L`ENQUÊTE DE L’OBSERVATOIRE INDIGÈNE (ÉTAT DU ZULIA, VENEZUELA)
04.11.09. VENEZUELA. Peaux blanches, masques Yukpa
Dans les années 80, ils étaient professeurs de marxisme. Aujourd’hui, ils ne pardonnent pas au président Chavez - un métis venu de l´État paysan de Barinas, Mon Dieu ! - de faire la révolution qu´ils ont été incapables de faire, et de la faire sans leur autorisation. Rien de tel que le masque "écologiste" pour le lui faire payer... Et qu´importent les protestations du peuple Yukpa face à l’irruption de ces nouveaux “intermédiaires”.
L’histoire ...
Quand les Yukpas revinrent de Colombie en 1945 avec la fondation de la mission du Tokuko, réinvestissant les territoires sur lesquels ils avaient vécus depuis 120 ans, une relation perverse s’intensifia entre eux et les propriétaires terriens. Les Yukpas reprirent contact avec des groupes dispersés vivant marginalement dans les grandes propriétés. Les propriétaires les chassèrent comme un fléau, jouant au tir au pigeon avec eux, les frappant et leur coupant le bout des doigts ou d’autres parties du corps. Les indigènes volèrent en retour des vaches ou des poules. Les propriétaires de cette zone devinrent très puissants, parmi les plus prospères de toute la Sierra Perijá, zone produisant près de 70% du lait du Venezuela. Les Yukpas définirent les limites de leurs terres ancestrales et réclamèrent leurs droits originaires aux propriétaires terriens. C´est ici que s’achève l’histoire fournie par les “écologistes”. Le problème c’est que cette histoire ne s’arrête pas là...
Les indigénes Wayúu, vendus comm esclaves des années 30 aux années 70 aux propriétaires dans la zone Sur de Lago jusqu’à la Perijá, devinrent peu à peu paysans indépendants sur ce territoire très prospère. Ils se transformèrent en agriculteurs puis en producteurs dans de petites propriétés réparties sur tout leur territoire. Les fils des propriétaires terriens divisèrent l’héritage de leurs pères et modifièrent le traité avec le Yukpa en se basant sur une certaine morale chrétienne et leur remirent des territoires. Avec l’appui du gouvernement Perez, la remise des terres s´opéra par L’Institut National de l’Agriculture.
Les Colombiens et leurs fils, jusqu’alors pure main d’œuvre, payèrent désormais une location sur les territoires des Wayúu, des Yukpas et des propriétaires pour produire et vendre dans la ville de Machiques. D’autres se marièrent avec les Yukpas, les Wayúus et les populations métissées. Nouvelles familles, nouvelles coutumes. Il existe aujourd’hui sur le territoire des Yukpa près de 300 propriétés (grandes ou petites).
Les Yukpa vivent également de nombreux conflits inter-familiaux, depuis toujours. C’est presque un rituel que de voir des conflits. La séparation de familles impliquant la prise de nouveaux territoires. C’est pour cela qu’ils sont aujourd’hui peu nombreux même s’il existe plus de 100 communautés Yukpa. Certaines d’entre elles s’établirent dans la montagne et quittèrent les terres où se trouvent les propriétaires et les autres Yukpa, là où le conflit est le plus aigu et les terres les plus fertiles. Des communautés Kampa et Wasama naquirent Sabino et Olegario, Yukpa rionegro, qui vivent aujourd’hui sur le territoire des Yukpa Parirí.
Pour survivre sur un territoire aussi complexe et aussi prédateur, ils se sont faits plus prédateurs encore, technique déjà employée par quelques chefs (shuatpu) Parirí. Ils ont ainsi commencé à voler de grandes quantités de bétail. On a vu des attaques de dépôts d´alcool, des enlèvements de grands propriétaires terriens à des kilomètres de distance (zone proche du grand Lac) de là où ils se cachent. Ils ont aussi initié les assassinats. Un tribunal juge actuellement la plainte d’un père et de sa fille dénonçant six Yukpas qui la violèrent pendant une journée entière pour qu’elle leur fasse à manger.
C´est ici également qu´entrent en scène la guérilla et les paramilitaires-narco-trafiquants colombiens. Les paras protègent les grandes propriétés mais font également leur propre business. Et la guérilla a commencé à étendre ses culture d´amapola, de cannabis, et se sont infiltrés dans des importants territoires Yukpa comme El Tokuko, puis se sont rapprochés des territoires de Sabino et d´Olegario. De nombreux chefs Yukpa se mirent sous leur protection pour ne pas être menacés. Mais cela leur rapporte également de l’argent.
