• ICRA News

    Le Costa Rica est en train de prévoir la construction du plus grand barrage hydroélectrique d'Amérique centrale. Le projet, nommé El Diquis, prévoit la submersion de 7000 hectares de terres. Un tiers de cette zone est une forêt vierge, habitée et gérée par le peuple Teribe. Leur réserve risque d'être engloutie.
    Aidez les Teribe à conserver leur forêt tropicale intacte.

    La centrale hydroélectrique El Diquis doit produire 680 mégawatts d'électricité, dont 90% prévus pour l'exportation. Le lac de barrage nécessite la destruction de plus de 2.200 hectares de forêt tropicale. Cette forêt, dans la vallée de Térraba, est la réserve protégée des Teribes, un groupe indigène de 750 personnes. Ces derniers résident depuis des siècles dans une zone qui jadis couvrait 9000 hectares. Il ne leur reste à ce jour que seulement 10% de cette surface suite à une vague de colonisation illégale. Le gouvernement du Costa Rica a laissé les non-autochtones s'approprier leurs terres.

    Ces derniers jours, James Anaya, rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des droits humains et libertés fondamentales des peuples autochtones, s'est rendu dans la vallée de Térraba pour se faire une idée de la situation. Suite à ses entretiens avec les représentants de la communauté Teribe d'une part et de la société publique ICE (Instituto Costarricense de Electricidad), il a été décidé d'arrêter temporairement le chantier, la réserve indigène ayant déjà perdu 20 hectares.

    Nous avons un droit de regard sur les projets mis en oeuvre sur notre territoire”,
    déclare Manuel Villanueva, représentant de l'association ASSODINT (l'Association pour la défense des droits des Teribe). “Nous avons nos propres idées sur le développement et la façon dont notre environnement peut être protégé.” La minorité indigène est systématiquement désavantagée par le gouvernement costaricain.

    Le pays a ratifié en 1993 la convention 169 de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) s'engageant à donner accès aux indigènes à toutes les informations disponibles concernant les conséquences sociales et environnementales des projets économiques sur leur territoire. Le gouvernement du Costa Rica a cependant ignoré cet engagement envers le peuple Teribe. Il ne s'agit pas seulement de la négation du droit à s'auto-administrer de manière autonome mais aussi du grave danger de voir disparaitre les moyens de subsistance et l'identité culturelle des indigènes.

    Le peuple Teribe vit depuis des siècles dans et de la forêt, la gérant de manière durable, la considérant comme son centre spirituel. En submergeant la forêt tropicale, le barrage détruirait non seulement de nombreuses espèces végétales et animales mais aussi 300 sites archéologiques du patrimoine culturel Teribe.

    ICRA vient d'envoyer un mail au Ministre de l'Energie du Costa Rica et à l'Ambassade du Costa Rica en France.
    Vous pouvez vous aussi aider les Teribes à conserver leur forêt tropicale intacte en envoyant un mail au Ministre de l'Energie du Costa Rica
    .


    1. Ouvrez un nouveau message dans votre boîte de courrier électronique
    2. Copiez l?adresse ci-contre et collez-la dans le message comme destinataire :
    ministrominae@minae.go.cr
    3. Copiez le message entre #### ci-dessous et collez le dans votre nouveau message.
    4. Ajoutez un sujet/titre
    5. Remplissez vos coordonnées et envoyez le message !

    ####
    Estimado Sr. Ministro de la Torre,


    con gran preocupación he podido saber, que en el Valle de Térraba al sur de Costa Rica, existe un plan para la construcción de la represa hidroéléctrica El Diquis, sin que los grupos indígenas que van a ser afectados hayan sido previamente consultados. Aunque el estado de Costa Rica se ha comprometido a asegurar los derechos de los Teribe a un territorio de 9000 hectáreas, permitió que el 90 de estas tierras fueran ilegalmente ocupadas, mientras los Teribe fueron confinados en tan sólo 700 hectáreas de tierras. Este último refugio se ve amenazado ahora por el proyecto hidroeléctrico El Diquis.
    Tras la visita del Relator de las Naciones Unidas para los Pueblos indígenas, Sr. James Anaya, el Instituto Costarricense de Electricidad ICE comunicó que detendrá temporalmente el proyecto hidroeléctrico El Diquís.


    En consonancia con esta decisión, le pido que respeten la autonomía de los pueblos indígenas de Costa Rica y que se comprometan especialmente con los Teribe, amenazados por el proyecto El Diquís.
    Por favor, aseguren el derecho a los Teribe de expresar su consentimiento, libre, previo e informado antes de cualquier nuevo plan de continuar con el Proyecto El Diquis. Para ello deben contar con la información completa y verdadera sobre los impactos y consecuencias del proyecto que debe ser puesta a su inmediata disposición. El proyecto deberá ser además consultado con los afectados. Para ello, el gobierno debe garantizar en primer lugar, que la empresa ICE cumpla con la promesa de abandonar la reserva y retirar toda su maquinaria.
    Y finalmente, el gobierno costarricense debe sacar adelante el proyecto de ley para la autonomía de los pueblos indígenas y la protección de su hábitat natural. Esto ha sido retrasado por más de 17 años.
    Atentamente,

    Nom et adresse :
    ####

    A diffuser largement


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  • Bédouins : Des indigènes devenus squatteurs sur leurs terres

    Jillian Kestler-D’Amours
    IPS



    "L’objectif de l’État israélien est toujours, dans la mesure de ses possibilités, de limiter les Bédouins à des zones restreintes et de judaïser le reste. Judaïser la terre, judaïser les ressources, judaïser le pouvoir, et considérer la plus petite ombre de revendication à l’égalité comme une menace pour cette construction d’un État juif."
    (JPG)
    Destruction à Umm al-Hieran
    (Jillian Kestler-D’Amours)

    Alors qu’avancent les projets de démolitions d’un village palestinien bédouin pour faire place à une nouvelle ville, réservée aux juifs, dans le désert du Néguev (le Nakkab, en Palestine historique), les Bédouins qui l’habitent ont déposé une motion pour avoir le droit de faire appel devant la Cour suprême israélienne.

