• votre commentaire
  •  

    Les "déboulonneurs" poursuivis pour avoir "barbouillé" des panneaux publicitaires ont été relaxés vendredi par le tribunal correctionnel de Paris au nom de la "liberté d'expression".

    Les "déboulonneurs", qui prônent la "désobéissance civile" contre la publicité envahissante, considèrent que plus d'un tiers du million de panneaux publicitaires implantés sur le territoire français ne respectent pas la loi de 1979 sur la publicité extérieure et les enseignes, dont ils demandent aussi le durcissement.

    Lors de ses précédents procès - celui-ci était le 12e en quatre ans - ce collectif n'avait jamais obtenu mieux qu'une condamnation à un euro symbolique.

    La 13e chambre du tribunal correctionnel avait cette fois à juger du barbouillage de cinq panneaux publicitaires sur les Champs-Elysées le 26 janvier 2008, sur lesquels les militants avaient écrit à la peinture rouge et noire des slogans tels que "stop à la propagande" ou "trop de pub".

    En apposant leurs "messages" sur les panneaux commerciaux, les militants n'ont pas commis de "dégradation", mais ont exercé leur "liberté d'expression" qui "ne saurait constituer une infraction", a estimé dans son jugement le président du tribunal, Olivier Géron.

    A l'audience, qui s'était tenue le 19 mars, des amendes avaient été requises: 3.000 euros contre Yvan Gradis, et 300 euros contre Athur Lutz, 29 ans. Six autres militants du collectif, qui n'étaient pas poursuivis au départ, s'étaient présentés au tribunal comme "comparants volontaires", mais le ministère public avaient requis pour eux la relaxe.

    Le parquet n'a pas fait savoir immédiatement s'il comptait faire appel.


    votre commentaire
  • Quelques réflexions autour des arrestations du 15 février à Paris

    « Que la répression soit balayée par un réveil terrible de vie »

     
     

    Arrêtés le 15 février 2010, nous sommes mis en examen dans le cadre d’une procédure correctionnelle et accusés de « dégradations ou destructions volontaires graves de biens commis en réunion » et « Dégradations ou destructions volontaires par l’effet d’une substance explosive, d’un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes ». Nous sommes pour l’instant placés sous contrôle judiciaire avec interdiction de nous voir ainsi que deux autres camarades également mis en examen pour le premier chef d’inculpation uniquement.

    Ces quelques lignes ne sont le fait que de deux personnes, elles n’engagent donc que ces deux personnes. Les autres s’exprimeront ou non, selon ce que leur cœur leur dit, mais il ne s’agit en aucun cas de représenter qui que ce soit d’autre que nous-mêmes. Ce texte n’a pour seule valeur que l’information, car la répression de quelques-uns doit pouvoir servir d’expérience à quelques autres. Pas question ici de se plaindre à l’Etat ou à une quelconque « opinion publique ». Contrairement à nos intentions initiales, nous ne reviendrons pas sur les détails techniques de l’arrestation, de la perquisition ou de la GAV, puisqu’un texte sorti récemment fait déjà cela très bien. Dernière chose, grâce à l’aide de quelques compagnons/nes, nous avons pu écrire ce texte sans entrer en contact.

    Peu de choses à dire, sinon qu’un matin de Lundi, avec une surprise un peu sans surprise, c’est la section antiterroriste de la Brigade Criminelle (SAT-PP) qui se présente violemment à la porte d’une amie chez qui nous serons trois à nous faire serrer (dont deux qui seront mis en examen). Sans surprise, pourquoi ? D’abord à cause de filatures répétées de ces précédentes semaines, mais aussi pour une raison moins conjoncturelle. C’est simple, en tant qu’anarchistes revendiqués, la prise de conscience des risques qu’impliquent nos engagements et l’affirmation publique et visible de nos idées est quelque chose d’acquis.

    S’assumer en tant qu’ennemis de l’Etat, c’est s’assumer en tant qu’ennemi potentiellement reconnu de l’Etat. Il y a dans cet engagement quelque chose de profondément individuel d’abord, puis quelque chose de profondément social ensuite. C’est à dire qu’il s’agit d’un rapport humain, aussi, un ensemble de liens intersubjectifs qui se créent par l’entraide, l’affinité, le partage et surtout l’ouverture aux autres.

    C’est pour cela selon nous, que les mythes de l’invisibilité, de la lutte armée et de la clandestinité (lorsqu’elle est un choix conscient et politique et qu’elle est le moyen de la lutte armée) sont au choix des faire-valoir, des fourvoiements de mythomanes ou des choix allant dans le sens d’un autoritarisme qui finira par pointer son nez, un jour ou l’autre (militarisation, spécialisation, paranoïa, privilège de la stratégie et de la tactique sur les raisons du cœur etc.). C’est pour cela que nos idées se sont toujours, aux cotés de nos compagnons, diffusées de façon publique et visible.

    C’est le fait que nous puissions, nous ou d’autres porteurs d’idées subversives et antiautoritaires, intervenir au grand jour et non pas comme des clandestins enterrés dans leur paranoïa qui ne communiqueraient plus qu’avec leurs camarades, ce sont ces choses la que l’Etat ne peut tolérer, et moins encore, comprendre.

    En effet, les schémas de pensée et le référentiel d’un flic sont incapables d’imaginer ou d’entrevoir la possibilité d’une organisation non constituée formellement (comme la prétendue « M.A.A.F »), non politique, sans hiérarchie et librement consentie entre des individus aux buts approchants, ce que Stirner appelait libre-association. D’où les questions et remarques typiques des flics et des journaflics : « qui sont les chefs ? », « qui vous dicte votre conduite ? » ou encore les inventions policières « ultra-gauche » et « anarcho-autonome ».


    Et jamais n’avons nous rencontré d’individus se revendiquant « anarcho-autonome », et qui, à part quelques marxistes anti-léninistes du siècle passé se réclame encore de l’ultra-gauche ? Il s’agit, des mots mêmes de la juge d’instruction en charge de l’affaire au moment de la mise en examen de l’un d’entre nous, de « constructions policières ».

    Bien sur, durant cette garde-à-vue, c’est le désarroi qui gagne à certains moments, c’est la menace d’un coup de chapeau de dernière minute, de la fabrication de nouvelles « preuves » contre nous et nos camarades, d’une énième invention policière qui justifiera un placement immédiat en détention et tout ce que cela implique pour nous comme pour les luttes auxquelles nous participons.

    Il y a dans ces instants de cogitation, des réalités qui refont surface : C’est nos idées (aussi diversifiées puissent-t-elles être) et donc ce que nous sommes que l’on attaque, les faits particuliers après tout, ils s’en foutent, l’innocence et la culpabilité, ce langage de flics et de juges, il n’y a qu’eux pour s’en servir de prétexte, ou s’en servir tout court.

    Cela étant dit, et les aspects individuels mis de coté, cette affaire porte en elle quelque-chose d’éminemment collectif. Et c’est surtout de cela que nous aimerions parler ici, sans prendre les habits de quelconques donneurs de leçon, puisque les intuitions que nous voulons partager ici sont déjà largement répandues parmi ceux qui luttent, mais aussi, parce qu’elles proviennent, en plus de discussions et réflexions collectives, de notre propre subjectivité.


    Le contexte est ici essentiel pour la compréhension de ces événements et de ceux à venir. Depuis que des sans-papiers ont foutu le feu à leur taule à Vincennes le 22 juin 2008, c’est une solidarité massive (comparée à l’agitation de ces dernières années) qui s’est exprimée ici et là à travers la France, avec en toile de fond un contexte de lutte en Europe contre la machine à déporter.

    Cela fait des années, en effet, que l’agitation autour de cette révolte et maintenant autour du procès de cette révolte, dans lequel dix personnes sont condamnées d’avance [1], fait rage. De nombreuses balades sauvages ont eu lieu (cf. la brochure Sur l’intérêt des manifs sauvages) et ont encore lieu, des réunions publiques et des occupations également ; de nombreux tracts, de nombreuses brochures, de nombreuses affiches, de nombreux tags ont essayé de recouvrir les villes et les rues de toute la France.

    Aussi de nombreux sabotages anonymes de distributeurs de billets de banques qui balancent les sans-papiers aux flics ont animé cette solidarité en acte dans une même continuité de révolte. Toujours la question de Vincennes s’est accompagnée d’un questionnement plus général, comment venir à bout de la machine à expulser dans son intégralité ? Du monde qui la produit ?
    La diversité de ces pratiques obtient toute notre solidarité et c’est parce que, comme beaucoup d’autres, nous ne l’avons jamais caché, qu’aujourd’hui les flics s’intéressent à nous et à d’autres.

