L’islamophobie devant la CEDH, et c’est notre Jean-Marie qui se trouve dans la lumière, pour se voir condamner comme provocateur anti-musulman (CEDH, Le Pen c. France, 20 avril 2010, n° 18788/09, publié ce 7 mai). Un arrêt de la CEDH qui remet les pendules à l’heure, pour Jean-Marie,… et pour ceux que ça chatouille.
Premier épisode dans une interview au journal Le Monde du 19 avril 2003. Jean-Marie se lâche : « Le jour où nous aurons, en France, non plus 5 millions mais 25 millions de musulmans, ce sont eux qui commanderont. Et les Français raseront les murs, descendront des trottoirs en baissant les yeux. Quand ils ne le font pas, on leur dit : Qu'est-ce que tu as à me regarder comme ça ? Tu cherches la bagarre ? Et vous n'avez plus qu'à filer sinon vous prenez une trempe ».
Résultat des courses : 10 000 € d’amende pour provocation à la discrimination, à la haine, et à la violence contre un groupe religieux, par le tribunal correctionnel de Paris le 2 avril 2004, confirmé le 24 février 2005 par la cour d'appel.
Second épisode dès le 30 avril 2005. Jean-Marie remet le couvert dans l'hebdo Rivarol , expliquant : « D'autant que quand je dis qu'avec 25 millions de musulmans chez nous, les Français raseront les murs, des gens dans la salle me disent non sans raison : Mais Monsieur Le Pen, c'est déjà le cas maintenant !»
On se retrouve devant la cour d’appel de Paris qui, le 12 mars 2008, le condamne pour le même motif à la même peine : « Le prévenu oppose les « Français » aux « musulmans », les « gens » de France, dont les réactions vont bien plus loin que ses propres propos condamnés, à une communauté étrangère présentée comme une multitude envahissante, et tend à susciter, par le sens et la portée qu'il donne à son message, et à celui des « gens », qu'il fait finalement sien, un sentiment de rejet et d'hostilité envers la communauté musulmane. »
Jean-Marie proteste, et soutient qu’il ne mettait pas en cause les musulmans à raison de leur religion, et que la référence à l'Islam visait une doctrine politique et non une foi religieuse. Ben voyons, gros malin ! La Cour de cassation rejette ces salades le 3 février 2009, et nous voici en route pour la CEDH. L’anti-européen Jean-Marie tentant de s’accrocher à la bouée de l'article 10 de la Convention, qui protège la liberté d’expression… Assez cocasse, mais le résultat n’est pas fameux : un beau râteau, certifié d’origine européenne.
La Cour situe le débat, à savoir les questions liées à l'installation et à l'intégration des immigrés dans les pays d'accueil. Une réalité complexe et non rectiligne, sous entendu : il n’est pas forcément indispensable de souffler sur les braises.
« Quant au contexte de ce débat en ce qui concerne la France, la Cour a précisé dans l'affaire Soulas et autres c. France (no 15948/03, §§ 37-38, 10 juillet 2008) que les problèmes liés à l'installation et à l'intégration des immigrés dans les pays d'accueil font actuellement l'objet d'amples débats dans les sociétés européennes, tant sur le plan politique que sur le plan médiatique.
S'agissant plus particulièrement de la France, elle a précisé que cette intégration ne pouvait intervenir qu'à l'issue d'un processus long et laborieux, qui risque de comporter des failles et des difficultés d'application dont pâtira une partie de la population d'origine étrangère ; il en découle des problèmes de mésentente et d'incompréhension qui, dans leur expression la plus grave, se sont déjà traduits par des affrontements violents entre les forces de l'ordre et certains éléments radicaux de cette population ».
La Cour poursuite : les propos de Jean-Marie visaient à donner une image négative, et même inquiétante, de la « communauté musulmane » dans son ensemble.
« Elle constate que, dans l'arrêt rendu par la cour d'appel, celle-ci se livre à une analyse du propos du requérant pour en déduire qu'il instillait dans l'esprit du public la conviction que la sécurité des Français passait par le rejet des musulmans et que l'inquiétude et la peur, liées à leur présence croissante en France, cesseraient si leur nombre décroissait et s'ils disparaissaient.
Ainsi, comme l'ont relevé les juges d'appel, le requérant prenait-il à témoin, au-delà de ses électeurs et du lectorat auquel il s'adressait, les « gens », identifiés comme le peuple français, de ce que d'ores et déjà, en présence de musulmans, ils devraient se tenir à distance d'eux et faire preuve de soumission à leur égard, alors que lui-même s'était contenté de présenter comme une menace pour eux la forte croissance de cette communauté ».
Et là il ne reste plus qu’à débouter le grand ingénu :
« La Cour estime que, de cette manière, le requérant opposait, d'une part, les Français et, d'autre part, une communauté, dont l'appartenance religieuse est expressément mentionnée et dont la forte croissance constituerait une menace, déjà présente, pour la dignité et la sécurité des Français.
La Cour estime également que les propos du requérant étaient susceptibles de susciter un sentiment de rejet et d'hostilité envers la communauté visée, compte tenu du sens et la portée qu'il donnait tant à son message qu'à la notion de « gens » qu'il a employée ».
Jean-Marie va prendre sa retraite. La CEDH lui décerne la médaille du travail, mention poubelle. Pauvre lepenistes pour qui tout est la faute des autres, qui ne se nourissent que des peurs qu'ils cultivent... Comprendre la différence ? Impossible pour eux.