Vous voulez que je me joigne à la meute qui s’acharne depuis hier sur le “site” de Marie-Ségolène Royal ? Eh bien me voilà !
Comme tout le monde, je suis tombé sur le cul à la vue de cette catastrophe.
C’est simple, on dirait l’œuvre vespérale d’un plombier-zingueur qui aurait dans les années 90 bâti son site perso avec un template de Frontpage et un CD de gifs animés encarté dans “PC Expert”, dans le but de “mettre sur internet” tous les objets de sa fierté, c’est à dire en vrac ses enfants, sa femme, sa maison, son chien et sa nouvelle Mégane Scénic. Un skyblog, à côté, ça fait austère, fonctionnel et classe…
Une bouse. Une honte. Totalement incompréhensible.
Twitter se déchaîne. Tout le monde se moque. Je cite par exemple Joffrin (le vrai ?) : “cruchitude 2.0 on a enfin trouvé plus nuls que nous sur internet!”. Même les “jeunes pop”, rappelant qu’elle paie l’ISF (et oubliant que Sarkozy la paie aussi) lui conseillent de piocher dans sa fortune pour rattraper le coup… Se faire moquer par Joffrin et les jeunes pop, vous vous rendez compte ?
C’est d’autant plus risible qu’il existe désormais une pléiade d’outils libres, performants et gratuits qui permettent à n’importe quel geek pas trop manchot d’élaborer en quelques jours un site de base qui tienne au moins la route faute d’être à la pointe de la technologie. Joomla (celui de Ségo, Parti de Gauche), Drupal (rue89, slate, Europe-Ecologie), Wordpress (ce blog par exemple et des centaines d’autres), Dotclear, Spip (Bakchich, PCF) ou encore Easy Publish (celui de l’UMP), le choix est vaste. Pour un site professionnel, l’œil d’un vrai graphiste est indispensable et aurait évité ce Waterloo… Et si le site doit être visité par des centaines de milliers d’internautes en délire, mieux vaut prévoir un hébergement à la hauteur. Ce qui coûte très cher.
Pourtant, lors de la campagne des présidentielles, elle avait déjà un site. Réalisé par des spécialistes (la Netscouade, qui a depuis lors réalisé entre autres le site de Mediapart et celui d’Europe-Ecologie : deux références ! C’est d’ailleurs Benoit Thieulin , directeur de la Netscouade, qui décoche la flèche la plus acérée : “C’est presque un suicide numérique : née sur Internet elle y sombre … Assez triste quand même ; quel gâchis…”)
“Désirs d’avenir” première version, s’il se caractérisait évidemment déjà par l’ineptie des propos bisounoursiques qui y étaient tenus, avait en revanche un aspect de bon aloi, puisque je ne garde pas le souvenir d’avoir été choqué ni ébloui.
Apparemment, elle s’est désolidarisée de cette équipe, pour confier la réalisation du suivant à son nouveau Dédé, celui qui fait les choux gras (on se demande bien pourquoi, d’ailleurs) des magazines à sensation.
Plus glauque, on apprend que le Dédé en question, dirigeant de PME dans le civil, a discrètement fait passer une facture de 41860 euros pour la réalisation de cet accident industriel. Et le porte-monnaie de Royal, c’est le richissime Pierre Bergé, qui règle déjà les 8000 euros mensuels de son loyer parisien. Et il tique sur la facture.
Amusant, on apprend le même jour que le couple réclame 50000 euros pour les photos volées qui “ornent” Paris Match cette semaine, et sur lesquelles on la voit tenir la main de son génie du Web en attendant le départ de son TGV. Passionnant. Le Dédé semble avoir toutes les qualités du boutiquier gérant de PME : entre Bergé et Paris-Match, on gagne 91860 euros sans rien faire ou presque !
Je ne voudrais pas que ce billet soit une simple occasion de se moquer de ce “site”, puisque tout le monde l’a déjà fait. Allons plus loin.