    Il faut garder en tête que la machine à expulser, plutôt qu’une « dérive raciste », est tout d’abord une immense machine à fric pour ceux qui répondent aux appels d’offre de l’Etat, qu’ils soient humanitaires (CIMADE, France Terre d’Asile, Croix Rouge, Ordre de Malte…), constructeurs (Eiffage, Bouygues…), fournisseurs (Vinci, Accor, Ibis, Holiday Inn...), tous tirent profit des expulsions et du marché qui s’est créé autour d’elles. En fait, ce ne sont pas tant les quelques bouc émissaires interchangeables qui subissent les frais de la justice tels que nous où d’autres, mais c’est une lutte entière menée depuis quelques années et avec verve contre la machine à expulser, une lutte qui leur coûte cher et qui cherche à se diffuser et à s’étendre, que l’on cherche à sanctionner.

    On se souvient par exemple des arrestations « antiterroristes » de Damien, Ivan et Bruno aux abords du CRA de Vincennes peu avant un rassemblement, deux d’entre eux sont aujourd’hui dans la nature, certainement excédés de ces privations constantes de liberté imposées d’en haut. Nous avons bien conscience que notre arrestation et notre mise en examen ne sont rien face aux plans du pouvoir, aussi vrai que ces quelques secousses répressives ne sont rien face aux ravages de la révolte qui ne fait pas que gronder. Nous avons bien conscience aussi qu’il aurait pu s’agir de n’importe quels autres compagnons ou camarades de lutte, qu’il fallait bien commencer cette nouvelle vague par quelques-uns, et ces quelques-uns, ce fut nous, cette fois-ci.

    La lucidité, c’est de se rendre compte que des augures nouveaux se présentent à nos portes, que c’est le ciel qui nous survole qu’ils tentent d’assombrir, que cette instruction ouverte sera peut-être le prétexte à de nombreuses arrestations, à des recoupements, à des incarcérations peut-être, à un affinement du renseignement maniaque et contre-subversif et autres infamies étatiques. C’est le moment de faire de leur souhait un rêve inatteignable, un paradis qui ne leur sera jamais accessible. Parce que la généralisation des pratiques qu’impliquent nos diverses pensées et nos passions leur serait fatale, mais il n’est pas question de sombrer dans le catastrophisme pour autant, prétexte à l’inertie et à l’impuissance confortable. Il n’est pas question non plus, dans ce texte comme ailleurs, de se plaindre et de crier au scandale.

    Ce serait la grande force d’un mouvement pourtant si faible dans l’espace et dans le temps comme dans ses capacités projectuelles et la diffusion de ses pratiques et contenus, que la collectivité qui le compose assume collectivement les actes répréhensibles (du petit point de vue pénal) qui se dégagent de son sein, car ces pratiques sont celles d’une lutte, et que cette lutte, c’est de nos volontés à tous qu’elle émerge.

    Il faut se rendre compte que ces quelques soubresauts de répression touchent à quelque chose d’éminemment collectif et qu’ils concernent tous ceux qui luttent contre la machine à expulser, en ce qu’ils sont une attaque contre tous. Là se trouve l’un des temps forts de la solidarité : rompre l’isolement qu’ils souhaitent imposer ; dans l’affirmation généralisée que lorsqu’ils s’attaquent à l’un où l’une d’entre nous, c’est à nous tous qu’ils s’en prennent. C’est l’instant, à notre avis, pour renforcer les initiatives et les affinités projectuelles, pour redoubler d’efforts et ne pas céder à la panique, qui ne ferait que participer à l’isolement de ceux que désignent l’Etat et sa cohorte de valets. C’est aussi le moment de cesser de n’être que d’éternelles cassandres du soutien, dénonçant à tour de larmes plutôt qu’à bras-le-corps.

    On sait ce que cherche l’Etat, c’est l’isolement de certains et la dissociation (au sens commun) des autres, comme c’est le cas par exemple d’une tendance du RESF et de son communiqué qui prémâche le boulot des flics. Autrement dit, le processus de désolidarisation qui peut mener certains à mettre la tête sous terre au passage de l’orage ; juste le temps qu’il faut à l’Etat pour démolir des camarades bouc émissaires, et ressortir la tête pour reprendre la mascarade des postures, pour fermer les parapluies en espérant de façon précaire que la prochaine fois, ça ne sera pas soi-même qui se retrouvera dans l’œil du cyclone.

    Voila, en espérant que ces quelques lignes seront prises pour ce qu’elles sont, une modeste invitation au débat, une modeste invitation à réfléchir à cette situation que l’on ne peut ignorer mais qui en essayant de clôturer des chemins, offre à ceux qui veulent se battre pour la liberté de nouveaux espaces de diffusion dans la solidarité révolutionnaire. A ceux qui ne voudront pas comprendre cela et qui trouveront toujours matière à s’évader de la guerre sociale, à ceux aussi, qui pleurent sur la carcasse d’une banque, c’est notre mépris que nous souhaitons renvoyer. Aux autres, notre solidarité et nos affinités. Un salut à ceux qui ne sont pas restés au chaud ces derniers temps et qui savent bien que la lutte ne s’arrêtera pas pour si peu. Nous voulons la liberté pour tous, avec ou sans-papier, nous voulons reprendre à l’État le contrôle qu’il exerce sur nos vies.

    Pour un monde sans prisons,
    Pour un monde qui ne soit pas une prison.

    Mars 2010,
    Dan et Olivier.
    Ici

    Notes

     

     

     

    [1] - Nadir Autmani : 30 mois ferme (le proc avait requis 36 mois dont 6 avec sursis),
    - Hani Ashraf : 24 mois (le proc avait requis 3 ans ferme) mais aurait droit à un nouveau procès,
    - Samir Awadi : 12 mois ferme (le proc avait requis 18 mois dont 6 avec sursis),
    - Hassen Belkader : 8 mois (le proc avait requis 6 à 8 mois),
    - Bozkurt : 8 mois (le proc avait requis 6 mois ferme) peut être aurait droit à un nouveau procès,
    - Moïse Diakité : 36 mois ferme (le proc avait requis 36 mois dont 6 avec sursis),
    - Ali Diallo : 30 mois dont 6 avec sursis (c’est ce que le proc avait demandé),
    - Mahamadou Dramé : 30 mois dont 6 avec sursis (c’est ce que le proc avait demandé),
    - Ekma Moktaré : 12 mois ferme (le proc avait requis 18 mois dont 8 avec sursis),
    - Mohamed Salah : 30 mois ferme (le proc avait requis 36 mois dont 6 mois avec sursis).

     


    votre commentaire
  • Histoire d’une folie contemporaine
    ou
    schizophrénie de l’administration pénitentiaire Française


    Le 11 décembre 2009, BAN PUBLIC avait alerté les médias sur l’acharnement administratif dont était l’objet, Thierry, prisonnier longue peine (http://prison.eu.org/<wbr></wbr>article12182.html)

    <wbr>

    <wbr><wbr>

    Au long de sa peine, il accomplit tout ce qu’il lui est possible pour se réinsérer comme l’exige la loi : il refuse la logique de désintégration de soi qu’est l’enfermement.

    D’un niveau de collégien en classe de 3ème, il reprend ses études, et en moins d’un an et demi il passe son bac et obtient un DUT en informatique.

    Inscrit à la faculté en sciences informatiques, il est aujourd’hui doctorant et a pu décrocher un CDI avec une société pour laquelle il développe des applications informatiques.

    Un parcours exemplaire ; tout pour le mieux, en apparence. C’est de fait, une simple apparence.

    La réinsertion serait l’objectif de la prison : grand et beau principei. Thierry en est un bel exemple. Mais dans les faits, Thierry dérange.

    Thierry dérange car c’est un modèle de réinsertion. Thierry dérange car il est doué : ses études et dans son métier en témoignent ; en dépit de ce qu’avait pu déclarer la Cour d’assises il y a 20 ans, soutenant qu’il avait le niveau intellectuel d’un débile léger. Thierry dérange car il croit ceci : la prison c’est être privé de la possibilité d’aller et venir librement et non de ses autres droits ; celui au travail, du principe d’égalité entre tous les citoyens et de pouvoir se réinsérer notamment.

    Etrange, bizarre et même suspect : à croire que lors qu’un prisonnier respecte ces principes, il en devienne dangereux. « D’un détenu modèle, tu te méfieras ! »

    Trois fois non, cette demande émanant d’un tel individu, au ban de la société, cache quelque chose…Alors Thierry proteste. Thierry fait preuve d’une grande violence : il s’assoie dans la cour de promenade, refuse de réintégrer sa cellule et entame des grèves de la faim. Il en est aujourd’hui à son neuvième jour. « A bout ton détenu, tu pousseras »


    Parfois la machine à broyer plie. En 2004, il obtient le droit d’avoir un ordinateur et de travailler, ainsi que d’une connexion à internet pour les nécessités de l’enseignement et de son travail au sein d’une Maison Centrale (MC). Puis, abusant de son droit, la direction de cette MC coupa la connexion de Thierry et d’un autre prisonnier, lequel suivait les mêmes études, pour des « raisons de sécurité. » Elle décida également leur transfert, pour des « motifs disciplinaires  ».