C’est dans ce contexte qu’entre en action les “écologistes”. Qui se résument essentiellement á la prsonne de Lusbi Portillo, un leader qui s´est imposé en en écartant quelques autres, et qui a mené une campagne de désinformation brutale destinée á un réseau d’internautes et d’étudiants “écologistes” pour qu’ils se mobilisent pour “les droits des Yukpas”.
Au début des années 90, Portillo a fondé “Homo et Natura” - á l´origine une société d’études d’anthropologie politique et écologique dont l´objectif était de stopper les plans nationaux d´extraction de charbon. Une telle cause lui a permis d’accumuler un important capital politique, qui, après la victoire de Chávez, s’est retourné contre le processus révolutionnaire.
C’est dans ce contexte que Chávez procéda à la Démarcation des terres et des habitats originaires. La démarcation reconnait la totalité du territoire demandé, mais reconnait également qu’on ne peut pas utiliser ce droit au détriment d´autres personnes vivant sur place, entre autres, des centaines de paysans organisés avec succès en Fundos Zamoranos et en conseils dans le cadre de la réforme agraire. Également, il est reconnu que compte tenu du problème de la drogue, de la guérilla, et de la Colombie, l’État ne peut céder totalement des territoires stratégiques, mais au contraire peut planifier avec les indigènes la mise en place de bases militaires. Le plan du gouvernement bolivarien reconnait que la présence de certaines activités, surtout rentières, sont très dangereuses pour l’environnement.
Dans ce sens, Chavez a déclaré à trois reprises, publiquement, qu’aucun charbon ne sera produit dans la région, contrairement à ce qu’avait prévu le gouvernment antérieur. La Loi pour les Peuples, Communautés du territoire et de l’Habitat Indigène remet cette prérogative aux mains de l’État. Malgré quoi Homo et Natura, et Portillo lui-même, ont publié dans des médias indépendants colombiens des articles selon lesquels Chavez est un “proconsul de l’Empire” en ignorant ses déclarations et ses actions, et en l’accusant de préparer un plan pour intégrer le Venezuela à un projet de libre échange (le Plan Puebla-Panama)...
Ce groupe écologiste récupère la désinformation étatique et son inefficacité (et sa corruption) pour imposer leur manipulation sur la question de la démarcation des terres Yukpa. Ils réduisent la situation des Yukpa aux années 1960 et demandent quelque chose que demandent aussi la majorité des Yukpa : le “nettoyage” de l’ensemble du territoire des “tiers”. Ce qui signifie le déplacement par la force de plus de 600 familles ainsi que l’arrêt d’une importante partie de l’activité productive dans laquelle, le peuple, y compris les Yukpas, participent aujourd’hui, grâce à des politiques d’intégration mises en place par le processus bolivarien.
Le thème le plus épineux est que ce groupe “écologiste”, en plus de Sabino et Olegario, protègent les narcotrafiquants. Et on peut présumer que ce sont eux qui les financent. De fait, Sabino et Olegario poss`dent des armes lourdes de guerre que personne d’autre ne possède dans le secteur et qui leur permettent de voler du bétail et d’envahir les propriétés.
Il y a quelques mois, les “écologistes” ont déclaré que “les bases militaires” qui défendent le Venezuela face aux bases militaires US qui s´installent en Colombie (devenue contre l´Equateur, la Bolivie et le Venezuela le nouvel "Israel de l´Amerique Latine") sont un outrage au territoire Yukpa. Ils ont ainsi mobilisé un groupe Yukpa pour empêcher la création d’une base militaire à Tokuko. Un tel fait a alerté le gouvernement jusqu’au niveau présidentiel. Comment est-il possible que dans une zone contrôlée par des forces hostiles, qui font du commerce d´êtres humains, pratiquent la culture de la drogue et du narcotrafic, un groupe d’indigènes, en rien représentatif des communautés dont ils sont membres- occupent le terrain et empêchent la construction d’une base militaire ?
