• RSA : GRACE À MARTIN HIRSCH, HORTEFEUX, TOUJOURS MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES

    RSA : grâce à Martin Hirsch, Hortefeux, toujours Ministre des Affaires Sociales ?

    jeudi 15 octobre 2009 par Réseau Solidaire d’Allocataires

    Le racisme institutionnel est le plus souvent ambigu, rarement les " preuves" sont-elles suffisamment flagrantes pour susciter l’indignation médiatique. On est en face d’un système ou les responsabilités sont tellement diluées, qu’il n’y pas besoin d’un « acte » raciste, la multiplication des « dysfonctionnements », et des « exigences réglementaires « suffit amplement à détruire l’égalité des droits garantie formellement par les textes.

    Ainsi le RSA ,en soi, est une inégalité : il faut prouver cinq années continues de titres de séjour avec autorisation de travail pour y accéder. Il ne faut pourtant pas cinq ans pour être astreints à payer des impôts directs et indirects, ni même être en situation « régulière ».

    Cette inégalité nouvelle a été dénoncée dès l’annonce du projet de loi, et la HALDE saisie par le GISTI, groupe d’information et de soutien des immigrés, a jugé cette mesure discriminatoire ( délibération à lire ici, ce qui n’a pas empêchée qu’elle soit inscrite dans la loi.

    Mais cette condition, la seule légale suffit-elle pour que le précaire qui la remplisse accède au RSA, comme un « national » ? Non.

     

    Pour nombre d’étrangers, une condition supplémentaire est désormais ajoutée par la CAF de Paris, pour établir les cinq années de séjour.  

    Concrètement elle se traduit par l’intervention de la Préfecture de Police dans l’instruction des dossiers.

     

    En exigeant non seulement la production des titres de séjours antérieurs du demandeur, mais aussi des documents officiels concernant la période intercalaire entre deux titres, période ou l’étranger attend le rendez-vous de renouvellement, la Caf trouve ainsi un prétexte pour la saisine directe de la Préfecture : concrètement, le droit au RSA dépend ainsi du bon vouloir du Ministère de l’Intérieur. Si celui-ci « tarde » à fournir les documents ou ne les fournit pas à la CAF, le RSA n’est pas attribué.

    Exemple concret, issu d’une intervention collective à la CAF Jaurès ( 75019) pour un allocataire.

     

    Mr T . a demandé l’allocation le 25 août, suite à l’épuisement de ses droits au chômage. Ce jour là, il a fourni ses cinq titres de séjours antérieurs d’une durée d’un an.

    Il a attendu plusieurs semaines, puis s’est rendu de lui-même à la CAF Jaurès, pour avoir des nouvelles de son dossier.

    C’est à cette occasion qu’il a appris que celui-ci était bloqué pour « pièces manquantes ».

    Premier « dysfonctionnement » : aucun courrier n’a été envoyé à Mr T. pour l’informer de ce blocage, et lui demander des documents complémentaires. Il n’aura aucune explication à ce sujet.

    Quel est le problème ?

    La CAF estime que la preuve de la continuité du droit au séjour n’est pas établie.

    Pourquoi ?

    Second « dysfonctionnement » :

    Comme tous les titulaires de cartes d’un an, Mr T. chaque année, fait sa demande de renouvellement bien en avance. Mais la Préfecture de Police se prétend « débordée » et depuis trois ans, le rendez-vous pour le renouvellement est toujours postérieur d’un mois à la date de validité du titre de séjour.

    Pendant un mois, c’est un document avec la date du prochain rendez-vous qui fait office de titre de séjour. Et, forcément, il y a toujours un décalage d’un mois entre la date de fin du titre de séjour précédent et le début du suivant.

    Ce sont ce genre de « dysfonctionnements » qui occasionnent à de nombreux précaires des embauches manquées, des allocations familiales bloquées, l’impossibilité de signer le bail d’un logement qu’on a galéré pour trouver. Car ces fiches de rendez-vous permettent tout juste de ne pas être expulsé mais ne sont pas considérées comme valables pour le reste des démarches, dans de nombreuses administrations.

    Qui a eu la riche idée d’utiliser ce « dysfonctionnement » de la Préfecture de Police pour retarder l’accès au RSA ? Un juriste très malin dans les hauteurs de la CAF.

    En comptant sur le fait que bien des étrangers gardent précieusement la copie de tous leurs titres de séjours antérieurs mais pas ces papiers de rendez-vous, qui seuls attestent de la régularité du séjour pendant UN mois entre chaque titre d’un an.

