• OPINIONS : De notre supériorité



    Einar Schlereth

    Traduit par  Michèle Mialane


    Un fantôme hante à nouveau coins et recoins. Revêtu des oripeaux du racisme et du bonnet de nuit de notre supériorité. Quand les Lumières répandaient clarté et bon sens, permettant aux peuples de se libérer au moyen de dures luttes, le fantôme avait disparu - mais pas tout à fait, il s’est caché, prenant la clandestinité pour attendre son heure.

    Et cette heure est venue, aussi sûrement que l’ « amen » à la messe.
     
    Pour comprendre comment ce fantôme peut réapparaître à intervalles réguliers, il faut comprendre que ce sont les bourgeois qui décident de le faire disparaître. Et leurs instruments sont de grande ampleur et efficaces. Ce sont en première ligne l’Église et l’école et le service militaire, et ensuite tous les médias. Tout cela garde le fantôme en vie. En quelque sorte on le tient au chaud. Si le peuple résiste bien, on le met sous cloche ; si la résistance s’affaiblit, on soulève prudemment la cloche et au bon moment in le lâche.
     
    Non que les bourgeois aiment beaucoup ce fantôme - ils font les dégoûtés, car c’est un rustre d’une grande vulgarité - mais il est bon de le garder sous le coude. Pour le cas où leur position, leurs privilèges, leurs petits boursicotages et leur pouvoir seraient en danger. Alors le fantôme peut réapparaître, répandre calomnies, menaces et tracasseries, voire même tuer. Et malheureusement on doit parfois aussi lui laisser le champ tout à fait libre, comme en ce moment au Kosovo, en Irak, en Haïti, au Pakistan, au Yémen, en Somalie et en Palestine- où cela dure depuis 60 ans.
     
    Et alors il montre son véritable visage, que personne ne souhaite voir- pas même les bourgeois. Et c’est pourquoi nous ne devons pas voir les victimes de bombardements, d’attaques armées, de tortures, de viols et de mutilations. Ce qu’on ne voit pas n’existe pas. Comme disait Harold Pinter : Il ne se passe rien. Il ne s’est rien passé. Jamais.
     
    Le problème avec ce fantôme, c’est qu’on ne peut pas parler avec lui, discuter ni argumenter, car il ne le veut ni ne le peut. Dans sa petite cervelle d’oiseau il n’y a place que pour quelques slogans et idées grossières : Nous sommes les plus forts- nous sommes les meilleurs- Dieu est avec nous- nous avons le droit - nous sommes supérieurs - les autres sont de la merde - ceux qui ne pensent pas comme nous doivent disparaître, il faut les anéantir, les exterminer. Point barre. Et toute son affectivité se fonde sur quelques clichés pêchés dans des westerns ou de vieux films de guerre.
     
    Et les bourgeois ? Ils ont eu leur grande époque il y a quelques siècles et n’en veulent plus rien savoir. Si aujourd’hui on leur rappelle leur pensée et leurs idées et leurs projets d’alors, on n’est pas moderne, on est archaïque, voire communiste !
     
    Les seuls avec qui l’on puisse peut-être encore parler, ce sont les gens du peuple. Mais même là le boulot est dur, car leurs cerveaux sont bouchés par les ordures des bourgeois. Ils sont devenus paresseux - lobotomisés. C’est difficile d’ouvrir une brèche dans leur entendement. Mais c’est quand même possible et nous en avons des preuves de par le monde. Depuis la Bolivie et l’Équateur jusqu’au Népal et au Venezuela.
     
    Et qu’en est-il des théories raciales et de notre prétendue supériorité ? Qu’est-ce qui fonde tout cela ? « Racism has many definitions, the most common and widely accepted being the belief that members of one race are intrinsically superior or inferior to members of other races. [1] » (Le racisme a plusieurs définitions, la plus courante et la plus communément admise est la croyance que des êtres humains d’une certaine race sont intrinsèquement supérieurs - ou inférieurs - aux autres).
     
    La définition marxiste va un peu plus loin et met l’accent sur les possibilités d’instrumentalisation qu’il recèle : Le racisme « est la tentative anti-scientifique de légitimer biologiquement les pratiques barbares des classes réactionnaires exploiteuses, consistant à opprimer, piller et exterminer certaines couches de population , des associations à caractère politique, voire des peuples entiers. [2] »
     
    Voici ce que cache le fantôme, voici ses criminelles intentions.
     
    Il faut faire bien distinguer le racisme de la biologie raciale, qui ne se distingue en rien, par exemple, de l’ornithologie pour les oiseaux. C’est à dire de la recherche sur les espèces et familles diverses, leur genèse, leur expansion, leur comportement etc. Et la biologie a établi depuis longtemps de manière indiscutable que l’espèce humaine est originaire d’Afrique et que nous étions tous des Africains il y a quelque 30 000 ans, donc des Noirs, des nègres, des négros, des boubous.
     
    Si donc les racistes avaient la moindre capacité de réflexion, ils pourraient gratter un peu et découvrir leur trisaïeule noire. La BD qui montre un skinhead accueillant au paradis un de ses copains par ces mots : « Il vaut mieux que tu le saches tout de suite - le Bon Dieu (que l’on voit trôner à l’arrière-plan, grand et majestueux) est un nègre » recèle donc une part d’exactitude.
     
    Mais penser, s’informer, voilà ce que les racistes ne font jamais. Pourquoi ?
     
    Peut-être par crainte de découvrir des vérités inconfortables ?
     
    Précisément ça.
     
    Qu’est-ce qu’un Noir ? Oui, bien sûr, l’homme noir, Lucifer, le Mauvais et tout ça, qui nous fait si peur, n’est-ce pas ?
     
    Et quoi d’autre ?
     
    Nous y arrivons - un animal. Un être sans sur-moi, le féminin, la sexualité, tout notre côté animal, sombre et sensuel. Ce que la plupart des bourgeois et les racistes en particulier haïssent et rejettent le plus, qu’ils piétinent et voudraient faire disparaître au fond d’un trou - mais qui, démoniaque, réapparaît toujours.
     
    Mais je l’ai dit, même les bourgeois en ont peur. Comment, sinon, expliquer leur stupide obstination à nier que la civilisation est née en Afrique ? Dans la noire Égypte, quelques millénaires avant la culture mésopotamienne, sans parler de la Palestine, où il n’y avait que d’anciens esclaves des Égyptiens et des bergers méprisés de tous.
     
    Quatre mille ans avant notre ère, les bâtiments mésopotamiens étaient encore en argile, mais Louqsor, Carnac et Thèbes existaient déjà. (En 4236 avant notre ère les Égyptiens possédaient déjà un calendrier et (que nous avons repris et utilisé jusqu’au Moyen-Âge), des monuments et l’écriture date de 3100 avant notre ère - une des nombreuses écritures qui sont apparues au cours des temps. Et beaucoup plus tard l’Égypte fut pendant plus de mille ans le pays où les mathématiciens, astronomes et philosophes grecs allaient étudier et enseigner. On peut lire tout cela dans Cheikh Anta Diop. [3]
     
    Ses travaux scientifiques ont reçu l’approbation de la communauté scientifique en 1974 au Caire, à un symposium de l’UNESCO. Mais depuis des « scientifiques » de toutes obédiences ont continué comme si de tien n’était. Et ils essaient toujours de « prouver » que les Égyptiens étaient blancs et que le berceau de la culture se trouve sur les bords de l’Euphrate ou à Jérusalem ou qu’elle nous est tombée de Mars.
     
    Où y avait-il des Blancs ? des Indo-Européens ou des Aryens ? (En allemand : indo-germaniques ou germaniques, Ndlt). Nous en trouvons les premières représentations sur les bas-reliefs égyptiens aux murs des temples, et c’étaient des esclaves ou des captifs. Des barbares, qui cherchaient sans cesse à envahir la riche Égypte, mais qui étaient régulièrement battus dans d’innombrables batailles et faits prisonniers pour effectuer en Égypte des travaux d’esclave, car un Égyptien ne pouvait en aucun cas être esclave. Du reste les pyramides n’ont pas été construites par des esclaves, nous l’avons inventé, les toutes dernières recherches le prouvent clairement. Les ouvriers vivaient dans des cités policées, dans des maisons convenables, et disposaient même d’un service de santé avec des médecins bien formés.
     
    Mais de tout cela, on préfère ne rien dire.
     
     Peu à peu de grandes civilisations firent leur apparition de par le monde. Sur les bords de l’Indus et du Gange, en Chine, Mésopotamie ou en Amérique centrale et du Sud. Mais pas trace d’une civilisation indo-européenne ou aryenne.
     
    Et même en 711 de notre ère, lorsque les Wisigoths d’Espagne ont été défaits en une fois lors la bataille de Jerez de la Frontera et que Juifs et chrétiens, las d’être opprimés par des rois chrétiens, ont accueilli les Arabes en libérateurs, les conquérants germaniques due l’Empire romain venaient tout juste de réussir à asseoir quelques royaumes stables. Que la civilisation arabe a eu tôt fait d’éclipser, elle qui rayonnait à partir de Bagdad jusqu’à l’Inde, à l’Est, et à l’Ouest jusqu’en Sicile, le Sud de l’Italie et l’Espagne jusqu’aux Pyrénées en passant par toute l’Afrique du Nord. Tout ce que nous devons aux Arabes - de la littérature, la philosophie, l’astronomie, les mathématiques, les techniques jusqu’à la médecine et la navigation est exposé en détail dans les ouvrages de Sigrid Hunke [4].
     
    En ce qui concerne l’influence de la Chine sur notre civilisation, l’Anglais Joseph Needham a fourni une énorme contribution [5]. Il est vrai que nous avons eu largement accès à leurs savoirs par l’intermédiaire des Arabes, qui avaient à l’époque d’étroites relations avec ce pays, et pas seulement commerciales.
     
    L’Afrique noire, bien que partiellement tenue par le Sahara à l’écart des grands flux culturels, avait elle aussi connu un énorme développement jusqu’à ce que les colonisateurs blancs chrétiens commencent à se déchaîner sur le continent africain.
     
    On peut consulter à ce sujet l’œuvre monumentale d’Heinrich Barth. Ami d’Alexandre von Humboldt et de Leopold von Ranke, c’était le seul non-raciste à faire des recherches sur l’Afrique. Il a exploré l’Afrique centrale au milieu du XVIIIe siècle et a relaté le résultat de ses recherches en cinq ouvrages volumineux comptant au total 3500 pages [6].
     
    Il faut y ajouter le nom de Basil Davidson, qui a voyagé dans toute l’Afrique et a connu nombre de combattants marquants de la liberté tels qu’Edvard Mondlane et Luis Cabral, qui ont pris la tête des luttes de libération respectivement au Mozambique et en Guinée-Bissau, et ont été tous deux assassinés [7].
     
    N’oublions pas non plus les apports considérables que l’Europe a reçu des grandes cultures amérindiennes. Ce sont à eux que nous devons d’avoir développé la pomme de terre et le maïs qui, pour une grande partie de l’humanité, restent la base de son alimentation.
     
    Et de nos jours, alors que l’homme blanc s’est approprié par le pillage d’immenses richesses et savoirs du « Tiers monde » (et il continue), il est même tenté de « breveter » ses inventions et ses plantes pour en tirer profit pour lui-même ; où il entreprend « the big landgrab » (le grand larcin des terres), les pays riches achetant par l’entremise de régimes indigènes fantoches d’immenses terres agricoles pour y produire de tout, depuis les pommes de terre jusqu’aux produits de luxe [8] ». Il y a encore des gens ici, pour vanter « nos valeurs ».
     
    Mais quelles valeurs ? D’être tombés à bras raccourcis sur tous les peuples du monde, incapables de se défendre (parce que les Blancs avaient UNE grosse avance : dans le domaine de l’armement), et les ont violentés, d’avoir massacré des millions d’êtres humains en Amérique du Nord, 60 millions en Amérique centrale et du Sud, tué et déplacé des millions d’Africains, d’habitants du proche Orient, d’Asie et d’Extrême-Orient et d’Australie, et de continuer à les massacrer, alors qu’ils ne nous ont jamais causé le moindre mal ? De mener une « guerre des civilisations contre l’Islam » en dévastant les pays musulmans et en les bombardant jusqu’à « les ramener à l’âge de pierre » et sommes une menace pour de plus en plus de pays ?
     
