• CRISE NUCLEAIRE JAPONAISE : QUI CROIRE ?

    Crise nucléaire japonaise : qui croire ?



    Tomi Mori トミ森

    Traduit par  Pedro da Nóbrega

    La plus grande crise actuelle au Japon est d’abord la crise de confiance. Il n’est déjà plus possible de croire en aucun des communiqués de la Tepco (Tokyo Electric Power Company), ni non plus dans ce qu’affirme le gouvernement japonais. Comment croire aux déclarations du gouvernement japonais ? Nul ne sait sur quel critère scientifique le gouvernement a déterminé ce périmètre de 30 km d’évacuation. Mais il est indubitable que ce périmètre n’est pas élargi car cela représenterait des milliards de yens d’indemnisations.

    À l’orée de la quatrième semaine après le début de la tragédie, sachant qu’elle est bien loin de sa conclusion, nous disposons maintenant de quelques données relativement stabilisées. Le bilan officiel des victimes s’élève à 11.620 tués, 16.444 disparus (il y a peu de probabilités que puissent encore trouvés des survivants après tant de jours), 2.877 blessés et 191.625 édifices détruits ou endommagés. Ces chiffres peuvent être considérés comme le premier volet de la tragédie. L’autre partie concerne les maisons, les cultures et les vies désorganisées par la tragédie nucléaire, qui se poursuit sans que nous puissions déterminer à quel stade de la crise nous nous situons. Les estimations pour réparer les dommages causés se chiffrent à 300 milliards de dollars. Sommes-nous au début, au milieu ou proches de la fin de cette crise?

    Manque de crédibilité

    La plus grande crise actuelle au Japon est d’abord la crise de confiance. Cette phénoménale crise de confiance, dans l’acception la plus large du terme, procède de l’attitude des autorités impliquées dans la crise nucléaire, à savoir la Tepco et le gouvernement du Premier ministre Naoto Kan.
     
    La Tepco, gestionnaire de la centrale nucléaire Fukushima 1, depuis le début de la tragédie, s’est comportée de telle façon qu’il n’est déjà plus possible de croire en aucun des communiqués qu’elle rend publics. Le Premier-Ministre japonais lui-même avait du, dès le début de la crise, se rendre au siège de l’entreprise à Tokyo pour se plaindre de la façon dont elle communiquait. Il avait été le dernier informé, l’entreprise ayant en premier lieu communiqué avec les média. Les premiers rejets, que le gestionnaire prétendait "inoffensifs", ont engendré, entre autres conséquences, une situation telle que les populations riveraines ne pourront plus retourner chez eux. Plusieurs travailleurs ont été irradiés, du fait de manquements à la sécurité sur les lieux, d’informations erronées ou, qui sait, de mensonges avérés.

    Depuis le début de cette catastrophe nucléaire, le gestionnaire fournit des données de mesure de la radioactivité mais sans que personne ne soit en capacité de connaître les critères qui ont été utilisés. Ces critères sont-ils pertinents, les équipements sont-ils appropriés, personne n’est à même de l’évaluer. Malgré tous les artifices utilisés pour minimiser la gravité d’une situation de crise, les actions de l’entreprise ont plongé. Et si elles ne sont pas encore devenues poussière, comme on peut le dire dans le langage des initiés, c’est parce qu’elle continue à dissimuler la vérité, sans dire clairement ce qui devrait être dit dans une situation aussi grave que celle-là. Il n’y a aucun doute que ce sont les considérations économiques qui priment sur toutes autres, les questions sociales relatives à la sécurité et à la vie des personnes étant reléguées au second plan. Les semaines passent mais aucune information concrète sur les issues possibles à cette crise ne filtre.
     
    La désactivation des quatre réacteurs a été annoncée cette semaine. Dans tous les cas de figure, cette opération prendra plusieurs décennies. C’était l’évidence même, après la décision désespérée de déverser des masses d’eau salée afin de réfrigérer les réacteurs. Mais plutôt que de lever les doutes, nous nous trouvons aujourd’hui face à une quantité encore plus grande d’interrogations sans réponses. Combien de temps faudra-t-il pour que la situation soit sous contrôle ? De quels moyens dispose le gestionnaire pour colmater les fuites qui mettent en péril la vie des personnes ? Maintenant que le printemps arrive et que la température augmente, comment remplacer l’eau de mer ? L’armée va-t-elle utiliser ses hélicoptères pour inonder les réacteurs de sorbet ?
     
