• TELEVISION : Le père Feutrine remplace la mère Sabot.

    Après six ans de services sans une seule protestation du MEDEF ou de l’UMP, Arlette Chabot a été relevée de ses fonctions de directrice de l’information de France 2. Elle continuera (hélas !) à sévir dans son émission politique (sic) mensuelle « A vous de juger ».

    Nicolas Sarkozy lui avait reproché de ne pas faire de « vraies émissions politiques » et Jean-Luc Mélenchon l’avait invitée à aller « au diable ». Les deux, pour des raisons opposées, s’alarmaient du claquement des gros sabots d’Arlette dans l’avenue du Bourrage des Crânes. C’est donc en vérité la raréfaction des ronflements d’un public de moins en moins léthargique ou anesthésié qui a causé sa perte.

    Elle sera remplacée par un type chaussé de pantoufles garanties feutrine et coton. L’épaisseur des moquettes aidant, il fera illusion un temps comme un Saint-Jean Bouche d’Or remplaçant une mère Fouettard, un Obama venant après Bush, ou comme un DSK succédant à un NS.

    Ne jamais se lasser de citer le mot du comte Tomasi di Lampedusa dans « Le Guépard » : « Il faut que tout change pour que tout reste pareil ».

    Théophraste R. (legrandsoir.info). ici


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  • "Enquête exclusive" et le Venezuela

    Frédéric ANDRE

    Dimanche soir, l’émission "Enquête exclusive" consacre un reportage à Benidorm, haut lieu d’ un tourisme de masse mêlant littoral bétonné, bordels et drogues. Fin du reportage, un autre s’apprête à commencer, son titre : « Caracas : Gang, favelas, Miss univers », une émission déjà diffusée en mars de cette année.

    D’emblée, cela peut paraître quelque peu réducteur, dans un pays qui depuis un peu plus de 10 ans vit autre chose que les seuls crimes dans les favelas (appelés « ranchos » au Venezuela) - bien que cela soit un problème majeur - et l’élection de ses miss siliconées, puisqu’il est tout de même marqué par un processus politique important dans lequel la majorité de la population participe activement.

    Au fil des minutes, la ligne du reportage apparaît de plus en plus clairement : il s’agit effectivement de ne montrer de Caracas que les miss et la violence, et quand on quitte l’un, c’est immédiatement pour retrouver l’autre.

    En bonus, nous avons droit en début de reportage, à une petite parenthèse sur le président de ce pays, Hugo Chavez, cela dure très peu de temps, mais le commentateur a le temps de lâcher quelques petites phrases non-dénuées de sens : tout d’abord on nous dit qu’un homme a mis la main sur la manne pétrolière pour soutenir sa politique et ses ambitions. Magnifique utilisation des mots, car la phrase du journaliste pourrait laisser entendre que c’est M. Chavez lui-même et non l’Etat vénézuelien qui a récupéré le contrôle du pétrole et de ses revenus.

    Ensuite, l’on réduit les objectifs de ce « président populiste de gauche » à une seule obsession : « contester la toute puissance du voisin le du Venezuela. Celui-ci ne ferait donc que de l’anti-américanisme primaire, sans projet sérieux pour son pays.

    Nous comprenons bien dès lors, que ce reportage de M. de la Villardière ne dérogera pas à la règle communément admise dans les médias occidentaux qui consiste à diaboliser le leader vénézuelien et sa politique.

    En politique internationale, le journaliste déclare que le président a l’habitude de s’afficher avec « des dirigeants qui ont en commun d’opprimer leur peuple », en premier lieu son « modèle » cubain Fidel Castro, mais aussi le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, et pour finir, que ces derniers mois, il s’est fait un nouvel ami en la personne du colonel Libyen Mouammar Khadafi.

    Rétablissons la vérité sur quelques points essentiels :

    En premier lieu sur les relations du Venezuela, qui ne seraient -selon le reportage- essentiellement qu’avec des « régimes qui oppriment leur peuple ».

    LeVénézuela entretient bel et bien des relations avec Cuba, l’Iran et la Libye, comme de nombreux autres pays dans le monde et en Amérique latine.

    La Havane et Caracas ont créé ensemble l’ALBA (Alternative Bolivarienne pour les Amériques) en 2004, et cette coopération apporte en effet une aide des plus importante au Venezuela, dans le domaine de la santé par exemple, et a envoyé dans le cadre d’un échange contre du pétrole, des milliers de médecins dans les bidonvilles vénézuéliens, ce qui a permis de sauver la vie de centaines de milliers de vénézuéliens modestes qui ont toujours été abandonnés par les pouvoirs néo-libéraux précédents (1).

    Cette collaboration sanitaire cubaine (qui ne s’arrête pas aux simples consultations) a été élargie à un certain nombre de pays latino-américains comme la Bolivie ou l’Equateur, et permet aujourd’hui d’ambitieux programmes comme l’Operación Milagro » ou la « Misión Manuela Espejo » (2).

    Les relations avec l’Iran sont également dynamiques, et quoi qu’on puisse penser de ce pays, les échanges commerciaux avec celui-ci apportent au Venezuela un transfert de technologie primordial dans certains domaines, principalement dans l’industrie agro-alimentaire et pharmaceutique.

    De plus, ces deux pays ont crée ensemble l’OPEP, les relations entre eux sont donc tous simplement logiques et compréhensibles à plusieurs niveaux.

    Mais contrairement à ce que laisse entendre le reportage, Mr Chavez ne limite pas les relations de son pays à Cuba, l’Iran et la Libye. Le Brésil et l’Argentine sont aussi de très proches alliés de Caracas, et les relations politiques et commerciales sont excellentes avec la plupart des pays latino-américains. De plus ces 10 dernières années, les échanges se sont multipliés avec la Chine, la Russie, le Japon, l’Inde, le Portugal, ou l’Espagne.

    Le reportage accuse ensuite le président d’être la cause de l’immense insécurité qui règne dans son pays, pour preuve cet avis d’une habitante de Caracas interrogée sur le problème.

    Si la criminalité est un problème majeur de Caracas, elle existait bien avant l’élection de M. Chavez, et le gouvernement a commencé à s’occuper sérieusement de ce problème, de par ses importantes politiques sociales dans les quartiers concernés, mais aussi avec la création il y a peu, de la Police nationale bolivarienne (3).

    Ce reportage ne montre de Caracas, que criminalité (avec en prime, délires de criminels défoncés à l’alcool et à la drogue) et difficultés. A peine montre t-il une clinique populaire entièrement gratuite et une coopérative de textile (en tournant en ridicule au passage la conscience politique de ses ouvrières et ouvriers), pour aussitôt parler des problèmes d’approvisionnement du magasin « Mercal » du secteur, et continuer sur la soi-disant baisse importante de popularité du président Chavez et la « fermeture » par ce dernier de la chaine d’opposition RCTV.

    Nos amis de M6 ont d’abord oublié de nous rappeler que cette chaine avait soutenu activement le coup d’Etat contre le pouvoir en 2002, et qu’il ne s’agissait pas d’une fermeture mais de la fin d’une concession publique (4). RCTV continue aujourd’hui d’émettre depuis le câble. En Europe, n’importe quel média de ce type aurait été fermé sur le champ. Et que dire de la chaine Globovision, qui s’est transformée en organisation politique véhiculant mensonges et manipulations contre la politique du président, quand ils ne violent pas tout simplement les lois. Son PDG Guillermo Zuloaga, recherché par la justice vénézuelienne et Interpol pour corruption, a les faveurs des grands médias dominants qui le font passer pour un persécuté politique.

    Est-il normal d’oublier de parler dans cette parodie de journalisme, de la majorité de la population (les plus modestes) de ce pays qui s’est approprié la construction d’une société nouvelle, en donnant au concept de « démocratie active » toute sa considération ? Est-il normal de ne pas parler du fait que le Venezuela, malgré ses immenses difficultés, est parvenu à baisser son taux de pauvreté de moitié entre 1999 et 2009 ? Abaisser son taux de mortalité infantile de 35%, son chômage de 19 à 8% (5).

    Est-il normal de ne pas mentionner que depuis l’élection de M. Chavez, tous les citoyens, quel que soit leur milieu ont accès gratuitement à l’éducation supérieure, à la santé, à la culture ?..

    Que presque 100% des enfants sont scolarisés avec distribution de 3 repas par jour ?

    Que plus personne ne meurt de faim au Venezuela grâce aux politiques du gouvernement ?

    Que 3 millions d’hectares de terres ont été redistribués aux petits paysans avec appuis techniques et financiers, alors qu’ils étaient quasi-esclaves de grands propriétaires auparavant ?

    Enfin, pourquoi ne pas avoir mentionné le fait que le Venezuela avait atteint un certain nombre d’« objectifs du millénaire » fixés par l’UNESCO avant même la date prévue (6) ?

    Je ne rédigerai pas ici de façon exhaustive les acquis de la révolution bolivarienne entamée en 1999 avec l’élection de Hugo Chavez - et qui a véritablement commencé avec la révolte de 1989 (7) -, mais ces quelques chiffres suffisent à démonter la propagande ridicule de l’émission de M. de la Villardière, qui avait déjà fait l’exploit de ne pas mentionner le système éducatif et de santé cubain lors d’un document sur ce pays, oubliant de dire notamment, qu’il n’y avait pas d’enfants des rues dans ce pays comme il en existe dans chacun des pays d’Amérique latine.

    Quiconque aura vu ou regardera ce reportage, constatera le parti-pris flagrant de ce reportage et sa description réductrice du Venezuela et de son président. Un reportage de plus qui n’a encore une fois rien montré des acquis sociaux et démocratiques considérables de ce pays depuis 11 ans, mais qui a l’avantage de constituer un élément des plus intéressants pour quiconque veut étudier les mécanismes de manipulation des grand médias.

    N’en déplaise à M6 et à M. De la Villardière, le peuple vénézuelien a bien des difficultés, mais les avancées qu’il a connu ces 11 dernières années sont des plus significatives, et il construit chaque jour cette alternative qui fait tant peur aux puissants et à leurs valets médiatiques : le socialisme du XXIème siècle.

    Frédéric André.

    (1) Actuellement, environ 30000 médecins cubains opèrent au Venezuela depuis 2003.

    Lire également « La dette du Venezuela à l’égard de Cuba » de Salim Lamrani. http://www.mondialisation.ca/index....

    (2) http://andes.info.ec/sociedad/misio...

    (3) Lire : « La Police nationale bolivarienne relève le défi » de Maurice Lemoine http://www.monde-diplomatique.fr/20...

    (4) Lire : « Venezuela : Reporters sans frontières et RCTV : Désinformation et mensonges » de Salim Lamrani. http://www.legrandsoir.info/Venezue...

    (5) http://www.venezueladeverdad.gob.ve...

    (6) De 2003 (lors du « lock-out » pétrolier mené contre le gouvernement) à 2010. http://www.minci.gob.ve/reportajes/...

    (7) http://risal.collectifs.net/spip.ph...

    En complément, LGS vous invite à lire ou relire :

    Sur le coup d’Etat d’avril 2002 au Venezuela, l’implication des USA, les médias d’opposition et nos médias, les cerros (bidonvilles), le rôle de RSF, voir les Chapitres XVII à XXII de « La face cachée de reporters sans frontières » de Maxime Vivas (Aden Editions) et les articles référencés par les liens suivants qu’il a signés pour LGS pendant ou au retour de voyages qu’il a effectués au Venezuela, dont l’un pendant la campagne politico-médiatique sur la prétendue « fermeture » de RCTV.

    Comment coller des centaines de milliers d’affiches en quelques heures http://www.legrandsoir.info/Comment...

    Oubliez le guide. http://www.legrandsoir.info/Oubliez...

    Choses vues à Caracas (et tues à Paris) http://www.legrandsoir.info/Choses-...

    Venezuela : cerros, favellas, ordures et médias (ce titre contient peut-être des pléonasmes). http://www.legrandsoir.info/Venezue...

    Chavez à Paris : Reporters sans frontières éructe ses mensonges. http://www.legrandsoir.info/Chavez-...

    Venezuela - La chaîne de télévision privée RCTV, ou comment fermer une porte fermée ? http://www.legrandsoir.info/Venezue...

    Venezuela : Bolivar sous le feu des mensonges. http://www.legrandsoir.info/Venezue...

