• TEMPÊTE DANS UN VERRE D'EAU NUMÉRIQUE

    L’Élysée était en alerte, Nicolas Sarkozy aux abois et l’armée sur le pied de guerre. En pure perte, finalement : après moultes concertations, les plus éminents des blogueurs politiques ont décidé de ne pas faire tomber la République, refusant de se joindre à l’initiative "No Sarkozy Day". Une décision si essentielle qu’elle valait bien une (inepte et sentencieuse) résolution commune…

    Tempête dans un verre d’eau numérique : L. Joffrin et A. Duhamel font main basse sur la blogoboule

    lundi 4 janvier 2010, par JBB

     

     

    Pffffiiiooouuuhhh…

     

     

    Ça s’est joué à peu.

    Durant tout le week-end, le monarque a serré les fesses, tics en rafales, biceps crispés, sourcils arqués comme si sa destitution était pour demain.

    La République, bonne fille, avait déjà langoureusement ouvert les jambes, prête à se donner et s’abandonner à ceusses qui se concertaient sous le manteau, résolus à toutes les bassesses pour la faire tomber.

    L’armée était en alerte, les services de sécurité itou, et une cellule spéciale avait même vu le jour à l’Élysée.

    Tout le monde était sur la brèche, quoi, en attente de ce 6 février 1934 bloguesque, de ce mai 1968 numérique.

    Mais finalement : non.

    Le bide.

    -

    Il est quelquefois - pas encore tout le temps, mais cela viendra, sois-en persuadé - plus rigolo de suivre l’écume d’une contestation en voie de notabilisation que de s’intéresser aux raisons premières de cette contestation.

    Ce week-end - grâce en soit rendu à quelques blogueurs décidés à déclencher une tempête dans un verre d’eau numérique - , c’était le cas.

    Comme je doute fortement que tu aies suivi l’intégralité de cette ténébreuse affaire, je te la résume ici.

    Tu vas voir : c’est (un peu) marrant.

    Soit quelques gugusses, inconnus au bataillon, désireux de se faire mousser en organisant un No Sarkozy Day, pendant francophone de l’événement transalpin qui a vu plusieurs dizaines de milliers de personnes réclamer dans la rue la démission de Berlusconi.

    Soit un site lancé pour l’occasion, une date fixée pour la manif (le 27 mars) et une lettre ouverte adressée à des blogueurs français [1], les invitant à lancer « un appel commun de soutien au No Sarkozy Day » et à participer « à l’équipe d’organisation » au motif que leur « pluralité est la meilleure garantie d’éviter toute récupération du mouvement par un parti ou un syndicat ».

    Soit aussi une vingtaine de blogueurs [2] ayant pris un trop au sérieux leur prétendue influence et qui décident de passer une petite partie de leur week-end à rédiger un texte commun inepte et sans saveur pour dire que le No Sarkozy Day ne passera pas par eux, avant de le placarder partout en leurs blogs et même sur Marianne2 ou Rue89.

    En sorte que - et là, je te prie de suivre avec attention - il y avait un événement bidon promis à un flop certain et que de prétendus blogueurs politiques l’ont jugé suffisamment important pour justifier la rédaction d’un communiqué bidon expliquant pourquoi ils n’y participeraient pas, texte qu’ils ont relayé à foison.

    Oui : simplement ridicule.

    -

    Je te vois venir : tu te demandes pourquoi je te parle de ça.

    De un, c’est la rentrée et je n’ai guère d’inspiration.

    De deux, une grosse partie de la blogoboule ne cause plus que de ça.

    De trois (et surtout), la chose est un parfait thermomètre d’un phénomène en cours, la notabilisation du blogueur.

    À force de lire en tous lieux que les blogs étaient le dernier refuge d’une libre contestation, certains tenanciers commencent à se prendre salement au sérieux.

    Et la croissance de leurs chevilles va de pair avec un certain sentiment de responsabilité pontifiante.

    D’où cette impression que le texte qu’ils ont signé ensemble aurait tout aussi bien pu, tant il est fade, sentencieux et gonflé de sa propre importance, être écrit par l’un de ces inamovibles éditorialistes qui font, depuis 45 ans, la pluie et la pluie dans les médias.

    À preuve, cet extrait : « En premier lieu, Nicolas Sarkozy a été élu. Certes la France de Nicolas Sarkozy n’est pas une république irréprochable mais nous sommes attachés au principe démocratique. En tant que Président de la République, il bénéficie de la légitimité des urnes. Réclamer sa démission, c’est ouvrir une boîte de Pandore. Nous ne souhaitons pas jouer aux apprentis sorciers. Au contraire, Nicolas Sarkozy doit rester 5 ans au pouvoir, assumer ses erreurs jusqu’au bout. Le No Sarkozy Day doit avoir lieu le 7 mai 2012 et pas avant. » [3]

    Quelle plume… Laurent Joffrin, sors de ces corps !

    Pis, je mettrais ma main à couper (notamment parce que je les lis de temps en temps et commence à les connaître) que ces blogueurs réagissent ainsi parce qu’ils ne sont pas à l’origine de l’initiative.

    Qu’il s’agit d’abord de saborder une opération qu’ils ne contrôlent pas.

    Et qu’ils protègent ce qu’ils estiment être leurs plates-bandes numériques.

    -

    Qu’on s’entende bien : je me fiche du No Sarkozy Day, initiative puérile et sans intérêt.

    Et je me fous dans les grandes largeurs du No No Sarkozy Day, opération toute aussi ridicule et sans intérêt.

    Mais ça me fait toujours marrer de voir à quelle vitesse certains blogueurs peuvent reproduire les travers de ces médias établis pour lesquels ils n’ont d’ordinaire pas de mots assez durs.

    Et force m’est de constater que le corporatisme le plus étroit n’est pas que l’apanage des pouvoirs en place, mais aussi de ceux en devenir.

    Je sais : il n’est là nulle surprise.

    Comme il n’est nulle raison que cette année [4] soit différente de la précédente.

    Notes

    [1] Non, nous, on n’a rien reçu. Las, monde cruel…

     

     

    [2] Tu en trouveras par exemple liste ICI. Sache que j’exonère arbitrairement Le Monolecte et Seb Musset, les seuls à être à la hauteur (et de loin), du mépris dont j’abreuve les autres signataires.

    [3] Avec mention spéciale au crétin congénital qui est l’auteur de « Au contraire, Nicolas Sarkozy doit rester 5 ans au pouvoir, assumer ses erreurs jusqu’au bout » : nul doute que les chômeurs, sans-papiers et autres victimes du régime souhaitent que les erreurs soient assumées jusqu’au bout…

    [4] À propos, je te la souhaite excellente.

    SOURCE ARTICLE XI


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