirer de plus ? Il ne lui restait qu’une passion : accumuler (même au prix de la soumission des autres à l’esclavage salarial).

    Nota : le lecteur est libre d’imaginer les prolongements ultérieurs du conte.

    Jordi Soler Alomà
    Rebelión
    http://www.rebelion.org/noticia.php...

    traduit par Manuel Colinas pour InvestigAction http://www.michelcollon.info/


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  • 18 Joint 2010

    Pour le quarantième anniversaire de la loi sur les stupéfiants, plus connue sous le nom de « Loi de 70 », le CIRC appelle les amateurs du cannabis et leurs amis à participer massivement à « l’Appel du 18 joint ».


    sticker_18joint_2010.jpg


    Alors que la société a évolué, que le cannabis est intégré dans la vie de nombreux citoyens de tous les âges et de toutes les classes sociales aux quatre coins de la France, la seule réponse que le gouvernement donne à nos propositions pragmatiques, c’est la répression.
    Saviez-vous qu’en 2009, 83 673 personnes ont été mises en garde-à-vue pour stupéfiants, dont 54 171 pour simple usage ?

    Si vous voulez que le gouvernement prenne en compte nos justes revendications, la dépénalisation de l’usage de toutes les drogues et la légalisation du cannabis, il faut que nous soyons nombreux, partout en France, pour dire NON à la politique sécuritaire de Sarkozy. 

    Rendez-vous vendredi 18 juin à 18 heures à Paris sur la pelouse du  parc de La-Villette pour l'Appel du 18 joint !

     

    18 JOINT 2010

     

    Venez nombreux !!!

     et n'hésitez pas à imprimer et distribuer ce tract :

     tract2010


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  • Lettre ouverte aux Extra-terrestres (Rebelion)

    Koldo Campos Sagaseta ici

    Chers Extraterrestres,

    J’ignore si cette cinquième lettre que je vous écris arrivera finalement jusqu’à votre soucoupe volante, mais si c’était le cas, je vous prie de bien vouloir prendre en considération ma proposition très réfléchie et d’agir en conséquence.

    Il est superflu de vous avouer que je n’accorde absolument aucune importance à votre répugnante viscosité ou à vos écailles vertes repoussantes, à vos antennes disgracieuses ou à n’importe quel autre trait de votre aliénigène apparence plus ou moins dégueulasse. Je ne connais que trop d’êtres humains, sur cette malheureuse planète, qui bien qu’ils arborent une mine plus avenante, sont cependant beaucoup plus nauséabonds que vous.

    Et si finalement vous décidez de nous envahir, ne vous souciez nullement, non plus, de me convaincre que vos déplorables intentions sont dignes de louanges et de respect, car je sais aussi comment certains humanoïdes, soi-disant civilisés, dissimulent sous des discours lénifiants et de vertueuses proclamations les plus viles et scélérates conduites. Malgré votre nature végétale, vous rougiriez si vous saviez quelles infamies sont capables de commettre et de renouveler tous ces gens qui se proclament chrétiens dévots et démocrates progressistes.

    Pour toutes ces raisons, je vous presse de vous décider à attaquer la Terre et puisque le signataire de la présente est un citoyen conscient et responsable de ses actes, je me mets à votre disposition pour tout ce que vous jugerez bon de me demander, sans nullement solliciter la moindre récompense, ni indemnité, ni bénéfice, ni promesse d’aucune sorte que — je le sais — vous ne tiendrez pas.

    J’ai même créé une « plateforme (1) » d’intellectuels et de maîtres à penser qui, en échange de quelques gratifications comme des statuettes (genre Oscar ou César ou Victoires), de quelque Prix de quelque chose… et de quelques micros vers eux complaisamment tendus, se sont prêtés, de bon gré, à cosigner la présente lettre et à vous souhaiter la bienvenue.

    Si pour envahir la Terre, vous avez besoin de divers prétextes ou mandats délivrés par quelque organisme intergalactique, je suis en mesure de vous offrir les excuses qui vous plairont le plus ainsi que l’assurance qu’aucune d’elles n’est nécessaire.

    De toute façon, vous pourrez toujours alléguer que les États-Unis ont refusé de respecter les résolutions du Conseil de Sécurité de la Constellation Mongo-22, ou que le régime de Washington dispose et cache de terribles arsenaux d’armes de destruction massive, ou que le Boucher de Tel-Aviv s’est allié au maléfique calife du Quadrant Ganga, ou, simplement, qu’il empêche la présence, sur son territoire, des inspecteurs mongos de l’Etoile Watatao.

    Vous pourrez également prétexter que vous nous envahissez pour assurer votre propre sécurité et que vous opérez, donc, en totale légitime défense, car vous vous sentez menacés, ou que vos bombardements sont humanitaires et que vos commandos aliénigènes sont en mission de paix.

    De toute façon, je vous prie, mes chers Aliénigènes, de laisser tomber sur nous dès que possible vos chapelets de bombes à fragmentation intelligentes, sans vous soucier le moins du monde des dommages collatéraux éventuels, puisque la fin justifie n’importe quel moyen criminel, et de procéder — avec la précision requise par l’extrême justice — à votre prophylactique nettoyage, car quel que soit le nombre de civils innocents qui mourront carbonisés par vos rayons Gamma de dernière génération, vous ne ferez rien de plus que ce que les États-Unis, l’Europe et Israël font déjà avec persévérance et une totale impunité.

    Si les fringants porte-drapeaux de la démocratie et de la liberté peuvent tuer au nom de la vie et faire la guerre au nom de la paix, vous aussi, Extraterrestres de mon cœur, vous avez le droit de déguiser vos génocides sous les mêmes prétextes et ce n’est pas votre serviteur qui vous en fera reproche. Bien au contraire, je vous confirme que vous trouverez toujours en moi un collaborateur dévoué qui obéira à vos ordres.

    Oui, je vous en supplie, le jour où vous déciderez de laisser atterrir vos vaisseaux spatiaux sur cette planète, terminez avec soin la besogne, ne laissez rien pour le lendemain et, si possible, commencez votre opération « Dératisation Terre » par la Maison Blanche ou par Israël, même s’il est vrai que commencer par l’Europe ce serait bien aussi. N’oubliez pas, je vous prie, les sièges de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International et, tant qu’à faire, si ça ne chamboule pas trop votre plan de campagne, ne renvoyez pas à plus tard le nettoyage des Nations-Unies et du siège de l’OTAN.

    Je vous remercie de m’avoir prêté attention et je baise respectueusement vos écailles ou quoi que vous ayez sur le dos.

    Koldo Campos Sagaseta

    Carta pública a los extraterrestres
    http://www.rebelion.org/noticia.php...

    Traduction M. Colinas

    (1) Allusion transparente à la récente opération de propagande anti-cubaine dite « plateforme pour la démocratistion de Cuba" mise sur pied à l’initiative d’un groupe d’écrivains et d’artistes de la droite espagnole la plus réactionnaire…


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  • La confiscation du pouvoir politique

    Selon la célèbre formule attribuée à Abraham Lincoln « la démocratie c’est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ». Cette maxime pose une double exigence : le gouvernement doit être organiquement associé au peuple d’une part et il doit œuvrer dans le sens de l’intérêt général d’autre part.

    Dans aucun pays capitaliste, il n’existe de démocratie au sens plein du terme. Le pouvoir est invariablement détenu et transmis au sein d’un groupe particulier. Toute une partie de la population se trouve exclue des appareils de pouvoir au bénéfice d’une classe privilégiée qui s’arroge un monopole de savoir, d’éducation, et de la sorte de direction politique et économique.

    Il y a un transfert de la souveraineté de la majorité à une minorité qui défend ses intérêts spécifiques.

    Dans l’idéal démocratique tel que perçu par Spinoza, l’individu transfert à la société « toute la puissance qui lui appartient de façon à ce qu’elle soit seule à avoir une souveraineté de commandement ». Cet Etat est démocratique en ce sens que chacun concède son pouvoir décisionnel non à un autre individu, ou à groupe déterminé, mais à la société dont il constitue une composante.

    Le système représentatif, dans sa forme actuelle, favorise a contrario la confiscation du pouvoir par une classe qui assure sa reproduction en même temps que la domination du capital sur le travail. Pour Noam Chomsky, « la démocratie requiert une classe d’élite pour s’occuper de la prise de décisions et fabriquer l’assentiment de l’ensemble de la population envers des politiques qui sont supposées dépasser ce qu’elle est capable de développer et de décider par elle-même ».

    Le suffrage universel ne représente pas l’acte citoyen par excellence mais sa parfaite négation ; dans l’urne, l’électeur se dessaisit de son pouvoir politique jusqu’à la prochaine échéance électorale. Qu’il vote ou qu’il s’abstienne, le système prétend avoir donné à chacun l’occasion d’exprimer sa volonté. Paradoxalement, le vote n’est pas le moment de l’irruption dans l’arène politique de la société entière mais celui de sa dépossession.

    Ce qu’on nomme démocratie devrait être nommé en toute rigueur, pour reprendre l’analyse d’Alain Badiou, de capitalo-parlementarisme. Le capitalo-parlementarisme n’est pas un espace de conflictualité, entre mouvements hégémoniques et mouvements contre-hégémoniques, mais un lieu qui institue l’ordre bourgeois et gère l’existant. C’est certes un système multipartiste mais à caractère uniclassiste. La qualification de « démocratie » pour un tel système n’est qu’une mystification aliénante.

    Les citoyens n’ont pas dans les faits la même faculté d’agir réellement en politique, ce que confirme la répartition sociale inique du parlement français.

