• HONDURAS : L'AVANT ET L'APRES COUP D'ETAT

    Honduras : l’avant et l’après-coup d’État
    par Arnold August*

    Deux mois et demi après le coup d’État militaire, les manifestations populaires continuent au Honduras. La crédibilité de l’administration Obama a été atteinte par la révélation de son implication dans le renversement du président Zelaya, contrairement à ses dénégations publiques. L’opinion publique sud-américaine en conclut que ce n’était pas l’administration Bush qui était malade, ce sont les États-Unis. La perte de prestige de Washington a ouvert un débat sur l’absence de démocratie authentique aux USA.


    Le Frente Nacional de Resistencia mène la courageuse lutte du peuple au Honduras. Depuis maintenant 70 jours, des Honduriens de tous les horizons font face à une brutale répression militaire et policière. De manière pacifique, avec une politique cohérente et une organisation de plus en plus sophistiquée, ils réclament des changements. Parmi ceux-ci, on compte la restauration de l’ordre constitutionnel au pays et le retour du président Zelaya. À mesure que la situation évolue, la population exige de plus en plus vigoureusement la tenue d’une assemblée constituante, afin de refonder la démocratie et la nation. Le peuple affirme d’ailleurs que ces revendications sont devenues l’objectif même de la résistance actuelle, que Zelaya revienne ou non.

    Maintenant que les instigateurs du coup d’État ont déclenché des élections, le Frente Nacional de Resistencia invite le peuple à les boycotter. Cette non-reconnaissance des élections, conjuguée au mouvement de masse continuel dans les rues pour réclamer un nouveau Honduras, constitue une phase cruciale de cette lutte. Les syndicats, groupes de femmes, paysans, étudiants, intellectuels et citoyens issus d’autres couches de la société sont tous montés au front. Les putschistes espèrent légitimer le coup d’État en tenant des élections.

    Des forces politiques non-reliées au régime militaire s’associent également au mouvement de masse. La résistance a acquis un tel prestige qu’elle a réussi à gagner l’adhésion d’un vaste éventail de forces politiques. Par exemple, le 18 juillet (il y a plus d’un mois et demi), dans une entrevue avec Raimundo López, de la Prensa Latina, le député et candidat à la présidentielle (au moment de l’article) pour le Partido de Unificación Democrática (UD), César Ham, a affirmé qu’il y a avait maintenant un « Honduras pré-coup d’État, et un Honduras post-coup d’État ».

    En peu de mots, sa déclaration a cristallisé la situation actuelle et fourni un contexte historique au Honduras. L’UD est descendu dans la rue avec le Frente Nacional de Resistencia. Deux de ses membres importants ont d’ailleurs été assassinés par le régime militaire. Selon un communiqué de la Prensa Latina datant du 31 août, M. Ham ainsi que d’autres membres de l’UD ont confirmé qu’ils boycottaient les élections.

    D’autres forces politiques issues des courants non-traditionnels et même traditionnels en font autant. « Le mouvement de base », a dit Zelaya [tel que rapporté par le quotidien The Nation, le 4 septembre 2009], n’a qu’un seul objectif : la transformation du Honduras, avec des changements structurels en profondeur. « Ce mouvement est devenu très fort et ne saurait être anéanti » a-t-il dit [1]. Par ailleurs, le 5 septembre, alors que la résistance populaire contre le coup d’État militaire durait depuis 70 jours, le Frente Nacional de Resistencia se préparait à prendre de nouvelles mesures.

    Le Honduras post-coup d’État fait maintenant partie du mouvement qui s’est répandu comme une traînée de poudre à travers l’Amérique du sud, même si le Président Zelaya n’est pas encore rentré chez lui. Ce mouvement de base sud-américain représente une poussée vers le pouvoir populaire, ainsi qu’une opposition aux politiques néolibérales et à la domination états-unienne. L’objectif de ces activistes est de se servir des urnes afin de susciter des changements radicaux dans leurs pays respectifs. Plusieurs d’entre eux, tels le Venezuela, la Bolivie et l’Équateur, ont déjà procédé à l’élection d’assemblées constituantes et à la création de nouvelles constitutions modernes. D’autres, comme le Nicaragua, le Salvador et le Paraguay, pour ne nommer que ceux-là, sont en voie de refonder leur nation. Cuba est le pionnier de ces changements, même si ceux-ci se sont déroulés dans un contexte historique complètement différent et avec d’autres moyens. Par ailleurs, le triomphe de la Révolution de 1959 et la transformation révolutionnaire totale qui en a découlé sont issus de la tradition cubaine Mambisi du XIXème siècle. Parmi ses caractéristiques, celle-ci permettait au peuple de rédiger ses propres constitutions en tant que République en armes, alors que Cuba était encore une colonie espagnole.