    Ceci permet à la CAF de faire intervenir la Préfecture de Police dans le versement du RSA ! Car l’on explique à Mr T, que la demande de vérification va être adressée à la Préfecture qui a l’historique du séjour de Mr T et pourra attester de la « continuité » du droit au séjour.

    Troisième "dysfonctionnement" :

    Cette même Préfecture de Police, capable de traiter en temps réel la vérification des titres de séjour produits lors du dépôt du dossier à Pôle Emploi, pour traquer les « faux papiers », met malheureusement longtemps, très longtemps à répondre à la CAF pour l’ouverture des droits au RSA.

    C’est ce qu’apprend Mr T. lors de sa deuxième visite à la CAF, de la bouche d’un salarié « qui n’y peut rien et c’est comme ça ». Mais Mr T., qui connaît bien le fonctionnement de son pays d’ « accueil » a conservé ses fameux papiers de rendez-vous. Il les rapporte le jour même à la CAF.

    Mais plusieurs semaines s’écoulent encore. Mr T vient et revient, « dossier en cours de traitement ». Et puis lors d’une énième visite, on l’informe qu’on est toujours en attente de …la Préfecture de Police.

    Quatrième « dysfonctionnement » : pas de trace des papiers déposés par Mr T., qui attestent de la régularité de son séjour sur les périodes demandées, et rendaient inutile l’attente de la réponse de la Préfecture.

    C’est ordinaire pour tout le monde à la CAF, ce genre de mésaventures, . Mais pour Mr T., cela s’ajoute à d’autres choses qui ne concernent que les étrangers.

    Nous distribuons des tracts sur les suspensions dues à l’application du RSA devant la CAF Jaurès lorsque nous rencontrons Mr T. Il est venu redéposer ses papiers quarante huit heures auparavant, et est revenu aujourd’hui simplement pour demander dans combien de temps le RSA lui serait versé.

    On lui a répondu avec dédain qu’on n’avait pas à lui répondre, que le dossier serait traité comme les autres, point barre.

     

    Mais cette fois, derrière le guichet, nous sommes une dizaine.

    Le racisme ordinaire, conscient ou pas, se reconnaît souvent par ce qu’on peut appeler « l’effet de contraste avantageux ».

     

    Ce moment, ou l’on devient d’un blanc resplendissant dans l’œil de son interlocuteur parce qu’on est à côté d’un Noir.

    A la CAF Jaurès, nous autres, précaires du Réseau Solidaires d’Allocataires sommes ouvertement et fréquemment qualifiés d’ « emmerdeurs de première », de «  trouble à l’ordre public perpétuel », d’ «  ignares qui n’y connaissent rien, la ramènent sans arrêt avec des droits qui n’existent pas et feraient mieux d’aller bosser ».

    Généralement, l’allocataire que nous accompagnons a droit à tous les égards et l’on ne manque jamais de lui faire savoir qu’il n’avait nul besoin de venir avec « ces gens » pour être entendu.

    Mais aujourd’hui, nous voici élevés au rang d’interlocuteurs respectables.

    « Je ne comprends pas que votre association accompagne précisément ce monsieur, j’en suis même très étonnée vu son comportement », nous dit aimablement une adjointe de la direction.

    Evidemment cela ne dure pas.

    Face à des interlocuteurs qui nous répondent que « la situation de ce monsieur est parfaitement normale et qu’il n’y a rien à en dire », le ton monte très vite.

    Notamment, parce que Mr T. fait remarquer que c’est la première fois qu’il peut s’exprimer sans être interrompu, la première fois qu’on l’appelle par son nom de famille, qu’on ne lui dit pas aujourd’hui ce qu’on lui a dit la dernière fois «  Vous n’avez qu’à aller travailler ».

    «  Vous êtes un menteur , rien qu’un menteur »., hurle une des salariEs présentes devant ces remarques

    On nous reproche habituellement de hurler et de déranger tout le monde, mais là c’est en face qu’on s’énerve. D’ailleurs, plusieurs salariEes quittent leur box, et viennent tous témoigner de l’arrogance prétendue de Mr T., « qui vient ici une fois par jour demander ou en est son dossier ».

    « C’est pas de notre faute, on n’est pas la Préfecture de Police ici, ». Précision utile, car ce n’était pas du tout évident pour un observateur extérieur. Ainsi, il semble que le délit de solidarité ait aussi une certaine réalité à la CAF.

    L’adjointe de la direction revient ainsi brusquement à notre visite précédente, ou nous avions obtenu une avance sur droits supposés pour un autre allocataire. « Ca je peux vous dire que c’est terminé, plus jamais on ne vous cèdera, finie la compréhension et les acomptes ».

