• Avis de tempête sur l’Europe : contre les révoltes logiques, toujours les mêmes boucs émissaires

    Español: Aviso de tempestad sobre Europa: los chivos expiatorios que pagan los platos rotos de las sublevaciones lógicas siempre son los mismos

    Angela Merkel, la chancelière à la main de fer dans un gant de velours a proclamé, samedi à Potsdam, que la société multiculturelle – ce que les Allemands appellent « multikulti » - était morte et enterrée, qu’elle avait échoué. Elle a cherché à tempérer la violence de son propos en ajoutant que « l’Islam faisait partie de l’Allemagne », tout en précisant que « ceux qui ne partagent pas nos valeurs chrétiennes » n’ont qu’à aller se faire voir ailleurs.
    Nicolas Sarkozy avait, en juillet dernier lancé la chasse aux Roms, décrétés « mendiants agressifs » et « parasites » criminogènes des services sociaux.
     
    Rira bien qui rira le dernier

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le gouvernement Berlusconi a inventé l’expulsion des mêmes étrangers « parasites », entendez ici aussi les Roms, au cas ils vivraient aux crochets de l’État.
    À Vienne, capitale du défunt Empire des Habsbourg, les électeurs ont élu 27 des 100 conseillers municipaux sur la liste du parti dit « libéral » FPÖ, dirigé par le sinistre émule de Jörg Haider, HC Strache, qui a fait une campagne ouvertement raciste et xénophobe. La question est maintenant de savoir qui va constituer une majorité pour gouverner la ville : les sociaux-démocrates et les Verts, ou bien les conservateurs et les « libéraux » ?

    Tous ces discours tonitruants à forts relents fascistes n’ont hélas qu’un objectif : tenter de détourner l’attention vers les habituels boucs émissaires, les étranges étrangers venus d’ailleurs « qui ne vivent pas, qui ne pensent pas, qui ne réagissent pas comme nous ». Les vrais problèmes sont en effet ailleurs : les plans d’austérité qui, à travers toute l’Europe, réduisent les possibilités de vivre décemment pour un nombre croissant de gens ; les projets de réforme des régimes de retraites ; les milliards dépensés dans des constructions pharaoniques et les cadeaux somptueux faits aux banksters ; les délocalisations d’entreprises vers les nouveaux paradis capitalistes d’Asie ; le manque de perspectives pour une grande partie de la jeunesse studieuse etc.

    En Allemagne, c’est la campagne électorale pour les élections régionales de mars 2011 qui a en fait commencé avec le discours de Merkel à Potsdam. Angie sait très bien qu’elle va perdre Stuttgart et le Bade-Wurtemberg, bastions historiques du Centre catholique et de son successeur la CDU, où son électorat est en train de se transformer en armée citoyenne de résistance au projet de gare Stuttgart 21, d’un coût prévu de 8 à 10 milliards d’Euros. Les bonnes bourgeoises souabes en colliers de perles sont en train de se transformer en enragées vertes et rouges ! Leur jeter en pâture « nos valeurs chrétiennes » doit les faire bien rigoler.

    En France, c’est la campagne électorale pour la présidentielle de 2012  qui a commencé, sur fond de révolte sociale qui risque d’avoir l’ampleur du mouvement de 1995 contre la réforme Juppé de la Sécurité sociale. En jetant en pâture à l’opinion les Tsiganes, Sarkozy, loin de faire rire, a provoqué la colère des Français, toutes origines confondues, et l’opprobre de tous, de l’ONU au Vatican.

    En Italie, Berlusconi s’accroche au pouvoir et proclame qu’il veut rester à son poste jusqu’en 20 13. La passivité et l’inertie de la « gauche » institutionnelle est en train d’être dépassée par les syndicats ouvriers et les mouvements de citoyens, dont de nombreux intellectuels et artistes célèbres.

    En Autriche, la société civile, tétanisée par l’opération de « rapatriement » de la jeune Kosovare Arigona Zogaj, est en train de ressaisir et de prendre la défense des mineurs étrangers menacés de déportation. Le gouvernement social-démocrate, pour calmer le jeu, vient de destituer le chef de la police, lequel, pourtant, ne faisait qu’exécuter ses ordres.
    Le soi-disant « débat sur l’intégration » n’est que poudre aux yeux. Il ne sert à rien de tenter d’y entrer car il est pipé d’avance. Il y a   belle lurette que les immigrés, leurs enfants et petits-enfants sont intégrés. Ils sont intégrés comme travailleurs, comme chômeurs, comme étudiants, comme consommateurs, comme citoyens contestataires, et même comme électeurs.

    Il faudra bien que les politiciens européens finissent par se rendre à l’évidence constatée il y a longtemps par Max Frisch : « On a importé de la main d’œuvre. Ce sont des hommes qui sont venus ».
    FG Ici

      












    "Nous sommes l'Allemagne"

    votre commentaire
  • L’humanitaire au service du capital : retour sur le cas de Haïti.

    Mohamed BELAALI

    « ...Alors que les Haïtiens ordinaires souffrent, les riches familles de Port-au-Prince continuent de vivre dans le luxe » (1). Si les soldats américains, les forces de l’ONU et les ONG humanitaires par dizaines sont toujours présents sur le sol de ce pays meurtri, rien ou presque rien n’a été fait pour la population qui continue à vivre dans des conditions inhumaines neuf mois après le terrible séisme qui a emporté des centaines de milliers de vies humaines. L’humanitaire n’est qu’un cynique prétexte utilisé par les puissances capitalistes pour servir leurs propres intérêts.

    Les rescapés du tremblement de terre du 12 janvier 2010 sont toujours livrés à eux-mêmes. Ils continuent à vivre dans des camps improvisés : « 1,5 million de personnes vivent encore dans des abris de fortune » selon l’ONU citant des sources gouvernementales (2). Les haïtiens par milliers s’entassent dans les rues et les places publiques chassés des camps installés auparavant sur des terrains privés. Les rues sont toujours encombrées de gravats rendant la circulation quasi impossible. « Je ne vois pas de changement, il n’y a aucune évolution » disait une rescapée de Port-au-Prince (3).

    Selon Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) en Haïti, « les hôpitaux de campagne et les cliniques mobiles ont disparu alors que paradoxalement, la situation des victimes n’a pas changé » (4).

    Le Service Jésuite aux Réfugiés (SJR) déplore une situation « critique » dans les camps non officiels et dénonce la violence exercée sur les femmes lors de la distribution de l’aide humanitaire (5).

    Les premières intempéries du mois de septembre 2010 ont déjà fait des victimes dans les camps, toujours provisoires, des sinistrés : « Une première évaluation a permis de dénombrer cinq morts dans les camps où sont réfugiés des dizaines de milliers de sans-abri du séisme du 12 janvier » a déclaré à l’AFP Edgard Célestin, responsable de communication de la Protection civile haïtienne.

    Des hommes, des femmes et des enfants déjà durement frappés par le séisme, se retrouvent à nouveau sans protection aucune, à la merci de vents violents et de fortes pluies.

    Les grands blessés du séisme vivent dans des conditions épouvantables et leur état de santé risque de se dégrader davantage encore. Les plus pauvres, c’est à dire la majorité de la population, sont maintenant menacés de famine et de maladies mortelles.

    Quel contraste entre le zèle déployé avec faste par les « humanitaires » les premiers jours du séisme et la sinistre situation actuelle de l’immense majorité de la population haïtienne !

    Où sont passés les milliards de dollars promis au peuple haïtien ? Qui va demander des comptes sur l’utilisation des fonds réunis par toutes ces ONG grâce à leur marketing « humanitaire » et à la cynique exploitation de la générosité des citoyens ?

    Quel est le résultat concret de ce show humanitaire et de ce tapage médiatique sur les sinistrés et notamment sur les plus démunis d’entre eux neuf mois après le séisme ? Nul ou quasiment nul.

    Car l’aide humanitaire n’a pas pour objectif d’aider les hommes et les femmes dans la détresse, mais d’utiliser les drames humains pour servir les intérêts de ceux qui la manipulent. Ce sont ces mêmes impérialistes qui ont détruit, à travers leurs programmes d’ajustement structurel, les services publics pour les remplacer par la charité des ONG humanitaires. L’aide humanitaire est subordonnée aux calculs et aux stratégies des puissances impérialistes notamment des États-Unis qui l’instrumentalisent cyniquement pour leurs seuls intérêts. L’humanitaire est une forme de corruption par des aumônes plus ou moins déguisées. Il sert à maintenir dans la dépendance les dominés pour mieux les asservir. Il est au service des classes dominantes.

    Mais les sinistrés savent en même temps que l’aide humanitaire ne leur est pas vraiment destinée puisque leur situation matérielle reste désastreuse malgré la présence massive de toute sorte d’acteurs humanitaires. Les ONG par exemple ne sont pas toujours bien vues par la population locale qui doute de leur impartialité. Les salaires élevés des cadres de ces organisations, les 4x4 qu’ils utilisent parfois pour circuler dans les quartiers sinistrés et les hôtels de luxe qu’ils fréquentent contrastent tristement avec la situation misérable des rescapés.

    Leur proximité avec l’armée américaine et l’arrogance avec laquelle elles traitent parfois les sinistrés les éloignent de ceux qu’elles veulent aider. « Nous ne voulons pas de ce type d’aide humanitaire qui profite beaucoup plus aux ONG qu’à nous autres qui sommes dans les camps à l’attente de miettes qui tombent des ONG comme si nous étions des mendiants », pense l’un des déplacés (6) . Il n’est pas rare de voir sur les murs de Port-au-Prince des slogans dénonçant les USA, l’ONU, le président René Préval et les ONG. L’hostilité de de la population locale à leur égard devient de plus en plus grande. Certaines ONG, obsédées par la sécurité, contractent à des prix exorbitants une protection armée auprès des compagnies de sécurité privées pour lesquelles l’humanitaire n’est qu’un marché parmi tant d’autres (7). Tout le monde trouve son compte sauf les... sinistrés !

    Les manifestations et les révoltes de la population sont réprimées par le pouvoir local très contesté et par la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti (Minustah) c’est à dire par ceux-là mêmes qui sont sensés « soutenir les efforts humanitaires » ! (8).

    L’un des objectifs des élections du 28 novembre 2010, outre de permettre de placer au pouvoir celles et ceux qui serviront le mieux les intérêts de l’impérialisme américain et de la bourgeoisie locale, est justement d’empêcher toute révolte populaire. C’est ce que craignent le plus les classes aisées et les acteurs humanitaires qui se précipitent à les organiser. Car ils sentent monter dans tout le pays la colère du peuple qui a plus besoin d’améliorer sa situation matérielle que de participer aux élections : « Le problème le plus immédiat, en dehors de la reconstruction, est l’organisation des élections présidentielles et législatives (...) Le risque d’agitation sociale existe, et le peuple haïtien peut être fier qu’il n’y ait pas eu de troubles importants jusqu’à présent, malgré la dureté et la précarité de la situation dans laquelle se trouvent tant de Haïtiens », écrit Ban Ki-moon (9).

    Il faut que l’ordre règne pour que les familles aisées continuent à s’engraisser. En effet pendant que des millions de travailleurs pauvres vivent dans des conditions dramatiques « ces familles (...) font des bénéfices actuellement grâce à la dernière tragédie de leur pays » (10).

    L’aide humanitaire est une forme de violence sociale invisible exercée sur les plus démunis qui doivent, de surcroît, se courber pour l’obtenir. C’est une espèce de charité laïque utilisée par les classes dominantes pour leurs seuls intérêts. L’humanitaire, comme la charité, c’est en quelque sorte la morale d’une société de classes amorale.

    Mohamed Belaali

    (1) wsws.org/articles cité in http://blog.emceebeulogue.fr

    (2) http://www.un.org/apps/news

    (3) tahiti-infos.com/Haiti-neuf-mois-apres-le-seisme

    (4) haitilibre.com/article-607-haiti-reconstruction-apres-6-mois

    (5) http://www.reliefweb.int/rw/rwb

    (6) http://elouidor.blog.fr

    (7) humanitaire.blogs

    (8) minustah.org

    (9) un.org/apps/news

    (10) Patrick Martin, wsws.org cité in http://blog.emceebeulogue.fr

    URL de cet article
    http://www.legrandsoir.info/L-humanitaire-au-service-du-capital-retour-sur-le-cas-de-Haiti.html


    votre commentaire
  • L’humanitaire au service du capital : le cas du Pakistan

    Mohamed BELAALI
    Photo : Big Picture

    20 millions de Pakistanais, privés quasiment de tout, errent à travers un pays dévasté et ravagé par de violentes inondations. La brutale montée des eaux a déjà laissé derrière elle plusieurs centaines de victimes. La famine commence à faire son apparition et menace des millions d’êtres humains. La situation sanitaire est catastrophique.

     

    Plusieurs millions d’enfants risquent d’être emportés par des maladies mortelles selon les Nations Unis. Ban Ki-moon, en visite dans le pays, disait lui-même qu’il n’avait « jamais vu une catastrophe d’une telle ampleur ». L’ampleur du désastre n’a d’égale que la profonde souffrance de la population pakistanaise livrée à elle-même. Mais si l’aide humanitaire se fait toujours attendre, le matériel militaire de l’OTAN pour la poursuite de la guerre contre les talibans en Afghanistan voisin circule, lui, normalement ! La sale guerre impérialiste passe avant l’aide humanitaire. Pire, pendant que les pakistanais affrontent, dans des conditions inhumaines, cette terrible catastrophe, l’armée américaine continue à bombarder le Nord-Ouest du pays faisant des dizaines de victimes civiles (1). Pour les États-Unis et leurs alliés, la population pakistanaise qui résiste à l’hégémonie impérialiste dans la région ne mérite aucune aide. L’humanitaire doit servir l’intérêt des puissances capitalistes.

    Le grand spectacle humanitaire organisé par les pays impérialistes, leurs ONG, leurs sportifs, leurs artistes et leurs médias concernant le séisme haïtien contraste avec le silence, l’indifférence et le mépris avec lesquels la tragédie pakistanaise est traitée. C’est que le Pakistan n’est pas Haïti ! Et même dans le cas de ce dernier pays, plus de neuf mois après le terrible tremblement de terre du 12 janvier 2010, rien ou presque rien n’a été fait pour une population abandonnée à son triste sort alors que les troupes américaines et les ONG humanitaires par dizaines sont toujours présentes sur le sol haïtien. Mais au moins, on a réussi à transformer la tragédie haïtienne en un immense show humanitaire et médiatique (2).

    Le drame pakistanais, lui, n’a été traité qu’avec parcimonie par les médias bourgeois. Et malgré une présence massive des grandes ONG (toutes dépendantes essentiellement des États occidentaux et de l’Union Européenne), l’aide humanitaire pour le Pakistan n’arrive qu’au compte-goutte. Ici nul spectacle humanitaire, nul appel aux dons lancé directement par les médias, nulle opération de relation publique des multinationales et nul battage médiatique. La souffrance du peuple pakistanais se fait dans le silence.

    Ironie du sort, le Pakistan est le principal producteur mondial des tentes humanitaires. Mais les industriels américains veulent remplacer les fabricants locaux et vendre aux pakistanais des tentes beaucoup plus chères : « Aider le Pakistan, aider Haïti sont des réactions humanitaires appréciables des États-Unis, surtout s’ils adoptent la stratégie « aide des USA, made in USA » écrivent-ils(3). L’humanitaire c’est aussi du business, il s’arrête là où s’arrêtent également les intérêts des puissances impérialistes !

    Il faut dire que sur l’échiquier international, le Pakistan occupe une position singulière à cause de son histoire mouvementée, de sa puissance nucléaire et de sa frontière avec l’Afghanistan.

    Le Pakistan a été « Conçu à la hâte et mis au monde prématurément par une césarienne de dernière minute » disait Tarik Ali (4). Il a été également amputé du Cachemire toujours disputé par l’Inde et privé de sa partie orientale, le Bangladesh.

    Le Pakistan a payé chèrement son indépendance nucléaire à cause du refus américain. Le gouvernement démocratiquement élu d’Ali Bhutto, le père de l’arme nucléaire pakistanaise, fut renversé par un coup d’État militaire dirigé par le général-dictateur Zia avec la bénédiction des États-Unis. Ali Bhutto fut jugé et exécuté en 1979.

    En 1999, un nouveau coup d’État porte au pouvoir un autre général-dictateur, Pervez Mucharraf, le ferme soutien des américains dans la région (on le surnommait d’ailleurs dans le pays... Busharraf !).

    Benazir Bhutto, fille d’Ali Bhutto, fut assassinée à son tour en 2007 et de lourds soupçons pèsent toujours sur Mucharraf dans cet assassinat.

    Au total depuis sa création en 1947, le pays a connu pas moins de quatre coups d’État militaires. Il est inutile de préciser que la main de Washington est derrière, pour ainsi dire, tous ces événements majeurs qui ont fortement bouleversé ce pays.

    Aujourd’hui, l’Afghanistan voisin est toujours occupé par les puissances impérialistes menées par les américains. La résistance afghane, de mieux en mieux organisée, de plus en plus unie, porte des coups décisifs aux armées d’occupation.

    Le Pakistan entretient avec cette résistance des relations ambiguës et complexes. En tout cas, les pays occidentaux soupçonnent fortement l’armée pakistanaise et ses services secrets, les fameux Inter-Services Intelligence (ISI), de coopérer avec les talibans pakistanais et surtout afghans. En effet, le Pakistan tient à garder ses vieilles relations avec ces derniers dans le but de préserver ses intérêts stratégiques et surtout de ne pas laisser le champ libre à une autre puissance nucléaire, l’Inde son ennemi de toujours. Car les américains, tôt ou tard, seront contraints de quitter l’Afghanistan : « Si l’Amérique s’en va, le Pakistan est très inquiet d’avoir l’Inde à sa frontière Est et l’Inde en Afghanistan à sa frontière Ouest » (5). Le gouvernement pakistanais redoute que l’Inde développe, après le départ des américains, des relations privilégiées avec les talibans afghans. Rappelons tout de même que de 1947 à 1999 le Pakistan et l’Inde, deux puissances nucléaires, se sont livrés quatre guerres successives. Islamabad considère en quelque sorte l’Afghanistan comme sa chasse gardée.

    Le Pakistan n’est pas prêt à abandonner ses relations, même ambiguës, avec les talibans nonobstant les pressions fortes des États-Unis.

    En tout cas, les pakistanais sont présentés à l’opinion publique occidentale, comme les amis de ces grands méchants talibans barbus, cruels et primitifs.

    Nous les civilisés de l’occident capitaliste, nous n’allons tout de même pas apporter notre secours aux amis de nos ennemis ! Notre humanité a des limites.

    Ces deux peuples (afghan et pakistanais) se retournent aujourd’hui contre nous alors que grâce à nos valeureux soldats, nous essayons de leur apporter démocratie et prospérité tout en protégeant leurs femmes.

    Les quelques bombes qui tombent de part et d’autre de leur frontière commune et qui font des victimes innocentes ne sont que des erreurs, des bavures bien évidemment...

    Et notre présence « là-bas », c’est pour leur bien, n’est-ce-pas ? On leur construit des écoles, des hôpitaux, des routes etc. Mais ces barbares ne comprennent rien à rien ! Il ne comprennent que le langage de la force : « Nous n’avons pas le droit de renoncer à défendre nos valeurs. Nous n’avons pas le droit de laisser les barbares triompher »(6).