    À l’heure actuelle, la température aux abords de Fukushima 1 est encore assez basse se situant à environ 5 degrés. Mais, qu’adviendra-t-il lorsque la température ambiante dépassera les 30 degrés ? Le gouvernement a évoqué la possibilité de recourir à de la résine mais dans quel but et de quelle façon ?
     
    Comment croire aux déclarations du gouvernement japonais ? Nul ne sait sur quel critère scientifique le gouvernement a déterminé ce périmètre de 30 km d’évacuation. Mais il est indubitable que ce périmètre n’est pas élargi car cela représenterait des milliards de yens d’indemnisations. Plus grand sera le périmètre, plus importantes seront les indemnisations à verser et le gouvernement fait à l’évidence ce calcul, quel que soit le risque encouru par des milliers de personnes. Le gouvernement, comme tout gouvernement, se doit de communiquer sur le sujet, mais il s’est montré incapable de trouver une solution rapide pour que la tragédie ne prenne pas de plus amples proportions. En l’absence d’explications fiables, j’en suis réduit à spéculer et tout semble indiquer que la situation est aujourd’hui pire et plus dramatique que le 11 mars, date du séisme.

    L’impact économique du manque de confiance

    La visite du Président Sarkozy au Japon ne fait qu’illustrer la crainte existant, dans le monde entier, que la crise japonaise puisse être la source de problèmes encore plus graves dans une situation déjà passablement compliquée. Les optimistes affirment que le monde était en train de sortir de la crise de 2008. D’autres, plus sceptiques, prétendaient que nous étions sur la voie, non d’une récession, mais d’une dépression. Quelle que soit l’opinion pour laquelle on penche, la crise actuelle japonaise, sans aucun doute, ne fait qu’assombrir la situation mondiale. La dépendance à l’énergie nucléaire de certains pays est criante, à l’image de la France de Sarkozy. La France, qui projetait de vendre des centrales nucléaires même aux Martiens, si possible, a vu son rêve s’écrouler. Mais plus encore, pourrait émerger un puissant mais redouté mouvement anti-nucléaire, facteur que le Président français cherche à éviter, en anticipant les évènements et en essayant de se présenter comme le paladin de la sécurité nucléaire, comme si c’était possible...
     
    Le manque de positions claires de la part du gouvernement entraîne une paralysie dans tous les domaines de l’activité sociale. Il est encore trop tôt pour pouvoir fournir des chiffres précis, mais, au-delà du fait que plusieurs entreprises aient été touchées, en raison du manque de pièces détachées et de composants, nous n’en sommes qu’au début de problèmes encore plus grands pour l’économie japonaise. Lors de l’été prochain, il est d’ores et déjà clair que le manque d’énergie va causer de graves problèmes. Le plus grand se posera à Tokyo, cœur de l’économie japonaise. Comment résoudre ce problème ?
     
    Cette année, les Japonais vont pouvoir grandement mettre à contribution leur créativité, mais il est hélas peu probable que cela nous épargne d’une récession. Les secteurs de la bourgeoisie impérialiste japonaise espèrent que cette tragédie engendre des opportunités d’engranger de vastes profits. Voilà qui n’est pas dénué de sens dans la mesure où les gens vont devoir acheter des réfrigérateurs, des télévisions, des lits, construire des maisons, etc... Mais nous ne pouvons pas pour autant prétendre que l’économie japonaise va s’en trouver revitalisée. Étant donné la crise nucléaire actuelle, sa durée éventuelle et ses implications possibles, le mot qui synthétise le mieux la situation japonaise aujourd’hui est "volatile". Quelle que puisse être la prochaine tragédie, elle ne sera déjà plus une surprise.





    Merci à Tlaxcala
    Source: http://www.esquerda.net/artigo/crise-nuclear-japonesa-acreditar-em-qu%C3%AA
    Date de parution de l'article original: 03/04/2011
    URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=4513


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