    D’avoir volé tout ce qui ne tenait pas solidement au sol et construit des Empires avec notre butin ? De nous conduire en escrocs, tortionnaires, délinquants et fous ? D’insulter et offenser des gens et des peuples déjà à terre, de les piétiner et de leur cracher dessus ?
     
    D’avoir créé Guantanamo et Abou Ghraïb ?
     
    D’avoir lancé une bombe atomique sur les Japonais ?
     
    De faire fonctionner des « sweatshops » partout dans le monde, où des femmes et des enfants travaillent 15 heures d’affilée pour vêtir pour trois fois rien nos précieux corps ?
     
    D’accueillir quelques pauvres réfugiés, qui nettoient nos toilettes et nos fringues sales- au noir, s’entend ?  
     
    Notre art, notre culture, notre architecture, notre économie, notre science, sont souillées de sang. Du sang des esclaves et des enfants. Du sang de peuples, dont le seul crime était d’avoir la peau noire ou brune ou cuivrée ou jaune. Des peuples entiers rayés du sol, comme s’ils n’avaient jamais existé.
     
    Mais pour les maîtres blancs chrétiens cela signifiait remporter la cagnotte. C’est comme ça. Des peuples entiers doivent disparaître à leur commandement. C’est de cela que rêvent l’ignoble Bush, son « Prix Nobel de la Paix » de successeur et leurs copains. Armageddon. The final battle between God and the Devil. Dieu et ses alliés, c’est nous, les autres sont les diables.
     
    Et nous restons là à faire la politique de l’autruche et à espérer que tout ça va passer.
     
    La politique ne m’intéresse pas.
     
    Non- mais moi, j’intéresse la politique.
     
    Un beau jour tu te réveilleras, quand ce sera chez toi qu’on mettra le feu.
     

    Notes

    [1] Davantage sous : http://fr.wikipedia.org/wiki/Racisme

    [2] Marxistisch-leninistisches Wörterbuch der Philosophie, s. 905, Hamburg 1972 (Dictionnaire philosophique marxiste-léniniste, Hambourg 1972, p.905)

    [3 ] "The African Origin of Civilization myth or reality" by Cheikh Anta Diop, USA, Lawrence Hill & Co, 1974

     [4] Voir en particulier "Allahs Sonne über dem Abendland unser arabisches Erbe", Frankfurt a.M.,1991 (Le soleil d’Allah sur l’Occident, : notre héritage arabe, Francfort 1991)

    [5] Joseph Needham "Science and Civilization in China" en 8 volumes (s. Wikipedia)

    [6] Heinrich Barth "Travels and Discoveries in North and Central Africa" (1857-1858, 5 tomes., appr. 3,500 pages)

    [7] Basil Davidson (der Grand old man of African Studies) "Afrika Geschichte eines Erdteils" , Frankfurt a.M, 1966 (l’Afrique: Histoire d’un continent, Francfort 1966)

    [8] Voir : http ://www.countercurrents.org/vidal080310.htm





    Merci à Einar Schlereth
    Date de parution de l'article original: 15/08/2010
    URL de cet article: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=1027


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  • Le Groupe Casino tremble devant Fakir (et réclame 75 000 €)

    Fakir sort son numéro d'été, avec un reportage consacré à « Jean-Charles Naouri, l'économie casino ». Mais avant même la parution du dossier, nous avons reçu des assignations au tribunal : le Groupe Casino et son PDG réclament 75 000 € à notre multinationale...
    Le journal Fakir est un journal papier, en vente chez tous les bons kiosquiers ou sur abonnement. Il ne peut réaliser des enquêtes, des reportages, que parce qu'il est acheté.

    dessin: Le Groupe Casino tremble devant Fakir (et
 réclame 75 000 €)

    « CASINO et son président, Monsieur Jean-Charles Naouri sont les victimes d'un véritable acharnement médiatique piloté par le journal FAKIR. »

    Vous ignoriez, ça, vous. Nous aussi.

    On se croyait un petit canard militant, brinquebalant, entièrement rédigé, dessiné, mis en page par des bénévoles, essaimant timidement depuis la Picardie, mais voilà qu'en dix minutes chez l'huissier, hier après-midi, mercredi 23 juin, d'un coup, il nous est poussé des ailes de géant. Mieux que l'Incroyable Hulk, hop, d'un coup, notre association se transformait en conglomérat médiatique, en super-lobby, capable de « piloter » un « véritable acharnement médiatique » . On est fortiches, non ?

    On comprend qu'ils tremblent, en face. Ils sont si chétifs, si fragiles. Le pauvre Jean-Charles Naouri, seulement la 63ème fortune du pays, à la tête du petit Casino, 11 000 magasins dans le monde, 200 000 « collaborateurs » , 26,8 milliards de chiffres d'affaires – et cette frêle société, contre l'énorme, la puissante, la gigantesque multinationale Fakir. Ce choc contre un titan de la presse doit leur donner des sueurs froides, la nuit.

    On comprend, dès lors, que ces malheureux nous réclament plus de 75 000 €. C'est une paille, pour une holding comme la nôtre. 75 000 €, notre trésorière, Aline, elle va à peine s'en rendre compte : des chèques comme ça, avec plein de zéros, elle en signe deux trois chaque matin en prenant son café. Et au pire, en décembre, les dirigeants de la Fakirie diminueront un peu leurs stock-options...

    On ne va pas pleurnicher. On le sait bien, en dix années d'enquête, que notre journalisme est un sport de combat. Que notre canard a frôlé la mort judiciaire, un paquet de fois, déjà. Et bizarrement, pourtant, de toutes ces batailles – dévoreuses de temps, d'énergie, d'argent – à chaque fois nous sommes sortis plus forts. Parce que vous étiez là, camarades lecteurs. Parce que vous serez là, on le devine déjà, enthousiastes, solidaires, combatifs. A la dernière Assemblée Générale de Casino, nous étions huit – et à huit seulement, nous avons perturbé le ronron. L'an prochain, prenons les paris : nous serons huit cents.

    Pourquoi le cacher, enfin ? Il y a un soupçon de fierté. Jean-Charles Naouri, face à nous, c'est l'homme qui, dans les années 80, aux côtés de Pierre Bérégovoy, a libéré la Finance. Depuis, de fonds de pension en « private equity » (il a d'ailleurs fondé le sien), de rentabilité à 15 % en super-dividendes, la dictature des actionnaires dévaste l'économie comme un nuage de sauterelles : la crise, c'est un peu, beaucoup, sa crise. Dans une démocratie normale, Jean-Charles Naouri devrait s'expliquer, en pleine lumière, au journal de 20 heures, devant des commissions parlementaires, sur les choix qu'il a opérés, dans l'ombre, il y a un quart de siècle. Mais il n'a pas à s'expliquer. Il trône tranquillement sur sa fortune, qu'il a bâtie depuis – grâce à la Finance. Alors, il y aura un espace public, maintenant, où cette histoire sera évoquée : ce ne sera pas son procès, ce sera le nôtre.
    Bon voilà.

    Maintenant, c'est l'été. On va réfléchir à comment on se défend, comme on contre-attaque avec une gigantesque campagne nationale. Si vous avez des idées, si vous souhaitez nous soutenir, envoyez un courriel à laurent@fakirpresse.info.

    Et puis, on vous souhaite de bonnes vacances. Qui seront quand même plus belles avec un Fakir sur la plage...

    Dans le numéro d'été de Fakir, vous trouverez surtout :
    Gros pognon et ballon : 50 ans de capitalisme racontés par le football

    • Petits budgets : Bricolez votre sex machine
    • Vie de famille : Mes cousins sont des terroristes, comment réagir ?
    • Ecologie : L'échec de la technique (la preuve par le chasse d'eau de BP)
    • Décomplexé : La France fière de ses patrons
    • Agences de notation : la Voix de la finance


    > Lire le sommaire complet du Fakir numéro 46 (en kiosque depuis le Samedi 26 Juin 2010)

    Sans vous, on ne peut rien. Avec vous, on peut tout.
    Et c'est pour ça qu'à la fin c'est nous qu'on va gagner...

    (exclusivité édition électronique)

    Fakir n'est lié à aucun parti, aucun syndicat, aucune institution. Il est fâché avec tout le monde, ou presque.


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    PRESENTATION

     

    Une voix sans maître

    Où trouver « A voix autre »
    Exemplaire gratuit et abonnement

    Des bras, des plumes et quelques kopecks

     
    EDITO

    A l’heure des études sociologiques, des sondages, des technologies de l’information reines, du consulting hors de prix, j’en passe et des meilleurs, il est quand même désolant de constater à quel point la soupe tiède qu’on nous sert à longueur de semaines de 5 jours de travail (que nous en ayons -encore- un ou non) est systématiquement la même.

    Il est quand même pénible de constater que les pourfendeurs de changement et d’une véritable évolution de la société – la classe dirigeante, sa finance, sa presse et sa police - ne font pas le moindre effort pour nous garder sur les bancs de rameurs de leur galère. Il est extrêmement frustrant de n’avoir toujours que le même discours lénifiant à remettre en cause. Et quoi, nous ne vaudrions pas mieux qu’une légère remise au goût du jour quand le besoin s’en fait sentir ?

     

     

    Il faut croire que non ! Il faut croire que le rouleau compresseur capable de blanchir un énième coup d’état en Amérique latine, une « guerre sainte » ou une autre crise financière, s’accommode fort bien de la misère de sa rhétorique parce qu’elle lui suffit amplement à aplatir tout sur son passage.

    Il y a bien longtemps que par chez nous, on n’a pas dépavé les rues pour ériger des barricades ! Et sans doute que le même discours inlassablement répété, s’il n’agace pas, endort, d’où sa force. Mais il faut être juste. Si la forme change peu, le fond s’améliore. En effet, tous les efforts convergent vers un total contrôle en amont de chacun afin de prévenir les dérapages et gare à qui n’avale pas la soupe.

    Mais y a-t-il vraiment des gens que ça agace ? Et oui ! Toutes celles et ceux qui sont montrés du doigt. Toutes celles et ceux contre qui tous les moyens sont bons, y compris le mépris le plus total pour les lois érigées pour le soi-disant bien commun. Car bien souvent, ils montrent le mauvais exemple, ils montrent par leur mode de vie, leurs prises de positions et leurs actions que la fin de l’histoire n’est pas encore arrivée.

    Ces empêcheurs de penser en rond tiennent tant que faire se peut ou jusqu’à ce que leur mauvais exemple risque de faire tache d’huile. Alors le rouleau compresseur ressort, discrédite, bâillonne, criminalise et interdit ces odieux foutriquets. Mais on en entendra véritablement parler que s’ils sont suffisamment « gros » et donc utiles pour épicer un peu la soupe, mais pas trop.

    Alors avant qu’on n’en puisse plus, « A Voix Autre » collabore ! Collaboration avec « BLACK FLAG  » présenté dans le numéro précédent ainsi qu’avec Léo dont on apprécie la finesse du trait et de l’esprit. « A Voix Autre » collabore pour être plus gros, pour gagner plus de part de marché ou absorber ses « concurrents » ? Non, mais tout simplement en espérant si possible faire un peu plus de bruit et surtout parce qu’on préfère être mal accompagné que seul.

    Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage.


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  • On nous appelle "les paysans"
     

    Nous sommes restés terrés à la campagne ou bien nous sommes partis loin du béton des villes.
    Nous avons refusé d’être esclaves d’un boss..., mais nous sommes restés serviles car intégrés à ce système que l’on ne peut fuir.

    Nous avons cherché un bout de terre, parce que nous n’étions pas (tous) nés avec. Toutes les terres sont sous le régime de la Propriété Privée. Il en est qu’elle délaisse et que le temps valorise pour la spéculation, d’autres qu’elle loue, d’autres qu’elle vend.

    Nous avons signé de moches baux qui nous engagent à payer régulièrement cette terre que nous nourrissons et qui nous nourrit.
    Nous avons dépensé notre sueur et économisé pour payer un lopin. Il nous a fallu garantir et emprunter, et il nous faut désormais rembourser pour bonifier l’action Crédit Agricole. Nous sommes devenus propriétaires de quelques ares difficilement lâchés par ceux qui ne les comptent plus, nous sommes intégrés à la Propriété en restant propriété de l’Argent et de ceux qu’il engraisse.