    Mais derrière la diabolisation du pakistanais et de l’afghan, comme d’ailleurs du cubain, de l’iranien, du palestinien, du nord-coréen, de l’irakien etc. se cachent des intérêts impérialistes. Car ces mêmes « barbares » de talibans, on les appréciait bien et on les appelait même les Moudjahidines de la liberté lorsqu’ils combattaient la présence soviétique en Afghanistan (1979-1989) ! Pour faire barrage à l’armée russe, les américains ont financé, entraîné et armé ces « combattants de la liberté » et le Pakistan devint leur allié privilégié dans la région.

    Ainsi le civilisé d’hier est devenu le barbare d’aujourd’hui ! Seule la bourgeoisie, pour ses intérêts, est capable d’un tel exploit. Les ennemis comme les amis d’ailleurs ne sont jamais permanents ; seuls les intérêts sont permanents !

    L’humanitaire dans un ordre économique, social et politique profondément injuste qui n’accorde aucune valeur à la vie humaine, ne peut que servir les puissances capitalistes qui l’instrumentalisent cyniquement pour leurs seuls intérêts.

    A bas l’humanitaire capitaliste !

    Vive la solidarité entre les peuples !

    Mohamed Belaali


    (1) http://www.latribune-online.com/mon...

    (2) L’humanitaire au service du capital:le cas de Haïti

    (3) lemonde.fr/idees/article/2010/09/06/l-aide-au-pakistan

    (4) Tariq Ali « Le choc des intégrismes », Textuel, 2002.

    (5) Déclaration de Tariq Fatemi, un ex-ambassadeur du Pakistan, au New York Times.

    Cité in www.wsws.org

    (6) rue89

    URL de cet article
    http://www.legrandsoir.info/L-humanitaire-au-service-du-capital-le-cas-du-Pakistan.html

    votre commentaire
  • Le tsunami silencieux du Pakistan : pourquoi tant d’indifférence ?

     

     

     
    " Nous querellons les miséreux pour mieux nous dispenser de les plaindre."
    Vauvenargues

    Ayant eu à faire face aux pires inondations diluviennes de son existence, le peuple pakistanais se meurt en silence dans l’indifférence générale. L’importance des inondations de l’horreur est éloquente : on comptabilise 1700 morts et des centaines de disparus, plus de 20 millions de sans-abri (soit 12% de la population), plus de 6 millions de personnes sans eau potable et sans nourriture. 7 millions d’enfants voient leur vie bouleversée par un sinistre sans précédent qui a dévasté leurs écoles et leurs villages, selon une estimation de l’Unicef. Perdus, orphelins ou malades, ce sont les victimes les plus vulnérables. Près de 3,5 millions d’enfants pakistanais sont exposés à un risque élevé de maladies liées à l’eau. Les flots boueux ont balayé des villages entiers et détruit de nombreuses infrastructures, laissant plus de 650.000 familles sans toit. Ni habits, ni nourriture, ni bétail, la vie tient du miracle...

    Les inondations au Pakistan, « un tsunami au ralenti » a déclaré Ban Ki-moon. En effet, on découvre tous les jours de nouvelles horreurs qui, semble-t-il, sont uniques. Certains y voient les signes de perturbations climatiques majeures. Puisque dans le même temps, on pense que la canicule exceptionnelle et les incendies incontrôlables de la Russie ont fait évaporer des masses impressionnantes d’eau qui sont allées se déverser au Pakistan. Devant cette catastrophe, la communauté internationale est restée globalement muette, mis à part les Etats-Unis. Il a fallu le déplacement de Ban Ki-moon qui s’était déclaré « bouleversé » par le sort des victimes pour que l’Assemblée générale de l’ONU se réunisse en séance extraordinaire, jeudi 19 août, pour accélérer l’effort d’aide humanitaire internationale au Pakistan, dont la livraison est critiquée pour sa lenteur. L’ONU avait lancé le 11 août un appel de fonds pour l’aide d’urgence de 460 millions de dollars. Mercredi, seulement 54,5% de ces fonds avaient été effectivement débloqués. La Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Ficr) a annoncé de son côté qu’elle allait plus que quadrupler son appel de fonds, désormais fixé à 57,2 millions d’euros. (1)

    L’indifférence du monde

    Nous allons faire le tour des donations annoncées et tenter d’expliquer, à la fois l’annonce très tardive, la modestie des dons, pour mettre en évidence l’indifférence de la communauté internationale et tenter de l’expliquer. On apprend que la secrétaire d’Etat américaine a annoncé que Washington augmentait son aide à 150 millions de dollars, La Grande-Bretagne a annoncé le doublement de son aide, ajoutant 33 millions de livres aux 31 millions déjà alloués au Pakistan. L’envoyé spécial américain pour le Pakistan et l’Afghanistan, Richard Holbrooke, avait appelé la Chine à se joindre à l’effort. Le ministre belge des Affaires étrangères, Steven Vanackere, a indiqué que l’aide des « 27 », initialement de 110 millions de dollars, passait à 140 millions. Le Danemark tient une place à part : il est en effet le premier pays contributeur par tête, avec 10.738.152 dollars, soit 1,959 dollar par personne. Par comparaison, l’aide américaine représente seulement 0,32 dollar par tête. La France fait pâle figure, avec seulement 917.432 dollars versés et 458.716 dollars de promesses. Les Emirats arabes unis ont versé environ 1,5 million de dollars, un peu moins que la Chine, à 1,8 million de dollars. Le total des fonds effectivement récoltés approche 301 millions de dollars. (2)

    « Islamabad a finalement accepté les 5 millions de dollars offerts par New Delhi. Celles-ci restent modestes et ne sont pas à la hauteur de la catastrophe, s’indigne un éditorialiste du journal The Hindu. "En tant que première puissance économique régionale, l’Inde aurait dû être la première à offrir de l’aide. Son offre de 5 millions de dollars est ridicule comparée à ce qu’elle a offert à ses autres voisins. Au moment du tsunami de 2004, elle a procuré au Sri-Lanka une aide de 200 millions de dollars". » (3)

    Pour Gilles Carbonnier, professeur d’économie du développement à l’Iheid, l’aide des Etats est forcément intéressée : « Il y a bien un immense intérêt géopolitique, vu les régions touchées. » Dont celles bordant l’Afghanistan où les Taliban affrontent l’armée pakistanaise. (...) De tout temps, l’action humanitaire répond aussi à des considérations géopolitiques, relève Gilles Carbonnier, également membre du conseil d’administration de l’ONG Médecins Sans Frontières (MSF) : (...) ces deux dimensions -considération géopolitique et solidarité internationale- conditionnent toujours l’action de type humanitaire. Ces dernières années, ces deux dimensions ont même parfois complètement fusionné. Et ce avec la montée en puissance de l’aide militaire humanitaire, comme le précise Gilles Carbonnier : « L’Otan ou l’armée américaine estiment être capables de mener dans le même temps action humanitaire et offensive militaire, comme en Irak ou en Afghanistan, dans leur lutte contre le terrorisme. » « Un mélange des genres dénoncé par les ONG. » (4)

    Justement et dans le même ordre, on apprend par une dépêche de l’AFP que 13 insurgés ont été tués par un drone américain dans un district tribal du nord-ouest du Pakistan. Le campement appartient à des membres des tribus locales et la frappe s’est produite pendant des prières récitées pendant le Ramadhan. La guerre continue même en période de catastrophe. Parallèlement, le 20 août, l’Otan décide de fournir des moyens aériens et maritimes pour contribuer à l’acheminement de l’aide humanitaire destinée aux victimes des inondations au Pakistan....

    En Occident, l’un des moteurs du refus du don est le prosélytisme des Taliban honnis. « En réalité, est-il rapporté dans un éditorial de The Nation, c’est la méthode globale de la communauté internationale qui relève du scandale, non seulement parce que l’aide est lente à arriver, mais aussi parce que les médias occidentaux tentent de compromettre le formidable travail accompli par les organisations religieuses [musulmanes]. Ce qu’ils oublient de dire, naturellement, c’est que certaines ONG américaines sont d’obédience religieuse et qu’elles avaient profité du tremblement de terre au Cachemire pour faire du prosélytisme. En ces heures difficiles, l’Occident ne doit pas oublier que ce sont les locaux et les organisations religieuses qui sont toujours les premiers à fournir toute l’aide qu’ils peuvent aux sinistrés. Loin du battage médiatique orchestré par les Américains avec leurs hélicoptères. » (5)

    De France, Suhail Siddiq s’interroge à juste titre sur la frilosité des donateurs et la chape de plomb médiatique doublée d’une diabolisation de l’image du Pakistan. Ecoutons-la : Pourquoi l’aide n’arrive-t-elle pas plus vite ? Pourquoi les donateurs se montrent-ils si frileux ? (...) Les dons adressés à la Croix-Rouge française, pour ne citer qu’elle, sont plus de trente fois inférieurs à ce qu’ils avaient été pour le séisme en Haïti (soit à peine quelques centaines de donateurs qui ont versé 60 mille euros en 3 jours pour le Pakistan, alors qu’Haïti a reçu 2 millions d’euros dans le même laps de temps. Les arguments pour justifier une certaine forme d’indifférence générale ne manquent pas, allant de la période de récession, à la forte mobilisation en faveur de Haïti en début d’année. (...) Il existe malheureusement d’autres raisons, culturelles et géopolitiques, qui font appel à des représentations plus irrationnelles, mais très ancrées dans l’inconscient collectif du Pakistan. (...) A la question « Etes-vous sensible à l’appel à la solidarité en faveur des sinistrés du Pakistan ? une écrasante majorité de nos concitoyens ont répondu "non" (75.60%), pour seulement une poignée de "oui" (24.40%). Enfin, et c’est le pire, le Pakistan est associé depuis longtemps, par ces mêmes médias, à un pays de terroristes se doublant d’un régime corrompu. » (6)

    Que font les Musulmans ?

    André Pratte à partir du Québec s’interroge sur ce black-out en termes de don : « (...) Pourtant, on ne sent pas dans le monde la même émotion et la même mobilisation que lors du tremblement de terre en Haïti ou du tsunami en Asie du Sud. Au Québec, ce qui se passe au Pakistan a généralement droit à une courte mention aux bulletins de nouvelles. Les organisations humanitaires sont certes à pied d’oeuvre. La Croix-Rouge canadienne sollicite des dons, Oxfam fait savoir qu’elle a lancé ses opérations dans les zones sinistrées. Les familles pleurent la perte de leurs proches, de leurs biens et de leurs moyens de subsistance. Les gens ont besoin de nourriture, d’eau potable, d’abris et de latrines pour éviter une crise de santé publique. Mais qui, ici, s’en émeut ? Comment expliquer l’indifférence relative des citoyens occidentaux à l’égard de cette tragédie ? (...) Est-ce parce que ce pays attire peu de touristes ? Ou bien parce que le Pakistan est soupçonné de soutenir les Taliban ? » (7)

    Que font les pays musulmans, voire arabes en ce mois de Ramadhan de piété et de compassion ? A en croire, pas grand-chose. L’OCI appelle ses membres à apporter une aide urgente au Pakistan. L’Organisation de la conférence islamique (OCI) a appelé [après 15 jours de silence et l’absence de son président le sénégalais Wade], les pays musulmans à apporter une « aide urgente » au Pakistan. La Banque islamique de développement (BID) avait rassemblé 11,2 millions de dollars [une goutte d’eau dans l’océan de la demande] l’Arabie Saoudite (120 millions de dollars). Le Koweït a annoncé une aide de cinq millions de dollars. Pour rappel, après le séisme sur l’île indonésienne de Java, le Koweït, le Qatar et les Emirats arabes unis (EAU) ont été parmi les premiers à offrir leur aide. Même lorsque l’ouragan Katrina a ravagé les côtes américaines du golfe du Mexique, les monarchies du golfe EAU, Arabie Saoudite et Qatar ont débloqué chacun 100 millions de dollars. Les Etats-Unis n’avaient rien demandé. Il y a donc deux poids, deux mesures même dans la détresse. Si seulement les 300 millions de musulmans donnaient chacun 1$ chacun, c’est au total 300 millions de $ ; mieux encore si le milliard de musulmans donnait seulement 0,5$ c’est 750 millions de dollars qui contribueraient à alléger la douleur des enfants pakistanais. Que l’on ne se fasse pas d’illusion ! Les 460 millions de dollars promis même s’ils étaient réellement récoltés, c’est à peine 25$ par pakistanais et après ? Le ministre pakistanais des Affaires étrangères parle de 43 milliards de dollars pour reconstruire le Pakistan.

    Un dernier mot, qu’ont fait les pays arabes pour solliciter l’aide de leurs peuples ? Y a-t-il un téléthon ? Même pour celles et ceux qui veulent faire un don, il n’y a pas de circuit à ma connaissance, de circuit de collecte. Que font aussi les musulmans, notamment en Europe pour le Pakistan ? Que font les intellectuels musulmans dans le monde dont le silence assourdissant ne leur donne aucune légitimité morale ? C’est dire que nous devons expliquer pourquoi cette indifférence des pays arabes et musulmans ? Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas accuser les autres si on ne fait pas l’anamnèse d’abord en nous. Il est vrai que les médias occidentaux aux ordres nous donnent une image sanglante du Pakistan, de leur collusion avec les Taliban et cela dans une information en boucle. Lors du tsunami indonésien, les politiciens et les artistes étaient sortis pour favoriser les dons. Même chose pour Katrina. Les Américains avaient organisé un téléthon pour aider les sinistrés. Pour le tremblement de terre en Haïti, les personnalités se sont mobilisées. Les médias aussi.

    Justement, le plaidoyer de Christine Raynaud nous parait digne d’être rapporté : Il met l’accent sur la responsabilité des médias qui noircissent à dessein l’image du Pakistan. Comment s’étonner, en effet, qu’aujourd’hui où le pays et ce peuple fier sont victimes des pires inondations de leur histoire, les généreux donateurs français, européens, occidentaux se trouvent quelques hérissons dans le porte-monnaie, quand on sait l’image négative que tous les médias ne cessent de construire autour du Pakistan ? Comment venir en aide à des gens qui posent des bombes, qui tuent des otages ou qui maltraitent des femmes ? (...) Quand je suis revenue des montagnes de l’Hindu Kush, j’ai regardé, ahurie, à la télévision pakistanaise ou internationale des images violentes de voitures en flammes, de pompiers débordés, avec ce titre en français. Affolée, j’ai téléphoné à ma famille en région parisienne qui s’est empressée de me rassurer : les images que je voyais étaient très exagérées et les événements n’étaient pas aussi sanglants que les médias du monde entier me les montrent. Sur place, ma famille pakistanaise s’inquiétait pour moi, pour ma famille en France et se demandait ce que pouvait être ce pays où les voitures brûlaient ainsi le soir venu ! J’ai trouvé ce paradoxe extraordinaire : ces gens qui venaient pratiquement de m’adopter et qui, dans mon pays natal, passaient pour des extrémistes religieux, les derniers barbares de notre monde civilisé, étaient effrayés pour moi de la situation intérieure dans mon propre pays, patrie soi-disant des Droits de l’Homme ! »

    « C’est là que j’ai compris à quel point les médias, télévision, presse, cinéma, etc. pouvaient construire ou détruire une réalité sociale ou politique, par l’exagération, la passion du spectacle, la volonté de toujours faire peur, d’effrayer le citoyen. (...) Pourtant, le Pakistan est un Paradis : tous les voyageurs vous diront l’accueil chaleureux des habitants, qu’ils soient Punjabis, Pashtuns, Balouchtes, sunnites, chi’ites ou ismaéliens. (..) Plus que donner de l’argent ou de l’aide humanitaire aux Pakistanais aujourd’hui, il faudrait arrêter de les considérer comme le peuple voyou de cette planète. Pour cela il faudrait que chaque spectateur, lecteur, auditeur, prenne pleinement conscience de l’influence négative des médias (...) (8).

    On dit souvent que l’histoire et la politique au Pakistan se résument en 3 A (Allah, Amérique et Armée). Le manichéisme règne. Il y aurait donc de « bonnes » causes humanitaires et de « moins bonnes » pour des raisons non pas humanitaires mais politiques, voire culturelles et cultuelles. Quelles que soient les raisons invoquées, les Pakistanais n’en sont pas moins des êtres humains. Aujourd’hui, ils souffrent. Ils ont besoin de notre aide.

    Pr Chems Eddine CHITOUR
    Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz

    1. Réunion à l’ONU pour accélérer l’aide au Pakistan Le monde.fr avec AFP 19.08.2010

    2. Pakistan : qui donne quoi ?Le Monde.fr 18.08.2010

    3. Naïké Desquesnes : Le Pakistan accepte l’aide de son voisin indien Le Courrier 20.08.2010

    4 .Frederic Burnand Pakistan : l’aide forcément intéressée des Etats Swissinfo 19/08/2010

    5. Trop d’hypocrisie. The Nation 19.08.2010

    6. Suhail Siddiq : Pakistan, une émotion à géométrie variable Oumma.com 19 août 2010

    7 .André Pratte http: //blogues.cyberpresse.ca/edito/2010/08/09/ 9 août 2010

    8.Christine Raynaud : L’image négative du Pakistan Le Monde 17.08.2010

    URL de cet article
    http://www.legrandsoir.info/Le-tsunami-silencieux-du-Pakistan-pourquoi-tant-d-indifference.html

    votre commentaire
  • « Le Grand Soir » au Tibet.

    Maxime VIVAS

    Sur invitation, Maxime Vivas est au Tibet avec un groupe de journalistes (Le Figaro, Le Monde et deux journalistes free-lance). Il nous livre ici une première approche de la question tibétaine en la replaçant dans le contexte qui la projeta sous les feux de l’actualité lors du passage de la flamme olympique à Paris en avril 2008.

    Dans un autre article à venir, il dira ce qu’il a vu et qui rompt avec le discours ambiant.

    LGS.

    Le rude et haut pays des monastères, de la sérénité, de l’amour du prochain, de l’harmonie, le pays annexé, appauvri, privé de sa culture, victime d’un « génocide ethnique », martyrisé par la puissance coloniale, tel est, en quelques mots, l’image du Tibet, si répandue que quiconque se hasarde à en dessiner une autre, ou même simplement à la nuancer, s’expose à un collage dorsal d’étiquettes infamantes.

    C’est le risque qu’il me plaît de prendre pour Le Grand Soir à l’occasion d’un voyage journalistique au Tibet.

    Tout d’abord, un résumé des épisodes précédents.

    En 2008, Reporters sans frontières, « ONG » subventionnée par les USA et Taïwan (1) a déployé un activisme forcené (qui a culminé au mois d’avril lors du passage de la flamme olympique à Paris) contre les J.O. de Pékin.

    On se souvient qu’il s’ensuivit une brouille qui se traduisit par des suspensions de signatures de contrats ainsi que par la montée d’un sentiment anti-français en Chine, pays où la France était très aimée depuis que le général De Gaulle avait avancé une idée alors saugrenue : la Chine représentée à l’ONU ne devait plus être Formose (Taïwan) mais la Chine continentale, dont la capitale est Pékin.

    Pour réparer les dégâts, le gouvernement français dut dépêcher d’urgence plusieurs émissaires de hauts rangs, dont Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre. Pour l’anecdote, l’interprète (remarquable) qui nous est affectée fut celle de J.P. Raffarin, lors de sa mission de pompier volant.

    La campagne « pour la liberté du Tibet » et pour la promotion du dalaï lama (et non plus pour la liberté de la presse stricto sensu) fut allègrement menée par un Robert Ménard qui obtint un résultat inattendu : l’opinion publique étant chauffée à blanc pour la défense des moines, le président de la république française hésita à participer à la cérémonie d’ouverture des jeux, tergiversa, se décida au dernier moment, ne fit qu’un rapide aller-retour tandis que nos grands amis (et concurrents sur cet immense marché) états-uniens y étaient présents, avant, pendant et après, en la personne de George W. Bush. Présence prolongée qui ne suscita aucune vague de réprobation chez RSF et dans les médias qui popularisaient ses indignations à géométrie variable.