    Désarmé matériellement culturellement, le prolétariat n’a pas la possibilité d’accéder aux leviers du pouvoir. Déjà Aristote était conscient de l’intérêt de maintenir le peuple à l’écart des affaires publiques : « Il est aussi dans l’intérêt d’un tyran de garder son peuple pauvre, pour qu’il ne puisse pas se protéger par les armes, et qu’il soit si occupé à ses tâches quotidiennes qu’il n’ait pas le temps pour la rébellion ».

    Selon une étude récente de l’observatoire des inégalités, employés et ouvriers représentent la moitié de la population active, mais à peine 6 % des députés. De plus, ces élus d’extraction sociale ouvrière ou employée n’exercent plus leur profession d’origine depuis de longues années. A l’inverse, les cadres et professions intellectuelles supérieures représentent 59 % de l’ensemble. Avec les professions libérales, ils forment les trois quarts des députés.

    Les dynasties politiques sont l’expression la plus manifeste de ce phénomène de reproduction des élites. Les lignées politiques révèlent majestueusement les vices du système électoral, la compétence réelle ne constituant pas une exigence pour être élu. En pratique, le système intronise les plus habiles en communication-manipulation, pourvus des fonds nécessaires pour se faire valoir. A ce jeu, les héritiers, tout imprégnés de la culture du pouvoir, ont la faculté de compter sur les ressources et les relais sociaux de leurs parents.

    Il y a des dynasties politiques aux Etats-Unis comme en Europe, en Afrique comme en Asie ; au niveau national comme au niveau local. Ce phénomène concerne autant le Gabon de Bongo, l’Inde de Gandhi, que la Belgique où les mandats politiques se lèguent de père en fils. Aux Etats-Unis, les aristocraties électives sont légion : Roosevelt, Kennedy, Bush, Clinton,…

    Le ferment de l’ambition politicienne est l’alliance entre les milieux politiques, économiques et financiers. Il y a en effet une corrélation étroite entre la puissance financière et le pouvoir politique, l’une alimentant l’autre.

    L’institution parlementaire est la forme de gouvernement la plus aboutie pour assurer l’hégémonie de la bourgeoisie et priver le peuple de sa prétendue souveraineté. Karl Marx considérait l’Etat comme le résumé officiel de l’antagonisme de classes, comme un instrument d’oppression visant à assurer la domination d’une classe sociale sur une autre dans un mode de production donné. Le système électoral ne sert qu’à sélectionner parmi les membres de la classe dominante lesquels exerceront les fonctions dirigeantes. Dans tous les cas de figure et quelles que soient les résultats des élections, c’est la bourgeoisie en tant que classe qui triomphe.

    On ne peut réduire la démocratie à un procédé et confondre ainsi moyen et fin. Pour réaliser la démocratie, il ne faut pas seulement que les décisions soient prises en accord avec la majorité mais qu’elles soient prises pour la majorité. La démocratie ne peut trouver son accomplissement que dans une société où les hommes, librement associés, autodéterminent leurs finalités et exercent activement leur souveraineté, sans s’en faire dépouiller par d’insidieux dispositifs politiques.

    Emrah KAYNAK Ici


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  •   COMMUNIQUÉ DES FATALS FLATTEURS. ICI 1e9fc83ca7f8e6c3e2f3feb06d6b3f6f.png

    A l’heure où l’époux d’Arielle Dombasle, parfois appelé BHL, est l’innocente victime d’une campagne de presse organisée par les ennemis de la philosophie et de la liberté, les Fatals Flatteurs déclarent qu’ils n’ont rien à voir avec les flots de messages louangeurs publiés par des fans sur le site officiel de BHL (www.bernard-henri-levy.com/c...). En effet, ces courriers contiennent un taux d’encens susceptible de provoquer de graves intoxications (botuliques) chez des lecteurs habitués à des textes rationnels. Pour preuve, cet échantillon :

     

    Le 10/02/2010 sur le site Nouvel Observateur, Jean Daniel défend Bernard-Henri Lévy « ce glorieux cadet qui se rêve à la fois l’héritier de Malraux, de Levinas et de Brummell, et assume avec une élégance provocatrice son dandysme philosophique ».http://www.bernard-henri-levy.com/j...

    Emmeline 11 Feb 2010 09:54:36 
    Merci à Jean Daniel pour ses mots simples et justes. Il est rassurant que la voix de la sagesse s’exprime.

    alexandre 11 Feb 2010 10:09:56 
    Jean Daniel vient d’écrire l’essentiel. Je trouve que ceux qui se gaussent de BHL pour un canular anodin feraient mieux d’essayer d’être à la hauteur de son oeuvre qui nous donne des outils pour comprendre le monde.

    Juliette 12 Feb 2010 07:12:44 
    Dans une librairie parisienne ce jeudi soir : je vois une pile de « pièces d’identité, une pile de « De la guerre en philosophie » et une pile de « livres » de « Botul ». J’ai regardé les gens faire pendant une heure : tous se précipitaient sur les livres de BHL. Cela montre que l’oeuvre de BHL est reconnue pour son importance et son originalité.

    Lucie 12 Feb 2010 08:52:14 
    Heureusement que nous avons BHL pour penser la complexité du monde dans lequel nous vivons !

    patrick 15 Feb 2010 09:12:22 
    J’ai eu la chance d’écouter Jean Daniel aux Collège des Bernardins la semaine dernière. Cet homme est un trésor national vivant (comme on dit au Japon). Son témoignage en faveur de Bernard-Henri Lévy est largement suffisant pour mettre fin à la campagne de calomnie dont Bernard-Henri Lévy est victime.


    Le 10/02/2010 Christophe Barbier, le directeur de L’Express, soutient fermement BHL dans l’émission « Arrêt sur image ». http://www.bernard-henri-levy.com/c...

    corinne 12 Feb 2010 14:09:49 
    Il est rassurant d’entendre des journalistes de qualité soutenir Bernard-Henri Lévy. Cette affaire Botul est comme un révélateur : on peut voir et entendre ceux qui soutiennent BHL d’un côté et de l’autre le clan des aigris, des grincheux et des acrimonieux qui attaquent BHL.

    Sylvie 15 Feb 2010 08:20 
    Je suis heureuse pour la démocratie de voir que des hommes de qualité comme Jean Daniel et Christophe Barbier défendent courageusement BHL face aux marxistes hargneux et sans talent.


    Le 11/02/2010 BHL « avoue » dans son bloc-notes du Point « éprouver un certain plaisir à [s]’être laisser piéger, à mon tour, par une mystification aussi bien ficelée ».http://www.bernard-henri-levy.com/v...

    Claudia 11 Feb 2010 13:27:24 
    On peut se demander si l’importance donnée par certains au canular Botul n’a pas pour objectif de détourner les gens des vraies questions que pose BHL et notamment celles sur le voile.

    Hélène 11 Feb 2010 15:23:10 BHL réagit avec Panache au canular Botul. Ses ennemis se comportent en vautours. Merci BHL [pour] votre sens de l’understatement.


    Le 11/02/2010 « La règle du jeu », la revue de BHL, met en ligne un texte du faux impertinent Fernando Arrabal. Comme l’écrit la webmistress du site officiel de BHL « Dans la fosse aux vipères qui s’agitent, ces jours ci, autour de Lévy ce sont des lignes rafraîchissantes ».http://www.bernard-henri-levy.com/a...

    Internaute 11 Feb 2010 15:01:20 
    Les gens qui se moquent de BHL sont de piètres personnes qui ne réalisent pas à quel point BHL a dédié sa vie à la défense de la démocratie dans le monde.

    Cynthia 11 Feb 2010 15:04:53 
    Je tiens à compléter mon premier message en faisant remarquer qu’il est d’un total ridicule que de vouloir réduire les milliers de pages pleines de bruit et de fureur de BHL à un canular.

    Marina 11 Feb 2010 15:50:22 
    En parfait judoka BHL a su retourner la situation dans laquelle ses détracteurs croyaient l’enfermer : BHL a réussi à mettre les rieurs de son côté et à montrer la hargne de ceux qui lui envient son immense talent.

    Marie-Christine 12 Feb 2010 11:15:33 
    Je trouve que BHL a un sens de l’humour génial. Ce n’est pas le cas de ceux qui le traînent dans la boue. BHL symbolise ce que la pensée peut faire de grand.

    Anne 12 Feb 2010 12:25:34 
    Conversation entendue ce matin dans le métro (station Odéon) entre une jeune femme et son ami : « les livres de BHL me font vibrer car BHL est un homme en perpétuelle quête de vérité ». Il est évident que les détracteurs de BHL sont incapables de susciter un enthousiasme comme BHL.

    Christelle 12 Feb 2010 13:24 
    L’affaire Botul est un cas d’école : ceux qui pensaient discréditer BHL se discréditent eux-mêmes car ils n’ont pas 1% de l’humour dont fait preuve BHL.

    Jocelyne 15 Feb 2010 08:05:56 
    BHL parle quand les couards se taisent. 
    BHL agit quand les peureux se cachent. 
    BHL s’engage quand les craintifs esquivent. 
    BHL philosophe quand les serviles s’aplatissent.

    Anne-Charlotte 15 Feb 2010 08:49:52 
    Pascal dit quelque part : La vraie philosophie se moque de la philosophie. BHL est donc un vrai philosophe, peut-être le seul vrai philosophe de notre époque.