    Situé à 30 minutes de la principale ville, Beer Sheva (autrefois Bir as Sab’a), Umm al-Hieran est l’un des nombreux villages bédouins dits « non reconnus », disséminés dans cette partie du Néguev qui ne reçoit aucuns services ou infrastructures de base de l’État israélien.

    En 2004, la Commission d’urbanisme du district Sud a dévoilé son plan d’ensemble, un plan qui prévoit la totale destruction du village - avec l’expulsion forcée des 150 familles et de ses 1000 habitants environ - et l’implantation, à sa place, de la communauté juive d’Hiran.

    Après la démolition de plusieurs structures du village, les habitants d’Umm al-Hieran avec des représentants d’Adalah, le Centre juridique pour les droits de la minorité arabe en Israël, et de Bimkom, une organisation d’urbanistes et architectes israéliens, ont déposé un recours devant le tribunal de police de Beer Sheva, en 2008, pour empêcher de nouvelles destructions.

    A ce jour, le tribunal de police de Beer Sheva comme le tribunal de district de Beer Sheva, ont débouté les habitants de leur demande, se déclarant incompétents juridiquement pour trancher la question.

    « Nous espérons que la Haute Cour (suprême) nous permettra d’interjeter appel et alors nous serons en mesure de défendre le bien-fondé de notre requête » a dit à IPS, Suhad Bishara, l’avocat d’Adalah qui représente les villageois.

    « La signification de la décision de ce tribunal (le tribunal de district) est que l’État d’Israël aurait la base juridique - selon l’interprétation du tribunal - pour organiser un système d’apartheid. Vous demandez de déplacer toute une communauté, d’évacuer tout un village, non par nécessité publique d’urgence, mais parce que vous voulez qu’une autre communauté vienne y vivre. Cela n’a aucun sens » analyse Bishara.

    Umm al-Hieran a été construit en 1956, peu après que l’armée israélienne ait expulsé ces Bédouins de leurs foyers dans la région de Wadi Zuballa, dans le Néguev. C’était la troisième fois que les habitants d’Umm al-Hieran - qui à l’époque vivaient sous le régime militaire israélien - étaient transférés de force.

    Dans un communiqué de presse du 20 avril, Adalah déclare que, « à l’époque, les habitants avaient reçu l’assurance du gouverneur militaire que c’était la dernière fois qu’on les obligeait à partir de leur village ».

    Aujourd’hui, seul un chemin de terre, facile à manquer, amène les habitants et les visiteurs à Umm al-Hieran, où les maisons de brique et de ciment, perchées sur une colline qui surplombe une vallée étroite, les enclos pour les bêtes, les oliveraies et les réservoirs d’eau, s’éparpillent sur les terres du village.

    « Umm al-Hieran a été créé il y a soixante ans » dit à IPS un habitant du village, Salim Abu al-Qian. « Aujourd’hui, il n’y a ni électricité, ni eau. Dans sa politique très dure, le gouvernement a coupé l’eau, juste pour nous obliger à quitter Umm al-Hieran ».

    Environ 90 000 citoyens bédouins d’Israël vivent dans des conditions similaires dans les villages « non reconnus » du Néguev. Étant donné que le gouvernement israélien considère les habitants de ces villages comme des squatteurs illégaux, chaque communauté risque d’être démolie.

    Le village bédouin « non reconnu » d’Al-Araqib - à quelques minutes seulement d’Umm al-Hieran -, par exemple, a été rasé 19 fois depuis juillet 2010. Et ceci au mépris des procédures juridiques engagées et toujours en cours pour déterminer qui, des habitants ou de l’État israélien, est le propriétaire foncier.

    Selon Oren Yiftachel, professeur de géographie et de développement environnemental à l’université Ben Gourion du Néguev, à Beer Sheva, cette vague de destructions est le signe d’un projet plus vaste du gouvernement israélien visant à concentrer les citoyens bédouins sur un minimum de terres au Néguev, et d’implanter, à leur place, des communautés juives.

    « L’objectif de l’État est toujours, dans la mesure de ses possibilités, de limiter les Bédouins à des zones restreintes et de judaïser le reste. Judaïser la terre, judaïser les ressources, judaïser le pouvoir, et considérer la plus petite ombre de revendication à l’égalité comme une menace pour cette construction d’un État juif. » déclare Yiftachel.

    Et il ajoute que dans le cas d’Umm al-Hieran, la communauté juive d’Hiran prévue - qui accueillera entre 7000 et 10 000 personnes - pourrait très bien être installée sans déplacer les habitants d’Umm al-Hieran.

    « Il suffirait de déplacer le plan d’implantation du village juif de 300 mètres, ce qui évidemment est possible puisqu’il n’est pas encore installé. Nous ne pensons pas qu’il y ait besoin d’une colonie juive ici. Mais s’ils tiennent à en mettre une, ils n’ont pas besoin d’éjecter les gens d’Umm al-Hieran », affirme Yiftachel.

