Le juriste qui défend au Texas des condamnés à mort pour le compte d’une association raconte le fonctionnement de la justice pénale au quotidien aux Etats-Unis et son travail avec les détenus qui sont dans le couloir de la mort.
il décrit un système pervers où « les policiers forcent de faux témoignages, les avocats commis d’office dorment pendant les procès et les jurés croient tout ce que disent des témoins “experts” sur des inculpés qu’ils n’ont jamais rencontrés », résume Dahlia Lithwick dans le New York Times. Sur la centaine de clients qu’il a accompagnés jusqu’au fameux « couloir de la mort », Dow estime que sept ont été victimes d’une erreur judiciaire. Et cela le hante.
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La société a-t-elle le devoir et le droit de condamner à mort ceux qui violent ses lois et qui portent atteinte à leur prochain ? Peut-on venger le crime illégal par le meurtre légal ? Pendant des siècles, ces questions ont rencontré une réponse unanimement positive, soit que la condamnation à mort ait été ressentie comme une réparation indispensable de l'ordre des choses, soit que le corps social n'ait trouvé que dans la crainte, inspirée par le châtiment, le garde-fou de sa propre sécurité.
Il a fallu les excès mêmes de cette justice immanente comme de cette répression cruelle pour qu'apparaisse l'autre face de la question : la justice n'a-t-elle pas aussi comme rôle de donner une nouvelle chance réparatrice à ceux qui ont violé ses lois ? D'exterminatrice ou, si l'on préfère, de protectrice des droits établis, la justice ne doit-elle pas devenir aussi éducatrice, c'est-à-dire également protectrice des coupables, si souvent eux-mêmes malchanceux ? Or la mort est délibérément la suppression de tout amendement possible. La peine de mort, si elle est punition et autoprotection, est aussi, de la part de la société, l'aveu de son incapacité à corriger, au sens pédagogique du terme.
Chaque société a donc le code pénal, les sanctions et les prisons qui la jugent elle-même. Dans de nombreux pays, on assiste aujourd'hui à la suppression légale de la peine de mort ou à la progressive désuétude de sa mise en application. Mais dès que la société se sent menacée (conflit politique, conflit idéologique, recrudescence de criminalité, fléau social : le trafic de la drogue par exemple), une grande partie de l'opinion publique s'élève en faveur soit de son rétablissement, soit de sa mise en application.
La société témoigne-t-elle par là de sa versatilité émotionnelle ? Ne montre-t-elle pas plutôt que le vrai débat ne pourra jamais se régler au niveau des principes (car chaque camp a des arguments impressionnants), mais au niveau de leur mise en application dans le régime des prisons. Éliminer ceux que l'on estime irrécupérables, c'est toujours un constat d'échec qui atteint l'ensemble des membres d'une société.
La discussion théorique sur la légitimité de la peine de mort débouche donc immanquablement sur une réflexion pratique concernant le sens des peines infligées par une société et sur le régime pénitentiaire dont celle-ci dispose, humainement et financièrement, pour faire passer dans les actes ce sens et pour le rendre crédible.