    RCTV Venezuela : Robert Ménard (Reporters Sans Frontières) et le rouge de la honte montent au front. http://www.legrandsoir.info/RCTV-Ve...

    RCTV : les dessous cachés du cirque européen contre Chavez. (et le vote honteux de trois pelés et un tondu). http://www.legrandsoir.info/RCTV-le...

    Venezuela : Chávez, les putschistes, la télé et le peuple. http://www.legrandsoir.info/Venezue...

    Procès contre Chavez : Libé persiste et signe à un plus haut niveau. http://www.legrandsoir.info/Proces-...

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    http://www.legrandsoir.info/Enquete-exclusive-et-le-Venezuela.html

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  • Après Revel (de L’Express) : BHL (de partout) contre Taddeï

    Publié  par Yves Rebours

    BHL, membre du conseil de surveillance d’Arte, actionnaire et membre du Conseil de surveillance de Libération, a déposé sa candidature au poste (à créer) d’Administrateur général de la bienséance médiatique.

    Sur son CV figure désormais le billet qu’il a pondu dans les colonnes du Point pour rappeler Frédéric Taddeï à la raison, comme s’était déjà employé à le faire Renaud Revel, quelques mois plus tôt. Deux solides références…

    Si l’émission de Taddeï est discutable, c’est tout simplement parce qu’elle mérite d’être discutée. On peut lui reprocher un trop grand nombre d’invités à chaque émission, la composition de tel ou tel plateau, des thèmes dans l’air du temps, une connaissance très inégale par l’animateur des questions qu’il aborde, mais elle présente au moins trois qualités très rares :
    - Les interlocuteurs ont le temps de terminer leur phrase ;
    - L’animateur sait s’effacer devant ses invités et tenter de valoriser leur propos ;
    - L’éventail des invités est assez large.

    Que ces qualités élémentaires et minimales soient une exception en dit long sur toutes les autres émissions du genre. Or, parmi les grandes figures du journalisme et de l’intelligence, on n’en trouve guère qui songeraient à critiquer le petit cirque animé par Franz-Olivier Giesbert ou la soupe servie par Guillaume Durand (pour nous en tenir aux émissions qui se présentent comme « culturelles »). On ne sait jamais : ce sont des animateurs qui peuvent encore servir. En revanche, Frédéric Taddeï…

    Ce qu’il aurait fallu dire, selon Renaud Revel

    Frédéric Taddeï ne connaît pas son métier. Il ne sait pas qu’un animateur doit savoir réduire au silence ses invités quand ils ne disent pas ce qu’ils sont censés dire. Telle est du moins la leçon que lui infligeait Renaud Revel sur son blog. Petit rappel.

    En septembre 2009, lors du dernier débat de l’émission de rentrée, Mathieu Kassovitz, est invité, en compagnie d’Hélène Cixous, Ismaël Kadaré et Marin Karmitz, à donner son avis sur l’intérêt du débat – foisonnant sur le net mais absent des médias traditionnels – à propos des attentats du 11 septembre 2001. Le cinéaste émet des doutes sur la version officielle, avant d’être repris par les trois autres présents.

    Le lendemain matin, dans un billet intitulé « Kassowitz délire et Taddeï laisse dire », M. Revel s’indigne de l’ « l’étonnante diatribe révisionniste de Mathieu Kassovitz », et surtout, de l’attitude de l’animateur qui, non content d’« offrir une tribune » à ce « Faurisson du 11 septembre », a commis l’irréparable en l’ayant laissé parler : « J’ai bien regardé ces images et le regard studieux de Taddeï, dans lequel on ne lit, à aucun moment, ni surprise, ni étonnement, pas même l’ombre d’une interrogation […] J’aurai simplement voulu entendre à un moment Taddeï dire à Kassovitz : "Il faudrait peut-être arrêter le délire" ».

    En tenant ces propos, foi de Renaud Revel, Frédéric Taddeï aurait honoré avec tact le rôle d’un animateur qui serait « celui qui est censé apporter la contradiction sur le plateau »…

    … Mais pas toujours, comme avait dû le rappeler le même Renaud Revel, quelques jours plus tôt, à Mélissa Theuriau, après une interview pugnace de Brice Hortefeux, alors ministre de l’Intérieur, où la journaliste avait « franchi allègrement la ligne jaune ».

    Dans un billet intitulé « Mélissa Theuriau se paye Brice Hortefeux : dérapage ? », M. Revel estimait alors que « cet entretien, uniquement à charge, manquait dans sa forme, à la fois de distance, de nuance, de mises en perspective, bref de l’indispensable objectivité que l’on est en droit d’attendre du premier journaliste venu […] » Et M. Revel de préciser : « […] en l’écoutant on voyait chez elle, au fil de ses questions, la volonté de dessiner, en creux, un état quasi policier dont elle s’employait à démolir les dérives, le tout au marteau pilon. Mettre en cause, comme elle l’a fait la ʺdéontologieʺ de certains policiers avait sans doute du sens, mais ses remarques, aussi fondées soient-elles, auraient eu bien plus de poids si elles avaient été étayées ». Bref, « un pamphlet anti-flic », comme on en voit malheureusement trop souvent à la télévision, et particulièrement sur M6.

    N’allez pas croire qu’il aurait fallu « laisser dire » Hortefeux et « se payer » Kassovitz. Non, il aurait fallu les reprendre tous deux avec la même « indispensable objectivité » dont « le premier journaliste venu », c’est-à-dire Renaud Revel, est le juge objectif.

    Ce qu’il ne fallait pas dire, (mais qui n’a pas été dit) selon BHL

    « L’affaire peut sembler minuscule », nous prévient BHL dans son bloc notes du 1er juillet dernier. Et de fait, « dans le climat de décomposition ambiant », personne ne s’en était ému. Personne, sauf BHL qui veille, surveille, et réveille les consciences endormies.

    « L’affaire » ? Quelle « affaire » ? Dans une interview qu’il a accordée à l’hebdomadaire Les Inrockuptibles, Frédéric Taddeï explique qu’en invitant Dieudonné à plusieurs reprise dans l’émission « Ce soir ou jamais », il a administré la preuve qu’il n’existait pas de « complot » contre le susdit et qu’il a été le seul à le faire. On peut ne pas être convaincu par l’argument et sa présentation, mais BHL a administré la preuve, et il a été le seul à le faire, que tout cela n’est pas « minuscule ». Voici comment, en quelques extraits qui ne dispensent pas de lire la version intégrale publiée sous le titre « La preuve par Taddeï ? » :

    [...] On a bien lu. On se frotte les yeux, mais on a bien lu. Si les mots ont un sens, s’ils ont été relus et que l’animateur n’a, comme on peut le supposer, pas été piégé ni trahi, il est en train de nous dire, en quelques phrases, plusieurs choses.

    1. La seule façon de lutter contre l’antisémitisme (c’est-à-dire, en l’espèce, contre une théorie du "complot juif" dont on sait, depuis Poliakov au moins, avec quelle efficacité et constance elle nourrit "la plus longue haine") est de donner la parole aux antisémites eux-mêmes […]

    2. Ceux qui ne partagent pas cette analyse peuvent, dit en substance Taddeï, nous raconter ce qu’ils voudront [pour refuser d’inviter Dieudonné]. La vérité vraie, la seule […] c’est qu’ils sont, ce faisant, les agents plus ou moins occultes du fameux "complot" […]

    3. Cette affaire de complot, l’idée qu’il existe donc un lobby pesant de tout son poids d’influence pour, sur ces sujets comme sur d’autres, définir, formater, imposer, une pensée unique n’est, dès lors, plus une chimère ou un fantasme mais une quasi-réalité puisque M. Taddeï est la "seule" preuve que ce complot "n’existe pas" […] Que se passerait-il si M. Taddeï n’était pas là ? […] Que deviendrions-nous si la télévision publique ne venait, dans sa très grande sagesse, de prolonger jusqu’en 2014 le bail de ce résistant ? […]

    Conclusion du fabricant de phrases-postiches, qui, quelques mois après « l’affaire Botul », n’hésite pas à reprocher à Taddeï son « dilettantisme » : « […] nul ne s’est, à ma connaissance, et à ce jour, ému de ces propos […] Mais peut-être est-ce de l’intéressé lui-même que viendront le démenti, la mise au point ou, mieux, le complément d’analyse qu’espèrent tous ceux qui ne se résignent pas à voir le dilettantisme tenir lieu d’éthique, de politique et même de style. Attendons. »

    L’attente n’a pas duré longtemps. Dans Le Point daté du 8 juillet, « Frédéric Taddeï répond à BHL » : « Dans le dernier numéro du Point, Bernard-Henri Lévy me consacre tout son « Bloc-notes », qu’il termine en attendant de ma part un démenti. M. Lévy est le seul à utiliser ce genre de procédé : écrire n’importe quoi et exiger ensuite qu’on le démente... Ceci n’est pas un démenti. C’est un droit de réponse à ses élucubrations. »

    La suite de la réponse de Frédéric Taddeï mérite d’être reproduite intégralement :

    Si je réponds que je suis « la preuve, la seule », c’est parce qu’on me demande pourquoi je suis le seul à inviter Dieudonné ! Dans son « Bloc-notes », le complot pour interdire Dieudonné à la télévision, dont je dis qu’il n’existe pas, est assimilé par M. Lévy à un « complot juif », puis au « complot juif mondial ». Pour lui, je me présenterais comme la seule preuve que le complot juif mondial n’existe pas, ce qui voudrait dire que, sans moi, il pourrait bien exister ! On croit rêver... Il n’a jamais été question de complot juif dans l’interview, ni d’un complot juif mondial. Bernard-Henri Lévy parle tout seul et me demande de démentir les propos qu’il a lui-même tenus. Si, pour lui, dire que quelque chose n’existe pas, c’est lui donner de la réalité, c’est Bernard-Henri Lévy qui a un problème avec la réalité, ce n’est pas moi. Et le voilà qui commet une de ces « confusions » dont il devient coutumier.

    M. Lévy, tout en feignant de s’en réjouir, semble reprocher à la télévision publique d’avoir prolongé « jusqu’en 2014 le bail de ce résistant » (c’est moi, le résistant). Le hic, c’est qu’il a pêché cette info sur Twitter, sans vraiment lire, selon son habitude, car le Taddei dont « le bail » a été prolongé jusqu’en 2014, ce n’est pas moi, c’est Rodrigo Taddei, un milieu de terrain avec lequel il me confond, et France Télévisions n’a rien à voir là-dedans, il s’agit de l’AS Rome, un club de football ! Je n’ai signé aucun contrat de longue durée avec France 3. Le président de France Télévisions peut mettre fin à mes fonctions s’il le désire. Mais c’est de son ressort, pas du ressort de Bernard-Henri Lévy. Je croyais naïvement que M. Lévy voulait être le Sartre de son époque. Je me trompais. Il se contente d’un rôle moins ambitieux : agent de la circulation médiatique. Il siffle quand ça lui déplaît, agite son bâton, demande les papiers, fait souffler dans le ballon. Heureusement que nous vivons en démocratie, sinon il nous passerait à tabac !

    La vérité de la philosophie de Kant, selon BHL, est consignée dans les secrets de sa vie sexuelle, révélée par Botul. La vérité de l’émission de Taddeï, selon BHL, est condensée dans une phrase lue de travers d’un entretien accordé aux Inrockuptibles et une information hors de propos recueillie sur Twitter.

    Botul est de retour, mais flanqué cette fois d’Anastasie. Personnification de la censure, représentée avec des ciseaux, celle-ci doit son nom à Anastase 1er qui fut pape de 399 à 401 et fonda la censure chrétienne. On lui cherche un successeur pour la censure laïque. BHL, peut-être…

    Yves Rebours


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  • Croquignol, Filochard et Ribouldingue conquièrent Le Monde. (au grand dam de Bibi Fricotin).

    J’ai fait un cauchemar : les Pieds Nickelés étaient 6. Après Dassault, Lagardère, Rothschild qui se sont emparés de dizaines d’organes de presse, trois autres déboulent qui crachent 100 millions d’euros au bassinet par amour d’un journal en faillite dont ils veulent préserver l’indépendance politique (trois mots importants : préserver, indépendance, politique).

    L’un est un milliardaire, ex-couturier de luxe et mécène de Ségolène Royal.