    Les autorités foncières israéliennes veulent que les habitants d’Umm al-Hieran s’en aillent dans la ville voisine d’Hura, une ville construite par l’État à l’attention des Bédouins, et où vivent déjà environ 16 000 personnes. Pour Abu al-Qian cependant, qui a vécu à Umm al-Hieran toute sa vie, la réalité est que Hura ne répond absolument pas à ses besoins ni à ceux de ses voisins.

    «  Nous sommes un village rural et un village d’agriculteurs. La vie à Hura n’est pas adaptée à mon style de vie. Je veux vivre là où je vis aujourd’hui. Nous voulons que le gouvernement cesse ses discriminations à notre encontre et obtenir le respect de nos droits », clame Abu al-Qian à IPS.

    « (Umm al-Hieran) est mon village. J’y suis né. J’y resterai. Je ne partirai pas. Je vais essayer de défendre mon village, parce que la solution alternative qu’ils veulent nous imposer ne convient pas. »


    (JPG)

    Stratégie de transferts des Bédouins
    (archives)


    Originaire de Montréal, Jillian Kestler-d’Amours est journaliste et cinéaste documentaliste. Elle réside à Jérusalem-Est. Son site : http://jilldamours.wordpress.com/


    Du même auteur :

    -  Les Palestiniens de Jérusalem, défiant Israël, clament : « Nous resterons ici »
    -  L’Université Al-Quds bafoue son propre boycott académique


    Umm Al-Hieran, Israël, le 9 mai 2011 - Inter Press Service - traduction : JPP


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  • États de non-droit



    German-Foreign-Policy.com

    Après l’assassinat ciblé d’Oussama Ben Laden, célébré à son de trompe, des juristes critiquent sévèrement les exécutions extra-judiciaires des armées occidentales.

    Des exécutions hors du cadre légal relèvent de l’État de non-droit et sont en contradiction avec les droits humains fondamentaux, affirme Kai Ambos, professeur de droit international, dans une déclaration récente. Et cela, même quand la victime est un terroriste. Selon lui les exécutions hors du cadre légal sont lourdes de conséquences pour les États qui les pratiquent.
     
    Ce n’est pas seulement parce que la Chancelière et son Ministre des Affaires étrangères ont explicitement approuvé la mise à mort de ben Laden que le gouvernement fédéral est la cible de cette critique.
     
    Berlin considère, ainsi que le Ministre de la Défense l’a déjà souligné l’an dernier, que des assassinats ciblés en l’absence de toute procédure judiciaire sont admissibles dans certains cas. En outre Berlin accepte sans la moindre protestation l’exécution extra-légale de citoyens allemands au Pakistan. En définitive, des soldats allemands sont eux aussi impliqués dans des assassinats ciblés: puisqu’ils participent aux commandos exécutifs états-uniens. Des conseillers ont depuis quelque temps mis en garde le gouvernement fédéral: en participant à la « guerre contre le terrorisme », on frôle «les limites de l’État de droit ». Une formulation diplomatique pour « être dans l’illégalité. »
     

    Du gibier pour militaires

    Comme l’a récemment déclaré Kai Ambos, juge et professeur de droit à l’Université de Göttingen, rien ne peut justifier l’assassinat ciblé de Ben Laden. Même les terroristes ont droit à un procès régulier ; s’ils sont reconnus coupables, ils seront condamnés, et aux USA ils peuvent l’être à la peine capitale. Mais, souligne Ambos, « être mis à mort sans procès » est une « exécution hors du cadre légal », pour laquelle «des États de non-droit sont cités devant des commissions pour les droits humains»1. L’Occident doit se demander s’il «entend dénier à ses ennemis terroristes tout droit humain et même le droit de vivre, faisant d’eux un gibier pour militaires». Ambos considère que c’est indiscutable. Et si l’Occident dénie à ses ennemis même les droits humains fondamentaux, il se place pratiquement « sur leur terrain.» Les conséquences pour la vie dans les pays occidentaux en seraient incalculables.
     

    « Opération réussie »

    La critique d’Ambos concerne à plusieurs titres le gouvernement fédéral. D’abord parce que la Chancelière et son Ministre des Affaires étrangères ont approuvé d’une seule voix la mise à mort de ben Laden. Angela Merkel a déclaré qu’elle avait « exprimé au Président Barack Obama son respect et le nôtre pour ce succès et cette opération commando réussie.» L’annonce de l’exécution était « tout simplement une excellente nouvelle »2. Plus précisément interrogée, Merkel déclara qu’elle était « très satisfaite ». Le Ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, a déclaré que l’annonce de la mort de Ben Laden était « une bonne nouvelle pour tous les hommes de ce monde qui aiment la paix et la liberté. »3. Personne au gouvernement fédéral n’a exprimé de scrupules analogues à ceux qu’Ambos a exposés et fondés.
     

    Une évolution qui se poursuit

    De fait le gouvernement fédéral a adopté au plus tard en 2010 une position juridique favorable à l’autorisation d’assassinats ciblés dans certaines circonstances. Quelques années auparavant cette façon de voir aurait paru pour le moins hautement problématique aux conseillers juridiques de Berlin. L’an dernier le Ministère de la Défense déclarait à ce propos « avoir évolué sur bien des points.» En particulier au sujet de l’interdiction de tuer des rebelles en-dehors de situations de combat. Une note du Ministère de la Défense laisse entendre que les soldats de la Bundeswehr auraient le droit « de s’attaquer de façon ciblée à des combattants ennemis, même en-dehors de situations d’hostilités effectives, ce qui peut inclure le recours à la violence létale». 4 Ce décret légitimerait l’assassinat ciblé de ben Laden.
     