    Evelyne 15 Feb 2010 10:04:07 
    Salut à toi BHL ! Grâces te soient rendues pour ton impassibilité dans le tourbillon médiatique. Tu as une vraie vision du monde qui te permet d’avancer imperturbablement. Dans dix ans, dans trente ans, qui se souviendra des pauvres types qui tentent de te faire taire depuis trente cinq ans ? Je compte sur toi pour que tu continues à porter haut l’étendard de la liberté.


    Le 11/02/2010, dans Libération dont BHL est actionnaire et membre du conseil de surveillance, Robert Maggiori rend compte des deux nouveaux livres de BHL. http://www.bernard-henri-levy.com/d...

    Marie-Hélène 15 Feb 2010 15:24:58 
    Il y a, quoiqu’en disent les mauvais oiseaux, une manière BHliènne de philosopher à coups d’analyses, de fulgurances et d’éclairs. Avec BHL on y voit plus clair.


    Le 13/02/2010 BHL est l’invité du « Journal inattendu » de RTL. A cette occasion BHL convie Maria de França, rédactrice en chef de La règle du jeu, la revue de BHL. http://www.bernard-henri-levy.com/b...

    Estelle 15 Feb 2010 11:10:51 
    J’ai eu le privilège d’entendre Bernard-Henri Lévy chez Harry Roselmack. BH Lévy a un réel talent de journaliste et ses propos mettent l’actualité en perspective.


    Le 13/02/2010 « le Figaro magazine » publie un portrait de BHL dans lequel on apprend qu’« alors qu’il était en pleine campagne américaine pour la sortie de l’un de ses livres, BHL s’est (...) engouffré dans un avion pour aller embrasser sa fille qui venait d’accoucher à Paris ».http://www.bernard-henri-levy.com/b...

    Anna 15 Feb 2010 13:09:39 
    Quand on s’intéresse à la vie et à l’oeuvre de BHL on se rend compte qu’il a fait de sa vie une oeuvre d’art.

    Stéphanie 15 Feb 2010 14:32:59 
    Bonjour Liliane. Je suis en terminale et je trouve votre site très complet. BHL est pour moi un excellent initiateur à la philo (même si mon prof de philo ne comprend pas ce que je lui trouve à BHL). Que puis-je faire pour vous aider dans l’aventure de votre site ?

    Florence 15 Feb 2010 15:50:34 
    L’éthique et l’esthétique de Bernard-Henri Lévy sont les deux faces d’une médaille solaire.


    Le 13/02/2010, Libération, dirigé par Laurent Joffrin, publie un entretien-fleuve avec son actionnaire BHL. http://www.bernard-henri-levy.com/l...

    Constance 15 Feb 2010 10:43:49 
    Il y a un logiciel BHL qui fournit la compréhension de l’histoire en train de se faire. C’est éblouissant !

    Bathilde 15 Feb 2010 11:01:08 
    Oui, les livres de BHL sont des armes contre les barbares. Ses livres, ses pensées, ses concepts nous offrent des moyens de combattre les barbares polymorphes qui nous assaillent.

    Pauline 15 Feb 2010 12:42:17 
    Je trouve très courageux de sa part que BHL laisse passer sur son site des commentaires qui lui sont très hostiles. C’est aussi l’occasion de voir que ceux qui le détestent n’ont rien à proposer.



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  • Rapport annuel de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS)

    La suppression de la CNDS sera débattue au Sénat le 27 mai.

    Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité

     

     

    Rapport 2009 remis au Président de la République et au Parlement

    « La garantie des droits de l’Homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l’avantage de tous et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. » Article 12 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen

    http://www.cnds.fr/


    Extraits du dossier de présentation du rapport :
    http://www.cnds.fr/

    Les avis 2009

    Police et gendarmerie nationales

    FOCUS SUR LA GARDE A VUE

    S’agissant d une question éminemment d actualité, la Commission nationale de déontologie de la sécurité a estimé utile de faire un point sur la garde à vue, mesure à la fois nécessaire et attentatoire à la liberté individuelle et qui a connu une progression importante puisque, selon le ministère de l’Intérieur, près de 600 000 personnes ont été placées en garde à vue en 2009, ce chiffre ne tenant compte ni des mesures en outre-mer, ni de celles découlant des infractions routières.

    Une fois encore, la CNDS a été conduite à constater des manquements graves à la déontologie relatifs à la garde à vue (43 % de ses dossiers police/gendarmerie concernent notamment la garde à vue cette année, contre 33 % l année dernière), à la fois quant à l’opportunité du recours à cette mesure et aux conditions de son déroulement.

    Ainsi qu il a été rappelé à plusieurs reprises, la seule application des textes normatifs existants et de la jurisprudence suffirait à éviter les manquements les plus fréquents. Le caractère récurrent de ces derniers conduit toutefois à craindre un recours à des pratiques condamnables plus généralisé que le seul nombre des cas soumis à la CNDS pourrait le donner à penser.

    Si les recommandations d’ordre général émises par la Commission ont pu être prises en compte par la hiérarchie des forces de sécurité et donner lieu à des circulaires ou autres instructions, il n’en a malheureusement pas été de même pour les propositions de nature individuelle portant sur l’engagement de poursuites disciplinaires à l’encontre des responsables des irrégularités constatées.

    La Commission tient donc à renouveler son souhait de voir intervenir des mesures concrètes pour qu’en toute occasion soient strictement respectés dans la pratique quotidienne les textes règlementant l’ usage de la garde à vue.

    (...)

    Recours à la fouille à nu en l’absence de cadre légal

    La Commission a constaté, pour la neuvième année consécutive, la banalisation et le caractère quasi- systématique des fouilles à nu de personnes privées de liberté, prises en charge par des fonctionnaires de police et des gendarmes. Les critères d’appréciation qu’elle a dégagés, au regard de l’analyse des pratiques, ont été repris par les instructions du directeur général de la police nationale du 9 juin 2008, rappelant la circulaire du ministre de l Intérieur du 11 mars 2003.

    Force est cependant de constater que les circulaires et instructions précitées ne sont pas respectées. La Commission reçoit régulièrement des réponses des autorités, qui, bien que partageant son analyse quant au caractère abusif de certaines fouilles, se contentent d’indiquer qu’elles procèderont à une nouvelle diffusion des instructions, en faisant le choix de ne pas engager la responsabilité des auteurs du non-respect des instructions.

    (...)

    La Commission rappelle une fois encore que la fouille à nu est une pratique attentatoire à la dignité et qu elle doit dès lors être proportionnée au but à atteindre la découverte d objets illicites et dangereux pour la sécurité des personnes (de l’intéressé, des agents et des tiers) , et que toute personne privée de liberté n est pas susceptible de dissimuler de la drogue ou des armes dans les parties intimes de son corps.

    Dès lors, la fouille à nu doit être exceptionnelle et effectuée dans les seuls cas où il existe des circonstances laissant sérieusement penser que l intéressé dissimule des objets illicites ou dangereux insusceptibles d être détectés par un autre moyen (palpation, détecteur de métaux, ).

    La Commission a recommandé que :


    - la pratique de la fouille à nu, comme toutes mesures attentatoires à la dignité des personnes, soit encadrée par un texte législatif, et soit contrôlée par l autorité judiciaire grâce à une mention de la fouille et des raisons qui l’ont justifiée dans la procédure transmise au parquet .


    - les fouilles à nu réalisées en présence de plusieurs personnes fouillées soient prohibées.


    - les fouilles exercées par plusieurs fonctionnaires soient justifiées par des circonstances exceptionnelles et que l’agent présent au moment de la fouille soit du même sexe que la personne fouillée.


    - la répétition des fouilles pratiquées dans une même journée sur des personnes placées sous la surveillance permanente des forces de sécurité et emmenées au palais de justice de Paris soit limitée.

    Elle a souhaité que l’utilisation de détecteurs de métaux ou de scanners soit privilégiée, avant d envisager une fouille en raison de circonstances particulières laissant présumer que la personne dissimule des objets dangereux pour elle-même ou pour autrui et qui ne serait pas de nature à être détectés par ce moyen .


    - la responsabilité des fonctionnaires ne soit pas engagée en cas de survenance d un incident imprévisible, alors qu’ils ont agi avec discernement au moment de décider du recours à la palpation ou à la fouille à nu et qu’au contraire, les fonctionnaires encourent des sanctions disciplinaires en cas de fouille réalisée en l’absence de motif sérieux, donc de façon abusive .


    - des poursuites disciplinaires soient engagées à l encontre des OPJ ayant ordonné ou laissé faire des fouilles à nu pour des raisons manifestement injustifiées.

    MANQUEMENTS SUSCEPTIBLES D’ENGAGER LA RESPONSABILITE PENALE DES AGENTS

    Violences volontaires aggravées sur des étrangers en situation irrégulière

    (...)

    La CNDS renouvelle ses demandes de sanctions aussi bien administratives que judiciaires à l encontre des fonctionnaires mis en cause dans ces dossiers. Il serait inadmissible que le corporatisme de ces policiers soit récompensé par une impunité de fait. _ Le message ainsi adressé à la fois aux fonctionnaires mis en cause et aux citoyens serait catastrophique pour l image de la police nationale dans son ensemble et pour tous les agents qui remplissent leur devoir avec rigueur et probité.


    Injures à caractère raciste et/ou homophobe

    (...)

