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VENDREDI DE LA COLERE II

vendredi de la colère II
28 mai 2011
par snony  ici

Malgré les rumeurs de violences savamment diffusées sur la toile depuis la veille et relayées par les jeunes eux-mêmes qui craignaient des attaques,

Malgré les appels des Frères et des Salafistes à ne pas manifester ce jour-là, appels qui dans certains quartiers populaires se sont transformés en interdit,

Malgré les effets d’annonce de l’armée qui, comme chaque veille de gros rassemblement, communique, rassure, désamorce (cette fois, c’était l’ouverture du passage de Rafah, une promesse déjà utilisée mais fixée maintenant à samedi ainsi que le maintien des chefs d’accusation à l’encontre de Moubarak),

Malgré la chaleur étouffante et l’air brûlant chargé de poussière du désert,…

… ils étaient des dizaines de milliers sur la place ce vendredi. « Nous sommes le peuple qui a fait la révolution » lance un orateur qui précise : « Aujourd’hui c’est la révolution populaire, pas celle des Frères ni celle de l’armée ». Et le fait est que la bonne nouvelle du jour, c’est que l’Égypte ne se résume pas, comme on pourrait le croire à la lecture des médias occidentaux, à l’armée et aux Frères. La première était totalement absente et la sécurité du rassemblement assurée par les militants (barrages, contrôle des sacs aux entrées de la place). Les seconds n’étaient pas là ès qualité et le fait qu’il y ait quelques barbes et quelques niqab sur la place, montre une fois de plus qu’il vaut mieux éviter tout amalgame.

video « tour de place ».

Ce vendredi a surtout été une véritable démonstration de force pour les organisations démocratiques : la place était noire de monde, et à plusieurs endroits, impossible à traverser tellement la foule était dense. On y venait pour « Faire la deuxième révolution » me dit un jeune, c’est à dire « construire un gouvernement civil », en finir avec les injustices sociales et les injustices tout court. Un  orateur prend la parole et enchaîne, en écho « L’armée égyptienne nous appartient, nous voulons un gouvernement civil ».


Le rôle et le pouvoir de l’armée sont sérieusement mis en cause dans les différentes interventions. Sur cette pancarte : « Mon problème c’est qu’au Conseil militaire, je ne connais pas les personnes qui y siègent. Je veux un Conseil civil, avec des gens connus, à qui on peut demander des comptes ».

Plus loin ce sont les exigences non satisfaites sur les salaires qui sont discutées, et la constitution dont le maintien en l’état, à peine amendé, est toujours critiqué. C’est d’ailleurs le premier point du tract d’appel à cette journée distribué sur la place : « Nous demandons l’élection d’un comité pour instaurer une nouvelle constitution dans le pays avant toute élection, et, à la lumière de cette nouvelle constitution,  le réexamen de la loi sur les partis politiques, de la loi sur la pratique des fonctions politiques et de la loi qui criminalise les rassemblements. »


D'autres revendications contenues dans cet appel et reprises par les différentes organisations présentes (parti socialiste, parti nassérien, mouvement du 6 avril, Front national pour la justice et la démocratie, Comités populaires de défense de la révolution, pour ceux que j’ai vus) portent sur la lutte contre la corruption et la purge nécessaire d’un certain nombre de responsables. La récente décision de l’organisme qui traque le « profit illicite » de libérer Fathi Sourour, Zacharia Ezmy et Suzanne Moubarak n’est pas vraiment appréciée. De plus parmi les chefs d’inculpation du président lui-même, les révolutionnaires exigent que celui d’assassinat des manifestants soit maintenu. Dans le même ordre d’idée, ils demandent l’arrestation des membres de la police impliqués dans les meurtres de manifestants et dans les actes de torture, ainsi que celle des policiers impliqués dans la corruption financière du régime.


Le maintien des tribunaux militaires qui continuent de fonctionner comme ce véritables tribunaux d’exception, sans véritable droit à la défense, est aussi une source de mécontentement. De même la direction des media nationaux par des « membres de la contre-révolution » est un signe que l’abolition de l’ancien régime n’est pas achevée. Les gouvernorats doivent eux aussi être dirigés par des gens « qui n’ont aucun lien avec le précédent système ». Le tract liste ensuite pelle-mêle l’établissement d’un salaire minimum, l’intervention de l’armée pour empêcher les attaques de type confessionnelles, la protection du citoyen « de son corps, de son âme et de ses biens » et la fourniture de soins gratuits aux blessés de la révolution.


Les salariés des banques sont venus avec un calicot (ci-contre) qui réclame une « purge de l’administration bancaire des symboles de l’ancien régime ». Plus loin, les jeunes du « mouvement du 6 avril » de la région de Manoufia défilent avec un drap noir en guise de banderole affirmant « qu’ils aiment l’Egypte » (photo ci-dessus). D’une façon générale, les calicots sont bien moins luxueux qu’ils ne l’étaient en mars avril, période pendant laquelle je me suis souvent demandée qui payait ces immenses sérigraphies (question sans réponse à ce jour).

Un autre tract est distribué sur la place qui annonce la création d’un nouveau parti de gauche le « parti de l’alliance populaire socialiste » (page Facebook ici). Je demande à mon voisin combien il y a de partis politiques aujourd’hui en Egypte. Il éclate de rire. « Personne ne le sait ! Il y en a presque un par jour de nouveau ! ».

L’ambiance est au débat, à la discussion. Des interventions ont lieu sur les trois au quatre petites scènes qui ont été installées. On échange des textes, des informations. Devant le musée par exemple, un groupe discute autour d’une carte

satellite de l’Egypte. Un ingénieur explique comment le Delta va être englouti avec le réchauffement climatique. « Si le niveau de la mer augmente d’1 mètre, 6 millions de personnes doivent quitter le delta et plus de 4000 km2 de terres agricoles seront perdues. Comment va-t-on nourrir le pays ? ».


Les questions fusent de partout, on veut comprendre, on veut agir. Mais les solutions semblent bien lointaines.

Aucun incident à signaler pour cette journée. Le rassemblement devait se disperser à 18h mais les jeunes, notamment ceux du « 6 avril », ont décidé de rester dormir sur la place, jusqu’à ce qu’ils soient entendus.

Cette nuit, à 2h du matin, un millier d'entre eux étaient encore là, bien décidés à defier le couvre-feu ...

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