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LES 8 DE SEGI


Les 8 de SEGI
Contre le mandat d’arrêt européen : extension du domaine de la lutte au Pays basque nord




Michel Porcheron

Huit jeunes Basques indépendantistes de Segi, recherchés par la justice espagnole, se réfugient en France où ils poursuivent leur action. Ils rejoignent la lutte d’Aurore Martin, cachée quelque part au Pays Basque nord depuis deux mois   

« Il y a de cela quatre mois, ils et elles ont dû fuir de la scène politique publique suite à la rafle de la police espagnole contre Segi. Ils sont réapparus lors d'une conférence de presse lundi  matin 21 février à Ispoure, avec le soutien d'une centaine de personnes. Cette semaine, en plus de dénoncer leur situation, ils et elles souhaitent renouveler leur engagement politique » (source : http://auroremartin.over-blog.com)  

Le groupe compte cinq jeunes gens et trois jeunes femmes, tous âgés de 20 à 25 ans. Il s'agit de Beñat Lizeaga Urkidi (originaire de Zumaia, 22 ans) , Irati Tobar Eguzkitza (Portugalete, 24ans), Endika Perez Gomez (Larrabetzu, 23 ans), Jazint Ramirez Cruz, Aitziber Plazaola Oregi (Bergara, 25 ans), Xalbador Ramirez Cruz (Saint-Sébastien, 20 ans), Aiala Zaldibar Alvarodo (Vitoria-Gasteiz, 24 ans) et Bergoi Madernaz Del Pozo (Vitoria-Gasteiz, 23 ans).  

Face à la menace d'un mandat d'arrêt européen (MAE) à leur encontre et le risque d'être arrêtés et jugés au tribunal de Pau, les huit jeunes indépendantistes  qui ont assuré avoir toujours mené leur action politique de façon publique, ont fait appel à la population et aux organisations politiques et sociales à les soutenir et à les protéger. Ispoure est une localité de la Basse Navarre,  Pyrénées Atlantiques, près de Saint-Pied de Port.

Leur organisation, Segi, est interdite dans l’État espagnol mais légale en France.

Action des 8 jeunes Basques contre le mandat d'arrêt européen

Selon le quotidien Sud-Ouest, Aiala Zaldibar Alvarado, en cours de formation d'éducatrice, est déjà sous le coup d'un MAE émis par Madrid, activé par la France et validé le 1 février par la cour d'appel de Pau.

Arrêtée le 18 janvier à Bayonne, laissée en liberté sous contrôle judiciaire, Aiala Zaldibar attend le verdict de la Cour de cassation auprès de laquelle elle a déposé un recours. Ceci selon le schéma de la procédure type qui, dans le cas de militants de nationalité espagnole, débouche immanquablement sur une remise à la justice espagnole, ajoute le quotidien Sud-Ouest.

 

Aiala Zaldibar (au premier rang à gauche) à Ispoure. PHOTO JEAN-DANIEL CHOPIN

Tous sous le coup d'un avis de recherche et d'un mandat d'arrêt en Espagne, aucun d'entre eux (exceptée Aiala Zaldibar), précise Sud-Ouest, n'est pour l'heure visé par la justice française.

Tous ont l'intention de passer la semaine au Gymnase Faustin Bentaberri, à Ispoure. 

Le Journal du Pays Basque a publié une lettre ouverte d'Aiala Zaldibar Alvarado (transmise par Askatasuna), datée du 19 février 2011

 « J’ai fui… »

Aiala Zaldibar s'est expliquée en ces termes : « Lorsque j'ai appris mon ordre d'arrestation, j'ai décidé de fuir mon village, étant donné que beaucoup de personnes, lors des rafles précédentes, ont été arrêtées et torturées pour leurs idées politiques (…) En participant à la semaine d'action organisée à Ispoure, je souhaite dénoncer ma situation, et plus généralement la situation de toute la jeunesse indépendantiste du Pays basque. Je dénonce aussi le déni de justice que le mandat d'arrêt européen suppose… »

Le lundi 21 février, à visages découverts, ils ont pris la parole dans le gymnase d'Ispoure, sous des banderoles réclamant le respect des « droits civiques et politiques », pour notamment dénoncer le mandat d'arrêt européen qu’émet l’Audiencia Nacional espagnole contre ceux qu’elle accuse d'être proche de ETA, ainsi que la « politique répressive » exercée à leur encontre, selon leurs déclarations.