    Nous avons convoité une terre oubliée, cachée par les ronces, et nous l’avons cultivée jusqu’à ce que des bipèdes en costards et en uniformes la saccagent et nous poussent à aller recommencer ailleurs.
    On nous a promis la tranquillité, du fric et des droits pour peu que, depuis ce bout de terre loué, acheté, hérité ou squatté-légalisé, nous fassions ce que la loi et l’économie veulent de nous, de notre travail.
    On ne nous encore laissé que des non-choix.

    On nous a dit qu’il fallait vendre les fruits de la terre et de notre travail, produire parce qu’ainsi nous vivrions mieux et que cela rendrait service au pays.

    On nous a dit que pour cela, il fallait respecter encore un certain nombre de règles, faire des calculs, payer des taxes, et toujours tout noter pour que l’on nous contrôle.

    Nous sommes des paysans, et souvent des comptables...
    Nous sommes des paysans, et souvent des vendeurs...

    Nous sommes en concurrence avec ceux qui ont des terres en abondance, avec les « gros » exploitants agricoles qui font trimer ceux qui n’ont rien, parfois pas même le droit d’être là parce qu’ils viennent d’ailleurs.

    On nous a aussi loué ou vendu la mécanisation parce qu’il fallait faire du chiffre. Nous avons raqué, seuls ou à plusieurs, pour avoir des machines à traire, des machines à presser les grappes, des machines à écraser les châtaignes, des machines à labourer la terre, des machines à récolter, des machines à planter... Comme nos pairs à l’usine, nous aussi, nous sommes devenus esclaves des machines. Parfois, bien sûr, nous avons refusé l’engrenage, sans doute aussi parce que le relief ou la banque ne nous laissaient pas forcément le choix.

    Nous semons les graines qu’ils ont modifiées, sélectionnées pour leurs profits. Nous leurs rachetons sans cesse alors qu’elles ne sont pas adaptées à la terre où elles germent.

    Nos vaches sont cirrhosées et se ressemblent toutes, parce qu’on veut faire d’elles des machines à produire du lait. Nos animaux sont obligatoirement fichés, médicamentés, tatoués, vaccinés et bientôt pucés, et c’est peut-être justement pour cela qu’ils sont malades, que les vaches deviennent folles, que les moutons sont brûlés par centaines, que les poules sont enfermées pour prévenir d’une éventuelle épidémie.

    Que l’on (se) vende pour l’industrie agro-alimentaire ou sur le marché du coin, on nous impose des normes à respecter parce que ce qui est vivant est trop incontrôlable. Il faut pasteuriser et javelliser les fromages, traiter voire irradier les fruits... Même le taux de sucre de la confiture doit être mesuré précisément. Nos bêtes, il faut qu’on les amène dans les abattoirs pour que l’on contrôle leur traçabilité et que des machines les massacrent en nombre. Il faut aussi les faire inséminer artificiellement...

    On nous vend la poudre blanche, la poudre bleue, la poudre jaune..., pour accroître le rendement des terres, empoisonner les plantes et animaux nuisibles. Il est avéré que c’est aussi du poison pour nous, pour la terre et pour tout ce qu’il reste de vivant.

    On nous vante le mérite du Bio : un nouveau marché pour lequel il faut revenir à ces méthodes qu’on nous avait présentées comme dépassées, mais qui permettent de vendre plus cher pour que les plus riches, eux, ne s’empoisonnent pas. Il faut intégrer soit des « labels » pour lesquels il faut payer pour pouvoir se faire contrôler, soit des « mentions » pour autogérer notre propre contrôle et notre propre marketing. Des solutions éco-industrielles pour que le Bio lui aussi soit productif et rentable arrivent, et nous restons encore une fois sur le carreau.

    On nous transforme par ailleurs en paysagistes de leurs parcs à touristes, de leurs vitrines du développement durable, ouvriers du paysage-marchandise.
    Nous devons repasser les draps des cadres en vacances, servir le repas terroir et, bien sûr, jouer pour eux le rôle de cette nostalgique et rustique paysannerie des temps perdus, ou bien celui d’illuminés qui vivent sobrement, décroissemment, coolement, comme si nous étions en dehors du monde, perchés sur les montagnes et penchés béatement sous le cul des chèvres... Comme si notre travail était toujours un plaisir, comme si la misère de notre vie et celle du reste du monde nous laissaient indifférents...

    Nous aussi, les banquiers nous sucent le sang. Nous aussi, nous tirons la gueule quand les factures arrivent. Parfois, nous ne pouvons pas nous permettre de manger ce que nous produisons parce que les « éco-produits labellisés luxe terroir » ne sont pas pour les petites gens. Parfois, le marché nous oblige à brader nos productions sans se soucier de nous voir crever.
    Nous aussi nous nous contentons de survivre, faute de mieux.

    Nos faits et gestes sont surveillés.
    Nous sommes les larbins des riches.
    Nous sommes esclaves de cette société, de son argent et de ses lois.
    Nous sommes des paysans de la classe d’en bas.

    Allons-nous rester éternel-lement soumis ?
    Nous ne voulons plus, nous ne voulons pas, être ces paysans-là parce que nous ne voulons pas de ce monde-là !

    Ne soyons pas leurs paysans pas plus que leurs ouvriers, leurs routiers, leurs maçons, leurs employés, leurs prostitués..., ni les allocataires ou les mendiants de leurs quelques miettes...
    Finissons-en avec ces cases et ces séparations entre ceux qui subissent les conditions d’exploitation.
    Cultivons la révolte partout sur cette terre.
    Faisons partie de ceux qui se battent contre ce que l’on nous présente comme indépassable. Le cul par terre, la tête dans les étoiles.

    Mars 2010.

    Source Ici


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  • La Désobéissance éthique, par Élisabeth Weissman

     

    Le livre d’Élisabeth Weissman fait partie de ces ouvrages dont on redoute de poursuivre la lecture : chaque page annonce une horreur, une bonne raison de désespérer, même si, de ci delà, l’auteur nous concède une ou deux flammèches d’espoir.

    Un livre de plus qui nous explique magistralement, avec rigueur et humanité, pourquoi et comment la classe dominante française met à mort l’État, les valeurs républicaines, la citoyenneté, la solidarité, la société au sens classique du terme.

    Préfacé par ce grand résistant que fut, et demeure, Stéphane Hessel, La Désobéissance éthique nous introduit d’emblée dans le drame que connaissent trop de travailleurs français aujourd’hui : le suicide d’hommes et de femmes qui retournent contre eux la violence de leur existence en entreprise ou en usine. L’auteur rappelle la réaction spontanée des autorités face à ces actes, comme le mépris de Didier Lombard, P-DG de France Télécom, évoquant une « vague suicidaire ». Il ne leur suffit pas d’éviscérer les services publics : il leur faut stigmatiser ceux qu’ils broient.

    Depuis, en gros, Chirac/Raffarin, les dirigeants français ont décidé d’appliquer au public les méthodes du privé. Comme le court terme et les gains de productivité sont privilégiés par rapport à l’intérêt général et aux investissements à long terme, mieux vaut amputer le pied d’un diabétique que de lui prodiguer des soins plus coûteux mais qui lui laisseront ses deux pieds.

    Une seule solution : la résistance, dont la désobéissance est un des aspects. Weissman revient longuement sur l’action d’Alain Refalo et des collègues qui, à sa suite, ont refusé de ficher les élèves et d’accroître le fossé entre les gosses de riches et les gosses de pauvres. À l’inverse de Sarkozy qui est dans la « haine de l’autre », Refalo et les “désobéisseurs” (Weissman explique la différence entre les mots “ désobéisseur ” et “ désobéissant ”) sont dans la fraternité, la solidarité et le respect, simplement parce qu’ils estiment que les enfants doivent être protégés et non pas jetés dans la concurrence dès l’âge de trois ans.

    À l’État, bras armé du marché, Refalo oppose la désobéissance civile, l’action dans la non-violence qui « renvoie la violence à celui qui l’actionne. ». Pour lui, la répression est une reconnaissance. En le sanctionnant durement, « l’administration reconnaît que son action l’inquiète et admet qu’elle constitue une véritable menace. » Faut-il s’étonner que les parents d’élèves de la PEEP et SOS Éducation (une officine proche de Darcos) l’aient si durement critiqué ? On verra également des professeurs des écoles refuser les évaluations en CE1 et CM2 (150000 sur 700000 en CM2) car « la publication de résultats combinés à la suppression de la carte scolaire aurait pour conséquence la mise en concurrence des élèves, des parents et des enseignants. » Ces enseignants ont bien compris que l’évaluation (portant exclusivement, comme par hasard, sur les maths et le français) était un outil nécessaire à la privatisation de l’enseignement primaire.

    En outre, évaluer, c’est adapter l’individu au monde libéral, c’est « modeler un homme nouveau », un homme « réduit à lui-même », avec la concurrence « inscrite au plus profond de lui-même », qui pourra tout au long de sa vie s’adapter aux exigences du capitalisme. L’auteur revient sur la LRU, très familière aux lecteurs du Grand Soir, et l’évaluation dans l’université, qu’elle assimile, reprenant une analyse de Michel Saint-Jean, animateur de Sauvons l’Université, à « une police et une instrumentation à des fins strictement économiques et utilitaristes de la pensée scientifique. » De plus en plus sous pression, les enseignants sont les Français qui se suicident le plus (39 pour 100000 ; moyenne nationale : 17). Et ce n’est pas la financiarisation de leur travail, le paiement à l’acte incompatible avec l’esprit de la Fonction publique, qui risque de les rasséréner.

    En 2004, le ministre de Robien met en place une “ Base élèves ” que l’inspecteur d’académie des Pyrénées-Orientales qualifiera de « plus grande source d’information sur l’immigration. » À partir de 2005, on cherche à dépister les “troubles de conduite” chez les enfants dès le plus jeune âge. Dans un rapport tristement célèbre de 2004, le député UMP Jacques-Alain Bénisti établit un parallèle entre le bilinguisme des enfants de migrants et le risque de délinquance : « Seuls les parents, et en particulier la mère, ont un contact avec leurs enfants. Si ces derniers sont d’origine étrangère, ils devront s’obliger à parler le français dans leur foyer pour habituer les enfants à n’avoir que cette langue pour s’exprimer ». Ce rapport qualifie même de « patois » les langues maternelles des enfants de migrants. En 2005, Bénisti reconnaît son erreur en précisant que le bilinguisme est une chance pour l’enfant.

    La mauvaise foi, le déni, sont les meilleurs freins à la résistance. Pour bien comprendre ces conduites, Weissman fait appel à Sartre pour qui tout individu « peut tirer argument des circonstances pour expliquer pourquoi il n’a pas le courage de faire usage de sa liberté et de se comporter en homme libre. » Résistants et libres furent assurément les juges du tribunal d’Orléans qui, en 2006, relaxèrent des faucheurs d’OGM, considérant qu’ils avaient agi « au nom de l’intérêt général, pour le respect du droit à la santé, à l’environnement et en application du principe de précaution, valeurs générales qui sont plus importantes que la protection du droit de propriété. »

    Sarkozy et les marchés s’en prennent également aux malades mentaux. Le chapitre consacré par l’auteur à l’enfermement est insoutenable. Les asiles doivent être rentables et les aliénés criminalisés. Cinquante ans d’effort pour humaniser la psychiatrie ont été balayés par Sarkozy en quelques semaines. En direct du Café du Commerce, notre kleiner Mann nous expliqua que les fous étaient des délinquants présumés potentiellement dangereux, alors qu’ils comptent parmi les citoyens les plus exposés à la violence. 70 millions d’euros seront consacrés à la “ sécurisation ” des asiles, mais on supprimera des centaines de poste de soignants. Voir à ce sujet :

    http://www.legrandsoir.info/L-hopit...

    La Poste est désormais l’“ entreprise ” où le “ client ” est le plus plumé en France. Pour les agents, résister relève de l’héroïsme. Prendre en compte les clients économiquement faibles relève de la gageure. La politique de la direction est d’écœurer les usagers du service public en leur faisant croire que tout ira mieux lorsque La Poste sera entièrement privatisée (alors qu’on la renationalise outre-Manche). Même chose à EDF/GDF, dont les gros actionnaires sont proches de Sarkozy. Comme il faut rétribuer ces actionnaires, les investissements ont diminué de moitié ces dernières années. Il faut vendre au client ce dont il n’a pas besoin, le déréguler dès que possible. Alors saluons le courage des Robins des Bois qui rétablissent le courant chez des chômeurs. Ils risquent gros.