    Malgré l’obligation faite aux fonctionnaires en charge de la sécurité publique de ne se départir de leur dignité en aucune circonstance , la Commission a relevé un nombre important d’allégations faisant état de propos racistes et homophobes de leur part.
    La CNDS tient à souligner que dans toutes les affaires qui lui ont été soumises, elle a été confrontée à des versions contradictoires entre les plaignants et les personnels mis en cause, qui n’ont jamais reconnu avoir tenu de tels propos. Faute de pouvoir établir la vérité, la Commission a conclu presque systématiquement à l impossibilité de retenir un manquement à la déontologie.

    La récurrence et le nombre de ces allégations constituent cependant une source d inquiétude : tous les plaignants ne pouvent être soupçonnés d être de mauvaise foi.

    Consciente que de tels comportements ne représentent que les agissements de certains fonctionnaires et non les professionnels de la sécurité dans leur ensemble, la CNDS recommande, compte tenu du sentiment d humiliation exprimé par les victimes, de rappeler aux fonctionnaires qu ils doivent adopter une attitude exemplaire et, par conséquent, prohiber de manière absolue tous propos ou comportements discriminatoires. Par ailleurs, elle rappelle que l injure, outre un manquement à la déontologie, est constitutive d une infraction pénale .

    NON-RESPECT DES REGLES DE PROCEDURE

    Contrôles d identité illégaux

    SAISINE 2006-54 : Le 7 avril 2006, en soirée, plusieurs dizaines de jeunes se sont rassemblés spontanément et sans violence dans le cadre des protestations contre le « contrat nouvelle embauche » à proximité de la station de métro Arts et métiers (3ème arrondissement de Paris). Pour empêcher que ce rassemblement ne se transforme en sit-in ou en un cortège inopiné comme cela s’était produit précédemment, la direction de l’ordre public et de la circulation a donné l’ordre aux effectifs de police présents de procéder à l’interpellation de trente-cinq personnes pour les soumettre à une vérification d identité.

    Elles ont été conduites au commissariat du 11 ème arrondissement, où, à l’aide de barrières métalliques séparant les mineurs des majeurs, les hommes des femmes, les personnes munies de pièces d identité de celles qui en étaient démunies, les personnes interpellées, à l’appel de leur nom, étaient soumises à une fouille, puis présentées à un OPJ, dont le bureau était installé pour la circonstance au premier étage du parking du commissariat.

    La Commission a conclu, entre autres, que cette opération révélait de multiples dysfonctionnements traduisant une instrumentalisation regrettable des règles du droit pénal et de la procédure pénale au profit d une pure logique de maintien de l ordre public, le but étant clairement, pour reprendre l’expression d un commissaire auditionné par l IGS, de « faire des procédures judiciaires pour faire cesser les troubles à l ordre public ».


    Ces opérations de vérification d identité, impliquant la retenue des personnes concernées, étaient réalisées alors même que plusieurs de ces personnes avaient présenté leurs papiers d identité au moment de leur interpellation, en contradiction totale avec les dispositions pourtant claires, précises et dénuées de toute ambiguïté de l article 78-3 du code de procédure pénale.

    Refus d enregistrer des plaintes contre des policiers ou gendarmes

    La Commission recueille régulièrement des allégations de refus d enregistrer des plaintes contre des policiers par des fonctionnaires de police. Cette pratique est préjudiciable, tant pour les citoyens qui s’estiment victimes d’abus de la part d’agents des forces de l’ordre, que pour l’image de l’ensemble de la profession, et renforce le sentiment d’impunité chez certains agents. Elle révèle un corporatisme qui incite certains agents accueillant du public à se mettre eux-mêmes dans une situation illégale (au mépris de l’article 15-3 du code de procédure pénale), simplement pour éviter qu’une enquête soit menée sur des allégations de comportements abusifs de la part de l’un ou l’autre de leurs collègues.

    (...)

    Placement contestable de familles dans des centres de rétention administrative

    La Commission rappelle que l’article 37 de la Convention internationale des droits de l’enfants, ratifiée par la France le 7 août 1990 prévoit que « L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible ».

    L article L. 511-4 du code de l entrée et du séjour des étrangers et du droit d asile (CESEDA) dispose que « Ne peuvent faire l’objet d une obligation de quitter le territoire français ou d une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : 1° L étranger mineur de 18 ans » et l article L. 521-4 du même code : «  L’étranger mineur de 18 ans ne peut faire l’objet d’une mesure d’expulsion. »

    En application de ces deux textes, un mineur ne peut légalement faire l objet d’une mesure de placement en rétention. La Commission ne partage pas la position du ministre de l’Intérieur et du ministre de l’Immigration consistant à justifier le placement de mineurs en rétention en faisant référence à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme concernant le droit au respect de la vie privée et familiale.

    La Commission réaffirme, une fois encore, que le placement en rétention administrative des enfants méconnaît gravement leur intérêt supérieur qui, au sens de l article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant, doit être une considération primordiale.

    La Commission déplore que le placement en rétention de familles soit prévu par des textes de nature infra-législative : le décret n°2005-617 du 30 mai 2005 fixe pour la première fois les normes minimales pour qu’un centre de rétention soit habilité à recevoir des familles. A partir de cette date, les arrêtés successifs pris en application de l’article R. 553-1 du CESEDA précisent, outre la liste des centres avec leurs adresses, si le centre est susceptible d accueillir des familles.

    La Commission préconise que les familles soient assignées à résidence, ou placées en chambre d hôtel, ou encore que, avec l’accord des parents, les enfants soient provisoirement confiés à un membre de la famille, un ami, une famille d accueil, ou dans un foyer.

    (...)

    Administration pénitentiaire

    PRISE EN CHARGE DES DETENUS VULNERABLES

    Prévention des suicides


    La Commission a recommandé que chaque arrivant puisse bénéficier, dans les heures suivant son écrou, d un entretien effectif, «  dans une langue compréhensible par lui » , avec un personnel qualifié permettant de déceler les risques de suicide. Plus généralement, la CNDS recommande, concernant des détenus qui ne comprennent pas le français, que les visites médicales, en particulier avec les médecins psychiatres, aient lieu avec l assistance d un interprète ou dans une langue parlée par les deux interlocuteurs.

    La Commission constate également, une fois encore, le sous-effectif des médecins psychiatres, qui ne leur permet pas d assurer le suivi médical relatif à la prévention des suicides et les consultations plus courantes.

    Elle recommande enfin que les rondes soient effectuées toutes les demi-heures, la nuit, concernant les détenus devant faire l’objet d’une surveillance spéciale, et non toutes les deux heures comme cela a été constaté pour M. P.A.

    Mesures de sécurité lors des extractions médicales

    (...)

    La Commission a déploré qu’une fois encore, l’appréciation individualisée de la dangerosité du détenu n’ait été effectuée ni par le chef d établissement ou un de ses adjoints, ni par le chef d escorte, qui avait pouvoir de modifier le dispositif initialement arrêté. Elle a estimé que les gendarmes responsables de la garde du détenu auraient dû faire preuve de plus de discernement et d’humanité afin que la dignité du détenu soit préservée, en ne l’obligeant pas à rester entravé toute la nuit dans une chambre déjà sécurisée.

    La Commission a recommandé la mise en oeuvre d’une concertation systématique entre le médecin responsable de l’examen en milieu hospitalier et le chef de l’établissement pénitentiaire, avant l’extraction, afin que l’état de santé de la personne détenue et la nature de l’examen médical soient pris en compte. Cet échange d informations permettrait d’assurer un équilibre entre le choix du niveau de sécurité qui s’impose, le risque d’agression ou d’évasion et le nécessaire respect de la confidentialité.

    PROCEDURES DISCIPLINAIRES IRREGULIERES ET SANCTIONS INJUSTIFIEES

    (...)

    USAGE DES MATERIELS DE CONTRAINTE ET DE DEFENSE PAR LES FORCES DE L ORDRE

    Aux matériels usuels en dotation dans les services, tels que les menottes, bâtons de défense, gaz lacrymogènes (utilisé sous la forme d’aérosols ou de grenades), dispositifs manuels de protection (DMP, également appelés grenades de désencerclement) et armes de poing Sig Sauer SP 2022, se sont ajoutées de nouvelles armes qualifiées de moyens de force intermédiaire, telles le pistolet à impulsions électriques X26 de marque Taser, et deux types de lanceur de balles de défense, le Flash- Ball Super Pro et le LBD 40x46.

    L émergence de ces nouveaux matériels, la gravité des dommages corporels occasionnés, ainsi que l augmentation du nombre des saisines de la Commission concernant des allégations d utilisation abusive, ont conduit celle-ci à réaliser cette étude sur les faits les plus marquants qu elle a constatés.

    La Commission a dégagé à partir de ses constats cinq grandes problématiques ayant justifié qu elle adresse des recommandations aux ministres concernés :


    - le recours à des pratiques contraires à la réglementation mais validées par l’encadrement, ce qui est source de confusion pour les personnels chargés de les mettre en oeuvre et contribue à installer durablement ces pratiques, avec :
    * des utilisations de grenades lacrymogènes contraires à la réglementation (au lanceur Cougar ; _ * des usages de moyens de contention constitutifs de traitements inhumains et dégradants avec les cas d’une personne détenue menottée lors de son accouchement.


    - l’usage de certains matériels potentiellement dangereux, sans cadre d emploi, ce qui est source d’insécurité quant à leur modalité d’utilisation, aussi bien pour les fonctionnaires qui les manipulent, que pour les citoyens sur lesquels ils sont utilisés (avec une expérimentation du lanceur de balles de défense 40x46 lors d’une manifestation et des utilisations de casques sur la tête de personnes agitées .


    - l’emploi des menottes, prévu par un texte législatif, systématiquement laissé à l’appréciation des personnels qui en sont dotés, sans réel contrôle de la hiérarchie, ce qui tend à banaliser ce moyen de contrainte, susceptible d être traumatisant lorsqu’il n est pas justifié : la Commission fait successivement état d’usages des menottes conformes à l’article 803 du code de procédure pénale, d’emplois témoignant d un manque de discernement, de menottages infligeant une souffrance ou une humiliation .


    - l’usage abusif par certains fonctionnaires, malgré la formation qu ils ont reçue et les instructions qui ont été diffusées, de leur matériel, pouvant engager leur responsabilité disciplinaire ou pénale : Tonfa et matraque ), gaz lacrymogènes, Taser et armes à feu ; - les défaillances des matériels justifiant des demandes d études de fiabilité sur des grenades , le dispositif d enregistrement visuel du Taser et le Flash-Ball modèle « superpro »

    OBSERVATIONS SUR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE RELATIF AU DEFENSEUR DES DROITS

    Si l’institution d’un Défenseur des droits par un texte constitutionnel peut être considérée comme une avancée indéniable pour la protection des droits et libertés individuels, le projet de loi organique définissant les attributions du Défenseur marque un recul dans cette protection telle qu’elle est assurée par la Commission nationale de déontologie de la sécurité dans le domaine relevant de sa compétence.

    Ce recul apparaît notamment sur les points suivants :

    - 1 disparition du mode actuel de désignation garantissant l impartialité subjective et objective de l’ institution, en substituant un collège de trois membres choisis respectivement par le Président de la République , le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat ce collège n’ayant au surplus qu’un rôle consultatif à une commission de quatorze membres désignés, pour treize d’entre eux, par des autorités indépendantes du pouvoir exécutif et, à l’exception du président et des quatre parlementaires, de toute autorité politique (art. 11 du projet) ;

    - 2 suppression du caractère multidisciplinaire de l’organe de contrôle, qui permettait une approche complète et diversifiée, par des spécialistes, des problèmes soulevés (art. 11 du projet) ;

    - 3 création d’un droit pour les autorités mises en cause par une réclamation de s’opposer à toute investigation, dans les locaux dont ils sont responsables, du Défenseur des droits ou de ses délégués, en invoquant des motifs tenant en particulier à « la sécurité publique » ou « à des circonstances exceptionnelles », c’est-à-dire, en réalité, possibilité donnée à ces autorités d échapper à toute investigation pouvant les gêner (art. 18 du projet) ;

    - 4 obligation, pour le Défenseur des droits, dès lors qu’il n est pas saisi par la victime elle-même, de s’assurer que celle-ci ou ses ayants droit ne sont pas opposés à son intervention, ce qui conduit à interdire les investigations lorsque la victime a été expulsée ou, si elle est décédée, lorsque ses ayants droit ne sont pas connus (art. 8 du projet) ;

    - 5 possibilité pour le Défenseur des droits d écarter les réclamations par décision non motivée (art. 20 du projet) ;

    - 6 faculté pour l’autorité judiciaire d’empêcher l’accomplissement de toute mesure d enquête par le Défenseur des droits sur des manquements à la déontologie, pendant une durée indéterminée et qui peut être fort longue (art. 19 du projet, renvoyant aux art. 15, 17 et 18) ;

    - 7 possibilité d opposer le secret de l enquête ou de l instruction au Défenseur des droits (art. 17) alors que, selon la loi du 6 juin 2000, seule l autorité judiciaire peut refuser son accord et pour la communication de pièces qu elle détient à la CNDS, cette communication relevant d un régime particulier et non du régime général du secret de l instruction, celui-ci ne figurant d ailleurs pas, selon la législation actuelle, parmi les cas où le caractère secret des informations peut être opposé à la CNDS ;

    - 8 dilution au sein d une institution omnicompétente, principalement tournée vers la médiation ou la transaction, proche du médiateur actuel, des attributions spécifiques de la CNDS, qui relèvent d une logique du contrôle, très différente de la médiation, et nécessitent des connaissances et une approche particulières dans le domaine sensible des rapports entre les citoyens et les forces de sécurité.

    Source ici


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  • Retour(s) à la "guerre sale " ?

    par Mathieu RIGOUSTE, chercheur à l'université Paris VIII

     

     


    L'expression « guerre sale » est trompeuse parce qu'elle laisse entendre qu'il existerait des guerres propres. Or, ce qu'on désigne généralement par ce terme, ce sont des techniques de guerre dans la population, de guerre contre le peuple, de guerre intérieure. L'armée française est mondialement connue pour son excellence dans ce domaine depuis qu'elle a expérimenté la doctrine de la guerre contre-révolutionnaire en Indochine, au Maroc et en Algérie dans les années 1950.
     
     

    Il s'agit d'un système de techniques cherchant (en vain, l'histoire l'a montré à plusieurs reprises) à contrôler totalement la population en la soumettant par la peur, en lui désignant massivement des ennemis intérieurs à isoler et purger, en employant la manipulation, la provocation, le fichage et la surveillance, le quadrillage et l'internement, la criminalisation et la coercition. Il s'exprime généralement par une militarisation du contrôle et la prolifération industrielle contre la population colonisée d'agressions, de tortures, d'assassinats et de disparitions.

    Naissance du système sécuritaire

    Ce système est aussi appelé contre-insurrection, la police française se l'est approprié dès les années 1950, en tentant de l'appliquer au contrôle des communistes et des colonisés. A partir de 1968, l'État français comme nombre des États ayant adopté ces techniques dans leurs armées a commencé à transformer ce répertoire pour tenter de l'employer pour le contrôle social de la population en général et des classes populaires en particulier. C'est l'un des actes de naissance du système sécuritaire.

    Depuis, ces pratiques se développent et se transforment là où l'État perçoit qu'il ne dispose plus du monopole de la violence légitime. Dans les quartiers populaires, contre les mouvements révolutionnaires et les  résistances sociales, contre les peuples en lutte pour leur autodétermination, ces méthodes s'appliquent de manières différentes mais un schéma persiste: immuniser la population contre la subversion, faire participer la population à son propre contrôle, écraser toute forme d'insoumission.

    On retrouve nombre de ces éléments dans les dernières opérations politico-policières contre des militants basques depuis un an: la disparition de Jon Anza, les rafles du 27 et 29 juin 2009 puis celles de la fin mars 2010 contre des militants de SEGI et de la gauche abertzale, des tortures et des menaces de torture à l'encontre de personnes interpellées au cours de ces rafles, des interrogatoires violents (avec menaces, mensonges et pressions), des incarcérations sous mandat anti-terroriste pour empêcher toute défense, des mises sous contrôle judiciaire pour briser la vie sociale, un matraquage médiatique de figures du « terroriste nationaliste ».

    La fabrication de l'ennemi intérieur

    Dans le cas des « Irlandais de Vincennes » en 1983, des « islamistes de Folembray » en 1994, des « anarcho-autonomes de Tarnac » en 2008 ou des « terroristes basques » cette année, on assiste à un même type de montage médiatico-policier: la construction médiatique et politique d'une « menace terroriste cachée dans la population » puis un « coup », en l'occurrence une rafle médiatisée où le pouvoir se présente comme un sauveur.

    Dans de nombreux quartiers populaires encore, la police pratique une forme de « guerre larvée »(1) qui se manifeste par une surveillance et une répression permanente, des pressions, intimidations et provocations quotidiennes et des assassinats (dix en moyenne chaque année). Cette année, de Villiers-le-Bel à Tremblay en France, des stratégies d'occupation du territoire et de quadrillage militaro-policier ont fait face à des révoltes populaires. Là aussi, les médias dominants jouent un rôle fondamental pour présenter les principales victimes de la domination capitaliste comme les responsables du racisme, de la violence policière et de la misère.

    Ce système de contention est couplé à une industrie de l'incarcération. L'arsenal juridique de la sécurité intérieure brise les vies de familles entières et remplit les prisons de pauvres issus de la colonisation. Les quartiers populaires comme les territoires colonisés servent en quelque sorte de réserves de chasse, de vitrines et de laboratoires. Dans la ZUP de Bayonne comme à l'encontre des jeunes de SEGI, le pouvoir se dévoile sur le mode de la guerre dans le peuple.


    Le renouveau de la répression au Pays Basque rappelle la campagne d'extermination menée au début des années 1980 par les GAL (groupes para-policiers espagnols) et la complicité de l'État français parce qu'il en dérive. Ce sont les techniques de contre-insurrection employées contre ETA qui alimentent désormais le modèle d'encadrement politique du peuple basque.


    Là comme ailleurs, lorsque le système sécuritaire fait face à des oppositions, des pratiques d'entraide et d'autonomie, il redéploie le répertoire de la contre-insurrection. Les différentes formes de la férocité policière dérivent bien d'un même système de domination. Celui-ci tient en divisant les forces qui lui résistent.


    La violence policière dans les quartiers assure l'encadrement et la séparation des surexploités et des sur-opprimés issus de la colonisation, celle que la police applique contre « l'ultra-gauche » et les « terroristes nationalistes » permet de tenir en joug les classes populaires et petites-bourgeoises « blanches ». Mais comprenons bien qu'un même système d'exploitation et d'oppression produit et entretient ce régime de violence, car aujourd'hui comme hier, la solidarité entre les oppriméEs détermine leurs libérations respectives.


    (1) Entretien réalisé par l'auteur avec l'amiral Bernard Norlain, directeur de l'Institut des Hautes Études de Défense Nationale en 2007.


