Mossad, permis de tuer (1 & 2) |
AUTEUR: Xavière JARDEZ |
1 - La grande hypocrisie occidentale L’assassinat du dirigeant palestinien Mahmoud al-Mabhouh, qui avait déjà échappé à trois tentatives d’assassinat auparavant, le 20 janvier, à Dubaï, porte indubitablement le sceau du Mossad - corroboré par la quasi certitude de l’Israélien moyen - malgré les dénégations d’Israël, notamment celles de Netanyahou. Or, selon les règles du Mossad, de son vrai nom, Institut d’espionnage et d’Opérations spéciales, établies par Meir Amit, premier directeur de l’agence de renseignement, « ... toute exécution doit être avalisée par le Premier ministre en exercice. Toute exécution est ainsi soutenue par l’Etat, l’ultime sanction judiciaire de la loi. L’exécutant n’est donc pas différent du bourreau nommé par l’Etat ou de tout autre exécuteur désigné par la loi ». Aucun exécutant, ou assassin, ne peut ainsi opérer sans que ne lui soit produit ce document signé, le permis de tuer. Et il semblerait qu’il y ait eu une réunion entre Netanyahou et le chef du Mossad, Meir Dagan début janvier, selon le Sunday Times. Il est certain que dans les chaumières et la presse en Israël, les applaudissements ont crépité. Certains journaux occidentaux n’ont pas caché leur admiration devant le brio de l’opération, le coup d’éclat, même si la discrétion qui devait être le maître mot de l’opération a été éventée avec le passage en boucle des images des assassins sur les télévisions du monde. Car il ne fait aucun doute que cet assassinat est tout simplement un CRIME, quelle que soit la qualification qu’on lui donne. Israël a violé, une fois de plus d’entre toutes les fois, l’article 6 de la Convention Internationale sur les Droits civils et politiques, qui définit le droit à la vie, « en poursuivant une politique d’assassinats de Palestiniens qu’il décrit comme terroristes sans chercher d'abord à les arrêter pour les juger » (Tribunal Russell, Barcelone 2010). « Il y a plus d’aspects et d’acteurs internationaux à l’œuvre dans cette affaire qu’il n’y paraît à première vue » Pour Bruce Riedel, ancien de la CIA, « C’est selon toute probabilité une opération du Mossad. Tout en porte la signature- les passeports, européens, la rapidité avec laquelle l’équipe a disparu du pays, tout cela s'additionne pour en donner une image plutôt convaincante ». « Ce que les autorités de Dubaï découvrent n’est pas seulement une opération isolée mais probablement l’entière agence du Mossad. Dubaï serait l’endroit idéal pour entreprendre, non seulement une opération isolée, mais des opérations à long terme contre l’Iran ». Pour Michael Ross, agent du Mossad à la retraite, « il serait naïf de penser qu’Israël n’a pas un doigt dans l’affaire », a-t-il dit à la BBC et d’ajouter : « Je pense qu’il y a plus d’aspects et d’acteurs internationaux à l’œuvre dans cette affaire qu’il n’y paraît à première vue ».