    On n’insistera pas trop sur la politique du chiffre de Besson, fier en octobre 2009, d’avoir expulsé trois Afghans dans un vol conjoint franco-britannique, avec l’accord forcément tacite du bon docteur Kouchner. Du chiffre, les policiers en font aussi lorsque, au lieu de traquer des délinquants, ils se posent au coin d’une rue pour faire du contrôle routier. Les pandores pourraient eux aussi se révolter car 12000 postes ont été supprimés en cinq ans dans la Police nationale, de par la volonté du plus grand flic de France, au profit des polices municipales et privées.

    Autre description hallucinante : celle du climat qui règne désormais à Pôle Emploi, ce monstre totalement inefficace résultant de la fusion des Assedic (de droit privé) et de l’ANPE (entreprise publique). Le chômeur est désormais stigmatisé car, comme l’avait subtilement formulé Raffarin en son temps, « La France ne doit pas être un parc de loisirs ! » Pôle Emploi a définitivement cassé le lien entre ses agents et les chômeurs, au profit des multinationales de l’intérim.

    Le libéralisme s’attaque même aux arbres. Ayant perdu 40% de ses recettes publiques, l’Office National des Forêts doit trouver de nouveaux capitaux pour s’autofinancer. Alors, on coupe du bois à tour de bras au détriment de la biodiversité.

    Reprenant la formule de Robert Castel, l’auteur explique comment nous sommes passés d’une société de marché à « une société devenue marché », dans laquelle, comme l’avait proclamé notre kleiner Mann, roi du lapsus, « l’homme n’est pas une marchandise comme les autres », postulant par là-même qu’il était une marchandise.

    Pour l’auteur, les syndicats n’ont pas trouvé la parade à cette déferlante. Elle cite Laurence Théry, inspectrice du travail : « Le déplacement de la politique de contrôle du corps du taylorisme vers le psychique, de l’extériorité vers l’intériorité, rend ainsi problématiques les stratégies de contre-pouvoir et de résistance qui peuvent endiguer ce processus d’appropriation de l’individu par les forces du travail. » On le voit bien lorsque Sarkozy reçoit Thibault et Chérèque à sa table : voilà des gens de bonne compagnie, des “ partenaires ”.

    Désobéir n’est pas républicain pour les hiérarchies syndicales, c’est un acte individuel. Ces hiérarchies proposent des “ journées d’action ” qui s’égrènent sans que les luttes soient réellement fédérées, mieux : confédérées. Défendre les travailleurs face aux menées des Parisot, Kessler et Lagarde ne consiste plus simplement à défendre les salaires et les emplois. Les organisation syndicales doivent désormais s’intéresser à l’“ intime ” des travailleurs, à leur vécu subjectif. Elles doivent aussi prendre en compte des revendications politiques comme, par exemple, la renationalisation d’EDF. En outre, les syndicats peuvent-ils encore se vivre en “ partenaires sociaux ” alors que l’action militante est criminalisée, que des travailleurs isolés sont terrorisés.

    Les travailleurs doivent également se réapproprier leur propre discours. Face à un kleiner Mann qui avilit la langue car il a rabaissé la fonction présidentielle, il ne faut plus accepter que la classe dirigeante « vide les mots de leur sens, les corrompent, les dépravent. » Il faut retrouver les valeurs de la Résistance (Weissman revient sur le comportement obscène du Président de la République au plateau des Glières) pour empêcher que Sarkozy ne « liquide son héritage social. »

    Bernard GENSANE ici


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  • Z : un an et demi d’existence, trois numéros, 200 pages (environ) par exemplaire, une rédaction itinérante, un camion asthmatique, un local squatté à Montreuil, des convictions radicales, des articles fouillés et prenant le temps de creuser les choses, un graphisme léché, une bougeotte sympathique… Bref, une revue qui claque. Ça valait bien un entretien : la parole est à Z.

     

    La suite ici lien


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  • Amis de "Los Necios" :

    L'OPLN s'ajoute à la campagne pour fortifier le Périodique le Libertador dirigé de manière magistrale par notre ami et compagnon de lutte Jhonny Lagos, qui avec son équipe de journalistes,de photographes, de crieurs de journaux, de collaborateurs et autres personnel, continu de maintenir une position courageuse et honnête face au coup d'état militaire mené à bien par l'oligarchie hondurienne et l'impérialisme américain, en démontrant que pour maintenir des principes il est impératif de faire face à la barbarie.

    Malgré les kidnappings, les attentats et les menaces permanentes, le Libertador continu en donnant sa lutte dans les rues.

    En avant Compagnons !

    Ensemble Nous sommes  la Résistance !

    Nous Vaincrons !
     
    Sottises !

    OPLN

    Le site web Ici
     
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    Amig@s de Los Necios:

    La OPLN se suma a la campaña por fortalecer el Periódico El Libertador dirigido de forma magistral por nuestro amigo y compañero de lucha Jhonny Lagos, que con su equipo de periodistas, fotógrafos, diagramadores, canillitas, colaboradores y demás personal, han logrado mantener una posición valiente y honesta frente al golpe de estado militar llevado a cabo por la oligarquía hondureña y el imperialismo norteamericano, demostrando que para mantener principios es imperativo enfrentar la barbarie.

    A pesar de los secuestros, los atentados y las permanentes amenazas, El Libertador continúa dando su lucha en las calles.

    ¡Adelante Compañeros!

    ¡Juntos somos la Resistencia!

    ¡Venceremos!

    ¡Necedad!

    OPLN

    Tegucigalpa, M.D.C. 19 de enero de 2010
     
    Su sitio en la web: AQUI



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  • Julio Cortazar : Policritique à l’heure des chacals

    Julio CORTAZAR
    photo : Julio Cortazar

    Les leçons que la gauche européenne de classe moyenne se complaît à donner aux peuples latino-américains et à leurs dirigeants en pleine transformation de leurs pays ne sont pas le fruit du hasard.

    Internet, diversité, écologisme, féminisme, etc... Dans "la naissance du bobo rousseauiste", Jean-Pierre le Goff montre que les thèmes dominants en Occident proviennent en grande partie du fait que les classes moyennes y dominent alors que les secteurs populaires ascendants en Amérique Latine ont d’autres priorités (refonder des constitutions pour créer des États participatifs, réaffirmer et renforcer les droits humains par les droits sociaux, récupérer leurs ressources naturelles au service du développement, démocratiser les ondes, nouer des alliances Sud-Sud, etc..).

    C’est là où entre en jeu l’inconscient colonial : l’européen(ne) qui se dit de gauche (ou de droite) se croit encore au centre du monde, et maintient que les priorités des latino-américains doivent être les mêmes que les priorités des occidentaux, d’ailleurs tellement plus subtiles et plus intéressantes. Et il ou elle a le devoir de conseiller, de critiquer le latino-américain puisque c’est pour son bien. Ne lui permettra-t-on pas ainsi d’éviter les erreurs commises dans le passé par la gauche européenne ?

    Ainsi, le fait que ces transformations sociales, économiques avancent en Amérique Latine parce que des peuples de plus en plus conscients élisent des leaders qui savent encore leur parler (Bolivie, Venezuela..) est-il montré du doigt en Europe comme germe de populisme, culte de la personnalité, dérive autocratique, etc... La classe moyenne par nature n’a pas besoin d’État, ni de peuple, encore moins de grands hommes. Elle aime que le monde soit à son image.

    A l’heure où l’Amérique Latine est devenue en Occident une projection de thèmes d’ONGs, à l’heure où les balises "bobo" ferment le champ de la longue-vue qu’on se prête avec égoïsme, où chaque groupuscule extrait sa plus-value idéologique comme on extrayait hier l’or et l’argent, on est frappé de voir comment, quelques années auparavant, Julio Cortazar avait anticipé et dépassé cette dérive des continents.

    Né en Belgique de pères argentins (1914) il aurait pu devenir le parfait européen d’Amérique du Sud comme tant de ses compatriotes de Buenos Aires qui jugent toujours du bout des lèvres les habitants hirsutes de la Calibanie. Fasciné par les passages, les galeries, les associations, la continuité des parcs et la subjectivité du temps, l’écrivain avait réussi pourtant à se mettre à leur place : Cortázar le guatémaltèque, le cubain, le salvadorien, le nicaraguayen.

    C’est ainsi qu’un jour la Seine post-moderne déboucha dans les Caraïbes. Cortázar cessa d’être un intellectuel de gauche européen (il n’est pas obligatoire de vivre à Paris pour l’être, on peut aussi vivre en Amérique du Sud et conserver la douce arrogance du parfait "intellectuel-critique-de-gauche-européen") pour se transformer en un intellectuel capable de penser, de critiquer et de sentir depuis nos peuples et depuis nos révolutions.

    Policritique á l’heure des chacals, Julio Cortázar

    A quoi cela sert-il d’écrire une si bonne prose

    A quoi cela sert-il d’exposer raisons et arguments,

    Si les chacals veillent, si le troupeau se jette sur le verbe

    Le mutile, le détourne de son sens, laisse le reste de côté,

    Raisonne en noir et blanc,

    si le signe plus se change en signe moins,

    Les chacals sont savants dans leurs télex,

    Ils sont les ciseaux de l’infamie et du malentendu,

    Troupeau universel, blanc, noir, albinos,

    Laquais lorsqu’ils ne signent pas et encore plus chacals lorsqu’ils signent,

    A quoi sert-il d’écrire en mesurant chaque phrase,

    A quoi cela sert-il de peser chaque acte, chaque geste qui donnent du sens

    Si par ailleurs les journaux, les conseillers, les agences,

    Les polices masquées,

    Les agents du gorille, les avocats des trusts

    Se chargent de la version la plus adéquate pour la consommation

    des innocents ou des crapules,

    ils fabriquent le mensonge qui se répand, le doute qui

    s’installe,

    et tant de braves gens de tant de peuples et de tant de champs de tant

    de notre terre

    qui ouvre leur journal et cherche la vérité et y rencontrent

    le mensonge déguisé, le prédigéré, avalant

    la hargne préfabriquée, la merde dans chaque colonnes, il y en a

    qui y croient

    et ceux qui oublient le reste, tant d’années d’amour et de lutte, parce c’est

    comme ça, compagnon, les chacals le savent : la mémoire est

    faillible

    et comme dans leurs engagements, leurs testaments, les nouvelles du

    journal

    d’aujourd’hui invalident

    tout ce qui précède, enfouissent le passé dans la poubelle d’un présent

    trafiqué et mensonger.

    Alors non, il vaut mieux être ce que l’on est,

    Dire ce qui brûle la langue et tord l’estomac, toujours parler

    A qui comprend

    Ce langage qui vient des profondeurs

    Comme des profondeurs émerge la semence, le lait, les épis.

    Et celui qui attend autre chose, la défense ou l’explication fine,

    La récidive ou la fuite, jamais plus facile que d’acheter le quotidien

    Made in USA

    Et lire les commentaires, les versions de Reuter ou

    De UPI

    Où les chacals pédants donneront la version satisfaisante,

    Où des éditorialistes mexicains ou brésiliens ou argentins,

    Traduiront pour lui, avec tant de générosité,

    Les instructions du chacal basé à Washington,

    Ils le feront dans un castillan correct assaisonné à la sauce

    Nationale

    Avec la merde locale, facile à avaler.

    Je ne m’excuse de rien, et surtout

    Pas de ce langage,

    C’est l’heure du chacal, des chacals et de leurs domestiques :

    Je m’adresse à tous et à ceux qui les ont mis au monde,

    Et je dis ce que je vis, ce que je sens, ce dont je souffre et ce que

    J’espère.

    Chaque jour, sur ma table , les coupures de presse : Paris

    Londres

    NewYork, Buenos aires, Mexico, Rio. Chaque jour

    (en peu de temps, à peine deux semaines) la machine remontée,

    l’opération réalisée, les libéraux enchantés,

    les révolutionnaires confondus,

    la violation de l’imprimé, les commentaires affligés,

    alliance des chacals et des puristes, le troupeau heureux, tout va bien.

    Cela me coûte d’employer la première personne du singulier, et me coûte

    plus encore

    De dire : C’est comme ça, où c’est un mensonge.

    Tout écrivain, Narcisse,

    se Masturbe

    Défendant son nom, l’Occident

    Lui garantit un orgueil solitaire.

    Qui suis-je ?

    Face aux peuples qui luttent pour le sel et la vie,

    De quel droit puis-je emplir tant de pages

    D’opinions personnelles ?

