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    C’est ce qui s’appelle, en termes (presque) juridiques, une victoire par K.O. Jean-Michel Pinon, animateur du site Internet du Berry Ripoublicain, journal satirique de Bourges et ses environs, vient de gagner la partie. Il comparaissait ce vendredi à la barre du tribunal correctionnel de la capitale berrichonne pour avoir publié un détournement de l’affiche du film «La rafle» début mars dernier.


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    Les plaintes de fonctionnaires préfectoraux, souvent appuyés par Hortefeux, pour outrage contre des organes d’informations ou des militants ont tendance à se multiplier. En cause le rapprochement opéré entre la période actuelle et les années terribles sous l’Occup’. Retour sur une vaste campagne d’intimidation à géométrie variable.

    Sarkozy va-t-il convoquer la Reine d’Angleterre au motif qu’elle ne sait pas retenir la plume de ses journalistes ? En effet la grande presse outre-Manche n’y est pas allé avec le dos de la cuillère à jelly en évoquant, au sujet de la politique anti-Roms du gouvernement français, qui les «souvenirs de la Gestapo» (The Times), qui un climat «protofasciste» (The Guardian). Fort courageusement, c’est sur un petit journal satirique de Bourges tirant à 3000 exemplaires, Le Berry Ripou, que s’est abattue la colère du régime.

    En février dernier, sur ordre du très zélé secrétaire général de la préfecture du Cher, un certain Matthieu Bourrette, la police débarque, dès 5h30, dans le foyer où réside une famille russe sans papiers pour l’expulser par charter vers Moscou. L’opération déclenche une vive émotion dans la population, d’autant plus que la grand-mère, atteinte d’une maladie en phase terminale, est laissée là sans avoir pu dire adieu à ses enfants et petits-enfants. Dans la foulée, Le Berry Ripou publie sur son site une caricature reprenant l’affiche du film La Rafle où le visage du policier qui embarque les enfants est remplacé par une photo du Bourrette en question. «Mais, la rédaction du journal, une dizaine de personnes, comptent plusieurs historiens, et nous avions bien fait attention à décontextualiser le photomontage, pas de croix gammée, pas d’étoile jaune…», nous confie Laurent Quillerié, président de l’association éditrice du canard satirique.

     

     

    Las, trois mois plus tard, le directeur de la publication, Jean-Michel Pinon, est averti que le sieur Bourrette a déposé plainte pour injure publique envers un fonctionnaire. «Cet été, poursuit Laurent Quillerié, nous avons en plus appris que Hortefeux se joignait à la plainte de Matthieu Bourrette qui lui-même avait été nommé substitut du procureur général près la cour d’appel de Grenoble. On ne peut s’empêcher de penser que cela va être très difficile d’obtenir un jugement en toute impartialité.» Le fait que le journal a régulièrement soutenu les actions de RESF contre l’expulsionnite aiguë du secrétaire général de la préfecture n’a évidemment rien à voir avec ce soudain acharnement. Rien à voir, non plus, avec sa colère lorsqu’il a vu divulguer dans Le Berry Ripou son entretien téléphonique avec un député PC à propos de la répression brutale qu’il a ordonnée lors d’une grève chez Intermarché.

    Le procès est programmé pour le 17 septembre prochain au TGI de Bourges, soit la veille, là aussi pure coïncidence, d’un concert «Rock sans-papiers» parrainé par Médiapart. Laurent Quillerié conclut avec un brin d’optimisme : «S’ils veulent nous flinguer avec une amende de 12'000 euros, ils se trompent parce que nous avons reçu beaucoup de soutien au plan local et national. Et puis, ici, on est les seuls à faire entendre une voix discordante face à une presse régionale complaisante avec les pouvoirs et face à une vie politique dominée par quelques grands propriétaires terriens tels le désormais fameux Patrick de Maistre.»

    Dans le même esprit des temps mais un jour plus tôt, le 16 septembre, se tiendra le procès de quatre militants de Tours qui avait eu l’outrecuidance de publier, en avril 2010, un communiqué de presse dans lequel ils comparaient les méthodes de certains fonctionnaires préfectoraux avec celles pratiquées par le régime de Vichy. En bref, ils déclaraient que l’utilisation du fichier Base-élèves, qui comporte la nationalité des parents, dans certaines préfectures, pour repérer et expulser des familles de sans-papiers leur faisait furieusement penser à des techniques de chasse aux enfants en cours «pendant une des périodes les plus sombres de notre histoire».