    Ce que le public (celui qui croyait défendre la liberté de la presse en achetant les agendas, calendriers, albums photos, sacs à dos, DVD, tee-shirts, etc. de l’épicerie ménardienne) ne sait pas, c’est que quelques mois auparavant, Robert Ménard avait été invité en Chine par le gouvernement chinois, qu’il y fut reçu quasiment comme un chef d’Etat et que des choses lui avaient été dites et montrées qui, sans être assez convaincantes sans doute pour faire adhérer cet ancien trotskiste au Parti communiste chinois, auraient pu sans doute édulcorer son manichéisme habituel dont on ne voit pas toujours bien en quoi il est utile à la liberté de la presse, ni à celle des journalistes qui sont morts en trop grand nombre ces dernières années sur des champs de bataille sans émouvoir aux larmes RSF, ni même utile à la démocratie (surtout s’il s’agit de promouvoir une théocratie), mais dont il est facile de constater qu’il nuit souvent aux intérêts de notre pays (qui le subventionne, hélas !).

    Bref, les autorités chinoises n’ayant pas été en mesure de promettre la dissolution du PCC et l’adoption d’une démocratie « à la française » avant l’ouverture des jeux, Ménard s’employa à prôner le boycott par le président français (pas par le président états-unien. Ceux qui ont lu mon livre : « La face cachée de reporters sans frontières » savent pourquoi).

    Ce préambule, pour dire que les Chinois, ayant lu mon livre, ont pensé que je pourrais faire partie d’une délégation de journalistes français invités en juillet 2010 à venir voir à Llassa, au Tibet. Je n’ignore pas la suspicion qui naîtra à mon égard pour avoir répondu favorablement. Mes amis et mon entourage m’ont prévenu contre les risques d’instrumentalisation : « Ils » vont te bourrer le mou, « ils » te montreront ce qu’ils veulent, « ils » t’empêcheront de parler avec les tibétains (en tibétain ?), etc.

    On se demande pourquoi ces mises en garde ne sont jamais faites aux journalistes qui se font inviter par charters entier par le roi du Maroc ou autres potentats qui leur donnent matière à ne pas les blâmer et leur laisse le loisir de braquer le canon de leur stylo vers d’autres pays sur qui ça tombe comme à Gravelotte avec une régularité de métronome.

    Bref, je me suis dit que le paradoxe serait qu’un ennemi juré de ce pays y ait paradé alors que moi, qui jamais ne fus « maoïste » à l’époque où c’était la mode et où j’avais l’âge idéal pour m’enflammer à la lecture du petit livre rouge, devrais m’en tenir éloigné, lesté que je serais d’une tardive naïveté propice à tous les endoctrinements. Par ailleurs, il se trouve que les Chinois connaissent le site Le Grand Soir, qu’ils ont pu y noter la rareté des informations sur leur pays et que mon implication dans ce site m’interdisait, sauf par douillette lâcheté, de fuir le sujet, de me taire et de laisser d’autres écrire seuls sur une nation qui regroupe presque le cinquième des habitants de la planète.

    Et c’est ainsi qu’en ce mois de juillet, j’ai atterri à l’aéroport de Beijing. Terminal flambant neuf : plafond en voûte, d’une hauteur de cathédrale et d’une beauté architecturale qui sidère. A peine sorti de la passerelle de son avion, le touriste est cueilli par cette démonstration de la puissance, du modernisme et du raffinement de la Chine. D’emblée, elle montre ses muscles huilés et souples et elle ne cessera de la faire avec son fameux sourire (forcément énigmatique).

    Formalités de douane rapides et minimales. Je constaterai plus tard que les contrôles tatillons s’exercent pour les vols intérieurs et qu’on n’entre pas au Tibet avec un dangereux briquet en poche.

    J’étais déjà venu en Chine en avril 2008 pour y rendre visite à un de mes fils qui y travaillait. Informé de ce voyage par mon éditeur, une journaliste du Figaro s’employa à me dénoncer à ses lecteurs en ces termes « Un écrivain toulousain, en villégiature en Chine, cela ne s’invente pas... » (comprendre : alors que le peuple tibétain vient de se faire massacrer par l’armée chinoise... ). Elle pourra ajouter aujourd’hui que j’ai récidivé, sur les lieux même du crime, et avec un de ses confrères. En tout cas, cette petite phrase a sans doute pesé dans ma décision d’aller y voir quand l’occasion m’en fut donnée.

    J’ai déjà raconté ici que, via Internet (mal bridé dans l’Empire du Milieu par des filtres... vendus par une entreprise française) j’avais visionné dans un hôtel chinois l’émission violemment anti-chinoise de France 2 « Compléments d’enquête » à laquelle je devais participer en avril 2008. La veille de mon départ, 3 journalistes étaient en effet descendus me voir chez moi à Toulouse. Je leur avais consacré presque 5 heures dont 2 pour le filmage. Il en était resté 15 secondes où je n’apparaissais pas et où l’on voyait en tout et pour tout la couverture de mon livre deux titres de chapitres et deux lignes sur la National Endowment for Democracy (NED). Par contre, Robert Ménard s’y exprimait à loisir (2). Dure, la censure made in France !

    N’avais-je pas là une troisième raison (rancunière ?) d’aller sur place et de voir, de mes yeux ?

    Pendant le séjour d’avril 2008, je m’étais rendu au Centre Culturel français, où j’appris qu’il y avait de petites manifestations anti-françaises dans le pays. Il nous était recommandé d’être discrets et prudents. On n’imagine pas, en France, l’importance du mot chinois « mianzi ». Perdre « mianzi », c’est perdre la face, subir un affront. C’est ainsi que les Chinois ont perçu les péripéties autour de la flamme olympique à Paris. Je note que les guides de voyage et un excellent polar (« Meurtres à Pékin » Peter May, éditions Actes Sud, Babel noir) insistent sur cet aspect de la susceptibilité des citoyens chinois. Il eut fallu que les manifestants anti-flamme le sachent. En l’ignorant, ils ont créé un problème avec la légèreté d’un troupeau d’éléphants incultes dans un magasin de porcelaine de l’époque Ming.

    Je suis arrivé il y peu à Llassa. Dans les jours qui viennent, je confronterai ce qu’on m’a dit en France du Tibet à ce que je verrai durant mon séjour.

    Parmi mes compagnons de voyage, un journaliste du Figaro, un ancien journaliste du Figaro aujourd’hui indépendant et sa femme, journaliste-écrivain et un journaliste du Monde.

    Je ne suis pas sûr que mes compagnons, (au demeurant de fort bonne compagnie), verront la même chose que moi. A quoi bon voyager, disait Sénèque, si tu t’emportes avec toi ? Certes, mais il est probable que chacun de nous a emporté un bout de ce qu’il est en France et une partie du média dans lequel il s’exprime.

    Je veux conclure pour aujourd’hui en ajoutant ceci : s’il est permis de relater un voyage à New York sans évoquer les centaines de milliers de civils tués en Irak depuis que les USA ont choisi de porter le fer et le feu dans ce pays, où de rappeler le génocide des indiens, je compte user du même droit pour le Tibet. J’en parlerai sans doute sans traiter de la Révolution culturelle et de la place Tian’an men. Tant pis pour ceux qui en déduiront que cette prétention exorbitante s’apparente à l’apologie de Mao. J’aimerais parler du sujet pour lequel je suis là, à 3600 mètres d’altitude, sur « le toit du monde ».

    Pour l’instant j’ai pu visiter avec mes confrères le palais de Potala, ex-lieu de résidence principal des dalaï-lama, le temple de Jokhang, (deux monuments protégés et visités par une foule serrée de fidèles et de moines avec une ferveur religieuse qui s’apparente à du fanatisme et qui m’a rendu malade mieux que le mal des montagnes), des entreprises modernes et en plein essor, une université où des chercheurs ont réussi à créer des programmes informatiques en langue tibétaine dont l’écriture vient (et ressemble à) du sanscrit, un musée où la culture tibétaine est mise en avant, un hôpital où les médecins appliquent et enseignent la médecine traditionnelle tibétaine, fabriquent des médicaments selon des recettes ancestrales du Tibet. J’ai vu les enseignes des magasins, les noms des rues, les panneaux indicateurs, écrits en mandarin et en tibétain ainsi que des journaux.

    Je me dis qu’il y a chez nous des cultures régionales qui aimeraient être brimées de la sorte, en bénéficiant de surcroît d’un enseignement obligatoire de leur langue dans les écoles dès les premières classes et de programmes de radios et de télévisons.

    Je me dis aussi que les Français sont bizarres avec leur poutre dans l’œil et leur logique peu cartésienne qui les fait chérir la laïcité et rêver d’une province chinoise qui rétablirait la confusion entre l’Eglise et l’Etat, qui les fait approuver l’idée d’une partition dont ils ne voudraient certes pas chez nous (les Corses, les Basques et les Bretons me comprendront).

    Bref, de même que le bon sens interdit de militer pour l’importation en France du système politique chinois, le militantisme à Paris pour un « Tibet libre » dirigé par le dalaï-lama n’a d’excuse que le manque d’information. J’apporterai bientôt ici des éléments dont j’espère qu’ils seront recevables par ceux de nos lecteurs qui trouvent des vertus à la loi de 1905 et à quelques autres dispositions de notre Constitution.

    Depuis Llassa
    Maxime Vivas
    pour Le Grand Soir.

    à suivre...

    (1) La même semaine, Le Parisien du 13 avril 2008 nous avait appris que Ménard est « un brin faux-cul », qu’il s’avoue « colérique et caractériel ». Cet « obscur journaliste de Radio France Hérault » qui « a failli devenir prêtre », respecte « l’engagement » de son père dans l’OAS.

    Et la démocratie, alors ? Et le « Tu ne plastiqueras point » ? Passons...

    (2) D’après Jean-Guy Allard, journaliste canadien en poste à La Havane, RSF a reçu un chèque de 100 000 dollars de Taïwan : « Ménard a voyagé le 28 janvier 2007 au pays de Tchang Kaï-chek pour recevoir son prix des mains du président Chen Shui-bian qui agissait au nom de la Fondation taïwanaise pour la démocratie, un organisme para-gouvernemental… » En acceptant le chèque, affirme le journaliste, Ménard s’est engagé à créer un site web pour attaquer la République populaire de Chine. RSF est donc payée (je l’ai démontré et j’ai donné les chiffres au dollar près) par des officines US écran de la CIA dont l’une se nomme la Fondation nationale pour la démocratie ( NED : National endowment for democracy). S’y ajoute la Fondation taïwanaise pour la démocratie. Quelle originalité dans le choix des noms ! A mon accusation étayée d’être ion subventionné par des paravents de la CIA, Robert Ménard rétorque « Et pourquoi pas par le KGB ? » Parce que ce n’est pas établi, Bob.


    votre commentaire

  • Italie
    Le Prince change de peau




    Gorka Larrabeiti

    Traduit par  Esteban G.


    Les serpents changent de peau périodiquement. En retraçant l’histoire récente de l’Italie, et en voyant ce qui se passe depuis quelques mois, on a l’impression que le Prince aussi, ce pouvoir occulte qui domine, comme le prétend Roberto Scarpinato, l’histoire de l’Italie de toujours est en pleine mutation ou change d’apparats.

    Véase: 
http://harpo.blogcindario.com/2008/04/01126-el-padrino-iii.htmlOn sait que le bras droit de Berlusconi est condamné en Cour d’Appel à sept ans de prison pour complicité avec la mafia ; plusieurs ministres ont été démis de leur fonction pour corruption ; un « réseau gluant » de corruption a été découvert dans lequel sont impliqués ministres, hommes politiques, chefs d’entreprises, juges, haut prélats, agents des services secrets et journalistes ; on a apprit l’existence d’une nouvelle loge secrète qui manipule les membres du tribunal Constitutionnel.
     
    Avant-hier, le Secrétaire d’État à l’Économie, Nicola Cosentino, a du démissionner car depuis plus d’un an il est accusé par les juges de Naples d’être le lien politique du clan le plus important de la Camorra. Dans des écoutes téléphoniques de cette loge secrète qui, avant-hier encore, ont été diffusées, le nom d’un certain « César » y est cité et selon les carabiniers ce serait Berlusconi lui-même.
     
    Une fois le puzzle reconstitué, on peut voir clairement qu’il s’agit d’un système criminel lié à la criminalité organisée qui gouverne. Berlusconi ne vient d’aucune droite. Les adjectifs n’ont pas toujours le même sens. Berlusconi incarne l’institutionnalisation de l’accès au pouvoir du crime organisé, à savoir la haute bourgeoisie mafieuse - colletti bianchi, en col blanc- liée à la mafia des « bas-fonds ».
     
    Dans la période d’après-guerre, pour éviter le « danger » communiste, l’Italie s’est peu à peu transformée en une démocratie mafieuse. Avec l’arrivée au pouvoir de Berlusconi, elle s’est d’abord transformée en « dictadouce » mafieuse, dépossédant le Parlement du pouvoir législatif et gouvernant à coups de décrets de loi et de motions de confiance. Durant cette période, Berlusconi a approuvé 41 lois ad personam. Le Parlement était très affairé à s’occuper des intérêts personnels de Berlusconi. Aujourd’hui, ce système de gouvernement a fait un pas de plus et, à en juger par leur hâte de faire approuver la « loi bâillon », il parie sur une dictature ouvertement mafieuse, un système que même pas les postfascistes, qui ont encore quelque peu le sens de l’État et de l’idéologie politique, ne sont prêts à admettre.
     
    Je dis démocratie ou dictadouce mafieuse parce qu’encore, une ou deux fois par an, on nous donne à lire des informations sur le chiffre d’affaires des mafias en Italie. C’est devenu une coutume, le titre est toujours le même : « En Italie, la mafia est l’entreprise qui fait le plus gros chiffre d’affaire ». En 2007, selon le rapport de Confesercenti (Association de commerçants et d’entrepreneurs italiens) cité par le procureur général antimafia, le chiffre atteint 90.000 millions d’euros, c'est-à-dire 7% du PIB. Le 2 mars dernier, le président de la Commission Antimafia du Parlement italien affirmait que le chiffre oscillait entre 120 et 140.000 millions d’euros « selon les estimations les plus réservées », ce qui équivaut au PIB de la Roumanie. Un commerce florissant qui, d’après ces données, aurait augmenté de 50.000 millions – 65%, plus de 20% par an – en 3 ans de grande crise. Nous sommes face à un système qui sera difficile à changer du jour au lendemain.
     
    Bien que la presse ait tendance à décrire la mafia comme un fait mineur de criminalité, le montant de cet énorme et florissant commerce nous oblige à penser qu’il existe un très fort pouvoir qui se meut dans l’ombre et qui, sans aucun doute, tire les ficelles du grand théâtre de la politique. Les preuves de l’existence de ce pouvoir que tout le monde connaît mais que personne ne voit ressortent précisément dans ces écoutes téléphoniques, car après avoir réduit les peines sévères contre les mafieux pour les pousser à se repentir, elles sont l’unique outil de la magistrature pour combattre le côté obscur du puissant pouvoir.
     
    Comme nous le disions, pour couvrir le modus operandi du Prince, Berlusconi et les siens ont formaté la dernière loi de la honte connu sous le nom de « loi bâillon ». Cette loi agit en deux sens, d’un côté elle réduit la possibilité des tribunaux et de la police judiciaire de réaliser des écoutes téléphoniques ; et de l’autre côté elle supprime la liberté de publier ces dites écoutes sous peine de fortes amendes et d’aller en prison. Frank La Rue, expert de l’ONU, a déclaré que, parmi d’autres mesures, cette initiative qui va limiter la publication des écoutes téléphoniques, constitue une menace à la liberté d’expression. En Italie, il y a eu une grève massive pour défendre la liberté d’expression, à laquelle Berlusconi, Président du Conseil des Ministres, a répondu en disant : « Une presse qui désinforme, qui non seulement déforme la réalité mais qui piétine également le droit sacré à la vie privée des citoyens sous couvert de la ‘liberté de presse’ comme s’il s’agissait d’un droit absolu.
     
    Mais en démocratie les droits absolus n’existent pas, puisque tous les droits rencontrent une limite dans d’autres droits tous aussi légitimes ». Ces déclarations ont suscité un grand scandale, car elles le sont vraiment, mais la clé de lecture de cette loi n’est pas dans l’attaque sur la liberté d’expression. Car, peut-on affirmer que cette liberté ait existé pendant ces 16 ans de règne de conflit d’intérêts en Italie ? N’est-il pas vrai que beaucoup de journalistes italiens sont bâillonnés depuis plusieurs années ? Certes, les journaux libres peuvent, gêner Berlusconi, mais il n’a pas besoin de cette loi bâillon, il lui suffit de supprimer les subventions de l’État à 90 agences de presse pour qu’elles n’aient plus qu’à baisser le rideau. Il n’y a qu’à le demander aux collègues de Il Manifesto, qui ont manifesté avant-hier devant le Parlement pour dénoncer cette situation. Berlusconi n’est intéressé que par le secret du Prince ; et qu’il puisse faire et défaire ce que bon lui semble, sans se préoccuper d’une magistrature qui écoute ses magouilles ou qu’ensuite la presse s’en fasse l’écho.
     
    Les écoutes téléphoniques laissent découvrir que la peau du Prince est prête à tomber. Quel aspect aura sa nouvelle peau ? Sera-t-elle toujours celle d’un Berlusconi finalement dictateur s’il parvient à faire approuver la « loi bâillon » ? Sera-t-elle – comme le proposait, hier, D’Alema – la peau d’un conglomérat qui compte avec le soutien des postfascistes de Fini mélangé aux démocrates chrétiens de Casini plus le sinistre centro-sinistra [centre-gauche NdT] du PD : un « n’importe quoi » mais sans Berlusconi ? Un gouvernement technique avec une large majorité autour de l’actuel ministre de l’Économie, Giulio Tremonti, comme président ? Ou pour être plus simple : une dictature mafieuse ou retour à la démocratie mafieuse sans Berlusconi ?
     
    Ni l’un ni l’autre, c’est clair. La gauche restera une nouvelle fois minoritaire en refusant une telle alternative, car ce que la gauche n’acceptera jamais c’est que le système soit indubitablement un système mafieux. Et la question qui avait été posé au juge Giovanni Falcone avant qu’il ne soit assassiné se pose de nouveau : Peut-on vaincre la Mafia ? Falcone répondit : la Mafia est un produit humain, elle a eut un début et elle doit avoir une fin.
     
    Le magistrat antimafia Nicola Gratteri, expert en 'Ndrangheta [organisation mafieuse de la Calabre NdT] et qui vit sous escorte depuis 1989, se montrait sceptique l’autre jour et il disait que tant qu’il y aura des hommes, il y aura la Mafia. Ce qui n’empêche pas, dit-il, qu’il faut la combattre. Gratteri a affirmé que la répression militaire n’est pas suffisante : Il est d’abord nécessaire de prendre des mesures politiques comme celles de changer le code pénal, le code de procédure pénale et une réorganisation pénitentiaire. Malgré tout, la lutte contre la mafia, selon lui, ne doit pas être seulement militaire mais aussi sociale et culturelle. La lutte doit être centrée sur l’intérêt économique - pas éthique – de ne pas appartenir aux mafias.
     
    Il y a déjà des petits mouvements qui se battent jour après jour contre ces mafias et pas seulement avec des paroles mais avec des actes. Pour conclure, revenons à Roberto Scarpinato. L’Auteur de Il ritorno del Principe rappelait, il y a peu de temps, que les faits les plus marquants dans l’histoire de l’Italie ont été accomplis par des minorités. La minorité ce sont les mille Garibaldi. La minorité c’était la Résistance antifasciste. La minorité c’était l’élite qui avait écrit la Constitution. La minorité aujourd’hui c’est la gauche qui n’est pas représentée au Parlement.
     