    Aucune contradiction

    S’y ajoute la non-intervention du gouvernement fédéral en cas d’assassinat ciblé de citoyens allemands. Un cas qui s’est produit au moins une fois, le 4 octobre 2010, quand Bünyamin E. zu E. , âgé de 20 ans, a été tué au Pakistan par un tir effectué à partir d’un drone états-unien. L’attaque de ce drone n’avait été directement précédée d’aucun engagement militaire. En outre, le Pakistan n’est en guerre contre personne.
     
    Le gouvernement fédéral, qui accepte d’une manière générale sans faire d’histoires les attaques de drone américaines, bien que beaucoup d’entre elles aient lieu en-dehors des théâtres de combat afghans et fassent de nombreuses victimes civiles, ne s’est jusqu’à présent jamais élevé contre cette exécution ; et pourtant il est tenu de protéger les ressortissants allemands à l’étranger. Les observateurs estiment bien plutôt que seuls des renseignements détenus par les autorités allemandes au sujet de E. et transmis par les services allemands à leurs partenaires états-uniens pour les aider à préparer des attaques5 ont permis cette exécution .
     

    Des listes noires

    En Afghanistan aussi les Allemands collaborent à des commandos d’exécution. L’an dernier, déjà, la « Joint Prioritized Effects List »   (JPEL) utilisée par les forces armées dans l’Hindoukouch a fait l’objet de vives critiques. Elle comporte des centaines de personnes recherchées par l’Occident, dont les noms sont suivis de « faire prisonnier» (« c », pour « capture ») ou de « tuer » (« k » pour « kill »).6 Des soldats allemands transmettent eux aussi des informations permettant de choisir entre « capture » et « kill » - sans procès, bien sûr.
     

    En toute illégalité

    Les conseillers auprès du gouvernement de Berlin l’ont déjà dit en février dernier : il n’est pas rare que les manœuvres de l’UE « en matière de collaboration avec les USA dans la guerre contre le terrorisme»  frôlent « les limites admises dans un État de droit.»7 Une formulation diplomatique pour des pratiques qui depuis longtemps ne se situent plus dans le cadre de l’État de droit et ne peuvent plus être considérées que comme illégales. De fait, en pratiquant l’assassinat ciblé, les nations occidentales font justement ce qu’elles reprochent à leurs ennemis : tuer des adversaires en-dehors du cadre légal et de ses normes. Il devient difficile, dans ces conditions, de parler d’État de droit ; c’est ce que souligne la déclaration du Professeur Kai Ambos. L’Occident se place sur le même terrain que ses ennemis.
     

    1 Kai Ambos: Auch Terroristen haben Rechte (Même les terroristes ont des droits); Frankfurter Allgemeine Zeitung du 05.05.11
    2 Déclaration de la Chancelière Angela Merkel à la presse relativement à la mort d’Oussama ben Laden, Berlin, le 02.05.2011
    3 Déclaration du Ministre Guido Westerwelle relativement à la mort d’Oussama ben Laden www.auswaertiges-amt.de 02.05.2011.
    4 Voir « Gezielte Tötungen“ (Assassinats ciblés)
    5 La mort de Bünyamin ; www.zeit.de 20.01.2011
    6 Voir « Gezielte Tötungen“ (Assassinats ciblés)
    7 Annegret Bendiek: «An den Grenzen des Rechtsstaates: EU-USA-Terrorismusbekämpfung» (Aux limites de l’État de droit : la « guerre contre le terrorisme » des USA et de l’UE) SWP-Studie S3, février 2011. Voir An den Grenzen des Rechtsstaats





    Merci à German Foreign Policy
    Source: http://www.german-foreign-policy.com/de/fulltext/58057
    Date de parution de l'article original: 06/05/2011
    URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=4701

     


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  • Mexique : marcher contre la peur

    Jean-Pierre PETIT-GRAS

    A l’hallucinant décompte des cadavres (essentiellement de migrants) découverts dans une fosse dans le Tamaulipas (300 corps) ou dans le Durango (168), viennent s’ajouter des nouvelles alarmantes. Elles font état d’une véritable terreur au pays du peyotl, à Jicamórachi, commune de Uruachi, dans la montagne Tarahumara de l’Etat de Chihuahua.

    Ce village d’un millier d’habitants - des indigènes rarámuri - est occupé depuis plusieurs semaines par un groupe de tueurs, probablement au service de l’un des cartels de la régions. Plusieurs hommes ont déjà été assassinés. D’autres ont été enlevés, et 7 cadavres viennent d’être retrouvés. Le restant a dû fuir dans la montagne. C’est maintenant au tour des femmes, des vieillards et des enfants, dont les maisons ont été incendiées, de tenter d’échapper à ces sicaires lourdement armés. L’armée, présente bien sûr dans la région, n’est pas intervenue.

    Dans un article précédent, nous parlions d’une agression identique, en janvier dernier, contre un village tepehuano de l’Etat du Durango, Tierras Coloradas. Le président officiel de la municipalité avait été clair « le mieux est que ces gens-là émigrent vers d’autres régions ». Nous évoquions également un scénario désormais classique : des militaires font une "descente" dans un village qui s’est organisé contre la délinquance, la spoliation de ses terres, un projet minier, la construction d’un barrage, etc... Ils perquisitionnent et emportent les armes de chasse des habitants.