    L’autre est un milliardaire, douzième fortune de France, fondateur de Free et financier de Mediapart d’Edwy Plenel, ex directeur de la rédaction du Monde.

    Le troisième est un milliardaire codirecteur de la banque Lazard et propriétaire des Inrockuptibles.

    Nous revoilà au début des années 1930, quand le Comité des forges et le Comité des houillères s’intéressaient au Temps, l’ancêtre du Monde, lequel naquit à la libération sur les cendres du premier, aidé par un gouvernement qui voulait un « journal de référence, solide, sérieux, fiable ».

    C’est raté et c’est un peu pour cela qu’a été créé sur la Toile LE GRAND (journal du) SOIR, quotidien « de référence, solide, sérieux, fiable » et gratuit.

    Théophraste R.

    PS. On a failli s’inquiéter du sort de Claude Perdriel, un des postulants évincés par Croquignol, Filochard et Ribouldingue. Mais la presse nous rassure avec flegme : à la tête d’une fortune de 150 millions d’euros (selon l’hebdomadaire Challenges dont il est propriétaire), Bibi Fricotin a « en ligne de mire d’autres grands quotidiens en mal de capitaux comme Libération, Le Parisien ou La Tribune ». Objectif : préserver leur ind…… pol…..

    Source ici

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  • A l’origine : un drapeau français, celui de l’Hôtel de ville de Villeneuve-Saint-Georges, brûlé ; un drapeau algérien hissé à sa place. Ensuite, et dans l’ordre : un communiqué indigné de la municipalité, un incroyable emballement des médias, un mensonge éhonté. L’ensemble vaut parfait symbole des dégâts - médiatiques et politiques - déjà causés par la petite musique de l’identité nationale.

    Drame identitaire à Villeneuve Saint-Georges : (dra)peau de balle…

    lundi 14 juin 2010, par JBB

     

    Riante vue de Villeneuve-Saint-Georges.
    .

    C’est un petit matin blême, la ville dort encore. Le jour point, pas le soleil. Fut-il présent, astre funeste, qu’il éclairerait - l’un de ses rayons dardé sur la mairie de Villeneuve-Saint-Georges - un spectacle de désolation. Drame.

    La ville dort encore. Parce qu’elle ne sait pas. Sommeil des justes. Et dur réveil pour les enfants de la patrie. Quand ils ouvriront les yeux, ce sera pour apprendre ceci : « Le drapeau français accroché sur la façade de la mairie de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) a été brûlé dans la nuit et remplacé par un drapeau algérien. » Intolérable catastrophe. Criminel agissement. Traumatisme collectif.

    Pour dire l’émotion de toute une ville, la maire a pris la plume ce matin, sitôt le méfait connu ; il fallait exorciser la macabre découverte. Élue (PCF) de Villeneuve-Saint-Georges, Sylvie Altman a pondu un communiqué, largement relayé dans les médias. Le titre ? Martial et sensible : "Rien ne peut justifier que le drapeau tricolore soit brûlé." Entends-tu ? Rien ne peut le justifier !

    Il a bien fallu mettre des mots sur l’horreur. Conter l’abjection. Dire l’indignation et la colère. Sylvie Altman, posant le décor, a fait ça très bien « Ce matin, les employés communaux ont découvert un drapeau français brûlé sur le perron de l’Hôtel de ville. Un drapeau algérien remplaçait celui-ci sur l’un des mats de la mairie. Qu’est-ce qui engendre un tel comportement ? Nul ne peut le dire à cette heure. »

    Ce qu’on peut dire, par contre, c’est que cette heure est grave.

    Très.

    Solennelle, même.

    Un tel drame ne pouvait rester inconnu, il fallait le faire connaître à la France entière, fière nation résistant encore et toujours à ceux qui (basanés, forcément) tentent de la mettre bas.

    C’est là le rôle des médias, qui ont su accorder à l’information la place qu’elle méritait.

    Ainsi du site du Figaro, qui l’a placée tout l’après-midi en haut de sa homepage, entre deux nouvelles d’égales importances ("Barack Obama déterminé à faire payer BP" et "Rigueur : la France suit la voie de l’Allemagne") :

    Un choix éditorial conséquent et logique, justement apprécié des lecteurs du lieu : à 16 h 30, juste avant que la première version de l’article ne soit remplacé par une autre, censément enrichie, le papier avait engrangé 500 commentaires, tous plus haineux les uns que les autres.

    Une criminelle atteinte au drapeau - Villeneuve -Saint-Georges, ville martyre ! - qui était aussi relayée (même si moins mise en avant) sur le site du Nouvel Observateur (86 commentaires), sur celui de RTL - qui avait jugé bon d’envoyer un journaliste sur place, lequel précise qu’il « reste dix-huit drapeaux français sur la façade de l’Hôtel de ville », tout n’est pas encore perdu… - , ainsi que sur ceux du Monde, du JDD, de L’express, du Parisien et de 20 Minutes [1].

    C’était bien le minimum…

    Qu’il s’agisse de l’acte d’imbéciles nationalistico-footeux [2] algériens ou - c’est au moins aussi plausible, voire davantage - de celui d’imbéciles provocateurs d’extrême-droite, il n’y a pas à tortiller : rien, au regard de l’importance du délit commis, ne justifie une telle couverture médiatique.

    Rien, sinon sa supposée charge symbolique : un drapeau français brûlé et un drapeau algérien prenant sa place au fronton d’une collectivité publique - il ne saurait y avoir de plus efficace façon de conter et mettre en scène la menace pour la patrie qu’incarnent censément les populations immigrées.

    Le Front National ne s’y est pas trompé, qui s’est cet après-midi engouffre par communiqué dans le boulevard ainsi proposé : « Il est des actes qui ont au moins le mérite de délivrer un message clair », attaque bille en tête la secrétaire régionale du Front National d’Île-de-France [3], qui tient à apporter son « soutien aux Villeneuvois profondément choqués par cet acte odieux ».

    En accordant une large place à cette pathétique histoire, les médias cités plus haut se sont donc prêtés - plus ou moins complaisamment - à une double manipulation.

    De un, l’information montée en épingle ne vaut que pour ce qu’elle est supposée dire en filigrane, non pour son importance réelle.

    Et de deux, elle ne prend son sens que dans un débat idéologiquement biaisé, celui de l’identité nationale - conjointement entretenu par l’UMP et l’extrême-droite.

    En sorte que les titres de presse n’ont fait ici que mener la plus basse des besognes au service de la plus rancie des idéologies.

    Tu en conviendras : c’est désolant.

    Mais voilà : il se trouve que - la nouvelle est tombée en fin d’après-midi [4] - ce n’est pas le glorieux drapeau français qui a été lâchement incendié.

    Non, révèle tout juste Le Parisien, alors même que Google Actualités recense une cinquantaine d’articles déjà publiés sur le sujet, tous respirant une semblable consternation face à l’odieux attentat : « Ce n’est pas le drapeau français qui a été brûlé, mais celui… de la ville ! C’est ce que vient de reconnaître, cet après-midi la municipalité. »

    Un bête oriflamme local et non l’étendard national : autant pour le symbole…

    En sorte que - derechef - l’emballement médiatique n’était pas seulement bidon, basé sur un biais idéologique évident, mais aussi totalement mensonger, bâti sur une présentation - par la maire de la ville - volontairement fallacieuse de la réalité.

    Je ne doute pas que Sylvie Altman, élue communiste, fournira une juste explication à cette scandaleuse manipulation.

    Et qu’elle trouvera un moyen de justifier les mots du communiqué par elle publié quelques heures plus tôt ; ceux-là, même : « Ce matin, les employés communaux ont découvert un drapeau français brûlé sur le perron de l’Hôtel de ville. Un drapeau algérien remplaçait celui-ci sur l’un des mats de la mairie. Qu’est-ce qui engendre un tel comportement ? Nul ne peut le dire à cette heure. »

    Qu’est-ce qui engendre un tel comportement ?, feignait-elle de demander.

    Réponse évidente : dans les médias comme chez les élus d’un bord politique censément opposé à l’UMP, la petite musique haineuse de l’identité nationale mène le jeu.

    Et celle-ci autorise les pires manipulations.

    Notes

    [1] Note que ce dernier site, de même que celui de RTL, a préféré fermer l’article aux commentaires.

     

     

    [2] Hier se tenait un match de coupe du monde entre La Slovénie et l’Algérie.

    [3] Je ne te mets pas le lien, hein, tu pourras le trouver tout seul comme un grand, si tu veux.

    [4] Alors même que je terminais ce billet. Le monde est bien fait, quand même…


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  • Raid sanglant de l’armée israélienne : informations pointues et commentaires ajustés ?

    Publié le 14 juin 2010 par Amir Si Larbi, Henri Maler

    Les médias dominants ne nous avaient pas habitués à une telle débauche d’informations sur les réactions aux actes de guerre de l’armée israélienne et la plupart des éditorialistes à de tels accès de prise de conscience, ne serait-ce que parcellaire. Mais, à bien lire ce qui a été publié sur les sites Internet et sur la presse quotidienne régionale des 31 mai et 1er juin [1], on découvre, conditionnant d’apparents détails, des prismes déformants, souvent très déformants.

    Que s’est-il passé ? Une « interception meurtrière » (Pierre Rousselin, Le Figaro), un « abordage sanglant », (Daniel Ruiz, La Montagne), un « arraisonnement meurtrier » (Didier Pobel, Le Dauphine Libéré), un « drame survenu en pleine mer » (Bertrand Meinnel, Le Courrier Picard) ». Les éditorialistes du 1er juin cherchent leurs mots, tandis que les journalistes d’information traquent les « faits ».

    (1) Des commencements incertains

    « Qui a déclenché les violences ? » : « Faut-il incriminer, comme le font les autorités israéliennes, des provocations de la part de certains passagers de la flottille, ou une réaction disproportionnée des unités israéliennes, comme l’affirment les organisateurs du convoi ? », s’interroge, comme la plupart des médias, Le Monde du 1er juin qui expose ainsi les versions en présence « …les membres du mouvement Free Gaza, principal organisateur du convoi, affirment que les soldats ont été les premiers à ouvrir le feu, sans justification. De son côté, Israël accuse les militants d’avoir déclenché les violences en attaquant les soldats, à coups de massue et de couteaux, alors qu’ils étaient hélitreuillés depuis les hélicoptères sur le pont du bateau… »

    Soit ! Mais la façon dont certains médias ont traité la question s’apparente au récit d’une bagarre de cour de récréation.

    « Qui a commencé » ? La focalisation de l’information sur cette question est lourde de présupposés accablants. Selon cette version, le blocus imposé à Gaza n’est pas la première et la principale violence. Un acte de piraterie, puisqu’il s’est déroulé dans les eaux internationales, ne relèverait pas de la violence. L’intervention armée de commandos de l’armée israélienne ne serait pas, par elle-même, un acte de violence. La menace armée de recourir à la force, avant et pendant le débarquement, non plus. La violence ne commencerait qu’avec le recours à des armes et non avec l’attaque proprement dite, ni même avec le parachutage de commandos surarmés sur les navires.… Seule importerait l’origine du premier coup porté ou du premier tir.

    Et comme dans la bataille des images, l’armée israélienne dispose d’une vidéo prise par une caméra thermique depuis un hélicoptère, celle-ci est complaisamment diffusée un peu partout. Certes, la présentation de cette vidéo prend généralement quelques précautions d’usage, mais elle entérine la version sélective de la question « qui a commencé ? », quand elle conforte la thèse israélienne en affectant de prendre ses distances, puisqu’elle ne montre que les actes de violence commis par les militants agressés.

    Le Point.fr, par exemple, épouse cette version : « Flottille pour Gaza interceptée. Regardez La vidéo de l’armée israélienne pour se défendre », peut-on lire en titre le 31/05/2010 à 17:52 (dans un article modifié le 01/06/2010 à 08:44) : « […] la vidéo ne semble laisser aucun doute sur la violence utilisée par les occupants de la flottille contre les soldats de l’armée de défense israélienne. Prise de plongée, le premier plan montre un soldat israélien débarqué par hélicoptère, attaqué et frappé par les occupants qui le jettent sur le pont inférieur. Sur la seconde scène, on aperçoit un occupant armé d’une longue barre de métal qui frappe l’assaillant. Puis une dizaine de rebelle s tenteraient d’immobiliser un soldat de l’armée israélienne. […] »

    Or ce que montre la vidéo de l’armée israélienne ne dit rien du début des affrontements proprement dits. Mais surtout une agression armée en pleine mer est un acte de violence et de piraterie et, quel que soit le moment où sont intervenus les actions des militants, ce sont des actes de légitime défense. Mais qu’importe au Point.fr ! Un « soldat débarqué » est « attaqué ». Mais un soldat qui débarque est d’abord un attaquant ! Pourquoi pas « un agresseur de l’armée israélienne est agressé à son tour ? » L’armée israélienne – privé pour une fois du doux nom de « Tsahal » - est désignée comme « l’armée de défense israélienne. Aux « soldats » sont opposés des « rebelles ».