    Mathieu Rigouste est Docteur en socio-histoire, chercheur à l'université Paris 8 Saint-Denis, il est également l'auteur de L'ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l'ordre sécuritaire dans la France contemporaine, La Découverte, 2009.

    [les intertitres sont de la rédaction]

    Source ici


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  • L’illusion méritocratique

    L’éducation est une problématique politique fondamentale. En son sein se nouent les questions de justice, d’autonomie et de liberté.

    Bien que l’artifice du mérite soit allégué pour justifier la hiérarchie dans la société, la filiation sociale demeure encore et toujours l’atout décisif dans la détermination du futur rang social.

    L’idéal méritocratique suggère que les institutions sont strictement impartiales et que la réussite est conditionnée uniquement par les aptitudes et caractères de chacun.

    S. Mc Namee et R. Miller dans « Le rêve américain et l’idéologie méritocratique » révoquent cette hypothèse : « dans les sociétés modernes démocratiques, la justice sociale s’organise autour du principe de l’égalité des chances, qui semble accepté par tous. Pourtant, un tel principe, loin de renforcer l’identité collective, est porteur d’une menace de décohésion, tant il autorise les inégalités réelles. L’éducation a précisément pour finalité de permettre et de légitimer la réussite des enfants initialement les plus favorisés ».

    L’emprise de la bourgeoise sur l’éducation est un moyen de légitimation et de préservation des inégalités. Le système scolaire est intrinsèquement discriminant et conservateur. Il vise à classifier les élèves selon leur origine et leur finalité sociales. Il enseigne la soumission à l’autorité et à un ordre inique tout en assurant la promotion des valeurs dominantes. Il permet de distinguer les futurs dirigeants d’un côté et les futurs exécutants de l’autre, en faisant en sorte que chacun se persuade de sa condition immuable. Autrefois, le Souverain attribuait des titres de noblesse, aujourd’hui c’est l’école qui intronise la bourgeoisie dans sa fonction dirigeante.

    Les savoirs transmis, supposés exempts de toute idéologie, sont asservis aux exigences économiques et politiques. La division des filières s’articule à la division de la société entre travail intellectuel et manuel, entre classes dominantes et dominées. Chacun reçoit une éducation circonscrite et fonctionnelle pour remplir son rôle social et contribuer ainsi à la bonne marche de la société.

    L’éducation se trouve dans un « état de falsification systématique et préméditée » disait M. Bakounine. Le constat de P. Bourdieu est similaire : « l’école sanctionne et valorise certains habitus que possèdent déjà en y arrivant les membres des classes dominantes, qui y sont donc d’emblée chez eux, tandis que les autres doivent faire d’immenses efforts pour y réussir. Au total, l’école est donc une instance qui fonde et légitime l’inégale appartenance et l’inégale participation à la société.

    Par elle, la classe dominante se reproduit et si des membres des classes moyennes font occasionnellement l’expérience, fort utile à la persistance de la domination, de la mobilité sociale ascendante, les classes dominées y sont massivement renvoyées au monde du travail, mais en ayant intériorisé à la fois la conscience de leur infériorité culturelle et la conviction que le système est juste et leur a accordé leur chance ».

    Le milieu social conditionne en amont et en aval la réussite sociale. La valorisation du diplôme est liée au capital culturel et relationnel du groupe familial. La maîtrise du savoir-être bourgeois est une qualification informelle impérieuse pour se faire valoir sur le marché de l’emploi.

    L’égalité des chances est un mythe infirmé par une enquête réalisée en 2003 par l’Insee sur la formation et la qualification professionnelle. On observe très clairement que l’enseignement n’est pas ouvert en pleine égalité. Il y a une monopolisation du pouvoir économique et culturel qui se transmet par hérédité et népotisme.

    L’ascension sociale n’est pas exclue mais elle est fortement compromise en pratique. Ceux qui sont issus de milieux peu qualifiés doivent faire des efforts plus importants pour réussir. Les universités françaises n’accueillent qu’une petite minorité des enfants d’employés et d’ouvriers. Quelle que soit la filière, les enfants de cadres et professions libérales représentent plus du quart des effectifs. Plus généralement, plus le diplôme du père est élevé, plus on a de chances d’avoir soi-même un diplôme élevé.

    Les deux tiers des enfants d’enseignants et plus de la moitié des enfants de cadres sont titulaires d’un diplôme supérieur ou égal à Bac+3, contre 10 % des enfants d’ouvriers non qualifiés ou d’inactifs. Ces derniers représentent à l’inverse 60 % des individus qui disposent d’un diplôme inférieur au Bac ou qui n’ont pas de diplôme.

    La raréfaction du travail va de pair avec son éloge et l’invocation incessante du mérite et de l’individualisme. On se souvient tous du « travailler plus pour gagner plus » ou « de la France qui se lève tôt » de N. Sarkozy.

    L’idéal méritocratique est un pilier important de l’édifice bourgeois, à titre pratique et psychologique.

    Cette idéologie postule que la société concède équitablement ses faveurs aux plus doués et aux plus volontaires. Les inégalités ne feraient que refléter les qualités et défauts de chacun. On peut dès lors en inférer que le succès et l’échec sont mérités. Chacun est cause de son propre sort.

    Il s’ensuit que : la collectivité ne doit pas prêter assistance à des personnes qui ont galvaudé leurs chances ; la pauvreté, expression de l’inaptitude et de l’inutilité, est une tare morale ; le riche est digne d’estime ; l’inégalité est dans l’ordre des choses.

    La question de l’éducation est indissociable d’un projet politique sous-jacent. Elle n’est jamais neutre. Pour réformer la fonction et les missions du système éducatif, c’est la société dans son ensemble qui doit changer d’orientation. Seule l’émancipation intégrale - économique et politique- est en mesure d’assurer une émancipation intellectuelle et d’actualiser toutes les virtualités qui se trouvent en l’homme.

    Emrah KAYNAK Ici


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  • Les puissants utilisent cette méthode depuis longtemps : fabriquer la dissidence pour gagner coûte que coûte. Les deux conférences qui se sont tenues en parallèle à la fin avril, le Sommet du millénaire de Montréal et la Conférence des peuples sur le changement climatique de Cochabamba, en sont un exemple. L’obsession climatique basée sur un soi-disant consensus est manipulée en haut lieu et la dissidence que l’on nous présente n’en est pas vraiment une.

    Les changements climatiques s’approprient le Sommet du Millénaire

    La journée de clôture du Sommet du millénaire de Montréal qui se tenait du 20 au 22 avril s’est terminée par une conférence grand public, où se sont succédé des élites des milieux politique, économique, social et artistique, dont « l’Honorable » Al Gore. Malgré la qualité de certaines présentations, le principal objectif du Sommet, soit de réduire de moitié la pauvreté extrême entre 2000 et 2015, a à peine fait l’objet de discussion et les solutions proposées relèvent toutes ou presque de l’action citoyenne. En ce Jour de la Terre, on a préféré mettre l’accent sur le réchauffement planétaire et/ou les changements climatiques, qui, selon M. Gore, sont inextricablement liés à la pauvreté extrême. Une tactique voilée pour détourner le débat à des fins pécuniaires.




    MorAl Gore prêche pour sa paroisse

    Le réchauffement planétaire est d’abord et avant tout une question morale, affirme haut et fort M. Gore. Aussi, pour combattre la pauvreté extrême, il faut nécessairement s’attaquer au réchauffement planétaire. Et quelle est la première étape de ce combat « moral » selon le célèbre défenseur du climat? La « stabilisation de la population ».

    D’abord, le fait d’associer la moralité aux changements climatiques ressemble étrangement à la technique rhétorique peu subtile qu’ont employé les défenseurs du Patriot Act : quiconque questionnera le « consensus » sur le climat sera accusé d’être amoral tout comme les critiques du Patriot Act étaient accusés d’être antipatriotiques.

    Ensuite, la stabilisation de la population que prône M. Gore, prétendument pour enrayer la pauvreté, n’est rien d’autre qu’une nouvelle formulation du plan de contrôle de la population de Henry Kissinger, un plan eugéniste visant à réduire la croissance de la population mondiale, spécifiquement dans les pays les plus pauvres, et ce pour des raisons économiques et de sécurité nationale. Bien sûr, afin de donner à son plan douteux un aura de moralité, M. Gore le drape dans des idéaux inattaquables : éduquer les jeunes filles, leur donner accès à des méthodes contraceptives, etc.

    Or, la pauvreté extrême existait bien avant que l’on ne parle de changements climatiques et celle-ci est la cause de la « surpopulation » dans les pays sous-développés et non l’inverse comme tente de nous le faire croire M. Gore. S’attaquer à la surpopulation pour contrer la pauvreté c’est s’attaquer au résultat plutôt qu’à la cause.

    Sans grande surprise, l’éminent lauréat du prix Nobel de la paix ne remet jamais en cause les systèmes économiques et politiques ainsi que les pratiques commerciales injustes à la base des inégalités Nord-Sud. Pourtant, si les progrès des pays sous-développés réalisés depuis les années 1960 ont été freinés c’est davantage en raison de politiques économiques provenant des institutions internationales, principalement des tristement célèbres plans d’ajustement structurels du Fonds monétaire international, servant avant tout les intérêts économiques des grandes puissances : à bas la nationalisation, vivement la privatisation et un marché de libre-concurrence, c’est-à-dire un marché où les plus démunis demeurent au bas de l’échelle puisqu’ils ne peuvent concurrencer les puissants, un marché où ces derniers sont libres de faire du dumping social chez-eux et du dumping et des économies sur les salaires dans leur pays d’accueil.

