• La "haine contre l'islam", un fourre-tout

    Après les Assises internationales contre l'islamisation, organisées à Paris le 18 décembre, la journaliste du quotidien Al-Hayat dénonce le climat antimusulman en France. Dans un texte virulent, elle estime que le débat est instrumentalisé par plusieurs organisations.

    21.12.2010 | Nahla Chahal | Al-Hayat

    Des "Assises contre l'islamisation" se sont tenues à Paris le 18 décembre 2010.

    Le samedi 18 décembre se tenait à Paris un rassemblement contre "l'islamisation de la France". Le communiqué qui annonçait ces Assises internationales contre l'islamisation de nos pays comporte tout ce qu'on peut imaginer en phrases chocs et discours primaire. Il met en garde contre une Europe dominée par la charia et appelle les Européens en général et les Français en particulier à défendre leur "identité" et leur "civilisation". Lors des pauses, les buffets étaient composés exclusivement et symboliquement de vin et de jambon. Ce rassemblement a attiré des visiteurs du monde entier, notamment des Danois et des Suisses. Ils ont confronté leurs expériences dans la lutte contre la propagation et la domination de l'islam.

    Récemment, Marine Le Pen [probable présidente du Front national à la mi-janvier] a parlé de "l'occupation musulmane" de la France, comparant la prière sur le trottoir autour des mosquées au défilé de soldats allemands pendant la Deuxième Guerre mondiale. On lui a objecté que ces prières dans la rue étaient dues à l'exiguïté des mosquées et à leur nombre insuffisant. Madame n'en a cure : elle voudrait qu'il y ait moins de mosquées encore. Il s'agit de la fille du chef du parti d'extrême droite, celui-là même qui avait accédé au second tour [en devançant le candidat socialiste] de la présidentielle de 2002 et avait obtenu 20 % des voix. Elle se bat pour hériter du parti de son père et ainsi se présenter à la présidentielle de 2012. Certains affirment qu'il faut prendre ses déclarations pour de la démagogie électorale, ce qui serait, selon eux, une circonstance atténuante.

    La première chose à noter est que les organisateurs du rassemblement contre "l'islamisation de la France" ont confié le service d'ordre à la Ligue de défense juive (LDJ). La LDJ est une organisation quasi militaire qui fait acte d'allégeance à Israël. Généralement, elle s'occupe de perturber les rassemblements de soutien à la Palestine et à s'en prendre à certains de ses participants. Elle est interdite aux Etats-Unis [où elle a été créée en 1968 à l'initiative de Meir Kahane] en raison de sa violence et de son extrémisme. Voici qu'elle réapparaît comme protectrice d'un rassemblement de nature et d'inspiration fascistes. Car le dénominateur commun entre les deux, c'est l'hostilité bruyante à l'islam et l'appel à chasser les musulmans du pays. Il faudrait leur demander s'ils ne comptent pas les chasser en... Palestine.

    La confusion intellectuelle est un exercice auquel s'est également adonnée la ministre des Affaires étrangères française, Michèle Alliot-Marie. Lors de la conférence du Conseil européen des communautés juives, le 12 décembre dernier, elle a déclaré que la France était l'amie d'Israël, qu'elle était engagée derrière sa sécurité et son intégration dans la région (mais en quoi un ministre français peut-il décider à la place des peuples de la région !). La même ministre, oh combien éloquente, a des antécédents. Quand elle était encore ministre de la Justice, elle avait considéré que la campagne de boycott des produits israéliens était une campagne contre les produits casher et tombait donc sous le coup de la loi sur l'antiracisme. Comment, dans ce contexte, les fascistes pourraient ne pas se sentir encouragés à se rassembler pour parler du "danger de l'islam pour l'Europe" ? Comment ne pas s'étonner de voir des alliances contre nature ?

    La seconde chose qu'il faut noter est la présence de certains membres d'extrême gauche parmi les organisateurs. Leur laïcisme sans concession les a aveuglés au point de se joindre à des groupes fascistes dont certains ne sont pas si laïques que cela, puisqu'ils se réclament du christianisme. Ainsi, en fin de compte, le seul point commun entre eux est la "lutte contre l'islam". En font partie également des féministes qui considèrent le voile comme leur principal ennemi. Bref, cette réunion est fréquentée par des gens auxquels on ne s'attendait pas et dont la présence suscite des interrogations sérieuses. Les principales organisations des droits de l'homme, les grands partis de gauche, les Verts ainsi que les syndicats ont condamné la réunion et ont demandé son interdiction. N'ayant pas obtenu gain de cause, ils ont appelé à une contre-manifestation. Il s'agit là d'un combat qui se déroule en Europe et dans le monde.


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  • Qui sont les Blacks Blocs ? Où sont les Blacks Blocs ?

    Traduction du texte d’un collectif universitaire italien, en réaction à la campagne de presse des médias italiens sur de prétendus « Blacks Blocs » pendant les émeutes à Rome mardi 14 décembre.