    Trois jours après, un commando de narco-tueurs débarque, et fait sa besogne... Cela s’est passé, par exemple, au printemps 2010, dans le village de Coire, sur la côte nahua du Michoacán. Ou encore, dans le même état, dans le village de Zirahuén, situé sur les rives d’un lac superbe...mais convoité par un gros entrepreneur et promoteur touristique de Morelia. Ou dans le Guerrero, avec les multiples tentatives pour désarmer les membres de la police communautaire, bénévoles nommés et contrôlés par les assemblées de villages mixtèques et tlapanèques. Cette police autonome protège depuis des années la population civile de la région de San Luis Acatlán, et y a fait baisser la délinquance de 95%.

    Le Congrès National Indigène (CNI) et de nombreuses organisations de défense des droits humains dénoncent de nombreux cas identiques dans tout le pays.

    La plupart des médias, au Mexique et ailleurs, se contentent de fournir les images sanguinolentes et les statistiques affolantes de la « violence » (plus de 40000 meurtres depuis 2006), sans permettre l’identification des véritables responsables, de ceux à qui profitent tous ces crimes. Ils préfèrent laisser planer le mystère, ou tenter de stigmatiser une partie de la population (« ces jeunes qui ne veulent pas travailler et cherchent l’argent facile »). Ils participent ainsi à une entreprise de dénigrement et de criminalisation des résistances populaires. Le résultat est la généralisation de la méfiance et de la peur, dans une société où subsistent pourtant des liens de convivialité et de solidarité bien plus puissants, par exemple, que dans notre pays.

    Si l’on observe la carte de la violence, il est relativement facile de voir qu’elle suit celle des luttes sociales, des oppositions à la politique de conquête et de spoliation que le capitalisme a entrepris de manière systématique contre le pays : cultures industrielles (destinées à l’exportation, ou à la production d’agro-carburants), barrages hydroélectriques, champs d’éoliennes, autoroutes, méga-projets touristiques, déforestation, mines à ciel ouvert, dépôts de déchets industriels, usines de montage, tels sont les principaux aspects de l’ économie qui se met en place dans les zones désertées par les paysans, les militants sociaux, hommes et femmes décimés, terrorisés par l’action conjointe des cartels et des forces de l’ordre. Car la route du « crime organisé » suit, curieusement, celle des ressources naturelles et humaines, sur lesquelles le système économique du capitalisme industriel a besoin, à tout prix, de mettre la main.

    Reprenant en boucle la thèse officielle de "guerre contre le narco", la plupart des commentateurs oublient de poser les questions qui dérangent.

    Qui fabrique et vend les armes ? Comment entrent-elles dans le pays ?

    On peut citer par exemple, l’énorme scandale de l’ opération "Fast and Furious,” (*) menée par les bureaux gouvernementaux étatsuniens de "Alcool, Armes à feux et Explosifs" (ATF) de l’Arizona. Les fonctionnaires US ont ainsi permis de faire passer en contrebande la frontière à une énorme quantité d’armes (2500 AK47 et fusils Barrett). Les destinataires ? Les cartels mexicains. Notamment celui de Sinaloa, dont on dit qu’il travaille main dans la main avec le gouvernement de Felipe Calderón (consulter sur le site Desinformémonos l’entretien avec la journaliste Anabel Hernández sur son livre "Los señores del narco") .

    Où vont les bénéfices du trafic de drogue ? Comment sont-ils réintroduits dans les circuits économiques ?

    Comment se fait-il que les massacres, qui se succèdent à une cadence obscène, se déroulent dans le cadre d’une militarisation sans cesse croissante, avec des contrôles, des patrouilles et des déploiements impressionnants de membres des forces de l’ordre ? Le Mexique est l’une des régions de la planète où la résistance à cette guerre capitaliste est la plus vive. Ou des alternatives s’imaginent, se construisent et se vivent, essentiellement dans les zones à forte population indigène. Et cela, la plupart des observateurs, à droite comme à gauche, se refusent à le voir, ou à le dire. Ceux de droite, on comprend pourquoi. A gauche, on est souvent, au Mexique comme ailleurs, dans le giron de la droite. Ou alors, les préjugés raciaux, le mythe du progrès, et une énorme paresse intellectuelle l’emportent. Essayer de comprendre ce qui se passe réellement pourrait pourtant nous permettre de sortir de la compassion, de transformer notre indignation en décisions et en action.

    A l’appel du poète et journaliste Javier Sicilia, une marche pour la paix se déroule en ce dimanche 8 mai, et progresse vers la place centrale de la ville, la place de la Constitution, également appelée le Zócalo. Les marcheurs ont quitté jeudi la ville de Cuernavaca, dans l’état de Morelos, située à près de 100 kilomètres. Partout, sur leur passage, ils ont reçu un accueil chaleureux et massif, de la part d’une population qui n’en peut plus de tant de violence, d’injustice, d’impunité et de mensonges.

    Samedi, 20000 indigènes zapatistes ont défilé en silence dans la ville de San Cristóbal de Las Casas. Au nom de l’EZLN, le commandant David a expliqué : « nous sommes ici pour répondre à l’appel de ceux qui luttent pour la vie, et à qui le mauvais gouvernement répond par la mort »1... On a pu voir, au passage, la « force tranquille » de ce mouvement zapatiste, qui construit au quotidien, dans un contexte extrêmement difficile, les bases de la vie autonome et solidaire que leur histoire et leur culture les a amenés à rêver.

    Dans plusieurs villes du pays, mais aussi à l’étranger, partout où vivent des Mexicains, les manifestations se sont multipliées ces derniers jours. La marche contre la peur ne fait que commencer. Comme aiment à dire les zapatistes, « ils peuvent arracher toutes les fleurs, ils ne tueront pas le printemps ».

