Dans une inconscience quasi générale, gavés par les discours démagogiques de pantins que le peuple, dans son acceptation du jeu électoral pervers, a mis au pouvoir, ou par celles et ceux qui aspirent à y accéder, nous assistons, les yeux fermés, au saccage d’un siècle de résultat de luttes sociales et d’acquis sociaux.
À l’image de la banquise soumise au dérèglement climatique, le socle, idéologique et pratique, des acquis sociaux fond d’années en années entraînant la destruction du lien social et l’accroissement des tensions sociales au débouché plus qu’aléatoire.
Elle n’est pas le fait d’un « coup d’État » brutal, emprisonnant une partie de la population, une opposition déterminée, et jetant du jour au lendemain les plus défavorisés dans la pauvreté.
Non, elle s’est faite, et se fait, le plus « démocratiquement » du monde. Avec un subtil et anesthésiant concours du système électoral – assurant une légitimité - qui permet à une petite fraction de prendre, légalement, le pouvoir par un discours de pure démagogie – du style « avec moi tout est possible ». La naïveté, la bêtise, l’inconséquence et la couardise de la soit disante opposition / des oppositions, faisant le reste….
Toutes les avancées sociales du lendemain de la Libération sont en voie de liquidation : protection sociale, retraites, garanties de stabilité d’emploi, services publics, santé,….
Le choix de cette liquidation à grande échelle est de nature purement idéologique et politique. En effet, rien ne permet aux liquidateurs de promettre sérieusement une amélioration générale du niveau de vie de la population,… au contraire la pauvreté gagne partout et les inégalités s’accroissent.
Bien sûr, les « experts » aux services des politiciens nous expliquent doctement que : « le marché c’est l’avenir », « le marché c’est la modernité », « la concurrence c’est le progrès et la garantie de meilleurs prix », « la privatisation c’est la liberté »,… et autres sophismes ridicules.
Les faits, partout dans le monde parlent d’eux-mêmes et montrent sans ambiguïté que tous ces discours sont des contre vérités. Pourtant, le poids de l’idéologie libérale – de droite comme de gauche – arrive efficacement à berner le plus grand nombre,… aidé en cela par un système politique « républicainement sacralisé », qui ficelle tout véritable débat, évitant l’hypothèse de l’alternative au profit d’une alternance conservatrice (on a vu où nous a mené la Gauche).
L’aspect économique de cette liquidation est certes spectaculaire – destruction des grands monopoles publics, multiplication des officines commerciales et purement mercantiles, explosion de la spéculation dans tous les domaines, et pas seulement financier, assèchement des aides sociales au profit des soutiens aux financiers,…
Le moins spectaculaire – du moins pour le moment – mais assurément le plus dramatique, quoique lié au précédent, sont les conséquences sociales.
Derrière la marchandisation de la santé, c’est la disparition du droits aux soins pour tous – la qualité pour les riches, le minimum pour les pauvres.
Derrière la liquidation du système des retraites par répartition, c’est l’abolition de la solidarité inter générationnelle. C’est l’individualisation des retraites dans un contexte – la capitalisation de l’épargne salariale – qui crée une précarité très grave pour celles et ceux qui placent leur épargne dans les circuits financiers – voir les crises financières. Sans parler de celles et ceux qui ne peuvent même pas épargner.
Derrière la destruction des services publics, ce sont les aléas liés à la concurrence, à la surenchère mercantile, à la sélection des secteurs d’activité en fonction de leur solvabilité – voir l’énergie électrique, le gaz, le téléphone, le courrier,…
Derrière la déréglementation du marché de la force de travail, c’est la précarisation généralisée de l’emploi avec toutes ses conséquences sur la vie sociale et individuelle. C’est la porte ouverte à l’asservissement général aux lois du Capital et à la dictature de la rentabilité.
Enfin, l’abandon de la réglementation de la vie sociale qui, dans le fonctionnement d’un système marchand prédateur pouvait, du moins dans une certaine mesure, en limiter les excès, ouvre la voir à un véritable déchirement du tissu social, au repli communautaire vécu comme une planche de salut, aux conflits sociaux, à la violence.
Sans parler des conséquences catastrophiques - et qui se font déjà sentir – sur le plan de la destruction de l’environnement.
Se pose désormais une problème moral pour celles et ceux qui refusent l’attitude de « Après moi le déluge ! »
Quel héritage social laissons nous aux générations nouvelles ?
On peut dès à présent tracer les grandes lignes du désastre social qui s’annonce. Les tendances lourdes de la société que nous léguons à nos successeurs se développent aujourd’hui, inexorablement, sous nos yeux et dans une indifférence/inconscience quasi générale. : montée de l’individualisme, de la précarité, du communautarisme, de l’exclusion, de la violence.
L’individualisme : par un contresens pervers, la classe dominante a fait de la Liberté, un instrument de domination politique et de division de celles et ceux qu’elle soumet. Faisant de la liberté individuelle une arme contre la solidarité qui pouvait menacer sa domination. Le chacun pour soi, garantit la domination sur tous.
La précarité : elle est, d’une certaine manière un des dégâts collatéraux de l’individualisme. Dans une société, l’isolement de l’individu le rend vulnérable. Or, les lois du marché, celles du capital, la déréglementation, garantie du développement illimité du profit, utilisent, instrumentalisent les individus en fonction de leur propre logique, de manière impersonnelle et asociale créant ainsi une précarité des existences et des statuts sociaux.
Le communautarisme : il est la conséquence de la faillite du « modèle républicain » sous les coups de buttoir des lois du marché d’un capitalisme mondialisé,… provoquant isolement social et précarisation. Le communautarisme apparaît comme un réflexe logique et humain à l’éclatement des valeurs qui fondaient la République. L’Etat, qui était le garant de ces valeurs, faisant définitivement le choix des intérêts du Capital mondialisé, est bien évidemment incapable de s’opposer à cette dérive, sinon par l’interdit et la répression.
L’exclusion : stade final de la précarisation, pur produit des relations marchandes qui font que les individus ne sont plus des sujets « socialement citoyens » mais de simples instrument au service de l’appareil économique – voir la dégradation des statuts juridiques des salariés. L’Homme n’est pas une marchandise, mais sa force de travail oui.
Vision pessimiste diront certains,… peut-être,… encore que tout un chacun est à même de se rendre compte – s’il fait un minimum d’effort – de la dégradation généralisée des relations sociales, sans parler de la dimension écologique.
Il est évident que la situation devient peu à peu socialement insupportable et ce ne sont pas les artifices politiques mis en place par le système qui, à terme, peuvent permettre son dépassement.
Une société ne peut pas subsister sans une solidarité – même si celle-ci s’exprime dans un cadre conflictuel – Or, aujourd’hui, la société marchande, dans sa phase de libéralisme, obnubilée par la fausse rationalité des mécanismes de marché, fait fi de toute solidarité et nie, de fait, sinon clairement de droit, la dimension sociale de l’existence humaine.
On peut faire l’hypothèse que le choix politique a été fait, consciemment de la part des gestionnaires du capital et inconsciemment de la part du peuple, de l’abandon de cette solidarité. La « rationalité » du marché, propice, du moins dans une certaine mesure, aux intérêts du Capital et qui a séduit le peuple, nous conduit au chaos et à la violence.
C’est par la mise en place concrète, et non dans des discours/programmes politiciens, de nouvelles solidarités, de nouveaux rapports sociaux, de nouvelles pratiques que nous pourrons reconquérir et améliorer tout ce qui est aujourd’hui mis à bas pour le bénéfice de quelques uns.
Cette reconstruction, sur des bases nouvelles, est bien sûr hors de portée des gestionnaires du capital et de leurs serviteurs de droite comme de gauche.
Patrick MIGNARD
Septembre 2009