    Si je parle de moi, c’est peut-être, camarade,

    Là où ces lignes te rencontrent,

    Tu m’aideras, je t’aiderai à tuer les chacals,

    Nous verrons plus net l’horizon, plus verte la mer,

    L’homme plus assuré.

    Je le dis à tous mes frères, mais je regarde vers Cuba,

    Je ne connais pas de meilleure manière d’embrasser toute l’Amérique

    Latine.

    Je comprends Cuba comme seul se comprend l’être aimé,

    les gestes, les distances et tant de différences,

    les colères, les cris et par-dessus le soleil et la liberté.

    Et tout commence par l’opposé, par un poète incarcéré,

    Par le besoin de comprendre pourquoi, d’interroger et

    D’attendre,

    Que savons nous ici de ce qui se passe, tant que nous sommes Cuba,

    Tant que nous résistons chaque jour aux vomissures

    Des bonnes consciences,

    Des désenchantés, de ceux qui viennent transformer ce modèle

    Qu’ils imaginaient à leur façon et , chez eux, dormir

    Tranquilles

    Sans rien faire, sans regarder de près, leur lune de miel bon marché avec

    son île Paradis

    Qui est assez lointaine pour être un vrai paradis

    Et que de coups portés en son joli petit ciel leur tombe sur la

    Tête.

    Tu as raison Fidel : c’est seulement dans la lutte qu’existe le droit au

    mécontentement,

    C’est seulement de cela que peut jaillir la critique, la recherche de

    meilleures solutions,

    Oui mais de « dedans » est tant de « dehors » à la fois,

    Et si aujourd’hui je m’écarte pour toujours du libéral à la violette, de ceux

    qui signent les textes vertueux

    pourquoi-Cu-ba-n’est-pas-com-me-l’exi-gent-leurs-sché-mas-bu-reau-cra-ti-ques,

    Je ne me crois pas une exception, je suis comme eux, ce que j’ai fait pour

    Cuba va plus loin que l’amour,

    Que j’ai douté de Cuba va plus loin qu’un désir, une espérance.

    Mais je m’écarte maintenant de son monde idéal, de ses schémas,

    Précisément maintenant quand

    Si je me presente à la porte de celui que j’aime, il m’interdit de le

    Défendre,

    C’est maintenant que j’exerce mon droit de choisir, d’être une fois de plus

    et

    Plus que jamais

    Avec ta Révolution, ma Cuba, a ma façon.

    Et ma manière maladroite,

    D’une tape de la main,

    C’est dire et répéter ce qui me plait et ce qui ne me plait pas,

    Acceptant le reproche de parler d’aussi loin

    Et à la fois en insistant (combien de fois l’ai-je fait pour le Vent)

    Je suis ce que je suis, et je ne suis rien, et ce rien est ma terre

    Américaine,

    Et comme il peut et où ce signe désigne la terre et ses

    Hommes

    J’écris chaque lettre de mes livres et je vis chaque jour de ma vie.

    Commentaire des chacals (Via Mexico, reproduit avec allégresse à Rio de Janeiro et Buenos Aires) « Le désormais français Julio Cortazar…. Etc. » A nouveau ce patriotisme cocardier, facile et soumis, a nouveau la morgue de ceux qui n’ont que ressentiments, tant qui restent dans leurs puits sans rien faire, sans être entendus sinon chez eux à l’heure de bifteck ;comme si quelque chose me privait d’être latino-américain, comme si un changement sur un passeport ( Et même si cela est, nous n’allons nous mettre à expliquer, le chacal s’en fout et c’est fini) mon cœur changera, mon comportement changera, mon chemin changera. Trop de dégoût pour continuer comme cela ; ma patrie est autre chose, malheureuse nationaliste, je me mouche dans ton drapeau de pacotille, là où tu es. La Révolution cubaine est autre chose, a son achèvement, très lointain, chaque fois infiniment lointain, il y a un magnifique flamboiement de drapeaux, une flambée de chiffons souillés par les mensonges et le sang de l’histoire des chacals , leurs rancœurs, leurs médiocrités, leurs bureaucrates, leurs gorilles et leurs laquais.

    C’est comme ça, camarades, si vous m’entendez de La Havane, de

    quelque endroit

    Il y a des choses que je n’avale pas,

    Il y a des choses que je ne peux avaler dans la marche vers la lumière,

    personne n’atteint la lumière si il masque les phantasmes pourris du passé,

    si les préjudices, les tabous des hommes et des femmes

    suivent dans leurs valises,

    et si un vocabulaire de casuistes quand ce n’est pas d’énergumènes

    arme la bureaucratie du verbe et des cerveaux conditionne les

    peuples

    que Marx et Lénine ont rêvé libres à l’intérieur comme à l’extérieur

    charnellement , en conscience et en amour,

    en joie et en travail.

    Pour cela , camarades, je sais que je peux dire,

    Ce que je crois et ne crois pas, ce que j’accepte et n’accepte pas,

    C’est ma policritique, mon outil de lumière,

    Et en Cuba je sais de ce combat contre tant d’ennemis,

    Je sais de cette île faite d’hommes déterminés qui n’oublient jamais le rire

    et

    La tendresse

    Et qui les défendent amoureusement,

    Qui chantent et qui boivent entre des moments de lutte, qui montent la

    Garde en fumant,

    Ce sont eux que cherchait Marti, ils ont signé du sang de

    Tant de morts

    A l’heure de tomber face aux chacals de l’intérieur comme des chacals de l’extérieur.

    Je ne serai pas celui qui proclame le courage de Cuba et

    Son combat ;

    Il y a toujours quelque hyène manipulée, poète ou critique,

    Prête à chanter les louanges de ce qu’il déteste aux fonds de ses tripes,

    Prompt à asphyxier la voix de ceux qui veulent un véritable dialogue,

    Le contact

    Par le haut et par le bas : contact avec cet homme qui commande

    Dans le danger parce que le peuple

    Compte sur lui et sais

    Qu’il est là parce que c’est juste, parce qu’en lui se définit

    La raison de la lutte, du chemin difficile,

    Parce qu’il a risqué sa vie avec Camilo et le Ché et tant qui nourrissent de

    leurs ossements et de leurs mémoires la terre du palmier ;

    Et aussi le contact avec l’autre, le gentil camarade qui a besoin de la parole et d’orientation

    Pour mieux faire tourner la machine, mieux couper la canne à sucre.

    Que personne n’attende de moi un éloge facile,

    Mais aujourd’hui est plus que jamais le temps de la décision et de la clarification :

    Dialogue demandé, rencontre dans la bourrasque, critique politique quotidienne,

    Je n’accepte pas la répétition d’humiliations maladroites,

    Je n’accepte pas les rires des hypocrites convaincus que tout avance

    Bien a partir d’un seul exemple,

    Je n’accepte pas l’intimidation, ni la vengeance. Et c’est pour cela que

    J’accepte

    La véritable critique, celle qui vient de celui qui endure le Joug,

    De ceux qui luttent pour une cause juste, ici ou là,

    en haut ou en bas

    et je reconnais la maladresse de prétendre le savoir totalement depuis un

    texte exact

    et je cherche humblement la vérité dans les faits d’hier et de demain,

    et je cherche ton visage, Cuba chérie, et je suis celui qui est venu vers toi

    comme on va boire l’eau , avec la soif de la grappe.

    Révolution faite d’hommes,

    Tu étais pleine d’erreurs et de déviances, pleine de larmes et

    D’absences,

    Mais à moi, a ceux de tous les horizons qui sommes des morceaux

    D’Amérique Latine,

    Tu nous comprendras à la fin du jour,

    Nous nous reverrons, ensemble, merde,

    Contre les hyènes, les porcs et les chacals de tous les méridiens,

    Contre les tièdes, les lâches, les scribes et les laquais

    A Paris, à La Havane ou à Buenos Aires,

    Contre le pire qui sommeille dans le meilleur, contre le danger

    De se laisser arrêter en pleine route, de ne pas couper les nœuds

    D’un coup de couteau net,

    Ainsi je sais qu’un jour nous nous reverrons,

    Bonjour, Fidel, bonjour, Haydée, bonjour ma maison,

    Mon petit caïman blessé et plus vif que jamais,

    Je suis cette parole main à main comme d’autres sont tes yeux ou tes

    Muscles,

    Tous ensembles nous irons couper la canne,

    récolter un temps sans empires et sans esclaves.

    Parlons, quoi de plus humain que de se parler : au commencement

    fut le dialogue.

    Laisse-moi te défendre

    lorsque apparaît à nouveau le chacal, laisse-moi être là. Et si tu ne

    veux pas,

    écoute, compagnon, oublions ces petits problèmes.

    Rejoignons nous,

    je suis ici, je t’attends, bois, fume avec moi,

    la journée est longue, la fumée chasse les moustiques.

    Tu sais

    je n’ai jamais été aussi proche

    que maintenant, de loin, contre vents et marées.

    Le jour naît.

    Traduction : Michel Veysset, pour www.larevolucionvive.org.ve

    Source ici 


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  • De la Politique à la Vie

    Dans ce texte sous forme de proposition générale pour une rupture avec la gauche adressée à tous les anarchistes qui ne souhaitent plus attendre de miraculeux lendemains qui chantent, l’auteur trace des pistes claires pour une lutte anti-politique avec pour volonté d’avoir une incidence sur la pensée comme sur les actes.

    cette rupture avec la gauche est basée sur la nécessité de libérer la pratique de l’anarchie des confins et des limites de la politique, ce n’est certainement pas pour embrasser la droite ou toute une autre partie du spectre de la politique. Il s’agit plutôt d’une reconnaissance qu’une lutte pour la transformation de la totalité de la vie, une lutte pour reprendre le contrôle de chacune de nos vies dans un mouvement collectif pour la réalisation individuelle, ne peut qu’être entravée par des programmes politiques, des organisations « révolutionnaires » et des constructions idéologique auxquelles il faudrait s’asservir, parce que celles-ci aussi, tout comme l’État et le capital, exigent que nous leur donnions nos vies plutôt que d’en reprendre le contrôle.

    Nos rêves sont bien trop grands pour les limites étroites du réalisme politique. Cela fait déjà depuis trop longtemps que nous aurions du laisser la gauche derrière nous pour continuer sur notre joyeuse voie vers l’inconnu de l’insurrection et la création de vies pleines et auto-déterminées.

     

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  • Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary

    Préface de Serge Halimi

    Avant de mourir, à 41 ans, Guy Hocquenghem a tiré un coup de pistolet dans la messe des reniements. Il fut un des premiers à nous signifier que, derrière la reptation des « repentis » socialistes et gauchistes vers le sommet de la pyramide, il n’y avait pas méprise, mais accomplissement, qu’un exercice prolongé du pouvoir les avait révélés davantage qu’il les avait trahis. On sait désormais de quel prix – chômage, restructurations sauvages, argent fou, dithyrambe des patrons – fut payé un parcours que Serge July résuma un jour en trois mots : « Tout m’a profité. »


    Cet ouvrage qui a plus de quinze ans ne porte guère de ride. L’auteur nous parle déjà de Finkielkraut, de BHL, de Cohn-Bendit, de Bruckner. Et déjà, il nous en dit l’essentiel. On ignore ce qu’Hocquenghem aurait écrit d’eux aujourd’hui, on sait cependant que nul ne l’écrira comme lui. Lui qui appartenait à leur très encombrante « génération » – celle des Glucksmann, des Goupil, des Plenel et des Kouchner – se hâtait toutefois de préciser : « Ce mot me répugne d’instinct, bloc coagulé de déceptions et de copinages. » Il aurait souhaité qu’elle fût moins compromise, en bloc, par les cabotinages réactionnaires et moralistes de la petite cohorte qui parasita journaux et « débats ». Il aurait essayé d’empêcher qu’on associât cette « génération »-là aux seuls contestataires qui ouvrirent un plan d’épargne contestation avec l’espoir d’empocher plus tard les dividendes de la récupération.


    Renonçant aux apparences de la bienséance, de la suavité bourgeoise propres à ceux qui monopolisent les instruments de la violence sociale, Guy Hocquenghem a usé de la truculence, de la démesure. Il a opposé sa clameur à la torpeur des temps de défaite. Son livre éclaire le volet intellectuel de l’ère des restaurations. Les forces sociales qui la pilotaient il y a vingt ans tiennent encore fermement la barre ; les résistances, bien qu’ascendantes, demeurent éparses et confuses. Nous ne sommes donc pas au bout de nos peines. Les repentis ont pris de l’âge et la société a vieilli avec eux. L’hédonisme a cédé la place à la peur, le culte de l’« entreprise » à celui de la police. Favorisés par l’appât du gain et par l’exhibitionnisme médiatique, de nouveaux retournements vont survenir. Lire Guy Hocquenghem nous arme pour y répondre avec ceux qui savent désormais où ils mènent.