    Jean-Pierre Petit-Gras

    (*) EN COMPLEMENT, sur l’opération "Fast and Furious"

    INFOS US :

    Agent : I was ordered to let U.S. guns into Mexico
    ATF agent says "Fast and Furious" program let guns "walk" into hands of Mexican drug cartels with aim of tracking and breaking a big case
    SOURCE : CBS http://www.cbsnews.com/stories/2011...

    Agent : ATF partly to blame for Mexico violence
    An agent with the Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearms claims the agency has a policy that allows guns to get in the hands of the Mexican drug cartels. Sharyl Attkisson reports. VIDEO INTERVIEW : http://www.cbsnews.com/video/watch/... ;photovideo#ixzz1GOUlZ7mj

    INFOS MEXICAINES :

    Operacion "Rapido y Furioso" (EEUU Permitio Entrada Ilegal De armas A Mexico) 07-03-11 MVS 1/3 (VIDEO Carmen Aristegui)
    http://www.youtube.com/watch?v=X35I...

    México:enojo por operativo Rápido y Furioso - CNN México (VIDEO)
    http://m.cnnmexico.com/videos/2011/...

    Estados Unidos dejó pasar armas a México - journal Ocho Columnas (04/03)
    http://www.ochocolumnas.com.mx/inde...

    CNN - Carmen Aristegui - Operativo "Fast and Furious" 1/2 (VIDEO YOUTUBE à partir de l’excellente chaîne politicaypoliticosmx)
    http://www.youtube.com/watch?v=yL3d...

    México dDesconocía operativo “Rápido y Furioso” : PGR - LA JORNADA 10/03
    http://www.jornada.unam.mx/ultimas/...

    Operativo "Rapido y Furioso" - EU Afirma Que Autoridades De Mexico Sabian 11-03-11 MVS 1/2 (VIDEO YOUTUBE)
    http://www.youtube.com/watch?v=Uy3N...

    Rapido y Furioso (article de la journaliste Carmen Aristegui F. - 11/03)
    http://lastresyuncuarto.wordpress.c...

    URL de cet article 13633
    http://www.legrandsoir.info/Mexique-marcher-contre-la-peur.html

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  • Tunis: Couvre-feu et contre-feux.

    Se trouver | 09/05/2011 at 20:51

    Mercredi 4 mai, dans l'après-midi, la Tunisie découvre une vidéo explosive postée sur les réseaux sociaux avant que toutes les radios du pays n'en reprennent le contenu.

    Une interview de Fahrat Rajhi, ex-ministre de l'intérieur destitué par le premier ministre Béji Caïd Essebsi à la fin du mois de mars, a véritablement mis le feu aux poudres. Fahrat Rajhi fut notamment responsable de la dissolution du RCD et de la confiscation de ses biens. Cet ancien magistrat détesté par les cadres de son ministère avait échappé de peu au lynchage par ceux-ci lors de sa prise de fonction. A l'origine du limogeage de plusieurs responsables policiers, il fut par la suite jugé trop dérangeant et trop dangereux par la hiérarchie policière et depuis remplacé par Habib Essid.

    Dans cette vidéo, on le voit et l'entend révéler la préparation d'un coup d'état par le général et chef d'état-major des armées Rachid Ammar, pour prendre le pouvoir en cas de victoire électorale des islamistes aux élections du 24 juillet. Il révèle le rôle que sont en train de prendre les Sahéliens (de sahel ou littéralement la côte, région côtière entre Tunis et Sfax comprenant les villes de Sousse, Monastir et Mahdia dont est originaire la majeure partie de la classe politique tunisienne depuis l'indépendance, Habib Bourguiba et Zine Ben Ali en sont les plus notoires représentants) qui ne voudraient pour rien renoncer au pouvoir ou la direction occulte de Kamel Letaiëf, ex-ami intime de l'ex-dictateur, homme d'affaires et magnat du bâtiment, l'accusant de diriger le gouvernement et de désigner les ministres en sous-main. Des propos que Fahrat Rajhi a violemment regretté dès le lendemain, provoquant aussi les réactions attendues et convenues des autorités qui démentaient farouchement ces assertions.

    Cependant, il n'en fallait pas beaucoup plus pour jeter de nouveau sur l'avenue Bourguiba à Tunis plusieurs centaines de personnes, venues là pour appeler au départ du gouvernement de transition. Depuis les marches du théâtre municipal jusqu'aux lignes de barbelés qui protègent le ministère de l'intérieur, l'on pouvait entendre « Echaâb yourid ethaoura min jadid (Le peuple veut une nouvelle révolution) », « pas de peur, pas de terreur, la souveraineté est entre les mains du peuple » ou « Peuple, révolte toi contre les restes de la dictature ». Le rassemblement fut dispersé par la force deux heures plus tard par les BOP (Brigades de l'Ordre Publique, équivalent des CRS).

    Vendredi 6 mai en tout début d'après-midi, un nouveau rassemblement fut organisé encore avenue Bourguiba et cette fois-là les BOP s'illustrèrent encore dans leur registre habituel. Et si, en France, on en est encore à considérer qu'il y ait de bons et de mauvais flics, le fameux et inénarrable duo comique du gentil et du méchant des millions de français qui ont connu le grand spectacle de la garde à vue, à Tunis, il est bien difficile de distinguer chez le flic moyen s'il n'est que pervers ou s'il n'est que pervers et brutal. La seconde forme semble remporter tous les suffrages en ces temps démocratiques chez les BOP. Il est d'ailleurs assez rare de ne pas voir une charge de police s'interrompre pour rebrousser chemin sur une vingtaine de mètres afin d'aider un collègue à finir à coup de pieds et de matraques une personne jetée au sol à l'aide de ses propres cheveux. La plupart du temps, celle-ci est laissée inanimée sans volonté particulière de l'interpeller.