    Le 28 juillet 2004, la CNDS rendait un avis où elle constatait (http://prison.eu.<wbr>org/article.php3?id_article=<wbr></wbr></wbr>7353) :

    <wbr><wbr><wbr><wbr>
    • Que si la nécessité de sécurité imposait des contraintes de formation et du renforcement du personnel spécialisé, l’usage d’internet n’était nullement interdit ;

    • Que la direction de cette MC avait abusé de ses pouvoirs concernant ce retrait d’internet et sa décision de transfert de Thierry ! Le transfert n’était nullement disciplinaire !

    Thierry est donc transféré dans un centre de détention du nord de la France.

    Ses diplômes de premier et second cycle en poches, il décroche un CDI. Il travaille sous le contrôle des Correspondants Locaux Informatique (CLI) qui vérifient l’envoie des mails qu’il adresse à son employeur. Thierry développe des applications. Il n’a pas accès à internet directement mais utilise celui du Centre de Détention (CD) sous le contrôle du CLI pour l’envoi de son travail. Il simule des connexions afin de faire ralentir le débit de son ordinateur et de tester ses programmes.

    Le 20 octobre 2009, la machine à broyer redémarre ; louche ce prisonnier…Suspicion de connexions à Internet. Saisie de l’ordinateur. Examen par la DISP de Lille. Contenu du rapport : à l’aide d’une clé 3G et d’un téléphone portable, Thierry se serait connecté à Internet.

    Le rapport a donc conclu : coupable ; sans la découverte de modem artisanal, en se basant sur des éléments qui ne permettaient pas de conclure. Un rapport faux, incomplet du moins. « De rechercher la vérité, tu oublieras »

    Thierry tente d’expliquer la raison de ces traces : il simule ces connexions pour ralentir le débit et tester les applications. En rien il n’y a des connexions vers l’extérieur du centre de détention !

    Thierry est convoqué pour passer en commission de discipline.

    Son ordinateur ne lui est pas restitué entre temps. Il lui a été d’ailleurs indiqué qu’il avait en parti « grillé » lors de l’extraction du disque dur pour l’examen par la DISP de Lille…« Des affaires du détenu, tu te ficheras »

    Son employeur, PME en développement qui a un besoin indispensable de Thierry, est autorisé à lui fournir un ordinateur de remplacement. Première aberration : celui à qui on reproche une connexion à internet, celui qui ne pouvait en avoir sur son ordinateur personnel, dispose maintenant d’un ordinateur dont la carte wifi n’est pas désactivée…Preuve de la confiance qu’on accordait à cet individu louche ? «  De l’incohérence comme maître mot, tu feras »

    Le 10 décembre 2009 : prétoire ! Avant l’audience, le directeur adjoint indique au conseil de Thierry, hors la présence de ce dernier : « Maître, tout est dans le rapport, dites lui de reconnaitre les faits. » « La présomption d’innocence, tu oublieras ! »

    Atteinte à la présomption d’innocence ? Passons, on est plus à ça près. Pendant l’audience tout le rapport est démonté point par point. Peine perdue, quand bien même les délibérations ont été longues. 35 minutes. Du rarement vu. La sanction tombe : il est reconnu coupable d’avoir utilisé de façon abusive son ordinateur.10 jours de cachot ! Aucune peine complémentaire n’est prononcée, dont celle ordonnant le retrait de l’ordinateur litigieux pendant une durée maximale d’un mois…«  Quand le doute tu connaitras, toujours la culpabilité du prévenu tu retiendras »

    Son conseil dépose en urgence une requête en référé-suspension devant le Tribunal Administratif (TA) de Lille : l’urgence est caractérisée et il y a un doute sérieux quand aux motivations de la sanction.ii


    Peine perdue ! Le Président du TA de Lille considère que le référé est irrecevable en raison de l’absence du recours en annulation. Par là même, il méconnait les dispositions et la jurisprudence du conseil d’état en vigueur.

    Que faire ? Saisir le conseil d’Etat pour faire annuler l’ordonnance du TA déclarant irrecevable le référé ? Ceci nécessite le recours à un Avocat aux Conseils, seuls avocats habilités à agir devant les Cours suprêmes françaises. Et l’aide juridictionnelle n’est pas automatique. Par ailleurs, le jour où l’ordonnance d’irrecevabilité est rendue, Thierry est libéré du cachot, soit 3 jours avant la fin de sa peine. Etrange…Aucun commentaire. Mais son ordinateur ne lui est toujours pas remis ; sans raison.

    10 jours plus tard, comme initialement prévu, il est transféré pour un CD de la région parisienne. Il a du attendre 31 mois pour être transféré. Les raisons de sa demande sont simples et forcement louches : la faculté avec laquelle il réalise sa thèse est en région parisienne. Il veut donc s’en rapprocher. De plus, les personnes qui lui rendent visite vivent dans cette région.

    Lors de sa demande, Thierry n’avait pas manqué de demander au Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (CGP) d’intervenir afin que le transfert, lorsqu’il serait exécuté, s’effectue le plus rapidement possible afin qu’il ne perde pas des jours de travail dans l’attente de l’arrivée notamment de son ordinateur et de la mise en place de ses nouvelles conditions de travail. Le CGP le lui aurait assuré.

    Seulement, la machine à broyer est lancée et plus rien n’arrête la folie administrative ; personne ne prend ses responsabilités.

    Au lieu de parvenir directement au CD, Thierry passe par la Maison d’Arrêt (MA) de Fresnes. Il pense y passer 2 ou 3 jours, il y restera 3 semaines. « Ton détenu, tu baladeras »

    Son ordinateur ne lui sera pas remis.

    Il entamera une grève de la faim pendant 15 jours afin de faire pression pour que son transfert soit le plus rapide possible.

    Parallèlement, il apprend par l’un des chefs de détention que son ordinateur est resté à l’ancien CD…Les CLI auraient d’eux-mêmes, sans ordre de leur hiérarchie retenu l’ordinateur. Thierry devra alors le faire venir par ses frais via la SERNAM. Vengeance, jalousie ? Thierry était de loin plus compétent qu’eux en informatique. A tel point que dès qu’un problème arrivait sur n’importe quel ordinateur du CD, on faisait appel à Thierry et non aux CLI ! On conçoit que ça énerve : celui que l’on considère comme un homme sans droit, débile et monstrueux, plus compétent que soi, plus compétent que ceux qui sont censés le surveiller…

    Fin janvier, Thierry arrive à Melun. Il espère reprendre vite le travail. Son employeur s’impatiente à juste titre car les clients attendent depuis plusieurs semaines déjà. La direction, lorsqu’elle accepte de lui répondre, et qui a l’air de ne pas saisir l’urgence de cette affaire, lui indique que non seulement un CDI n’est pas valable pour un prisonnier mais encore que les infractions commises à la MC de Poissy et au CD précédent, les obligent à la plus grande prudence et à toutes les vérifications possibles.

    Son conseil saisit en urgences le CGP et la DISP d’Ile de France. Il souligne également l’atteinte à la présomption d’innocence : non seulement à la MC de Poissy aucune sanction n’avait été prononcée, mais encore concernant le CD précédent, l’affaire est pendante devant le TA de Lille pour un recours en annulation. Il explique et fournit les attestations de l’employeur qui indiquent que les connexions n’étaient sans doute pas des connexions à internet mais des simulations opérées par Thierry. Il indique aussi le risque de licenciement s’il ne reprend pas son travail et le préjudice subi quant à la suspension de sa thèse.

    Entre temps, son ordinateur arrive via la SERNAM et grâce au paiement effectué par Thierry. Il rencontre le CLI du CD où il vient d’arriver. Lequel lui annonce une mauvaise nouvelle, une de plus. En ouvrant le colis contenant l’ordinateur, il constate que ce dernier présente des traces extérieures de détériorations.

    Comme les dispositions légales obligent que le fonctionnement de l’ordinateur doit être vérifié par le CLI et en présence du propriétaire, Thierry et le CLI démontent le panneau métallique de l’ordinateur.

    Une surprise de taille les attend : la carte vidéo et le radiateur ont été arrachés ! Acte de malveillance semble-t-il. La direction fait établir un rapport et prend toutes les photographies des détériorations. Le conseil de Thierry prépare une plainte entre les mains du procureur de la République.

    Thierry et son conseil demandent une nouvelle fois le prêt d’un ordinateur par l’employeur pour travailler. Peine perdue.

