Désopilant numéro de duettistes
Ils sont de retour dans leur désopilant numéro de duettistes ! Comme le rappelle Le Monde, Bernard-Henry Lévy et Alain Finkielkraut sont "signataires de "l’appel à la raison", rédigé par des juifs français et exhortant Israël à reconsidérer sa politique envers les Palestiniens, [et] disent ne pas soutenir l’opération israélienne contre la flotille." Jusque-là, tout va bien. "Je continue de juger ’stupide’ (...) l’assaut contre le Mavi Marmara", écrit Bernard-Henri Lévy dans sa tribune intitulée Pourquoi je défends Israël." Aïe, ça se gâte déjà : "stupide" est-il vraiment le mot ? "Mais ils disent voir dans les réactions internationales un déchaînement "délirant" contre l’Etat hébreu.
"Je ne veux pas servir de caution juive à une haine, à une diabolisation d’Israël", explique Alain Finkielkraut." Déchaînement, haine, diabolisation : voilà Israël victimisé, comme toujours, même et surtout lorsqu’il est l’agresseur. Comment Finkielkraut justifie-t-il cette (audacieuse) position ? Accrochez-vous, c’est du très lourd : "Les Israéliens ne voulaient pas de ce bain de sang. Ils sont tombés dans un piège. Ce bain de sang a été délibérement provoqué par les organisateurs", estime-t-il, accusant directement la Turquie, "où Mein Kampf est un best seller", dit-il, de jeter de l’huile sur le feu." Point Godwin atteint : la Turquie est censée jeter "de l’huile sur le feu" parce qu’il s’agit d’un peuple nazi.
Mais revenons à l’invraisemblable analyse finkielkrautienne : les organisateurs de l’expédition humanitaire ont donc "délibérément provoqué" un bain de sang. Ont-il obligé la marine israélienne à se livrer à un acte de piraterie, incontestable au vu du droit maritime international, en arraisonnant les navires dans les eaux internationales, réputées "neutres", où la tsahal n’a aucun droit ? Puisqu’on parle de bain de sang, penchons-nous sur la façon dont s’est déroulé l’assaut : "Révélés samedi par un journal britannique, les rapports d’autopsie des neuf victimes turques du raid israélien contre la flottille d’aide internationale à Gaza affirment qu’elles ont été criblées de balles et, pour certaines, abattues à bout portant", annonce France 24 - on cherche en vain trace de cette info sur un autre grand média.
"Un homme de 60 ans aurait été atteint à la tempe, la poitrine, la hanche et au dos, alors qu’un ressortissant turco-américain a été touché par cinq balles tirées à bout portant contre le visage, l’arrière du crâne, le dos et deux fois la jambe, selon le journal britannique. Deux autres hommes ont essuyé quatre balles et cinq des corps présentaient des impacts dans le dos ou l’arrière de la tête, selon M. Buyuk." Les organisateurs de Free Gaza ont-ils forcé les soldats israéliens à perpétrer ce qu’on hésite à nommer massacre ou exécution ? Alors, Finkielkraut ?
Et Lévy alors ! Lui s’élève contre la "désinformation" : "Le blocus, il ne faut cesser de le rappeler, ne concerne que les armes et les matériaux pour en fabriquer", prétend-il dans Libération. Répondons-lui avec Cyberpresse : "Le magazine Foreign Policy a publié un résumé des principaux impacts. La capacité de génération électrique n’est que de 80 mégawatts, contre 140 en 2006, ce qui oblige à des coupures d’alimentation pouvant aller jusqu’à 12 heures par jour ; 75 Palestiniens sont morts en 2009 d’empoisonnement au monoxyde de carbone à cause des génératrices ou des feux intérieurs.
Les égouts sont hors d’usage, ce qui signifie que plus de 90% de l’eau de l’aqueduc n’est pas potable. Plus de 60% des usines ont fermé et 38% ont réduit leurs activités, ce qui porte le taux de chômage à 42% contre 32% en 2006. Au niveau alimentaire, la malnutrition chronique touche 10% de la population. La moitié des hôpitaux ont été endommagés par les bombardements du début 2009, mais la plupart des dommages n’ont pas pu être réparés." Seulement les armes, BHL ? "En France comme ailleurs (...) Qui se risque à expliquer que s’il y a à Gaza, un preneur d’otage, (...) ce n’est pas Israël, mais le Hamas ?", affirme-t-il encore.
