• NICARAGUA : QUAND ISRAËL APPUYAIT LA DICTATURE DE SOMOZA ...

    Nicaragua : quand Israël appuyait la dictature de Somoza...


    Avec peu de scrupules et un minimum de critique en retour, Israël s’était lancé à la rescousse du dictateur nicaraguayen Anastasio Somoza Debayle, et, de Septembre 1978 à juillet 1979, l’a aidé à s’opposer à l’Histoire.

    Plus tard, il sera reproché à Israël - alors que Washington et à peu près tous les autres gouvernements dans le monde avaient décidé de boycotter Somoza - de s’être montré disposé à lui fournir des armes.

    Somoza a été initié aux armes israéliennes en 1974 lors d’une exposition spéciale arrangée pour lui à Managua. Il avait acheté des bateaux de patrouille de la classe Dabur et des avions Arava Stoi ; au moment où il a mené sa dernière bataille, il disposait de 14 Aravas pour transporter ses troupes d’un endroit à l’autre.

    Peu de temps après que l’aide des États-Unis Somoza ait été bloquée, l’insurrection a éclaté. En Septcmbre 1978 se déroulaient des combats dans la plupart des villes du Nicaragua et une grève générale massive avait lieu à Managua, soutenue par la quasi-totalité des milieux d’affaires. Somoza imagina le moyen de s’en sortir. Sa Garde nationale [Guardia] [1]utilisa 1000 mitraillettes Uzi et fusils Galil venus d’Israël, et Somoza attendait « des milliers de plus » de Galils. Bien que la plupart des dirigeants latino-américains espéraient sa chute, Somoza a surmonté le défi de septembre. « Les armes made in Israël ont contribué à sauver la dynastie Somoza, » disait un titre de journal.

    L’automne de la même année, des fusils et des munitions israéliennes sont arrivées en grandes quantités. Certains de ces fusils Galil « ont été envoyés directement à une unité de spéciale de terreur commandée par le fils de Somoza, laquelle s’est rendue coupable d’assassinats d’opposants politiques, dont des femmes et des enfants. » La Guardia a également utilisé les nouvelles armes israéliennes lors de ses opérations de « nettoyage », qui se sont déroulées en octobre 1978 dans une demi-douzaine de villes. La majorité des victimes - beaucoup d’entre elles ont été abattues par la Guardia devant leur porte, avaient entre 14 et 21 ans et ont été exécutées simplement parce qu’elles vivaient dans des quartiers où le Front Sandiniste de Liberation Nationale (FSLN) était actif.

    Un conseiller israélien « qui s’est présenté comme un officier de l’armée israélienne », était également présent au Nicaragua et a travaillé dans le bunker de Somoza à Managua. Le conseiller aurait représenté David Marcus Katz, le marchand d’armes israélien basé au Mexique et qui est étroitement lié à l’aile la plus extrémiste du mouvement des colons israéliens, Gush Emunim.

    Les livraisons d’armes israéliennes ont continué. Plusieurs transferts venus par avion ont été livrés la nuit pendant le couvre-feu. Parmi les armes livrées de cette manière se trouvaient des missiles sol-air (malgré que les Sandinistes n’aient pas eu d’armée de l’air). Israël avait un moment donné sa parole qu’il ne serait pas envoyé d’armes à Somoza. Puis les Israéliens ont nié l’avoir fait, mais les responsables américains ont déclaré que les armes israéliennes continuaient d’arriver au Nicaragua. « Notre personnel à Managua nous dit que la Garde nationale [Guardia] va jusqu’à porter à présent des bérets israéliens », a déclaré un responsable américain.

    Le printemps suivant, Israël a envoyé à Somoza du vraiment gros matériel : neuf avions de combat armés Cessna et deux hélicoptères Sikorsky. Le FSLN a abattu sept des Cessna. Somoza a fait une meilleure utilisation des hélicoptères, qu’il a baptisés « Skyraiders. » Ses gardes les utilisaient comme plates-formes pour mitrailleuses, et d’une hauteur de 3000 pieds, les soldats balançaient des bombes par les portes des hélicoptères.