    Ils saisissent en urgence le TA en référé-liberté : l’urgence est caractérisée par la perte imminente de son travail (3 mois sans travailler, son employeur ne va pas pouvoir le garder) et deux atteintes à des libertés fondamentales : l’atteinte à la propriété privée (son ordinateur ne lui est pas remis) et l’atteinte à un principe constitutionnel : le droit au travail.

    Mais non, rien n’y fait ! Le juge rend son ordonnance : il n’y a pas d’urgence selon lui, aucune preuve n’étant apportée quant au risque imminent de perte d’emploi !

    De toute évidence, le juge administratif ne doit pas avoir une connaissance très poussée des exigences du secteur privé…

    Que faire ?

    Dénoncer la voie de fait commise par l’administration pénitentiaire : la saisie initiale de son ordinateur n’aurait pas pu dépasser un mois, quand bien même il aurait été condamné à cette peine complémentaire le 10 décembre 2009.

    Déposer une plainte entre les mains du procureur, autorité judiciaire garante des libertés fondamentales ?

    On doute de cette opportunité. 3 mois pour être examinée au bas mot, autant pour être audiencée, autant pour être jugée….à quoi bon ?

    On fait comprendre à Thierry qu’il est étonnant qu’il ne se soit pas encore énervé plus que cela et que son employeur ne l’aie pas encore licencié.

    Tout cela est trop louche : en règle générale un prisonnier dans ce genre de situation s’énerve et son employeur le licencie ! Pas dans le cas de Thierry.

    L’administration pénitentiaire, Inspecteur Clouzot au petit pied veut découvrir le pot-aux-roses. Il y a forcément un truc, une combine. La Direction régionale demande alors à rencontrer l’employeur de Thierry.

    En quatre ans, c’est la première fois.

    Une personne doit donc rencontrer la société, pour comprendre comment le travail s’effectue, ce que la société produit etc. L’employeur est un peu impressionné mais accepte bien entendu ce rendez-vous : « si cela fait avancer les choses, alors oui, sans problème. » Ce dernier avise le conseil de Thierry. Celui-ci n’a jamais eu de réponses directes à ses demandes et aux arguments qu’il présentait. Nécessairement, cet homme est un avocat donc il ment, travestit la vérité et ses arguments sont fallacieux. Il se présente chez l’employeur le jour où la DR doit venir. Une seule personne devait venir. Ils sont 4.

    Sait-on jamais, si un programme informatique leur saute au visage il faudra bien se défendre et à 4 ils découvriront les magouilles évidentes de cet employeur !

    Mais, ces 4 personnes refusent la présence de l’avocat de Thierry : « Nous ne sommes pas en procès Maître ! » « Bien entendu, sinon, il y aurait un juge. Je viens vous voir pour comprendre et apporter des réponses concrètes à mon client et enfin avoir un interlocuteur dans cette administration opaque. » « Non, c’est un entretien privé avec l’employeur. » « Ok, si cela doit empêcher cette rencontre et porter alors préjudice dans l’avancement de la gestion du dossier de mon client, je m’éclipse. » « De l’avocat, ce manipulateur qui nous prive de jouer librement avec les détenus, tu te méfieras. »

    A la fin du rendez-vous, l’employeur informe le conseil : l’administration veut absolument que Thierry puisse se réinsérer et qu’il puisse travailler ! Ah !!! Bonne nouvelle !

    Mais il y aura des conditions :

    • Plus de CDI car cela n’est pas possible avec un prisonnier ;

    • Des heures de travail limitées à 27,5 heures par semaine ;

    • Plus d’envois par mail mais uniquement par support DVD ou disque dur ;

    • Plus de logiciels de retouches d’image ;

    • Etc.

    Rappelons les exigences relatives au droit du travail d’un prisonnieriii (en annexe l’argumentaire juridique soulevé) : seule la privation d’aller à venir doit être la sanction, et dans un souci de réinsertion sociale, le prisonnier doit pouvoir être placé dans des conditions les plus proches possible du monde du travail extérieur.

    Mais il y a ces exigences du monde parallèle du travail en prison : absurdes et intenables, lesquelles doivent s’imposer, sortie de nulle part, quatre années après que Thierry ait effectivement commencé à travailler. Quelle célérité et quel bon sens : rendre ces conditions impossibles et s’étonner que son employeur puisse le licencier.

    La décision finale est entre les mains de la direction du CD et de la DISP.

    « De prendre une décision, tu t’empêcheras »

    Espérons au moins qu’elle intervienne au plus vite afin que Thierry ne reste plus dans cette attente, dans cette tension.

    La machine à broyer tourne et personne ne l’arrête car il n’est personne qui ait le courage de prendre une décision ferme et définitive qui s’impose.

    On pousse Thierry à la faute disciplinaire : ça ferait ainsi une motivation légale pour l’empêcher d’étudier et de travailler.

    • BAN PUBLIC dénonce que le seul moyen pour Thierry de se faire attendre soit la grève de la faim.

    • BAN PUBLIC dénonce l’atteinte à la présomption d’innocence fomentée par certaines personnes sur les utilisations abusives que Thierry auraient faites de son ordinateur tant à en MC qu’en CD.

    • BAN PUBLIC dénonce les erreurs d’appréciation commises par les juges administratifs dans les deux référés déposés par Thierry.

    • BAN PUBLIC confirme ce qu’elle dénonce depuis sa création : le principe de réinsertion n’est pas appliqué par l’Administration Pénitentiaire.

    • BAN PUBLIC exige qu’une réelle réinsertion soit permise aux prisonniers quels qu’ils soient.

    • BAN PUBLIC dénonce la violation des dispositions du CPP et de la circulaire relative à l’informatique en prisoniv.

    • BAN PUBLIC dénonce l’absence de pouvoir de sanction du Contrôleur Générale des Prisons qui n’a qu’un rôle de constat et ne peut faire pression quand il y a des manquements à l’égard des prisonniers.

    • BAN PUBLIC dénonce la situation d’acharnement dont Thierry semble être la cible.

    • BAN PUBLIC demande aux autorités judiciaires gardiennes des libertés fondamentales fassent la lumière sur TOUTES les atteintes aux droits de Thierry.

    • BAN PUBLIC dénonce le non respect des conventions internationales et de la constitution de 1958 quant au droit au travail et à l’égalité de tous les citoyens quels qu’ils soient par le législateur français qui a mis en place un système de discrimination dans le droit du travail, entravant les possibilités de réinsertion si hautement énoncées.

    • BAN PUBLIC alerte tous les journalistes et parlementaires, représentant de TOUS les citoyens pour faire pression sur ces administrations.


    Ban Public,
    Paris, le 24 mars 2010

    --- Lire l’article avec les annexes :
    http://prison.eu.org/
    <wbr></wbr>article12379.html

    </wbr></wbr></wbr></wbr></wbr></wbr> </wbr>

    votre commentaire
  • Centre de rétention du Mesnil 2 :
    non à l'ouverture d'un camp d'internement des étrangers !

    Aujourd'hui 18 mars 2010, il y a 29548 signatures électroniques enregistrées depuis le 3 février 2010.

    La construction du nouveau centre de rétention (CRA) du Mesnil-Amelot (77) est achevée. L’ouverture est prévue dans quelques semaines. Avec 240 places de rétention, ce centre sera le plus grand de France. Il s’ajoutera au premier CRA du Mesnil-Amelot, qui compte déjà 140 places.

    L’entrée en fonction de ce véritable camp marque une nouvelle étape de ce que les associations de défense des droits des migrants ont qualifié depuis 2004 d’industrialisation de la rétention. D'exceptionnel, l'enfermement des personnes en situation irrégulière devient peu à peu un outil banal de la politique migratoire.

    Le futur centre de rétention comptera 240 places dont 40 places réservées aux familles. Il est organisé en 6 "unités de vie" de 40 places, disposés autour de deux bâtiments administratifs jumeaux eux-mêmes reliés par une passerelle de commandement. Une double enceinte grillagée et barbelée entoure l’ensemble du camp. Des dizaines de caméras et des détecteurs de mouvements complètent ce dispositif carcéral.

    Comme pour le CRA de Vincennes, l’Administration utilise la fiction de deux centres de rétention mitoyens pour contourner la réglementation : celle-ci limite à 140 places la capacité d’un centre de rétention.

    La construction envisagée de deux salles d’audiences à proximité immédiate du camp instituera une justice d’exception éloignée de tout regard de la société civile.

    Un centre de 240 places représente une moyenne de 40 arrivées par jour (c’était le cas au CRA de Vincennes avant l’incendie du 22 juin 2008). Comme l’a montré la situation de Vincennes, ce type d’univers déshumanisé favorise, encore plus qu’ailleurs, le non-droit, les violences, les auto-mutilations et les tentatives de suicide.

    Les associations signataires s’opposent à l’ouverture du futur centre de rétention du Mesnil Amelot. Elles dénoncent la criminalisation des migrants et appellent les citoyens et les élus à se mobiliser contre l’internement administratif des étrangers.

    Premières organisations signataires :

    ADDE - Comede - ELENA-France - Emmaüs France- Fasti-Gisti - La Cimade - Ligue des droits de l'homme - Migreurop - MRAP - RAIDH-Réseau Education Sans Frontières - Secours Catholique - Syndicat des Avocats de France - Syndicat de la Magistrature- UNSA

    > Signer la pétition | > Voir les signataires

    >Télécharger la pétition pour l'imprimer et la diffuser


    1 commentaire
  • Tribunal des flagrants délires - Verdict Procès CRA Vincennes


    Mercredi 17 mars 2010. Tribunal de grande instance de Paris. Le verdict du procès des «inculpés de Vincennes» doit être rendu à 13h30 dans la 16e chambre du tribunal correctionnel.


    12 heures. Quelques personnes dans le grand hall qui dessert les salles d’audience. 12h30, arrivée dans le hall de l’avocate des plaignants (soit les flics du CRA qui se sont constitués partie civile dans l’affaire). Vers 12h45, des caméras et leurs porteurs arrivent dans le hall ainsi que les gendarmes. Il y a environ une quarantaine de personnes venues assister au jugement, dispersées entre la 16e chambre et la 31e. Un papier scotché à l’entrée des deux chambres indique que les audiences du matin qui doivent se dérouler dans la 16e chambre se tiendront dans la 31e. Quelques personnes demandent à des gendarmes en plan devant la 31e où se passera le jugement des «inculpés de Vincennes». Réponse d’un gendarme de l’autre côté du portique de la 31e chambre : «Je ne sais pas, je n’ai pas eu d’ordre.» Contre les grilles qui délimitent une sorte de sas entre le portique et les portes de la 31e chambre, quelques flics en civils patientent.

    13 heures. Visiblement, les caméras présentes dans le hall sont là pour une autre affaire — dite de «la clinique du sport» où il est question d’infections nosocomiales et de médecins qui auraient oublié Hippocrate.

    Aucun des gendarmes présents devant les salles d’audience n’étant capable d’indiquer le numéro de la chambre dans laquelle le jugement sera rendu, c’est un rapide coup d’œil aux déplacements de l’avocate des plaignants qui permet finalement de trouver la réponse. Quelques personnes se placent donc devant la 16e chambre dans laquelle l’avocate est entrée sans difficulté.

    13h15. Entre 50 et 60 personnes attendent devant la 16e chambre. Deux ou trois gendarmes en poste devant les portes demandent au public de reculer et de se placer derrière les grilles qui encadrent l’entrée de la salle. Refus du public. Quelques personnes tentent de parlementer avec les gendarmes en leur disant simplement qu’ils ne sont pas violents, que leur présence ne gêne en rien. Un des gendarmes, après avoir marmonné un «bon, si vous voulez pas écouter…», annonce qu’il va «fermer les portes à clé». Arrivent alors des gendarmes supplémentaires pour déplacer les barrières. «Il faut libérer l’espace», un gendarme dixit : les barrières sont resserrées autour du public. [
    Ce qui, de façon tout à fait paradoxale et concomitante, revient dans la pratique des forces de l’ordre à le réduire (l’espace).]

    Arrivée de l’avocate du Trésor public (qui, pour rappel, s’est constitué partie civile la veille du début du procès) qui entre dans la salle d’audience. Les avocats de la défense sont devant les portes, avec le public.

    13h30. Quelques avocats de la défense se font des blagues. De l’autre côté de la barrière, un de leurs «camarades» — un avocat de la défense dixit — se fait apostropher par une personne dans le public. Visiblement, il aurait expliqué à un journaliste de LCI qu’il ne suivait pas l’affaire et qu’il s’agissait dans le cas de l’un des prévenus d’un «pauvre type» qui aurait incendié le CRA. Une personne dans le public s’adresse donc à l’avocat en lui faisant remarquer que le choix de ces mots n’est peut-être pas des plus appropriés. S’ensuit un échange, disons, assez vif. La personne du public lui parle du choix de mots utilisés pour qualifier tel ou tel, de «justice de classe», ce qui fait dire à l’avocat : «ah, encore des marxistes». Passablement énervé, l’avocat s’adresse à la personne dans le public : «Et puis appelez-moi Maître !» [
    Cette petite histoire a quand même le mérite de poser encore une fois la question du choix des mots. Si pour la personne du public, l’objet d’indignation est le mode de désignation des personnes jugées, pour l’avocat c’est la manière dont la personne s’adresse à lui. Ce qui fait violence à l’avocat, c’est que son titre soit écorché. Ô douleur, ô incorrigible irrespect du «marxiste» à l’égard des «conseils»…]

    Fin de l’échange. Dix journalistes environ se pressent de l’autre côté de la barrière.

    13h50. Ouverture des portes. Entrée des avocats de la défense, de quelques journalistes, puis de personnes du public. La salle compte 25 places assises pour le public. [
    25 places assises pour le public auxquelles il faut généralement retirer 2 places, voire plus, pour les civils. Entre un tutoiement à l’une des plaignantes et un profil aussi bas que le niveau de leurs réflexions, nos vaillants infiltrés ont réussi l’exploit de s’échanger un merveilleux «soyons T’actifs». Ah, la subtilité des agents de liaison…] Huit journalistes prennent place dans le box de la presse. Le box est plein. Un journaliste s’assied dans le public sur les conseils des gendarmes présents dans la salle. propos de la présence des journalistes, notons simplement que le box qui leur est réservé a été étrangement déserté pendant les trois demi-journées d’audience pendant lesquelles ont été visionnées les bandes de vidéosurveillance et les deux autres consacrées aux auditions fort croustillantes des plaignants et au réquisitoire. Ils étaient deux en moyenne, grand maximum. Et quand ils étaient là, ils assistaient très rarement à l’intégralité de la séance. Pour en dire quoi d’ailleurs ? «Des incidents ont émaillé la séance» (sic). S’agissant de la séance d’aujourd’hui, saluons chaleureusement — entre autres — l’article de 20 minutes (pour torcher un compte-rendu à l’aide du dictionnaire à trois entrées).] Une des plaignantes fait de même.

    14h10. Les avocats de la défense et des parties civiles sont là. Des avocats qui n’avaient jusqu’alors pas assisté aux audiences sont présents également. De qui s’agit-il ? Aucune idée.

    La traditionnelle sonnerie qui signifie le début des audiences retentit. Arrivée du tribunal.

    Alors que la présidente entame la lecture du délibéré d’une voix extrêmement basse, une dame — d’un âge honorable — dans le public dit : «Je n’entends rien» et demande à la présidente de parler plus fort. La présidente lui réplique : «Madame, vous sortez». Des gendarmes entourent alors la dame qui explique que «c’est au nom du peuple français que la justice est rendue». À peine sa phrase terminée, elle se fait sortir par au moins trois gendarmes. [
    300 kilos de muscles dans des combis bleues pour une septuagénaire, voilà une belle leçon de courage et de gestion ad hoc du risque.]

    L’huissier mentionne qu’une photo a été prise lors de la sortie de la dame. La présidente suspend la séance.

    Pendant ce temps, le procureur se marre avec les avocates des parties civiles.

    Reprise.

    On entend des cris à l’extérieur de la salle. Les personnes venues assister au verdict qui n’ont pas pu entrer scandent «liberté pour tous les sans-papiers».

    De façon toujours aussi inaudible, la présidente pose des questions aux avocats de la défense au sujet de la photo qui aurait été prise dans la salle. Dans le public, on croit comprendre ceci : la photo aurait été prise par la stagiaire (?) de l’une des avocates de la défense. L’avocate mentionne son cabinet et tend le portable — à l’aide duquel la photo aurait été prise — à la présidente. L’avocate demande alors la présence d’«un membre du Conseil de l’ordre à l’audience».

    La présidente suspend la séance.

    Il est environ 14h30.

    À l’extérieur de la salle, on entend «fermeture des centres de rétention», «liberté pour tous les sans-papiers».

    Ledit membre du Conseil de l’ordre fait son entrée et passe la porte — au fond à gauche de la salle — d’où entrent et sortent les magistrats. Il en ressort cinq minutes plus tard et tient conciliabule avec les avocats de la défense. Se joignent à ce petit groupe les avocates des parties civiles. Depuis les bancs du public, on peut entendre ceci : «le téléphone est parti au parquet».

    Reprise. 14h45.

    La présidente annonce que «le tribunal rejette les conclusions déposées par les conseils».