    S’il est vrai que l’on pourrait en discuter en sirotant un bon Vouvray, sur l’air du «comparaison n’est pas raison», il paraît légèrement excessif de voir dans ces propos «une diffamation publique envers une administration publique» comme l’a fait le ministère de l’Intérieur. Si ce type d’analyse est publiquement verboten, que faire alors des déclarations, aussi intempestives qu’estivales, de quelques ténors de la classe politique. De Rocard qui établissait un parallèle entre la nouvelle loi sur les mineurs délinquants et ce qui se pratiquait sous Vichy et sous les nazis, à J.-P. Grand, élu UMP, qui avouait que la campagne contre les Roms lui rappelait les rafles pendant la guerre. Le pouvoir actuel a clairement choisi de mépriser les critiques venant d’en haut pour concentrer sa stratégie d’intimidation sur le vulgum pecus militant. Au «risque» de déclencher contre lui un vaste élan de solidarité.

    Iffik Le Guen - CQFD no 81, septembre 2010,
    actuellement en kiosques.

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  • Le petit baron du sarkozysme

    Yann FIEVET
    L’affaire W n’est pas qu’une affaire de plus sur le chemin fatal de la décomposition politique de la France. Elle révèle à elle seule tant de facettes de ladite décomposition que sa mise sous le boisseau – sort réservé depuis longtemps à nombre d’affaires troubles de la République – paraît décidément impossible. Il n’est même plus besoin de la nommer. Ici ou là, on ne parle déjà plus que de « l’Affaire ». Elle n’est pas accidentelle. Elle est le régime sarkozyste dans son essence et ses outrances.

    Le gaullisme avait ses « grands barons » tenant leur légitimité d’un engagement de jeunesse pour la patrie ou des idées neuves, d’une carrière au service de l’Etat incarnée dans la Nation, de compétences juridiques ou techniques précieuses pour la construction du système politico-administratif de la Vème République. Ils étaient de Droite et à ce titre étaient justement combattus par d’autres hommes aux idées « progressistes ». Ils pouvaient être respectés pour ce qu’ils représentaient aux yeux du plus grand nombre : une sincérité au service d’un projet pour leur pays. Les générations suivantes d’hommes politiques vécurent plus ou moins adroitement sur le capital légué par le gaullisme, l’érodant et le dévoyant tout à la fois à mesure que l’on s’éloignait du souvenir de la figure tutélaire originelle. Alors vint le sarkozysme par qui tout vola en éclats. Et l’on en arriva presque à cultiver une certaine nostalgie des anciens grands barons oubliant ainsi qu’ils étaient pourtant des adversaires au conservatisme honni.

    Détruisons d’emblée toute forme de fausse naïveté tellement de mise au sein de la plupart des organes de presse alors qu’enfle l’Affaire. Ils minimisent. Ils jouent à merveille l’étonnement. Ils attendent les preuves. Ils ne voient là qu’un épiphénomène dans un système démocratique au demeurant inébranlé. Cela nous rappelle la posture de Serge July en 1997 dans le film « Journal intime des affaires en cours » de Pierre Carles et Denis Robert. Il y déclarait doctement que la démocratie, contrairement aux apparences, se renforce sans cesse. C’était avant que Denis Robert, ancien journaliste de Libération, s’intéresse de trop près à l’affaire Clearstream.

    Au sein de la sphère médiacratique les choses ont peu bougé depuis que trop d’affaires, à commencer par l’affaire Elf, ont accouché d’une souris. Pour la grande majorité des éditorialistes, l’absence de preuves constitue probablement la preuve de l’absence. Aujourd’hui, Jean-Marie Colombani, longtemps patron du remarquable « quotidien de révérence », semble raisonner comme Serge July hier. Un matin de juillet dernier, il commentait sur France Culture l’interview - convenu comme à l’accoutumée - du chef de l’Etat lors du journal de 20 heures de France 2 diffusé la veille. Il déclara de sa voix monocorde et apaisante que David Pujadas avait été très bien et qu’il ne voyait pas quelles autres questions il aurait pu poser à M. Nicolas Sarkozy au sujet de son ministre des « affaires sociales ». Dans ce climat de dénégation fébrile mâtinée de prudence servile comment s’étonner que l’on traite de fascistes les quelques organes de presse qui s’honorent à exercer le métier fondant leur existence ? L’accompagnement du pouvoir n’est pas leur préoccupation. Ils savent que l’ivresse du pouvoir doit incessamment être combattue et qu’ils se doivent de participer à bâtir les frontières entre l’exercice contrôlé de la vie publique et la tentation de satisfaire des intérêts privés multiples.