L’Angleterre, la France, l’Allemagne, l’Australie et l’Irlande, toutes ont poussé des cris d’orfraie à l’idée que les assassins avaient utilisé leurs passeports – bizarrement pas ceux des États-Unis ! -, d’abord supposés faux, puis reconnus vrais car ils appartenaient à des Européens possédant aussi la nationalité israélienne (ils sont 350 000 dans ce cas). Ils ont protesté de leur ignorance mais de multiples indications suggèrent qu’ils ont, ainsi que leurs service de sécurité, eu vent du complot plus qu’ils ne le prétendent. Des allégations selon lesquelles le Mossad avait prévenu la Grande-Bretagne ont fait surface dans le journal britannique Daily Mail qui précise que « le Foreign Office et le MI 6 ont été informés de l’opération avant qu’elle n’ait lieu ». La source est « un membre en exercice du service israélien de renseignement. Il a dit que le gouvernement britannique a été informé… Il n’y aucune participation britannique et (le gouvernement) ignorait le nom de la cible. On leur a dit que les exécutants voyageaient avec des passeports britanniques ». Selon une autre source proche du quotidien The Independent, les services de sécurité de Dubaï ont fourni, six jours avant l’opération, à « un diplomate britannique » (le consul ?) les détails sur ces passeports britanniques et n’ont reçu aucune réponse…. Le Canada avait, lors de la tentative d’assassinat de Khaled Meshaal, en 1997, protesté violemment contre l’utilisation par les assassins venus d’Israël de documents canadiens. Israël avait promis de ne plus rien faire de semblable, comme il avait fait la même promesse à Margaret Thatcher en 1987 avec la découverte de 8 passeports oubliés par le Mossad dans une cabine téléphonique en RFA, et à la Nouvelle-Zélande en 2005 après l’emprisonnement de deux de ses agents. Ian Wilcocks, l’ancien ambassadeur d’Australie en Israël, dit avoir averti, dans les années 1990, les officiels du ministère des Affaires étrangères israélien de ne plus fabriquer de faux passeports pour des opérations secrètes. Il semble donc que l’appropriation par Israël de documents étrangers soit une pratique courante, ancienne, tolérée par les pays européens, associée à sa pratique de l’exécution extrajudiciaire de ses adversaires. Les manifestations de colère ou de surprise, que toutes deux engendrent ne sont là que pour la forme. Il n’y aura donc pas de contrecoup diplomatique pour Israël. On est loin des tollés qui avaient suivi les « fatwas » prononcées à l’encontre de personnalités, dont Salman Rushdie, par Khomeiny ou autres clercs. Mais Israël, c’est Israël. Qui plus est, la Grande-Bretagne vient de décider, au lendemain de ce scandale, de modifier la législation en matière de crimes de guerre afin que les criminels recherchés - ils sont six - pour l’agression sur Gaza dite « Plomb endurci » tels Tzipi Livni, Shaul Mofaz, Ehud Barak, ne puissent plus être inquiétés lors de leurs séjours en Grande-Bretagne. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu'on sait que Tony Blair et Gordon Brown, depuis 2007, sont les patrons du National Jewish Fund qui finance l’installation de colonies sur les terres spoliées aux Palestiniens ? Mais cette complicité avec le terrorisme d’Etat d’Israël, passive ou active, va bien plus loin. La salle de commandement de l’opération se trouvait en Autriche, ce qui signifie que les assassins n’ont pas eu de contacts les uns avec les autres, et ne pouvaient donc pas être repérés. Les cartes de crédit ont été émises par Payoneer, une banque de New York, opérant aussi à Tel-Aviv, à travers la banque Metabank basée dans l’État de l’Iowa. Un examen approfondi des liens de Payoneer révèle que Yuval Tal, cadre exécutif, est un ancien membre des forces d’opérations spéciales de l’armée israélienne et le financeur de Taglit Birthrights, qui organise des voyages gratuits de jeunes juifs en Israël . Payoneer a reçu son capital-risques de Carmel Ventures, située à Herzilya, en Israël, Greylock Partners, avec parmi ses associés, Moshe Mor, un ancien capitaine des renseignements militaires israéliens, et Crossbar Capital, dont le fondateur a géré une entreprise hors d’Israël. Metabank a une histoire d’ennuis financiers et les cartes de crédit sont sa principale source de revenus. Il était facile, pour ceux qui le voulaient, de se procurer des cartes de crédit en ligne. Si rien, à l’heure actuelle, ne prouve le l’implication de ces établissements, ces indices méritent d’être étudiés…
