L'ONU refuse d'enquêter sur les violences au Sahara occidental
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Alexandra Geneste Isabelle Mandraud |
Réuni à huis clos, mardi 16 novembre, sur la question du Sahara occidental, le Conseil de sécurité des Nations unies a "déploré" les violences survenues huit jours plus tôt à El-Ayoun, lors du démantèlement d'un camp de protestataires sahraouis par les forces marocaines, mais a refusé d'ouvrir l'enquête réclamée par le Front Polisario.
Depuis, les deux parties, qui s'opposent depuis trente-cinq ans sur le statut du Sahara occidental annexé par le Maroc en 1975, s'accusent mutuellement et se renvoient des chiffres contradictoires sur le nombre de victimes. Selon les autorités marocaines, douze personnes ont péri dans les affrontements - dix membres des forces de sécurité et deux civils ; pour le Polisario, trente-six Sahraouis auraient été tués et des centaines d'autres blessés.
Mardi, après avoir écouté le compte rendu du numéro deux du département des Opérations de maintien de la paix, l'Indien Atul Khare, et de l'envoyé spécial de l'ONU pour le Sahara, l'Américain Christopher Ross, les quinze pays membres n'ont pas souhaité aller plus loin. Le représentant du Polisario à l'ONU, Ahmed Boukhari, qui parle de "massacre", et cite des cas de Sahraouis battus et torturés par les forces marocaines après leur arrestation, a fait savoir que son organisation continuerait à demander l'ouverture d'une enquête, soulignant que ses conclusions "auront un impact sur le processus de paix". De son côté, l'ambassadeur du Maroc auprès de l'ONU, Mohammed Loulichki, a assuré que son gouvernement n'avait "rien à cacher".
Pour le ministre des affaires étrangères marocain, Taib Fassi Fihri, qui s'est exprimé lundi à Rabat, "l'Algérie et le Polisario ont adopté une stratégie de la diversion en faisant valoir tantôt la question des droits de l'homme, tantôt l'exploitation des richesses naturelles (du Sahara occidental) dans le but d'éviter de véritables négociations". Sous l'égide de l'ONU, ces dernières portent sur le statut du Sahara : plan d'autonomie pour le Maroc qui refuse toute idée d'indépendance ; référendum d'autodétermination pour le Polisario.
Fidèle alliée du Maroc, la France, qui dispose du droit de veto au Conseil de sécurité, s'oppose systématiquement à toute démarche susceptible de froisser la monarchie marocaine, au point d'être devenue la bête noire des défenseurs de la cause sahraouie. Des diplomates disent regretter la politique d'"obstruction" de la diplomatie française. "Sous la pression de certains membres permanents, traditionnellement favorables au Maroc, il a été décidé que la moindre déclaration forte serait contre-productive, car elle risquerait de pousser l'une des deux parties à adopter des mesures drastiques, voire à exiger le départ de l'ONU du territoire", confiait ainsi l'un d'eux.
Exit donc une enquête. Exit aussi l'idée d'élargir le mandat de la mission des Nations unies au Sahara occidental au respect des droits de l'homme sur le terrain. Une revendication formulée de longue date par le Polisario, et soutenue par plusieurs pays membres de l'ONU, dont le Mexique, l'Afrique du Sud, l'Autriche, le Panama, le Costa Rica et l'Ouganda, mais régulièrement mise en échec.
Une position également défendue par le Royaume-Uni. "Nous soutenons depuis longtemps l'idée qu'il y ait une surveillance des droits de l'homme, et les événements de ces derniers jours ont rendu cette nécessité encore plus urgente", avait déclaré le secrétaire d'Etat britannique chargé du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, Alistair Burt, lors de sa visite à Alger, le 12 novembre. "C'est la seule mission de maintien de la paix dépourvue d'un volet droits de l'homme, soulignait, mardi, dans un communiqué l'organisation Human Rights Watch (HRW).
Résultat : l'ONU est restée aveugle quand, lors du plus important mouvement de protestation sahraoui depuis le cessez-le-feu de 1991, le camp de tentes a été brutalement démantelé." Sur place, à El-Ayoun, l'enquêteur de HRW, Patrick Bouckaert, dit ne pas être en mesure de confirmer la mort de plus de deux civils, mais il rapporte des violences contre des Sahraouis et leurs maisons commises par des policiers et des civils marocains.
Devant les 15 pays membres, Atul Khare a reconnu l'impossibilité pour la mission onusienne de collecter des informations sur les violences du 8 novembre. Ainsi, le jour même du démantèlement du camp sahraoui, les casques bleus ont été priés d'annuler leurs patrouilles quotidiennes dans la zone. Le chef de la Mission de l'ONU pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO), l'Égyptien Hany Abdel Aziz, s'est rendu sur le campement trois jours après son évacuation
Merci à Le Monde
Source: http://www.lemonde.fr/afrique/article/2010/11/17/l-onu-refuse-d-enqueter-sur-les-violences-au-sahara-occidental_1441255_3212.html
Date de parution de l'article original: 17/11/2010
URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=2547