Les Huit ont exposé   comment ils ont réussi à fuir  l'opération policière d’octobre dernier. Plus de cent personnes entouraient les jeunes de Segi lors de leur conférence de presse. Elles forment un nouveau collectif , le  "Collectif contre le mandat d'arrêt européen", incluant  le parti autonomiste Abertzaleen Batasuna, le parti radical indépendantiste Batasuna interdit en Espagne, l'union syndicale « Solidaires » et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA).

« Il est clair, indiquait, au nom du Collectif Francis, Francis Charpentier après avoir évoqué le cas d'Aurore Martin, que le débat entourant le mandat d'arrêt européen n'est pas celui de la nationalité mais celui des atteintes aux droits civils et politiques, le vrai problème est là… (…) Les illégalisations de Segi et d'autres organisations comme Askatasuna, Batasuna... laissent carte blanche à l'Etat espagnol pour condamner une activité politique. Ce ne sont pas des actions qu'ils jugent mais des idées.»

Aurore Martin vit cachée depuis le 21 décembre pour se soustraire à sa remise à l'Espagne, validée par la justice française.

L'un des jeunes Basques a estimé que «c'est parce que nous menons la lutte en faveur de l'indépendance et du socialisme que nous sommes en permanence punis, fichés, arrêtés, torturés et persécutés. Nous sommes définis comme `terroristes' parce que nous militons dans les assemblées d'étudiants, dans les mouvements féministes, en faveur du droit au logement ou encore parce que nous travaillons en faveur du gaztetxe.» Il a également fait allusion au nouveau contexte politique demandant aux «Etats espagnol et français [...] d'ouvrir la voie de la négociation.»

Un document comportant des témoignages de cinq jeunes (dont deux femmes) arrêtés en octobre et décembre 2010, sur les pressions et mauvais traitements (1) auxquels seraient soumis les militants basques arrêtés en Espagne a été distribué.

Entré en vigueur en France le 12 mars 2004, le mandat d'arrêt européen a été mis en place à la demande de l'Espagne pour simplifier les procédures d'extradition. Le mandat d'arrêt est dénoncé par les organisations des droits de l'homme comme « permettant de museler les opposants politiques, notamment par une extension abusive de la notion de "terrorisme" qui peut englober désormais toute expression politique tant soit peu radicale".

Les mobilisations contre le mandat d'arrêt européen se sont intensifiées au Pays Basque nord après le feu vert de la justice française au MAE de l'Espagne à l'encontre d'Aurore Martin, ancienne dirigeante de Batasuna, parti indépendantiste légal en France mais interdit en Espagne (2) .

Avec Aurore Martin, le MAE était appliqué pour la première fois envers une militante politique basque de nationalité française pour des supposés « crimes et délits » qui, aux yeux de la loi française, n'en sont pas, ce qui a poussé de nombreuses voix du monde politique et associatif à s'élever contre l'application du mandat d'arrêt européen, selon le site eitb.com qui rappelle que des formations politiques nationales comme le PC, PS, NPA, Modem, le conseiller général UMP Max Brisson et le maire de Biarritz, Didier Borotra, pour n'en citer que quelques-uns, se sont publiquement prononcés contre le MAE visant Aurore Martin, de nationalité française.

Après des rassemblements permanents à Ispoure jusqu’au 25 février, la semaine d’action a prévu un concert (kantaldi) réunissant des grands noms de la chanson basque à Cambo et le 5 mars à Bayonne « une chaîne humaine ».

Avant l’opération d’Ispoure, l’organisation Segi avait annoncé qu’elle manifestera le 25 février à Saint-Jean-de-Luz, tandis que se déroulera le Conseil municipal de la commune auquel devrait assister Michèle Alliot-Marie. Les jeunes radicaux abertzale réclament que « MAM dégage du gouvernement et du Pays basque » :

« Ces dernières semaines, les pratiques d'Alliot se sont dévoilées au grand jour, nous avons vu, comme tout le monde, quels étaient les méthodes et le fameux savoir-faire français. Nous avons vu aussi pour quelles causes ce savoir-faire se transmet : pour stopper les révoltes contre les dictatures et pour pérenniser les intérêts de la France avec ces dernières. Du lacrymogène, de la matraque, en passant par le savoir-faire militaire reconnu par les plus grands tortionnaires du siècle passé… En respect pour ceux qui sont tombés dans cet hiver arabe, Michèle Alliot-Marie doit quitter le gouvernement. Sa place est dans un tribunal… Elle représente le mépris qu'a la France envers notre peuple, de ce fait elle n'a pas sa place ici », ont notamment indiqué les jeunes radicaux (Sud-Ouest, 16 février).

