• HONDURAS : QUI EST DERRIÈRE LA RÉPRESSION ?

    Honduras - Qui est derrière la répression ?

    Dick Emanuelsson   

    Le président du Honduras Manuel Zelaya voulait que, lors des élections du mois de novembre 2009, il y ait « une quatrième urne » pour que le peuple du Honduras, par référendum, puisse dire si oui ou non, il voulait que soit réformée la Constitution du pays. Renversé par un coup d'Etat, pourtant condamné par toute la communauté internationale (sauf la Colombie et Israël), il est désormais en exil. Depuis la répression contre la résistance populaire ne cesse de s'abattre sur le pays. Investig'Action - michelcollon.info



    Entretien avec Luis Fernando Pacheco militant du syndicat SITRAIHSS, à propos de l’assassinat de Vanessa Zepeda


    La nouvelle de l’assassinat de Vanessa Yaneth Zepeda Alonso a secoué une fois encore le peuple du Honduras et plus particulièrement les membres du Front National de la Résistance Populaire, le FNRP, dont elle était une militante enthousiaste tout comme ses deux frères.

    Le corps de la jeune infirmière, mère de trois fillettes, âgées de six mois, de 6 ans et de 9 ans, a été retrouvé au sud de Tegucigalpa, le mercredi 3 février 2010, à 15 h 30. Elle avait quitté son domicile ce matin-là et, depuis, il est impossible de reconstituer l’itinéraire qu’elle a emprunté. Son corps a été balancé hors d’une automobile en marche dans la “colonia” Loarque, au sud de la capitale. Son corps ne portait aucune trace de blessure par balle ni par arme blanche. Rien de ce qu’elle avait sur elle n’avait été volé. Elle s’était acheté une paire de tennis neufs, de marque, quelques jours auparavant, et elle les avait encore aux pieds ; même son téléphone potable a été retrouvé sur elle.  

    “Ses assassins ont tout fait pour ne pas laisser de traces sur son corps ; elles n’avait pas de blessures par balle ni aucune blessure par arme blanche. Le mutisme des employés de la Morgue qui n’ont pas autorisé la COFADEH à voir son corps justifie les plus grands doutes” écrit la COFADEH (organisme qui regroupe les parents des personnes arrêtées et disparues durant les années -80) dans un communiqué de presse. 


    Modus operandi israélien et colombien

    Andrés Pavón, président de la CODEH, (Commission de Défense des Droits de l’Homme), a déclaré, au cours d’un entretien diffusé sur Radio Globo, que les paramilitaires colombiens et les conseillers militaires israéliens sont experts dans l’art de tuer sans laisser de traces sur les corps. Cependant, “on ne peut écarter l’hypothèse que la raison de cet assassinat soit autre que politique jusqu’à ce que soit faite une enquête minutieuse et que soit rendu public le résultat de l’autopsie”, souligne Luis Fernando Pacheco, membre de la Direction Nationale du Syndicat des Travailleurs de l’Institut du Honduras d’Assurance Sociale (SITRAIHSS), au cours d’une interview & vidéo exclusive…

    “Vanessa était toujours dans la résistance avec Luis, son compagnon inséparable. Il y a 4 mois, elle a accouché de sa dernière fille, mais 40 jours après son accouchement, elle a quitté la chambre et elle a rejoint les camarades et le syndicat et a participé aux “marches de protestation “ contre le Coup d’État”, ajoute Pacheco.


    Marche en hommage à la lutte de Vanessa Zepeda

    Il déclare que la camarade participait à la formation des jeunes adhérents des syndicats et qu’elle avait l’étoffe d’un futur dirigeant du syndicat. Sa préoccupation première c’était de donner une conscience politique aux adhérents du syndicat qui grâce à des années de lutte ont conquis un emploi stable, une pension ou une assurance maladie lesquels, pensait-elle, pourraient “faire mollir” l’état d’esprit et la combattivité dans la défense des intérêts de la classe ouvrière du Honduras et de ses conquêtes sociales.
    Ce vendredi 12 février, à 18 h, à l’appel du SITRAIHSS et du FNRP, est organisée une “ Marche de Reconnaissance Envers la Lutte de Vanessa “ qui prendra son départ au bout du Boulevard Morazan et s’achèvera devant l’Ambassade du Brésil. 


    Ils enlèvent et torturent deux cameramen de la Résistance

    L’assassinat de Vanessa Zepeda a été perpétré seulement quelques heures après l’enlèvement et l’assassinat de deux cameramen de GLOBO TV, une chaîne de télévision qui appartient à la même entreprise que Radio Globo, foyer d’une opposition irréductible au Coup d’État, au régime de fait qui s’en est suivi, à son maintien au pouvoir grâce à la farce des élections du 29 novembre 2009 et à Pepe Lobo au pouvoir depuis le 27 janvier de l’année en cours.

    Les deux cameramen avaient subi des menaces déjà en novembre à cause de leur travail de journalistes, travail dont la qualité et l’intérêt ont été reconnus au plan mondial surtout après la publication des séquences désormais historiques filmées le 28 juin 2009, à 5 H 30 du matin, lorsque l’armée encercla la maison où résidait Manuel Zelaya, maison modeste qui fut la cible des militaires et qui reçut plus de cent impacts de balles ; le président fut ensuite séquestré. Depuis cette date-là, les jeunes Manuel de Jesús Murillo, 24 ans, et Ricardo Vásquez Vásquez, 27 ans, n’ont cessé d’être étroitement surveillés par les forces obscures qui ne voyaient pas d’un bon œil ces informations diffusées dans le monde entier, informations qui montraient et commentaient une réalité bien différente de celle que souhaitaient montrer le régime de facto ainsi que les médias de masse : CNN et Fox News.


    Des armes et des dollars ?

    À dix heures du soir, le mardi 2 février 2010, alors qu’ils se trouvaient dans une station-service, à Tegucigalpa, attendant une personne avec qui ils avaient rendez-vous pour un échange de vidéos en rapport avec la “Marche” du 27 janvier « deux hommes en civil, avec des armes de 9 mm et des cartes du Secrétariat de la Sécurité, braquèrent sur eux leurs armes et les avertirent que s’ils criaient ou s’ils n’obéissaient pas ils mourraient sur place. Ils les emmenèrent ensuite dans une maison où ils les torturèrent et les interrogèrent au sujet des armes et des dollars de “la quatrième urne”[1]. Ils n’arrêtaient pas de leur poser ces mêmes questions  et de les frapper et comme les deux jeunes répondaient qu'ils ignoraient tout et que leur unique arme c’était leur camescope, leurs bourreaux les torturèrent à nouveau avec plus de cruauté » écrit VIA CAMPESINA dans un communiqué. 

    Sur TV-GLOBO, Manuel de Jesús Murillo, un des journalistes enlevé, a raconté que lorsque ses bourreaux l’enfermèrent dans un sac en plastique comme ceux qu’on utilise dans les morgues et qu’ils lui dirent qu’ils allaient l’enterrer vivant la peur qu’il ressentit fut telle qu’il se pissa dessus ; par la suite les bourreaux ne purent que constater qu’ils n’en tireraient rien, alors ils consultèrent leur chef par téléphone et ce dernier, apparemment, ordonna de les éliminer. Finalement les prières que ces deux jeunes adressèrent à Dieu en cet instant d’angoisse terrible eut peut être pour effet de faire changer d’avis les bourreaux et c’est ainsi que, vers deux heures du matin, le lendemain, mercredi, ils furent abandonnés au bord du boulevard périphérique de Tegucigalpa.

    Manuel de Jesús, dans ses déclarations au quotidien TIEMPO (Le Trmps) a déclaré : « mon unique délit c’était d’avoir participé aux “marches” de la Résistance et j’avais déjà été agressé au cours des mois précédents et, plus précisément, trois jours avant les élections de Novembre 2009, ces mêmes policiers qui m’ont torturé cette fois-ci m’avaient arrêté parce que je collais des affiches ; ils ont fouillé ma maison le jour des élection, et ils ont dit à ma mère et à mes filles que si je ne leur remettais pas les armes ils les tueraient toutes. » 


    Lieu d’embuscades, assassinats et enlèvements 

    C’est dans la « colonia » Loarque, là où a été retrouvé le corps de Vanessa Zepeda, qu’était tombé dans une embuscade le président renversé Manuel Zelaya seulement deux semaines avant le Coup d’État. Deux balles s’écrasèrent sur les vitres de sa voiture blindée. Le journal putchiste El Heraldo caracterisa l’attentat de « show médiatique ». Mais « Mel»  (le peuple du Honduras appelle ainsi affectueusement son président déchu Manuel Zelaya) ne fut pas l’unique victime. 

    Un Colombien, marié et résidant au Honduras depuis de nombreuses années, a été victime d’une embuscade et assassiné au même endroit, à environ seulement deux cents mètres de la base des Forces Aériennes du Honduras. C’est à Loarque, ce quartier où il possède deux résidences, qu’habite Roberto Micheletti considéré par la Résistance comme l’homme qui a joué le rôle « civil » dans le Coup d’État du 28 juin. Ce Colombien assassiné avait été arrêté par les policiers des Renseignements, la DGIC (aujourd’hui la DNIC) et il avait été interrogé durant des mois ; il était accusé d’être un intermédiaire entre la guérilla des FARC, en Colombie, et d’éventuels marchands d’armes au Honduras. Ils n’ont trouvé absolument aucune preuve ni indice de tout cela et c’est pourquoi ils l’ont relâché avant de l’assassiner quelques mois plus tard. 

    Le 29 démembre 2009 fut enlevé et torturé Cesar Silva, photographe hondurien très actif dans le mouvement de la Résistance, dans la « colonia » Loarque. Silva a été torturé et interrogé durant 24 heures par un groupe d’inconnus qui avaient arrêté le taxi à bord duquel il se trouvait ; ils l’ont jeté dans une fourgonnette sans plaque d’immatriculation et ils l’ont emmené dans un lieu inconnu à ce jour. 


    Accord Lobo-Uribe

    Tous les crimes contre les syndicalistes  et les militants de la Résistance sont restés impunis jusqu’à ce jour. Les organismes des Droits de l’Homme honduriens sont encore plus inquiets aujourd’hui parce qu’un accord de « cooperation, d’information et de sécurité » entre le Honduras et la Colombie vient d’être signé par Alvaro Uribe, chef du gouvernement colombien, et le nouveau président du Honduras : Porfirio « Pepe » Lobo, le 30 janvier, seulement trois jours après que Lobo ait été nommé président. Uribe a été le premier chef d’État étranger à visiter le nouveau président hondurien, même s’il est vrai que ce fut une visite éclair qui ne dura que quelques heures.

    Le ministre de la Sécurité   du Honduras, Oscar Álvarez, neveu du féroce général Gustavo Álvarez Martínez, chef des FF.AA honduriennes dans les années 80 et chef de l’escadron de la mort : « Bataillon 3-16 » sera en visite officielle en Colombie pour un échange de renseignements entre les deux États et gouvernements. 


    [1] Les élections du 28 juin avaient causé la panique des classes sociales au pouvoir au Honduras et de ceux qui ont exécuté le Coup d’État ce même jour en guise de réponse à la clameur populaire qui exigeait la création d’un nouveau Honduras d’union populaire.

    Document audio complet
    Video : Partie 1 - partie 2 - partie 3

    Traduit par Manuel Colinas Balbona pour InvestigAction - michelcollon.info

    Source: Blog de l'auteur


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