    L’affaire W est un système dans le système. Un système qui dépasse de loin la personne même de celui qui lui donne son nom bien malgré lui. Qu’y aurait-il d’incongru en effet à soupçonner que « la pompe à fric » amorcée à grands coups de largesses fiscales ne concerne qu’une seule des fortunes de France ? Il est plus que probable que d’autres grosses enveloppes sont manipulées par d’autres mains que celles des protagonistes de l’affaire en cours de traitement légitime par la presse d’investigation. On ne peut pas toujours compter sur les indiscrétions d’un majordome ou sur une riche héritière potentielle craignant d’être mal servie le moment venu.

    Ce qui frappe chez W c’est qu’il occupait – depuis peu il semble que l’on doive parler partiellement au passé – plusieurs positions clés du système bâti pour l’accession au trône élyséen de M. Sarkozy. Dans la politique d’autrefois, les grands barons étaient serviteurs de l’Etat. Dans la politique « moderne », renforcée par la rupture sarkozyste, les petits barons servent d’abord un homme réputé providentiel. Depuis des années notre serviteur zélé cumulait divers maroquins ministériels successifs avec la fonction officielle de trésorier de l’UMP et avec le rôle d’animateur du Cercle des plus gros donateurs de l’Ump. La presse en voie de « pipolisation » qui affectionne les portraits sans trop de reliefs de nos stars politiques a plusieurs fois salué l’ardeur au travail de W. On veut bien l’en croire. ! Occuper trois emplois – tout en veillant à l’avenir professionnel de son épouse – ne vous laisse assurément que fort peu de loisirs.

    Le système occulte patiemment édifié ne fait pas que servir l’ascension d’un homme. Certes, la politique spectacle est hors de prix et visiblement hors des limites fixées par les règles officielles du financement des partis politiques. L’autre grand mérite du discret système, moins facilement avoué, est le tissage de relations étroites entre gens de la « bonne » société comme Michel et Monique Pinson se plaisent à nous les dépeindre au cours de leurs voyages dans « les ghettos du gotha ». S’y côtoient les meilleurs représentants des mondes politique, économique et judiciaire ; s’y agrège quelques penseurs et éditorialistes mondains faiseurs de l’opinion.

    A l’heure où l’économique commande au politique sous le prétexte commode de l’impitoyable compétition internationale, quand la société est travaillée par l’individualisme forcené, un groupe social continue de se comporter indéfectiblement en classe au vrai sens du terme : la bourgeoisie. On y fonctionne en réseau quand dans le reste de la société l’essentiel des relations sont de vis-à-vis. Le plus beau trait d’intelligence de M. Sarkozy est d’avoir compris très tôt que pour atteindre le sommet il fallait d’abord construire un réseau ténu et multifonctionnel. La bourgeoisie a probablement un mépris dissimulé pour ce Président et ses petits barons à la culture douteuse et aux manières approximatives. Elle s’en sert pour tenir en main le politique, facilitant ainsi le maintien de ses privilèges. Une société dans la société. On pourrait nommer cela fracture sociale. Elle était dénoncée dès 1995. Et par un homme de Droite. Elle a été depuis largement consommée.

    Ce petit monde opulent est tellement coupé de la réalité sociale qu’il peut, sans craindre le ridicule, plaider son innocence. W a certainement été imprudent, encouragé en cela par l’ambiance de la nouvelle façon de faire la politique. Cependant, c’est par son impudence qu’il nous sidère le plus. De cette impudence qui le conduisit à camper le rôle de l’offensé à une heure de grande écoute télévisuelle. Il pourra jouer ce rôle sans crainte d’un contredit sérieux tant que la courroie de transmission du parquet de Nanterre jouera de son côté son rôle protecteur.

    Le déni de démocratie réside essentiellement là : le refus de désigner un juge pour instruire l’affaire dans ses diverses dimensions est insupportable au regard de la loi commune. Les hommes sont faillibles, le défaut de justice pour peser leurs fautes ne peut que les encourager à faillir. Aux yeux de l’opinion l’affaire est entendue, le discrédit total. Si l’on ne doit ni gouverner ni juger à partir de l’opinion dans son état brut, il demeure que la morale doit avoir toute sa place en matière d’administration des hommes et des choses. Ici, la morale est superbement piétinée. La justice est de plus en plus impitoyable pour la délinquance ordinaire, de moins en moins regardante pour la délinquance en col blanc. Les inspecteurs du fisc vont enquêter sur « les grosses berlines » des gens du voyage quand ils ne sont pas fichus de démasquer les fraudes de l’héritière la plus célèbre de France.

    Désormais, « le petit baron » est le moins qualifié des ministres pour mener la réforme des retraites ou toute autre réforme d’intérêt général. Il doit partir. Puis, être jugé en citoyen ordinaire aux droits respectés.

    Par Yann Fiévet (*)

    publié dans Le Sarkophage – Numéro 20 - Septembre 2010

    (*) Auteur du livre « Le monde en pente douce », Editions Golias, 2009.

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    http://www.legrandsoir.info/Le-petit-baron-du-sarkozysme.html

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  • Lundi dernier, le président Sarkozy annonçait sa volonté de faire un geste fort, lié aux questions d’immigration et d’insécurité : brûler l’exemplaire original de la Déclaration des Droits de l’homme. Une décision saluée comme il se doit dans les rangs de la majorité. Euphorie de courte durée : il a finalement décidé de suspendre son geste, le gain électoral d’un telle action restant incertain.

     

    Triomphe de la bien-pensance : Sarkozy renonce (temporairement) à brûler la Déclaration de 1789

     

    Par Lémi

    « Les droit-de-l’hommistes et autres bolchevistes nous pourrissent la vie depuis trop longtemps  », postillonnait Frédéric Lefebvre lundi dernier, sur Europe 1, « on ne peut plus tolérer qu’ils nous mettent des bâtons dans les roues à chaque fois que nous voulons faire avancer la France. C’est pourquoi le président a décidé d’accomplir un geste symbolique fort : lundi prochain, devant les grilles de l’Assemblée Nationale, il brûlera l’exemplaire original de la Déclaration des Droits de l’homme de 1789. Qu’importe ce qu’en diront les bien-pensants et les donneurs de leçons, le président ne bavasse pas, il agit. » Une cérémonie était également prévue, avait ajouté le porte-parole de l’UMP, au cours de laquelle deux cents exemplaires de la Déclaration seraient brûlés par une délégation auvergnate d’enfants nés libres et égaux en droits, car blonds, sans accent déplaisant et peu suspects de sympathies envers le Coran. Le tout en présence du pasteur américain Terry Jones, précurseur de la lutte contre la bien-pensance.

    Marianne en a ras la casquette des miasmes droit-de-l’hommistes

    La déclaration avait suscité quelques réactions négatives dans l’opposition, notamment dans les rangs du Parti Socialiste. « C’est peut-être un peut tôt pour ça  », a mollement protesté Ségolène Royal sur France Info mercredi, « les électeurs ne sont pas prêts à cautionner une politique qui brûle les étapes à ce point. Attention à ne pas mettre la charrue avant les bœufs.  » Manuel Valls était alors intervenu pour critiquer les errements d’un parti « incapable de se débarrasser des oripeaux du passé. Après tout, à qui profite la Déclaration de 1789 ? Aux assistés, aux clandestins et aux criminels. Pas du tout le cœur de cible du PS. Comme d’habitude, la Madone retarde d’une guerre ». Atmosphère.

    C’est finalement un sondage Opinion-Way (réalisé auprès d’un échantillon labellisé français de 100 personnes) qui a fait reculer le président. À la question : « Dans une logique d’épuration efficace, vaut-il mieux envoyer l’armée pour saccager les roulottes/BMW et les mosquées des envahisseurs, ou bien s’attaquer par les flammes aux textes fondateurs de la législation comme la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789 ? », seulement 14% des Français ont répondu « Brûlons ces paperasses inutiles, fissa », tandis que 32% disaient ne pas connaitre le texte en question (la Déclaration des quoi ?). Le reste optait pour la première solution (en cours).
    Au vu des résultats, le président a sagement décidé de repousser son geste. «  On a d’autres trucs sur le feu (hin hin) en ce moment, vous savez, Brice est débordé. C’est pas comme si on ne s’activait pas sur ce front-là, hein. D’ailleurs, j’en profite pour faire passer un message aux moralistes de tout poil : votre règne est terminé  », déclarait-il en conférence de presse, déclenchant ensuite les rires des journalistes présents en se mouchant dans un exemplaire de la Déclaration en question. Poilade dans la salle.

    Agents provocateurs non-auvergnats fêtant cette énième victoire du terrorisme intellectuel

    Ce n’aurait pourtant pas été un coup d’essai pour le gouvernement du président Sarkozy, pasteur politique parfois sujet aux emportements d’ordre théologico/politique. Après avoir brûlé le Code du travail et dansé sur ses cendres à de multiples reprises (gestes salués par les syndicats eux-mêmes), il semblait logique que le gouvernement français poursuive sur sa lancée. Les terroristes de la bien-pensance étaient donc les prochains sur la liste, en première ligne pour essuyer l’ire présidentielle. Gageons qu’ils ne perdent rien pour attendre.

    Du côté de Ripostes Laîques et du Bloc Identitaire, on tire franchement la gueule : «  c’est malin, la fête est gâchée », bougonne l’un des organisateurs du rassemblement pinard/saucisson de samedi dernier. «  On pensait pouvoir se marrer entre potes, profiter de l’occasion pour brûler quelques drapeaux algériens, voire ratonner de-ci de-là, mais la bien-pensance l’emporte encore. Rageant. » Même son de cloche du côté du FN, qui note quand même dans un communiqué que l’idée était belle.

    La fête est gâchée

    Quant aux déclarations affolées de l’ONU, de l’Union européenne et du Vatican, elles n’émeuvent pas outre-mesure le gouvernement. Le président a d’ailleurs tenu à remettre les pendules à l’heure à ce sujet : «  De quoi se mêlent-ils ? C’est ça, le rôle des institutions internationales ? S’immiscer dans la politique d’un état souverain ? Les Français décideront eux-mêmes de leur politique, c’est une règle basique de la démocratie. D’ailleurs, je crois avoir assez prouvé mon attachement aux questions des droits-de-l’homme à l’occasion de l’affaire Sakineh. Que veulent-ils de plus ? La France n’a pas vocation à accueillir tous les droits de l’homme du monde ! »

    Jusqu’à nouvel ordre, la Déclaration de 1789 sera donc scrupuleusement respectée

    Ps : ce billet est dédié au maître Jean-Pierre Martin, comme il se doit.


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  • Expulsions de Roms, un «mode d’emploi» explicite

    Evacuation de familles roms le 18 février à Rezé (44) (Photo : F. Lossent)

    Article initialement publié le 09 septembre 2010


    Annoncées au cœur de l’été, les mesures pour «lutter contre les campements illicites» ont été préparées bien avant. Dans trois circulaires dont Le Canard Social s’est procuré des copies, le gouvernement détaille de manière très précise l’ensemble des consignes données aux préfets pour démanteler ces camps, «en priorité ceux de Roms».
    Téléchargez les circulaires en bas de l'article.

    La première circulaire a été diffusée bien avant le discours de Grenoble. Le 24 juin 2010, plus d’un mois avant l’annonce de la politique sécuritaire du gouvernement, les ministères de l’Intérieur et de l’Immigration ordonnaient aux préfets de procéder aux évacuations de campements illicites. En huit pages au contenu inhabituel, les ministres Brice Hortefeux et Eric Besson détaillaient l’ensemble de l’arsenal juridique dont disposent les préfets pour procéder aux évacuations. Ils leur demandaient ainsi «d’exploiter toutes les possibilités offertes par le code pénal». Et dans un souci d’accélérer la procédure, les enjoignaient «à informer le propriétaire (du terrain occupé, ndlr) et à l’inviter à saisir le juge compétent pour obtenir une décision d’expulsion.» Le texte poursuivait : «Une fois la décision de justice rendue, vous devez procéder le plus rapidement possible à l’opération d’évacuation.»

    «Porter atteinte à une population»

    L’ensemble des trois circulaires gouvernementales dont Le Canard Social a obtenu copie, est un mode d’emploi pour parvenir à expulser les Roms de la manière la plus efficace possible. «Ce n’est pas la question de la gêne supposée des Roms qui est ici discutée mais bien la volonté farouche d’utiliser tous les moyens possibles à des fins utilitaires d’expulser cette communauté», estime Loïc Bourgeois, avocat spécialiste de la défense des Roms. Alors que la première circulaire faisait état d’une «lutte contre les campements illicites» de manière globale, le second document en date du 5 août, cible nommément et «en priorité» la population rom. « Jusque là, ce type de circulaires interprétatives visaient une catégorie sociale, les pauvres par exemple avec le délit de mendicité. Celle-ci stigmatise une ethnie, décrypte Loïc Bourgeois. Rarement, il y a eu de telles circulaires qui précisaient de manière implacable toutes les ficelles juridiques pour porter atteinte à une population. »   

    Une voie pénale exceptionnelle

    Les ministres rappellent ainsi dans la circulaire du 24 juin que «l’article 322-4-1 du code pénal n’est pas suffisamment utilisé». Selon les termes du texte, cet article qui punit de six mois d’emprisonnement et de 3750€ d’amende toute installation illégale sur un terrain, «présente pourtant plusieurs avantages : un intérêt dissuasif et un intérêt administratif». En vue de la saisine de l’autorité judiciaire, cette voie pénale permet de procéder aux contrôles d’identité des occupants. «On instrumentalise ainsi la voie pénale pour favoriser le contrôle social des Roms, commente l’avocat Loïc Bourgeois. Celle-ci devient alors une fenêtre pour enclencher les mesures d’expulsion.» Car si le droit condamne pénalement l’occupation illicite d’un terrain, l’usage, dans ce type de décision de justice, est d’ordonner l’expulsion pour atteinte au droit de propriété. Sans pour autant condamner l’occupant à des amendes ou à des peines d’emprisonnement.

    Ressortissants européens

    En pleine préparation du projet de loi Besson sur l’immigration qui devrait modifier en profondeur le droit des étrangers, le gouvernement n’omet pas de rappeler que les Roms, originaires pour la plupart de Roumanie, sont des ressortissants de l’Union européenne. En vertu des mesures transitoires applicables jusqu’en 2014 aux citoyens roumains et bulgares, ils peuvent donc circuler librement pendant trois mois dans tout pays de l’Union. «Toutefois, signale la circulaire du 24 juin, un arrêté de reconduite à la frontière peut être envisagé en cas de menace pour l’ordre public.» Le texte rappelle aux préfets la jurisprudence sur la notion de trouble à l’ordre public : vol à l’étalage, prostitution ou encore infraction à la législation sur le travail.

    Les organismes sociaux pris à témoin

    Les ministres proposent par ailleurs d’utiliser tous les moyens possibles pour apprécier la durée du séjour des occupants : «L’arrêté relatif aux modalités de l’enregistrement en mairie n’ayant pu à ce jour être publié, vous pourrez vous fonder sur les déclarations faites par l’étranger, soit à l’occasion du contrôle en cours, soit sur des pièces trouvées en sa possession, tels que tickets de lignes internationales d’autocars, etc.» Autre consigne : apporter la preuve de l’insuffisance des ressources des occupants pour, à ce titre, obliger ces ressortissants roumains à quitter le territoire. La circulaire du 24 juin demande ainsi de «se rapprocher des organismes sociaux et notamment de la caisse d’allocations familiales», appelée à jouer le rôle du délateur pour le compte de l’Etat. 

    Un écho médiatique

    Dans la seconde circulaire en date du 5 août, le ministère de l’Intérieur fait part de sa volonté d’accélérer les procédures. Il chiffre ainsi les nouveaux objectifs de chaque préfet de zone «à la réalisation minimale d’une opération importante par semaine (évacuation, démantèlement ou reconduite), concernant prioritairement les Roms. » Une preuve selon l’avocat Loïc Bourgeois que «ce n’est pas le trouble qui justifie la condamnation mais bien la volonté de réaliser des objectifs chiffrés. Ces circulaires sont rédigées sur le ton de la suspicion. Avec l’équation Rom = occupation illicite = délinquant.»

    Preuve d’une volonté d’afficher publiquement les résultats de ces opérations, le ministère de l’Intérieur ajoute dans une dernière circulaire datée du 9 août : «Je vous remercie de veiller à m’informer préalablement de toute opération d’évacuation revêtant un caractère d’envergure ou susceptible de donner lieu à un écho médiatique.»

    David Prochasson Ici

    Téléchargez les circulaires :
    Circulaire du 24 juin 2010 
    Circulaire du 5 aout
    Circulaire du 9 aout


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