    « Le gouvernement lance des bombes de 250 kilos à partir d’hélicoptères sur les bidonvilles tenus par les révolutionnaires, et il aurait tué jusqu’à 600 personnes en une journée. Les soldats tuent systématiquement les rebelles supposés qu’ils capturent, » écrit le correspondant du New York Times à Managua dans les dernières semaines de la guerre. Après avoir détruit cinq villes et une grande partie de l’infrastructure industrielle du Nicaragua, le 17 Juillet 1979, Somoza a vidé le trésor public et a fui le pays.

    Israël et les Contras

    Certains faits font remonter l’aide israélienne aux contras [2] dès leur apparition en 1979. Il est même possible que Israël ait fait une transition sans heurt de Somoza aux contras à travers ses contacts avec certains d’entre eux dans le réseau privé qui a été dévoilé lors du scandale Iran-Contra, ou Irangate [3] qui a éclaté en novembre 1986. Une partie de ce réseau « a commencé à canaliser l’aide à Somoza via Israël et EATSCO », une compagnie de transport créé par d’autres membres du réseau pour tirer parti des armes que l’Egypte devait recevoir des États-Unis à la suite des accords de Camp David, après que l’administration Carter ait coupé l’aide au Nicaragua.

    Lorsque le dictateur a été renversé, le réseau associé à l’ancien agent de la CIA Edwin Wilson - qui purge actuellement une peine de prison pour une vente d’explosifs à la Libye, entre autres faits - et l’ancien agent de la CIA Thomas Clines ont transféré un « programme d’assistance à la sécurité » qu’ils avaient mis en place pour Somoza, directement aux contras. Ceci impliquait de pourvoir la lie de la police secrète de Somoza au Honduras, une opération cynique qui s’est poursuivie jusqu’en janvier 1981, lorsque l’administration Reagan a pris ses fonctions.

    Un des premiers gestes de l’administration Reagan a été de mettre sur pied des formateurs, avec l’aide de l’Argentine, pour les contras. Des anciens combattants de « la sale guerre » [4] en Argentine ont été enthousiastes à l’idée d’exporter leurs compétences et leurs pratiques. Ils ont formé les contras jusqu’à ce que Washington et Buenos Aires soient arrivés à une croisée des chemins, après que l’administration Reagan se soit alignée sur la Grande-Bretagne au cours de la guerre des Malouines [5].

    Au cours de la période argentine, l’ambassadeur d’Israël au Costa Rica a fourni les contras avec des passeports et des faux noms pour qu’ils puissent voyager à travers l’Amérique centrale. En plus de voyager pour « leurs propres affaires », au moins un contra a été impliqué dans un assassinat de l’Amérique centrale : celui du vénérable archevêque de San Salvador, Oscar Arnulfo Romero [6].

    Dans le même temps, l’administration a proposé à Israël de s’engager dans la guerre contre le Nicaragua : selon un schéma qui allait apparaître comme « la raison d’être » [en français dans le texte - N.d.T] du scandale Iran-Contra, peu de temps avant juin 1981, Israël a reçu des images satellite du réacteur nucléaire d’Osirak en Irak « dans le cadre d’un appel à Israël pour l’aide aux contras ». Israël a utilisé ces images pour détruire le réacteur. On ne sait pas dans quelle mesure, le cas échéant, Tel-Aviv a répondu à l’appel de l’administration.

    A la fin de 1982, cependant, le Nicaragua a accusé Israël d’armer et d’aider les bandes de délinquants de la Garde nationale [somoziste] au Honduras.

    Le fait le plus marquant dans l’entrée en guerre d’Israël contre le Nicaragua est son accord avec la CIA en 1981 ou 1982, pour fournir des armes du bloc de l’Est [pays du pacte de Varsovie] à l’opération alors secrète de mercenaires. Après avoir été un peu « « restreint » par le Congrès dans les années 1970, la CIA a eu des difficultés à procurer des armes « intraçables » aux contras et se trouvait embarrassée lorsque certains des mercenaires brandissaient des armes venant des Etats-Unis à la télévision au début de l’année 1982. Dans un souci de prudence qui a marqué l’ensemble de ses relations avec les contras, le gouvernement israélien a fait semblant de refuser les demandes des États-Unis pour de telles armes « à travers les voies diplomatiques normales », alors que certains anciens fonctionnaires du renseignement israélien prenaient contact avec la CIA avec une offre de fournir des armes venant du bloc de l’Est, dont Israël disposait en abondance. La CIA supposait que l’offre avait l’appui, l’accord ou le parrainage du gouvernement israélien.