La communauté sayanim Cependant, souligne Gordon Thomas, fin connaisseur du Mossad, rien ne pourrait se faire si le Mossad ne bénéficiait pas du soutien inconditionnel de la communauté juive dans le cadre d’un système appelé sayanim [pluriel du mot hébreu sayan, aide, assistant]. Des dizaines d’aides sont soigneusement recrutés et fournissent la logistique aux agents du Mossad sans poser de questions : une banque fournira des fonds jour et nuit, une agence de location de voitures, un véhicule, un docteur, une assistance médicale ou un poison. C’est ainsi qu’un docteur sayan a fourni les ingrédients de la décoction que devait boire Yasser Arafat, ce que son docteur personnel a confirmé : « l’empoisonnement est très probable dans ce cas ». Lors de l’assassinat par le Mossad de Gerald Bull, scientifique canadien et meilleur expert en balistique de renommée mondiale qui avait refusé de mettre ses compétences au service d’Israël mais les avait offertes à Saddam Hussein, la communauté sayanim avait lancé une guerre psychologique à l’adresse des médias européens disant que Saddam en était à l’origine… Il en fut de même lors de l’assassinat de Fathi Shkaki, chef du Jihad Islamique à Malte en 1995 où les deux tueurs reçurent d’un sayan un passeport britannique et une moto utile à l’opération. Qu’est-ce qui pousse certains pays à sacrifier sur l’autel du terrorisme israélien les bases qui fondent un État : la souveraineté, l’état de droit et la sécurité personnelle et nationale ? Si la politique israélienne communément admise de violations de souveraineté des autres pays pour tuer ou enlever ses adversaires devient la règle, ce sera le règne de la loi de la jungle. Tout un chacun pourra craindre d’être la cible d’équipes de tueurs étrangers, que rien ne viendra retenir. Les assassinats extrajudiciaires d’Israël tournent en dérision la notion de souveraineté. L’élimination d’opposants par des polices secrètes, hors des frontières, était une pratique récurrente de la Gestapo, du GPU de Staline, de Pinochet. Elle est maintenant celle des « Forces Spéciales » des États-Unis et de la division occulte de la CIA. Tolérer ces pratiques signifie la fin de l’État de droit, les polices secrètes jouant, comme en Israël, le rôle de juge, jurés, procureur et exécuteur, sans connaître de freins de nature légale ou judiciaire. Comment, demain, un pays pourra-t-il protéger ceux qui, sur son territoire, s’aventurent à critiquer Israël ? Dubaï ne veut pas être une tête de pont occidentale dans le détroit d’Ormuz Derrière l’assassinat de Mahmoud al-Mabhouh se profilent des événements bien plus graves : en entraînant le Hamas dans des représailles (contre Netanyahou, vraisemblablement), Israël ouvrirait le champ à des attaques contre l’Iran. Les États-Unis lorgnent depuis Bush sur les Émirats Arabes Unis et étudient comment s’y prendre pour y déployer des troupes en cas de conflit armé avec la République Islamique. Aucune stratégie militaire n’a de chance de succès si on n’établit pas de prime abord une tête de pont à travers l’étroit chenal du détroit d’Ormuz pour empêcher sa fermeture par l’Iran. L’extension du conflit palestinien, ou encore l’élargissement de la zone de « guerre contre le terrorisme » à Dubaï a peu de chances d’aboutir. La célérité avec laquelle les forces de sécurité de l’émirat ont enquêté, rassemblé les preuves, les indices, donné un maximum de publicité à leurs révélations prouve que Dubaï refuse que sa qualité de centre financier et économique, et que ses intérêts soient pollués par des actions terroristes israéliennes. Il en va de sa réputation, de sa survie et de sa prospérité, même si la crise l’a frappé. Disons pour conclure, que la prétendue « incompétence » des agents du Mossad, relevée par les critiques en Israël, - être photographiés par les multiples caméras de vidéosurveillance - ne traduit que l’arrogance et le racisme des Israéliens à l’encontre des Arabes, qu’ils soient Palestiniens ou autres. Pour eux, l’habileté, l’intelligence, le professionnalisme ne peuvent qu’être israéliens, les autres n’étant que de pauvres bédouins devenus riches… Sources Gordon Thomas, auteur de Gideon’s Spies Mossad’s Murderous Reach: The Larger Political Issues, par James Petras : More details emerge on assassination of Hamas leader in Dubai, par Ann Talbot: Israel remains silent over Mossad role scandal, par Fran O’Sullivan : Israël « admit » to NZ spy mission Mossad murder, par John Cherian