    Tout le reste de cette après-midi, les affrontements continuèrent dans tout le centre de Tunis, les journalistes et photographes furent systématiquement poursuivis, comme jusqu'au siège du quotidien La presse de Tunisie où les BOP rappelèrent cet organe de presse si proche de Ben Ali au souvenir de cette si douce dictature. Si MAM n'eut finalement pas le temps de faire parvenir quelques livraisons de palettes de grenades lacrymogènes, la police n'en est pas pour autant en manque puisque des sociétés américaines ont suppléé à cette absence actuelle de la diplomatie française. Une générosité limitée puisque personne n'a pourtant songé à équiper les BOP de masque à gaz. Ce qui, au vu de leur propre penchant à arroser leur environnement de lacrymogènes, les met dans une situation tout aussi lacrymale que les émeutiers. Bref les tunisois ont éprouvé dans les larmes et les plaies que leur police n'avait pas connu de révolution depuis le « miracle » du 14 janvier. Malgré ce que cet article révèlera un peu plus loin et ci-dessous.

    A signaler que plusieurs commissariats ont été incendiés vendredi soir dans des municipalités du Grand Tunis. A Ben Arous, au Kram et à La goulette entre autres. Ce dernier avait été réinstallé dans de nouveaux locaux suite à l'incendie de l'ancien et dont ce blog avait publié quelques photos il y a moins d'un mois. Le Couvre feu a été décrété hier dans tout le Grand Tunis (Tunis, Ariana, La Manouba, Ben Arous) jusqu'à nouvel ordre, de 21h à 5h du matin, par décision des ministères de l'intérieur et de la défense nationale.

    Ces événements sont à considérer dans une ambiance politique empoisonnée à tous les niveaux par deux éléments non négligeables. La réhabilitation forcée des forces de sécurité et le régime de la rumeur. Deux éléments qui s'intègrent dans un processus politique qui consiste à faire passer un suppositoire à pachyderme dans un trou de souris. L'image est grossière mais certainement moins que cette tentative d'obliger le peuple tunisien à choisir entre liberté ou sécurité. Certains chroniqueurs et éditorialistes n'hésitant pas à plagier un ex-trotskyste et ex-loser présidentiel, Lionel Jospin, en affirmant, comme il l'avait fait en 1997, augurant du climat sinistre et délirant agitant depuis l'ensemble de la classe politique française, que la première des libertés est la sécurité.

    Cela fait déjà plus d'un mois que l'artillerie lourde du gouvernement national de transition, entre autres, bombarde les esprits pour transformer les forces de sécurité de Ben Ali en acteur de la révolution tunisienne. Le point d'orgue dans ces manœuvres dignes de l'intelligence d'artilleurs serbes sur les collines de Sarajevo furent les festivités organisées à Carthage par le président par intérim Foued Mebazaa en présence du ministre de la justice Karoui Chebbi et l'actuel ministre de l'intérieur Habib Essid commémorant le 55ème anniversaire de la création des forces de sécurité le 18 avril.

    Au cours de cette cérémonie pleine de remises de galons et de galoches en tout bien tout honneur, les flics sont quand même des gens virils et même souvent des mecs, des vrais, Le président Mebazaa a honoré la mémoire de ceux « qui ont perdu leurs vies dans l'exercice de leurs nobles fonctions pour protéger les tunisiens et défendre la patrie ». Appelant les forces de sécurité intérieure à « faire preuve de labeur et de vigilance pour préserver les principes du système républicain et le prestige de l'État ».

    Insistant ce jour là sur la nécessité de consolider les acquis de la révolution, défendre la souveraineté de l'État et s'imprégner des principes démocratiques et des droits humains. Saluant au passage les grands sacrifices et la détermination des forces de sécurité intérieure à préserver la souveraineté de la patrie et protéger les instituions de l'état, à rétablir la sécurité et à rassurer les citoyens en faisant respecter la loi et servir l'intérêt public. Pour continuer avec ces déclarations proprement indigestes, le ministre de l'intérieur a ponctué cette cérémonie en rappelant « la pleine appartenance » des forces de sécurité intérieure au peuple tunisien et « leur ferme » volonté de participer à la sauvegarde des acquis de la révolution et à la réalisation de ces objectifs.

    Il a affirmé qu'il ne ménagera aucun effort pour permettre aux cadres et agents de la sécurité intérieure d'accomplir leurs missions dans les meilleurs conditions afin de consolider le rétablissement de la sécurité et la reprise économique du pays. « Notre relation avec le citoyen doit être basée sur la confiance, le respect mutuel, la transparence et la primauté de la loi ». Ces interventions se sont conclues sur une cérémonie en mémoire des deux martyrs des forces de la sécurité intérieure. Le ministre rappelant « L'important rôle de ces agents dans la protection de la révolution ». Une minute de silence a ensuite été observée à leur mémoire.

    A Thala, les familles des martyrs tombés, comme tant d'autres en Tunisie lors des journées de décembre et janvier, attendent toujours des inculpations de moins en moins probable de policiers identifiés comme les assassins.

    Le lendemain de cette odieuse cérémonie, le quotidien Le temps titrait « Les BOP se défendent : Il n'y a pas de sniper dans nos rangs ». Le journal citait là d'obscurs responsables, sans jamais les nommer, qui prétendaient que ces snipers étaient venus de Libye et financés par Kadhafi en personne.

