• PATRAS UN CAMP D'IMMIGRES ATTAQUÉ ET RASÉ PAR LA POLICE

    Un camp d’immigrés clandestins rasé à Patras en Grèce

    Des bulldozers ont été envoyés sur place escortés par la police anti-émeute. Selon le coordinateur de Médecins sans Frontières sur place, une centaine d’immigrés en majorité des afghans ont été interpellés au moment de l’opération policière. Ils étaient 1500 personnes durant l’hiver. Ce campement existait depuis 12 ans.

    Les immigrés clandestins ont été transférés soit vers des centres de rétention soit vers des hôtels ou des centres d’accueil en attendant le traitement de leur demande d’asile.

    Le chef de la police de Patras a salué “le succès de l’opération même si elle intervient tardivement. La démolition du camp est effective”, dit-il. “Toutes les procédures juridiques ont été respectées pour l’avenir des personnes interpellées”.

    Cette opération intervient sur fond de tour de vis sécuritaire contre l’immigration clandestine en Grèce. Selon l’agence européenne Frontex, le pays est le plus touché des 27 par l’immigration clandestine. La plupart des migrants viennent de Turquie en espérant rejoindre l’Italie.

    L’an dernier, près de 150 000 personnes ont été interceptées et plus de 250 000 seraient entrées illégalement sur le territoire grec.

    Les ONG demandent à Athènes d’améliorer ses structures d’accueil et ses procédures de demande d’asile afin d‘éteindre l’incendie et des violences éventuelles.

    Le premier ministre grec privilégie la répression et il est attendu cette semaine en Italie et en Espagne pour coopérer sur ce dossier sensible.

    La bombe grecque de l’immigration

    L’Express 11/07/2009

    Avec ses milliers d’îles et ses 16 000 kilomètres de frontières, la Grèce attire chaque année un flot croissant de clandestins. Débordée par l’ampleur du phénomène, Athènes appelle à l’aide l’Union européenne.

    Le visage collé aux barreaux de leur dortoir, un groupe de migrants afghans tente de profiter des quelques rayons de soleil. Murs couverts de graffitis, poste de télévision cassé, lits de fortune : le camp de rétention de l’île grecque de Lesbos a tout d’un cachot. Sous le regard vide des détenus, les policiers vont et viennent, cachés derrière des masques de protection. Certains pensionnaires seraient porteurs de maladies comme la tuberculose ou l’hépatite C. L’été dernier, ils étaient presque un millier à s’entasser dans ces hangars bétonnés, conçus pour abriter 400 personnes. Une surpopulation qui illustre l’incapacité de la Grèce à faire face à l’explosion récente du nombre de sans-papiers arrivant sur son territoire.

    Le pays tente tant bien que mal de protéger ses frontières, qui sont aussi celles de l’Europe. Mais, avec ses milliers d’îlots et son littoral de 16 000 kilomètres, la côte grecque est très poreuse et la tâche semble vaine.

    En 2006, 75 000 immigrants illégaux ont été arrêtés en Grèce. L’an dernier, ils étaient deux fois plus nombreux. "Le nombre de demandeurs d’asile et d’immigrés illégaux qui pénètrent notre territoire est si important que nous ne pouvons faire face", reconnaît Konstantinos Bitsios, secrétaire général du ministère de l’Intérieur.

    Les îles de la mer Egée comme Lesbos, Chios et Samos sont les plus touchées. Situées à quelques kilomètres des côtes turques, elles sont sur la route des migrants venant du Moyen-Orient et d’Afrique. L’année dernière, plus de 13 000 migrants ont ainsi été arrêtés à Lesbos, et près de 10 000 à Samos. De quoi bouleverser la vie quotidienne de ces îles, où vivent respectivement 90 000 et 34 000 habitants. "Nous n’avons guère le temps de nous occuper de quoi que ce soit d’autre", déplore Panagiotis Kordonouris, chef de la police de Samos.

    Incapable de maîtriser les flux de migrants qui le traversent, le pays abrite aujourd’hui entre 250 000 et 2 millions d’immigrés illégaux (pour une population totale de 11 millions). A titre de comparaison, la France compterait aujourd’hui entre 200 000 et 400 000 clandestins, pour 64 millions d’habitants.

    Ces dernières années, les Nations unies et de nombreuses associations de défense des droits de l’homme n’ont eu de cesse de critiquer Athènes, dénonçant le manque d’infrastructures disponibles pour accueillir les migrants et l’insalubrité de leurs conditions de rétention.

    Les autorités grecques ont pourtant déployé de gros moyens. En 2007, le gouvernement a ainsi dépensé 2,7 millions d’euros pour construire un nouveau centre à Samos. Perché en haut d’une colline, ce complexe flambant neuf ressemble plus à un camp de vacances qu’à un centre de rétention, avec son terrain de basket-ball et son aire de jeux pour enfants. "C’est un hôtel !", s’enthousiasme Nikos Kopanas, gérant d’un restaurant local.

    Par ailleurs, 12 bâtiments supplémentaires pourraient encore ouvrir à Athènes, à Patras et dans le Péloponnèse. Sur le terrain, cependant, certains doutent de l’utilité d’un tel investissement : "Construire toujours davantage de locaux n’est pas la solution, estime Tsigiros Evaggelos, policier sur l’île de Samos. Le nombre de migrants ne cesse d’augmenter."

    A défaut de pouvoir tarir ce flux continuel de clandestins, la Grèce souhaiterait expulser ceux qui ne peuvent prétendre au statut de réfugié. Mais, pour la majorité d’entre eux, c’est impossible.

    La plupart des pays d’origine, comme le Pakistan ou le Bangladesh, refusent de reconnaître les immigrés comme leurs ressortissants. Ces derniers, souvent, n’ont pas de papiers. Certains n’en ont jamais eu, d’autres les ont détruits, sur le conseil des passeurs. "Si l’Europe pesait de tout son poids, ce serait différent, martèle Konstantinos Bitsios. Mais l’Union ne s’occupe que de ce qui se passe à sa porte. Nos partenaires ne réalisent pas l’ampleur du problème qu’ils vont devoir affronter." Car, rappelle-t-il, la plupart des migrants qui débarquent en Grèce sont en chemin vers le Royaume-Uni ou encore la Norvège. Ils espèrent y trouver des compatriotes, du travail et bénéficier d’un bon système de protection sociale.

    Pointée du doigt, Bruxelles s’investit pourtant de plus en plus dans la lutte contre l’immigration illégale en Méditerranée. Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières, créée en 2005, a dépêché trois navires en Grèce. Et, en 2009, l’Union européenne a débloqué une aide financière pour l’aide aux réfugiés en Grèce, en Italie, à Chypre et à Malte. Mais Athènes réclame la mise en place d’une unité de gardes-côtes européens et attend surtout de Bruxelles qu’elle prenne le problème à la racine, en impliquant les pays d’origine.

    En attendant, des centaines de milliers d’immigrés restent bloqués sur le territoire grec. Pour obtenir des papiers, nombre d’entre eux déposent une demande d’asile à Athènes. Quitte à submerger l’administration. En 2007, seules 2% des requêtes ont été validées (contre 30%, la même année, en France). Ce très faible taux d’acceptation des demandes d’asile est vivement critiqué par le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU et de plusieurs Etats européens, qui y voient une violation du droit des réfugiés en Europe.

    Persuadés de trouver un meilleur accueil dans d’autres pays du Vieux Continent, beaucoup se dirigent vers Patras, un port situé dans l’ouest du pays, d’où partent de nombreux ferries vers l’Italie. Près de 4000 sans-papiers vivraient aujourd’hui dans cette cité de 223 000 habitants. C’est cinq fois plus que dans le port français de Calais, point de passage vers la Grande-Bretagne. Chaque jour, ils tentent de se faufiler à bord d’un des nombreux camions et ferries qui quittent la Grèce pour Venise, Bari ou Brindisi. "Ils trouvent des moyens inimaginables pour s’enfuir", témoigne le capitaine Athanasios Athanasopoulos, qui dirige les gardes-côtes de Patras. Ses hommes retrouvent régulièrement des migrants recroquevillés dans des valises dissimulées à l’intérieur de ferries ou cachés sous des bâches de camion.

    Un regain de tensions sociales

    Souvent baptisée la "porte d’entrée vers l’Ouest", Patras est en réalité une impasse. Inexorablement, les clandestins qui essaient de se rendre à l’étranger sont refoulés vers la Grèce. "J’ai réussi à aller jusqu’à Rome, affirme fièrement Mohamadi al-Rasa, un Afghan de 24 ans, avant de se renfrogner. Je me suis présenté aux autorités pour obtenir des papiers, et on m’a renvoyé ici."

    Symbole d’une situation provisoire qui s’est enlisée, un campement de fortune a pris forme, à cinq minutes à pied des barbelés du port. Environ 1300 Afghans y trouvent refuge durant des semaines, des mois et parfois des années. Au fil des ans, le lieu a pris des allures de village afghan miniature : des échoppes y servent du thé, des résidents cuisinent des plats du Moyen-Orient et une mosquée improvisée accueille les fidèles. Pas de quoi faire oublier, cependant, les difficultés de la vie quotidienne. Les migrants dorment dans des cabanes artisanales faites de plastique et de carton, ils se lavent dans des douches communes en plein air et sans eau courante, et mangent au milieu des détritus malodorants. Dans cet univers cru et masculin, la moyenne d’âge est de 20 ans et le mot d’ordre est la survie.

    "Ces malheureux ont longtemps été perçus comme une manne pour le marché noir, rappelle Christos Karapiperis, membre de la Croix-Rouge à Patras. Ils étaient facilement embauchés dans les secteurs de l’agriculture et du bâtiment. Mais, avec la crise, les emplois se font plus rares, alimentant des tensions sociales. Notamment dans les îles proches de la Turquie, où plusieurs manifestations anti-immigrants ont eu lieu. A Samos, où elle a grandi, Maria Mihail, réceptionniste dans un hôtel, a vu le nombre de migrants exploser : "On en voit tellement que l’on commence à être effrayés, avoue-t-elle. Maintenant, j’ai peur quand, le soir, je vais chercher mes enfants à l’école."

    "Ces îles sont des endroits très touristiques, où les gens s’inquiètent pour leurs emplois", explique Alexandros Zavos, président de l’Institut hellénique sur les migrations, un centre d’analyse proche du gouvernement. Même si les chiffres ne le justifient pas, "un nombre important de Grecs pense qu’il y a une augmentation de la criminalité liée à l’immigration", ajoute-t-il.

    Traditionnel pays d’émigration, la Grèce a du mal à s’habituer à son nouveau statut de terre d’immigration. "Pour l’instant, souligne Konstantinos Bitsios, il n’y a pas de partis d’extrême droite ni de grande vague de xénophobie ou de racisme. Mais l’équilibre reste fragile. Et l’immigration crée de l’agitation sociale."

    Brèves du désordre 


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