Avec Internet et d’autres alliés, ces “écologistes” ont promus Sabino et Olegario à un statut quasi équivalent à celui de porteparole et de délégués aux pleins pouvoirs de l’ensemble du peuple Yukpa, ainsi que quelques autres utilisés selon l’opportunité. Récemment José Quintero Weir a falsifié les signatures d´un appel mondial (afirmant que le MST, la CONAIE, l`EZLN et VIA Campesina l´avaient signé), ce qui a valu la réponse ferme du Mouvement des Sans Terre du Brésil, refusant d´être utilisé et dénonçant le contenu de cet appel ICI . Ils ont aussi lancé depuis Caracas une supplique mondiale gauchisante “Nous les Yukpas ...”. alors que les Yukpa sont un ensemble complexe, dont la majorité réfute les actions et la manière de faire de Sabino et Olegario. Suivre ces deux petits chefs a signifié en fait, les transformer en tyrans de leur propre peuple.
Les “écologistes” parlent de droits ancestraux des Yukpa, alors qu’il s’agit de ceux de Sabino et d’Olegario qui ne sont absolument pas des indigènes ancestraux, sinon des voleurs de bétails et des complices du narcotrafic (on ne possède pas de preuves cependant pour ce qui est des séquestrations, des viols et du commerce humain). Il ne s’agit pas de personnes qui restaurent les pratiques de leurs ancêtres quand ils récupèrent leurs terres. Sabino lui-même a déclaré à la chaine Vive TV, à de nombreuses reprises, que lui-même voulait devenir éleveur, qu’il voulait être riche : “Jusqu’à quand les Yukpa seront pauvres ? Je ne veux pas être pauvre, je veux être riche” ainsi que “je ne veux pas de démarcation”. Évidemment, puisque la démarcation distribue des terres inaliénables, ce qui rend plus difficile ce qu’il a toujours fait : envahir les terres pour vendre son bétail et ensuite les abandonner. Et il continue, en donnant une liste des propriétés qu’il pense envahir (avec ses armes de guerre, comme il l’a déjà fait). Et ce sont ces personnes là qui sont supposées être des Yukpas avec la conscience ancestrale pour éviter de vendre le charbon à des entreprises multinationales ?
Le tour est joué : Lusbi Portillo et José Quintero Weir manipulent, au nom de la révolution, des étudiants bien intentionnés et un groupe d’indigènes, pour capitaliser un pouvoir politique qui cherche à dynamiter les structures contradictoires ou non du processus révolutionnaire dans la zone et dans le monde entier, appuyer la guérilla narco-productrice et provoquer un affrontement inter-ethnique que leur permettra d’accaparer les riches des lieux et gagner un capital politique déstabilisateur. Portillo se dit chaviste selon les circonstances qui l’arrangent (quasiment tous les médias internet sont chavistes ou d’origine chaviste) même si Quintero Weir a l’esprit de se déclarer antichaviste. Il a ainsi écrit dans la page Barricada du Nicaragua, que Sabino était le "premier priisonnier politique de la révolution bolivarienne". Leur groupe de référence, en réalité est Tercer Camino (scission du PRV et la Ligue Socialiste), qui tient un discours anti-étatique de type anarchiste. Selon ce discours, l’État est le véritable ennemi de la révolution, et ensuite vient la bourgeoisie.
Dans les faits, il n’y a aucun plan stratégique : la pratique suppose seulement des tactiques de pouvoir, dans un évident but déstabilisateur, en tâchant non pas de rapprocher les forces du pouvoir populaire, mais d’aiguiser au contraire arbitrairement les contradictions et les fausses contradictions d’une petite “avant-garde” idéologique auto-proclamée.
Faits récents
L’an passé, un groupe d´homme de main envoyé par les grands propriétaires a battu á mort le père de Sabino et celui-ci est mort quelques jours plus tard. L’appel de ces "écologistes" prend alors de l’ampleur. Ensuite, l’armée empêche que “les écologistes” et leurs ONG alliées se rendent dans la zone où se trouve Sabino. Coups de feu. La répression apparait y compris dans les rapports d’Amnesty International. Les “écologistes” ont ainsi gagné douze points grâce à la brutalité de la réaction interne et externe. Les forces armées et le défenseur du Peuple ont ensuite protégé Sabino et Olegario, en les blanchissant presque de tous leurs méfaits pour un an.
Conclusion : il s´est produit récemment un conflit sur 120 têtes de bétails volés par Sabino et Olegario aux paysans engagés dans la réforme agraire. Ceux-ci se sont agressés mutuellement avec leurs armes lourdes en tuant des proches. Les habitants, désormais décidés à les dénoncer, virent l’opportunité. Surtout Antonio, un chef père de deux des personnes assassinées. Ces faits ont été reconnus par les 18 caciques principaux des Yukpa qui exigent des sanctions légales contre ces deux chefs indigénes.ICI
Aujourd’hui Sabino est prisonnier, et présenté mondialement comme "prisonnier politique de Chavez" (sic). Olegario fuit la justice et Lusbi “s’échappe” arguant que l’on veut l’emprisonner (alors qu’il n’y a aucun mandat d’arrêt à ce jour).