    Autre exemple : Ouest France.fr, le 31 mai, expose les deux versions, mais sous un titre qui tranche d’emblée : « Flottille de Gaza. Les commandos israéliens attaqués à la barre de fer » [2]

    Cette version sélective des « violences » ouvre la voie à une querelle d’interprétation sur les sens de l’action.

    (2) Une action troublante

    - Des objectifs contestables ? Un journalisme scrupuleux ne s’en laisse pas conter et pose des questions. Le 31 mai, Claire Servajan, sur France iinter,interroge Leïla Shahid sur sa « réaction » : « Est-ce que vous approuvez Leila Shahid l’opération telle qu’elle était montée, l’opération de cette flottille internationale ? Est-ce que les militants qui étaient sur les bateaux ont eu raison d’insister malgré les mises en garde d’Israël ? ». Puis, elle la coupe « Mais Israël avait prévenu que c’était de la provocation, hein, à ses yeux, une telle opération ? ».

    Un journalisme scrupuleux ne s’en laisse pas conter et se pose des questions. Voici en deux sous-titres, l’alternative que L’Express.fr du 31-05 propose à ses lecteurs : « Initiative humanitaire... ou provocation armée ? » Toute autre signification semble être exclue.

    Les présupposés d’une question de ce genre sont consternants. Ils laissent entendre qu’une initiative humanitaire cesse de l’être quand elle poursuit un objectif politique et qu’une telle initiative cesse d’être pacifique quand elle se donne quelques moyens de défense. Aux yeux de qui cet objectif politique – contester le blocus de Gaza – peut-il passer pour une provocation, sinon pour ceux qui le soutiennent ?

    … Comme Bernard-Henri Lévy qui s’est empressé de déplorer les moyens employés pour « empêcher une provocation. ». Prise de position qui ne dissimule pas son parti-pris en faveur du blocus. Et si tous les commentateurs ne se sentent pas obligés de désavouer explicitement le convoi humanitaire, quelques-uns emboitent le pas à Bernard-Henri Lévy. Ainsi Denis Chaumin dans La Nouvelle République du Centre-Ouest, le 1er juin : « (...) Certes Israël pourra plaider la provocation , s’adossant à de troublants arguments. Les intentions des commanditaires de cette armada humanitaire cinglant en Méditerranée n’étaient probablement pas aussi limpides qu’ils s’appliquent à le soutenir désormais. Et la flottille, bravant un blocus renforcé depuis trois années, n’avait aucune chance raisonnable de parvenir à bon port. Rien à voir avec l’"Exodus" de 1947. L’objectif était ailleurs et le piège tendu a parfaitement fonctionné. »

    Si le « piège » ne consistait pas dans la « provocation » elle-même, il résidait dans la recherche de la médiatisation, ne se lassent pas de répéter les commentateurs : « L’opération une ’Flottille de la paix’ n’avait pas caché son intention de braver l’embargo naval de la bande de Gaza et de chercher la plus grande publicité ». (Pierre Rousselin, Le Figaro) ; « Une "embuscade médiatique" tendue par des "humanitaires" pro-palestiniens pas seulement armés de bons sentiments. » (Jacques Camus, La République du Centre) ; «  (...) L’opération maritime menée au départ d’Istanbul misait sur la médiatisation. L’avertissement d’Israël de ne pas laisser les navires se rendre jusqu’à Gaza avait renforcé le projet des militants pro-palestiniens, certains que des images d’arraisonnement feraient le tour du monde et serviraient leur cause. Mais l’intervention des commandos israéliens est allée au-delà de l’accostage attendu. » (Dominique Quinio, La Croix) – « Qu’il y ait eu, sinon de la provocation dans l’opération "flottille de la paix", au moins une volonté d’orchestration médiatique, sans doute. Pour autant, il est parfaitement stupéfiant de voir avec quelle facilité les responsables israéliens - militaires et civils - sont tombés tête la première dans le piège qui leur était tendu (Jacques Guyon, La Charente Libre)

    Chercher à attirer l’attention des médias sur un blocus et sur ses effets – attention que ces mêmes médias accordent… avec parcimonie –, serait donc un « piège » que le gouvernement israélien n’a pas su (aurait dû ?) déjouer ? C’est ce que laisse entendre Le Point.fr (31.05) dans un « Décryptage », en provenance de Jérusalem [3] titré en lettre capitales : « Flottille pour Gaza interceptée ». Une simple « interception » dont la suite du titre nous livre le sens : « Le gouvernement israélien de Netanyahou pris aux pièges ». Pas un seul piège mais plusieurs ! Essayez d’expliquer dans ces conditions que ce gouvernement n’est pas une « victime »…

    Et de qui ? On se le demande…

    - Des acteurs équivoques ? - Alors qu’ils ne se sont guère inquiétés des liens politiques du gouvernement de Benjamin Netanyahou avec l’extrême-droite religieuse qui pèse lourdement sur la politique de l’Etat d’Israël, nombre de médias qui nous avaient peu habitués à s’interroger sur l’identité des organisations impliquées dans des actions humanitaires, ont souligné à l’envie l’existence de liens de tout ou partie des organisations partie prenante de « Free Gaza » avec le Hamas : sans même distinguer les liens politiques et les liens « opérationnels » indispensables à l’acheminement de l’aide et alors même qu’une multitude de personnalités peu suspectes de sympathies « islamistes » étaient à bord des bateaux. Des pseudo-informations, souvent invérifiables, suffisent à disqualifier peu ou prou des humanitaires qui ne le seraient pas vraiment.

    Pas vraiment des humanitaires puisqu’il s’agit d’ « un convoi censé transporter des [...] humanitaires  » (iTélé, 31 Mai 2010, 19:02). Des humanitaires, « certains bien intentionnés, d’autres moins », note François Sergent dans Libération, sans préciser à quelle aune il juge la valeur des intentions. Pas vraiment des « humanitaires » puisqu’ils poursuivent un objectif politique : obtenir la levée du blocus. Pas vraiment des humanitaires puisque certains d’entre eux nourrissent d’obscurs desseins. Pas vraiment des humanitaires puisqu’ils entretiennent des liens troubles avec le Hamas (« l’organisation, controversée, entretient des relations proches avec le Hamas » (Le Monde, Guillaume Perrier 2 juin), voire avec al-Quaida ! [4].

    Mais d’ailleurs, « est-ce qu’on est tous d’accord pour dire que le Hamas est un mouvement terroriste ? », interroge Raphaël Enthoven pour conclure et recentrer le débat de « Ce soir ou jamais » de France 3, au lendemain du raid sanglant de l’armée israélienne. [5].

    (3) Une violence invisible

    Quoi qu’il en soit, cette focalisation sélective sur une violence qui n’aurait commencé qu’avec le recours à ses formes visibles non seulement dissimule la violence même d’une action armée dans les eaux internationales, mais cette dissimulation est renforcée par l’omission de la violence… du blocus lui-même.

    Rares, très rares sont les articles ou les reportages qui se sont attachés à restituer le contexte général du conflit israélo-palestinien, de le mettre en perspective et d’apporter un éclairage qui ne soit pas focalisé sur les seules préoccupations israéliennes.

    Les informations sur les effets du blocus israélien (et égyptien) et, particulièrement les conditions de vie des Gazaouis ont généralement été ignorées ou reléguées au second plan. Parmi les exceptions : un court reportage de France 3 dès le 31 mai et un article de Libération : « « Gaza, l’interminable châtiment » de Jean-Pierre Perrin.

    Les responsables israéliens ont pu ainsi, sans être vraiment contredits, affirmer qu’il n’y avait pas de « crise humanitaire à Gaza ». Voici par exemple comment l’AFP rapporte leurs propos : « "Il n’y a pas de crise humanitaire à Gaza", a affirmé M. Carmon, soulignant que les biens et matériels destinés au territoire doivent emprunter les points de passage autorisés. Le diplomate a rappelé que la bande de Gaza est " occupée par des terroristes qui ont renversé l’Autorité palestinienne lors d’un coup de force violent" et que "des armes y sont continuellement introduites, y compris par mer". ». Un peu de distance – et de recul – n’aurait pas nui…

    Pis : il arrive que « la question du blocus » ne soit soulevée que du point de vue israélien, c’est-à-dire de son efficacité : « La question du blocus se pose [...] ce blocus est totalement inefficace » (iTélé, 1er Juin 2010, 19:15).

    L’inscription de l’agression de l’armée israélienne dans le passé récent et dans le contexte global de sa politique n’est rappelée qu’au détour de quelques éditoriaux et commentaires [6]. Le bilan de la guerre de Gaza est-il évoqué ? C’est pour relever que le rapport dit Goldstone du nom de son auteur, fruit d’une enquête internationale diligentée par les Nations Unies à la suite de l’offensive israélienne de décembre 2008, a été classé sans suite et qu’il en irait sans doute de même d’une enquête sur les circonstances de l’assaut meurtrier : « …Il est plus que probable qu’un récit ne puisse jamais faire l’unanimité des deux camps si on se fie au précédent rapport Goldstone, du nom du juge sud africain chargé en vain par les nations unies de faire la lumière sur l’offensive meurtrière de l’armée israélienne sur la bande de Gaza… » (Gille Paris, Le Monde). Soit ! Mais encore ?

    (4) Un langue châtiée

    Dispensées, en principe, de prendre position, les informations sont fournies dans une langue qui, quand elle n’est pas celle du gouvernement israélien, en épouse l’optique, à grand renfort d’euphémisations [7].

    Dans la langue de Bernard Kouchner, l’attaque israélienne est un « incident ». Dans celle de BFM TV (1 Mai 2010, 19:07) aussi puisque, a-t-on pu entendre, « l’incident de ce matin » risque de remettre en cause les relations entre la Turquie et Israël. Comment désigner l’agression de l’armée israélienne ? Si « Assaut » est le terme le plus communément employé, on peut lui préférer « abordage », apparemment plus pacifique [8] : « le conseil de l’ONU condamne l’abordage » (France 2, 1er Juin 2010, 13:00).

    Pour évoquer la résistance à cet assaut – dont on omet, comme on l’a vu, le caractère « violent » puisque des violences lui ont succédé –, on pourra dire, parlant du commando, « à peine hélitreuillé, un comité d’accueil les attend » (France 3, 31 Mai 2010, 19:31) : une façon détournée de parler d’une « embuscade ».

    Comme on a pu le lire et l’entendre un peu partout, les participants au convoi humanitaire sont des « militants » ou des « activistes » (par exemple France 2, 31 Mai 2010, 20h 00). Humanitaires et strictement désintéressés ? On peut en douter. Et le doute se loge dans un qualificatif : ils sont « pro-palestiniens » [9] En d’autres circonstances, parlerait-on de militants pro-éthiopiens ou pro-tchétchènes ?

    Evidemment, la séquestration des militants enlevés en violation de toutes les règles de droit a eu lieu dans un centre de rétention : « le centre de rétention de Be’er Sheva » (BFM TV, 1er Juin 2010, 12:07). Cette expression remplace opportunément le terme de « prison » ou est donnée comme son synonyme [10]. Mais « prison » pourrait suggérer – c’est fâcheux – que les militants sont… « emprisonnés », voire provisoirement séquestrés.