    La minorité ce sont les jeunes hommes et jeunes femmes politiques du PD qui n’acceptent pas un gouvernement de la realpolitik (mafieuse) La minorité ce sont les travailleur(se)s de FIAT à Pomigliano qui n’ont pas accepté le chantage qu’on leur proposait : Veux-tu travailler comme les « chinois » ou préfères-tu rester au chômage au pays de la Camorra ? La minorité ce sont les syndicalistes de la FIOM [1] de Fiat dans la commune de Melfi qui ont été licenciés en représailles pour leur participation à la grève. La minorité ce sont les précaires. La minorité se trouve ni dans la majorité ni dans la « zone grise ». La minorité ce sont les hôpitaux Emergency, l’association Libera contre les mafias, le comité Addio Pizzo, qui libère l’économie de l’impôt mafieux, le Forum italien des mouvements pour l’eau publique, l’observatoire Antigone qui s’occupe du respect du droit dans les prisons, les mouvements pour le droit au logement comme le mouvement Action, la défense du patrimoine de PatrimoineSOS, l’information d’Antimafia 2000, Megachip, Lettera 22, Peace Reporter, Radio Città Aperta, Fortress Europe, Giornalismo Partecipativo, et tant d’autres. La minorité ce sont ceux qui agissent sans parler seulement.
     

    Note du traducteur

    FIOM : Fédération Internationale des Organisations de travailleurs de la Métallurgie.





    Merci à Gorka Larrabeiti
    Date de parution de l'article original: 17/07/2010
    URL de cet article: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=693


    votre commentaire
  • SREBRENICA : Un génocide au coeur de l’Europe « civilisée »

    Chems Eddine CHITOUR
    « Lorsque tu vins au monde, tout le monde était content et toi tu pleurais. - Vis de telle sorte que lorsque tu mourras, tous pleureront et tu seras heureux. »
    Proverbe arabe

    Il y a quinze ans au coeur de l’Europe civilisée et près de la ville mythique de Sarajevo, d’où est partie la première étincelle (l’assassinat de l’archiduc Ferdinand) donnant lieu à la plus gigantesque boucherie de la Première Guerre mondiale, un génocide : 8000 personnes dont des vieillards et des enfants étaient massacrés minutieusement. 2010 : Des dizaines de milliers de personnes ont afflué dimanche 10 juillet à Srebrenica pour le 15è anniversaire du massacre de 8000 musulmans bosniaques par les forces serbes de Bosnie en juillet 1995, une journée marquée par l’enterrement de près de 800 victimes. Les restes de 775 victimes récemment identifiées du massacre seront enterrés au cours de cette journée dans le centre mémorial de Potocari, où 3749 corps reposent déjà. Il s’agira de l’enterrement le plus important par le nombre de corps depuis que le mémorial a été érigé en 2003, cérémonies, auxquelles ont participé des personnalités étrangères dont le président serbe Boris Tadic. Dans une résolution adoptée en mars, le Parlement serbe avait condamné « avec la dernière vigueur » le massacre de Srebrenica. On notera que les Serbes parlent de massacre et non de génocide.

    « Huit mille disparus, écrit François, Schlosser, des centaines, peut-être des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants abattus ou égorgés en quelques jours : la tuerie qui a suivi la prise par les Serbes, en juillet dernier, de l’enclave de Srebrenica a sans doute été l’une des plus tragiques. Au soir du 11 juillet 1995, Ratko Mladic, commandant en chef des forces serbes de Bosnie, fait convoquer les officiers du bataillon de Casques bleus hollandais chargés de la protection de Srebrenica. La ville vient de tomber aux mains des Serbes. Reçus dans un hôtel situé dans la périphérie, ils se retrouvent parqués dans une pièce où leur hôte a fait suspendre un cochon par les pieds. Sur un geste du chef des militaires serbes, un soldat tranche la gorge de l’animal et le sang gicle. « C’est ainsi que nous traiterons tous ceux qui se mettront sous la protection des Casques bleus ! », lance Mladic, très satisfait de l’effet produit ». (1)

    À coups de canon

    « Ce soir du 11 juillet, dans la torpeur de l’été, alors que le reste des populations européennes s’achemine vers les plages, Ratko Mladic vient de s’adjuger à coups de canon la vie de 40.000 hommes, femmes et enfants. Et il va les traiter à sa manière, comme il l’a annoncé, c’est-à-dire en boucher. Dernier document en date : le rapport de « debriefing » des soldats et officiers du bataillon hollandais de Srebrenica. Aujourd’hui, les pièces de l’atroce puzzle sont presque toutes en place, et l’on reste effrayé devant l’ampleur du crime commis en ces terribles jours de juillet, sous les yeux des grandes puissances et sans aucune réaction de leur part.

    Epuisée, terrorisée, affamée, encerclée, abandonnée à elle-même dans le fracas des bombes, la population de Srebrenica se divise, le lundi 10 et le mardi 11 juillet, en deux groupes. D’un côté, ceux qui savent qu’ils n’ont aucune chance de survie s’ils tombent entre les mains des Serbes et qui doivent tenter le tout pour le tout. De l’autre, ceux qui n’ont pas la force de marcher : les vieux, les femmes, les enfants ; et ceux des hommes qui font malgré tout confiance à la protection des Casques bleus. D’un côté, donc, la colonne des 15 000 qui prend les sentiers de l’Ouest à travers les collines boisées, en territoire tenu par les Serbes. De l’autre, les 25.000 civils qui s’agglutinent dans et autour de la base des soldats hollandais à Potocari, à 5 kilomètres au nord de Srebrenica. Ils ne savent pas en se séparant qu’ils vont vivre les uns et les autres le même enfer. »

    « La colonne s’étend sur près de 12 kilomètres. On marche par deux, les uns derrière les autres, pour avoir le moins de pertes possible dans les champs de mines. (...) Bientôt la marche de la colonne, continuellement attaquée par les Serbes aux abords des routes de Kravica, de Konjevic Polje, de Zvornik, prend une allure hallucinante. Des hommes perdent la raison et se tuent. D’autres se donnent la mort au moment d’être pris. Certains se font sauter à la grenade. Beaucoup assistent, cachés dans les buissons, à des massacres de prisonniers, à l’exécution systématique de tous les blessés. Sur certains axes, les prisonniers - par centaines - sont regroupés puis emmenés vers des lieux d’exécution préparés à l’avance. Quelques-uns survivront aux exécutions de masse. (...) Les foules affolées qui ont reflué vers Potocari, les 11 et 12 juillet, pour chercher protection auprès des Casques bleus hollandais comprennent très vite qu’il n’y a pas de havre pour elles.

    Là aussi c’est le général Mladic qui prend les affaires en main dès le 12, bousculant les Casques bleus désarmés, imposant ses conditions sans réplique. (...) La sélection se fait à l’entrée des bus destinés au transport des réfugiés. Le voyage s’arrête dans un immense hall de sport où sont parqués plus de 2000 prisonniers, selon l’évaluation du témoin. Nouveau transport en camion, cette fois pour la destination finale : les hommes descendent des camions, doivent s’aligner sur plusieurs rangs, et sont fauchés à l’arme automatique.

    Partout des témoins citent la présence de Mladic sur les lieux d’exécution. Pendant ce temps, la télévision serbe le montre en train de distribuer des bonbons aux enfants de Srebrenica. Le monde extérieur est-il dupe ? Or, le même jour, une photo satellite montre que des prisonniers sont réunis par centaines sur au moins deux stades dans la région de Srebrenica. Quelques jours plus tard, d’autres photos prises par un avion U2 reproduisent le même site, mais vide. En revanche, des champs des environs paraissent fraîchement retournés. Le dossier du crime de Srebrenica ne cesse de s’épaissir et il n’est pas près d’être clos. D’autant plus que le responsable direct, Ratko Mladic, est désormais sous le coup d’un acte d’accusation du Tribunal pénal international sur les crimes en ex-Yougoslavie pour « génocide et crimes contre l’humanité, crimes de guerre... ». (...)

    Dès la fin du mois de juin, les services français et américains savent qu’une attaque serbe contre l’enclave est en préparation, probablement avec l’appui d’unités blindées de la Serbie qui vont traverser la Drina début juillet. Le général Mladic lance son offensive le 6 juillet. Le jour même, le commandant local des Casques bleus demande un appui aérien qui lui est refusé. Plusieurs demandes, de plus en plus pressantes, des troupes hollandaises pour qu’on les aide avec une intervention aérienne seront ainsi rejetées, y compris celle du 10 juillet, alors qu’il était désormais évident que les Serbes allaient submerger la ville. Les avions, qui ont pourtant décollé d’Italie, et des porte-avions américains ne viennent pas. Le dernier appel désespéré arrive à Zagreb à 11 heures.

    Les raisons de ce monstrueux cafouillage ? Les Hollandais en rejettent la responsabilité sur l’ONU et sur le commandant français de la Forpronu, le général Bernard Janvier. Si l’on en croit des officiers présents à Zagreb le 10 juillet, le général Janvier aurait déclaré à son entourage, pour justifier son refus d’appui aérien : « Messieurs, vous n’avez donc pas compris que je dois être débarrassé de ces enclaves ? » (...) A Srebrenica, plutôt que d’envisager l’évacuation d’une zone qu’elles savaient condamnée, les grandes puissances ont préféré recourir au bluff d’une « zone protégée » qui, en fait, ne l’était pas.. (...) (1) »

    En fait, la situation était complexe et en l’occurrence les trois acteurs, le Serbe Milosevic, Tudjman le Croate et Izetbegovic le Bosniaque n’étaient pas des enfants de choeur. Chacun pour sa part a essayé de manipuler l’Europe se présentant en victime. Ce qui est un fait c’est que les 8000 morts sont là. Ce génocide a des racines profondes au-delà des haines séculaires de ces entités, anciennes provinces de la « Sublime Porte », La complexité de la « Question yougoslave » est due que ce pays est sur une zone de fracture à la fois idéologique et religieuse. Les pays occidentaux, l’Europe en tête, et les Etats-Unis ont précipité la Yougoslavie post-Tito pour la détacher déinitivement de l’orbite soviétique, feignant d’oublier que cette boîte de Pandore sera difficile à fermer, notamment sur le plan ethnique et religieux.

    « Tout commence avec l’Allemagne »

    Michel Collon tente de décrypter la « manipulation » derrière cette guerre des Balkans. Pour lui, tout commence avec l’Allemagne Fédérale . Ecoutons-le : « L’Allemagne a-t-elle délibérément provoqué la guerre civile ? Oui. Au début du sommet de Maestricht, en 91, le chancelier allemand Kohl est le seul à vouloir faire éclater la Yougoslavie et à reconnaître précipitamment les « indépendances » de la Slovénie et de la Croatie, au mépris du droit international et de la Constitution yougoslave. Mais la montée de la puissance allemande imposera cette folie à tous ses partenaires. Paris et Londres s’alignent. Selon l’Observer londonien : « Le Premier ministre Major a payé très cher en soutenant la politique yougoslave de l’Allemagne dont tous les observateurs disent qu’elle a précipité la guerre. »

    En effet, tous les experts avaient averti que cette « reconnaissance » provoquerait une guerre civile. Pourquoi ? Partager les territoires était aussi absurde que diviser Paris ou Londres en arrondissements ethniquement purs. En favorisant le néofasciste croate Tudjman et le nationaliste musulman Izetbegovic (collabo d’Hitler dans sa jeunesse), on était certain de provoquer la panique chez les importantes minorités serbes vivant en Croatie et en Bosnie depuis des siècles. (...) Seule la Yougoslavie de Tito avait pu ramener la paix, l’égalité, la coexistence. Mais Berlin, puis Washington voulaient absolument briser ce pays « trop à gauche ». (2)

    « Lord Owen, envoyé spécial de l’Union européenne en Bosnie, et donc observateur très bien placé, a écrit dans ses Mémoires : « Je respecte beaucoup les Etats-Unis. Mais, durant ces dernières années (92-95), la diplomatie de ce pays est coupable d’avoir prolongé inutilement la guerre en Bosnie. » Que vise-t-il ? Les Allemands étant occupés à prendre le contrôle de la Slovénie, de la Croatie et bientôt de la Bosnie, Washington a alors fait pression sur Izetbegovic, le dirigeant nationaliste musuman de Sarajevo : « Ne signez aucun accord de paix proposé par les Européens. Nous vous ferons gagner la guerre sur le terrain. » Washington a donc prolongé de deux ans les terribles souffrances infligées à toutes les populations de Bosnie. Pour quels motifs ? Evincer Berlin de ses positions acquises dans la région stratégique des Balkans. Diviser et affaiblir l’Union européenne. Après la chute du Mur, les stratèges US voulaient à tout prix empêcher l’émergence d’une superpuissance européenne. Tout a donc été fait pour l’affaiblir politiquement et militairement.

    « En décembre 89, le FMI impose des conditions draconiennes à la Yougoslavie dont le Premier ministre libéral Markovic a quémandé l’aide de George Bush père. « L’aide » visera en réalité à déstabiliser et mettre en faillite les grandes entreprises d’Etat. La Banque mondiale démantèle le système bancaire, fait licencier 525.000 travailleurs en un an, puis réclame la suppression de deux emplois sur trois. (..) Comme bien d’autres. La guerre contre la Yougoslavie fut une guerre de la globalisation. Toutes les grandes puissances occidentales cherchaient à liquider le système économique trop à gauche de la Yougoslavie : fort secteur public, droits sociaux importants, résistance aux multinationales... La vraie raison des diverses guerres contre la Yougoslavie, elle tenait dans ce reproche (cette menace ?) du Washington Post : « Milosevic n’a pas réussi à comprendre le message politique de la chute du Mur de Berlin. D’autres politiciens communistes ont accepté le modèle occidental, mais Milosevic a été dans l’autre direction. » (4 août 96). (...) (2)

    Que faut-il en retenir ? Les Bosniaques pleurent leurs morts. Karadisc est arrété mais toujours pas condamné. Mladic coule des jours heureux protégé par les siens. « Depuis quinze ans, écrivent Florence Hartmann et Yan de Kerorguen, Ratko Mladic est recherché par la justice internationale pour génocide et crimes contre l’humanité. Protégé par la Serbie, l’accusé continue d’échapper à la justice, malgré les demandes répétées des quatre procureurs successifs du Tribunal pénal international. Cruelle ironie, Srebrenica a été attribuée à ses bourreaux par l’accord de paix signé quelques mois après le massacre.

    Venir à Srebrenica n’a pas de sens si la compassion doit servir plus longtemps d’alibi à l’inaction. (...) Si nous interpellons aujourd’hui les leaders européens et américains, c’est pour leur rappeler qu’ils ont déjà fait usage des bons sentiments sans joindre la parole aux actes. (...) L’Etat serbe s’est contenté de promettre qu’il serait à son tour arrêté... prochainement. Exiger l’arrestation de Mladic et en faire le préalable absolu à tout examen de la candidature de la Serbie à l’UE et à l’OTAN revient à ne pas transiger avec nos valeurs. Dirigeants européens et américains réaffirmeraient ainsi leur volonté de faire de la justice la première d’entre elles. Seul un sincère « Mladic en prison, Yes, we can ! » peut rendre dignement hommage aux victimes et à leurs familles en ce quinzième anniversaire. Ne les trahissons pas plus longtemps ! » (3)

    Que dire en guise de conclusion ? La cruauté est intacte. Le temps n’a pas dissipé les haines. Le comportement de Mladic rappelle celui des croisés entrant dans la ville de Jérusalem un certain jour de juillet, 1000 ans plus tôt. On ne savait pas alors dans le fleuve de sang des victimes à qui appartenaient les pieds, les têtes et les bras qui dérivaient. Si Mladic n’est pas arrêté c’est que les Serbes n’ont pas tourné le dos à leur haine religieuse envers les « Sarrasins » représentés par les Bosniaques musulmans. Certes, il y eut aussi des criminels du côté bosniaque, certains sont en prison, dans les prisons croates et serbes, d’autres pris ont été condamnés ou amnistiés, mais Mladic court toujours.

    La singularité du génocide bosniaque est venue de la naïveté des victimes qui ont cru en la parole du contingent hollandais quant à leur protection. Les Bosniaques qui ont fui, ont pour une partie échappé au massacre. L’autre singularité est que ce génocide a été planifié Elle est venue aussi de la responsabilité dans le génocide des grandes puissances qui ont tergiversé et refusé d’intervenir pour arrêter le massacre. Le général Janvier a une responsabilité particulière, lui qui a négocié avec Mladic la protection des 400 Casques bleus contre la prise de la ville. En clair, la liberté du renard dans le poulailler.. Mettons-nous dans la tête de Mladic le général serbe qui décide froidement de liquider des milliers de Serbes, de renier sa parole, de tromper les Bosniaques, ne l’a-t-on pas vu en effet, en train de caresser les cheveux d’un enfant d’une dizaine d’années qui a dû être vraisemblablement égorgé ou fusillé...

    Pr Chems Eddine CHITOUR ici
    Ecole Polytechnique enp.edu.dz

    1. François Schlosser : Le massacre qu’on a laissé faire 16/11/95 Le NouvelObs

    2. La plus honteuse manipulation des ces dernières années ! http://www.michelcollon. info

    3. Florence Hartmann,Yan de Kerorguen : Arrêter Mladic, yes we can ! Le Monde 09/07/2010


    votre commentaire

  • Miguel Ángel Moratinos ou l’hypocrisie de la diplomatie espagnole


    AUTEUR:  Miquel CARTRÓ

    Traduit par  Fausto Giudice


    Ces jours-ci, Miguel Ángel Moratinos, ministre des Affaires étrangères de l’État espagnol, se rend à Cuba afin d’obtenir la libération des prisonniers politiques ou de conscience cubains. Moratinos apparait comme un ange médiateur entre l'Église cubaine - porte-parole de l'opposition interne au régime cubain - et Raúl Castro, et nous pouvons voir sa contrition devant la grève de la faim du dissident Guillermo Fariñas. Miguel Ángel Moratinos montre alors un visage humanitaire, sensibles aux droits humains, civiques, politiques et aux valeurs démocratiques. Un visage qui, si l’on regarde le parcours du ministre, est la face d'une fausse pièce, le gouvernement espagnol.


    On pourrait être d'accord avec l'objectif de la visite à Cuba, mais, dans le mouvement de solidarité avec le peuple sahraoui nous savons le mépris que Miguel Ángel Moratinos et le gouvernement de Zapatero ont montré pour le peuple sahraoui. Le chef de la diplomatie espagnole n'a jamais pris la défense des militants des droits humains sahraouis détenus, torturés, emprisonnés ou qui ont disparu par l'action des forces d'occupation marocaines. Miguel Ángel Moratinos et le gouvernement de Zapatero ne condamnent pas le régime marocain, responsable de la poursuite des violations des droits humains au Sahara occidental. Le gouvernement de l'État espagnol considère le Maroc comme un pays ami, auquel il vend des armes, avec lequel il spolie le Sahara occidental de ses ressources naturelles, avec lequel il partage des intérêts économiques et stratégiques en tous genres.  Le gouvernement de l'État espagnol a décoré les plus hauts responsables militaires marocains accusés de génocide et récemment, il a organisé un sommet européen de coopération avec le Maroc.