    Jamais M. Gore ne parle des guerres, à l’exception évidemment de celles qui sont liées à la surpopulation : les guerres pour l’appropriation des ressources naturelles, sujet à peine effleuré par le conférencier vedette. Pourtant, son pays d’origine est non seulement le plus gros pollueur, mais il est également le plus armé et le plus guerrier de la planète. Les bombes à l’uranium appauvri que l’armée étasunienne fait exploser un peu partout sont un véritable désastre écologique et humanitaire.

    Or, demander aux citoyens d’acheter des produits écologiques, de réduire leur consommation d’énergie et aux gouvernements de participer à un marché du carbone s’avère la solution de M. Gore pour sauver l’environnement, alors qu’en Irak ces bombes sales ont des effets catastrophiques sur l’environnement et la population, particulièrement sur les naissances, à savoir d’innombrables malformations, au point où les femmes iraquiennes ne souhaitent plus enfanter. M. Gore ignore-t-il ce phénomène parce qu’il contribue au plan de dépopulation? Allons savoir.

    Jamais M. Gore ne s’attaque non plus aux gros pollueurs : les entreprises privées. N’est-il pas indécent de demander aux petits citoyens d’adopter un nouveau style de vie, de faire des sacrifices, alors qu’on ne demande pas aux plus gros pollueurs de faire de même? La principale demande faite aux grandes entreprises responsables à la fois de la pollution et de la pauvreté extrême, dont ils profitent largement, est de participer au marché du carbone, la nouvelle manne financière qui permettra aux plus riches de polluer davantage sur le dos des pays en développement. Et à M. Gore, qui investit massivement dans l’économie « verte », de s’enrichir une fois de plus sous le couvert de l’activisme écologique.

    Bref, la « solution » de M. Gore, « en voie de devenir le premier milliardaire du carbone », se résume à pousser les citoyens et les entreprises vers un nouveau marché « vert » dans le but ultime de se remplir les poches et ne contribue en rien à réduire la pollution, ni à enrayer la pauvreté. Malgré tout, le discours du gourou de l’environnement est reçu par les foules avec un enthousiasme aveugle.


    Conférence des peuples : qui se cache derrière les ONG?

     

    La Conférence des peuples sur le changement climatique de Cochabamba, qui avait lieu du 19 au 23 avril, se veut une alternative au Sommet de Copenhague. Peut-elle vraiment être considérée comme telle? D’une part oui. On y a dénoncé, entre autres, les dangers d’un marché du carbone et le caractère destructeur du système capitaliste, et, en passant, les guerres et la responsabilité des entreprises privées en ce qui a trait à la pollution.

    On a aussi proposé des solutions différentes de celles de Copenhague et davantage égalitaires. Mais ces solutions sont non seulement toutes basées sur un consensus douteux cautionné par des entités qui tirent avantage du scénario apocalyptique du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), elles sont également des solutions qui, encore une fois, ont pour source de revenu les contribuables. Les contribuables du monde entier, où qu’ils se trouvent.

    À ce stade-ci, il convient de noter que la plupart des grandes organisations non gouvernementales (ONG) participant à ce genre de sommet et prétendant représenter la dissidence et être les porte-paroles des sans-voix, sont en grande partie financées et/ou dirigées par ceux-là même qu’elles critiquent, en prenant soin de ne pas les nommer.

    Greenpeace, Friends of the Earth, la Fondation David Suzuki, le Sierra Club, le World Wild Life Fund ainsi que de nombreuses autres ONG sont financées par le Rockefeller Brothers Fund. On retrouve les mêmes ONG, à quelques exceptions près dans la liste des subventions du Rockefeller Family Fund, et de Rockefeller Philanthropy Advisors. La Rockefeller Foundation, elle aussi, finance Greenpeace et le WWF. Or, on sait que la famille Rockefeller doit sa fortune en grande partie à l’industrie pétrolière, à savoir, la « défunte » Standard Oil. Démantelée au début du 20e siècle, elle est à l’origine d’une trentaine de compagnies pétrolières, dont la famille détient toujours des parts.

    Par ailleurs, ce clan richissime est omniprésent sur la scène politique, économique et financière et fait partie des plus puissantes organisations internationales, dont le Council on Foreign Relations, le Groupe Bilderberg, le Forum économique mondial et la Commission Trilatérale, « un des engins les plus cruciaux de la mondialisation », fondé par David Rockefeller, patriarche de la famille.

    « Comment la Commission Trilatérale a-t-elle contribué à leur objectif de créer un nouvel ordre mondial ou un nouvel ordre économique international? Ils ont placé leurs propres membres à la tête des institutions mondiales relatives au commerce, aux banques et à la politique étrangère. »  (The August Review)


    Pour ne citer qu’un exemple, tous les présidents de la Banque mondiale sauf un ont été des membres de la Commission Trilatérale. Lorsque les architectes du nouvel ordre économique mondial financent des organisations qui disent combattre ce système, il y a de quoi douter des intentions réelles de ces dernières.

    Des descendants de John D. Rockefeller ont récemment proposé que la compagnie Exxon Mobil, dont ils détiennent des parts, « prenne la menace du réchauffement climatique au sérieux ». À voir la quantité de groupes environnementalistes qu’ils financent, on n’a pas à se demander pourquoi ils préconisent une telle approche. Il est clair que ce financement sert des intérêts économiques et qu’il ne s’agit pas de pure philanthropie.

    En effet, en 2009, le Sunday Times publiait une liste des 100 « barons écolo » les plus riches. Outre Warren Buffett, Bill Gates et les fondateurs de Google, dont M. Gore est conseiller, on trouve la famille Rockefeller. Et le fondateur de CNN Ted Turner.

    Sa fondation, la Turner Foundation, a été entre 1996 et 2001 le plus grand donateur de Greenpeace. Sur la liste des groupes activistes ayant reçu du financement de cette fondation, on trouve les mêmes noms que ceux qui figurent sur la liste des fondations des Rockefeller : Sierra Club, David Suzuki Foundation, Friends of the Earth, WWF et d’autres figurant également sur la liste des partenaires de l’événement de Cochabamba, dont Rainforest Action Network, Global Exchange, etc. Qui peut être mieux placé qu’un ancien magna de la presse pour contrôler un message?

    Mais encore. La Ford Foundation  finance elle aussi le WWF, Rainforest Alliance Friends of the Earth, etc. Étrange non? Que les groupes qui se disent dissidents, progressistes ou peu importe quel qualificatif qui sonne de gauche, soient toutes ou presque financés par les puissants contre lesquels ils prétendent lutter? Cela ressemble étrangement aux premiers jours de la Réserve fédérale des États-Unis, époque où les Rockefeller, entre autres, se battaient pour une banque privée, bataille très peu populaire. Une opposition a été fabriquée par les partisans d’une banque centrale privée dans le but de faire passer une proposition semblable, mais plus acceptable car elle donnait l’impression de s’opposer au projet original. « Sois proche de tes amis, et encore plus proche de tes ennemis », dit-on dans L’Art de la guerre.

    Tout ce qui précède est un exemple éloquent de cette philosophie. Une opposition est créée dans le but de faire accepter une réalité fort probablement fabriquée et qui éclipse les problèmes réels, entre autres, celui de la guerre et la destruction qu’elle cause. La guerre, qui, comme l’a si bien exprimé le major-général de la marine Smedley Butler dans War is a Racket, n’est au fond que l’expression de rivalités économiques.

    D’une part, il faut être naïf pour penser que ces ONG iraient mordre la main qui les nourrit. Lorsqu’elles évitent tout débat sur les changements climatiques en disant que ceux qui n’adhèrent pas au consensus sont payés par les pétrolières, il ne s’agit que d’une tentative de diversion qui n’a aucune validité puisqu’elles aussi sont, d’une manière détournée, financées par ces mêmes industries.

    D’autre part, il faut également faire preuve de naïveté pour penser que les intérêts des groupes environnementalistes ne sont pas à la base des intérêts financiers. Cela ne signifie pas que tous les membres de ces groupes recherchent tous des gains potentiels. Bien des gens impliqués dans de telles organisations sont profondément désintéressés, croient réellement œuvrer au bien de l’humanité et ne réalisent pas que ceux qui les financent sont motivés la plupart du temps par l’appât du gain.

    Enfin, il ne faut pas oublier que l’eugénisme est à la base de l’environnementalisme. Pour ne citer qu’un exemple, le WWF a été fondé par Sir Julian Huxley, eugéniste notoire,et le prince Philippe de Grande-Bretagne. Le premier président du WWF et fondateur du Groupe Bilderberg, le prince Bernard des Pays-Bas, avait des affiliations nazies. Nazi et eugénisme vont de pair, on le sait.

    Or, Betsy Hartmann, directrice du Population and Development Program au Hampshire College de Amherst, explique que l’eugénisme, contrairement à la croyance populaire, n’a pas disparu avec les atrocités nazies. En réalité, « la dimension démographique n’a guère disparu ». Le programme de « stabilisation de la population » de M. Gore en est un exemple flagrant. Tout est dans la formulation : y a-t-il une différence entre dépopulation et stabilisation de la population? Les mots sont différents, mais le concept demeure le même.

    À la lumière de ce qui précède, il convient de se questionner sur les réelles intentions de ceux qui disent vouloir nous protéger d’une catastrophe annoncée. Tous ces liens avec l’industrie pétrolière, les banques et les médias ne sont certes pas fortuits. Pas moins que tous ces noms qui reviennent constamment en des endroits clés. Il s’agit sans aucun doute d’une propagande orchestrée sur tous les fronts. Bref, méfions-nous de ceux par qui le scandale arrive.