    Heureusement, les séquestrés ne vont pas le rester longtemps (c’est ce que France Info dès 7h le 2 juin, appellera un « geste d’apaisement ») : « Israël annonce ce soir que tout les ressortissants étrangers arrêtés lors de l’assaut seront expulsés » (BFM TV, 1er Juin 2010, 22 h.31.) Cette annonce est présentée sans distance dans un vocabulaire qui reprend la perspective du gouvernement israélien. En effet, ces « ressortissants étrangers » ne le sont et ne sont présents sur le territoire israélien que parce qu’ils y sont séquestrés à la suite d’une arrestation illégale et arbitraire effectuée dans le cadre d’une opération militaire, elle-même illégale, menées par des forces armées qui les ont enlevés dans les eaux internationales. Pourtant, le mercredi 2 juin, nombre de médias titrent : « Israël expulse les étrangers de la flottille » [11]

    Or il aurait il aurait été plus exact, quitte à être plus long, de dire : « Les participants au convoi humanitaire, enlevés puis séquestrés par le gouvernement israélien, vont donc être relâchés et reconduits hors des frontières d’Israël ». En revanche, parler des « ressortissants étrangers expulsés » les assimile à ces immigrés sans papiers, que le consensus dominant traite en « indésirables » et dont il arrive qu’on dise plutôt, pour atténuer cette fois l’effet de leur expulsion qu’ils ont été … « reconduits » à la frontière ou dans leur pays ! Quant à « libérer », il peut revêtir un sens émancipateur. Ainsi, en Une du Figaro du mercredi 2 juin 2010, ce titre : « Israël libère les membres de la flottille de la paix. Leur "expulsion" du territoire israélien devrait être terminée demain ». « Libère » est en gras et en plus gros. Sympathique et magnanime gouvernement d’Israël ! Mais on a pu entendre beaucoup mieux sur BFM TV, (1er Juin 2010, 23:20) : « Israël annonce l’extradition des militants ». Or la notion d’extradition désigne une procédure par laquelle l’auteur d’une infraction est livré par un Etat à un autre qui le réclame

    (5) Une « faute » ? Quelle « faute » ?

    Que penser de l’agression israélienne ? Ici commencent les commentaires proprement dits. Le gouvernement et l’armée israélienne auraient commis une faute. Si les éditorialistes sont quasiment unanimes à la condamner, cette condamnation n’est guère monocolore :

    - du désaveu d’un simple « dérapage » (Hubert Coudurier, Le Télégramme] à celui, très rare, du « terrorisme d’état » (Jean-Claude Kiefer, Les Dernières Nouvelles d’Aasace ou Patrick Le Hyaric, L’Humanité) [12]
    - d’un acte d’autodéfense « stupide » (Bernard-Henri Lévy ) ou d’une « riposte mal contrôlée » (Dominique Quinio, La Croix) à « la voie du pire » (Michel Lepinay, Paris Normandie) [13] voire, mais très rarement, d’une action qui vise non seulement à étouffer le peuple palestinien de Gaza (Patrick Le Hyaric, L’Humanité), mais à « rendre impossible un État palestinien » (Chantal Didier, L’Est Républicain) [14].

    En général, pourtant, la condamnation dénonce un raid « injustifiable, tant sur le plan moral que juridique. (Patrick Fluckiger, L’Alsace), « une faute politique, morale et historique » (Jacques Guyon, La Charente Libre). Mais la plupart des commentaires (quand ils ne se bornent pas à s’alarmer de la « spirale de la violence » et à en appeler à la paix [15], s’inquiètent d’abord des intérêts de l’Etat israélien : de l’altération de son « image » et son isolement éventuel.

    (6) Une mauvaise image

    Toute guerre est « également » une guerre d’images, note Gilles Paris dans Le Monde du 1er juin. : « Pour Israël, le prix de cet assaut risque d’être une nouvelle fois coûteux. Il confirme une incapacité à se mouvoir dans la guerre d’images qu’est également le conflit israélo-palestinien, que ce soit en termes d’anecdote, lorsque l’un de ses critiques les plus virulents, Noam Chomsky, est empêché de se rendre à Ramallah, ou dans des drames tels que l’assaut du 31 mai ».

    Une simple « anecdote » ? Le terme est pour le moins tendancieux. Mais on peut faire pire… Quand BHL parle, l’AFP se précipite et, le jour même publie une dépêche qui nous apprend que « BHL juge "stupide" l’assaut meurtrier israélien ». « Stupide » seulement, puisque cet assaut constitue une grosse erreur de communication : « Les images (du raid) vont faire le tour du monde. Elles sont plus dévastatrices pour ce pays (Israël) qu’une défaite militaire ».

    (7) Un déplorable isolement

    Autre constat : l’isolement d’Israël. Autre évaluation implicite : cet isolement est néfaste, parce qu’il est néfaste pour Israël : « L’interception meurtrière de la flottille humanitaire au large de Gaza aggrave durablement l’isolement diplomatique d’Israël […] Après la remise en cause de son arsenal nucléaire par la conférence d’examen du TNP, la semaine dernière, Israël est dangereusement isolé. » (Pierre Rousselin, Le Figaro)

    « Il faudra attendre pour savoir qui a tiré le premier »  : ainsi commence, comme si cette question était décisive, La République des Pyrénées, l’éditorial de Jean-Marcel Bouguereau qui se corrige aussitôt par cette déploration à sens unique : « Mais au fond peu importe, car le mal est fait. Israël est plus isolé que jamais, le monde entier proteste. » Le « mal », c’est le tort porté à Israël.

    ***

    Ainsi, par delà la diversité indéniable des informations et des commentaires, leur plus grande pente reste la même : la majorité des médias s’est surtout préoccupée, non du sort des assaillis ou du droit des palestiniens, mais de l’isolement international du gouvernement israélien. Et plus des conséquences géopolitiques, pour lui-même, de la politique de ce gouvernement que des conditions d’une paix juste et durable au Moyen-Orient.

    Henri Maler et Amir Si-Larbi.

    Notes

    [1] Ainsi que de I-télé et BFM TV et France Inter. Pour les principales télévisions, voir notre article précédent. Une fois n’est pas coutume, nous n’avons évoqué que partiellement la presse imprimée nationale.

    [2] Dernier exemple : dans Le Monde du mercredi 2 juin, un article intitulé « Israël isolé après l’assaut contre la flottille pour Gaza » est illustré par une photo manifestement appropriée à son contenu légendée comme suit : « Photo fournie par l’armée israélienne montrant le matériel saisi à bord du “Mavi-Marmara” après l’assaut du 31 mai ».

    [3] Par Jean-Marie Hosatte, à Jérusalem.

    [4] Voir « « Rumeurs sur des rumeurs » dans notre article précédent.

    [5] Un remarquable Raphaël Enthoven qui explique d’abord qu’il est trop tôt pour prendre position, et qu’il y a une guerre des images de part et d’autre. Si Gaza a souffert du blocus israélien, il ne faudrait pas oublier les villages israéliens qui subissent les tirs de roquette palestiniens. Et quand Kouchner a dénoncé l’action israélienne, comme une « incident, il a réagi de façon trop hâtive. Enfin, lorsque Roland Dumas précise que le Hamas a été élu, Enthoven qui, quelques minutes plus tôt, s’indignait que Dumas renvoie les arguments d’autodéfense d’Elizabeth Lévy aux arguments de Hitler invoquant les Sudètes, lui réplique aussitôt : « Hitler aussi a été élu. »

    [6] « Le tollé est général. Une fois de plus Israël a choisi la voie du pire. Comme au Liban envahi à l’été 2006, comme à l’hiver 2008-2009 si meurtrier à Gaza. » (Michel Lepinay, Paris Normandie).

    [7] La suite s’inspire en partie des observations et remarques transmises par Kamel Makhloufi.

    [8] Quoiqu’il renvoie aussi à l’univers de la « piraterie »…

    [9] « Les militants pro-palestiniens étaient ils-armés ? » (iTélé, 1er Juin 2010, 11h.32) ; « militants turcs pro-palestiniens » (BFM TV, 1er Juin 2010, 11:35, 12:01) ; « les militants pro-palestiniens » (France 2, 1er Juin 2010, 13:06)…

    [10] iTélé parle de « prison de Be’er Sheva » à 12:31 et de « centre de détention » à 15:33, et enfin « centre de rétention » à 19:33.

    [11] Voir notre article précédent.

    [12] Dérapage ? Hubert Coudurier : « […] le poids relatif des Palestiniens, qui avait culminé lors des accords d’Oslo, a singulièrement décru, autorisant tous les dérapages , dont l’arraisonnement de ce convoi humanitaire fournit le dernier et triste exemple ». Terrorisme d’État ? Jean-Claude Kiefer : « Mais quelle image Israël donne-t-il ! Ce pays qui gagnait toutes les sympathies bascule à son tour dans ce qu’il faut bien appeler le “terrorisme d’État” […] » ; Patrick Le Hyaric  : « Ces méthodes confinent à l’extrémisme d’État, au terrorisme d’État. ».

    [13] Riposte mal contrôlée ? Dominique Quinio, « Mais l’intervention des commandos israéliens est allée au-delà de l’accostage attendu. (...) Pour une armée aussi entraînée que Tsahal, la riposte semble avoir été mal contrôlée. ». Voie du pire ? Michel Lepinay, «  Une fois de plus Israël a choisi la voie du pire. Comme au Liban envahi à l’été 2006, comme à l’hiver 2008-2009 si meurtrier à Gaza  ».

    [14] Patrick Le Hyaric : « (...) Par cet acte barbare et sanglant, les dirigeants israéliens signifient bien qu’ils veulent que le blocus de Gaza soit total. Autrement dit, ils souhaitent étouffer ce peuple aux mains nues. »,(Patrick Le Hyaric, L’Humanité). Chantal Didier, : « Tout à sa volonté de rendre impossible un État palestinien, Tel Aviv prend le risque de s’aliéner jusqu’à ses amis. »

    [15] Voir l’ éditorial « ontologique » de Didier Pobel (Le Dauphiné Libéré) dans notre article précédent.


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  • La propagande israélienne pirate les ondes de France 2

    Grégoire Lalieu   
    Ce lundi 31 mai, quelques heures seulement après l’abordage de la flottille humanitaire en route pour Gaza, les autorités israéliennes ont procédé à un nouvel acte de piraterie, celui des ondes de France Télévision. Parti pris, mensonges grossiers, désinformation… Le journal télévisé de France 2 naviguait en eaux troubles ce soir-là.

    - Tu as vu chérie ? Ils recommencent à diffuser des publicités après 20h sur France Télévision.
    -  Mais non mon amour, c’est le JT de Pujadas !
    Etonnant ! Comme beaucoup d’autres chaînes de télévision à travers le monde, France 2 a ouvert le grand bal de l’actualité de ce 31 mai sur l’attaque israélienne menée contre la flottille humanitaire à destination de Gaza. Mais la couverture médiatique de cet événement a vite donné au journal télévisé des allures de spot gouvernemental israélien.

    David Pujadas nous rapporte le récit du raid sur la flottille « pro-palestinienne », évitant systématiquement l’emploi de l’adjectif « humanitaire » pourtant utilisé partout ailleurs pour qualifier le convoi. Selon l’homme-tronc de France 2, l’opération a fait neuf morts. D’autres médias, y compris israéliens, font pourtant état d’un plus grand nombre de victimes. La plupart en tout cas, emploient prudemment le conditionnel ou précédent leur chiffre d’un « au moins » professionnel, tant il est difficile dans pareille situation d’obtenir des informations précises. Mais David Pujadas, lui, confirme son nombre de victimes à plusieurs reprises durant l’émission avec tout l’aplomb du journaliste sûr de ses sources. Mais de quelles sources s’agit-il exactement ? Durant la journée du 31 mai, seule l’armée israélienne a communiqué le chiffre de neufs morts.

    En fait, toute l’émission était axée sur la version de Tel-Aviv : les soldats ont gentiment prié le convoi de les suivre jusqu’au port israélien d’Ashdod; les « pro-palestiniens » ont refusé d’obtempérer ; un commando israélien est monté à bord d’un bateau où il a été attaqué à coups de bâtons, de couteaux  et de billes ; les soldats ont été contraints d’ouvrir le feu. Le récit est appuyé par des images gracieusement fournies par l’armée israélienne qui, selon M. Pujadas, « veut ainsi prouver que ses soldats ont été agressés ». Des propos confirmés par les interventions de la porte-parole de l’armée israélienne, du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, ainsi que par une interview du porte-parole du ministère israélien des Affaires Etrangères, Daniel Saada. Nous reviendrons plus loin sur cette interview.

    De la version « pro-palestinienne » des événements, nous saurons juste que les activistes ont qualifié l’attaque de « délibérée ». C’est tout ? Oui ! Pas un mot sur les témoignages concordants établissant qu’un bateau grec avait essuyé des tirs à balles réelles depuis un hélicoptère durant la nuit. Ces informations apportent pourtant un éclairage pertinent aux images diffusées par France 2 mais doivent avoir le fâcheux inconvénient de contredire la version israélienne.

    Pas un mot non plus sur l’aspect illégal du raid israélien. Le reportage de France Télévision rapporte que l’attaque s’est déroulée dans les eaux internationales, au-delà des eaux territoriales israéliennes. Mais la chaîne du service public se garde bien de préciser que l’opération viole donc le droit international et qu’elle constitue un acte de piraterie. Par conséquent, non seulement France 2 ne précise pas que l’équipage de la flottille humanitaire était en état de légitime défense. Mais de plus, la chaîne publique surexpose la version israélienne, inversant la victime et l’agresseur.

    La présentation offerte par France 2 du convoi « pro-palestinien » cadre elle aussi parfaitement avec la propagande israélienne. Il fallait zapper si vous désiriez découvrir, comme c’est le cas généralement pour la couverture d’événements humanitaires, le portrait de courageux pacifistes s’embarquant dans une aventure solidaire. Il fallait zapper également si vous désiriez en apprendre d’avantage sur la présence de députés européens, d’un rescapé de la Shoah ou d’un prix Nobel de la paix.

    Le reportage de France 2 nous expliquait plutôt comment la flottille humanitaire avait été essentiellement préparée par une ONG turque, proche du Hamas « qui contrôle Gaza ». L’UMP contrôle-t-elle la France ? Etrange vocabulaire…  Le reportage vise en fait à ternir l’image de la mission humanitaire qui aurait caché un objectif politique : briser le blocus pour renforcer le Hamas. Des députés européens, un rescapé de la Shoah et un prix Nobel œuvrant pour une « organisation terroriste » sous couvert d’actions humanitaires : joli scoop !

    Quelques erreurs déontologiques plus tard, M. Pujadas nous annonce l’interview imminente de Daniel Saada, porte-parole du ministère des Affaires Etrangères, et envoie un reportage sur le blocus israélien, « pour bien comprendre » et mettre à l’aise l’officiel israélien. Le reportage de France Télévision nous apprend en effet qu’Israël a imposé un blocus politique et économique sur Gaza depuis que le Hamas y a pris le pouvoir « par la force » en 2007. Il s’agit d’un mensonge grossier répété inlassablement depuis plusieurs années.

    Le 25 janvier 2006, le Hamas a remporté haut la main des élections législatives dans la bande de Gaza. Ces élections avaient mobilisé plus de trois-quarts des électeurs sous le regard de 900 observateurs internationaux ayant validé la parfaite régularité du scrutin. Le reportage revient ensuite sur la guerre de Gaza : « après des tirs de roquette par le Hamas sur le Sud d’Israël, l’armée de Tsahal lance une offensive majeure sur Gaza ». Le journaliste laisse ainsi entendre que le Hamas aurait rompu la trêve avec Israël et que ce dernier aurait agi en état de légitime défense. Il s’agit d’un vulgaire mensonge sur lequel s’est basée la propagande israélienne et que France Télévision propage, une fois de plus, complaisamment.

    La trêve conclue entre le Hamas et Israël impliquait comme condition le desserrement du blocus sur Gaza. Non seulement le gouvernement israélien n’a pas respecté cette condition mais il avait même lancé, en novembre 2008, un raid meurtrier sur l’enclave palestinienne, déclarant par la suite que la trêve n’était pas pour autant rompue ! Dans son rapport sur la guerre de Gaza, le juge Richard Goldstone, mandaté par les Nations Unies, a établi que c’est bien Israël qui avait rompu la trêve. Visiblement, l’avis d’une commission indépendante de l’ONU a moins de valeur pour France Télévision que la propagande d’un pays en guerre. 


    Interview d'un diplomate israélien: les copains d'abord

    Après avoir déroulé son tapis rouge de mensonges, M. Pujadas passe donc à l’interview du porte-parole du ministère israélien des Affaires Etrangères. Introduit par un reportage légitimant à demi-mot le blocus et la guerre contre Gaza, M. Saada joue sur du velours. La haute pugnacité M. Pujadas va-t-elle le faire vaciller ?

    Première question : « Finalement il y a eu neuf morts, pouvez-vous reconnaître que l’opération était disproportionnée ? ». Pas très mordant : en droit, une opération disproportionnée est une opération de légitime défense qui exagère dans ses proportions.

    Par le choix de ce vocabulaire insidieux, David Pujadas prend donc déjà la défense du crime israélien. Réponse de l’officiel : « Lorsqu’on voit la violence inouïe déployée par les activistes à bord du bateau (…) on est amené à dire que les soldats israéliens ont fait preuve d’une retenue et d’une maîtrise de soi absolument exceptionnelle ». Peut-être M. Pujadas aurait-il pu rebondir sur les propos pour le moins surprenants de son interlocuteur. Mais le journaliste enchaîne aussi tôt : « N’avez-vous pas renforcé ceux que vous voulez combattre, le Hamas et ses alliés ? ».

    Réponse de Daniel Saada, imperturbable : « C’est le contraire qui s’est passé. L’objectif de cette mission n’était pas humanitaire (…) mais consistait à briser le blocus pour renforcer le Hamas ». Une idée déjà évoquée précédemment dans un reportage du journal télévisé : la boucle est bouclée. David Pujadas conclura l’entretien par une troisième et dernière question sur le crédit d’Israël. Le porte-parole rétorquera que les actions de son gouvernement sont souvent mal interprétées.

    Au regard de l’étonnant reportage ayant introduit l’interview, de la torpeur journalistique de M. Pujadas et des réponses psalmodiées par M. Saada, le téléspectateur sera en droit de se poser des questions sur la spontanéité de l’entretien. Et au regard de l’ensemble des reportages consacrés à l’attaque de la flottille pour Gaza, n’importe quel esprit critique se posera des questions sur l’indépendance de France Télévision face à la propagande israélienne.

    Le Journal Télévisé de David Pujadas est-il une exception dans le paysage médiatique ? La couverture de l’attaque de la flottille pour Gaza est-elle une anomalie dans le traitement quotidien du conflit israélo-palestinien ? Malheureusement, non. Dès qu’il s’agit de ce conflit, la propagande israélienne s’invite dans les médias occidentaux suivant ces cinq règles de la « propagande de guerre », telles qu’elles sont décrites par Michel Collon dans le livre Israël, parlons-en ! :


    1.    Cacher l’Histoire. Avant d’interviewer M. Saada, David Pujadas nous a proposé un reportage sur les raisons du blocus israélien, « pour bien comprendre ». Pour bien comprendre, il aurait fallu  rappeler les causes profondes du conflit et comment Israël, Etat colonial, occupe des territoires palestiniens en violation du droit international.


    2.    Cacher les intérêts économiques. Pourquoi un pays se croit-il autorisé à assassiner des membres d’un équipage humanitaire dans les eaux internationales ? Jusqu’ici, Israël a toujours jouit d’une impunité car il est soutenu par les plus grandes puissances occidentales, principalement les Etats-Unis. Sa mission ?  Jouer le rôle du gendarme du pétrole dans la région stratégique du Moyen-Orient.


    3.    Diaboliser l’adversaire. Par la magie de France 2, un convoi humanitaire regroupant diverses ONG, des députés européens et même un prix Nobel de la Paix s’est transformé en action de déstabilisation politique au service du Hamas. Le mouvement de résistance palestinien démocratiquement élu étant présenté comme une organisation islamiste ayant pris le contrôle de Gaza par la force et étant la principale source de conflits.


    4.    Inverser la victime et l’agresseur. La propagande essaie de nous faire croire que le commando israélien a perdu le contrôle de la situation, attaqué par une bande d’activistes surexcités. Difficile de savoir ce qui s’est réellement passé sur les bateaux. Ce qui est clair par contre, c’est qu’Israël a abordé le convoi dans les eaux internationales. Il s’agit d’un acte de piraterie illégal qui place les activistes pro-palestiniens en situation de légitime défense.


    5.    Monopoliser l’info, exclure le vrai débat. La version israélienne a occupé la majeure partie du temps d’antenne consacré à l’attaque de la flottille. La rédaction de France 2 a tenté de comprendre ce qui s’était passé : les activistes étaient-ils armés ? Qui a attaqué en premier ? La flottille avait-elle un objectif caché ? Ces questions restent secondaires et il serait difficile d’y apporter des réponses précises pour l’instant car l’armée israélienne exerce un contrôle sur l’information. L’élément principal de ces événements, c’est le blocus illégal et inhumain qu’impose Israël à la population de Gaza. Ne l’oublions pas, des personnes ont payé de leur vie pour essayer de briser cette situation injustifiable.

    Source ici


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  • « Tue un serpent, et toute sa famille viendra le venger »

    Proverbe thaïlandais

      La Thaïlande n’est pas l’Iran, la Chine, la Birmanie (Myanmar) ou encore Cuba.

     Non.

     Elle est l’objet, en Occident, de toute la sympathie de nos nomenklaturas et de leurs médias.

     Le traitement des sanglants évènements récents sur le plan de l’information, de l’action diplomatique, de la vigilance de l’ONU quant au respect des "droits de l’homme" et de la "démocratie", a témoigné de cette sollicitude.

     C’est avec soulagement et satisfaction qu’elles ont accueilli le jour où l’armée a pris d’assaut le campement du mouvement de protestation pacifique, au centre de Bangkok. Manifestation, dite des “Chemises Rouges”, qui durait depuis 9 semaines.

     Normal : la Thaïlande est considérée et administrée, depuis la guerre du Vietnam, comme une colonie de l’Empire. Tabou !

     Bangkok-protest-05-2010-B.JPG

     Pleurs et affiches pour armes

    Misère et dignité

    Implacable dictature sous couvert d’une monarchie d’opérette, de paysages exotiques et du plus grand supermarché mondial du sexe, synonyme de liberté et de modernité pour nos médias décérébrés, aux mains d’une richissime caste de militaires et d’affairistes. Eux-mêmes servilement inféodés aux intérêts occidentaux.

     Comme nos autocraties africaines bien-aimées, ou nos ploutocraties latino-américaines favorites, déguisées en “démocraties”, ce pays peut se permettre tout ce qui est imaginable dans la spoliation, l’oppression, la répression. Il lui sera, à chaque fois, pardonné…

     Les journées que vient de vivre ce pays dans sa capitale Bangkok, mais aussi dans 24 de ses provinces, démontrent la sanguinaire brutalité de sa caste au pouvoir lorsque son suzerain, l’Empire, lui en accorde l’autorisation. Tout a été fait, bien sûr, pour en amortir l’impact à l’égard de l’opinion publique internationale.

     Les médias occidentaux ont employé la panoplie, parfaitement rodée, de la désinformation : occulter, déformer, manipuler. Un record de propagande. A présent, il convient de justifier la terrible répression. Dans nos médias en France, en bon vassal de l’Empire, comme chez les autres : à grandes louches de bobards.

     Je les regardais, ces “reporters” d’une chaîne française, spécialisée dans le décervelage publicitaire, se lamenter devant des centres commerciaux en feu… Incapables de se poser et de poser des questions de base : Pourquoi avoir mis le feu à des bâtiments ?... Avant ou après les tueries des commandos de l’armée ?...

     Evidemment, ils n’ont pas enduré des heures d’avion pour poser des questions.

     Emblématique de tous ces médias, qui ont pris un soin extrême à ne pas informer. Ils sont venus, placidement, célébrer, justifier, les mérites de la répression armée, contre un mouvement de protestation populaire, pacifique. Le sale boulot des soudards terminé, ils viennent en “nettoyeurs” pour blanchir la répression et son régime protégé par l’Occident.

    “Journalistes”…

     Incapables de présenter Bangkok.  Une des villes à l’urbanisme anarchique, où s’entassent plus de 10 millions d’’habitants, chancre de la corruption politique sur fond de folie spéculative, immobilière et financière. Une des capitales les plus polluées de la planète, par les gaz d’échappement générés dans des embouteillages titanesques et quotidiens, par le bruit, et la course contre la misère.

     Incapables de voir, filmer, écouter, les enfants mendiants, le délabrement des quartiers périphériques, aux égouts saturés lâchant la puanteur des eaux usées, dévalant les ruelles sous les trombes de la mousson.

     Incapables de nous expliquer pourquoi le vertueux Libéralisme Economique engendre une injustice sociale d’une telle amplitude. Oui. Bangkok, symbole d’un pays où une minorité, colossalement enrichie par la spéculation et sa collaboration avec les occidentaux dans le pillage du pays, en oublie le reste de ses concitoyens.

     Avec, dans sa misère, l’indignité de ses immenses marchés humains de prostitution. Femmes, hommes, travestis, souvent mineurs, qui débordent du quartier Patpong ou du Little Tokyo, fuyant pauvreté et aliénation, se vendant au plus offrant, dans les vapeurs d’alcool et de drogue.

     Protest-Bangkok-05-2010-TG.jpg

     Les buchers de l’Injustice

      Daltonisme et couleur de chemise

    “Décrypteurs”…

     Incapables de nous présenter les “Chemises Rouges”, leurs motivations, leurs revendications. Uniquement décrits comme les suppôts du diable. Anarchistes. Insurgés. Terroristes. Seraient-ils musulmans, ils auraient eu droit au qualificatif d’islamistes. Instrumentalisés par Al-Qaïda…

     Ces manifestants s’étaient rassemblés en plein centre de Bangkok. Sur quelques kilomètres carrés, un entassement d’une dizaine de galeries marchandes, d’immeubles de bureaux et d’hôtels de luxe.

     Sans armes, dans un campement, ainsi qu’on a pu le constater dans les documentaires, les vidéos et les photos.  En familles, avec femmes et enfants.  Dans une ambiance de kermesse, solidaires dans l’émotion et la détermination. Parmi eux, beaucoup de paysans sans terre et d’étudiants sans avenir.

     Pour se protéger des violences, des provocations de la police et de l’armée, aussi détestées l’une que l’autre : des bambous et de vieux pneus.

     

    Que réclamaient-ils ?... Des élections !

     

    Protestant contre le coup d’Etat qui a contraint le premier ministre, légitimement élu par la majorité des thaïlandais, à l’exil : Thaksin Sinawatra.

     Immensément populaire, Thaksin Sinawatra est le fondateur en 1998 du parti Thai Rak Thai (TRT, traduction : Les Thaïlandais Aiment les Thaïlandais). Milliardaire, après avoir fait fortune dans les télécommunications, il n’a jamais oublié ses origines modestes et ses débuts de carrière en tant qu’officier de police.

     Il a des idées simples : le développement des campagnes et la prospérité des paysans sont tout autant essentiels que le développement du “business citadin”. L’un n’excluant pas l’autre. Soulager la misère paysanne doit être une des priorités du gouvernement. Le développement du pays ne pouvant se fonder sur l’exploitation d’une majorité de citoyens, par une minorité de privilégiés.

     Triomphalement élu en 2001, puis réélu tout aussi triomphalement en 2005, il avait réalisé ses promesses électorales dans un grand effort national pour développer le monde rural. Multipliant, écoles, centres de soins, infrastructures dans les campagnes…

     En premier lieu, dans les régions les plus pauvres du pays, le nord et le nord-est. D’où vient, précisément, l’immense majorité d’une jeunesse contrainte à l’analphabétisme et à la prostitution, exploitée par les mafias de l’industrie touristique, fondement de la fortune des oligarques. Bien sûr, beaucoup restait à faire.

     Immensément populaire, mais détesté par la caste au pouvoir qui entend conserver la richesse nationale à son seul profit… En 2003, le vent a commencé à tourner, malgré son large soutien dans la population thaïlandaise. Pourquoi ?...

     Très simple, il commit deux erreurs majeures :

    I) Il déclara la guerre au trafic de drogue : impardonnable !

     La violence de la résistance fut à la hauteur du défi. Des escadrons de la mort paramilitaires, suivant le système en usage en Colombie, assassinèrent ceux qui luttaient contre ce trafic. Même Amnesty International, qui prend soin habituellement d’éviter les polémiques dans les provinces administrées par l’Empire, s’inquiète du nombre d’assassinats : environ 3.000…

     On ne touche pas à des intérêts d’un tel enjeu.

     Les plus considérables étant les plus occultes. Beaucoup de “fonds spéciaux”, d’Etats et de services secrets, tout particulièrement occidentaux, y puisent à grandes bassines depuis la guerre du Vietnam. Avec recyclage dans les paradis fiscaux, dont personne ne souhaite la fermeture par nécessité de dissimulation d’enrichissement personnel. Ce n’est pas pour rien que, depuis l’invasion de l’OTAN en Afghanistan, l’ONU a constaté un décuplement de la culture du pavot et de la production d’opium dans ce pays…

    II) Il était contre les politiques de discrimination antimusulmanes dans les provinces du sud. Spécialement, de la violence armée par des commandos échappant au contrôle des autorités du pays, manipulés par des services secrets étrangers.

     Ainsi, les musulmans massacrés par des commandos de l’armée dans la mosquée de Krue Se. Ou encore, les musulmans protestant contre la persécution religieuse, étouffés dans des camions bondés sous la chaleur : 78 morts. Cuisson à l’étouffée…

     Forces armées et services de sécurité thaïlandaises sont, en effet, cornaqués par des “experts” occidentaux, hallucinés par le Choc des Civilisations, luttant contre l’islamo-fascisme et autres délires. Ces fous furieux entendent, en premier lieu, éradiquer l’Islam là où il est minoritaire.

     Quitte à lui substituer une autre religion. Le bouddhisme, en Thaïlande. Le catholicisme, aux Philippines. L’Hindouisme au Cachemire ou au Gujarat. Dans l’île de Bornéo, partagée entre Malaisie, Indonésie et le minuscule sultanat de Brunei, profitant de l’immensité de la région, de son insularité, de son absence d'infrastructure en transport, ce sont des charters d’évangélistes qui débarquent…

     Eh, oui : on l’occulte, mais aucune pause dans Les Croisades, même en Asie !…

     Outre sa popularité et sa politique sociale, cumuler de telles erreurs c’était signer, de la part de Thaksin Sinawatra, son arrêt de mort politique.

     Une mort politique est toujours précédée d’une intense campagne de diffamation. Accusés de corruption, lui et son épouse. Pour conforter sa légitimité, il réclama des élections anticipées. Ce que ne voulaient surtout pas ses adversaires, sachant qu’il serait encore triomphalement réélu.

     Le 19 septembre 2006, les militaires renversèrent son gouvernement et son parti fut interdit. Coup d’Etat, accompagné de manifestations de soutien dans le genre de celles qu’ont connues d’autres pays : révolution orange, révolution de velours, etc. Ce sont les “chemises jaunes” qui soutinrent ce putsch représentant les militaires et l’oligarchie. Le jaune étant, en Thaïlande, la couleur de la monarchie…

    Ce à quoi ripostèrent les partisans du TRT, sous les “Chemises Rouges”, réclamant pacifiquement de nouvelles élections libres. En fait, ce qu’évitent de dire les médias, les “Chemises Rouges” sont les soutiens de la légalité démocratique, du suffrage universel, du respect du droit de vote, contre le coup d’Etat militaire. Dans un remake de la lutte des républicains contre les franquistes espagnols.

      Bangkok-Mort-d-un-heros-05-2010.jpg

     Assassinat d’un héros de La Liberté :

    Le général Khattiya Sawatdiphol

     Mensonges et montages

    Un courageux général était venu encourager les “Chemises Rouges”. A la retraite. Il avait dû quitter l’armée, après en avoir dénoncé la corruption et le dévoiement dans des tentatives de coups d’Etat.

     Les médias, locaux et internationaux, n’ont pas cessé de portraiturer cet incorruptible en général « renégat » (renegade, dans les médias anglophones). Copieusement diffamé, jusque dans les encyclopédies dites “libres” (cf. les articles de Wikipedia, en anglais, français, etc.).

     Khattiya Sawatdiphol, était venu apporter son sens de l’organisation et son soutien moral. Il a été tué par un sniper. Attiré dans un piège par un faux journaliste, venu “l’interviewer”. L’obligeant de rester immobile, à découvert, proche du barrage où se tenait le prétendu journaliste. Une balle dans la tête. Mort, après deux jours de coma.

     “Renégat”, pour les putschistes et les oligarchies occidentales. “Héros”, pleuré par tous les Thaïlandais, partisans de la Liberté et de la Dignité.

     On procède toujours de la sorte : tuer les « leaders » est une priorité dans un mouvement de répression. On lâche ensuite la soldatesque et le rouleau compresseur de la terreur, avec ses camps et ses tortures.

     Qu’en dirent les médias dans leur présentation des évènements ?...

     Lors de l’assaut, tous parlaient « d’échanges de tirs » ce qui était faux. Pur mensonge. Ils le savaient. Les images le montraient nettement, tout spectateur attentif en était témoin : les militaires tiraient sur des manifestants s’enfuyant les mains nues, sans armes. Les manifestants tués n’avaient aucune arme sur eux, aucune munition, ni cartouchière.

    Pour justifier la répression, les journalistes prenaient soin, à chaque reportage de rajouter un figurant disant tout le bien possible de l’assaut du campement par l’armée. Evitant de rappeler que ces manifestants pacifiques ne demandaient que des élections libres.

     Il suffisait  de négocier et de laisser l’expression populaire s’exprimer dans le vote. Et, tout aurait-été réglé sans fureur ni, encore moins, effusion de sang.

     Mais, non. Insupportable, pour une dictature. Pour une ploutocratie vermoulue.

     Aucune négociation, discussion, écoute. Le mépris. Dans la violence.

     C’est d’un exemple, d’une démonstration de force, que souhaitaient la caste au pouvoir et ses sponsors : noyer un sursaut démocratique, pour installer « la terreur ». La contestation n’est pas de mise. Surtout si c’est pour rappeler les deux premiers fondements de la démocratie : liberté d’expression et exercice du droit de vote.

     Nos gouvernements se sont réfugiés dans le silence complice. Comme l’ensemble de la mythique Communauté Internationale. Soutenant dans les coulisses la répression.

     Thaksin Sinawatra, depuis son éviction par le putsch de l’armée, vit en exil, craignant pour sa vie. Entre Londres et l’Asie. Il sera de passage à Paris, le 31 mai prochain. Premier ministre régulièrement élu, renversé par un coup d’Etat militaire, il souhaitait informer l’opinion publique française.

     Mais, notre gouvernement, comme dans les autres pays occidentaux, vient de lui signifier l’interdiction de s’exprimer publiquement. (1)

     Interdit de s’exprimer. En France… Pays des Droits de l’Homme et de la Liberté d’Expression, parait-il…

     Que voulez-vous : il aurait été le Dalaï Lama, fervent partisan de la théocratie au Tibet, toutes les Bonnes Consciences se seraient précipitées, en défenseurs de la laïcité, pour se prosterner, le décorer, l’encenser, l’inviter sur les plateaux TV…

     Nos vaillants journalistes, spécialistes du terrain, de l’investigation, de l’analyse politique, soutiennent, ainsi, coups d’Etat et putschs militaires, sans hésiter une seconde. Les mêmes qui tartinent sur les “valeurs républicaines”, et la “démocratie”, dès qu’il y a du méchant Chinois ou de l’horrible Cubain comme grain à moudre …

     Porte-paroles de nos castes au pouvoir, ils font leur travail… La propagande en action.

     Devant cette abjection intellectuelle, on ne peut que partager l’appréciation si clairement exprimée par Jean-Luc Mélenchon sur ce cynique milieu de « décrypteurs de l’actualité » :

     

    « Médias Pourris »…

     

    (1)  http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2010/05/20/thailande-la-france-demande-le-silence-a-thaksin-lors-de-son-passage-a-paris_1360850_3216.html

    Source ici


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  • Où ils ont la tête, à Rue89 ? Ok, le contenu du site se fait chaque jour moins intéressant. Mais ce n’est pas une raison pour employer quelqu’un comme Michel Faure. Anti-chaviste hystérique, très coulant avec les crimes d’Uribe, il livre régulièrement des petits chefs d’œuvre réactionnaires sur l’Amérique latine. La région est certes habituée à la désinformation mais… il y a des limites.

