Déjà la dixième édition en France des Big Brother Awards, décernés "aux institutions, sociétés ou personnes s’étant distinguées par leur mépris du droit fondamental à la vie privée ou par leur promotion de la surveillance et du contrôle des individus", depuis la première édition en l'an 2000. Et comme le reconnaissent ironiquement ses organisateurs, les candidats ne semblent pas près de manquer. Dans la catégorie Etat et élus, le gagnant est le
fichier RNCPS et le ministère du Budget d'
Eric Woerth. Le RNCPS (Répertoire national commun de la protection sociale) est un projet de fichier unique des assurés sociaux, qui serait commun à une soixantaine d'organismes, rappelant fâcheusement feu le projet Safari des années 70, qui par contrecoup engendra la loi Informatique et Libertés et la Cnil.
Parallèlement à ce renforcement de la traque aux fraudeurs sociaux, a souligné un des organisateurs de la cérémonie de samedi, « le démantèlement de la Direction de la répression des fraudes est en cours », la fraude économique étant moins prioritaire.
Le prix Orwell Localités est décerné au maire de Paris,
Bertrand Delanoë, et à son ex-adjoint (en 2001-2008) en charge de la sécurité
Christophe Caresche « pour avoir finalement succombé aux sirènes de la vidéosurveillance. Cette forme de surenchère avec le gouvernement pour s’acheter une moralité sécuritaire, laisse totalement de côté la question de son inefficacité et minimise les atteintes aux libertés ».
En clair, un prix donné en raison du plan « 1000 caméras » accepté par la mairie, qui ne juge pas probants les nombreux rapports, britanniques notamment, sur l'inefficacité de ces caméras (voir la foultitude de documents répertoriés par Souriez vous êtes filmés, et la carte des emplacements envisagés pour les caméras, selon Le Parisien en octobre 2008).
Le prix Orwell Entreprise est attribué à la
Mutualité française. Grief qui lui vaut ce prix: « Avoir milité avec ardeur, aux côtés des assureurs privés de la FFSA, afin d’accéder à certaines données médicales détenues par la sécurité sociale. Leur lobbying forcené a porté ses fruits en 2008 », par un arrêté en date du 16 octobre 2008 qui « ouvre une brèche dans la confidentialité des données nominatives de santé ».
Le prix Orwell Novlang est donné ex-aequo:
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à la Caisse nationale d'allocations familiales et à sa méthode
IGGACE, « pour avoir utilisé, pour former ses agents à la détection de la fraude, une "méthode" issue de recherches policières, qui utilise l’"intelligence sémantique" pour débusquer "bien plus que le mensonge", à savoir "l’intentionnalité" du mensonge... »
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et au projet européen de recherche Humabio, « projet de
biométrie "multimodale" [qui] présente comme une "liberté" le fait d’utiliser des techniques d’identification basées sur le comportement (comme la démarche), alors que cela aura pour conséquences de pouvoir identifier une personne à son insu ».
Dans la catégorie "mention spéciale", qui « distingue épisodiquement un candidat qui n’a pas obtenu le prix dans sa catégorie mais que le jury tient tout de même à récompenser », en termes moins policés présentée hier soir comme le prix « du bâton merdeux », double attribution:
- au député et porte-parole UMP
Frédéric Lefebvre , « pour son incompétence et son insistance à vouloir contrôler internet par le biais du CSA, ses arguments iniques pour soutenir la loi Hadopi, pour vouloir traquer la délinquance dans les maternités, et bien d’autres choses... ». Un montage vidéo hier a rappelé les nombreux propos qui lui ont valu un fabuleux "buzz" dans la blogosphère, notamment son fameux passage du 15 décembre 2008 à l'Assemblée sur l'Internet « envahi par toutes les mafias du monde »: « Combien faudra-t-il de jeunes filles violées pour que les autorités réagissent ? » etc.
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et « au zélateur anonyme », alias divers fonctionnaires pour avoir « confondu sa fonction d’agent de l’Etat ou de services publics avec celle d’auxiliaire de police, dénonçant des personnes sur simples suspicions, trahissant leur secret professionnel et mettant en danger de la vie d’autrui. »
Le prix Orwell « Ensemble de son oeuvre » revient cette année à la ministre de l'Intérieur,
Michèle Alliot-Marie, « à une écrasante majorité du jury ». Distinction donnée « pour son goût immodéré des fichiers de police (+70% en 3 ans, dont
Ardoise, Edvige, Cristina ou encore Gesterex), mais aussi pour sa "novlangue" avec sa promotion de la vidéosurveillance, ses invitations à la délation et son talent à fabriquer un "ennemi intérieur". »
Prix Voltaire de la vigilance citoyenne Contrepoints positifs à la noirceur des prix Orwell, les prix Voltaire ou prix de la vigilance citoyenne, pour ceux qui « en luttant et manifestant contre la surveillance arbitraire des individus, se sont engagées de façon exemplaire pour informer le public sur les dérives du traitement automatisé et de l’arme technologique », sont attribués:
- à deux bénévoles de Calais, Mireille et Monique, « une mère de 11 enfants qui héberge des jeunes migrants chez elle au risque d'être poursuivie », et une femme qui « a été interpellée pour apporter une aide matérielle régulière aux sans papiers »,
- au collectif Non à l'éducation biométrique de l'Hérault,
- à l'appel des directeurs d'école contre Base-élèves,
- et au collectif Non à Edvige.