2 - Mossadgate à Dubaï L’administration Obama a réagi très discrètement à l’assassinat du dirigeant palestinien Mahmoud al-Mabhouh, à Dubaï, si discrètement que deux des assassins porteurs, l’un, d’un passeport britannique et l’autre, d’un passeport irlandais, ont pu entrer aux Etats-Unis (1) sans être inquiétés alors que le contrôle aux frontières est, depuis les attentats du 11 septembre, devenu drastique : les vérifications des informations biométriques ou holographiques sont faites à partir de bases de données internes comme externes aux Etats-Unis. L’ « Irlandais » y est arrivé dès le 21 janvier - le lendemain de l’opération - et le « Britannique » du nom de Roy Allan Cannon voyageant avec son faux-vrai passeport y est entré, le 14 février, soit trois semaines après la publication des résultats de l’investigation des autorités de Dubaï ! La piste étatsunienne conduit à se demander comment il se faisait que MetaBank (2) ait fourni aux agents du Mossad les cartes de crédit qu’ils ont utilisées. Selon la direction, la banque émet des cartes prépayées dans le cadre d’un programme Meta Payment Systems. Ce dernier met sur le marché par l’intermédiaire de divers Programmes de Gestion – dans ce cas Payoneer (3) - des cartes de paiement du personnel. Ces dernières sont proposées à des sociétés US de renom pour leur permettre de payer leur personnel expatrié, leurs sous-traitants… etc… Lesdites cartes ont été « chargées » par les sociétés (dans le cas de l’assassinat de Mahmoud al-Mabhouh, il reste à découvrir lesquelles) avec les fonds déposés par elles dans ce système. Par ailleurs, il faut savoir que Payoneer est aussi dépositaire des participations financières des jeunes juifs de 18 à 26 ans que Taglit-Birthright envoie en Israël pour resserrer les liens entre ce dernier et la communauté juive à travers le monde (3). « Si vous perdez votre carte en Israël, elle est immédiatement bloquée et remplacée en 24 heures sans que vous ayez à contacter votre banque chez vous ». Jusqu’à présent, rien n’indique que les responsables étasuniens aient l’intention ou la volonté d’enquêter sur le financement, par des sociétés US, des opérations et dépenses des assassins israéliens, même si deux de ces criminels sont revenus aux Etats-Unis. Or, le recours illégal à des banques et des sociétés de cartes de crédit US traduit une expansion alarmante des opérations d’espionnage sur le sol américain et révèle la pénétration du Mossad, à un degré inconnu jusqu’ici, des principales institutions financières dans le but de consolider l’influence d’Israël sur la politique étrangère de Washington et les corps constitués qui la font. Sources (1) Two Suspects Entered U.S. After Killing in Dubaï, par Robert Worth.(New York Times – 1/3/10) (2) Mossad, permis de tuer - La grande hypocrisie occidentale, par Xavière Jardez (AFI- Flash n°102) (3) Banque privée, Payoneer compte parmi ses partenaires financiers : Carmel Ventures basée à Herzliya en Israël, Crossbar Capital et Greylocks. Charlie Federman, après avoir fondé BRM Capital en 1999, a servi comme directeur de sa filiale en Israël jusqu’en 2007, est directeur général de Crossbar Capital. BRM Group basée à Herzliya a été créé par Nir Barat, maire de Jérusalem occupée. Greylock Partners, fondé en 1965, « opère un certain nombre de centres d’innovation » en Chine, en Inde, dans la Silicone Valley et en Israël. Dans son portefeuille se trouvent Data Robotics, Digg, Facebook, Linkedin etc.. Ses activités d’investissement en Israël ont été initiées en 2002 par Moshe Mor, ancien capitaine des services de renseignements militaires israéliens. (4) Taglit-Birthright a été fondé en 1994 par Yossi Belin, ministre israélien de la Justice. L’association qui a des antennes dans plusieurs pays, est co- financée par les milliardaires Charles Bronfman et Michael Steinhardt. En France, le programme Génération-Israël Taglit est co-financé par les collectes de l'Appel unifié Juif de France. Depuis 2001, plus de 5000 jeunes Français juifs y ont participé.
Source : http://www.france-irak-actualite.com/ |