    Le journal n'hésitait pas non plus à se lancer dans de périlleuses analyses. « Maintenant que le président a pris la fuite, il est temps que justice soit faite, surtout pour la perte en vies humaines dans la population. Mais le fait que la police ait toujours été sommée d'exécuter les ordres, comme cela se passe dans n'importe quel autre pays, suffit-il qu'on la juge automatiquement coupable de meurtres de civils, avec préméditation en plus, et sans de surcroît en établir les preuves.

    Le responsable ne serait-il pas surtout celui qui les a donnés? ». Habile, très habile quand on sait qu'aucun ordre écrit n'a été donné pour réprimer. Si on ne peut savoir qui les a donnés ces ordres, c'est donc que ce n'est la faute de personne et surtout pas la faute de ces pauvres petits instruments de la terreur qu'étaient les BOP. Dans le même article on pouvait également lire les déclarations d'un lieutenant de police. Celui-ci y affirmait qu' « On utilisait des bombes lacymogènes et on voyait des gens mourir devant nous, nous en étions choqué nous aussi ». Cet article s'acharnait à faire la scabreuse démonstration que la police n'avait fait qu'exécuter les ordres rappelant en guise de conclusion qu'« on comptait 90 maisons de policiers incendiées, 2 morts par balles et plus de 600 gravement blessés dans le corps de police ». Pauvres biquets...

    Rappelons aussi qu'entre autres à Sidi Bouzid et Kasserine, des familles affirment que les agents des forces de l'ordre ont assassiné de sang froid. Plusieurs d'entre elles disposent de listes nominatives dont elles réclament en vain depuis des mois l'arrestation et le jugement. Ces assassins continuent pourtant à se promener tranquillement sans être inquiétés. Et bien que ces familles organisent régulièrement des manifestations pour pousser les autorités à agir, celles-ci font la sourde oreille. Un tueur notoire est même monté en grade à Sidi Bouzid et on lui a décerné cette promotion à titre de récompense pour « ses mérites pendant la révolution ».

    Dès lors tout est possible et le 20 avril, les agents des forces de l'ordre ont fait grève. Enfin une grève d'un genre particulier. Ceux-ci ont porté un brassard rouge pour protester contre toutes ces accusations qu'ils jugent infondées et qui essaient de leur faire porter le chapeau de la répression. Ces dénégations répétées des forces de police ont même poussé les militaires à faire un communiqué officiel dans lequel ils affirmaient qu'ils n'avaient jamais tiré sur la population. Alors si c'est pas toi et si c'est pas moi, c'est qui ? Personne ? Et c'est ainsi que les forces de l'ordre tentent très grossièrement de se disculper en désignant selon eux les vrais responsables des tueries. Les mystérieuses milices du RCD à la solde de Kadhafi utilisant des munitions israéliennes parce que sa mère était juive. Des choses que l'on entend vraiment trop souvent dans la bouche des tunisiens.

    L'Etat joue sur le pourrissement de la situation et sur l'inquiétude engendrée par cette période de transformation. Les peurs sont comme partout instrumentalisées. Et depuis quasiment deux mois, beaucoup de tunisiens s'en sont aussi donnés à cœur joie dans les tribunes offertes par les journaux et autre rubriques d'opinions comme dans les discussions de café pour fustiger l'inaction des forces de l'ordre face à ce qu'ils dénoncent comme un climat d'insécurité générale. Les vendeurs à la sauvette, les hooligans, les mendiants, les évadés de prison, les sit-in et autres grèves faisant d'office figure d'épouvantail à moineaux. On les accuse de tous les maux et surtout de compromettre la situation du pays. On se plaint d'un manque de sécurité et donc de police.

    Il est vrai que celle-ci avait de bonnes raisons de se faire oublier un moment ou au mieux de se faire un tant soi peu discrète. L'armée suppléant à cette absence temporaire et nécessaire. Vu la place qu'elles ont occupé et le rôle qu'elles ont joué pendant la dictature bourguibio-benalienne, comment pourrait-il en avoir été autrement après une révolte faisant chuter ce qui était un véritable état policier.

    Pourtant vu de Tunis, on assiste depuis plusieurs semaines à un retour progressif et certain de ces forces de sécurité. Comme le soulignait un ami de Gabès, peut-on imaginer un état sans police ? On ne peut répondre fatalement que par la négative à une question aussi implacable. La force d'un État étant à la mesure de sa capacité à exercer sans partage son monopole de la violence. Nous serions tentés d'ajouter une question subsidiaire. Peut-on imaginer une révolution sans État ? La question évidemment feinte car il ne s'agit pas de l'imaginer, il faut pouvoir en élaborer sa possibilité concrète. Une réponse peut-être prétentieuse mais nécessaire s'il l'on ne veut pas voir les éternels schémas historiques se répéter.

    En Tunisie pour l'instant, la révolution prend les mêmes et recommence. Tout comme il n'est pas possible de liquider totalement les deux millions de tunisiens qui faisaient partie du RCD, il semble difficile pour les tunisiens de ne pas pouvoir envisager de se passer de cette police qui fut celle de la dictature et qu'ils voudraient comme par magie voir devenir du jour au lendemain celle de la nouvelle Tunisie « révolutionnaire ».

    Dans un article à paraître bientôt, nous tenterons de dire en quoi et comment le régime de la rumeur comme artefact politique alimente ce processus de restauration de l'autorité de l'État et de réhabilitation de la police. Quels sont les enjeux immédiats d'une révolution sans nul doute possible, inachevée ?


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