Une autre chose qui me gonfle prodigieusement, c’est que Marie-Ségolène Royal soit devenue une espèce d’interface marketing creuse, une marionnette agitée par on ne sait qui. Quand on lui pose une question simple, elle est incapable de répondre clairement et immédiatement. Il faut qu’elle consulte son Gepetto. Invitée l’autre jour chez Demorand au lendemain de la parution du bouquin qui révélait au grand public les fraudes du Congrès de Reims, elle a réussi pendant 40 minutes à esquiver la simple question “qu’allez-vous faire ?”, se bornant à répondre qu’elle ferait une déclaration le mardi suivant. Hier donc. Ce qu’elle a fait, dans une immonde vidéo ultracompressée sur son impayable “site” : “si ce que dit ce livre est vrai, c’est grave, mais si ce n’est pas vrai, Martine Aubry doit porter plainte”. Elle joue aux échecs. Et elle joue mal. On attendait “Martine a triché, je vais lui voler dans les plumes, à cette salope” (ou un équivalent plus conforme à son éducation bourgeoise), et on a une réponse à la con, fruit avarié de la masturbation cérébrale de quelques conseillers occultes. C’est pas de la politique, c’est de la merde !
Ce matin je suis tombé sur ce billet de Hypos, blogueuse associée chez Marianne, qui se revendique “de gauche” et “femme engagée”. Fort bien. Dans ce billet, elle confie son hé-naurme déception au sujet de Marie-Ségolène Royal. Il vaut certes mieux un accès tardif de lucidité qu’une cécité perpétuelle…
Une secte, c’est une organisation où des fidèles auxquels on a enlevé tout sens critique (si tant est qu’ils en eussent avant) chantent inconditionnellement les louanges d’un gourou, sourds à toute critique extérieure. Force est de constater que la nébuleuse autour de Marie-Ségolène Royal répond assez finement à cette définition. Il ne faut pas se moquer des adeptes, il faut les soigner.
N’importe qui pouvait comprendre que son fuameux concept de “démocratie participative” était du flan, du foutage de gueule intégral : “j’ai pas d’idées, tu peux m’en donner ? En même temps, je te fais croire que je m’intéresse à toi, mais si tu savais comme je m’en branle, de toi et de tes idées, mon seul objectif, c’est d’être élue !” Mais non, la plupart des gens, médias compris, la prenaient au sérieux, et faisaient mine d’y voir quelque chose de révolutionnaire.
Lâchée par la plupart des éléphants, elle a néanmoins été rejointe par quelques ambitieux, qui avaient senti là leur seule chance d’avenir ministériel proche.
Marie-Ségolène Royal, ce n’est rien d’autre qu’une baudruche surgonflée qui a fini par exploser le 6 mai 2007. Vous avez déjà essayé de réparer une baudruche après explosion ?
Et pourtant, aujourd’hui encore, quand le P”S” vote, il est obligé de truquer les élections pour empêcher Madame Royal d’être majoritaire ! Incompréhensible et désespérant. Le P”S” ne survivra pas longtemps, il a failli se faire doubler par Europe Ecologie aux dernières européennes, les régionales pourraient sonner l’hallali…
Si on poursuit le billet d’Hypos, on s’aperçoit que cette déception n’est que la réplique d’une autre déception engendrée auparavant par… François Bayrou ! Décidément, madame Hypos, avec tout le respect que j’ai pour toi, tu me sembles faire preuve d’un discernement politique assez déficient !
À y regarder de plus près, c’est moins étonnant. Bayrou est un autre exemple de baudruche dont la vacuité est inversement proportionnelle à l’intérêt que certains lui portent ! Pas étonnant dans ces conditions que la secte Royaliste et la secte Bayrouiste aient des velléités de fusion !
Le ras-le-bol de Sarkozy est légitime. Tout comme le ras-le-bol des partis politiques traditionnels. Ce n’est pas une raison pour écouter les sirènes des charlatans et des opportunistes qui veulent récupérer le désarroi de militants sincères et exploiter la situation !
Mais merde, si un jour vous avez des penchants pour tel(le) ou tel(le) politicien(ne), demandez-moi ! Je le dis depuis le début de ce blog, et même bien avant, que ces deux-là sont des baudruches, de ridicules interfaces marketing, des scandales ambulants !
Et pour élargir encore, cela ne vous choque pas d’en être réduit à vous demander : “bon, qui va être notre prochain Président de la République : Sarkozy, Royal, Bayrou ou Cohn-Bendit ?”
Ça ne vous choque pas que l’ensemble des médias répète cette question à l’infini ? Et que dans les faits, ce soit bien à cette question qu’il va falloir répondre ?
Marre de ces minables qui nous remplissent l’espace médiatique de leur vacuité. Il y a plus de 60 millions d’habitants en France. Vous n’en connaissez pas, des plus honnêtes, sympathiques, compétents, brillants, modestes, désintéressés, pleins de bonne volonté et plein d’idées, qui feraient le boulot considérablement mieux que ces scandaleux égos sur pattes ?
**** Un petit plus