    Comment pouvons-nous croire les bonnes intentions de M. Moratinos envers Cuba, alors qu’il partage une table avec le Maroc? Quelles valeurs démocratiques ou de droits humains Moratinos exige-t-il de Cuba? Il prone l’exemple du régime alaouite ? Il prone l’exemple des prisonniers et disparus sahraouis? Il donne en exemple sa non-médiation pour les prisonniers sahraouis en grève de la faim?

    La diplomatie espagnole a un nom et tout le monde le sait: l'hypocrisie.
     

     

     


     


    Source : Miguel Ángel Moratinos, hipocresia diplomàtica espanyola

    Article original publié le 8/7/2010

    Sur l’auteur

    Tlaxcala
     est le réseau international de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteur et la source.

    URL de cet article sur Tlaxcala :
    http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=10889&lg=fr


    votre commentaire
  • L’Autriche est votre pays

    Arigona, restez !


    AUTEUR:  Vladislav MARJANOVIĆ

    Traduit par  Michèle Mialane. Édité par Fausto Giudice


     

    Restez en Autriche, Arigona, car c’est votre pays. Ceux qui identifient la patrie avec le « sol et le sang » sont des menteurs. Ce ne sont ni le lieu de naissance ni l’origine des parents, mais l’environnement social où l’on a grandi qui détermine le sentiment d’être de quelque part. Le «quelque part» lui-même importe peu. C’est une affaire privée, comme l’amour, que personne n’a la possibilité ni le droit de prescrire.

    Tout être qui dispose d’un cœur humain sait cela. Seuls ceux que l’amour du pouvoir a conduits à remplacer ce sentiment par des paragraphes législatifs l’oublieront. Pour ceux-là, l’humanité et l’éthique ne pèsent rien en regard des règlements. « Le droit doit rester le droit. Aucun gouvernement ne peut accepter de faire une entorse à la loi », déclarait encore le 13 janvier dernier, Werner Feymann, le Chancelier fédéral (social-démocrate). N’oublions cependant pas que c’est en vertu de ce principe que des politiciens et des fonctionnaires ont envoyé des millions de gens (enfants compris) dans des camps de concentrationou des goulags.

    Les larmes de crocodile des puissants

    Ne vous laissez pas prendre aux larmes de crocodiles des puissants. Tous ceux qui prétendent chercher une solution humaine à votre cas et qui se sont prononcés en faveur de votre droit à rester ici vous conseillent maintenant de partir de votre plein gré, le Président Heinz Fischer en tête. Certes lui, socialiste convaincu et la plus haute instance morale du pays, demandait encore à Noël dernier, de « prendre des décisions permettant à cette jeune femme de ne pas être expulsée.» Prière qu’il a même réitérée quelques mois plus tard. Mais cette fois avec un petit ajout : qu’il ne s’opposerait pas à une décision de la Cour Constitutionnelle. Voulait-il ainsi donner le feu vert au jugement négatif que cette Cour allait prononcer sur votre cas, le 12 juin 2010 ? Quoi qu’il en soit, dès l’annonce de cette décision, le Président s’est hâté de déclarer qu’on devait respecter les décisions de la Cour Constitutionnelle. Même son de cloche chez le responsable de la justice au SPÖ (Parti social-démocrate), Hannes Jarolim, tandis que la Présidente du Conseil national (chambre basse du Parlement), Barbara Prammer, également membre du parti, ajoutait : «  Ce serait une bonne chose qu’elle revienne en Autriche avec un large soutien.»

    Cette proposition ne se distingue en rien de ce que vous a conseillé Maria Fekter, la Ministre de l’Intérieur (aile droite de l’ÖVP, Parti populaire, démocrate-chrétien). Elle aussi fait preuve de compréhension à votre égard. « La dimension humaine de ce cas ne m’échappe pas », a-t-elle dit, pleine de compassion - pour souligner ensuite brutalement : « mais j’appliquerai les décisions de la Cour Constitutionnelle.» Quand ? Ce n’est pas encore décidé. Hans-Christian Strache, le Président du parti d’extrême-droite FPÖ (Parti « libéral »), et le Secrétaire général de la BZÖ (Alliance pour le futur de l’Autriche, scission du FPÖ), Christian Ebner, demandent votre expulsion immédiate. Pour l’instant Maria Fekter se tait, mais un porte-parole du ministère a fait savoir que cela ne devrait pas tarder. La SPÖ le regrettera, mais elle sera soulagée que vous ayiez quitté le pays. C’est que vous êtes une épine dans le pied de la coalition SPÖ-ÖVP , et son partage doudouteux du pouvoir ; elle a autre chose à faire que de se préoccuper des destins individuels. Ce n’est pas pour rien que Staline disait : « Un homme- un problème. Plus d’homme- plus de problème ! »

    Le maquignonnage

    Bien sûr on y met les formes. Le mieux étant que vous soyiez d’accord. Si vous acceptez leur proposition : quitter l’Autriche de votre plein gré, le gouvernement doudouteux s’en tire blanc comme neige. Il pourra ainsi montrer au monde entier qu’il a respecté non seulement la légalité, mais encore l’humanité. Rentrez seulement au pays où vous êtes née, mais où vous n’avez ni foyer, ni possibilité de mener une vie digne, et vous aurez une seconde chance -légale- de réintégrer votre véritable patrie, l’Autriche. Par exemple comme touriste, ou comme étudiante, voire (travailleuse) saisonnière ou aide à la personne, et si vous tenez à rester en Autriche, épousez donc un citoyen autrichien.

    C’est la proposition que vous a faite Madame la Ministre Fekter le 16 juin dernier et le célèbre animateur Alfons Haider vous a même fait publiquement une demande en mariage le jour même au cours du débat télévisé « Am Punkt» sur la chaîne ATV.On trouve toujours une solution, si l’on accepte les compromis. Vous aurez une chance de pouvoir rentrer légalement en Autriche, peut-être d’y rester et même éventuellement d’obtenir votre naturalisation. Quant au gouvernement, il sera débarrassé de vous, conservera un pouvoir discrétionnaire (?) sur votre entrée et votre séjour dans cotre véritable patrie et disposera d’une jurisprudence qui lui permettra de chasser d’Autriche des centaines d’autres Arigona au destin semblable au vôtre. Qui donc sera le gagnant et qui sera le perdant dans ce maquignonnage que vous offre le gouvernement ?

    « Une honte qui crie à la face du ciel»

    L’offre que vous a faite le gouvernement vous place dans la situation des personnages du célèbre dessin du caricaturiste Dusan Petricic, qui représente deux joueurs d’échecs avec sur la table des pièces d’échecs pour l’un et un revolver pour l’autre. Votre vieux protecteur, le curé Josef  Friedl, semble l’avoir bien compris aussi. Est-ce pour cette raison que lui aussi vous a conseillé le 15 juin de quitter le pays de votre plein gré ? Il n’est pas exclu qu’il subisse des pressions politiques, dans la mesure où, selon ses propres dires, Wilhelm Molterer, chargé de relations avec la presse à l’ÖVP l’a appelé de la part du Secrétaire général de l’ÖVP, Hannes Missethon et lui a demandé s’il pouvait résoudre le conflit politique déclenché par votre séjour et vous abriter chez lui.

    Le prompt démenti apporté par l’ÖVP à cette affirmation montre à quel point votre cas atteint ce parti non seulement au plan moral, mais au plan politique. Mais si vous cédiez à ces pressions, ce serait précisément ce que Friedl appelait lui-même dans une interview accordée le 23 décembre 2008 à l’hebdomadaire viennois « Falter », « une honte qui crie à la face du ciel».

    Eh bien, si vous acceptiez la proposition du gouvernement, cette même honte retomberait aussi sur vous. Vous encourageriez les deux partis au pouvoir à poursuivre et aggraver leurs violations des droits humains sous le couvert de lois inhumaines. On ne peut attendre autre chose de ces deux partis qui depuis longtemps ont trahi respectivement les principes.humanistes du socialisme et les valeurs chrétiennes. Tout à fait consciemment et avec cette bonne dose de sadisme à l’égard du plus faible si caractéristique des puissants, ils œuvrent à une société à deux vitesses. L’une pour les stars du monde de la culture, du sport ou du show biz, sans parler des hommes d’affaires, et une autre pour les simples mortels. Pour les premiers on contourne la loi sans problème et on les naturalise à grand renfort de médias.

    Aux autres on applique la loi dans toute sa rigueur et sans aucun égard pour les aspects humains. Non seulement les journaux autrichiens, mais le plus grand quotidien slovène, « Delo » du 19 juin s’en sont fait l’écho. Si au moins vous étiez Ailsar Alibuni, « le prochain top model d’Allemagne », les puissants vous traiteraient comme elle, qui, ainsi que l’écrivait le 13 juin le quotidien « Österreich », était elle aussi entrée illégalement en Autriche, on oublierait sûrement ce « petit détail » et on vous appellerait « notre compatriote de Haute-Autriche ». Malheureusement vous n’êtes qu’une simplelycéenne, qui a eu la malchance d’être emmenée illégalement en Autriche quand elle était enfant et d’y grandir, qui est devenue un membre de cette société mais à qui l’État applique des mesures de punition collective. Comme dans l’Allemagne nazie, comme en Union soviétique, dans la Chine de Mao ou en Corée du Nord, où tous les membres de la famille, enfants inclus, devaient payer pour les péchés du père - et continuent à le faire.

    « Heinz, fais quelque chose ! »

    Accepter le maquignonnage que vous propose le gouvernement ne serait rien d’autre qu’accepter d’être expulsée en douceur. Certes il vous serait théoriquement possible de rentrer légalement en Autriche, mais on vous aurait dépouillée de votre véritable patrie. Si en revanche vous osiez vous opposer aux puissants, vous risqueriez d’être expulsée par la force (vulgairement : déportée). Mais tout l’arbitraire d’un système inhumain éclaterait ainsi aux yeux du monde entier, et plus crûment encore que dans le cas du Nigérian Marcus Ofuma, qui le 1er mai 1999 a succombé aux brutalités policières lors de son expulsion forcée. Le drame d’une enfant intégrée dans ce pays est plus émouvant que la tragédie d’un réfugié africain adulte, et les médias ne manqueront pas d’en faire grand bruit. N’oublions pas que le journal le plus lu en Autriche, le « Kronen Zeitung » a plaidé de manière surprenante pour que vous restiez, peu avant la mort de son directeur de l’époque, Hans Dichand, tristement connu pour sa xénophobie.

    Pour les autorités cette situation ne sera rien moins qu’agréable. Une partie de l’opinion publique autrichienne est indignée de leur attitude à votre égard. Les Verts ont lancé une pétition pour demander que vous puissiez rester ici et c’est le seul parti présent au Parlement qui vous défende. À l’appel d’ « Asyl-in Not »29 organisations ont appelé à manifester le 18 juin contre la décision de la Cour constitutionnelle vous concernant. Certes, il n’y a eu que 250 manifestants et la presse en a à peine parlé, mais cela prouve qu’il y a dans votre pays des forces qui vous soutiennent. Dans son appel l’organisation « Asyl-in-Not » a fait remarquer qu’« en début d’année une chasse aux sorcières dirigée contre Arigona par des éléments sexistes et racistes avait précédé cet acte de justice politisée ».

    Des dissensions apparaissent déjà au sein du SPÖ à ce sujet. Franz Voves, gouverneur du land de Styrie a qualifié d’ « inhumaine » votre expulsion et celle de votre famille. Les Jeunesses socialistes ont participé à l’organisation de la manifestation viennoise et leur Président, Wofgang Moitzi, juge  «  honteuse et indigne» la décision de la Cour Constitutionnelle. L’évêque catholique de Linz, Ludwig Schwarz, a demandé dans le Kirchenzeitung der Diözese Linz (Journal ecclésial du diocèse de Linz , Ndlt)de « préférer la clémence au droit » et l’évêque protestant luthérien, Michael Bunker, ainsi que le superintendant du land, Thomas Hennefeld, a demandé une nouvelle fois, le 15 juin dernier, de prévoir un droit de séjour pour ces « personnes bien intégrées qui vivent depuis des années en Autriche » et rappelé les paroles du Président Heinz Fischer selon lesquelles le droit ne doit pas entrer en contradiction avec l’humanité. « Heinz, fais quelque chose ! », disait la pancarte que le porte-parole du KPÖ (Parti communiste autrichien, Ndlt) Didi Zach et le prochain Conseiller communiste de district, Wolf Jurjans, ont plantée devant le palais présidentiel.

    Lève-toi et lutte !

    « Heinz » fera-t-il quelque chose ? On peut en douter. D’autres institutions qui militent pour un revirement moral de la société feront-elles entendre leur voix? On peut aussi en douter. À quelques exceptions près la hiérarchie catholique se tait. Les autres confessions religieuses également, sauf les luthériens. Et les intellectuels font de même. On attend toujours que les écrivains, artistes, professeurs d’université, enseignants du premier et second degré, pédagogues de renom et psychologues se mobilisent pour que vous restiez en Autriche.

    Malheureusement leurs organisations n’ont pas lancé de pétition, pas pris de position collective, pas protesté - rien. Mais les voix de l’extrême-droite, elles, se font d’autant mieux entendre, et leur effet dévastateur se fait déjà sentir. Les habitants de Frankenburg, où vous vivez, et qui vous soutenaient encore massivement en 2007, se sont maintenant, pour la majorité, détournés de vous. Les temps sont malheureusement plus difficiles désormais et à une époque où les perspectives d’avenir s’assombrissent, l’opinion publique est plus sensible aux sirènes de l’extrême-droite. En un tournemain la sympathie qu’on éprouve pour quelqu’un ou quelque chose peut se transformer en une haine aveugle. Surtout dans les zones rurales.

    Ne perdez pourtant pas courage. On ne vous sert pas la patrie sur un plateau d’argent, il faut la conquérir de haute lutte. Le temps des larmes et des menaces de suicide est révolu. N’ayez pas une attitude victimaire et surtout ne vous laissez pas convaincre de quitter l’Autriche. Le faire signerait votre arrêt de mort, au plan personnel et moral. Et la meilleure défense, c’est l’attaque. Contactez les personnes et les organisations qui vous soutiennent, parlez, écrivez, organisez avec elles la résistance et tenez bon, même si on vous exile hors d’Autriche. En exil on peut continuer le combat. Courage, levez-vous et luttez ! Et n’oubliez pas : si vous obtenez le droit de rester dans ce pays (et c’est mon souhait le plus cher), votre lutte n’est pas finie pour autant. Il y a tant d’autres Arigona dans ce pays (le vôtre). Ne l’oubliez jamais. Et n’oubliez pas non plus que vous aurez toujours des soutiens dans ce combat.AmicalementVladislav Marjanović


    Source :  Bleiben Sie hier, Arigona!

    Article original publié le 24/6/2010

    Sur l’auteur

    Tlaxcala
     est le réseau international de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, la traductrice, l'éditeur et la source.

    URL de cet article sur Tlaxcala :
    http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=10860&lg=fr


    votre commentaire
  • Pays-Bas : Les pro-immigration durcissent le ton

     

    Incendies, menaces personnelles, actes de vandalisme, les actions contre la politique migratoire néerlandaise s’intensifient et se durcissent. Selon les renseignements généraux, deux organisations qualifiées d’«extrémistes» dominent la lutte, mais les actions les plus violentes sont souvent revendiquées par des groupuscules.

     

     

    Août 2009 : après un avertissement sur Internet, un bâtiment situé à côté de l’aéroport de Zestienhoven est incendié. Il s’agit d’une baraque de chantier des entreprises qui sont en train de construire un grand centre de rétention (320 cellules, prévues pour 576 détenus) pour les étrangers en situation irrégulière. Un peu plus tard, le même jour, The Anarchist Fire, un groupuscule d’activistes anonymes, revendique l’action. Incendies criminels, intimidations, menaces, etc. Depuis quelques années, la résistance à la politique néerlandaise en matière d’asile et à l’égard des étrangers augmente, comme le constate l’AIVD, le service des renseignements généraux et de la sécurité.

    David van Ballegooijen, en a fait l’expérience. Le 20 février 2007, il a un choc en quittant sa maison à Zeist. La façade était couverte de peinture rouge. Il pense d’abord à un acte de vandalisme jusqu’à ce qu’il reçoive un courriel anonyme : «Du sang sur tes mains, des taches de sang au mur (…) Ceci est un avertissement (…) Plus personne ne restera anonyme en collaborant avec la politique inhumaine à l’égard des réfugiés.» Van Ballegooijen comprend vite : en tant qu’élu et président local de son parti chrétien, il a voté pour l’extension du centre de rétention pour étrangers en situation irrégulière de Kamp Zeist. «Si les gens ne sont pas d’accord avec les décisions politiques, je les invite à sonner à ma porte pendant la journée», dit-il. «Jeter une bombe à peinture en pleine nuit, c’est lâche.» La même nuit, le groupe d’action a rendu visite à cinq autres présidents de groupes parlementaires. C’est chez Karst Schuring, du Parti travailliste, que le coup a été le plus dur. Le sac rempli de peinture a atterri dans la chambre de sa fille.

    Des dizaines d’entreprises visées

    Le 9 février dernier, l’architecte du centre de rétention de Zestienhoven constate que sa maison et sa voiture sont maculées de peinture rouge. Suit un courriel menaçant du groupe d’action Betonrot (corrosion du béton) : «En remerciement de ton projet du nouveau centre de rétention de Zestienhoven et de tes contributions précédentes au complexe industriel pénitentiaire. C’est un avertissement (…) Arrêtez de vous enrichir avec la politique migratoire barbare de la Forteresse Europe !»

    Les renseignements généraux néerlandais estiment que le nombre d’activités illégales et de menaces va s’accroître, d’autant que les Pays-Bas construisent de plus en plus de centres de rétention. Sur Internet, un document de 27 pages listant les instances concernées circule sous le titre «Au pilori !» On y trouve les bureaux du service de l’immigration et de la naturalisation (IND), l’entreprise chargée de la transformation du bateau-prison de Dordrecht, le fournisseur des ascenseurs du nouveau complexe de Zestienhoven. Mais aussi l’entreprise de ramassage des ordures des navires de rétention de Zaandam, les agences d’intérim qui recrutent du personnel pour les centres de rétention et les entreprises qui fournissent les colis de Noël pour l’IND. Le site Internet «À bas la machine de déportation», créé l’an dernier, donnait même toutes sortes d’informations d’ordre privé. Y était notamment mentionné le club de judo dont était membre le jeune fils du directeur d’un centre de rétention.

    Le choix de l’activisme en toute légalité

    Les renseignements généraux (l’AIVD) écrivent dans leur rapport que la «résistance illégale est déterminée par deux organisations», Arrêtez les déportations (WSD) et le Groupe anarchiste anti-déportation d’Utrecht (Aagu). Basées à Utrecht, elles mènent des actions légales et illégales, dont certaines ont entraîné des amendes, des peines alternatives ou des peines de prison. Mais il ne s’agit pas d’actions intimidantes et menaçantes. Ces dernières sont revendiquées par des groupuscules tels que Grenzen Weg (Supprimons les frontières), Geen Bloed Aan Mijn Handen (Pas de sang sur mes mains), Gebroken Gla(n)s (Verre/éclat brisé), et Anarchist Fire.

    «Nous estimons que l’immigration a une cause. Comme nous sommes très riches, les pauvres viennent chez nous, c’est logique, explique Mikkie Venema, 47 ans, une militante de l’Aagu. Nous nous opposons à la politique actuelle en matière d’immigration. Nous le faisons par des actions ouvertes et directes, mais sans violence vis-à-vis des personnes. Il faut parfois faire des choses qui dérangent les gens. Nous avons occupé deux fois un bureau de l’IND et nous sommes montés sur le toit de Kamp Zeist. L’AIVD nous confond avec les gens qui jettent des bombes de peintures artisanales. C’est absurde. Nous ne faisons pas peur aux gens. Mais je peux comprendre qu’on mette le feu à une baraque de chantier près du centre de rétention de l’aéroport de Zestienhoven. Des gens qui habitent et travaillent aux Pays-Bas depuis 21 ans sont expulsés. Des hommes qui ont été enfermés jusqu’à huit fois et qui font la grève de la faim pendant des mois. Lorsqu’on entend cela, on se sent impuissant.»

