58 députés ont demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le port de la burka (Dark Vador avec une grille) ou du niqab (Dark Vador avec une fente). Une foultitude de réactions ont été publiées depuis cette annonce. Ma contribution à la polémique .
La femme qui porte le voile ne serait pas libre. Celle qui porte le voile intégral (burka ou niqab) encore moins. En revanche, celle qui porte un jean taille basse ras la foufoune, avec à l’arrière le string en évidence, puis, côté pile, le nombril ostentatoire, arborant un maquillage péripatéticien, elle, elle serait libre...
Toutes ces femmes, la niqabienne toute fermée ou la stringueuse toute offerte, sont des femmes objets : elles ont cessé d’être sujets de leur propre vie. Elles sont assujetties à l’image de la femme que valorisent les hommes - ou l’homme - qu’elles côtoient. Ne les en blâmons pas : elles n’ont parfois pas d’autre choix que celui d’obéir ou de se conformer. Mais en quoi est-ce un problème religieux ?
Le problème central reste le statut de l’individu comme sujet de son propre désir ou comme objet du désir des autres. Quand mon comportement, mes attitudes et mes habitudes se définissent en fonction de ce que l’autre veut que je sois et non en fonction de ce que moi je désire être ou devenir, je cesse d’être libre.
Ce problème de l’individu-objet se rencontre bien plus souvent chez la femme que chez l’homme. L’égalité reste un voeu pieux, si j’ose dire, en témoigne la révoltante différence de salaires entre hommes et femmes. En témoignent aussi les publicités qui réduisent la femme à un objet de fantasmes sexuels. En témoigne la parité homme/femme rarement respectée dans le monde politique. En témoigne la préférence donnée aux compétiteurs aux dépens des compétitrices dans le monde du spectacle sportif.
Mais ne nous leurrons pas : interdire le port de la burka et du niqab nous garantirait de ne plus être choqués en croisant les personnes qui s’en vêtissent aujourd’hui, mais n’aurait aucun effet sur ce que ces femmes vivent au quotidien dans leurs foyers. Et en matière de dénigrement, d’aliénation, d’exploitation voire de violence morale ou physique, l’habit ne fait pas la victime. La tenue ne protège pas.
Dès lors, quel intérêt y a-t-il à ainsi offrir en pâture aux médias et au public une catégorie ultra minoritaire de la population ? Créer un énorme brouhaha où s’entremèlent des notions fort distinctes : laïcité, intégrisme, liberté, respect... Dégageons le premier de ces thèmes, la laïcité, et commençons par affirmer avec fermeté que la femme qui se promène dans la rue en burka ne menace pas ni ne porte atteinte au principe de laïcité. Qu’elle expose son asservissement, certes, mais en aucune manière elle ne menace davantage la laïcité que la bonne soeur avec son cornet et son chapelet.
La laïcité a un double objectif : garantir l’indépendance de l’Etat vis-à-vis des religions et garantir la liberté religieuse des particuliers dans la sphère privée. Aujourd’hui, la laïcité est bien plus menacée par le ministre de l’Education - qui reconnaît les diplômes du supérieur délivrés par des universités catholiques - que par la femme en burka. La laïcité est bien plus menacée par un président de la république qui fait au Vatican l’éloge du prêtre aux dépens de l’instituteur que par la femme en niqab.
Cessons donc d’être hypocrites et battons-nous vraiment pour la laïcité. Dénonçons les subventions mirobolantes versées aux établissements scolaires privés et religieux (dont les enseignants, rappelons-le, sont payés par l’Etat). Dénonçons la place scandaleuse offerte aux catholiques dans les médias français. Enlevons les crucifix qui trônent encore dans des établissements publics de Lorraine ou d’Alsace. Supprimons les jours fériés religieux - tout en garantissant aux pratiquants le droit d’être en congés ces jours-là - et remplaçons-les par des jours fériés commémorant les grandes victoires sociales ou l’infâmie des fascistes : 21 mai (1871 : début de "la semaine sanglante" qui verra 20 000 communards massacrés sur ordre de Thiers), 27 mai (1968 : accords de Grenelle)**, 7 juin (1936 : accords de Matignon) ...
Et laissons à ceux qui croient le droit de construire les édifices qu’ils souhaitent pour y pratiquer leurs rites. Mais que pour cela, et pour toutes leurs autres activités, il ne soit pas dépensé le moindre centime d’argent public.