    Sur les dix prévenus, tous reconnus coupables :

    Un est condamné à «36 mois» de prison. [Trois ans ferme donc. La justice parle en mois quand elle se rend. Ça peut évoquer des «mois de vacances», peut-être, sauf que dans ce cas-ci, c’est la vacance de la justice dont il est question.]
    Quatre sont condamnés à 30 mois — 2 ans et demi. Pour deux d’entre eux, il s’agit d’une peine comprenant 6 mois de sursis.
    Un est condamné à 24 mois — deux ans. Et mandat d’arrêt. [Émis le 24 février 2009.]
    Deux sont condamnés à un an de prison.
    Deux sont condamnés à 8 mois de prison. Avec un mandat d’arrêt [Émis le 24 février 2009.] pour l’un des deux prévenus.

    La présidente poursuit sur la question de l’action civile, jugée «recevable», concernant les six plaignants :

    Le premier : certains des prévenus sont condamnés à verser au plaignant :
    — 500 euros au titre du pretium doloris. [En droit, le «pretium doloris» est «l’expression d’allure latine désignant une cause de préjudice en réparation de laquelle la victime obtient un compensation financière pour les souffrances qu’elle a ressenties ensuite des blessures subies et ce, que ces souffrances aient été ou non la conséquence directe ou indirecte (interventions chirurgicales) d’un fait accidentel ou d’un mauvais traitement dont l’auteur doit répondre. Cette réparation se cumule avec l’indemnisation des autres chefs de préjudice tels que le préjudice physique, le préjudice moral, ou le préjudice esthétique.» Voir ici. Pour rappel, voici le détail des (affreuses) blessures relevées chez les flics : «fracture du gros orteil – 5 jours d’ITT» ; «entorse bénigne du genou gauche + inhalations de fumées» ; «[une plaignante] tirée par le cheveux – 3 semaines d’arrêt de travail, mais elle est allée travailler quand même» ; «entorse de la cheville gauche – 3 semaines d’attelle» ; «inhalation de fumées toxiques, elle [la plaignante auditionnée la veille] a eu la peur de sa vie, ses jambes ne répondaient plus» ; «inhalations de fumées toxiques, il (un flic) a senti le vent venir – selon le certificat d’un ORL, il est sourd d’une oreille suite à l’exposition à des fumées toxiques» ; «inflammation nasale diffuse».]
    — 200 euros au titre du préjudice moral.
    Et chaque prévenu doit payer 50 euros au titre de l’article (?) du Code de procédure pénale. [La présidente marmonnant, il s’agit soit de l’article 460-1 soit du 461 relatifs à «la discussion par les parties» lors des débats. Voir le code ici.]
    Le second [Enfin, plus précisément, la seconde plaignante. Celle qui avait roulé dans la salle d’audience un furtif patin à l’un des gendarmes en poste au tribunal, et qui avait joué les premiers violons lors de son audition.] : 500 euros au titre du pretium doloris. 500 euros au titre du préjudice moral. 50 euros au titre de l’article inconnu du CPP.
    Le troisième : 1000 euros au titre du pretium doloris. 500 euros au titre du préjudice moral. 50 euros au titre de l’article inconnu du CPP.
    La quatrième : 2000 euros au titre du pretium doloris. 500 euros au titre du préjudice moral. 50 euros au titre de l’article inconnu du CPP.
    Le cinquième : 500 euros au titre du pretium doloris. 500 euros au titre du préjudice moral. 50 euros au titre de l’article inconnu du CPP.
    Le sixième : le tribunal ordonne une expertise médicale. Le rapport devra être rendu au greffe avant le 17 septembre 2010. 680 euros devront être versés par le plaignant qui reçoit 500 euros au titre de l’indemnité provisionnelle (non définitive donc).
    Dans le cas de ce plaignant, le jugement sera rendu le 18 octobre 2010 à 9 heures à la 19e chambre du tribunal correctionnel de Paris.


    La présidente déclare que le tribunal a jugé «recevables» les demandes du Trésor public. Le tribunal ordonne toutefois une expertise technique relative aux matériaux et au mobilier des CRA 1 et 2. Expertise qui doit déterminer :

    — Si les matériaux et le mobilier étaient conformes aux normes de sécurité,
    — La cause de la propagation de l’incendie dans les CRA 1 et 2,
    — Le montant du préjudice subi.


    Des experts seront nommés au titre de l’article 263 du Code de procédure civile. [
    Article qui prévoit que «l’expertise n’a lieu d’être ordonnée que dans le cas où des constatations ou une consultation ne pourraient suffire à éclairer le juge». Voir le code en ligne.]

    Leur rapport devra être rendu au greffe avant le 13 décembre 2010.

    3000 euros («soit 1500 euros par expert», la présidente dixit) seront à verser par l’agent du Trésor avant le 17 mai 2010, selon l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

    Le jugement sera rendu le 12 janvier 2011 à la 16e chambre.

    La présidente : «l’audience est suspendue».

    Dans le hall, les gens discutent, scandent des slogans, sous les yeux des gendarmes et de civils. «À bas l’État, les flics et les patrons.»

    Les avocats de la défense répondent aux caméras et annoncent qu’ils font appel du jugement.

    Quelque temps après, une trentaine de personnes se dirigent vers la sortie, des «liberté pour tous les sans-papiers» résonnent. «Pierre par pierre, et mur par mur, nous détruirons toutes les prisons.»

    Le groupe est suivi par les gendarmes et les civils. Arrivé dans la grande cour du TGI, le groupe fait résonner des slogans. Les gendarmes les entourent et les sortent de l’enceinte du tribunal.

    Pretium humanae gentis ?

    Je dédie ce billet à tous les connards qui s’empressent en ce moment même de commenter la «nouvelle» sur différents sites, Le Monde, Le Figaro par exemple, saluant la décision de justice, parlant sans savoir. Des ordures se gavaient le bide quand on faisait du châtiment un spectacle en place publique, quelques siècles plus tard, les mêmes se raclent l’ongle sur un clavier pour applaudir la très discrète œuvre de justice.

    votre commentaire
  • La grève des électeurs

    Une chose m’étonne prodigieusement, j’oserai dire qu’elle me stupéfie, c’est qu’à l’heure scientifique où j’écris, après les innombrables expériences, après les scandales journaliers, il puisse exister encore dans notre chère France (comme ils disent à la Commission du budget) un électeur, un seul électeur, cet animal irrationnel, inorganique, hallucinant, qui consente à se déranger de ses affaires, de ses rêves ou de ses plaisirs, pour voter en faveur de quelqu’un ou de quelque chose. Quand on réfléchit un seul instant, ce surprenant phénomène n’est-il pas fait pour dérouter les philosophies les plus subtiles et confondre la raison ? Où est-il le Balzac qui nous donnera la physiologie de l’électeur moderne . ? et le Charcot qui nous expliquera l’anatomie et les mentalités de cet incurable dément ? Nous l’attendons.

    Je comprends qu’un escroc trouve toujours des actionnaires, la Censure des défenseurs, l’OpéraComique des dilettanti, le Constitutionnel des abonnés, M. Carnot des peintres qui célèbrent sa triomphale et rigide entrée dans une cité languedocienne ; je comprends M. Chantavoine s’obstinant à chercher des rimes ; je comprends tout. Mais qu’un député, ou un sénateur, ou un président de République, ou n’importe lequel parmi tous les étranges farceurs qui réclament une fonction élective, quelle qu’elle soit, trouve un électeur, c’est-à-dire l’être irrêvé, le martyr improbable, qui vous nourrit de son pain, vous vêt de sa laine, vous engraisse de sa chair, vous enrichit de son argent, avec la seule perspective de recevoir, en échange de ces prodigalités, des coups de trique sur la nuque, des coups de pied au derrière, quand ce n’est pas des coups de fusil dans la poitrine, en vérité, cela dépasse les notions déjà pas mal pessimistes que je m’étais faites jusqu’ici de la sottise humaine, en général, et de la sottise française en particulier, notre chère et immortelle sottise, â chauvin !

    Il est bien entendu que je parle ici de l’électeur averti, convaincu, de l’électeur théoricien, de celui qui s’imagine, le pauvre diable, faire acte de citoyen libre, étaler sa souveraineté, exprimer ses opinions, imposer - 8 folie admirable et déconcertante - des programmes politiques et des revendications sociales ; et non point de l’électeur " qui la connaît " et qui s’en moque, de celui qui ne voit dans " les résultats de sa toute-puissance " qu’une rigolade à la charcuterie monarchiste, ou une ribote au vin républicain. Sa souveraineté à celui-là, c’est de se pocharder aux frais du suffrage universel. Il est dans le vrai, car cela seul lui importe, et il n’a cure du reste. Il sait ce qu’il fait. Mais les autres ?

