• TOUT SAVOIR SUR LE TASER

    Tout savoir sur le Taser

    MAM avale son décret et les flics municipaux rengainent leur Taser : le Conseil d’Etat (Arrêt du 2 septembre 2009, n° 31858 et 321715) joue les juges de paix, mais la partie n’est pas finie. Le gouvernement peut envisager la rédaction d’un décret qui donnera les garanties nécessaires, … et ceux qui se sont fait assaisonner par des Tasers municipaux entre le 22 septembre 2008, date du décret illégal, et aujourd’hui peuvent préparer les recours. Remercions au passage l’Association « Réseau d’Alerte et d’intervention pour les Droits de l’Homme » qui ramène un peu de droit dans notre doux pays… 

    Le Taser a été autorisé d’abord pour les fonctionnaires actifs de la police nationale, puis pour ceux de la police municipale. D’où les deux volet de l’arrêt.

    1. Oui à la police nationale

     Les textes

    L’association visait deux types de droits, protégés par les normes internationales.

    Les souffrances excessives. Le texte de référence est l’article 3 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants », une rédaction très proche de l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, ou de l’article 1 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New-York le 10 décembre 1984. Autre argument de poids, le règlement CE n° 1236/2005 du Conseil du 27 juin 2005 qui range le Taser parmi les moyens susceptibles d’être utilisés pour infliger la torture.

    Le droit à la vie. La référence est l’article 2 de la de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

    Tout d’abord, comment ça marche, un Taser ?

    Les pistolets à impulsion électrique sont des armes pouvant agir soit par contact direct, soit à courte distance de l’ordre de 10 mètres, en propulsant deux électrodes crochetées, reliées à l’arme par un fil isolé, et destinées à se planter sur le corps de la cible à travers ses vêtements. Au contact de la cible, le pistolet libère une onde d’un ampérage de 2 milliampères sous une fréquence de 50.000 hertz pendant 5 secondes. Cette onde déclenche une contraction musculaire intense qui provoque une perte de contrôle musculaire de la personne visée et permet ainsi sa neutralisation.

    Un danger pour la  santé, et donc la vie 

    L’emploi d’un Taser comporte des dangers sérieux pour la santé, résultant notamment des risques de trouble du rythme cardiaque, de syndrome d’hyperexcitation, augmentés pour les personnes ayant consommé des stupéfiants ou de l’alcool, et des possibles complications mécaniques liées à l’impact des sondes et aux traumatismes physiques résultant de la perte de contrôle neuromusculaire. Le Conseil d’Etat va plus loin, en affirmant que ces dangers sont susceptibles, dans certaines conditions, de provoquer directement ou indirectement la mort des personnes visées.

    Les règles d’utilisation dans la police nationale

     Le principe est que le Taser, arme dangereuse, ne peut être utilisé qu’en cas « d’absolue nécessité et de proportionnalité » dans la mise en œuvre de la force publique.  Les règles d’utilisation dans la police nationale ont été fixées par un arrêté du 6 juin 2006 et une instruction ministérielle du 9 mai 2007. Ce dernier texte présente ainsi le Taser : « Afin d’élargir leur capacité de riposte en les équipant de moyens de force intermédiaire destinés en particulier à éviter l’utilisation de l’arme de service, certains policiers peuvent se voir équiper, à titre collectif conjugué à l’obtention d’une habilitation individuelle, de pistolets à impulsion électrique. » Leur emploi, réservé « à l’encontre des « personnes violentes et dangereuses »,  doit « rester strictement nécessaire et proportionné », et le texte donne 3 critères :

    -          la légitime défense (article L. 122-5 du code pénal) ;

    -          l’état de nécessité (article 122-7 du code pénal) ;

    -          le crime ou le délit flagrant pour en appréhender les auteurs (article 73 du code de procédure pénale).

    Modalités de contrôle. Le contrôle s’appuie sur un dispositif de traçabilité de l’emploi de ces armes grâce à l’enregistrement des paramètres de chaque tir assorti d’un dispositif d’enregistrement audio ainsi que vidéo résultant d’une caméra associée au viseur. Chaque utilisation de l’arme par un fonctionnaire de la police nationale doit être déclarée et renseignée au moyen d’une fiche d’utilisation. Ces données, conservées pendant au moins deux ans, font l’objet d’analyses et de vérifications périodiques.