    Julie Lévesque est journaliste et chercheure au Centre de recherche sur la mondialisation (CRM).


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  • Le Plan B s'arrête, l'aventure
 continue

    Terminus. Tout le monde descend. C’est l’heure du changement  : Le Plan B suspend sa parution.

    En mars 2006, entre la victoire du « non » au référendum sur la Constitution européenne et le triomphe de la bataille contre le CPE, les fées de la lutte sociale s’étaient penchées sur le berceau de la jeune publication sardone. Agitant leurs banderoles magiques, elles avaient prévenu qu’un journal de critique des médias et d’enquêtes sociales tirerait sa force de son ancrage dans les cortèges autant que de son audience. Entrelacer guerre sociale et guerre des idées, nourrir celle-ci au lait de celle-là  : la ligne était tracée.

    Las  ! Depuis cinq numéros, ventes en kiosque et abonnements fléchissent, maintenant l’esquif à peine au-dessus de l’étiage. Mais, surtout, la diffusion militante s’effondre, passant de 3 500 exemplaires à moins de 200. Ce coup de sabre dans les jarrets reflète une humeur générale faite de braises sombres et de colères rentrées. La violence de la crise sociale et le sabotage des mobilisations de 2009 par les directions syndicales ont produit leur effet. Nous avons pris notre part à cette désaffection en n’animant plus avec la même constance les centaines de réunions publiques qui unissaient, par-delà le papier, le journal à ses lecteurs. La raréfaction des manifestations a fait le reste.

    L’Internationale sardonique a donc décidé de suspendre la parution de son organe tant que les conditions d’une relance ébouriffante ne sont pas réunies. Bien des groupes militants se sont fixé pour seul objectif de faire vivre leurs structures… Le Plan B s’en voudrait de marcher sur leurs barbiches. En effet, la Sardonie n’a pas vocation à installer des apparatchiks de la contestation. Décrivant les principes fondamentaux de la guerre de partisans élaborés en 1928, Mao explique  : « L’ennemi avance, nous reculons  ; l’ennemi s’immobilise, nous le harcelons  ; l’ennemi s’épuise, nous le frappons  ; l’ennemi recule, nous le pourchassons. [1] » Un journal qui mord et fuit, telle est notre tactique depuis dix ans.

    Dix ans  ? Oui  : en juin 2000, 20 000 numéros zéro d’un journal baptisé PLPL (Pour lire pas lu) inondent les rues de Millau lors du rassemblement de soutien aux inculpés de la Confédération paysanne. D’abord diffusée sous le manteau, puis sur abonnement et partout où l’on se tient debout, l’étincelle PLPL embrase la morne plaine de la presse de centre gauche. Projetant son venin sardonique sur « les médias qui mentent, les patrons qui plastronnent et la gauche qui capitule », PLPL libère un territoire intellectuel où convergent les résistants les plus aguerris et les plus joyeux  : la Sardonie. Ce nom découle d’une objection formulée par l’écrivain Günter Grass à notre parrain Pierre Bourdieu en 1999  : « Je n’ai pas dit que nous vivions une époque drôle. Mais le rire sarcastique, sardonique, libérateur, c’est aussi une manière de protester. »

    Seul contre tous, mais équipé d’une colonne vertébrale, PLPL charge les légions de quadrupèdes qui règnent sur les médias dominants. Repolitiser la question de la production de l’information, exposer les biais d’un traitement systématiquement hostile aux salariés et aux chômeurs, arracher leur masque de respectabilité aux éditorialistes et aux intellectuels à gages, mettre en garde les contestataires contre l’impasse de la stratégie médiatique  : en 2006, Le Plan B reprendra ces objectifs à son compte, en y ajoutant celui de l’enquête sociale, qui confronte le monde réel à celui fabriqué par le Parti de la presse de l’argent.

    La critique des médias se renouvelait alors. Elle pilonnait les faux impertinents (Michel Field, Philippe Val…) dont le discrédit actuel fait oublier à quel point ils furent adulés. Elle était portée  ; elle était dangereuse. Ceux qui s’y livraient étaient assimilés à des nazis par Le Monde, dont la direction tricéphale (Alain Minc, Edwy Plenel, Jean-Marie Colombani) représentait le comité central de la bourgeoisie (financière, moustachue, traditionnelle). Des proscrits nous encourageaient – « Temps futurs  ! Vision sublime  ! Les peuples sont hors de l’abîme »  ; des perroquets chauves et mélancoliques couinaient dans les jupes du pouvoir contre notre « antijournalisme de poubelle ». À chacun son style. Quand, pour fêter son lancement, Le Plan B pirata l’antenne de France Inter et envoya l’animateur Stéphane Paoli à l’hôpital avec une congestion cérébrale, les courriers indignés affluèrent (« Mais comment osez-vous, un homme si bon  ! »). Nos plumes hilares brisaient leurs hallebardes.

    L’atmosphère a changé. On ne nous hait plus, on ne nous injurie plus. Les traits vipérins s’espacent, le chyme claircit (voir la déclaration d’amour ci-contre). Qui se trouve hors d’état de susciter l’adversité frôle la mort politique. À l’exception de la Garde des lecteurs sardons, qui parfois plie mais jamais ne rompt, on nous achète sans conviction, on nous jette un œil sans éclat, on nous approuve sans en tirer de conséquences pratiques. On nous consomme. Certains s’en seraient contentés  ; pas nous.

    Pendant que Le Plan B part aux champs, les grands médias traditionnels descendent au cercueil. Le Monde, Libération, Charlie Hebdo tutoient le dépôt de bilan  ; TF1 s’asphyxie  ; Lagardère quitte le navire du papier. Lecteurs et téléspectateurs fuient sur Internet et sur les chaînes câblées, emportant avec eux la manne publicitaire. Cette multiplication des canaux d’information et des informateurs a écrêté les centres de pouvoir éditoriaux. Hier, trois cathédrales faisaient carillonner la pensée dominante  ; mille bouches numériques la chuchotent aujourd’hui, mais avec la certitude de porter la voix du maquis. Assurément, Le Plan B n’a pas suivi ce tournant.

    Simultanément, la critique des médias se banalise et, parfois, dégénère. Des politiques s’en font parure pour gagner quelques points dans les sondages  ; des blogueurs commentent sans fin les commentaires pour doper l’audience de leur site  ; des amuseurs rivalisent de sarcasmes pour accroître leur notoriété  ; des bobos braillent « c’est la faute à TF1  ! » pour s’épargner la peine d’une analyse sociale et politique. Mais tous se pâment devant Florence Aubenas. Nous ne croyons pas au journalisme, ni à sa figure centrale, personnification d’une illusoire liberté petite-bourgeoise. Dans nos régimes, l’information prolonge la guerre des classes par d’autres moyens. Qui la possède la contrôle, fût-ce au prix d’un zeste de dissidence ou de dérision tarifée.

    Satirique et mordante, la Sardonie ne se résume pas au ricanement hors sol, version comique de l’art pour l’art. Dans la tradition carnavalesque, le rire populaire caractérise un monde parallèle où hiérarchies, castes et contraintes s’inversent. De la même manière, le rire sardonique est lié à l’ordre social dans un rapport de renversement. Sans ce dernier, il n’est rien. La critique radicale des médias n’est pas une fin en soi. Elle s’inscrit dans un projet politique et vise à détruire l’obstacle que les grands moyens d’information dressent sur la voie de l’émancipation.

    C’est peu dire qu’il reste à faire. Les médias mentent toujours, les patrons plastronnent encore, la gauche capitule inlassablement. Mais au moins ces vérités-là sont-elles chevillées aux esprits. Celui de la Sardonie a irrigué des dizaines de journaux et de radios alternatives, des centaines de blogs. Malgré ses difficultés perpétuelles, la presse libre germine et prépare les embuscades. Nous comptons sur notre fidèle vitrine universitaire, Acrimed, pour porter l’estocade à l’ex-complice d’Alain Minc, Edwy Plenel [2], et pour analyser la stratégie médiatique des formations de la gauche de gauche.

    En attendant notre reparution, dans un mois, dans un an, au détour d’une manifestation, sous un pavé, pour tirer un coup de pistolet dans la noce des satisfaits, l’Internationale sardonique nous communique ce message inspiré des Raisins de la colère de John Steinbeck (chapitre 28)  : « La Sardonie sera toujours là, partout, dans l’ombre. Partout où tu porteras les yeux. Partout où il y aura une bagarre pour que les gens puissent avoir à manger, la Sardonie sera là. Partout où il y aura un flic moustachu en train de passer un type à tabac, la Sardonie sera là. Dans les cris des gens qui se mettent en colère parce qu’ils n’ont rien dans le ventre, la Sardonie sera là. Elle brille de mille feux.
    Feu  ! Feu  ! Feu  ! »

    Paru dans Le Plan B n°23, juin-juillet 2010

    Notes

    [1] « Les problèmes stratégiques de la guerre révolutionnaire en Chine » (décembre 1936), in Mao Tsé-toung, Écrits choisis en trois volumes, vol. 1, Maspero, Paris, 1967, p. 118.

    [2] Hourra  ! pour notre camarade Rivière qui, tirant parti de vieilles amitiés moustachues, s’inflige de longues réunions publiques aux côtés d’Edwy afin de recueillir – et publier – les propos ineptes de ce benêt.


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