    Serge Halimi


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  •  

     

    Le deux poids deux mesures de l’action du régime israélien est excessif pour tous sauf pour l’Étasunien manipulé. Même un chroniqueur du Jerusalem Post, justement israélien, peut reconnaître la manifestation de ce double standard dans :

    « Tout Israël parle désormais d'une seule voix contre le Rapport Goldstone...

     

    C'est l’idée que se fait tout Israélien de la manière juste : Nous sommes en droit de faire toutes les horreurs que nous voulons aux Palestiniens car, par définition, ce que nous leur faisons, c’est de la légitime défense. Ils n’ont pas pour autant le droit de lever un doigt contre nous car, par définition, tout ce qu'ils nous font, c'est du terrorisme.

     

    Il en est ainsi depuis toujours, c'est la manière dont fut menée l'Opération Plomb Fondu (Cast Lead).

     

    Et il n'y a pas de limites à notre droit à l'autodéfense. Rien de ‘’disproportionné’’ n’existe.

     

    À Gaza, nous pouvons détruire délibérément des milliers de maisons, le parlement, le ministère de la Justice et de l'Intérieur, les tribunaux, l’unique moulin à farine, le principal élevage de volailles, l’équipement de traitement des eaux usées, les puits et Dieu sait quoi encore.

     

    Délibérément.

     

    Pourquoi ? Parce que nous sommes meilleurs qu'eux. Parce que nous sommes une démocratie et que c'est une bande d'islamo-fascistes. Parce que la nôtre est une culture de la vie et la leur est une culture de mort. Parce qu'ils ne sont pas en mesure de nous détruire et tout ce que nous disons c'est donner une chance à la paix.

     

    Les Goldstone du monde qualifient cela d’hypocrisie, de deux poids deux mesures. Comment osent-ils ! Par ici nous appelons cela de la limpidité morale. » Rattling the Cage: Our exclusive right to self-defense, par Larry Derfner, 8 octobre 2009.

     

    Personne ne lira jamais cela dans le New York Times ou le Washington Post, ni ne l'entendra d’une source d’information étasunienne. A la différence des journaux israéliens, les médias étasuniens sont de parfaits porte-voix du Lobby d'Israël. Jamais une parole critique n’est entendue.

     

    Cela sera encore plus le cas maintenant car, après des années d'efforts, le lobby israélien a réussi à abroger le Premier Amendement en joignant le projet de loi contre le délit de haine à celui récemment adopté sur les crédits militaires. C’est la manière donc fonctionne le syllogisme :

     

    Il est antisémite de critiquer Israël. L'antisémitisme est un délit de haine. Critiquer Israël est donc un délit de haine.

     

    Comme le note le Jerusalem Post, ce syllogisme est de la « limpidité morale. »

     

    M. John Sawers, l'ambassadeur britannique auprès des Nations Unies, est entré dans l’arène du délit de haine quand il a dit à la radio de l'armée d’Israël que le Rapport Goldstone sur l'agression militaire d'Israël à Gaza contient « quelques détails très graves qui doivent être étudiés. »

     

    À un an près, quand l’Anti-Defamation League aura sa phalange de procureurs en place au ministère de la Justice (sic), Sawers aurait été arrêté et placé devant un tribunal. L'immunité diplomatique ne veut rien dire pour les États-Unis qui envahissent couramment d'autres pays et exécutent leurs dirigeants ou les envoie à La Haye pour les juger comme des criminels de guerre.

     

    Il n’empêche que, dans l'intervalle, le gouvernement israélien a averti Sawers et le gouvernement britannique que tout soutien envers le Rapport Goldstone entraînerait l’abolition de la double norme qui protège l'Occident et Israël, et créerait un précédent qui placerait les Britanniques sur le banc des accusés pour crimes de guerre en Irak et en Afghanistan.

     

    « Londres, » a déclaré le gouvernement israélien, « pourrait se retrouver avec des menottes s’il soutient le document [le Rapport Goldstone]. »

     

    Dès que la cellule des délits de haine du ministère de la Justice sera en place, les juifs antisémites, comme les meneurs du mouvement pacifiste israélien et les journalistes d’Haaretz et du Jerusalem Post, pourront s'attendre à être inculpés pour délit de haine antisémite devant les tribunaux étasuniens.

     

    Article original en anglais : How the Feds Imprison the Innocent,
    http://www.globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=15559, publié le 6 octobre 2009 

    Traduction : Pétrus Lombard

    Paul Craig Roberts fut ministre des Finances adjoint dans l’administration Reagan. Il est coauteur de The Tyranny of Good Intentions.


    Il peut être contacté à l’adresse :
    PaulCraigRoberts
    @yahoo.com.


     Articles de Paul Craig Roberts publiés par Mondialisation.ca


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  • La Complicité, pas la dette : base pour une solidarité anarchiste


    Si nous avons décidé de traduire ce texte plutôt théorique de Willful Disobedience, c’est parce que celui-ci trouve une résonance directe avec la réalité pratique quotidienne, qui alimente les discussions entre anarchistes et marxistes, entres anarchistes et communistes libertaires.
    Quiconque souhaite conjurer le gauchisme et l’activisme doit pouvoir se poser ces questions là. Considérer que « la liberté des autres étend la mienne à l’infini » n’est pas considérer que « la liberté des autres s’arrête là où commence la mienne ». Il y a là deux conceptions opposées de la liberté. Au delà du fait que la première hypothèse s’affirme, contrairement à la seconde, en positif, la seconde définit la liberté sous un angle répressif et limitant. Il faut également pouvoir enfin se débarrasser des notions de « combat contre les privilèges » comme il faut se libérer des luttes « pour des droits », qui ne font que nous enchaîner un peu plus.


    Aucun de nous ne doit rien à personne. Cela devrait être un principe directeur derrière toute pratique anarchiste. Tous les systèmes de pouvoir, toutes les hiérarchies et toutes les relations économiques sont justifiés par l’idée que chacun d’entre nous, en tant qu’individu, doit son existence à la collectivité qu’est cet ordre social. C’est une dette sans fin, une obligation éternelle qui ne peut jamais être remplie, qui nous garde enchaînés à un cycle d’activité qui maintient cette société. En tant qu’anarchistes et qu’insurrectionnalistes, notre but est précisément le complet renversement de ce cycle d’activité, des relations sociales qui gouvernent nos vies. Quelle meilleure occasion pour commencer, que le refus absolu du plus basique des principes économiques et politiques : la dette.

    Malheureusement, une grande partie de la lutte sociale en cours se base elle-même sur des suppositions économiques et/ou politiques, et particulièrement sur celle de la dette. Les gens parlent de réparations, de dédommagements, d’obtenir ce que l’on nous doit, ce qui est de droit. Cela s’entend même dans la façon dont nous parlons de lutte des classes quand l’idée "de reprendre ce qui nous appartient" est utilisée pour signifier que nous avons un droit parce que nous l’avons « gagné » - c’est-à-dire, l’idée que « le produit doit appartenir à celui qui le produit ». Cette façon de concevoir la lutte des classes reste fermement implantée dans l’économie, qu’il est dans notre intérêt de détruire.

    La méthodologie économique et politique de la lutte oppose le privilège au droit. De cette manière, il suppose que l’individu est dépendant d’un pouvoir supérieur, le pouvoir qui accorde les droits et les privilèges (c’est-à-dire, l’ordre social existant). En fait, les droits et les privilèges sont vraiment la même chose : des libertés limitées qu’un pouvoir supérieur accorde à un individu en raison d’une certaine valeur inhérente ou gagnée que ce pouvoir reconnaît en lui. Ainsi, l’opposition du droit et du privilège est une fausse opposition. Elle n’est rien de plus qu’un désaccord sur la façon dont le pouvoir devrait nous valoriser et un appel à lui pour une reconnaissance de notre valeur. Une lutte pour des droits n’est rien de plus qu’une lutte pour se vendre à un meilleur prix. Au maximum de sa radicalité, cela devient la tentative de vendre tout le monde au même prix. Mais certains d’entre nous ne veulent pas être vendus du tout.

    L’espèce de « solidarité » que cette méthode de lutte induit est une relation de service basée sur le concept de dette. Quand vous exigez que je renonce à « mon privilège », vous n’êtes pas juste en train de me demander de sacrifier quelque chose à votre conception de la lutte. Plus significativement, vous supposez que je reconnais ce privilège, me définissant en des termes nécessaires pour le gagner, par concession.
    Pour utiliser un exemple, disons que vous exigez que je renonce à mon privilège masculin. Il y a quelques suppositions dans cela : 1) que je me vois essentiellement comme masculin ; 2) que je possède ce privilège et peut ainsi en disposer comme je le souhaite ; et 3) que je vous le dois, c’est-à-dire, que j’ai une dette envers vous en raison de ma masculinité. Mais ce n’est pas le cas, en fait, je ne me vois pas uniquement comme un homme, mais comme un individu unique, comme moi-même.

     

    Vous pouvez répondre avec justesse que cette société sexiste, néanmoins, me perçoit effectivement uniquement comme un homme et m’accorde des privilèges spécifiques qui vont à votre détriment. Mais concrètement nous voyons que je ne possède pas ce privilège, pas plus que je ne possède la masculinité qui m’est accordée. Tout cela m’est imposé par l’ordre social. Le fait qu’ils puissent fonctionner à mon avantage par rapport à vous n’en font pas moins une imposition à moi, à mon individualité. En fait, cet avantage agit comme un dessous de table par lequel les dirigeants de cette société essayent de me persuader de ne pas m’unir avec vous contre lui. Mais ce dessous de table fonctionnera uniquement si je perçois l’avantage du privilège masculin qui m’est accordé par cette société comme étant de plus grande valeur pour moi que ma capacité à définir ma propre sexualité, et créer mes propres relations avec d’autres de n’importe quel genre, et en mes propres termes.

    Quand je reconnais cette société comme mon ennemi, je reconnais tous les privilèges et les droits qu’elle accorde à ses ennemis comme des impositions et des limitations qu’elle impose à mon individualité. Puisque le privilège masculin est quelque chose d’accordé et donc, défini et appartenant à l’ordre social, même si nous restons dans la structure économique et politique de la lutte, ce n’est pas moi, mais cet ordre social qui a une dette envers vous. Mais comme nous l’avons vu, les concepts de « privilège » et de « droit » dépendent de l’idée d’un distributeur légitime qui se tient au-dessus de nous et décide de ce que nous méritons. L’ordre social est ce distributeur. Ainsi, il ne peut être dit qu’il vous doit quoi que ce soit.

    Il distribue ce qu’il possède en ses termes, et si vous n’êtes pas d’accord avec ces termes, cela ne fait pas de vous son créancier, mais son ennemi. Et seulement en tant qu’ennemi de cet ordre social, pouvez-vous être véritablement l’ennemi du privilège, mais alors, vous devenez aussi l’ennemi du « droit ». Tant que vous ne décidez pas de rétablir le « droit » en faisant appel à une autorité supérieure, comme par exemple une meilleure « société future », vous serez en position de pouvoir enfin commencer la lutte pour faire de votre vie votre propre vie. À ce niveau de conflictualité totale à l’ordre social existant, nous pouvons nous rencontrer et nous unir dans la vraie solidarité, basée sur la mutualité, la réciprocité et la complicité, unissant nos efforts pour renverser cette société.

    En fin de compte, toute forme de solidarité qui repose sur des bases politiques et économiques – la dette, les droits et les devoirs, le sacrifice et le service – ne peut être considérée comme de la solidarité, au sens anarchiste. D’une perspective économique et politique, la « liberté » est un terme quantitatif se référençant simplement à la baisse des restrictions. Cette vision est résumée dans la déclaration : « votre liberté s’arrête là où commence la mienne ». Cette « liberté » est celle des frontières et des limites, de la contraction et du soupçon - la « liberté » sacrée de la propriété privée. Elle fait de chacun d’entre nous le maton de l’autre – une triste base pour la solidarité.

