Je ne suis pas comme toi, ricaneur perpétuel n’ayant de cesse de mettre en doute tous les pouvoirs établis, de soupçonner tous les hommes arrivés, de critiquer ceux qui font la pluie et la pluie.
Je ne suis pas comme toi, disais-je, et j’apprécie Laurent Joffrin.
Beaucoup.
C’est ainsi, je ne goûte rien tant que ses éditoriaux, courageuses prises de position autant que fines analyses.
Et j’aime à nourrir ma compréhension du monde et mes engagements de ses envolées à l’élégance littéraire proverbiale.
Je me suis donc précipité sur la dernière livraison - tu vas être surpris, mais Laurent écrit un édito par jour ; si, si… - du pontifiant apôtre de Libération.
Et j’ai lu avec enthousiasme ce texte titré Pourquoi Libération ne reproduit pas les rumeurs sur la vie privée de Nicolas Sarkozy.
J’ai pris acte de cette position franche et claire.
Et j’ai apprécié ce refus d’énoncer de quoi LaRumeur est le nom, engagement audacieux faisant honneur à la presse française et prouvant combien la déontologie journalistique n’est pas un vain mot.
Ainsi, écrit Laurent Joffrin :
Libération a refusé de reproduire la rumeur en question. La vie privée des hommes politiques n’est pas pour nous un objet d’investigation, sauf si elle est dévoilée par les intéressés ou si elle a des conséquences claires sur le jeu politique ou sur la symbolique des institutions (ce qui était le cas, par exemple, pour le divorce et le remariage de Nicolas Sarkozy).
Bravo !
Je ne doute pas qu’il s’en trouvera - toi, peut-être - pour pointer ce que cette position peut avoir de ridicule ; produire un édito pour annoncer solennellement que LaRumeur ne sera pas mentionnée n’est qu’un moyen de l’évoquer tout en se parant hypocritement des habits du père-la-vertu.
Et je suis sûr qu’il y en aura - toi, sans doute - pour s’esbaudir des précautions pathétiques de Laurent Joffrin, lui qui débarque toujours après la bataille et ne craint pas de prendre position sur le sujet alors que LaRumeur a déjà fait trois fois le tour de la planète ; à tel point qu’un journaliste du Monde vient d’interroger LePrésident sur le sujet.
Mais je préfère te prévenir : je ne mange pas de ce pain-là.
Et je ne tolérerai pas que quiconque - même toi ! - manque de respect en ces lieux au boss barbichu du quotidien de la rue Béranger.
Ne serait-ce que parce que (moi aussi) je porte (haut) le poil capillaire…
Ceci posé, tu ne t’étonneras pas que je ne mentionne pas céans cet article de 20Minutes.fr, titré Chantal Jouanno dénonce une « une rumeur ignoble » sur sa vie privée.
Tu comprendras que je me refuse à relayer le contenu de ce papier, qui fait état de la réaction de la secrétaire d’État à l’Écologie à LaRumeur lui prêtant quelques crapuleuses galipettes avec Leprésident.
Et tu me sauras gré de ne pas reproduire ici cette phrase plutôt instructive : « La secrétaire d’Etat à l’Ecologie a déploré ce vendredi les bruits ayant circulé ces derniers jours sur Internet et dans la presse britannique concernant sa vie privée, au cours d’un chat avec des internautes sur le site liberation.fr. »
C’est cela : « Au cours d’un chat avec des internautes sur le site liberation.fr. ».
« Coccinelle. Quels commentaires pouvez-vous faire sur les rumeurs qui circulent dans la presse anglaise concernant votre vie privée ? »
« C’est une rumeur absurde qui vient encore de twitter, c’est même d’ailleurs une rumeur ignoble parce qu’elle porte atteinte, non seulement à mon honneur, mais aussi à celui de ma famille. »
Comment disait Laurent, déjà ?
Ah oui : « Libération a refusé de reproduire la rumeur en question. La vie privée des hommes politiques n’est pas pour nous un objet d’investigation. »
Sans déconner…
À celui qui s’étonnerait de ce que Libération aborde (plutôt frontalement) LaRumeur que - déontologie oblige - le quotidien n’évoquera pas, je suis sûr que Joffrin ne manquerait pas de répondre avec un juste mélange de candeur et d’indignation.
Expliquant notamment que cette mention n’est pas le fait de journalistes, mais qu’elle émane d’un internaute.
Ce n’est - bien entendu - rien d’autre qu’un foutage de gueule d’ampleur cosmique.
Tant nul n’imagine que les questions posées en chat à une secrétaire d’État ne sont pas visées et validées auparavant par la rédaction.
Personne ne sera dupe, donc : Libération, en l’espèce, fait exactement le contraire de ce dont se gargarise Laurent Joffrin.
Ce n’est là qu’un amusant point de détail.
Mais je crois bien que c’est une parfaite illustration du comportement des médias officiels quant à LaRumeur.
En prétendant ne pas y toucher et en se bouchant le nez, ils l’ont enfantée [1], entretenue et cultivée.
Et ils en font aujourd’hui leurs choux gras, tout heureux de pouvoir en faire porter la responsabilité sur ce net irresponsable où les nazis-pédophiles se ramassent à la pelle.
Tu sais quoi ?
Ça m’énerve.
Grave…
[1] À commencer par Johan Hufnagel, rédacteur en chef de ce site sans intérêt qu’est Slate : par un twitt plein de sous-entendus, "Benjamin Biolay c’est bien le mec qui…", l’homme a beaucoup fait pour l’essor de LaRumeur ; nul doute, pourtant, qu’il s’en défendrait avec conviction.