    Subsiste la question de savoir si la CIA a accepté cette offre particulière, mais un arrangement a bien été fait dans le début des années 1980 pour fournir les contras avec des armes légères venant de l’Est et de petits missiles portables, bouclant la vente à travers la CIA, qui à son tour a fourni les contras et les rebelles afghans. Cette disposition particulière a apparemment continué jusqu’en 1986. « Lorsque les Israéliens ont présenté leur projet de contrat pour un montant de 50 millions de dollars [...] la CIA a prétendue être pauvre, payant 30 millions de dollars en armes, et pas en cash » [ce qui revient à payer des armes par d’autres armes - N.d.T].

    L’ancien chef du FDN [7] Edgar Chamorro a déclaré que les contras parlaient d’Israël en 1982 comme d’un de leurs partisans au niveau international. Le 7 décembre de cette même année, la direction du FDN a rencontré Ariel Sharon, alors ministre de la défense d’Israël, pendant que celui-ci était en visite au Honduras. Un arrangement a été trouvé à ce moment-là pour canaliser via le Honduras les armes fournis aux contras par les Israéliens.

    Notes :

    [1] La Garde nationale somoziste était le fer de lance de la dictature. Ses enlèvements, assassinats, actes de torture sont indénombrables et le summum de la violence répressive a été atteint lorsque la population nicaraguyenne s’est massivement insurgée avec l’aide du FSLN [Frente Sandinista de Liberación Nacional].

    [2] Opposition armée anti-sandiniste financée et soutenue par les Etats-Unis, avec la complicité directe ou indirecte des dictatures qui sévissaient en Amérique Centrale et en Amérique du Sud (Honduras, Guatemala, Argentine, Chili). Le tant démocratique et tant vanté Costa-Rica prêtait également la main... Les contras avaient une sinistre réputation de violence, de meurtres et exactions diverses à l’encontre des civils des provinces du nord du Nicaragua.

    [3] L’administration du président des États-Unis d’alors, Ronald Reagan, a vendu des armes à l’Iran, (un ennemi avoué de ce pays) par l’intermédiaire d’Israël (un autre pays ennemi de l’Iran) . L’argent ainsi collecté servait à financer les contras.

    [4] Une junte militaire gouverne l’Argentine de 1976 à 1983, généralisant les disparitions forcées [desaparecidos], ainsi que les emprisonnements arbitraires et l’usage de la torture contre les opposants politiques, leurs familles (y compris les enfants), les amis, les voisins, etc..., avec un réseau de plus de 500 centres clandestins de détention. On estime le nombre de disparus à plus de 30 000. Toute une génération intellectuelle, militante, politique a été décimée dans ces années-là.

    [5] Le 2 avril 1982, la dictature en Argentine, issue du coup d’État militaire de mars 1976 fait envahir les îles Falkland (Malvinas en espagnol et Malouines en français), colonie britannique depuis 1833. L’objectif était manifestement de tirer un bénéfice politique d’une revendication historique sur les Malouines. Le gouvernement britannique [sous la direction de Margaret Tatcher] a réagi avec une extrême violence et a reconquis les îles, exploitant sans vergogne un délire nationaliste, profondément chauvin.

    [6] Le 24 mars 1980, Monseigneur Oscar A. Romero, archevêque de San Salvador, capitale du El Salvador, est assassiné en pleine église à cause de son opposition à la violence et de son appel à un compromis dans la guerre insurrectionnelle qui frappe le pays. Romero s’était préalablement attiré la haine des groupes paramilitaires d’extrême droite en faisant connaître son opposition aux arrestations arbitraires.

    [7] Fuerza Democrática Nicaragüense, une des organisations anti-sandinistes basées au Honduras et soutenues par les Etats-Unis

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    Traduction : Claude Zurbach Source ici

     

     


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