    Ah ! oui, les autres ! Les sérieux, les austères, les peuple souverain, ceux-là qui sentent une ivresse les gagner lorsqu’ils se regardent et se disent : " Je suis électeur ! Rien ne se fait que par moi. Je suis la base de la société moderne. Par ma volonté, Floque fait des lois auxquelles sont astreints trente-six millions d’hommes, et Baudry d’Asson aussi, et Pierre Alype également. " Comment y en a-t-il encore de cet acabit ? Comment, si entêtés, si orgueilleux, si paradoxaux qu’ils soient, n’ont-ils pas été, depuis longtemps, découragés et honteux de leur oeuvre ? Comment peut-il arriver qu’il se rencontre quelque part, même dans le fond des landes perdues de la Bretagne, même dans les inaccessibles cavernes des Cévennes et des Pyrénées, un bonhomme assez stupide, assez déraisonnable, assez aveugle à ce qui se voit, assez sourd à ce qui se dit, pour voter bleu, blanc ou rouge, sans que rien l’y oblige, sans qu’on le paye ou sans qu’on le soûle ?

    A quel sentiment baroque, à quelle mystérieuse suggestion peut bien obéir ce bipède pensant, doué d’une volonté, à ce qu’on prétend, et qui s’en va, fier de son droit, assuré qu’il accomplit un devoir, déposer dans une boîte électorale quelconque un quelconque bulletin, peu importe le nom qu’il ait écrit dessus ?... Qu’est-ce qu’il doit bien se dire, en dedans de soi, qui justifie ou seulement qui explique cet acte extravagant ? Qu’est-ce qu’il espère ? Car enfin, pour consentir à se donner des maîtres avides qui le grugent et qui l’assomment, il faut qu’il se dise et qu’il espère quelque chose d’extraordinaire que nous ne soupçonnons pas. Il faut que, par de puissantes déviations cérébrales, les idées de député correspondent en lui à des idées de science, de justice, de dévouement, de travail et de probité ; il faut que dans les noms seuls de Barbe et de Baihaut, non moins que dans ceux de Rouvier et de Wilson, il découvre une magie spéciale et qu’il voie, au travers d’un mirage, fleurir et s’épanouir dans Vergoin et dans Hubbard, des promesses de bonheur futur et de soulagement immédiat. Et c’est cela qui est véritablement effrayant. Rien ne lui sert de leçon, ni les comédies les plus burlesques, ni les plus sinistres tragédies. Voilà pourtant de longs siècles que le monde dure, que les sociétés se déroulent et se succèdent, pareilles les unes aux autres, qu’un fait unique domine toutes les histoires : la protection aux grands, I’écrasement aux petits. Il ne peut arriver à comprendre qu’il n’a qu’une raison d’être historique, c’est de payer pour un tas de choses dont il ne jouira jamais, et de mourir pour des combinaisons politiques qui ne le regardent point.

    Que lui importe que ce soit Pierre ou jean qui lui demande son argent et qui lui prenne la vie, puisqu’il est obligé de se dépouiller de l’un, et de donner l’autre ? Eh bien ! non. Entre ses voleurs et ses bourreaux, il a des préférences, et il vote pour les plus rapaces et les plus féroces. Il a voté hier, il votera demain, il votera toujours. Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne se disent rien, eux, et Us n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit.

    O bon électeur, inexprimable imbécile, pauvre hère, si, au lieu de te laisser prendre aux rengaines absurdes que te débitent chaque matin, pour un sou, les journaux grands ou petits, bleus ou noirs, blancs ou rouges, et qui sont payés pour avoir ta peau ; si, au lieu de croire aux chimériques flatteries dont on caresse ta vanité, dont on entoure ta lamentable souveraineté en guenilles, si, au lieu de t’arrêter, éternel badaud, devant les lourdes duperies des programmes ; si tu lisais parfois, au coin du feu, Schopenhauer et Max Nordau *, deux philosophes qui en savent long sur tes maitres et sur toi, peut-être apprendrais-tu des choses étonnantes et utiles. Peut-être aussi, après les avoir lus, serais-tu moins empressé à revêtir ton air grave et ta belle redingote, à courir ensuite vers les urnes homicides où, quelque nom que tu mettes, tu mets d’avance le nom de ton plus mortel ennemi. Ils te diraient, en connaisseurs d’humanité, que la politique est un abominable mensonge, que tout y est à l’envers du bon sens, de la justice et du droit, et que tu n’as rien à y voir, toi dont le compte est réglé Rêve après cela, si tu veux, des paradis de lumières et de parfums, des fraternités impossibles, des bonheurs irréels. C’est bon de rêver, et cela calme la souffrance. Mais ne mêle jamais l’homme à ton rêve, car là où est l’homme, là est la douleur, la haine et le meurtre. Surtout, souviens-toi que l’homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu’en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu’il ne te donnera pas et qu’il n’est pas d’ailleurs, en son pouvoir de te donner.

    L’homme que tu élèves ne représente ni ta misère, ni tes aspirations, ni rien de toi ; il ne représente que ses propres passions et ses propres intérêts, lesquels sont contraires aux tiens. Pour te réconforter et ranimer des espérances qui seraient vite déçues, ne va pas t’imaginer que le spectacle navrant auquel tu assistes aujourd’hui est particulier à une époque ou à un régime, et que cela passera. Toutes les époques se valent, et aussi tous les régimes, c’est-à-dire qu’ils ne valent rien. Donc, rentre chez toi, bonhomme, et fais la grève du suffrage universel. Tu n’as rien à y perdre, je t’en réponds ; et cela pourra t’amuser quelque temps. Sur le seuil de ta porte, fermée aux quémandeurs d’aumônes politiques, tu regarderas défiler la bagarre, en fumant silencieusement ta pipe.

    Et s’il existe, en un endroit ignoré, un honnête homme capable de te gouverner et de t’aimer, ne le regrette pas. Il serait trop jaloux de sa dignité pour se mêler à la lutte fangeuse des partis, trop fier pour tenir de toi un mandat que tu n’accordes jamais qu’à l’audace cynique, à l’insulte et au mensonge.

    je te l’ai dit, bonhomme, rentre chez toi et fais la grève.

    Octave Mirbeau

    28 novembre 1888


    1 commentaire
  • Sans-papiers : la lutte continue, pour la régularisation de tous, avec ou sans circulaire !


    SSPP13 02 Voilà cinq mois que le dit "Acte II" de la lutte des travailleurs sans-papiers est entamé. Cinq mois que des centaines de camarades tiennent, malgré l'impasse dans laquelle les ont entraîné les dirigeants syndicaux. Cinq mois que la recherche de la prétendue "circulaire apaisée et harmonieuse" n'a produit après bien des discussions qu'un texte bien ficelé pour répondre aux besoins de l'impérialisme, et rien d'autre.
    Et pourtant, la direction confédérale est passée maîtresse dans l'art de faire prendre des vessies pour des lanternes, de faire croire à l'avancée de la lutte alors que tout montre qu'elle piétine et ne débouche pas.

    Le dernier épisode vient de se produire avec la signature largement médiatisée d'une "approche commune" entre les syndicats et certains secteurs du patronat. Rien que le titre mérite la méditation... : approche commune entre exploiteurs et exploités ?
    print Et la lecture du texte complet (également en version imprimable ci-contre) montre où en sont arrivés nos dirigeants syndicaux. A négocier eux-mêmes les supposés "bons" critères qui seront acceptables et qui à leur tour serviront à exclure celles et ceux qui ne les rempliront pas.
    Comme le dit un de nos lecteurs :


    " Il est paradoxal que des syndicats tels la CGT, FSU, Solidaires aient pu signer une « approche commune »  qui stipule « C’est une occasion de lutter réellement contre le travail illégal » alors que plus haut, ils reconnaissent que ces « étrangers » ….« d’une façon ou d’une autre s’acquittent et se sont acquittés de leurs cotisations et impôts, de même que leurs employeurs » .
    Suivant cette définition, il ne s‘agit aucunement de « travail illégal » !
    Les Sans Papiers en sont d’ailleurs les seules victimes et les patrons les seuls maquereaux ! On est loin du mot d'ordre du 48ème Congrès de la régularisation de tous les sans-papiers !"


    SSPP13 02 2On lira avec intérêt cette fameuse "approche commune", pour constater qu'effectivement les critères sont plus souples que ceux de Besson (par exemple il n'y a pas le critère des 5 ans de présence), mais qu'ils sont maintenus et par exemple de manière très restrictive pour ce qui est des intérimaires [à ce propos, notons l'échec de la fameuse collecte des Cerfas parmi eux, seulement 10% des grévistes concernés...]
    Aujourd'hui, les dirigeants syndicaux tentent de présenter ce document (qui rappelons-le n'a aucune valeur) comme une avancée du mouvement. Il est important que sur tous les piquets nous revenions sur le fond : une circulaire, des critères, c'est le cas par cas, et on n'en veut pas !
    Depuis le début du mouvement nous disons :

    Circulaire ou pas, régularisation !
    Non aux critères, non au cas par cas !
    Régularisation sans condition de tous les sans-papiers !

    Et c'est plus que jamais d'actualité.

    Mais le mouvement des sans-papiers ne se limite pas à cette attente douloureuse et inquiète, sans trop de perspectives.
    SSPPBobigny Le mouvement de soutien tient toujours, comme lors de la manifestation organisée par les syndicats le 13 février. Les collectifs tiennent, par à exemple à Bobigny (voir à gauche) où on organise le 2 avril une fête de soutien, ou à Aulnay (voir à droite) où l'UL CGT vient de contraindre sous la pression le patron de STN à lâcher les Cerfas, alors même qu'il engageait une procédure de licenciement contre un gréviste... dur dur le retour de bâton !
    SSPPSTNAulnay
    Par ailleurs, les arrestations de grévistes se multiplient. Pendant un temps, à l'automne, la carte de gréviste était une protection relative en cas de souci. Depuis la publication de la circulaire Besson, et particulièrement depuis quelques semaines, c'est fini, les contrôles se multiplient, les APRF et OQTF pleuvent, des grévistes sont envoyés en rétention, et il faut toute la détermination et l'expérience des militants chevronnés (en particulier de RESF) pour empêcher que les expulsions soient plus nombreuses... Encore récemment, un délégué a été sorti de l'avion en dernière minute, alors que tout semblait perdu... Voilà qui devrait faire méditer tous nos dirigeants qui prétendent que le dépôt de dossiers crée un risque supplémentaire pour les grévistes... Le risque, il est déjà là, tous les jours, depuis des mois et des années !

    Par ailleurs, les mobilisations des camarades sans-papiers se développent en toute indépendance. Les collectifs regroupés autour de la CSP75 se sont peu à peu structurés et prennent des initiatives très positives, comme les manifestations devant les préfectures de la région parisienne, pour exiger la régularisation. Baptisé "l'ouragan du Ministère de la régularisation de tous les sans-papiers", ce sont des centaines et des milliers de camarades qui défilent successivement devant les préfectures, dernièrement le 24 février à Bobigny.
    Peu ou pas de soutiens dans ces manifestations, encore peu de grévistes en tant que tels. Mais la manifestation régionale de samedi dernier 6 mars a été un réel succès.

    bercy4Enfin, il faut parler des mobilisations qui se sont poursuivies à l'initiative de "Droits Devants" sur le racket des cotisations sociales, qui ont conduit par exemple à une large manifestation devant Bercy le 4 février pour exiger la régularisation globale de toutes et tous les sans-papiers.

    On le voit, la lutte continue, et au sein même du mouvement parmi les grévistes, les débats sont importants, à la fois pour s'organiser en toute indépendance, et pour comprendre comment sortir de l'impasse où on veut les maintenir enfermés...

    sOURCE ICI


    votre commentaire
  • Soyons nombreux au délibéré du proces de la révolte de Vincennes!

    Le mercredi 17 mars prochain sera prononcé le verdict du procès des 10 sans - papiers accusés de l'incendie du centre de rétention de Vincennes.

    Le procès mené par la juge Nathalie Dutartre et ses deux assesseurs a été à l'image de l'instruction, mené exclusivement à charge par le magistrat instructeur, Mr Alain N'guyen The. La quasi totalité des demandes de la défense a été rejetée. Seule a été acceptée la demande de visionnage des 32 heures de vidéosurveillance, mais en audience, ce qui rendait impossible toute contestation de version de l'accusation.

    Cette décision qui apparaissait comme une concession a en fait porté atteinte aux droits de la défense en imposant, sans concertation et du jour au lendemain, aux avocats et aux prévenus trois semaines d'audiences consécutives. Les inculpés et leurs avocats ont quitté le procès, ces derniers affirmant ne pas avoir les moyens de la défense et ne voulant pas être « la caution de cette comédie ». Le procès s'est donc déroulé entre personnes de connivence : les juges, le procureur Gilbert Flam, les avocats des parties civiles, à savoir l'Etat et les policiers plaignants. Cela a aussi eu comme conséquence, par exemple, que la juge a reporté de nombreux autres procès, maintenant le plus souvent les gens concernés en détention dite provisoire le temps de ce report.

    Les centres de rétention sont un rouage essentiel de la machine à expulser et donc des politiques de contrôle des flux migratoires. Quand le plus grand de ces centres est entièrement détruit par une révolte collective, l'Etat cherche à faire des exemples : il traque, emprisonne et punit. Gilbert Flam, en soldat de l'Etat, a requis à l'encontre des présumés incendiaires, entre 6 mois et 3 ans d'emprisonnement. La juge suivra sans doute la direction tracée par le proc, la justice n'étant là que pour appliquer les desseins de l'Etat. Dans ce procès emblématique, mais aussi dans son quotidien, la justice exerce sa violence de machine à punir contre tous ceux, celles qui s'opposent aux règles établies par la classe dominante. Parce qu'il faut bien s'assurer que des coupables payent, il est plus que probable que la juge ordonne des mandats d'arrêt.

    Enfermés dans ces prisons pour étrangers en attente de leur expulsion, n'ayant d'autres alternatives à la résignation que la révolte, la solidarité avec ceux choisis au hasard suite à l'incendie du centre de rétention de Vincennes, ne doit pas retomber. D'autres procès pour d'autres révoltes (Bordeaux, Toulouse) suivront.

    Au moment où les personnes qui luttent avec les sans papiers et plus largement pour la liberté de circulation et d'installation font l'objet de diverses procédures (gardes à vue, mises en examen, procès...), il est plus qu'évident qu'il faut montrer que nous ne céderons pas aux intimidations, notamment en continuant à manifester notre solidarité aux inculpés de Vincennes et plus largement à toutes celles et ceux qui, avec ou sans-papiers, expriment leur révolte contre la violence quotidienne de la machine à expulser.

    Nous vous donnons tous rendez-vous pour le délibéré au tribunal le 17 mars, nous ne pouvons accepter que les 10 bouc-émisssaires de Vincennes retournent en prison !

    13H30, TGI de Paris, M° Cité, 16e chambre

    Relaxe des inculpes de vincennes !

    Liberte de circulation et d'installation !


    votre commentaire
  • News illustrées : Hadopi contournée

    Brève rédigée le 14/03/2010 à 06h12 par Stéphane C. lien

    Capture d\'écran emule

    Armées d'une plume perfide et d'un feutre mesquin, les équipes de DegroupNews vous proposent cette semaine une news illustrée qui se repaît des malheurs de l'Hadopi. Alors que les principaux décrets n'ont pas encore été publiés, la loi apparaît déjà obsolète, voire contre-productive.



    Où est-il l'après Hadopi rieur que l'on nous promettait, parsemé d'offres de téléchargement légal toutes plus alléchantes les unes que les autres ?

    Au lieu de cela, la commission Zelnik a accouché d'un projet de « taxe Google » sur la publicité en ligne et d'une hypothétique plateforme de téléchargement unique.

    Sur le plan législatif, les modalités d'entrée en vigueur de la loi Hadopi traînent. Bien que la Haute autorité soit constituée et que les conditions de récupération des données personnelles des internautes aient été rendues publiques, le décret concernant la mise en place des sanctions, attendu de pied ferme par la CNIL, n'a toujours pas vu le jour.

    Pire, l'autorité administrative a réussi à se rendre coupable d'une entorse au droit d'auteur lors de son lancement en « empruntant » la police de son logo à France Télécom.

    Et ce n'est malheureusement pas la récente analyse du laboratoire scientifique Marsouin, en partenariat avec l'université Rennes 1 et Telecom Bretagne qui va venir redorer le blason d'une Hadopi à la triste mine.

    Selon les recherches de Sylvain Dejean, Thierry Pénard et Raphaël Suire, seulement 15 % des internautes qui utilisaient les réseaux P2P ont cessé de le faire depuis l'adoption de la loi Création et Internet.

    En outre, les deux tiers d'entre eux, loin d'avoir renoncer à toute forme de téléchargement illégal, ont désormais recours à des pratiques de streaming ou à des sites d'hébergement de fichiers.

    Enfin, l'enquête des chercheurs bretons soulèvent un point jusqu'à présent laissé dans l'ombre. En effet, 50 % des pirates seraient également clients des plateformes légales de téléchargement. En leur coupant l'accès à Internet, le marché des contenus culturels en ligne se priverait de 27 % de ses revenus.

    L'extension de la riposte graduée au-delà des réseaux peer-to-peer pourrait même faire fondre le marché de l'entertainement numérique de moitié. L'après Hadopi aura donc bien lieu, mais il n'est pas certain qu'il ressemble aux projets du Ministère de la Culture et de la Communication.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique