« Ces actes sont inacceptables, mais ils sont aussi irresponsables. Irresponsables, car ils ont pour première conséquence d'empêcher nos concitoyens de circuler librement. Irresponsables, car ils empêchent des salariés d'aller travailler et de gagner leur vie. Irresponsables aussi, je vous le dis, car ces travailleurs, ce sont notamment des médecins chargés d'aller soigner en urgence, des infirmières à domicile qui doivent dispenser des soins quotidiens aux malades, des parents qui doivent aller chercher leurs enfants, des conducteurs de bus qui, dans l'impossibilité d'aller eux-mêmes au travail, pénalisent par ricochet les usagers du service public. La liste est longue et dans ces cas-là, la spirale, infernale.»
L'irresponsabilité du gouvernement est pourtant évidente : à droite, on reproche désormais à Sarkozy d'avoir fait traîner le vote de la loi alors que la marge de négociation était dès le départ très faible. Rapidement, le monarque a lâché ses quelques concessions, convenues d'avance, croyant qu'elles suffiraient à calmer la contestation. Certaines mesures proposées, comme assimiler la pénibilité au handicap physique, ont pu agir comme de véritables provocations.
Jouer les durs
Hortefeux, mercredi, a ensuite dérivé sur les violences : « Je l'affirme de manière la plus directe, la plus ferme et la plus déterminée : le droit de manifester, ce n'est pas le droit de casser, le droit d'incendier, le droit d'agresser, le droit de piller. » Il faut faire peur. Et sur ce registre, Hortefeux avait des exemples tous trouvés : « Hier encore à Lyon, 1 300 casseurs, dont la moitié de mineurs, ont semé la terreur dans le centre-ville, pillé 10 magasins, incendié 7 véhicules, en ont retourné 21, et détruit de nombreux abris-bus.» Après les statistiques roumaines sur la délinquance, Hortefeux déploie ses statistiques spéciales « jeunes » D'où sort-il ses chiffres ? Le même jour, le ministre expliquait n'avoir interpelé « que » 1400 casseurs en une semaine sur l'ensemble du territoire. Mais à Lyon, il en sûr et certains, plus de 600 d'entre eux étaient des mineurs ! « A Nanterre, deux jours de suite, une bande de délinquants n'a eu de cesse de terroriser les lycéens du lycée Joliot-Curie. »
Le ministre de l'intérieur aurait pu se poser la question des moyens de la police, ou de l'efficacité de son dispositif, sans cesse renforcé, de répression. Ainsi à Lyon, Jean-Paul Borrelly, secrétaire local du syndicat Alliance Police National, demandait à ce que les moyens « légaux » d'intervention soient élargis. La requête est dangereuse. Borrelly pense notamment au flashball - dont Hortefeux a déconseillé l'utilisation après le drame de Montreuil vendredi dernier. Mais, plus globalement, l'affaiblissement des moyens et effectifs de police depuis 2007 est un vrai sujet. La désorganisation des services de renseignements en est un autre, déjà pointé du doigt lors des émeutes dans la banlieue de Grenoble en juillet dernier. Les RG ne jouent plus leur rôle d'alerte. Mercredi, [Marianne2]url:http://www.kazeo.com/../Exclusif-le-N-2-du-Renseignement-claque-la-porte_a198740.html révélait que le numéro 2 de la DCRI, le directeur de la sous-direction de l’information générale (SDIG) avait démissionné de son poste en pleine crise sociale. Serge Guillen n'aurait pas supporté la faible place accordée aux ex-Renseignements généraux dans la nouvelle organisation des services français.
Que dire de l'efficacité du fameux décret anti-cagoules, pris au début de l'année 2009 ? Sarkozy devait enrager de voir autant de casseurs, le visage dissimulé. La Sarkofrance accumule des lois d'affichage, à défaut de moyens.
Provoquer sur le terrain
Brice Hortefeux a ensuite poursuivi sa journée sécuritaire par une visite à Lyon. Le maire Gérard Collomb, découvrant le dispositif médiatique entourant cette venue, a refusé de participer à la réunion prévue. Hortefeux souhaitait se montrer. 70 journalistes avaient été conviés à la dite réunion ! Après une petite heure de discussions avec des responsables policiers locaux, il s'est empressé de débouler, accompagné de ministres et responsables UMP, dans les rues du centre-ville pour se faire filmer et photographier auprès des commerçants victimes de saccages la veille pendant les manifestations. Cinq jeunes osèrent l'apostropher, à coups de « fasciste » et autres « T'es pas le bienvenu ici ». « La France n'appartient pas aux casseurs, aux pilleurs et aux caillasseurs. Elle appartient aux honnêtes gens qui veulent travailler paisiblement » a rétorqué le ministre.
Hortefeux, à Lyon, rappelait l'un de ses prédécesseurs, Nicolas Sarkozy, à l'automne 2005, quand ce dernier était venu promettre à la Courneuve, près de Paris, qu'il nettoierait « au Karchër » la « racaille » de la cité des 4000. On connaît la suite : une flambée de violence inédite et inouïe après un fait divers dramatique quelques semaines plus tard, et... une progression des agressions contre les personnes.
A Paris, un député UMP suggérait d'expulser les casseurs étrangers. Rien sur la déchéance de nationalité ?
Jeudi, Nicolas Sarkozy devrait parler ruralité, à Bonneval, en Eure-et-Loire. Le déplacement était tenu secret, pour éviter, comme souvent, les manifestations d'hostilité. Le décalage entre l'agenda « officiel » du président français et l'actualité du pays demeure incroyable : un sommet international à Deauville (lundi et mardi), une nouvelle visite aux agriculteurs (jeudi), déplacement en Suisse pour le XIIIème sommet de la Francophonie (samedi); jamais la réforme des retraites, et ses contestations, n'est à l'ordre du jour. On aimerait que Sarkozy prenne le temps et le courage de s'expliquer publiquement, plus longtemps que quelques phrases de commentaires lâchées en fin de conférence de presse, ou par le biais de ses ministres.