• LE MASSACRE AU PÉROU MET EN LUMIÈRE L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE AVEC LES ÉTATS-UNIS

    Une histoire journalistique ignorée des médias
    Le massacre au Pérou met en lumière l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis



    Raúl Zibechi
    Milagros Salazar


    Traduit par  Estelle & Carlos Debiasi
    Edité par  Armando García


    Le 5 juin 2009, Jour Mondial de l’Environnement, des indiens péruviens de l’Amazonie ont été massacrés par le gouvernement d’Alan García dans le dernier épisode d'une guerre provoquée par la signature de l’accord de libre-échange [en anglais Free Trade Agreement ou FTA] entre le Pérou et les États-Unis, dans le dernier épisode d'une longue campagne pour prendre le contrôle des terres indigènes communautaires.
     

    Le vendredi 5 juin 2009 à six heures du matin, trois hélicoptères MI-17 de la base El Milagro de la Police nationale du Pérou ont décollé et survolé un tronçon de route reliant la jungle à la côte septentrionale occupé depuis dix jours par environ 5.000 personnes des peuples autochtones Awajun et Wampi.

    Les hélicoptères ont lancé du gaz lacrymogène sur la foule (les témoins parlent aussi de tirs à la mitraillette), tandis qu’à terre un groupe d’agents équipés de fusils AKM attaquait simultanément la barricade. Un demi-millier de policiers ont tiré à volonté contre les « manifestants » qui, pour la plupart, dormaient encore. Les tirs se soldèrent par des centaines de blessés et 20 à 25 tués.

    Quelques jours après cet « affrontement », le gouvernement a proclamé que les indigènes avaient tué 23 agents de police, et que seuls 11 indigènes étaient morts. Les organisations indigènes ont évoqué le chiffre de 50 morts et jusqu’à 400 disparus parmi leur communauté. Les militaires, selon des rapports de témoins, ont brûlé des corps et les ont jetés à la rivière pour occulter le massacre. Des prisonniers trouvés dans les hôpitaux ont aussi été fait prisonniers. Si le nombre de morts différait, il ne fait aucun doute que le gouvernement avait envoyé des forces armées pour écraser un mouvement pacifique actif depuis 57 jours dans les cinq régions de la jungle (Amazones, Cusco, Loreto, San Martin et Ucayali).

    Le conflit a commencé le 9 avril, quand les peuples de l’Amazone se sont mobilisés pour bloquer des routes, des oléoducs et des gazoducs en protestation contre la mise en application d’une série de décrets émis à la suite de l’Accord de Libre-échange avec les Etats-Unis. Mais la situation a empiré le 4 juin, quand le gouvernement de García a arrêté le Congrès alors qu’y était discutée l’abrogation des décrets rejetés par les peuples autochtones et déclarés inconstitutionnels par une Commission de Constitution.
     


    Le FTA Pérou-Etats-Unis a été signé le 8 décembre 2005 à Washington par Alan García et le président [US] de l’époque, George W. Bush. Il a été ratifié par le Pérou en juin 2006, et par le Congrès des Etats-Unis en décembre 2007. Le 19 décembre de la même année, le Congrès du Pérou a octroyé les pleins pouvoirs pendant 6 mois au gouvernement, afin de légiférer face aux problèmes découlant du décret d’application du FTA. Grâce à ce mandat octroyé par ces pouvoirs spéciaux, l’exécutif a élaboré 99 décrets législatifs (DL) de concessions pétrolières et de gaz - à la base de l’actuel conflit indigène. L’accord est entré en vigueur le 1 février 2009.

    En réponse à la manifestation indigène, le président García a dit qu’il y avait « une conspiration en marche pour tenter de nous priver de l'usage de notre richesse naturelle ». García s’est ainsi référé à l’opposition féroce et intransigeante des indigènes du pays à 10 des 99 DL promulgués par son gouvernement. Ces décrets offrent la terre indigène aux investissements des multinationales privées pour extraire le pétrole, exploiter les mines et les terres agricoles -y compris les plantations de biocombustibles.

    Les DL les plus discutables, portant les numéros 1015 et 1073, modifient le nombre de votes requis pour vendre les terres communales indigènes (les terres des communautés pourraient être mises en vente avec 3 votes à peine) : ces décrets ont été déclarés insconstitutionnels.

    Le DL 1083 (promotion de l’usage efficient et protection des ressources hydrauliques) favorise la privatisation de l’eau au profit des grands consommateurs tels que les entreprises minières. Les DL 1081, 1079 et 1020 déréglementent divers aspects de la législation dans des zones d’exploitation minière, de bois et d'hydrocarbures.

    Le DL 1090 (sylviculture et loi de faune végétale) est cependant au cœur du conflit, car il laisse 45 millions d’hectares en-dehors du cadre de la sylviculture -c’est-à-dire 64 % des forêts du Pérou, y compris sa biodiversité en flore et en faune- en permettant la vente de cette terre communautaire aux entreprises transnationales.

    Basé sur sa logique de tout transformer en marchandise, García soutient que « la première ressource est l’Amazone ». Il propose de diviser 63 millions d’hectares en lots de 5.000, 10.000, et 20.000 hectares, en arguant que la terre vendue dans « de grandes portions attirera l’investissement à long terme et la haute technologie ». García a fait observer qu'on ne peut « céder de petites portions de terre aux familles pauvres qui n’ont pas un centime pour investir » -sans faire aucunement mention du fait que ces terres sont la propriété collective de communautés indigènes.

    Le 9 avril, plus de 1.000 communautés se sont mises d’accord pour commencer à manifester. Le 18 avril, le Premier Ministre Yehude Simon a qualifié les demandes indigènes de « capricieuses ». Le 5 mai, les évêques de 8 diocèses catholiques ont exigé que le président García abroge les décrets, en les déclarant comme une « menace pour l’Amazone ». Le 10 mai, le gouvernement a annoncé l’état d’urgence dans les cinq régions du pays où se sont installés les barricades et les blocus de ports et d’oléoducs.

    Hugo Blanco, un militant péruvien bien connu et rédacteur du mensuel Lucha Indígena [Lutte Indigène], a indiqué dans sa colonne : « Les peuples de l'Amazone, après avoir été réduits au silence pendant 500 ans, reçoivent l’appui des gens du Pérou et du monde entier. Il se pourrait que la plus grande réussite de cette campagne ait été de rendre une visibilité à ces nationalités, en tissant un réseau entre les divers secteurs du pays divisés par ceux qui les dominent. Parce que nous défendons la vie de toute l'humanité en défendant l'Amazone -et non en cédant à la tromperie du gouvernement. En récupérant le sens du mot dignité pour tous, l'Histoire se réécrit».

    Sources

    • Raul Zibechi, Translated by Laura Carlson, “Massacre in the Amazon: The U.S.-Peru Free Trade Agreement Sparks a Battle Over Land and Resources” Americas Program, Center for International Policy, June 16, 2009, http://americas.irc-online.org/am/6191

    • Milagros Salazar, “‘Police Are Throwing Bodies in the River,’ Say Native Protesters,” Inter Press Service, June 9, 2009, http://ipsnews.net/news.asp?idnews=47142

    Estudiantes investigadores:

    Kelsea Arnold, Sonoma State University

    Evaluador académico:

    Eric McGuckin, Sonoma State University





    Merci à El Correo
    Source: http://dev.elcorreo.eu.org/?Traite-FTA-Perou-Etats-Unis-provoque-un-massacre-indigene
    Date de parution de l'article original: 30/09/2010
    URL de cet article: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=1613


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