    Ben oui, c’est bien connu, les allocataires, on leur tend la main, ils vous bouffent le bras et vous ramènent toute la misère du monde et les revendications délirantes qui vont avec !

    Nous attendons paisiblement que ces petites minutes d’hystérie vengeresse et collective se calment d’elles même.

    Nous comprenons d’ailleurs qu’il doit être difficile de perdre sa dignité devant un allocataire qui a fait collectivement respecter la sienne.

    Nous exigeons que la date du versement du RSA de Mr T lui soit indiquée voilà tout, et finalement du bout des lèvres, on nous parle de quinze jours à trois semaines « maximum », à cause du retard de douze jours dans le traitement des dossiers , « le même pour tous les allocataires », mais que tout sera fait cependant pour que ça aille le plus vite possible.

    Nous voilà rassurés, l’égalité des droits qu’on n’a pas, au moins, elle, est respectée.

    Mr T. a même droit à la prise de son numéro de téléphone portable, et à l’assurance qu’il sera appelé pour être tenu au courant de l’avancée du dossier.

    « Tous des racistes », pourrait-on en conclure.

    Ce serait faux. En réalité, parmi tous ces gens qui ont eu en main le dossier de Mr T., qui ont mécaniquement fait ce qu’ils font pour tous les autres dossiers de ce type, il y en a même sûrement qui sont révoltés par le racisme ouvert et brutal.

    Si ceux qui l’ont reçu, ce jour là et les autres d’avant, ont eu un regard excédé sur sa personne, l’ont envoyé paître ou lui ont parlé comme à un chien, la plupart seraient ulcérés qu’on l’attribue à un sentiment raciste, la plupart répondraient qu’ils auraient fait la même chose avec un Français dans les mêmes circonstances.

    Et ce n’est pas forcément faux. Simplement, aucun Français n’a besoin de montrer ses cartes d’identité précédentes pour obtenir le RSA. Aucun Français ne dépend du bon vouloir de la Préfecture de Police pour son versement.

    Lorsque la discrimination est légale, alors le racisme au quotidien n’exige aucune adhésion particulière des fonctionnaires, juste qu’ils fassent leur travail « normalement », et surtout sans y penser.

    Et si l’étranger est détesté plus que les autres, et rejeté, et perçu comme un agresseur permanent, ce n’est pas tant parce les salariéEs sont racistes en soi, mais parce qu’en exigeant simplement ses droits, il leur rappelle que le travail bien fait n’est rien d’autre que la perpétuation passive d’une injustice sans cesse répétée.

    Le problème n’est pas l’image qu’ils ont des immigrées, mais l’image d’eux même qui leur est renvoyée en pleine figure. Et bien, souvent la réaction est d’autant plus violente chez ceux qui se vivent au quotidien comme antiracistes. Quel autre sens donner à ce cri sincère, à ce « Menteurs » hurlé brusquement et contre toute vraisemblance ?

     

    En tout cas, la Préfecture de Police à Paris intervient bien dans l’attribution du RSA à une partie des allocataires.

     

    Et ce, qu’ils soient sans activité ou travailleurs à temps partiel. Au minimum, cette intervention retarde de deux mois le versement de l’allocation mais aussi tous les droits connexes qui vont avec.

    Mécaniquement, cela augmente le nombre de précaires exclus de fait , temporairement ou définitivement du RSA, déjà plus restrictif que le RMI pour les étrangers , et d’autres catégories. Et donc la proportion de précaires contraints d’accepter n’importe quel boulot, à n’importe quel salaire, pour ne pas se retrouver sans ressources.

    Et les conditions de travail sont tirées vers le bas pour tous !

    Lutter pour l’égalité des droits sociaux pour tous, c’est de l’auto défense pour l’ensemble des précaires !

    Ne laissons pas des pratiques discriminatoires s’installer !

    Si vous êtes étranger, qu’on exige de vous des documents autres que vos titres de séjour, que votre dossier est bloqué ou retardé, contactez nous, pour organiser ensemble la riposte !

     

    RESEAU SOLIDAIRE D’ALLOCATAIRES

     

    Retrouvez-nous à nos permanences

    Tous les mardis de 18h à 19h à la Maison des Associations, 15, passage Ramey - 75018 Paris – Métro Marcadet Poissonniers – Bureau « Les vignes » au 1er étage

     

     Tous les mercredis de 13h à 14h, devant la CAF, 67, avenue Jaurès – Métro Laumière

    Réseau Solidaire d’Allocataires- ctc.rsa@gmail.com


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