    Source ici

    Leur presse (Bart Zuidervaart, Trouw), 3 novembre 2009.

    votre commentaire
  • Un avatar urbain de l’opération Green Hunt*


    AUTEUR:  Arundhati ROY अरुणधती राय

    Traduit par  Fausto Giudice


    Alors que le gouvernement indien envisage de déployer l'armée de terre et l’aviation pour mater la rébellion dans les campagnes, il se passe des drôles de choses  dans les villes.

    Le 2 Juin le Comité pour la protection des droits démocratiques (CPDR) a tenu une réunion publique à Mumbai. Les principaux intervenants étaient Gautam Navlakha, conseiller de la rédaction de l'Economic and Political Weekly et moi-même. La presse y était en force. La réunion a duré plus de trois heures. Elle a été largement couverte par la presse écrite et télévision. Le 3 Juin, plusieurs journaux, chaînes de télévision et portails de nouvelles en ligne, comme Rediff.com, ont rendu compte de l'événement de manière plutôt correcte. Le Times of India (édition de Mumbai) a publié un article intitulé : «Nous avons besoin d'une idée qui ne soit ni de gauche ni de droite», et l'article du Hindu était intitulé : "Peut-on laisser la bauxite dans la montagne?" L'enregistrement de la réunion est disponible sur YouTube. [Voir les vidéos].


    L'auteure au meeting de Mumbai
     


    Le lendemain du meeting, l'agence Press Trust of India (PTI) a diffusé un compte-rendu éhonté de mes propos. La dépêche de PTI a d'abord été publiée en ligne par l'Indian Express le 3 Juin 2010 à 13 h 35. Titre : "Arundhati soutient les maoïstes et met les autorités au défi de l'arrêter." Voici quelques extraits:

    « L’auteure Arundhati Roy a justifié la résistance armée des maoïstes et a mis les autorités au défi de l’arrêter pour son soutien à leur cause pour soutenir leur cause » - «Le mouvement naxalite ne peut être rien d’autre que la lutte armée. Je ne suis pas en train de soutenir la violence. Mais je suis également totalement opposée à une analyse politique méprisante basée sur des atrocités. » (?)
    « Le mouvement armé est nécessaire. La voie gandhienne a besoin d'un public, qui est absent ici. Les gens ont débattu longtemps avant de choisir cette forme de lutte », Roy, qui avait salué « les gens de Dantewada » après que 76 policiers ont été fauchés par les maoïstes dans l’ attaque la plus meurtrière contre les forces de sécurité. «Je suis de ce côté de la ligne. Je m’en fiche ... ‘Prenez-moi et mettez-moi en prison’, a-t-elle affirmé. »

    Permettez-moi de commencer par la fin du compte-rendu. La suggestion que j’ai salué "les gens de Dantewada" après que les maoïstes avaient tué 76 membres de la Force centrale de réserve de Police  (CRPF) est de la diffamation pure et simple. J'ai clairement fait savoir dans une interview sur CNN-IBN que je considérais la mort des hommes de la CRPF comme tragique, et que je pensais qu'ils étaient des pions dans une guerre des riches contre les pauvres. Ce que j'ai dit au meeting de Mumbai, c'est que je méprisais l'industrie de la condamnation creuse créée par les médias et que, au fur et à mesure que la guerre continuait et que la spirale de la violence montait, il devenait impossible de tirer une quelconque morale des atrocités commises par les deux côtés, si bien qu’une analyse fondée sur les atrocités était un exercice futile.

    J'ai dit que je n'étais pas là pour défendre la mise à mort des gens ordinaires par qui que ce soit, ni les maoïstes, ni le gouvernement, et qu'il était important de se demander ce que la CRPF faisait avec 27 AK-47, 38 INSAS, 7 fusils semi-automatiques, 6 mitraillettes légères, un fusil Sten et un mortier de deux pouces dans des villages tribaux. S’ils étaient là pour faire la guerre, alors se faire forcer la main pour condamner le meurtre des hommes de la CRPF par les maoïstes signifiait se ranger aux côtés du gouvernement dans une guerre avec laquelle beaucoup d'entre nous n'étaient pas d'accord.

    Le reste du compte-rendu de PTI était un fatras malveillant et  idiot sur ce qui s'est dit au meeting. Mon point de vue sur les maoïstes est clair. J'ai écrit longuement à leur sujet. Lors du meeting, j'ai dit que la résistance du peuple contre l’accaparement de terres par les entreprises constituait un éventail de mouvements avec diverses idéologies, dont les maoïstes étaient la partie la plus militante. J'ai dit que le gouvernement étiquetait chaque mouvement de résistance, chaque militant,  comme «maoïste» afin de justifier la manière répressive et militaire dont il les traite. J'ai dit que le gouvernement a élargi le sens du mot «maoïste» pour y inclure tous ceux qui n'étaient pas d'accord avec lui, toute personne qui ose parler de justice.

    J'ai appelé l'attention sur les gens de Kalinganagar et Jagatsinghpur qui menaient des manifestations pacifiques, mais vivaient en état de siège, encerclés par des centaines de policiers armés, qui les matraquent et leur tirent dessus. J'ai dit que la population locale a longuement réfléchi avant de décider quelle stratégie de résistance adopter. J'ai parlé du fait que les gens qui vivent dans des villages au cœur de la forêt  ne pouvaient pas recourir à des formes de protestation gandhienne parce que la satyagraha pacifique est une forme de théâtre politique que, pour être efficace, a besoin d'un public sympathique, ce qu’ ils n'avaient pas. J'ai demandé comment les gens qui étaient déjà affamés pouvaient se mettre en grèves de la faim. Je n'ai certainement jamais dit quelque chose comme : « Le mouvement armé est nécessaire. » (Je ne suis pas sûre de ce que cela signifie.)

    J’ai continué en disant que tous les divers mouvements de résistance aujourd'hui, indépendamment de leurs différences, ont compris qu'ils faisaient face à un ennemi commun, qu’ils étaient tous du même côté de la ligne, et que j’étais avec eux. Mais de ce côté de la ligne, au lieu de poser des questions seulement au  gouvernement, nous devrions nous poser quelques questions à nous-mêmes. Voici mes mots exacts:

    « Je pense qu'il est beaucoup plus intéressant d'interroger la résistance à laquelle nous appartenons, je suis de ce côté de la ligne. Je suis très claire à ce sujet. Je m’en fiche, prenez-moi, mettez-moi en prison. Je suis de ce côté de la ligne. Mais de ce côté de la ligne, nous devons nous retourner et poser des  questions à nos camarades. »

    J’ai alors dit qu’alors que les méthodes gandhiennes de résistance ne démontraient pas leur efficacité, les mouvements gandhiens comme le Narmada Bachao Andolan avaient une vision radicale et révolutionnaire du «développement» et alors que les méthodes maoïstes de la résistance étaient efficaces, je me demandais s’ils avaient pensé au  genre de «développement» qu'ils voulaient. En dehors du fait qu'ils étaient contre les ventes du gouvernement à des sociétés privées, leur politique minière était-elle très différente de celle de l'État? Laisseraient-ils la bauxite dans la montagne – ce qui est ce que veulent les gens qui constituent leur base -, ou laisseraient-ils l’exploiter une fois  arrivés au pouvoir?

     J'ai lu le poème de Pablo Neruda, "Standard Oil Company"   qui nous parle de cette vieille bataille.

    Le journaliste de PTI qui avait pris soin de prendre la permission des organisateurs d'enregistrer ne peut pas prétendre que sa version est une question d '«interprétation». Il  s’agit d’une falsification flagrante. Curieusement ce compte-rendu vieux d’un jour a été publié par plusieurs journaux dans plusieurs langues et diffusé par des chaînes de télévision le 4 Juin, dont de nombreux journalistes avaient déjà couvert l'événement avec exactitude le jour précédent et étaient évidemment au fait de ce que le compte-rendu était faux. L’ Economic Times  a écrit: «Arundhati Roy, assoiffée de publicité, veut être Aung San Su Kyi ». Je suis curieux : pourquoi les journaux et les chaînes de télévision publient-ils la même info deux fois, une fois correctement et une fois de manière erronée ?

    Le même soir (4 Juin), vers sept heures, deux hommes à moto sont arrivés devant à mon domicile à New Delhi et a commencé à jeter des pierres sur la fenêtre. Une pierre a failli atteindre un petit enfant jouant dans la rue. Des gens en colère se sont assemblés et les hommes se sont enfuis. Dans les minutes qui ont suivi, une Tata Indica est arrivée avec un homme prétendant être un journaliste de Zee TV. Il a demandé si c'était la «maison d'Arundhati Roy» et s'il y avait eu des ennuis. De toute évidence il s’agissait d’une mise en scène de «colère populaire» pour alimenter nos chaînes de télévision, qui sont de vrais barracudas. Heureusement pour moi, ce soir-là leur scénario a mal tourné.

    Mais il y a eu plus. Le 5 Juin le Dainik Bhaskar à Raipur effectué un élément de nouvelles " Himmat ho to AC kamra chhod kar jungle aaye Arundhati " (Si elle a le courage Arundhati doit quitter sa chambre climatisées et venir dans la jungle), dans laquelle Vishwaranjan, le directeur général de La police du Chhattisgarh m'a mis au défi de faire face à la police en rejoignant les maoïstes dans la forêt. Imaginez ça :  le DGP et moi, d’homme à homme. Pour ne pas être en reste, un chef de file du Bharatiya Janata Party de Chhattisgarh, Mme Poonam Chaturvedi a annoncé à la presse que je devrais être abattue à un carrefour, et que tous traîtres dans mon genre devraient être condamnés à mort. (Peut-être que quelqu'un devrait lui dire que ce genre d'incitation directe à la violence est une infraction au Code pénal indien).  Mahendra Karma, chef de la meurtrière milice « populaire » Salwa Judum , qui est coupable d'innombrables actes de viol et d'assassinat, a exigé une action en justice contre moi. Le mardi 8, le quotidien hindi Nayi Duniya signalé que les plaintes ont été déposées contre moi dans deux différents postes de police dans le Chhattisgarh, à Bhata Pada et Teli Bandha, par des particuliers s'opposant à mon « soutien déclaré aux maoïstes ».

     Est-ce ce que services de renseignement militaire appellent des psyops (opérations psychologiques)? Ou est-ce l'avatar urbain de l'opération Green Hunt? Dans lequel une agence de presse  gouvernementale aide le ministère de l’Intérieur  à constituer un dossier sur ceux qu'elle souhaite éliminer, inventant des preuves quand il ne peut pas en trouver ? Ou est-ce que PTI essaye de livrer les plus connus d'entre nous au lynchage de sorte que le gouvernement n'ait pas à risquer sa réputation internationale en nous arrêtant ou en nous éliminant?

    Ou est-ce juste une façon de forcer une polarisation grossière, un ridicule nivellement par le bas du débat : si tu n'es pas avec "nous", tu es un maoïste? Et pas seulement un maoïste, mais un maoïste bête, arrogant et gueulard. Quoi qu'il en soit, c'est dangereux, et éhonté, mais ça n’est pas nouveau. Demandez à n'importe quel Cachemiri, ou toute jeune musulman qui a été détenu comme «terroriste», sans aucune autre preuve que des compte-rendus infondés de médias. Demandez à Mohammed Afzal, condamné à mort pour «satisfaire la conscience collective de la société.»

    Maintenant que l'opération Green Hunt a commencé à frapper aux portes de gens comme moi, imaginez ce qui arrive à des militants et des travailleurs politiques qui ne sont pas bien connus. Aux  centaines de personnes emprisonnées, torturées et éliminées. Le 26 juin est le trente-cinquième anniversaire de l’instauration de l'état d’urgence. Peut-être le peuple indien devrait-il déclarer (parce que le gouvernement ne le fera certainement pas) que ce pays est en état d'urgence. (À la réflexion, a-t-il jamais été levé?) Cette fois, la censure n'est pas le seul problème. La fabrication de nouvelles en est un encore plus grave.

    *Operation Green Hunt (Opération Chasse verte) : nom par lequel les médias indiens désignent la vaste opération paramilitaire déclenchée par le gouvernement indien en novembre 2009 dans les cinq États du « corridor rouge » où est implantée la guérilla maoïste [NdT].


    Source : The Dawn-Operation Green Hunt's Urban Avatar

    Article original publié le 12/6/2010

    Sur l’auteure 

     Tlaxcala est le réseau international de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteure, le traducteur et la source.

    URL de cet article sur Tlaxcala :
    http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=10810&lg=fr

    votre commentaire
  • Le G8 et la gouvernance planétaire : Le Yalta des ressources des pauvres

    Chems Eddine CHITOUR
    « Si tu ne peux pas distribuer de la nourriture, distribue au moins des bonnes paroles »
    Proverbe africain

    Ce proverbe s’applique comme un gant à la méthode du G8 en face de l’Afrique. En effet, les pays les plus industrialisés du Monde, le G8, se sont d’abord retrouvés seuls au Sommet du Canada, ensuite ils ont élargi le sommet au G20 et ils ont accordé quelques instants aux pays africains qu’ils encouragent à persévérer dans les réformes, c’est-à -dire une ouverture débridée de leurs marchés, distribuant ça et là des satisfecits et « des promesses qui n’engagent - comme le dit si bien l’ancien président français Jacques Chirac - que ceux qui y croient ». Promesses qui ne nourrissent pas le milliard d’hommes qui vit au-dessous du seuil de pauvreté.

    De quoi ont - ils parlé ? Est-ce du malheur des déshérités ? Des changements climatiques et des réfugiés économiques et climatiques ? Est-ce qu’ils ont parlé de la dénucléarisation du Monde ? Non ! ils ont parlé de la façon de continuer à gérer les ressources qu’ils n’ont pas et qui se trouvent « ailleurs ».

    Les Etats-Unis et l’Europe, rapporte une dépêche de l’Associated Press, sont notamment divisés sur la réduction des déficits. Malgré les appels américains à ne pas abandonner trop vite les mesures de soutien à l’économie, l’heure est à la rigueur budgétaire en Europe, ébranlée par la grave crise de la dette grecque. Les dirigeants du G20 sont également divisés sur la réforme de la régulation financière. En Europe, la priorité semble désormais la réduction des déficits après la crise grecque qui a ébranlé la confiance dans les finances d’autres pays de l’Union européenne et dans l’euro.

    « Sans croissance maintenant, les déficits augmenteront davantage et saperont la croissance future », ont également averti le secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner et le chef du Conseil national économique de la Maison- Blanche, Lawrence Summers, dans une tribune publiée mercredi dans le Wall Street Journal. Timothy Geithner a enfoncé le clou en appelant l’Europe à « faire le choix de mettre en oeuvre des réformes et des politiques susceptibles de déboucher sur des taux de croissance plus élevés à l’avenir ». (...) Avant même le début des discussions, les Etats-Unis ont enregistré deux succès, avec une décision des gouvernements européens visant à renforcer la confiance dans leurs banques par la mise en oeuvre de tests de résistance. (1)

    Washington n’a pas apprécié les récentes mesures d’austérité mises en place en Europe, notamment en Allemagne et en Grande-Bretagne. La semaine dernière, le président américain, Barack Obama a envoyé un courrier très officiel à l’ensemble des pays européens, pour les mettre en garde contre les risques d’une austérité précipitée. Les pistes à l’étude sont nombreuses. La taxe sur les banques, vient d’être acceptée par l’Allemagne, la Grande- Bretagne et la France réunies. Quant aux Etats-Unis, ils n’y sont, a priori, pas opposés, En tout état de cause, cette fois-ci ce sont les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) qui refusent, en effet, que leur système financier, qui a bien résisté à la crise, paie le prix de l’inconscience des autres Etats. Au final, il y a fort à parier pour qu’aucune mesure emblématique ne sorte de ce G20. Les engagements pourraient bien ressembler à quelque chose dans ce goût-là : « Les Etats s’engagent à faire en sorte que leurs banques se secourent d’elles-mêmes en cas de crise ! » (2)

    La Chine dit oui.

    On apprend que la Chine a répondu aux doléances américaines, à savoir, réévaluer le yuan ; la Banque centrale de Chine a décidé d’un cours pivot de 6,7896 yuans contre le dollar. Il est de ce fait au plus haut depuis cinq ans. Après une semaine de fluctuations du cours pivot du yuan, surveillées de près par Pékin, les experts confirment le changement de cap du navire économique chinois, même si l’impact à court terme reste limité. (...) Si l’appréciation se fera donc en douceur pour laisser aux entreprises le temps de s’adapter, les économistes s’attendent à une légère amputation du PIB sur le long terme. (...)

    Au final, souligne l’économiste Yann Moulier Boutang, « les entreprises à forte intensité de main-d’oeuvre ne pourront s’en sortir qu’en incorporant davantage de travail qualifié et en se spécialisant dans des produits qui ont une élasticité-prix de la demande faible ». En revanche, les sociétés étrangères implantées en Chine ou qui exportent vers la Chine devraient profiter de la hausse du pouvoir d’achat des ménages, notamment dans le secteur des produits de luxe, mais aussi dans le secteur automobile, high-tech et agroalimentaire. (...) Les pays d’Asie du sud-est seront enfin doublement avantagés par rapport à leur concurrent chinois : non seulement leurs exportations deviendront subitement moins chères, mais elles seront accélérées par la hausse de la demande chinoise .(3)

    Pour le site Attac, ce Sommet n’apportera rien, parce qu’il ne traite pas des vrais problèmes. Lisons le commentaire : « (...) Mais bien qu’ils portent une responsabilité écrasante dans la dérive du système économique international et dans la dérégulation des marchés financiers qui en est à l’origine, ce G20 s’annonce comme une nouvelle mascarade. Les derniers G20 ont abouti à des plans de relance et des aides massives aux systèmes financier et bancaire, sans qu’en contrepartie ceux-ci soient soumis à de nouvelles régulations. La récession et les plans de relance ont causé d’importants déficits publics, prétextes à de vastes plans de rigueur sociale qui imputeront la note aux salariés, retraités et chômeurs. Mais ils refusent en même temps toute proposition conséquente de taxation de la finance. Le sachant, les Européens proposent pour la galerie, de mettre à l’étude une taxe mondiale sur les transactions financières, demandée par de nombreuses organisations. Mais si les Européens veulent vraiment le faire, pourquoi ne pas le décider au niveau européen ? (...) »

    « Pour sauver la face, le communiqué final du G20 indique, dans sa version préliminaire qui a fuité, que le G20 veut combattre les causes de la crise financière... mais ne propose que la création d’un groupe d’experts sur la corruption financière. Même les paradis fiscaux et judiciaires semblent avoir disparu des discussions. Pire, les pays s’engagent à ouvrir encore davantage les marchés de biens et de services (dont les services financiers !) et à continuer d’éliminer les derniers instruments de protection dont disposent les gouvernements ou les régions vis-à-vis du tout marché. (...) Les gouvernements du G20 réaffirment leur foi dans le libre marché, pourtant au fondement de cette profonde crise structurelle. Comme des fidèles qui ne croient plus, ils psalmodient de vagues promesses de "reprise verte" et de "croissance mondiale durable" et réaffirment leur détermination à atteindre les Objectifs de développement du Millénaire, alors même qu’ils s’en éloignent année après année ».

    « Pour Attac, c’est le désarmement de la finance qui constitue l’urgence. Il passera, notamment par les mesures suivantes : la mise en place immédiate d’une taxe sur les transactions financières au plan mondial à un taux suffisant pour avoir un effet régulateur sur les marchés financiers et dégager les fonds nécessaires pour la lutte contre le réchauffement climatique et la pauvreté ; la suppression des paradis fiscaux ; des politiques de relance passant par le soutien des services publics et la reconversion écologique de l’économie, plutôt que par l’austérité et l’érosion des salaires et retraites ». (4)

    Que devient l’Afrique dans tout ça ? Les sept chefs d’Etat ou de gouvernement africains seront à Muskoka au « segment Afrique » du Sommet du G8, pour « un dialogue » avec leurs homologues des pays membres de cette institution sur les moyens de renforcer le « partenariat Afrique/G8, initié à l’occasion du lancement du Nepad en 2001 ». Le Nepad a été conçu comme un plan global pour sortir le continent de la pauvreté. Cet ambitieux plan de développement visait à attirer les investissements étrangers en contrepartie d’un engagement des Etats africains à une « bonne gouvernance », à la fois politique et économique. On dit que les pays du G8 encouragent les pays africains à persévérer. Pour rappel, toujours au Canada en 2002, les mêmes promesses ont été faites.

    Un écran de fumée

    En effet, comme l’écrivait à l’époque Marie Joannidis, « le Sommet du G8 à Kananaskis au Canada devait être celui de l’Afrique. (...) Présenté comme la réunion de la « dernière chance » pour les Africains, sollicités depuis un an pour préparer des projets susceptibles de réussir l’examen de passage des bailleurs de fonds, ce sommet a surtout été celui des promesses, qui devraient être tenues à condition que les pays du continent respectent la bonne gouvernance économique et politique. (...) Malgré les propos « optimistes » de leurs quatre représentants au sommet - les chefs d’Etat algérien, nigérian, sénégalais et sud-africain - ils ne peuvent que constater qu’ils ne bénéficieront que d’une partie - et sous condition - des nouveaux concours promis lors de la conférence sur le financement du développement à Monterrey au Mexique. (...) De cette façon, nous appuierons l’objectif du Nepad. Nous contribuerons ainsi à faire en sorte qu’aucun pays qui s’attache vraiment à lutter contre la pauvreté, à instaurer une bonne gouvernance et à engager des réformes économiques ne se voie refuser la chance de réaliser les Objectifs du Millénaire faute de moyens financiers... (5)

    Ce discours est le même que celui du Sommet de Dublin, de 2005 ; là encore le G8, comme l’a souligné le président Abdelaziz Bouteflika, avait promis une aide à l’Afrique de 25 milliards de dollars. A peine 7 milliards de dollars ont été difficilement consentis. Même discours, mêmes promesses en définitive, indifférence. Plus que jamais, à l’instar de la Chine, l’Afrique ne doit compter que sur elle-même.

    En fin de compte, le G 20 n’est qu’un écran de fumée. Tout au plus on peut parler d’un G11 (le G7 et le G4 du Bric). Le reste du Monde ne compte pas. Le G8 décide d’octroyer 5 milliards de dollars à la santé maternelle. Dans le même temps, des millions de femmes, d’enfants meurent de faim et du fait des violences collatérales d’un marché des armes évalué à 1200 milliards de dollars. Pour Jacques, Diouf il faut annuellement 50 milliards de dollars pour « contenir » la famine. L’APD promise moult fois n’est toujours pas au rendez vous. Sur les 50 milliards de dollars promis, à peine la moitié a été versée. Des pays comme la France ou l’Italie trainent les pieds mais donnent des leçons d’humanisme....

    « Lorsqu’on parle des hommes et des femmes politiques qui sont présentement réunis, on parle de monarques absolus. ( ...) Les politiques appliquées par ces gens sont incontestables. Ils décident pour tous ; du plus humble au plus riche. (...). Surtout que leurs politiques affectent des milliards d’êtres humains en en laissant beaucoup croupir dans la misère. En ce XXIe siècle, les riches ont réussi à établir leur société totalitaire où ils sont les seuls à décider ce qui est bon pour tous ; ce qui est bon pour tous est d’abord ce qui est bon pour eux. Et les décideurs politiques sont soit des riches qui ont été portés au pouvoir dans leur pays. (...) Au XXIe siècle, ils ont perfectionné leur stratégie, ils ont réussi à établir leur pouvoir pour l’éternité. »(6)

    On ne parle plus d’environnement, de taxe carbone, de GIEC ou de changement climatique alors que la crise financière est derrière eux. Il serait intéressant de connaître le bilan carbone du Sommet du G20 qui a vu le gouvernement canadien dépenser en fastes, sécurité et autres frais de bouche, 1 milliard de dollars pour trois jours, dans le même temps ces pays qui totalisent 90% des 60.000 milliards de dollars ne peuvent pas mettre 50 milliards pour éradiquer la faim.

    Camille Loty Mallebranche résume magistralement cet état du Monde Comme à Babel - la tour mythique de l’échec par la confusion et l’incommunication - l’érection d’un monde selon l’arrogance d’une catégorie humaine pour dominer autrui, plutôt que la communication pour l’élévation commune, n’atteindra point le ciel de l’humanité fraternelle mais échouera toujours fatalement dans les pires malentendus, les plus injustes clivages sociaux et le choc des alterhumanités . Babel est le sens perdu en route quand l’homme cesse d’être la fin de l’action politique. La politique internationale avec la dictature financière des banquiers, l’imposture dénucléariste imposée à certains Etats en épargnant d’autres, nous place devant l’imbroglio d’une logique de la force qui nous ramène au monde selon Bismarck où c’était entendu que la diplomatie fût l’expression hypocrite de la force menaçant bellicistement les plus faibles et où le gros bâton prédominait dans les relations interétatiques. La bête ogresse et dévorante exprimait sa position par le vieil apophtegme : « La force prime le droit. »  »

    « Babel évoque la frénésie dominatrice et la posture conquérante qui passe nécessairement par la violence inquisitrice et exterminatrice. Là où il fallait partager le savoir et les acquis avec l’autre et ainsi rendre plus forte l’humanité commune, des hommes se sont cachés derrière l’identité comme une claustration substantialisée, une tour matérialisée pour se distancier en vue d’assujettir d’autres humains afin de les réifier et les utiliser.... Babel est aussi la métaphore de l’incomplétude de toute entreprise humaine où prédomine l’orgueil dédaigneux de l’humain, où quelques-uns veulent se déifier par la supériorité technique ou technologique.

    Le Christ disait, « à quoi sert-il à un homme de conquérir le monde, s’il doit y perdre son être ! ». En transposant cela en politique, posons la question : à quoi rime la gloire des faiseurs d’empire, si tout le contenu de l’écoumène devenu leur butin par la violence, les déshumanise et les fait monstres qui expédient ad patres l’humanité, l’écosystème et leur propre avenir dont ils amorcent fatalement l’effritement ? » (7)

    Non ! le Monde ne va pas bien ! Un monde où la détresse des faibles ne compte pas ? Où la valeur d’une personne comme c’est le cas, est indexée sur sa valeur marchande, sur son compte en banque. Ce monde-là est voué à la ruine. Au risque d’être un naïf invétéré, je veux croire en un monde meilleur. La mondialisation-laminoir et le néolibéralisme carnassier sont un cauchemar dont il faut se réveiller. Les défis qui attendent la terre ne sont pas ceux des individus ou de groupes d’individus. Ils frapperont indifféremment les forts comme les faibles. La fin du pétrole et les changements climatiques de plus en plus erratiques et qui ne semblent pas ou plus intéresser les grandes puissances. C’est une erreur.

    Chems Eddine CHITOUR
    Ecole Polytechnique enp.edu.dz

    1. Les déficits budgétaires au menu du G20 à Toronto Nouvelobs.com avec AP 25.06.2010

    2. Julie de la Brosse : Les trois matchs du G20 L’Expansion.Com 25/06/2010

    3. Hélène Duvigneau : Yuan flexible, les vraies conséquences pour la Chine 25/06/2010

    4. Attac France, G20 : Pas de plans de rigueur prév us pour la finance 25 juin 2010 http://www.france.attac.org/spip.ph...

    5. Marie Joannidis G8- Nepad http: //www.rfi.fr/fichiers/mfi/economiedevelo ppement/614.asp

    6. Les membres du G20 : Des monarques absolus- site bellaciao.org.fr25 juin 2010

    7. Camille Loty Mallebranche . Babel ou le sens rompu et perdu dans la civilisation. Site Oulala.net 24 juin 2010

    URL de cet article
    http://www.legrandsoir.info/Le-G8-et-la-gouvernance-planetaire-Le-Yalta-des-ressources-des-pauvres.html

    votre commentaire

  • Dans l’est de l’ Inde, des protestataires se battent contre le géant minier Arcelor Mittal


    AUTEUR:  Moushumi Basu मौशमी बासु মৌসুমি বসু

    Traduit par  Isabelle Rousselot. Édité par Fausto Giudice


     

    Dans les terres rurales et tribales de l'Inde orientale, des manifestants sont en guerre contre le géant mondial de la sidérurgie, Arcelor Mittal. " Nous sommes prêts à sacrifier nos vies, mais pas à céder un pouce de nos terres", crient les villageois. "La forêt, les rivières et la terre sont à nous. Nous ne voulons pas d'usines, ni d'acier ni de fer. Arcelor Mittal, va-t-en."

    Arcelor Mittal se considère comme "le N°1 mondial  de la sidérurgie " et ses revenus en 2006 s'élèvaient à 88,6 milliards de dollars. Opérant dans plus de 60 pays, il " a dirigé la consolidation de l'industrie sidérurgique mondiale et figure aujourd'hui comme le seul vrai aciériste d’envergure mondiale", d'après son site Internet.

    C'est ici, dans les États riches en minerais du Jharkhand et d'Orissa qu'Arcelor Mittal envisage d'investir 201 milliards de dollars pour établir sa "présence indienne" avec deux usines capables de produire 12 millions de tonnes d'acier par an. Mais avant de s'installer, l'entreprise familiale doit d'abord acquérir la terre qui est l'héritage ancestral de milliers d'Indiens pauvres.

    Dayamani Barla, une militante véhémente issue des communautés tribales, mène le mouvement du Jharkhand sous la bannière de l’Ashthitva Adivasi Moolvaasi Raksha Manch (AMARM, le Forum pour la protection de l’existence de la population tribale et aborigène). Elle a plaidé la cause de son peuple des villages de l'Inde rurale jusqu'aux centres de pouvoir européens (voir encadré).

    La pasionaria



    Le parcours de Dayamani Barla est matière à de nombreuses légendes. Elle a commencé comme domestique à Ranchi en lavant des ustensiles usagés. Lorsqu'elle était étudiante, elle a passé des nuits dans la gare ferroviaire locale, profitant des lumières des quais pour préparer une maîtrise de commerce. Elle est ensuite devenue journaliste autochtone écrivant des articles sur l'oppression et la lutte de son peuple. Elle a reçu le prix P Sainath des médias alternatifs pour le journalisme rural en 2000.

    Aujourd'hui, l'imposante femme de 47 ans défie un géant mondial de l'acier et mène un mouvement qui s'étend des arrière-cours rurales de la région indienne de Gumla jusqu'à Berlin et au Forum Social Européen.

    En octobre dernier, Barla a fait une conférence organisée par l'Adivasi-Koordination en Allemagne (AKD), un lobby et une organisation des droits humains associée aux affaires des indigènes indiens.

    Lors d'un atelier de cinq jours au Forum Social Européen (FSE) à Malmö en septembre dernier, elle a parlé de « droits à la vie et vision du monde indigènes » et de « peuples indigènes et justice environnementale planétaire. »

    En 2004, elle a remporté une bourse de la Fondation nationale de l’Inde et en 2008, elle a reçu le prix Chingaari (la flamme) 2008 attribué aux femmes qui luttent contre la criminalité économique en Inde, pour son engagement dans la lutte contre Mittal.

    En dehors des prix, son travail a également donné lieu à des menaces de mort et des demandes pour qu'elle interrompe son militantisme. Mais en tant qu'organisatrice de l'Adivasi Moolvaasi Asthitva Raksha Manch (AMARM), Barla reste résolue : «  Nous ne céderons pas un pouce de notre terre pour le projet », a-t-elle déclaré. « La précédente disposition prise dans l'État pour les indigènes, au nom du développement, était très décourageante. Des anciens propriétaires de terre ont été réduits à devenir des maraudeurs sur leurs propres terres ou ont été obligés de migrer. Combien de temps encore peuvent-ils continuer à être trompés et déshérités de la sorte? », demande-t-elle.

    Toujours en contact avec son peuple et ses racines, Barla gagne sa vie en dirigeant une petite échoppe de thé, où assise sur un banc en bois, elle sirote du thé avec ses camarades tout en discutant des dernières stratégies de protestation.

    Barla affirme que la Constitution indienne protège les "tribus répertoriées" / les Adivasi dans les régions concernées, en interdisant aux non-tribaux et aux groupes privés de céder ou d'acheter les terres tribales et les ressources naturelles.

    Gumla et Khunti, les deux régions du Jharkhand concernées, sont habitées par les tribus Munda alors que le Keonjhar en Orissa est dominé par les tribus Gond, Munda, Dehuri et Saunti.

    "Pour les communautés tribales, la terre n'est pas un bien à vendre mais c'est un héritage", déclare Barla la pasionaria. "Ils ne sont ni les maîtres ni les propriétaires, mais les protecteurs de ces terres pour les générations futures. Les ressources naturelles ne sont pas, pour nous, seulement des moyens de subsistance mais représentent aussi un symbole de notre identité, de notre dignité, de notre autonomie et de notre culture pour des générations."

    La résistance déterminée menée ces cinq dernières années par les militants de l'AMARM dans le Jharkhand contre le groupe Arcelor Mittal semble avoir porté ses fruits. Le géant de l'acier a récemment décidé de se contenter d'un nouveau site dans les districts de Petarwar et de Kasmar dans la région de Bokaro du même État : « Le nouveau site se trouve à proximité de l'usine sidérurgique de Bokaro, propriété de la Steel Authority of India Limited, et nous avons discuté pour la première fois avec les villageois sur le site et nous avons reçu un accueil  plutôt bon», a déclaré Vijay Bhatnagar, PDG d'Arcelor Mittal en Inde et en Chine.


    Les militants ont accueilli ce transfert par une série de manifestations et d'actions. En octobre, Mittal Pratirodh Mamch (MPM : Plateforme d'opposition à Mittal) a organisé une énorme manifestation, avec de nombreuses banderoles et pancartes anti-Mittal, à Keonjhar dans l'État d'Orissa. Les militants affirment qu'en plus de déplacer un nombre massif de personnes, le projet proposé par Arcelor Mittal détruirait des forêts, des sources et des écosystèmes, mettant ainsi en danger l'environnement et l'économie de subsistance d'une communauté indigène dont la culture est ancrée dans l'agriculture et dans la forêt.

    « Par exemple, notre lieu de culte, ou Sarna Sthal, est composé d'un bosquet d'arbres, sasandari, que nous considérons comme sacrés, et l'emplacement de notre village comprend des pierres érigées à la mémoire des ancêtres de notre clan», indique Barla. « Est-il possible de réhabiliter ou de compenser la terre de nos ancêtres ? »

    La région de Keonjhar est riche en gisements de minerais de fer et en manganèse et contient 75 % des gisements en minerais de fer de l'Orissa. « Presque 10 000 personnes seraient déplacées et des fractions primordiales de terrains agricoles seraient supprimées... Pourquoi la société ne va pas plutôt s'installer sur des terres inutilisées, sans forêt ni agriculture, qui sont disponibles dans la région ? », demande Prafulla Samantra, une militante du MPM.

    Un responsable de la société a une réponse toute prête : « Ces États sont fortement dotés en réserves de minerais et l'industrialisation est essentielle pour la croissance et le développement de la région», a-t-il déclaré sous couvert d'anonymat. « Par contraste, le potentiel agricole est peu important ici. Les zones qui ont été sélectionnées dans les deux États pour le projet l'ont été sur la base de considérations techniques comme la texture du sol, la disponibilité en eau, les perspectives d'amélioration des routes et la connectivité du réseau ferré, favorables pour l'usine. »

    Le responsable a indiqué que les besoins des villageois étaient pris en compte. « Nous ne pouvons aller de l'avant sans faire de la population locale les partenaires de l'entreprise, en offrant des opportunités pour leur subsistance et leur croissance, à travers des emplois directs et indirects. » Il a indiqué que la société était désireuse d'instruire et de former des jeunes « en partenariat avec différents instituts technologiques dans l'État », et en intégrant des femmes dans les différentes activités financières « grâce à  des groupes d'entraide. » « Même la partie illettrée de la population impliquée dans les travaux agricoles peut être formée à différents travaux non qualifiés. L'idée est de donner un nouvel essor à l'économie générale de la région. »

    Mettre le territoire sous surveillance

    Le président et PDG d'Arcelor Mittal, LN Mittal a depuis longtemps en projet de développer la production d'acier dans son pays de naissance. En octobre 2005, Mittal Steel Company N.V. et le gouvernement du Jharkhand ont signé un Protocole d'accord, préalable à la signature définitive d'un contrat (MoU) pour monter une usine de sidérurgie d'une capacité de production annuelle de 12 millions de tonnes d'acier, pour un investissement estimé à 9,3 milliards de dollars. En août 2006, Mittal Steel était racheté par son principal rival, Arcelor [une « fusion inversée », NdE] et la nouvelle entité signait un MoU similaire avec le gouvernement d'Orissa une année plus tard.

    Les deux projets sidérurgiques présentés seraient créés en deux phases et permettraient de produire 6 millions de tonnes d'acier chacun, avec l'installation d'une centrale électrique captive. L'achèvement de la première phase est prévue dans les 48 mois à partir de la date de l'accord mentionnée sur le rapport de projet détaillé et la seconde phase, 54 mois après l'achèvement de la première phase.

    Le méga-projet sidérurgique du Jharkhand requerra 4428 hectares de terre dans les régions de Gumia et Khunti et englobera 16 villages, selon les chiffres du ministère de l'Industrie de l'État.

    Cependant, Barla ainsi que les villageois locaux, affirment que les chiffres cités ci-dessus « doivent être considérés comme un minima et une première estimation. Mais si l'usine est réellement installée, les besoins en terrains vont manifestement être multipliés pour le développement des infrastructures et des communes, etc.. En même temps, 30 à 40 villages seront probablement déplacés», et la terre pillée, «menaçant ainsi l'environnement et la source même d'approvisionnement alimentaire des aborigènes locaux.»

    Les projets de 3 900 hectares conclus par Arcelor Mittal dans l'État d'Orissa s'étendent sur plus de 15 villages dans le district de Patna de la région de Keonjhar. Le site comprend des équipements pour fondre le charbon et produire l'acier ainsi que des aciéries et une centrale électrique de 750 Mégawatt. De plus, l'entreprise va explorer la possibilité d'installer une centrale électrique d'une capacité de 2 500 Mégawattsdans le Jharkhand et établir des habitations pour les employés et des infrastructures d'alimentation en eau.

    Le gouvernement central a approuvé la requête d'Arcelor Mittal de louer 202 hectares des mines de fer de Karampada avec des réserves de 65 millions de tonnes, situés dans la réserve forestière de la région du Singbhum à l'ouest du Jharkhand. Les gisements y sont minéralisés et de très bonne qualité.