Le Hamas n’aurait-il pas été démocratiquement élu ? "Les Palestiniens sont collectivement punis pour avoir mal voté", accusait l’autre soir Noam Chomsky sur France 3. Et puisque nos "philosophes" français se piquent de dénoncer la désinformation, opposons-leur Gideon Levy, journaliste israélien qui pousse un cri de rage dans Haaretz, compilé par Courrier international : "La machine de propagande israélienne a atteint de nouveaux sommets dans son hystérie désespérée.
Elle a distribué des menus des restaurants de Gaza, accompagnés de fausses informations [afin de montrer que les Gazaouis ne manquent de rien]. (...) Ils veulent maintenir le siège inefficace, illégal et immoral de Gaza et ne pas laisser la “flottille de la liberté” aborder sur la côte ? Il n’y a rien à expliquer, certainement pas à une communauté internationale qui n’est pas prête à avaler ce brouet fait de justifications, de mensonges et de tactiques dilatoires. Il n’y a plus qu’en Israël que les gens acceptent ces marchandises avariées. (...) Des porte-parole ont fourni des explications fallacieuses en notre nom. Toute cette scène grotesque se déroule à nos dépens.
Et presque aucun d’entre nous n’est venu perturber le spectacle. Le chœur a entonné des chants de tromperie et de mensonges. Nous en sommes tous, nous qui affirmons qu’il n’y a pas de crise humanitaire à Gaza. Nous faisons tous partie de ce chœur qui prétend que l’occupation de Gaza est terminée, et que la flottille représente une agression violente contre la souveraineté israélienne — le béton va servir à bâtir des bunkers et le convoi est financé par les Frères Musulmans turcs. Mais le siège israélien de Gaza va faire tomber le Hamas et libérer Gilad Shalit. Yossi Levy, porte-parole du ministère des Affaires Etrangères, un des plus risibles parmi les propagandistes, s’est surpassé en déclarant sans sourciller que le convoi d’aide à destination de Gaza constituait une violation du droit international. Mais bien sûr.
C’est exactement ça. Ce n’est pas le siège qui est illégal, c’est la flottille. L’opération de propagande a cherché à nous vendre, à nous et au reste du monde, l’idée que l’occupation de Gaza est finie, mais que de toute façon, Israël dispose de l’autorité juridique pour interdire toute aide humanitaire. Tout cela n’est qu’un tas de mensonges. Une voix, et une seule, est venue un peu gâcher la fête : un rapport d’Amnesty International sur la situation à Gaza. Quatre habitants sur cinq y ont besoin d’une assistance humanitaire. Des centaines attendent de bénéficier de traitement médicaux, et 28 sont déjà morts. Et ce en dépit de briefings de l’armée israélienne sur l’absence de siège et la présence d’une aide, mais qui s’en soucie ?" Ni BHL, ni Finkie !
Un dernier mot enfin pour désigner les complices qui autorisent Israël à narguer le monde entier et à bafouer impunément le droit international, avec The independant, repris par Courrier international, qui dénonce "la molle réaction officielle de la Maison-Blanche — qui a annoncé que le gouvernement Obama s’efforçait de “comprendre les circonstances qui entourent la tragédie”. Pas un mot de condamnation. Et c’est tout. Neuf morts." Le Conseil de sécurité de l’ONU a bien tenté, lui, une condamnation de l’assaut israélien.
Que croyez-vous qu’il advint ? Les Etats-Unis y ont opposé leur véto. Pourquoi donc les fous de guerre de l’extrême droite israélienne au pouvoir se gêneraient-ils ? Affirmons-le sans se cacher derrière notre petit doigt : par leur scandaleuse indulgence à l’égard des crimes d’Israël, les Américains ont eu, ont et auront encore du sang palestinien sur les mains. Et Obama, prix Nobel de la paix (sic), le premier.