• MAPUCHES : 80 JOURS DE GRÈVE DE LA FAIM

    80 jours de grève de la faim et toujours rien. Le conflit mapuche gronde dans le sud du pays et depuis presque trois mois, 32 prisonniers politiques de la communauté indigène la plus importante du pays, sont en grève de la faim pour tenter, en vain, de mettre l’État Chilien face à ses responsabilités. Ils exigent leur libération et le retrait de la loi antiterroriste, appliquée aux militants mapuches, de manière systématique et profondément discriminante.

    Cette semaine, le conflit a pris de l’ampleur. Tandis que les grévistes faiblissent dans les prisons du sud, de nombreux manifestants mapuches ont affronté durement la police chilienne, dans les rues de Temuco comme dans le reste de la région Araucania, dans le sud du Chili.

    Comment ça vous n’en avez pas entendu parler ? Allez, on rembobine…

    Genèse de la loi antiterroriste.

    Un bon dictateur commence toujours par distinguer les gentils des méchants, c’est bien connu. Ensuite, il sauve le pays de l’invasion subversive. Jusque là, vous suivez. Comme dans un chef d’œuvre Hollywoodien, Augusto Pinochet, dictateur chilien de 1973 à 1989, n’a pas dérogé à la règle. En 1984, son gouvernement publiait une loi dite antiterroriste qui autorisait la séquestration d’individus suspects pendant toute la durée de son procès, l’appel au témoignage anonyme et surtout l’endurcissement de la peine jusque trois niveaux au dessus, en cas d’acte terroriste. Une peine de prison pouvant alors passer de 10 à 30 ans ! Mais encore fallait-il définir la notion de « terrorisme »… Dans ce cas précis, un « terroriste » n’est autre qu’un activiste qui agit en groupe et perturbe l’ordre publique en portant atteinte à la sécurité de l’État. Bateau.

    Après, il faut aussi des morts et c’est là que les choses deviennent suspectes…

    Depuis, la démocratie est revenue, mais la loi, elle, n’a pas disparue.

    Quand la loi est utilisée pour taire la lutte mapuche.

    Privés de leurs terres pour la plupart pendant la dictature, les mapuches* (à traduire par « gens de la terre ») luttent depuis le retour à la démocratie (et depuis bien plus longtemps), pour la restitution de leurs terres ancestrales, le droit à l’autodétermination et la reconnaissance de leur identité culturelle. Malheureusement, face aux intérêts voraces des grands propriétaires ou autres multinationales, la communauté indigène ne pèse pas lourd dans la balance et fait tâche dans l’ordre de la nouvelle (et fragile) démocratie chilienne, qui compte beaucoup sur les investissements étrangers. Un cas, puis deux, puis trois… c’est alors que les contestataires de la paupérisation du peuple mapuche et du statut indigène, tel qu’il est défini par la loi de 1993, ont croisé le chemin de la loi antiterroriste, confortablement installée dans la législation du pays. Vous l’aurez compris, quoi de plus facile que de taire un conflit en collant une étiquette « terroriste » aux perturbateurs ?

    Aujourd’hui, l’organisation Meli Wixán Mapu revendique plus de 40 cas d’indigènes emprisonnés ou en procès, sous les conditions définis par la loi antiterroriste, injustement et systématiquement appliquée aux militants indigènes. L’organisation estime à plus de 500, le nombre de mapuches en procès pour cette même raison, depuis la fin de la dictature.

    Là où il y a discrimination…

    80 jours de grèves de la faim dans les prisons du sud et toujours rien. Le gouvernement Piñera fait lui aussi la sourde oreille et muscle même ses actions en mandant des bataillons de carabineros réprimer les indigènes sur leur territoire. Si légalement, l’État Chilien se doit de protéger ses citoyens, comme elle le fait si bien pour une trentaine d’autres chiliens en danger de mort dans une mine, au nord du pays ; il est aussi en droit de condamner l’activisme politique comme il l’entend, au nom de la sécurité intérieure. Pourtant, dès lors que la loi antiterroriste est appliquée systématiquement aux militants mapuches et qu’une organisation est qualifiée de « terroriste » alors qu’elle ne tue personne, il y a bel et bien discrimination.

    Les banderoles se multiplient, les solidarités aussi, tandis que les négociations échouent une à une. L’État nie la discrimination alors que les preuves s’accumulent et que les prisonniers mapuches en grève de la faim faiblissent jour après jour. Depuis 2002, trois jeunes militants ont été tués par la police en défendant leurs droits.

    Allez, pour finir, une petite devinette :

    33 miniers et 32 mapuches sont en danger de mort. Un éboulement les condamne a lutter quelques temps contre la faim. Les uns sont en chômage technique, les autres en grève. Tandis que les marionnettes médiatiques dirigent leur boussole vers le nord, (après tout, c’est vers là que se déplace le président), les copains nord américains de Piñera proposent de l’aide pour sauver leurs inte… euh, une partie des victimes.

    A votre avis, qui sera sauvé ? Les méchants perturbateurs indigènes de l’ordre public ou les gentils citoyens-artisans du cuivre, piliers de l’économie libérale chilienne ?

    Allez, tapez un pour éliminer les terroristes, deux pour sauver les 33 de la mine.

    Non, y a pas de mystères.

    * Petite définition : Un mapuche est une personne de sang indigène qui vit originellement de la terre.Alors que pour certains, ils sont « les premiers chiliens », d’autres démentent leur appartenance-même à la nation Chilien. En entrant sur la scène politique, les mapuches deviennent à la fois un instrument de populisme pour la gauche (les partis d’extrême gauche les incluant la plupart du temps dans leur lutte), un idéal d’identification et de lutte pour la jeunesse citadine, déçue par la politique et son immobilisme et surtout une communauté indigène aux revendications diverses, ni unanime dans son discours, ni en accord dans ses actions.

    Quelques références en espagnol :

    http://ipsnoticias.net/nota.asp?idnews=91350

    http://observadorglobal.com/chile-mapuches-piden-ser-escuchados-n10859.html

    http://www.mapuexpress.net/?act=publications&id=4245

    http://www.uta.cl/masma/patri_edu/PDF/LeyIndigena.PDF

    http://www.uaci.udg.mx/files/File/tukari/julio/4-5.pdf

    http://www.bcn.cl/carpeta_temas_profundidad/ley-antiterrorista

    Et un très bon article du monde diplomatique en français :

    http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2010-09-15-Mapuches

     

    Liza Le Tonquer


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    1
    reineroro Profil de reineroro
    Lundi 4 Octobre 2010 à 11:20
    La majorité des détenus Mapuche en grève de la faim depuis 82 jours ont mis fin à leur jeûne après un accord avec le gouvernement selon lequel ils seront jugés pour des délits de droit commun et non plus pour terrorisme, a annoncé le prêtre médiateur du conflit... Affaire à suivre.
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :