• PANDÉMIE DÉMOCRATIQUE AU MAGHREB - L'ANGOISSE DE LA CONTAGION

    Cela fait environ un mois que le très virulent virus V1R1 2.0, celui de la grippe démoviaire, s’est abattu sur la Tunisie et que le monde civilisé tremble : le régime de Ben Ali paraissait si sain et robuste que personne n’imaginait un tel dénouement. Maintenant que l’épidémie s’étend à l’Egypte et à l’Algérie, les pronostics les plus pessimistes semblent se confirmer : une pandémie mondiale n’est malheureusement plus à exclure.

    Pandémie démocratique au Maghreb - l’angoisse de la contagion

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    « Scandaleux ! J’ai tiré la sonnette d’alarme et personne n’a écouté. On m’a traînée dans la boue pour avoir charitablement proposé le savoir-faire français en la matière aux pays sinistrés. Du matériel prophylactique a même été stoppé à Roissy, pour des raisons que je n’hésiterais pas à qualifier d’obscures. Et maintenant que d’autres pays sont touchés, ils viennent tous pleurer. J’ai envie de dire : qu’ils se démerdent...  »


    La ministre des Affaires étrangères Michelle Alliot-Marie – la première à avoir agité le spectre de la pandémie avec un certain colonel Khadafi – ne mâche pas ses mots quand on l’interroge sur la situation sanitaire au Maghreb. Alors que les États occidentaux s’avouent de plus en plus préoccupées par cette vague inédite de grippe démoviaire, MAM préconise désormais un plan « vigie-démos », seule remède à l’aggravation de la situation.

    « Il faut agir drastiquement, et dès maintenant, pour stopper la contagion. Les vecteurs d’épidémie, on les connaît : le contact numérique – Facebook, Twitter, etc... – et, surtout, le contact corporel lors de manifestations. Pour y remédier, il faut interdire tout rassemblement. Quant aux personnes infectées, elles doivent immédiatement être hospitalisées : si les lieux adéquats affichent complets, il ne faut pas hésiter à réquisitionner les prisons. C’est une question d’humanité. »

    Un enfant infecté brandit devant les caméras sa demande sanitaire : un traitement lacrymogène, seul à même d’endiguer le mal.

    Jusqu’ici, le scénario catastrophe semblait peu probable. Le Virus R1V1 2.0, également nommé grippe démoviaire, paraissait se cantonner à un périmètre limité, immédiatement placé en quarantaine. En clair : la Tunisie était perdue, mais il y avait bon espoir qu’elle soit la seule touchée par la pandémie. Un optimisme qui n’est plus de mise, puisqu’il est désormais établi que le virus a sauté les frontières, prenant ses aises en Égypte et en Algérie. Plus que jamais, il faut donc stopper l’hémorragie. Une question de vie ou de mort (démocratique).

    Epidémiologiste de renom, l’expert Xavier Rauffer explique - pour sa part - que le Maghreb est particulièrement exposé à ce types d’infection : «  Il y a plusieurs raisons à la diffusion éclair du virus dans ces régions. La présence d’agents immuno-dépresso-islamistes, qui aggravent le risque de propagation. Et aussi, le fait que le déficit en matière de personnel soignant soit criant. Pour ne rien arranger, ce dernier est insuffisamment armé pour affronter efficacement ce type de situation : matraques prophylactiques, armures de protection et gaz lacrymo-immunitaires font trop souvent défaut. On se croirait en mai 68, quand l’anarcho-virus avait le champ libre. Bref, il faut rétablir l’ordre sanitaire. Et vite ! »

    Ce n’est pas la première fois que la civilisation humaine fait face à une épidémie de ce type. Personne n’a oublié les phases épidémiques des années 1960 et 1970, quand le vaccin néolibéral n’avait pas encore été inventé et que les médicaments autoritaires restaient limités.

    Depuis, le mal a été endigué en Europe et dans le reste du monde occidental. Mais si les nations riches ont su se mettre à l’abri, certaines parties du monde restent à la merci du virus de la grippe démoviaire. De quoi alarmer les plus hautes autorités, et jusqu’à un président Sarkozy se disant « très concerné et touché » lors d’une récente conférence de presse : «  Combien de temps allons-nous rester insensibles à la détresse des populations soumises au virus démocratiques ? Pouvons-nous rester bras ballants devant la contagion annoncée ? Non, trois fois non !

    D’autant que les remèdes sont à notre portée : le cas cubain, par exemple, montre bien qu’il est possible de faire refluer le virus par des administrations régulières d’autoritarisme. M. Moubarak et M. Bouteflika peuvent donc compter sur nous : nous ferons tout pour les soutenir dans cette passe difficile.  » Jolie preuve que les basses querelles politiciennes peuvent parfois s’effacer devant l’intérêt du monde libre, l’opposition socialiste a positivement réagi à ce message fédérateur. Et à appelé, en la personne de Mme Royal, à « l’union sacrée » - rien de moins... - contre le risque de contagion : «  Pour avoir personnellement côtoyé une des récentes victimes de l’épidémie tunisienne (et non des moindres), je peux vous dire que je suis sensible à ce combat et que le PS fera tout pour lutter contre ce fléau.  »

    Précédent historique : un malade cubain en cours de traitement

    Reste à savoir si les remèdes prônés - somme toute assez classiques - seront à même de faire échec à un virus particulièrement résistant et mutant. R1V1 2.0 a en effet su évoluer à une rapidité inquiétante, et la souche pathogène n’a fait que peu de cas des premiers traitements d’urgence. En Tunisie, le répit offert par la constitution d’un gouvernement fantoche, copie presque conforme de ceux (successifs) de Ben Ali, n’a été que de très courte durée : en l’espace de deux jours, les malades conspuaient déjà les hommes liges d’un pouvoir n’ayant de nouveau que le nom. Nombre de Tunisiens semblent avoir développé une forme aiguë de la maladie.

    Les symptômes ? Une soif grandissante de révolution, de liberté et d’égalité, le tout dépassant, et de loin, le simple rejet d’un régime corrompu. À tel point que certains experts se font alarmistes. « La pandémie a atteint un stade critique : si le virus continue à se répandre, il ne sera plus possible d’y faire échec. Il existe bien des vaccins efficaces contre l’agent pathogène de la révolte, mais aucun n’est réellement à même de mater une révolution », s’inquiète ainsi un conseiller du ministère français de la Santé. Et de conclure sur ces termes, alarmiste : « Je ne veux faire peur à personne, et il faut éviter tout mouvement de panique. Mais... les conditions d’une contagion européenne sont désormais réunies. »

    Notes

    [1] Ce pastiche s’appuie sur un constat : l’usage récurrent par certains médias du terme de "contagion" pour évoquer la possibilité que la révolte tunisienne s’étende aux pays voisins. Un choix lexical pour le moins maladroit - voire très révélateur - puisque le mot se définit ainsi : « La contagion est le fait de transmettre une maladie de façon directe ou indirecte. » Une maladie, la révolte populaire ? C’est sans doute l’inconscient qui parle...

     

     

    À preuve, ce titre de Paris-Match dans son édition électronique du 24 janvier, Maghreb : craintes et contagion, cet autre du Monde en date du 18 janvier, Les obstacles à une contagion de la contestation au Maghreb, et ce troisième par l’inénarrable Jean-Michel Aphatie sur RTL : La contagion tunisienne. Quelques exemples parmi d’autres, tant le terme a été utilisé à foison et encore bien davantage dans le corps des articles qu’en titraille. L’aspiration à la liberté est contagieuse : les journalistes et éditocrates savent décidément fort bien rappeler, à l’attention de ceux qui l’auraient oublié, dans quel camp ils se rangent...

    Mais il y a pis : pour les lecteurs qui n’auraient pas saisi toute la charge péjorative contenue dans le terme "contagion", quelques gens de presse ont cru bon d’y accoler le mot "risques". Ainsi du Parisien, qui a titré le 16 janvier sur De sérieux risques de contagion dans le monde arabe, de La Dépêche, dont l’éditorial du 17 janvier est intitulé Tunisie, des risques de contagion, ou du chercheur Pascal Boniface, dont l’entretien accordé sur le sujet au Parisien est titré Il y a un risque de contagion au Maghreb...
    Mais c’est Le Monde - encore lui... - qui a su le mieux dire la peur du soulèvement populaire et de son extension à toute la région, sa Une du 19 janvier résumant parfaitement les craintes et angoisses d’une petite élite face au renversement de l’ordre établi. Maghreb : les risques de la contagion tunisienne s’affiche ainsi en gros, sur deux colonnes et en tête de la première page. De quoi prendre peur, non ?

    Au moins, les choses sont claires...


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