    Jusqu'à présent, le refus par un nombre significatif d'agriculteurs et d'autres villageois dans le Jharkhand et l’Orissa de vendre leur terres, essentielles aux projets, a engendré des retards « inacceptables », a indiqué LN Mittal au Financial Times (Londres) en octobre. La population doit être « éduquée » pour comprendre et soutenir le bénéfice du développement industriel incluant le besoin de construire de nouvelles usines sidérurgiques sur des terres agricoles, a déclaré le PDG de Mittal. « Si nous ne progressons pas sur ces deux sites, il nous faudra abandonner l'idée de démarrer le projet à ces emplacements et chercher d'autres endroits en Inde pour notre développement." 

    Mais un jour après cet avertissement, le magnat de l'acier a publié une déclaration plus tempérée depuis son bureau de New Delhi : « Arcelor Mittal n'a aucunement l'intention de quitter l'Inde. L'Inde est un pays important pour la croissance de la demande en acier et représente une part importante des projets stratégiques à long terme. L'entreprise continue de travailler sur ces deux projets Greenfield dans le Jharkhand et l’Orissa. Cependant, si l'acquisition de terre continue à se révéler difficile, nous commencerons à chercher des sites alternatifs en Inde. »

    Le chef du gouvernement local d'Orissa, Naveen Patnaik s'est étonné de l'avertissement de Mittal. « Je n'ai pas reçu d’information de la sorte provenant de la société», a-t-il indiqué à une agence de presse indienne. « Je crois que l'acquisition des terres pour le projet de cette entreprise est en cours. Nous faisons notre possible pour faciliter le projet (et) nous souhaitons régler le problème d'acquisition des terrains à l'amiable et dans une satisfaction mutuelle avec les villageois. »

     

    Le point juridique

    L'opposition populaire aux projets d'Arcelor Mittal est basée sur l'annexe 5, article 244 de la Constitution indienne. Prenant effet en 1950, elle garantit aux peuples indigènes le droit d'administrer et de contrôler leurs terres dans neuf États : l'Andhra Pradesh, le Jharkhand, le Gujarat, l'Himachal Pradesh, le Maharashtra, le Madhya Pradesh, le Chattisgarh, l'Orissa et le Rajasthan.

    Les droits indigènes ont été renforcés par le vote en 1996 de la loi sur l'extension du Panchâyat aux zones répertoriées (la loi PESA). Cette loi a permis aux communautés tribales traditionnelles d'avoir un contrôle sur leurs ressources naturelles locales, de reconnaître le droit coutumier, les pratiques sociales et religieuses et les pratiques de gestion traditionnelle des ressources de la communauté ; et elle a accordé des pouvoirs étendus aux assemblés de villages (Gaon Sabhas).

    En 1997, le jugement historique Samata de la Cour suprême a retenu la cause de la propriété tribale des terres autochtones. Samata, une ONG travaillant dans les zones répertoriées d'Andhra Pradeh a intenté un procès contre le gouvernement d'État pour avoir loué des terres tribales à des sociétés minières privées dans les zones répertoriées. La requête d'autorisation spéciale (SLP) déposée auprès de la Cour Suprême a mené, en juillet 1997, à une décision qui fait date, en statuant que le gouvernement est également une « personne » et que toute location de terres à des compagnies minières privées dans les zones répertoriées est considérée comme nulle et non avenue.

    Ces garanties sont des extensions de la loi de bail de Chhotnagpur édictée par les Britanniques dans le Jharkhand où les tribus Munda sont prédominantes. La loi qui reconnaît les droits traditionnels sur la terre, la forêt et les étendues d'eau offre un statut spécial aux peuples autochtones et un droit de bail aux villages. La section 46 de la loi CNT déclare clairement que la terre produisant des ressources naturelles et la terre villageoise sont la propriété de la communauté et ne peuvent être touchées sans le consentement des Gaon Sabhas. Selon cette loi, aucune personne qui n'est pas membre d'une tribu ou étrangère, ne peut acheter de terrains appartenant à des tribus dans ces régions.

    Le secrétaire du gouvernement d'Orissa, le Dr. AMR Dalwai a indiqué que tant qu'aucune terre n'est attribuée à la société, le processus suivra son cours. La société a eu des réunions avec les Gaon Sabhas (les assemblées de village) dans huit villages et il en sera de même bientôt pour les sept villages restant. Ces assemblées ont légalement pour tache de sauvegarder et préserver les traditions et coutumes du peuple, leur identité culturelle, les ressources communautaires et leur manière coutumière de résoudre les litiges.

    Les responsables du Jharkhand ont réagi différemment. Le gouverneur K. Sankaranarayanan a préconisé le dialogue entre l''entreprise et les villageois "qui possèdent la terre et qui doivent déjà accepter de s'en séparer", a-t-il souligné. "Si l'entreprise décide de se relocaliser dans un autre site, que puis-je y faire ? L'État n'y perdra pas ; d'autres sont prêts à intervenir."

    Cependant, lors de récents développements, le PDG Vijay Bhatnagar, avec le membre du groupe de direction, Sudhir Maheshwari et le vice-Président, MP Singh, ont rencontré le nouveau gouvernement du Jharkhand, dirigé par le Premier ministre Shibu Soren : "Nous sommes venus réaffirmer notre engagement,  nous sommes déterminés à poursuivre le projet dans l'État pour lequel le soutien du gouvernement de l'État est demandé. Le Ministre principal a promis tout son soutien au projet," a indiqué Bhatnagar.

    Entre-temps, les militants de l'AMARM dans le Jharkhand se battent bec et ongles contre le projet. En octobre, non découragés par une pluie battante, des milliers d'hommes et de femmes se sont rassemblés au quartier général de la région sur le site prévu de Gumla. Ils étaient armés des traditionnels arcs et flèches, et portaient des balais, des faucilles, des batteurs à grain et des tangi (machettes). Sur les pancartes et banderoles qu'ils brandissaient, on pouvait lire "Mittal va-t-en".

    Les villageois manifestaient contre la vente de 512,5 hectares de terre appartenant soi-disant au "gouvernement", pour laquelle l'entreprise a déjà payé 80 % du coût (12,39 crores soit 2,8 millions de $) à l'administration de la région. Les villageois ont appelé à l'annulation immédiate de l'acte de vente, soutenant que la terre comprend des ressources naturelles appartenant à la communauté comme les rivières, les ruisseaux, les forêts et les collines qui permettent à une dizaine de villages de vivre dans la région.

    Malgré le peu de chance qu'ils ont de gagner la partie, les locaux gardent espoir de conserver leurs terres ancestrales. "Les manifestations des villageois restent présentes à l'esprit", a indiqué le chef de l'administration de Gumla, Rahul Sharma, " la question est désormais en instance de la décision du commissaire divisionnaire mais jusqu'à présent, aucune terre n'a été attribuée à Arcelor Mittal."

     


    Source :  Protesters in Eastern India Battle Against Mining Giant Arcelor Mittal

    Article original publié le 2/3/2010

    Sur l’auteur

    Tlaxcala est le réseau international de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteur, le réviseur et la source.

    URL de cet article sur Tlaxcala :
    http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=10762&lg=fr

    votre commentaire
  • La Belgique, complice de crimes de guerre ?

     

     

     

     

     

     

     

    A la suite de l’attaque meurtrière israélienne sur la flottille humanitaire Free Gaza, une "carte blanche" (texte ci-dessous) a été rédigée par des professeurs d’Universités et divers acteurs de la société civile. La publication de ce texte a été refusée par les deux quotidiens belges francophones de référence, Le Soir et La Libre Belgique ainsi que par le quotidien français Le Monde. L’argument avancé par les trois journaux est identique : « Manque de place ! ».

    Il est à noter qu’entre l’envoi de notre texte à La Libre Belgique et la réception de leur réponse négative : il s’est exactement écoulé 18 minutes ... Les auteurs sont aussi consternés par ce triple refus que par la gravité des faits qui ont suscité le texte. Contournant ce rejet d’ouvrir un débat à la hauteur de l’indignation planétaire qu’à provoqué le dernier crime de l’État d’Israël, nous avons entrepris de faire circuler ce texte en dehors des médias traditionnels. Nous vous invitons à le diffuser largement. Sa circulation massive démontrera la futilité des efforts de ceux qui pensent qu’il est encore possible aujourd’hui d’étouffer un débat légitime et nécessaire.

    Olivier Mukuna

    La Belgique, complice de crimes de guerre ?

    En 2009, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies adopte une résolution condamnant l’absence de collaboration d’Israël à l’enquête de la commission conduite par le juge Goldstone. Son rapport concluait que des « actes assimilables à des crimes de guerre et peut-être, dans certaines circonstances, à des crimes contre l’humanité » avaient été commis par l’armée israélienne et des militants palestiniens lors de l’offensive militaire israélienne contre Gaza fin décembre 2008. Que fait la Belgique lors du vote de ladite résolution ? Elle s’abstient !

    1,5 millions de Gazaouis survivent dans une bande de terre équivalente à 1% de la superficie du territoire belge, en situation de catastrophe humanitaire depuis l’embargo illégal imposé par Israël en juin 2007. Un convoi civil maritime tente de forcer ce blocus en apportant une aide humanitaire aux assiégés. Il est assailli dans les eaux internationales par les militaires israéliens qui tuent, blessent ou enlèvent un nombre encore indéterminé de civils dont 5 Belges. Le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU vote une résolution relative à la mise en place d’une "mission d’enquête internationale". Que fait la Belgique ? Elle s’abstient !

    Le blocus de Gaza est justifié par la prise du pouvoir par le Hamas en juin 2007. Mais pourquoi celui-ci ne pourrait-il pas exercer le pouvoir, alors qu’il a gagné les élections en janvier 2006 dans l’ensemble du territoire plus ou moins administré par les Palestiniens ? En quoi le Hamas serait-il moins légitime que le parti d’extrême-droite du ministre israélien des Affaires étrangères ?

    Le Hamas est accusé de vouloir détruire Israël, ce qui est supposé justifier toutes les sanctions contre les habitants de Gaza. Mais la revendication fondamentale du Hamas, comme de tout le mouvement national palestinien depuis la création d’Israël en 1948, c’est le droit au retour pour les réfugiés expulsés ou ayant fui à l’époque. Au nom de quoi refuse-t-on à des réfugiés de rentrer chez eux après un conflit ? De plus, ce droit est sanctionné à la fois par l’article 13 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme et par la résolution 194 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Mieux, comment peut-on considérer qu’un « peuple » a le droit de « revenir » sur une terre habitée par ses supposés ancêtres il y a 2000 ans, mais que les habitants de cette terre en 1948 ou leurs enfants n’ont pas ce droit ?

    En pratique, le mouvement national palestinien, y compris le Hamas, accepte de renoncer à ce droit et se borne à demander l’établissement d’un Etat palestinien sur les seuls 22% de la Palestine historique conquis par Israël en 1967. Plus globalement, un plan de paix adopté par le Sommet arabe en 2002 propose la reconnaissance d’Israël par les Etats arabes en échange de son retrait des territoires conquis en 1967. Ceux-là même que la résolution 242 du Conseil de Sécurité de l’ONU exige qu’Israël évacue.

    Depuis le « processus de paix » d’Oslo, qui remonte à 1993, cette solution -deux Etats pour deux peuples - est bloquée. Mais par qui ? Comment peut-on penser que c’est le faible, celui qui n’a pas d’Etat, qui empêche le fort de lui en octroyer un ? Quand la résistance palestinienne est non violente, on étend la colonisation. Quand elle devient violente, Israël en prend prétexte pour justifier l’arrêt des négociations.

    Guerre du Liban, blocus et assauts contre Gaza, assassinats ciblés de leaders politiques palestiniens, extension constante des colonies, et aujourd’hui, attaque en haute mer de civils ressortissants de plus de 40 pays différents. A chaque fois, Israël oppose la même justification : sa raison d’Etat prime sur le droit et les institutions internationales. Un tel mépris de la Communauté internationale n’est possible que par la complaisance conciliante des gouvernements des Etats-Unis et de l’Union européenne.

    Sans doute les pacifistes du Free Gaza Flotilla n’avaient-ils plus grande confiance dans les organisations internationales pour exprimer leur refus du blocus de Gaza. Ils ont cher payé, certains de leur vie, la lâcheté de leurs représentants politiques, souvent si prompts à condamner verbalement Israël pour mieux occulter leur obstruction à toute action coercitive sanctionnant l’état hébreu. La récente adhésion d’Israël à l’OCDE à l’unanimité de ses membres, dont la Belgique, n’est pas faite pour les contredire.

    Faut-il rappeler qu’en 2007 la Belgique fut le cinquième exportateur d’armes européen vers Israël ?

    Faut-il rappeler que les aéroports belges demeurent des points de passage obligés pour les importations israéliennes ? Que l’Union Européenne est le premier partenaire commercial d’Israël ?

    Faut-il rappeler que le droit international reconnait la légitimité de la résistance armée en cas d’occupation ? Que face à la répression coloniale, les peuples recourent bien souvent à la violence, y compris parfois sous des formes terroristes ?

    Faut-il rappeler que l’immense majorité du monde non occidental, ainsi qu’une partie croissante de notre opinion publique, s’indignent de la duplicité de nos représentants politiques et considèrent que celle-ci discrédite nos principes et valeurs démocratiques ?

    Il convient donc de prendre acte de la complicité passive de nos Autorités et de balayer devant notre porte : comment pouvons-nous en tant que citoyens de Belgique nous désolidariser de l’ethnocide en cours des Palestiniens ?

    Notre intérêt bien compris doit nous mener à répondre positivement à l’appel de la société civile palestinienne demandant le boycott d’Israël tant qu’il violera le droit international.

    Jamila Bouajaja (Economiste ULB)
    Jean Bricmont (Professeur UCL)
    Souhail Chichah (Economiste ULB)
    Jean-Marie Dermagne (Avocat et ancien Bâtonnier)
    Jamal Essamri (Sociologue)
    Oscar Flores (CRER - Coordination de solidarité avec les refugies)
    Bahar Kimyongür (Membre du Front populaire - Turquie)
    Olivier Mukuna (Journaliste)
    Monique Mbeka Phoba (Réalisatrice)
    Anne Morelli (Professeure ULB)
    Nouria Ouali (Sociologue ULB)
    Pierre Piccinin (Professeur Sciences-Po Ecole Européenne)
    Aurore Van Opstal & Abdellah Boudami (Co-auteurs de « Israël, parlons-en »)

    Source Ici


    votre commentaire
  • BP : Arme de destruction de masse - "Drill, Baby, Drill"

    Dans le Golfe du Mexique, la plus grande catastrophe environnementale de l’histoire, des millions de travailleurs vers un chômage sine die, pour les pétroliers code éthique a la place de code pénal.

    Londres. « Potentiellement un désastre environnemental sans précédents » : commentaire de Wesley P. Warren du Natural Resources Defense Council avant même la tentative improvisée, pathétique et désastreuse, de British Petroleum d’absorber avec une « cloche » de ciment armé des millions de mètres cubes de pétrole brut des fonds marins du Mexique.

    La tentative, plus de public relations que de technologie même la plus expérimentale, a été comparée à une opération de chirurgie cardiaque réalisée dans le noir à 1.600 mètres de distance. Mais Monsieur Tony Hayward, Company Executive Officer de BP, après avoir essayé de décharger toutes les responsabilités sur Transocean, la société sous-traitante qui a construit la plateforme Deepwater Horizon à quatre vingts kilomètres des plages de Louisiane polluées par les premiers blobs de goudron, a fait marche arrière en promettant de payer les dégâts ; il a même admis qu’il n’existe pas de méthodes connues, expérimentales ou pas, pour bloquer les trois massives émissions de pétrole goudronneux à cette profondeur.

    Sa compagnie se vante d’être à l’avant-garde des forages à plus de mille mètres de profondeur ; elle gère dans le Golfe du Mexique une autre douzaine de plateformes, identiques à celle de Transocean Orizon, et de nombreuses autres encore près des côtes du Brésil ; ainsi que, en cogestion avec Anadarko Petroleum, les plateformes proches du Ghana, du Sierra Leone et de l’Arctique. Elle (BP) aurait dû cogiter, avant, des systèmes d’urgence pour faire face à des accidents de ce genre – écrit The Guardian – « parce que personne ne l’obligeait à travailler à de telles profondeurs de l’océan ». Personne ou rien, sauf la logique du profit.

    Le « kill, baby, kill » remplacé par « drill, baby, drill » - tue, petit, tue remplacé par creuse, petit, creuse, quelles que soient les conséquences dévastatrices pour l’environnement et le genre humain. C’est comme si une compagnie spécialisée dans le désamorçage d’explosifs périmés les jetait du haut d’une montagne au fond de la vallée et, en cas de déflagrations, glissements de terrain, destruction de digues et tragédies de civils, affirmait que la priorité était de se débarrasser à bas prix de dynamite et TNT qui n’étaient plus utilisables à des fins guerrières, le tout uniquement dans les intérêts de la communauté nationale. Les intérêts nationaux, c’est-à-dire ceux de l’autonomie énergétique, avaient été avancés par Barak Obama, quand, il y a à peine plus d’un mois, et sans la moindre discontinuité avec les directives de son prédécesseur, il avait autorisé les forages au large des côtes atlantiques.

    Après le désastre du Golfe il a suspendu mais n’a pas abrogé l’autorisation. On n’oubliera pas que l’an dernier après l’explosion dans une raffinerie du Texas (11 morts), BP avait porté à 15 millions et 900.000 dollars les financements de son lobby aux campagnes électorales des sénateurs et députés : afin de conjurer une aussi lointaine que vague possibilité que l’Administration Démocrate ne remplaçât le « code éthique » adopté de façon volontariste par les pétroliers, par le code pénal. Il est d’ores et déjà prévisible que les lobbyistes de BP à Washington puissent disposer du double ou du triple de cette somme, d’autant plus que la Cour Suprême a abrogé toute limite des contributions financières des sociétés aux membres du congrès ou aux hommes politiques.

    Il est vrai aussi que la générosité de BP est déjà en train de prendre d’autres voies : ses agents, par centaines, sont en train de battre les côtes des Etats déjà touchés ou menacés par la vague noire : ils distribuent des chèques de 5.000 dollars en faveur de tous ces citoyens qui ont manifesté l’intention d’avoir recours aux tribunaux.

    Une œuvre de dissuasion qui ne semble pas avoir été couronnée de succès notable du fait, aussi, que ce ne sont pas des milliers ou des centaines de milliers mais des millions de citoyens de la république étoilée qui sont potentiellement victimes du désastre qui plombe sur les Etats de la Louisiane, du Mississipi, de l’Alabama et de la Floride (si le courant du Golfe est investi par la vague noire, même les côtes atlantiques de cet Etat seront touchées). A l’exception du nombre de morts, la catastrophe est plus vaste que celle de l’ouragan Katrina : plus d’un demi-million de pêcheurs ont suspendu ou vont devoir suspendre leur activité .

    Les Etats en question approvisionnent 50% du marché national du poisson (80% des crustacés, crabes, les fameux « stone crabs », langoustes et clovisses (palourdes, coques, NdT) ; 500.000 travailleurs du secteur du tourisme et deux millions d’auxiliaires dans les Etats vacanciers des Etats-Unis d’Amérique. La menace est une explosion du chômage dans une région où les syndicats sont pratiquement inexistants, les caisses de chômage, on ne sait même pas ce que c’est, et les indemnités pour les gens qui n’ont pas de travail sont minimales et limitées à quelques (rares) mois.

    BP, donc, comme arme de destruction de masse et Monsieur Tony Hayward, son Company Executive Officer, bien pire que Saddam Hussein qui ne possédait pas une seule de ces armes et a été pendu.

    Lucio Manisco Ici
    http://www.luciomanisco.com/ultime/...

    Traduction M-A Patrizio


    2 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique