Seb Musset : quand les fachos récupèrent les luttes de précaires
Notre article Paris RSA : un SDF propre est un SDF suspect , a été mis en lien sur un court texte du blogger Seb Musset, intitulé la rue se meurt .
Nous nous préoccupons assez peu généralement de la reprise de nos textes sur la toile. Les lois de l’internet sont ce qu’elles sont, malheureusement.
Les précaires et leurs luttes sont à la mode , dans les cercles virtuels de la contestation. Les récits de nos micro affrontements avec la CAF ou Pôle Emploi ajoutent sans doute une touche « terrain » aux sites de partis politiques de gauche ou d’extrême gauche, ou à ceux qui font profession d’un regard désabusé et cynique sur le « système ».
Mais le site de Seb Musset nous a rapporté beaucoup de visites, alors nous sommes allés voir de plus près.
Le titre de l’article nous a écœuré : notre texte raconte la victoire d’un SDF contre la CAF, le combat d’un militant privé de toutes ressources et de logements fixes pendant des mois, et qui n’en est pas moins resté debout, et solidaire d’autres précaires.
La rue ne meurt pas, elle résiste à la précarisation, à la misère, à l'atomisation, et ça marche,
voilà la morale essentielle d’une petite histoire parmi d’autres.
Seb Musset , avec son titre misérabiliste insulte notre camarade et notre lutte.
D’ailleurs, notre lutte il s’en fout.
La preuve ? Son texte est une énième et ennuyeuse attaque contre Nicolas Sarkozy, un tissu de banalités sur « le monarque » en exercice, sa vie privée et son mépris des pauvres.
Contrairement à Seb Musset, nous ne voyons dans ce mépris, absolument rien de spécifiquement « sarkosyste ». Absolument rien qui le distingue d’autres présidents, d’autres élus de quelque parti qu’il soient.
Le texte repris par Seb Musset, d’ailleurs évoquait un contrôle CAF mené par le département de Paris, donc sous la responsabilité d’un Conseil Général de gauche plurielle. La mort sociale à laquelle on veut nous condamner n’a pas de couleur politique. Et aucune loi ne contraint les élus de quelque tendance qu’ils soient à choisir comme cibles des contrôles, les allocataires les plus fragiles.
Seb Musset naturellement élude cette dimension essentielle et fait ainsi le jeu de ceux qui se présentent comme des amis des précaires opposés à ce gouvernement, mais appliquent au quotidien la répression et le contrôle.
Et puis le mépris des pauvres, Seb Musset s’y connaît.
Parmi mille exemples de "descriptions mordantes", des imbéciles pathétiques gavés de télé et de pizzas synthétiques. On peut lire sa dernière charge contre les abstentionnistes, publiée hier : Ils y sont joliment décrits comme des décervelés avides de voter pour ou contre dans les jeux télé débiles, foutus de passer leurs dimanches à faire la queue chez Ikea (chez Habitat, c’est moins long, mais c’est plus cher ), mais incapables de passer dix minutes à aller voter. Une expression supplémentaire du « dynamitage du collectif », selon Seb Musset. Les chômeurs abstentionnistes, et ils sont nombreux, apprécieront comme il se doit.
Seb Musset ne dit pas pour qui il a voté. On s’en foutrait d’ailleurs, si encore une fois, il n’avait pas déformé et récupéré notre propos. Mais du coup, nous avons été amenés à nous demander ce qui sous tendait la démarche.
"Chroniqueur de guerre néo libérale", c’est un peu vague comme engagement.
"Héritier" d’Alain Soral, c’est beaucoup plus précis. C’est bien comme ça que ce définit Seb Musset en avril 2009, en pleines européennes, à un moment ou Alain Soral est en campagne pour le Parti « Antisioniste » dans un entretien accordé à des membres d’Egalité et Réconciliation
« Soral est, malgré lui, à l’origine de ce blog : C’était un minimum de le citer. Comme il n’écrit plus de livre, j’ai cité ce qu’il considère comme l’extension logique de son travail : Egalité et Réconciliation. »
[1]
Ce n’est pas ici le lieu pour faire en long et en large la liste des raisons évidentes pour lesquels notre collectif n’a rien à voir, de près ou de loin avec un blogger qui admire un écrivain raciste, antisémite et engagé politiquement dans les rangs fascistes. Qu’il s’agisse de ceux du Parti « Antisioniste » de Dieudonné ou du Front National ou d’Egalité et Réconciliation, ou d’un mix des trois.
D’ailleurs dans la réalité, le problème ne se pose même pas : à peine deux mois après que Musset se soit courtoisement entretenu avec Egalité et Réconciliation et leur ait publiquement tressé des lauriers, notre collectif se trouvait confronté avec ceux dont Musset apprécie encore publiquement la « sincérité » en janvier 2010. C’était à l’occasion d’une permanence de la CAF d'Argenteuil et au marché, ou nous avons eu la joie d’apprécier cette « sincérité » des amis d’alain soral, et leur opinion concrète sur les collectifs de précaires.
Nous nous fichons éperdument de savoir ce qui a motivé la relative et soudaine discrétion de Seb Musset quant à son mentor idéologique et inspirateur de son blog. La forme peut bien changer, le fond reste le même, comme le démontre sa reprise de notre article : récupération de nos luttes et déformation de leur contenu, mépris affiché des pauvres, dont la description cynique cohabite avec l’utilisation de la misère pour faire « social ».
Sur le terrain, ceux qui discutent courtoisement avec l’extrême droite ne sont jamais du côté de ceux qui résistent au quotidien contre la précarité imposée. Les admirateurs d’Alain Soral, minable pourfendeur du combat féministe, ne peuvent être qu’en face d’un collectif de précaires : parce qu’un chômeur sur deux est une femme, parce qu’elles sont soumises en tant que telles à une double oppression, comme en témoigne chaque jour notre combat contre les contrôles de la CAF.
Cette mise au point choquera sans doute quelques précaires, parce que le blog de Seb Musset, comme celui de nombreux autres faux-amis est mis en lien et cité fréquemment par des camarades en lutte, bloggers ou pas. Et ce d’autant plus que Seb Musset n’est pas l’unique membre de cette mouvance à nous citer, juste le plus connu. Et que des lecteurs nous arrivent désormais par le canal de l’extrême droite organisée ou pas, car nous ne contrôlons pas la reprise de nos articles.
Initialement le site était en modération a priori, ouvert librement aux commentaires.
C’est à cause des dérives antisémites et racistes apportées par des contributeurs de la mouvance fasciste ou leurs sympathisants qu’il est désormais modéré a priori, parce que nous ne défendons
pas la liberté d’expression de la haine sur nos outils.
Pour notre collectif, il n’y a pas, il n’y aura jamais débat sur l’évidence antifasciste.
Si nous ne pouvons empêcher la récupération virtuelle de nos luttes, les développer dans le réel
nécessite de ne pas alimenter la confusion ambiante, parce que le racisme, l’antisémitisme, le sexisme ou l’homophobie plombent au quotidien le développement d’une de nos seules armes, la solidarité entre précaires.
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[1] Dans cet entretien, Musset parle de toute la période ou le lien vers Egalité et Réconciliation a figuré sur son blog. Blog crée en 2006. Soral est entré au Front National en 2007, et le lien est resté au moins jusqu’en avril 2009.
Monsieur Musset l’a finalement retiré mais des membres d’Egalité et Réconciliation lui font remarquer que ce retrait coincide étrangement avec sa participation à Marianne2, et avec la quête d’une certaine respectabilité, dans les commentaires d’un article de janvier 2010. Le débat est courtois, et Musset y précise notamment que c’est l’engagement dans le Parti Antisioniste qui le dérange , et pas Egalité et Réconciliation en soi