• DE NOTRE SUPÉRIORITÉ

    OPINIONS : De notre supériorité



    Einar Schlereth

    Traduit par  Michèle Mialane


    Un fantôme hante à nouveau coins et recoins. Revêtu des oripeaux du racisme et du bonnet de nuit de notre supériorité. Quand les Lumières répandaient clarté et bon sens, permettant aux peuples de se libérer au moyen de dures luttes, le fantôme avait disparu - mais pas tout à fait, il s’est caché, prenant la clandestinité pour attendre son heure.

    Et cette heure est venue, aussi sûrement que l’ « amen » à la messe.
     
    Pour comprendre comment ce fantôme peut réapparaître à intervalles réguliers, il faut comprendre que ce sont les bourgeois qui décident de le faire disparaître. Et leurs instruments sont de grande ampleur et efficaces. Ce sont en première ligne l’Église et l’école et le service militaire, et ensuite tous les médias. Tout cela garde le fantôme en vie. En quelque sorte on le tient au chaud. Si le peuple résiste bien, on le met sous cloche ; si la résistance s’affaiblit, on soulève prudemment la cloche et au bon moment in le lâche.
     
    Non que les bourgeois aiment beaucoup ce fantôme - ils font les dégoûtés, car c’est un rustre d’une grande vulgarité - mais il est bon de le garder sous le coude. Pour le cas où leur position, leurs privilèges, leurs petits boursicotages et leur pouvoir seraient en danger. Alors le fantôme peut réapparaître, répandre calomnies, menaces et tracasseries, voire même tuer. Et malheureusement on doit parfois aussi lui laisser le champ tout à fait libre, comme en ce moment au Kosovo, en Irak, en Haïti, au Pakistan, au Yémen, en Somalie et en Palestine- où cela dure depuis 60 ans.
     
    Et alors il montre son véritable visage, que personne ne souhaite voir- pas même les bourgeois. Et c’est pourquoi nous ne devons pas voir les victimes de bombardements, d’attaques armées, de tortures, de viols et de mutilations. Ce qu’on ne voit pas n’existe pas. Comme disait Harold Pinter : Il ne se passe rien. Il ne s’est rien passé. Jamais.
     
    Le problème avec ce fantôme, c’est qu’on ne peut pas parler avec lui, discuter ni argumenter, car il ne le veut ni ne le peut. Dans sa petite cervelle d’oiseau il n’y a place que pour quelques slogans et idées grossières : Nous sommes les plus forts- nous sommes les meilleurs- Dieu est avec nous- nous avons le droit - nous sommes supérieurs - les autres sont de la merde - ceux qui ne pensent pas comme nous doivent disparaître, il faut les anéantir, les exterminer. Point barre. Et toute son affectivité se fonde sur quelques clichés pêchés dans des westerns ou de vieux films de guerre.
     
    Et les bourgeois ? Ils ont eu leur grande époque il y a quelques siècles et n’en veulent plus rien savoir. Si aujourd’hui on leur rappelle leur pensée et leurs idées et leurs projets d’alors, on n’est pas moderne, on est archaïque, voire communiste !
     
    Les seuls avec qui l’on puisse peut-être encore parler, ce sont les gens du peuple. Mais même là le boulot est dur, car leurs cerveaux sont bouchés par les ordures des bourgeois. Ils sont devenus paresseux - lobotomisés. C’est difficile d’ouvrir une brèche dans leur entendement. Mais c’est quand même possible et nous en avons des preuves de par le monde. Depuis la Bolivie et l’Équateur jusqu’au Népal et au Venezuela.
     
    Et qu’en est-il des théories raciales et de notre prétendue supériorité ? Qu’est-ce qui fonde tout cela ? « Racism has many definitions, the most common and widely accepted being the belief that members of one race are intrinsically superior or inferior to members of other races. [1] » (Le racisme a plusieurs définitions, la plus courante et la plus communément admise est la croyance que des êtres humains d’une certaine race sont intrinsèquement supérieurs - ou inférieurs - aux autres).
     
    La définition marxiste va un peu plus loin et met l’accent sur les possibilités d’instrumentalisation qu’il recèle : Le racisme « est la tentative anti-scientifique de légitimer biologiquement les pratiques barbares des classes réactionnaires exploiteuses, consistant à opprimer, piller et exterminer certaines couches de population , des associations à caractère politique, voire des peuples entiers. [2] »
     
    Voici ce que cache le fantôme, voici ses criminelles intentions.
     
    Il faut faire bien distinguer le racisme de la biologie raciale, qui ne se distingue en rien, par exemple, de l’ornithologie pour les oiseaux. C’est à dire de la recherche sur les espèces et familles diverses, leur genèse, leur expansion, leur comportement etc. Et la biologie a établi depuis longtemps de manière indiscutable que l’espèce humaine est originaire d’Afrique et que nous étions tous des Africains il y a quelque 30 000 ans, donc des Noirs, des nègres, des négros, des boubous.
     
    Si donc les racistes avaient la moindre capacité de réflexion, ils pourraient gratter un peu et découvrir leur trisaïeule noire. La BD qui montre un skinhead accueillant au paradis un de ses copains par ces mots : « Il vaut mieux que tu le saches tout de suite - le Bon Dieu (que l’on voit trôner à l’arrière-plan, grand et majestueux) est un nègre » recèle donc une part d’exactitude.
     
    Mais penser, s’informer, voilà ce que les racistes ne font jamais. Pourquoi ?
     
    Peut-être par crainte de découvrir des vérités inconfortables ?
     
    Précisément ça.
     
    Qu’est-ce qu’un Noir ? Oui, bien sûr, l’homme noir, Lucifer, le Mauvais et tout ça, qui nous fait si peur, n’est-ce pas ?
     
    Et quoi d’autre ?
     
    Nous y arrivons - un animal. Un être sans sur-moi, le féminin, la sexualité, tout notre côté animal, sombre et sensuel. Ce que la plupart des bourgeois et les racistes en particulier haïssent et rejettent le plus, qu’ils piétinent et voudraient faire disparaître au fond d’un trou - mais qui, démoniaque, réapparaît toujours.
     
    Mais je l’ai dit, même les bourgeois en ont peur. Comment, sinon, expliquer leur stupide obstination à nier que la civilisation est née en Afrique ? Dans la noire Égypte, quelques millénaires avant la culture mésopotamienne, sans parler de la Palestine, où il n’y avait que d’anciens esclaves des Égyptiens et des bergers méprisés de tous.
     
    Quatre mille ans avant notre ère, les bâtiments mésopotamiens étaient encore en argile, mais Louqsor, Carnac et Thèbes existaient déjà. (En 4236 avant notre ère les Égyptiens possédaient déjà un calendrier et (que nous avons repris et utilisé jusqu’au Moyen-Âge), des monuments et l’écriture date de 3100 avant notre ère - une des nombreuses écritures qui sont apparues au cours des temps. Et beaucoup plus tard l’Égypte fut pendant plus de mille ans le pays où les mathématiciens, astronomes et philosophes grecs allaient étudier et enseigner. On peut lire tout cela dans Cheikh Anta Diop. [3]
     
    Ses travaux scientifiques ont reçu l’approbation de la communauté scientifique en 1974 au Caire, à un symposium de l’UNESCO. Mais depuis des « scientifiques » de toutes obédiences ont continué comme si de tien n’était. Et ils essaient toujours de « prouver » que les Égyptiens étaient blancs et que le berceau de la culture se trouve sur les bords de l’Euphrate ou à Jérusalem ou qu’elle nous est tombée de Mars.
     
    Où y avait-il des Blancs ? des Indo-Européens ou des Aryens ? (En allemand : indo-germaniques ou germaniques, Ndlt). Nous en trouvons les premières représentations sur les bas-reliefs égyptiens aux murs des temples, et c’étaient des esclaves ou des captifs. Des barbares, qui cherchaient sans cesse à envahir la riche Égypte, mais qui étaient régulièrement battus dans d’innombrables batailles et faits prisonniers pour effectuer en Égypte des travaux d’esclave, car un Égyptien ne pouvait en aucun cas être esclave. Du reste les pyramides n’ont pas été construites par des esclaves, nous l’avons inventé, les toutes dernières recherches le prouvent clairement. Les ouvriers vivaient dans des cités policées, dans des maisons convenables, et disposaient même d’un service de santé avec des médecins bien formés.
     
    Mais de tout cela, on préfère ne rien dire.
     
     Peu à peu de grandes civilisations firent leur apparition de par le monde. Sur les bords de l’Indus et du Gange, en Chine, Mésopotamie ou en Amérique centrale et du Sud. Mais pas trace d’une civilisation indo-européenne ou aryenne.
     
    Et même en 711 de notre ère, lorsque les Wisigoths d’Espagne ont été défaits en une fois lors la bataille de Jerez de la Frontera et que Juifs et chrétiens, las d’être opprimés par des rois chrétiens, ont accueilli les Arabes en libérateurs, les conquérants germaniques due l’Empire romain venaient tout juste de réussir à asseoir quelques royaumes stables. Que la civilisation arabe a eu tôt fait d’éclipser, elle qui rayonnait à partir de Bagdad jusqu’à l’Inde, à l’Est, et à l’Ouest jusqu’en Sicile, le Sud de l’Italie et l’Espagne jusqu’aux Pyrénées en passant par toute l’Afrique du Nord. Tout ce que nous devons aux Arabes - de la littérature, la philosophie, l’astronomie, les mathématiques, les techniques jusqu’à la médecine et la navigation est exposé en détail dans les ouvrages de Sigrid Hunke [4].
     
    En ce qui concerne l’influence de la Chine sur notre civilisation, l’Anglais Joseph Needham a fourni une énorme contribution [5]. Il est vrai que nous avons eu largement accès à leurs savoirs par l’intermédiaire des Arabes, qui avaient à l’époque d’étroites relations avec ce pays, et pas seulement commerciales.
     
    L’Afrique noire, bien que partiellement tenue par le Sahara à l’écart des grands flux culturels, avait elle aussi connu un énorme développement jusqu’à ce que les colonisateurs blancs chrétiens commencent à se déchaîner sur le continent africain.
     
    On peut consulter à ce sujet l’œuvre monumentale d’Heinrich Barth. Ami d’Alexandre von Humboldt et de Leopold von Ranke, c’était le seul non-raciste à faire des recherches sur l’Afrique. Il a exploré l’Afrique centrale au milieu du XVIIIe siècle et a relaté le résultat de ses recherches en cinq ouvrages volumineux comptant au total 3500 pages [6].
     
    Il faut y ajouter le nom de Basil Davidson, qui a voyagé dans toute l’Afrique et a connu nombre de combattants marquants de la liberté tels qu’Edvard Mondlane et Luis Cabral, qui ont pris la tête des luttes de libération respectivement au Mozambique et en Guinée-Bissau, et ont été tous deux assassinés [7].
     
    N’oublions pas non plus les apports considérables que l’Europe a reçu des grandes cultures amérindiennes. Ce sont à eux que nous devons d’avoir développé la pomme de terre et le maïs qui, pour une grande partie de l’humanité, restent la base de son alimentation.
     
    Et de nos jours, alors que l’homme blanc s’est approprié par le pillage d’immenses richesses et savoirs du « Tiers monde » (et il continue), il est même tenté de « breveter » ses inventions et ses plantes pour en tirer profit pour lui-même ; où il entreprend « the big landgrab » (le grand larcin des terres), les pays riches achetant par l’entremise de régimes indigènes fantoches d’immenses terres agricoles pour y produire de tout, depuis les pommes de terre jusqu’aux produits de luxe [8] ». Il y a encore des gens ici, pour vanter « nos valeurs ».
     
    Mais quelles valeurs ? D’être tombés à bras raccourcis sur tous les peuples du monde, incapables de se défendre (parce que les Blancs avaient UNE grosse avance : dans le domaine de l’armement), et les ont violentés, d’avoir massacré des millions d’êtres humains en Amérique du Nord, 60 millions en Amérique centrale et du Sud, tué et déplacé des millions d’Africains, d’habitants du proche Orient, d’Asie et d’Extrême-Orient et d’Australie, et de continuer à les massacrer, alors qu’ils ne nous ont jamais causé le moindre mal ? De mener une « guerre des civilisations contre l’Islam » en dévastant les pays musulmans et en les bombardant jusqu’à « les ramener à l’âge de pierre » et sommes une menace pour de plus en plus de pays ?
     
    D’avoir volé tout ce qui ne tenait pas solidement au sol et construit des Empires avec notre butin ? De nous conduire en escrocs, tortionnaires, délinquants et fous ? D’insulter et offenser des gens et des peuples déjà à terre, de les piétiner et de leur cracher dessus ?
     
    D’avoir créé Guantanamo et Abou Ghraïb ?
     
    D’avoir lancé une bombe atomique sur les Japonais ?
     
    De faire fonctionner des « sweatshops » partout dans le monde, où des femmes et des enfants travaillent 15 heures d’affilée pour vêtir pour trois fois rien nos précieux corps ?
     
    D’accueillir quelques pauvres réfugiés, qui nettoient nos toilettes et nos fringues sales- au noir, s’entend ?  
     
    Notre art, notre culture, notre architecture, notre économie, notre science, sont souillées de sang. Du sang des esclaves et des enfants. Du sang de peuples, dont le seul crime était d’avoir la peau noire ou brune ou cuivrée ou jaune. Des peuples entiers rayés du sol, comme s’ils n’avaient jamais existé.
     
    Mais pour les maîtres blancs chrétiens cela signifiait remporter la cagnotte. C’est comme ça. Des peuples entiers doivent disparaître à leur commandement. C’est de cela que rêvent l’ignoble Bush, son « Prix Nobel de la Paix » de successeur et leurs copains. Armageddon. The final battle between God and the Devil. Dieu et ses alliés, c’est nous, les autres sont les diables.
     
    Et nous restons là à faire la politique de l’autruche et à espérer que tout ça va passer.
     
    La politique ne m’intéresse pas.
     
    Non- mais moi, j’intéresse la politique.
     
    Un beau jour tu te réveilleras, quand ce sera chez toi qu’on mettra le feu.
     

    Notes

    [1] Davantage sous : http://fr.wikipedia.org/wiki/Racisme

    [2] Marxistisch-leninistisches Wörterbuch der Philosophie, s. 905, Hamburg 1972 (Dictionnaire philosophique marxiste-léniniste, Hambourg 1972, p.905)

    [3 ] "The African Origin of Civilization myth or reality" by Cheikh Anta Diop, USA, Lawrence Hill & Co, 1974

     [4] Voir en particulier "Allahs Sonne über dem Abendland unser arabisches Erbe", Frankfurt a.M.,1991 (Le soleil d’Allah sur l’Occident, : notre héritage arabe, Francfort 1991)

    [5] Joseph Needham "Science and Civilization in China" en 8 volumes (s. Wikipedia)

    [6] Heinrich Barth "Travels and Discoveries in North and Central Africa" (1857-1858, 5 tomes., appr. 3,500 pages)

    [7] Basil Davidson (der Grand old man of African Studies) "Afrika Geschichte eines Erdteils" , Frankfurt a.M, 1966 (l’Afrique: Histoire d’un continent, Francfort 1966)

    [8] Voir : http ://www.countercurrents.org/vidal080310.htm





    Merci à Einar Schlereth
    Date de parution de l'article original: 15/08/2010
    URL de cet article: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=1027


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