    Le Honduras constitue un exemple de que les États-Unis qualifient, avec arrogance et mépris, de « république bananière ». Le Honduras est le troisième pays le plus pauvre de toute l’Amérique latine et des Caraïbes. Une grande partie de sa population est analphabète, comme c’était le cas en Bolivie avant l’élection d’Evo Morales et la restructuration du système politique. Néanmoins, c’est maintenant le peuple du Honduras qui donne des leçons à Washington quant à la nécessité actuelle, soit la création d’une nouvelle constitution moderne.

    Présentement, aux États-Unis, la situation politique et économique est grave. En fait, les choses vont tellement mal que certains commentateurs américains vont jusqu’à affirmer —avec ironie, bien sûr— que les États-Unis eux-mêmes sont devenus une république bananière, en raison de leur immense dette étrangère. Les États-Unis ont vu se dérouler deux victoires électorales frauduleuses sous le règne de la famille Bush. Comment est-ce possible qu’une réforme du système de santé divise le pays si profondément, tout en créant des conflits entre citoyens, et que les opposants d’extrême-droite menacent même d’avoir recours à la violence ? Bien qu’en théorie, l’esclavage et la discrimination raciale réglementée aient été éliminés au profit des droits civiques, non seulement le racisme fait-il des ravages dans la société, mais il est même en hausse.

    Les États-uniens issus de l’Amérique latine sont de plus en plus victimes d’attaques racistes dans les grands médias, lesquelles s’insinuent ensuite dans toutes les couches de la société. Le racisme est institutionnalisé. Le président Obama lui-même est victime de menaces racistes et de tentatives d’intimidation par la droite. Bien que des procédures de destitution aient été engagées contre l’ancien vice-président Dick CheneyWashington Post approuve ouvertement la torture et rejoint la position de Cheney [2]. Le gouvernement états-unien n’a pas encore tout dit sur les dessous du 11 septembre. Les États-Unis sont les plus grands marchands d’armes et de drogue au monde. C’est tout cela et bien plus encore qui se déroule dans leurs marécages boueux, en conformité ou en violation avec leur Constitution. (sans jamais avoir été mises à exécution), pour crimes de guerre et pour avoir menti à ses concitoyens afin qu’ils entrent en guerre, on entend maintenant des rumeurs affirmant que Cheney puisse être candidat aux élections présidentielles de 2012 ! S’il s’avère toutefois que Cheney ne présente pas sa candidature, c’est tout de même lui qui mène le combat pour revenir aux politiques de l’époque de Bush. Le

    Les peuples du Sud avancent. Les sections les plus progressistes et les penseurs avant-gardistes de la société états-unienne ne pourraient-ils pas tenir compte de ce mouvement, et par conséquent, réfléchir à la nécessité d’adopter une nouvelle constitution à l’intérieur même des États-Unis, laquelle permettrait aux citoyens de maîtriser à la fois leur destinée et leurs politiques étrangères ? (La même question s’applique à d’autres pays de l’hémisphère nord.)

    Le peuple du Honduras, pour sa part, est assurément en faveur d’une assemblée constituante et d’une nouvelle constitution : un juste retour des choses plein d’une savoureuse ironie pour une « république bananière ». Pendant la période précédant le coup d’État, le président Zelaya construisait un nouveau pays pour son peuple, c’est pourquoi on l’a expulsé. Néanmoins, le Honduras d’après le coup d’État s’est transformé. Le mouvement amorcé le 28 juin est encore plus profond et novateur que celui du Honduras d’avant le coup d’État. Plus que jamais, le pays s’intègre au vaste mouvement latino-américain en faveur de nouvelles politiques économiques anti-néolibérales et de nouvelles institutions politiques, et contre la domination états-unienne, le pillage de ses ressources naturelles ainsi que l’installation et l’agrandissement des bases militaires. Le Honduras connaîtra sans doute des hauts et des bas dans un avenir proche, mais à long terme, sa tendance est irréversible – comme elle l’est partout dans le sud, qui d’ailleurs, se soulève aujourd’hui.

     Arnold August

    Auteur, journaliste et conférencier spécialiste de Cuba. Livre Democracy in Cuba and the 1997-98 Elections. Chapitre « Socialism and Elections » du livre Cuban Socialism in a New Century : Adversity, Survival, and Renewal, (University Press of Florida, 2004) édité par les professeurs Max Azicri et Elsie Deal. Prochain volume Cuba : démocratie participative et élections au XXIème siècle (automne 2010 en français, anglais, et espagnol). Membre de la Latin American Studies Association (LASA)

    SOURCE VOLTAIRE NET 

     

     

     


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