A l’origine de cette évacuation, préfecture, mairie de Paris et ministère de l’Immigration évoquent, à l’unisson, des «conditions sanitaires indignes et dangereuses» et une décision de justice, celle du tribunal administratif de Paris qui, dans une ordonnance du 17 juin dernier, avait «enjoint à toutes ces personnes, occupant les berges sans droit ni titre, de quitter les lieux sans délai». Pour le tribunal, cette évacuation présentait un caractère d’urgence vus les «risques graves et immédiats tant en matière de salubrité que de sécurité publique ». 

Pas d'interpellations et des places d'hébergement

C’est donc plus d’un mois après cette décision urgente que des CRS, aidés par des fonctionnaires de la brigade d’aide et d’assistance aux sans abri (BAPSA), ont procédé, hier matin à l’aube, à l’évacuation des campements situés sous les ponts Lafayette et Louis Blanc. Les migrants présents (environ 200 d’après le ministère, Afghans dans leur grande majorité) ont été répartis dans plusieurs lieux d’hébergement par les équipes de France terre d’asile (FTA). Dans l’après-midi, l’association annonçait avoir orienté 140 personnes, dont une centaine de demandeurs d’asile, «vers des structures adaptées à Forbach, Strasbourg, Woippy, Vitry-sur-Orne et Créteil». «Il y avait deux conditions à notre participation à cette opération, précise Pierre Henry, directeur de FTA. Pas d’interpellations et des places d’hébergement libérées par l’État. Mais cette action sera sans lendemain si, parallèlement, une vraie concertation n’a pas lieu.» Et de lancer, à l’adresse du ministre de l’Immigration : «la présence majoritaire de demandeurs d’asile relativise les discours sur les filières clandestines». Dans un communiqué publié quelques heures plus tôt, Eric Besson avait en effet développé son habituel homélie : « Nous ne pouvons accepter que se constituent de véritables zones de non droit, où les filières d’immigration clandestine (...) accomplissent leur triste commerce. Il n’y aura pas de nouveau Sangatte, ni à Calais, ni à Paris». 

Ecouter Jean-Michel Centres, du collectif des exilés du Xe (1'05) :




Une fois évacués, les campements ont été détruits. Dans la matinée, une dizaine d’agents du service nettoyage de la mairie de Paris, combinaisons blanches intégrales et masques sur le nez, s’affairaient à jeter dans des bennes, couvertures, tentes et matelas. Et plus même, selon Jean-Michel Centres du Collectif pour les exilés du Xe «Ils jettent tout, y compris les affaires personnelles avec des papiers importants pour une demande d’asile». Pour le militant, la méthode utilisée est «inacceptable» : «la fin ne justifie pas les moyens ! Donner des places d’hébergement c’est bien, mais pas comme ça. Au lieu de leur dire qu’il y a des places pour eux, on fait une opération de police. Humainement, ça me choque. On ne peut pas les traiter comme des gens normaux? Dans trois mois, on sera dans la même situation, ça ne résout pas le problème». 

Les demandeurs d’asile devraient bénéficier de ces places d’hébergement le temps de la procédure. Quant aux autres, ils pourraient revenir rapidement sur les berges du canal, n’en déplaise aux organisateurs de Paris-Plages...

Article paru dans l'Humanité du 21 juillet.
Reportage photo : Marie Barbier