Ce feuilleton continuera ...
Résultats de la commission de démarcation jusqu’à ce jour
Contrairement aux allégations des “écologistes”, il y a bien des Yukpas dans la commission de démarcation de l’Etat de Zulia : Jesus Peñaranda de la communauté de Toromo et Efrain Romero de celle de Shirapta. Ce sont deux représentants hautement légitimes dans leurs communautés respectives. Également membres de cette commission, on trouve d’autres indigènes : 2 Bari, 2 Añu, 1 Japreria et 6 Wayuu. Le suppléant à la commission nationale de démarcation est Adolfo Maikishi, un ancien Yukpa originaire de Tokuko, principale communauté Yukpa.
Il y a aussi un membre de Bandera Roja (parti ultra, opposé à Chavez et pro-putschiste), qui n’est pas à l’intérieur même de la commission de démarcation. Il s’agit du réputé/diffamé Mauro Carrero et s’il n’est pas dans la commission même, fait partie de l’équipe technique de la commission en qualité d’anthropologue. Il n’a aucun rôle politique et n’a aucune influence sur la prise de décisions sur ces questions, il est ici comme conseiller. Il a présenté sa démission (qui a été unanimement refusée par la commission) devant les pressions politiques qui s’exercent à son encontre.
Enfin, il n’y a pas eu seulement 3 communautés délimitées sur les 140. A l’origine du processus, on a recensé 119 communautés Yukpa, sur 6 secteurs, soit près de 12 000 habitants. Et le processus de démarcation, qui n’est pas terminé, a déjà remis les titres de propriété des secteurs Tinakoa, Aroy et Shirapta ce qui représente plus de 30 communautés Yukpa. Sur les 241 milles hectares auxquels aspirent les Yukpa dans le cadre de leur autodémarcation, seuls 41 mille ont été accordés. C’est assez négatif selon nous, qui avons participé á la démarcation. Plus de dix propriétés ont été remises aux Yukpa, certaines dans leur entièreté et avec toute la production. A ce jour, les contreparties n’ont pas encore été payées. Ce ne sont pas que des terres non fertiles et des cailloux, ce sont des espaces de pâturage productifs et des champs fertiles. Mais même comme cela ce n’est pas suffisant.
Les Yukpa ont deux positions : Kumarko obaya yupekma (Une terre pour tous) et Une Terre par secteur et par communauté, option avancée par le gouvernement bolivarien.
Mathématiquement ont été délimités et remis les territoires suivants :
un sixième du territoire autodémarqué : 41 000 hectares sur 240 000.
la moitié des secteurs : 3 sur 6. Il manque encore les secteurs de Atape, Yaza et Tokuko.
Un quart des communautés : 30 sur 119
un quart des habitants : un peu moins de 3 milles sur les 12 000 Yukpa vivant au Venezuela
Le rapport socio-anthropologique remis à la commission fait 6 suggestions
1. délimiter comme territoire Yukpa le zone Auto-délimitée par le peuple lui-même.
2. Intégrer dans la zone une proposition productive élaborée par le peuple avec l’appui des organes compétents, comme le Ministère de l’Agriculture et des Terres
3. Approfondir le Plan Général Sierra de Perijà et concrétiser les investissements qui vont aider à améliorer le niveau de vie du peuple Yukpa.
4. Travailler à la création du Municipe Autonome du Peuple Yukpa, qui permet d’avancer vers la possibilité d’autodétermination.
5. Stimuler la vie commune pacifique entre tous les vénézueliens et les individus en qualité de réfugiés qui vivent dans la zone Yukpa.
6. Résilier toutes les concessions d’exploitation minière qui peuvent exister dans la Sierra de Perijà.
Source : Observatoire Indigène, chapitre Zulia.
A voir également : 28.09.2009. (Audio :) Les indigènes Yukpa dénoncent "ceux qui s´infiltrent dans leur communauté pour manipuler et faire de la propagande antigouvernementale".ICI
et la réponse du Mouvement des sans Terre du Brésil aux manipulations de sa signature dans les appels des "écologistes" ICI
Traduction : Grégoire Souchay pour : http://www.larevolucionvive.org.ve ICI