    La formation. Une formation conduisant à une habilitation personnelle doit être délivrée préalablement au port de l’arme en cause. Cette formation comporte un module général relatif à l’environnement juridique du port d’arme d’une durée minimum de 12 heures et un module spécifique de même durée relatif à l’utilisation du joujou.

    Pourquoi le Conseil d’Etat dit oui à la police nationale…

    Il ne fait pas de doute que le Taser inflige des souffrances aiguës. Mais, « les conditions d’emploi, de contrôle et de formation instituées par le cadre juridique résultant de l’arrêté du 6 juin 2006 et de l’instruction d’emploi du 9 mai 2007 en limitent le droit à l’emploi aux situations mettant aux prises avec des personnes dangereuses ou menaçantes, dont la neutralisation, rendue nécessaire par la protection légitime de l’ordre public, ne justifie pas le recours à une arme à feu mais dont l’appréhension par la voie physique serait porteuse de risques pour elles-mêmes et pour autrui. » Donc, utilisé par la police nationale et dans ces conditions, c’est légal. Mais attention : en cas de mésusage ou d’abus, ses utilisateurs peuvent relever des cas de traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou de l’atteinte à la vie. Une piste bien dégagée pour les recours.

    2. Non à la police municipale

    Etait critiqué le décret du 22 septembre 2008 qui avait autorisé le recours au Taser pour les policiers municipaux.

    Les textes

    La base est l’article L. 412-51 du code des communes, autorisant l’usage des armes par les agents municipaux : « Lorsque la nature de leurs interventions et les circonstances le justifient, les agents de police municipale peuvent être autorisés nominativement par le représentant de l’Etat dans le département, sur demande motivée du maire, à porter une arme ». Un décret du 24 mars 2000 liste les armes utilisables, définit les missions qui peuvent justifier le recours aux armes et impose une formation adaptée. Le décret du 22 septembre 2008, objet du recours, a ajouté le Taser à la liste des armes autorisées.  

    Pourquoi le Conseil d’Etat n’est pas d’accord

     Le Taser est une arme d’un type nouveau qui, aux côtés des avantages qu’elles comportent en matière de sécurité publique, en permettant d’éviter dans certaines circonstances le recours aux armes à feu, présentent des dangers spécifiques, qui imposent que leur usage soit précisément encadré et contrôlé, comme arme de 4° catégorie.

    Or, le décret du 22 septembre 2008 ne prévoit rien,

    Formation. Pas de formation spécifique à l’usage de cette arme préalablement à l’autorisation donnée aux agents de police municipale de la porter.

    Contrôle. Pas de procédure destinée à assurer le recueil d’informations sur leur usage par les agents de police municipale puis l’évaluation et le contrôle des données ainsi recueillies.

    Le ministre de l’intérieur soutenait avoir fait le nécessaire par une instruction du 4 novembre 2008. Oui, mais l’objet de cet excellent texte est de fixer les « recommandations d’emplois relatives à l’utilisation par les agents de police municipale des pistolets à impulsions électriques » et de fournir aux maires et aux responsables de police municipale « l’information nécessaire visant à rendre l’utilisation des pistolets à impulsions électriques efficace dans des conditions optimales de sécurité pour tous ». Donc, cette instruction qui transmet des informations aux élus n’a pas de « valeur réglementaire ». Des écrits qui ne sont que de paroles verbales, comme dirait l’autre.  

    Donc, il n’existe pas d’interdiction de principe, même pour la police municipale. Mais, il va falloir un bon décret définissant « les précautions d’emploi de l’arme, les modalités d’une formation adaptée à son emploi et la mise en place d’une procédure d’évaluation et de contrôle périodique nécessaire à l’appréciation des conditions effectives de son utilisation par les agents de police municipale. »

    Pour les petits malins…

    Hypothèse : je me suis pris un coup de Taser derrière les oreilles par un policier municipal entre le 22 septembre 2008 et le 2 septembre 2009. Le coup est illégal, car l’agent n’a respecté ni loi, ni le droit européen, et l’instruction ministérielle du 4 novembre 2008 n’était qu’un piètre cache-sexe. Il est bien possible qu'il ait en plus manqué aux principes indérogeables « d’absolue nécessité et de proportionnalité ». Tiens, je tenterais bien un petit recours… Normal : force doit rester à la loi, et à toute faute doit correspondre une sanction, comme disait mon éducateur de rue, devenu président de la République.

     


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