    Mais la conception anarchiste de la liberté est quelque chose de qualitativement différent de la restriction. C’est notre capacité, celle des individus, à créer nos vies en nos propres termes dans la libre-association avec d’autres de notre choix. Quand nous concevons la liberté de cette façon, il y a le potentiel de se rencontrer d’une telle façon que la liberté de chacun d’entre nous s’étend quand elle rencontre la liberté de l’autre. C’est la base de la mutualité ; notre vivre ensemble améliore chacun de nous. Mais dans le monde tel qu’il existe actuellement, il y en a beaucoup avec qui une relation de mutualité n’est pas possible.

    Ceux qui détiennent le pouvoir social et politique, ceux qui conservent la richesse comme leur propriété sacrée, ceux dont la tâche sociale est de maintenir l’ordre de la domination et tous ceux qui passivement supportent cet ordre limitent ma liberté, sapent ma capacité à créer ma propre vie en mes propres termes et de librement m’associer avec d’autres pour réaliser ce but. Les maîtres de ce monde et leurs chiens de garde imposent leurs termes à ma vie, me forçant à des associations prédéterminées. La seule relation possible avec eux et avec l’ordre social qu’ils soutiennent est l’inimitié, l’hostilité totale et permanente.

    Je découvre la base pour la mutualité précisément dans ceux qui sont les ennemis des dirigeants de ce monde et de leurs laquais, ceux qui s’efforcent de reprendre leurs vies et de les vivre selon leurs propres termes. Et c’est là que la mutualité - le principe que la liberté des autres étend la mienne - devient la complicité. La complicité est la réunion d’efforts dans le but d’étendre la capacité à l’autodétermination individuelle contre ce monde de domination.

    C’est la reconnaissance active que la rébellion spécifique d’autres étend ma propre liberté, qui me permet de trouver des façons d’agir ensemble avec ces autres contre les forces de domination et le contrôle social. Il n’est pas nécessaire de connaître personnellement ces autres, ils peuvent très bien porter leurs luttes une moitié de globe plus loin. Il est seulement nécessaire de reconnaître notre propre lutte dans la leur et d’avoir une action appropriée là ou nous sommes. Ni par charité, ni par sens du devoir, mais pour nous-mêmes.

    « Nous ne nous devons rien, pour ce que je semble vous devoir, Je dois surtout à moi-même. »

    Extrait de Willful Disobedience Vol. 4, No. 2, USA.
    Traduit de l’anglais et adapté par nos soins.
    Extrait de Non Fides N°IV.


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  • Fort avec le faible, faible avec le fort : l’anticonformisme de la revue Médias

    Publié le 4 août 2009 par Ugo Palheta

    Dans son dernier numéro (été 2009, n°21), la revue Médias [1] propose – en collaboration avec HEC [2] – un « manifeste pour la liberté de dire » sous la forme de débats entre des « personnalités de tous bords ». Un tel appel ne pouvait que retenir notre attention. Pourtant, à la lecture, cette liberté semble se réduire à celle du « renard libre dans le poulailler libre », c’est-à-dire à la liberté des journalistes dominants de s’exprimer, comme ils l’entendent, selon le principe simple : fort avec le faible, faible avec le fort. Rien à voir, en somme, avec une critique radicale des médias et une lutte conséquente pour une presse indépendante et pluraliste.

    Les tenanciers des médias dominants aiment à penser d’eux-mêmes qu’ils vont à rebours des idées dominantes, et les barons du journalisme semblent prendre d’autant plus volontiers des poses de libres-penseurs et d’anticonformistes qu’ils se plient à la défense des intérêts dominants [3]. Comme l’actuel président de la République, il leur plaît d’alterner l’appel à « briser les tabous » et le rappel au « bon sens », la critique de l’ « idéologie dominante » (bien entendu de gauche) et l’affirmation du cela-va-de-soi (évidemment de droite). Il serait pourtant peu judicieux d’y voir une contradiction, car ce n’est là qu’un va-et-vient entre deux usages différents d’une même force, de deux formes que prend la vulgate médiatique. Celle-ci ne peut en effet atteindre sa pleine efficacité sans que le discours critique (ou apparemment critique) soit lui-même accaparé par les porte-voix des médias dominants et, notamment, par les intellectuels médiatiques et autres « doxosophes » dont parlait Pierre Bourdieu. Ces derniers ne se contentent donc pas de produire du consensus sur l’organisation (capitaliste) de l’économie, le fonctionnement (antidémocratique) de l’Union Européenne ou la diplomatie (néocolonialiste) française ; il leur faut encore délimiter les cibles et les frontières de ce qu’il est légitime de critiquer. Or, le principe dont procède ce type de critique – interne au champ médiatique – demeure inexorablement le suivant : faible avec les forts, fort avec les faibles.

    I. Inventer de « nouveaux maîtres »

    Le dernier numéro de la revue Médias relève de cette catégorie en proposant à des gens de médias aussi contestataires que Sébastien Cauet ou Bernard Pivot de nous expliquer comment « cultiver son ambigüité » ou « savoir dire non », et en se présentant sous la forme – volontairement tapageuse – d’une Marianne bâillonnée :

    La stratégie rhétorique employée ici est bien connue puisque la revue ne fait guère que plagier un journaliste-intellectuel lui-même condamné pour plagiat il y a quelques années [4] : Alain Minc. Cet anticonformiste de cour avait en effet fondé l’une de ses livraisons annuelles, dont on sait qu’elles lui valent immanquablement et instantanément une invitation dans toutes les émissions de « débat » [5], sur le même type de stratégie, sous le titre pompeux : Epître à nos nouveaux maîtres (2002).

    Cette stratégie rhétorique repose sur une inversion de la réalité et des apparences et consiste, en quelque sorte à faire apparaître les rapports de domination la tête en bas. Vous vous imaginez que les dominants sont plutôt riches, hommes, blancs, hétérosexuels, bien-portants ; vous avez tout faux, car ces derniers subissent quotidiennement les foudres des pauvres, des femmes, des noirs, des arabes, des juifs, des homosexuels et des handicapés. Si les médias sont ainsi muselés, c’est que ces « nouveaux maîtres » empêchent les journalistes de s’exprimer comme ils l’entendent et de faire, en toute « liberté », l’éloge des privilèges et des privilégiés. Convenez-en : le monde est mal fait, et cela suffit à justifier les pleurnicheries d’enfants gâtés d’Alain Minc et de la revue Médias. La vérité de cet anticonformisme de pacotille est d’ailleurs énoncée très clairement dans la revue par une journaliste qui a accumulé une grande partie de son capital médiatique en cultivant une apparence de critique des médias et une apparente impertinence dans des journaux aussi corrosifs que le Figaro et le Point, et dans des émissions aussi décapantes que « Culture et dépendances » (du très-subversif Franz-Olivier Giesbert) ou « Le premier pouvoir » [6] : Elisabeth Lévy. Celle-ci affirme donc : « Nous sommes plombés par un terrible esprit de sérieux . Défense de rire ! Les handicapés, les homosexuels, les Juifs, les jeunes à capuche et les ouvriers licenciés ont aussi le droit qu’on se foute de leur gueule  » (p. 31). Derrière la nécessité et l’urgence de se « foutre de la gueule » des handicapés ou des ouvriers licenciés, ne reconnaît-on pas là le principe évoqué plus haut : fort avec le faible, faible avec le fort ?

    II. Inventer une « idéologie dominante »

    Cet anticonformisme d’apparat revient à retourner le célèbre constat formulé en 1847 par Marx et Engels, et d’affirmer : les idées dominantes d’une époque [en l’occurrence la nôtre] sont les idées des dominés. L’avant-propos de ce numéro de la revue Médias« le camarade Marx » et tente de placer sa propre critique sous l’aile subversive du concept marxiste d’ « idéologie dominante », : « Ainsi faudrait-il toujours se couler dans le moule de pensées correctes, labellisées, agréées, non par le pouvoir […] mais évoque d’ailleurs avec familiarité par cette ’’idéologie dominante’’, dont parlait le camarade Marx et qui n’est rien d’autre qu’un fatras de convenances, de morale à quatre sous, d’idées communes à tous , qui tient lieu de références inconsciente, et pèse de tout son poids sur les rédactions comme dans l’édition » (p. 7). C’est là retirer à ce concept toute la contestation politique qu’il recèle car, pour Marx et Engels, l’ « idéologie dominante » désigne bien autre chose : « les pensées de la classe dominante [l’ « idéologie dominante »] sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle » [7].

    L’origine des idées dominantes – pour Marx, la classe capitaliste et sa domination matérielle – est ainsi passée sous silence, noyée sous « un fatras de convenances, de morale à quatre sous, d’idées communes à tous ». Si cette idéologie est d’autant plus dominante qu’elle est partagée par tous, elle n’est pas sans servir des « clans » et des « groupes de pression » qu’on préfère ne pas nommer, comme nous en avertit l’auteur de cet éditorial (assez prudent toutefois pour ne pas les nommer) : « Pire que d’une censure en bonne et due forme, nous pourrions bien être victimes d’un air du temps, de réactions de clans [lesquels ?], de groupes de pression de toutes sortes [lesquels ?]  ». De même, voilà qu’apparaissent ces « directeurs de conscience [lesquels ?] qui disent du haut de leur chair ce qui est décent et ce qui ne l’est pas, ce qui est convenable ou non ». Rien n’est plus commode que de s’inventer des ennemis imaginaires (ces « clans », ces « groupes de pression », ces « directeurs de conscience »), sans les nommer : chacun pourra choisir ceux qui lui conviennent ; et rien n’est moins critique que de s’abstenir de les désigner précisément alors qu’on se targue de briser les tabous. Cette critique à la cantonade ne convainc guère, tant l’auteur de ce texte semble coincé entre deux conceptions de l’idéologie : comme « air du temps » commun à tous ou comme venin inoculé par d’innommables « groupes de pression » et d’invisibles « directeurs de conscience ».

    III. Inventer des « parias à vie »

    On ne peut d’ailleurs que s’étonner de voir autant de résistants à « l’air du temps » (qui prétendent refuser les « convenances médiatiques »), ou de « parias à vie » comme les désigne la revue Médias, parader et bouffonner régulièrement dans les médias. Outre Elisabeth Lévy, on compte notamment dans ces « personnalités de tout bord » le journaliste et animateur Henri Chapier, le député UMP Christian Vanneste, le dessinateur du Monde (depuis 1985) Plantu, l’avocat général Philippe Bilger, le comédien Guy Bedos, l’écrivain d’extrême-droite Alain Soral et le professeur d’islamologie Tariq Ramadan (tous deux habitués des plateaux télé). On comprend qu’il était urgent de réunir – « en partenariat avec HEC » – de telles sommités et de tendre enfin un micro à tant de « parias ».

    Mais ne soyons pas avares de compassion pour ces courageux contempteurs de l’idéologie dominante, victimes de toutes les infamies : « qui ose faire fi de ces nouvelles prescriptions est montré du doigt. Utilisez-vous un vocabulaire trop cru , refusez-vous les non-dits imposés  ? Vous voilà affublé d’un de ces qualificatifs qui font de vous un paria à vie  : homophobie, raciste, antisémite ». Des exemples d’accusations gratuites existent, il est vrai [8]. Mais la revue Médias n’en fournit guère. A défaut, mais à charge, il suffit peut-être de puiser dans le répertoire d’un des invités de ce dossier : Alain Soral. Celui-ci, présenté sommairement comme « écrivain », était jusqu’en février 2009 membre du comité central du Front National et s’est présenté aux élections européennes sur la liste d’extrême-droite de Dieudonné. On aurait apprécié que la revue Médias fasse preuve de cette précision dont elle parle avec tant de véhémence quand elle critique (à raison) « des médias peu soucieux de vérifications et de précisions » (p. 7). Soral s’était illustré en 2004 dans une émission de France 2 (« Complément d’enquête »), par des propos qui lui valurent en 2007 une condamnation pour antisémitisme [9]. Est-ce là ce « vocabulaire trop cru » ou ce refus des « non-dits imposés » vantés par la revue Médias ? Quand on souhaite critiquer les censures et les autocensures médiatiques (vœu louable), sans pour autant « cautionner les déclarations de personnes ou de groupes prônant la haine de l’autre » (p. 7), ne vaut-il pas mieux choisir soigneusement ses interlocuteurs, c’est-à-dire les choisir hors du périmètre de l’extrême-droite ?

    IV. Faire diversion

    En quoi consiste, somme toute, l’imposture principale de ce dossier ? Dans l’idée exprimée dans cet avant-propos que ce serait « braver une sorte d’interdit » que de « débattre de tout, avec tout le monde ». « Avec tout le monde ? » Mais quels sont réellement, socialement et idéologiquement, ceux qui sont interdits de débat ? Ceux qui s’expriment dans la revue Médias et eux seulement ? « Débattre de tout » ? Mais quels sont les thèmes effectivement minorés dans les débats ? Et quelles sont les conditions requises pour qu’un débat ait effectivement lieu ? En effet, s’il est bien un principe qui va à l’encontre des logiques qui régissent le « débat public » dans les médias dominants, c’est bien celui qui impose de sélectionner rigoureusement ses interventions médiatiques, et notamment dans les « débats » qui y sont organisés. Comme l’explique avec force l’économiste Frédéric Lordon [10], et Pierre Bourdieu avant lui [11], on ne peut débattre correctement sans s’interroger sur le dispositif médiatique qui encadre la prise de parole. En effet, les conditions de cette prise de parole, de même que la composition du plateau et la répartition du temps alloué aux protagonistes, définissent en partie les limites de ce qui pourra, ou non, être dit.

    Cette critique du « politiquement correct », qui se donne comme une critique des médias, ne saurait être la nôtre. La mystification (à peine sophistiquée) sur laquelle elle s’appuie – le soi-disant renversement des dominations présidant à l’avènement d’une nouvelle « idéologie dominante » – n’a d’autre fonction que de faire oublier la perpétuation de ces dominations, et précisément de certaines d’entre elles : sexisme, racisme, homophobie. Elle tend en outre à disqualifier préventivement les mobilisations qui visent à les faire reculer. De surcroît, inventer de « nouveaux maîtres » (si puissants qu’ils se rendraient invisibles) constitue un moyen confortable de passer sous silence l’emprise des forces économiques et du gouvernement actuel sur les grands médias. Enfin, élever au rang de résistants à cette « idéologie dominante » des « personnalités » qui ne doivent leur capital de contestation qu’à leurs apparitions répétées dans ces médias, n’est qu’une manière de manifester le pouvoir médiatique de consécration – y compris de ceux qui sont appelés à jouer, dans les médias, le rôle de « contestataires ».

    Une telle « critique » – aussi imaginaire que les ennemis qu’elle désigne – n’est donc pas seulement insuffisante : parce qu’elle détourne l’attention des véritables dominations et appelle insidieusement à faire de la liberté d’expression un instrument de combat au service des plus conformistes des anticonformismes (quand ce n’est pas au service des préjugés les plus réactionnaires), elle consacre le statu quo qu’elle prétend contester et tourne le dos aux indispensables combats pour des médias pluralistes et indépendants des pouvoirs.

    Ugo Palheta

    Notes

    [1] Sur cette revue, voir l’article : « Sacro-saint libéralisme : la revue Médias se prosterne ».

    [2] Une telle collaboration, avec une école dont la fonction tient tout entière dans la formation des futurs dirigeants et managers des grandes entreprises, en dit long sur l’orientation du dossier analysé ici.

    [3] Qu’on pense à l’inoxydable Jean-Michel Apathie, dont toutes les prétentions à l’anticonformisme reposent sur ses appels, vibrants et répétés, à la rigueur budgétaire ou à la défense des patrons « séquestrés ». Voir par exemple : « Cette violence de Besancenot que questionnent les questionneurs ».

    [4] Cf. l’article de PLPL à ce sujet : « Le PPA frappé en plein cœur ».

    [5] Voir « Connivences et complaisances : le marathon promotionnel d’Alain Minc ».

    [6] Sur cette émission et ses indignations sélectives, voir par exemple : « ’’Le Premier pouvoir’’ pris de compassion pour Hervé Gaymard et les « élites » et « ’’Le Premier pouvoir’’ à l’assaut du mouvement social ». Sur la suppression arbitraire de cette émission, lire : « Fin de l’émission “Le Premier pouvoir” ».

    [7] K. Marx et F. Engels, L’idéologie allemande, Editions sociales, p. 87

    [8] Pour exemples, lire le dossier « Chavez antisémite ? … Le journalisme d’imputation », ou encore « Nouvelle insanité contre Bourdieu : Finkielkraut propose d’en débattre sur France Culture ».

    [9] « Quand avec un Français, Juif sioniste, tu commences à dire “y a peut être des problèmes qui viennent de chez vous. Vous avez peut-être fait quelques erreurs. Ce n’est pas systématiquement la faute de l’autre, totalement, si personne ne peut vous blairer partout où vous mettez les pieds.” Parce qu’en gros c’est à peu près ça leur histoire, tu vois. Ça fait quand même 2500 ans, où chaque fois où ils mettent les pieds quelque part, au bout de cinquante ans ils se font dérouiller. Il faut se dire, c’est bizarre ! C’est que tout le monde a toujours tort, sauf eux. Le mec, il se met à aboyer, à hurler, à devenir dingue, tu vois. Tu ne peux pas dialoguer. C’est à dire, je pense, c’est qu’il y a une psychopathologie, tu vois, du judaïsme sionisme qui confine à la maladie mentale »

    [10] Voir « Accéder aux médias dominants ? À quelles conditions ? ».

    [11] Dans son « Analyse d’un passage à l’antenne ».

    Source 


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  • L'ouvrage :

    En mars 1892, l’anarchiste Ravachol fait exploser un immeuble parisien boulevard Saint-Germain. Ce n’est certes pas le premier attentat anarchiste en France, mais il inaugure une vaste série qui, en décembre 1893, touche directement le pouvoir politique : une bombe est jetée par Auguste Vaillant au sein de l’Assemblée en pleine séance des députés. Ainsi pris pour cible, le gouvernement fait alors adopter immédiatement deux lois graves, qui remettent profondément en question les libertés acquises : la première de ces lois concerne la presse et condamne d’emprisonnement toute déclaration considérée comme une apologie des attentats ou une provocation à en commettre, même lorsque cette provocation n’est pas suivie d’effet ; la deuxième loi définit toute « entente établie dans le but de préparer ou de commettre des crimes contre les personnes ou les propriétés » comme une association de malfaiteurs, condamnable des travaux forcés et de la relégation. Mais les attentats continuèrent et, en juillet 1894, le président de la République lui-même, Sadi Carnot, est assassiné. Une troisième loi est alors aussitôt votée, renforçant encore la répression contre toute forme de propagande anarchiste. Ce sont ces trois lois que les anarchistes et, plus largement, les socialistes révolutionnaires désignèrent sous le terme de « lois scélérates ».

    Les auteurs :

    Francis de Pressensé, l’auteur du premier texte du volume, Notre loi des Suspects, est un journaliste et homme politique socialiste qui mena une campagne active en faveur de la révision du procès du capitaine Dreyfus (la France était en effet, au moment de la parution de ce texte, en pleine affaire Dreyfus). Il fut aussi l’un des initiateurs, avec Jean Jaurès, de la loi sur la séparation de l’Église et de l’État, et présida de 1904 à 1914, année de sa mort, la toute jeune Ligue des droits de l’Homme.
    Le deuxième texte, intitulé Comment elles ont été faites, est anonymement signé « un juriste ».
    Émile Pouget est l’auteur du troisième texte, L’application des lois d’exception de 1893-1894. Acteur incontournable du syndicalisme français, il participa à la création, en 1879, du premier syndicat d’employés à Paris. Il œuvra aussi comme propagandiste et pamphlétaire anarchiste, en particulier à travers ses journaux Le Père peinard puis La Sociale, et contribua comme secrétaire adjoint à la CGT à la parution de La Voix du Peuple.


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  • L'ouvrage :

    Publié vers 1904, L’Action directe d’Émile Pouget est un appel à l'union et à la lutte des travailleurs contre l'exploitation capitaliste. Rejetant tout transfert de pouvoir à une quelconque autorité, à un quelconque parti, l'auteur les invite à s'organiser eux-mêmes pour résister et renverser la minorité possédante qui les « emploie ». Car c'est sûr le terrain même de l'exploitation — dans les usines, dans les ateliers, dans les bureaux — que doit se conduire la révolution sociale. Ce n'est que par un combat direct et quotidien, un combat de détails d'abord mais visant à la transformation radicale du système de production par l'abolition du salariat, que les travailleurs pourront enfin se réapproprier leur travail et n'être plus les instruments de l'enrichissement personnel de quelques-uns.  
    Le Sabotage, paru vers 1910, constitue en quelque sorte le prolongement par l’exemple de l'appel lancé dans L’Action directe. Car il est une des formes (avec, entre autres, le boycott et la grève) que celle-ci peut prendre. Émile Pouget nous en retrace l’histoire et, à travers de nombreux exemples pris en Europe et aux États-Unis, nous indique les diverses manières de l'appliquer selon les situations. Reprenant l’idée capitaliste selon laquelle le travail n’est qu’une marchandise, cette méthode de résistance se fonde sur un principe simple : « À mauvaise paye, mauvais travail ! » Elle consiste alors à agir sur la production, en ralentissant son rythme ou en influant sur sa qualité, pour toucher le patronat là où c’est le plus douloureux pour lui : ses bénéfices.

    L'auteur :

    Né en 1860, Émile Pouget s’investit très tôt dans le mouvement ouvrier. En 1879 en effet, il participe déjà à la création du premier syndicat d’employés à Paris. Fondant en 1889 son journal, Le Père peinard, il s’attache à éveiller les consciences ouvrières en dénonçant notamment l’illusion de la lutte politique. Il prône déjà l’action directe et la grève générale comme instruments de lutte préalables à la révolution.
    Au milieu des années 1890, alors que les anarchistes, suite à l’ère des attentats, restent divisés sur la question de savoir s’il leur faut ou non entrer dans les syndicats, Émile Pouget milite activement en faveur de leur entrée. Et lui-même s’y investit pleinement, jouant un rôle de plus en plus important au sein de la jeune Confédération générale du travail où il défend la tendance révolutionnaire du syndicalisme contre les réformistes. Il y fait notamment adopter en 1897 le principe du sabotage comme moyen d’action sur le patronat, et les revendications, en 1904, sur la journée de huit heures et le repos hebdomadaire. Il prend aussi en charge, à partir de 1900, le premier organe de presse de la CGT : La Voix du Peuple.
    En 1906, il participe à la rédaction de la motion qui sera adoptée par la CGT lors du congrès d’Amiens. Cette adoption signe la victoire — temporaire — du syndicalisme révolutionnaire au sein de la Confédération en affirmant l’autonomie syndicale quant aux partis politiques et la perspective, outre l’obtention d’améliorations immédiates pour les travailleurs, de leur émancipation intégrale par l’abolition du salariat et l’expropriation capitaliste.
    Après avoir tenté, en 1909, de lancer un grand quotidien syndicaliste révolutionnaire, La Révolution, qui cessera rapidement faute de moyens, Émile Pouget se retire du mouvement syndicaliste et meurt discrètement en 1931


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  • « Tu te plains de la police, de l’armée, de la justice, des administrations, des lois, du gouvernement, des spéculateurs, des fonctionnaires, des patrons, des proprios, des salaires, du chômage, des impôts, des rentiers, de la cherté des vivres et des loyers, des longues journées d’usine, de la maigre pitance, des privations sans nombre et de la masse infinie des iniquités sociales. Tu te plains, mais tu veux le maintien du systeme où tu végètes.

    Tu te revoltes parfois, mais pour recommencer toujours. Pourquoi te courbes-tu, obéis-tu, sers-tu ? Pourquoi es-tu l’inferieur, l’humilié, l’offensé, le serviteur, l’esclave ? Parce que tu es l’electeur, celui qui accepte ce qui est, celui qui, par le bulletin sanctionne toutes ses misères, consacre toutes ses servitudes. Tu es le volontaire valet, le domestique aimable, le laquais, le larbin, le chien léchant le fouet. Tu es toi-même ton bourreau. Tu es l’employé fidèle, le serviteur dévoué, l’ouvrier résigné de ton propre esclavage. Tu es le geôlier et le mouchard. Tu es le bon soldat, le locataire bénévole. De quoi te plains-tu ? »

    Ce recueil propose la lecture de textes au vitriol animés d’un soufle et d’une passion rares et ouvre des perspectives de luttes sociales refusant les conformismes qui dominent la vie quotidienne. En ces temps de banalités et médiocrités, Le culte de la charogne se veut une bouffée d’oxygène. À consommer sans modération !


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