    Michel Faure chez les Soviets

    mercredi 19 mai 2010, par Lémi

     

    «  On peut regretter aussi que Zelaya, qui était censé, en tant que président, être le gardien des institutions de son pays, ait cherché à contourner la constitution pour obtenir un deuxième mandat (interdit par cette même constitution). Le dire signifie-t-il qu’on soutient le coup d’état ? Lequel, d’ailleurs. Celui de Zelaya (parce que qu’est-ce que c’est, quand on préside, de ne pas respecter sa propre constitution) ? ou celui de Michelleti ?  » (Michel Faure, parlant en commentaire de son dernier article, du récent coup d’état au Honduras)

    Dans le croustillant et déplorable « Bons points et mauvais points de la présidence Uribe », publié le 25 mars dernier et consacré à la fin de règne du président colombien, Michel Faure était allé si loin dans l’abjection journalistique partisane que j’avais préféré ne pas en parler ici. La cible était trop grosse, trop simple et évidente. L’imposture se révélait d’elle-même, nul besoin d’en faire un billet (à noter, d’ailleurs, que la quasi intégralité des nombreux commentaires de cet article criaient au scandale pur et simple).

    La substance de l’article ? Du lourd, du très lourd : Uribe, un peu « bourrin  » sur les bords, avait un bilan plutôt positif (quatre points pour, deux contre). Certes, il était préférable qu’il ne soit plus au pouvoir, qu’il s’esquive par la grande porte. Mais il fallait quand même reconnaître qu’il avait admirablement su renforcer l’État et la justice, pas comme ces sagouins de gauchistes caudillesques (suivez son regard) qui, de toute part, envahissent l’Amérique latine. Le lapidaire, "Il a été, nous l’avons vu, un Président populaire", trônait en bonne place, paravent à toute critique.

    Voilà qui devait faire chaud au cœur aux myriades de paysans, syndicalistes et militants assassinés par les milices d’extrêmes droites (dont Uribe était l’héritier autant que le soutien), qui ont récemment reconnu la bagatelle de 30 000 meurtres (chiffre provisoire) entre 1980 et 2003 [1] Même Le Monde, pourtant coutumier de la désinformation en terre sud-américaine (ah, le traitement des référendums d’Hugo Chavez, caudillo sanguinaire, un must…) n’avait jamais été si loin. C’est dire.

    Michel Faure, le bien nommé, fait partie de cette caste de journaleux atteints du syndrome Tapioca (dont je parlais ici), ces acharnés de la démolition des gauches en Amérique latine. Non pas critiques (ce qui serait fort honorable), mais terriblement partisans, à droite toute. Ainsi de Paulo A Paranagua, correspondant du Monde en terre andine, abonné aux ricanements anti-chavistes les plus subjectifs (et sévèrement étrillé par Sébastien Fontenelle, ici).

    Des spécialistes du syndrome Tapioca (tout homme politique de gauche élu démocratiquement cache en lui un caudillo sanguinaire qui attend son heure, planqué comme l’Alien dans Sigourney Weaver), mais également de l’art du trapèze journalistique, ainsi décrit par Thierry Derrone et l’ami Grégoire Souchay (dans un article du Grand Soir parlant de Jean-Pierre Langellier, autre correspondant vespéral en terre andine, ici) : «  La technique du trapèze est simple et nécessite une connexion internet : papillonner de thème en thème, reprendre les "informations" des médias d’opposition (majoritaires au Venezuela), refuser le droit de suite au lecteur, ne jamais enquêter sur les réformes en cours. [2] »

    Comme l’expliquait Marc Saint-Upéry sur ce site (ici) : «  Au-delà des préjugés idéologiques des observateurs, il ne faut pas sous-estimer le poids de la simple paresse intellectuelle et journalistique. Essayer de vraiment comprendre ce qui se passe, c’est difficile, c’est fatigant, et ce n’est pas toujours gratifiant pour votre confort mental et vos préjugés, quels qu’ils soient.  » Ça a le mérite d’être clair.

    Bref. Revenons à nos moutons (journalistes). Michel Faure est donc un autoproclamé spécialiste de l’Amérique latine. De lui, je l’avoue humblement, je ne connais pas grand chose, hormis sa détestation viscérale de tout ce qui sous Mexico, se positionne à gauche, en général, et du président vénézuélien Hugo Chavez, en particulier (Fontenelle© - oui, encore lui). Comme je ne lis plus beaucoup Rue89 (chaque jour un peu plus vide), je le croise assez peu ; ce n’est pas plus mal, quelques expériences suffisent. Mais voilà : hier, par distraction, j’ai fait l’erreur de cliquer sur un article qui s’annonçait plutôt anodin : «  Présidentielle en Colombie : la percée du candidat Vert Mockus.  » Pas de quoi fouetter un Chavez, a priori.


    Bah… en fait, si. Passons rapidement sur la performance consistant à titrer « candidat Vert » sans jamais faire la moindre référence à l’écologie dans l’article, si bien qu’on ne sait pas trop si ce Mockus est un candidat écolo ou si c’est uniquement parce que sur la photo, il porte un sweat vert [3] (À un lecteur s’étonnant de cette bizarrerie, Faure répond en commentaire : «  Il faudrait avoir l’avis de nos lecteurs vivant en Colombie. A vrai dire, je ne suis pas sûr que l’écologie soit la priorité des Colombiens.  » Du journalisme comme on l’aime).

    Qu’importe, pendant les premiers paragraphes de cet article, Michel Faure se tient. Il décrit le parcours de ce Mockus, invité surprise des présidentielles colombiennes, fait son boulot de pisse-copie sans prendre trop de distance avec la réalité. Le lecteur avance confiant, le sujet ne se prêtant pas aux habituelles vitupérations hystériques sauce Tapioca. Et puis, dans les derniers paragraphes, patatras. Il replonge, c’est plus fort que lui, sous le très beau intertitre Son attitude vis-à-vis de Chavez inquiète (brrr) :

    Il est jugé par certains comme un « futur Zelaya », le président conservateur du Honduras devenu en cours de mandat un allié de Chavez. On peut admettre un brin de paranoïa quand on connaît les liens de Chavez avec les Farc et l’ETA, le prosélytisme du président vénézuélien, sa volonté de construire un bloc anti-yankee en Amérique latine, voire d’encercler l’allié des Etats-unis qu’est la Colombie.

    Boum ! Crise aiguë ! En trois petites phrases, tout est résumé. Primo, Zelaya est évacué en une phrase comme petit copain du grand méchant Hugo (on devine que le putsch au Honduras n’a pas vraiment chagriné Monsieur Faure : « devenu en cours de mandat un allié de Chavez », Zelaya avait rejoint l’axe du mal). Puis, balancé sur le ton de l’évidence : « quand on connait les liens de Chavez avec les Farc et l’ETA. » Sauf que ces liens n’ont jamais été prouvés.

    Ni avec l’ETA (procédure en cours à l’instigation d’un juge espagnol, sac de nœud dont il est difficile de tirer quelque chose pour l’instant), ni avec les FARC. Thème fétiche des antichavistes, cette question de l’appui au terrorisme reste en tout cas beaucoup plus complexe que ne veut le faire croire Mister Faure.


    Continuons. Le meilleur est à venir : «  le prosélytisme du président vénézuélien, sa volonté de construire un bloc anti-yankee en Amérique latine, voire d’encercler l’allié des États-unis qu’est la Colombie.  » Sous la plume de notre Rouletabille made in Rue89, le progressif rapprochement des gauches latino-américaines, plutôt porteur d’espoir, se transforme ici en sorte de rouleau compresseur prêt à écraser la pauvre et faible Colombie sous ingérence américaine (sept bases installées sur la territoire). Hugo, Correa, Morales, tous unis dans un même but : encercler la Colombie avant de la convertir, de force, à la dictature du prolétariat. Pour le moins.

    La suite de l’article recèle quelques autres perles, mais il me semble que les relever toutes n’apporterait pas grand chose au débat. Une dernière pour la route :«  Le pays avait espéré la paix, du temps de Pastrana, et les Farc n’en ont pas voulu. » S’il n’est pas question de relativiser la nuisance des Farc, les mentionner sans signaler également les milliers d’assassinats ainsi que les ingérences liées aux paramilitaires relève de la désinformation pure et simple, ou de ces mêmes œillères partisanes capables de l’amener à considérer le bilan Uribe comme globalement positif [4]. Si les Farc n’ont pas œuvré à la paix, les paramilitaires portent une responsabilité au moins aussi grande. La récurrence de cet oubli dans la prose faurienne est pour le moins révélatrice (et rédhibitoire).

    Le journalisme à la Faure est une catastrophe. Pour autant, j’admets sans hésiter que les pro-chavistes, par exemple, ne brillent pas toujours (euphémisme) par leur objectivité. Renvoyer Uribe à ce qu’il est - un politique véreux et éminemment criminel - ne doit pas empêcher, de loin, de critiquer Chavez, Morales [5] ou Correa, d’interroger l’ALBA… bref, il s’agit de ne pas verser dans le béni ouiouisme ou la dénonciation sans fondement [6]. Ce que Marc Saint-Upéry résumait ainsi sur Article11 : «  Le problème c’est qu’effectivement, entre les dénonciations libérales hystériques de la menace "totalitaire" chaviste dans la presse dominante et les fables enchantées sur la huitième merveille autogestionnaire du monde qu’on rencontre dans certains médias de gauche ou alternatifs, vous aurez du mal à trouver des analyses sérieuses et informées de ce processus complexe.  »

    Une chose de sûre : ces analyses sérieuses et informées sur ce processus complexe ne viendront pas de Michel Faure.

    Notes

    [1] Sur la question du sanguinaire règne d’Uribe, j’avais écrit un article, ici. Tu trouveras sans mal une littérature abondante sur la question, notamment sur le Monde Diplo. Même Rue89 a publié des démentis aux allégations de Michel Faure, par exemple cet article de la présidente d’Amnesty International, ici.

     

     

    [2] Voir cette recension d’Acrimed, évoquant le traitement journalistique des élections honduriennes et boliviennes.

    [3]

    [4] Georges Marchais represents…

    [5] Certes souvent défendu sur ce site, mais sur lequel il n’est pas question de s’aveugler. CQFD : quelques remises en question suivront sûrement.

    [6] D’ailleurs, il semble – jusqu’à preuve du contraire – que Maurice Lemoine du Monde Diplo ait été un peu vite en besogne en évoquant cette sombre histoire de charnier colombien sans y mettre les guillemets nécessaires. À suivre.

    Source ARTICLE XI


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  • Carla, Nicolas et les méchantes rumeurs.

    Le Figaro a rapporté que Nicolas Sarkozy ne tient pas les journalistes responsables du « climat délétère » créé par des rumeurs autour de la solidité du couple présidentiel.

    En revanche, il incriminerait le Web, « où se recyclent sans cesse les bruits et les on-dit », ce qui « nuit au métier des journalistes ».

    Lors du « Face à face » RTL du 8 avril, l’indéboulonnable Alain Duhamel nota que ces rumeurs sur les gouvernants ne sont pas nouvelles. Internet « n’est qu’un puissant levier » : « Ce qui est nouveau, c’est l’accélération gigantesque et l’amplification à travers Internet. »

    Christophe Barbier, de l’Express, a expliqué la différence entre Internet et le média : « Sur Internet, on ne travaille pas, quand on est dans un vrai média, on travaille. »

    Les lecteurs du Grand Soir se souviendront ne rien avoir lu ici sur cette affaire d’alcôve.*

    Mais la totalité de la « grande » presse française et internationale, réduisant ou occultant les informations importantes qui auraient pu éclairer les populations sur la marche du monde, s’y est vautrée.

    « L’accélération gigantesque et l’amplification » de cette rumeur ne peut aucunement être imputée à des sites qui n’en ont pas soufflé mot. L’auraient-ils fait, qu’ils ne disposent pas encore d’un public suffisant. Contrairement à nos journaleux moralisateurs qui se sont accaparés les fréquences hertziennes, les subventions, la manne des pubs, ils sont exclus du Paysage Audiovisuel français, des émissions de radio et de télé, des revues de presse. Dazibaos modernes, ils existent sous le manteau.

    Il en résulte que la secrétaire d’Etat à la famille, Nadine Morano, se trompe en préconisant la création d’une « police internationale du Net », alors qu’il urge au contraire d’ériger un tribunal de ces médias traditionnels en quête par tous les moyens d’une audience qui leur échappe parce les citoyens-jurés les ont déjà condamnés.

    Théophraste ici

    * Ni sur ce blog d'ailleurs


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