(1)- « Mon nom a été soutiré sous la torture »

Les huit jeunes ont indiqué que leurs noms ont été arrachés par les policiers espagnols «sous la torture» et des témoignages de leurs camarades arrêtés en octobre et décembre ont été distribués.

Extraits :

Oihana Lopez raconte que quand elle refusait de répondre aux questions, les policiers l'obligeaient «à faire des exercices physiques : en haut, en bas, en haut, en bas... Ils m'obligèrent à faire des flexions, et ils voulaient que je réponde, sinon ils allaient me taper la tête contre le mur. [...] Je faisais des efforts pour ne pas tomber par terre, parfois j'avais des vertiges, mais ils m'obligeaient à continuer, de plus en plus vite ; ils me frappaient et me tiraient les cheveux...»

Imanol Beristain a fait un récit similaire : «Ils m'ont déshabillé de force et m'ont pris par le cou pour me jeter par terre. Ils touchaient l'urine avec ma tête et me crier que j'allais devoir la lécher. [...] Ils me tiraient par les cheveux et par les testicules aussi, sans arrêt. Tout cela à quatre pattes, à genoux et sur le front. Ils m'obligeaient à rester dans différentes positions, jusqu'à ce que je tombe par terre. [...] En même temps, quand j'étais à quatre pattes, ils m'attrapaient par les testicules et me les frottaient avec un sac. Ensuite, ils me mettaient le sac sur le nez, pour que je sente l'odeur et pour que j'étouffe. Ils m'ont mis le sac sur la tête, encore et encore, jusqu'à en déchirer quatre. J'essayais de les déchirer avec les dents quand j'avais la sensation d'étouffer. Alors, deux policiers me serraient très fort le nez et la bouche avec leurs mains [...]».

Ainara Ladron Urbieta raconte, elle : «Ils m'ont obligée à me déshabiller et à m'allonger sur la table (pendant que je me déshabillais, ils se sont mis à rire) [...]. Ils ont essayé d'écarter mes jambes mais je les serrais de toutes mes forces. [...] Après un long moment d'interrogatoire, il s'est mis à me frapper sur les fesses avec la main ouverte. Puis il m'a posé une canette métallique très froide contre la fesse. Il a ensuite passé son doigt sur mon anus et mon vagin, en me touchant [...]».

(2)- La Cour d’Appel de Pau a mis en délibéré au 1er mars sa décision sur le transfert en Espagne d'Eider Zuriarrain Mendiguren, militante basque espagnole soupçonnée de liens avec l'organisation ETA, arrêtée sur la voie publique le 10 février à Bayonne en vertu d'un mandat d'arrêt européen délivré par l'Espagne, apprenait-on mardi 22 février.

Selon le site sudouest.fr, la militante, âgée de 31 ans, soupçonnée de « collaboration active avec des membres de l'ETA », avait été placée en détention après son interpellation. Elle avait été remise en liberté sous contrôle judiciaire lors de sa première comparution devant la Cour d'appel.

Le Comité de défense des prisonniers basques Askatasuna avait dénoncé son arrestation, assurant dans un communiqué qu'Eider Zuriarrain Mendiguren "vivait publiquement à Urrugne et travaillait à l'ikastola (école basque, ndlr) de Bayonne » Selon des informations publiées dans la presse espagnole, la jeune Basque, originaire de Bilbao, était en fuite depuis février 2010 et figurait depuis lors sur la liste des « terroristes les plus recherchés » par la Garde civile.  Elle est soupçonnée, selon ces sources de presse, d'avoir hébergé en 2009 à son domicile le membre de l'ETA Euri Albizu Telleria et d'avoir aidé un autre etarra, Ibai Beobide, à fuir vers la France

►http://www.lejpb.com/paperezkoa/20110222/249945/fr/Huit-membres-Segi-menaces-par-le-mandat-d%E2%80%99arret-europeen

►http://bellaciao.org/fr/spip.php?article113958






Merci à Michel Porcheron
Date de parution de l'article original: 10/03/2011
URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=4187

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