    Cette ques­tion réap­pa­rais­sant dans la plu­part des jour­naux après chaque émeute, comme celle à Rome le 14 décem­bre, elle mérite une réponse. Est-ce que vous voulez-vous voir à quoi res­sem­blent nos visa­ges quand ils ne sont pas mas­qués par des fou­lards, des cas­ques ou des cagou­les ?

    Ce sont les mêmes visa­ges qui paient un loyer pour vos appar­te­ments pour­ris, les visa­ges de ceux à qui vous offrez des stages non rému­né­rés ou des jobs à plein temps pour 1000 euros. Ce sont les visa­ges qui paient des mil­liers d’euros pour assis­ter à vos cours. Ce sont les visa­ges des gamins que vous frap­pez quand vous les chopez avec un peu d’herbe dans leurs poches. Ce sont les visa­ges de celles et ceux qui doi­vent s’enfuir du bus quand les contrô­leurs appa­rais­sent, ne pou­vant pas se payer le voyage.

    Ce sont les gens qui cui­si­nent vos faux-filets à point dans les res­tau­rants chics, et reçoi­vent pour ça 60 euros la soirée, au black. Ce sont celles et ceux qui vous pré­pa­rent vos cafés serrés à Starbucks. Ce sont ceux qui répon­dent à vos appels en disant « 118 118, puis-je vous aider ? », ceux qui achè­tent de la nour­ri­ture à Lidl par­ce­que celle des autres super­mar­chés est trop cher. Ceux qui ani­ment vos camps de vacan­ces pour 600 euros par mois, ceux qui ran­gent les étalages des maga­sins où vous ache­tez vos légu­mes bios. Ce sont ceux à qui la pré­ca­rité bouffe toute l’énergie vitale, ceux qui ont une vie de merde, mais ont décidé qu’ils en avaient assez d’accep­ter tout ça.

    Nous fai­sons partie d’une géné­ra­tion, qui, pour un jour, a arrêté de s’empoi­son­ner le sang avec la névrose d’une vie passée dans la pré­ca­rité, et qui a sou­tenu les émeutes. Nous sommes le futur que vous devez écouter, et la seule partie saine d’une société cou­verte de métas­ta­ses. Ce qu’il est en train de se passer à Londres, Athènes et Rome est d’une impor­tance his­to­ri­que. Des places rem­plies à cra­quer de gens explo­sent de joie quand les cars de police pren­nent feu. Notre exis­tence même est dans ces cris : l’exis­tence de celles et ceux qui ne peu­vent pas croire que des gou­ver­ne­ments élus se retour­ne­raient contre leurs citoyens et leur feraient payer des dizai­nes d’années d’erreurs com­mi­ses par le sec­teur finan­cier et les mul­ti­na­tio­na­les ; l’exis­tence de ceux qui main­te­nant com­men­cent à penser que tous ensem­ble nous pou­vons com­men­cer à leur faire peur. Ces excla­ma­tions étaient furieu­ses et joyeu­ses, explo­sant depuis la partie saine de la société, pen­dant que celle empoi­son­née se cachait dans la Chambre des Députés.

    Les Black Blocs ont encore frappé. Vous feriez mieux de regar­der autour de vous main­te­nant. Des rumeurs disent que vous pour­riez en ren­contrer cer­tains pen­dant vos cours, à la biblio­thè­que, à la machine à café, au pub, sur la plage, voire même dans le bus.

    Collettivo Universitario Autonomo de Torino

    Traduit de l’anglais depuis http://www.th-rough.eu/wri­ters/camp.... Texte ori­gi­nal sur http://cua­to­rino.blog­spot.com/2010/...

    REBELLYON.INFO


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  • Qui tire les ficelles de la « révolution » du 7 décembre ? par Paco Qui tire les ficelles de la « révolution » du 7 décembre ?

    Les propos d’Éric Cantona sur « le pouvoir des banques » font mouche. Cette situation insupportable n’avait pas échappé aux militant-e-s révolutionnaires depuis des lustres, mais l’échec du mouvement pour la défense des retraites et la voracité des marchés financiers qui saignent la planète donnent une nouvelle vigueur à la colère. Ceci dit, attention aux faux amis. L’extrême droite avance masquée pour manipuler la révolte qui couve contre les marchés financiers.

    Au risque de passer pour un Martien, j’avoue ne rien savoir de Cantona. Anti-foot primaire, je n’ai jamais eu l’occasion de voir ce monsieur en train de courir en short derrière un ballon. Je sais juste qu’il a tourné un film avec Ken Loach, ce qui me le rendrait plutôt sympathique. De vilaines langues m’ont dit que le bonhomme a aussi fait de la pub pour L’Oréal, groupe dirigé par Liliane Bettancourt, une femme qu’on ne croise pas chez les bénéficiaires des Restos du Cœur.

    Avec sans doute un compte en banque plus que bien fourni, Éric Cantona se croit autorisé à parler pour les pauvres et à souffler des idées aux syndicats qui, c’est tristement vrai, ont torpillé le récent mouvement social en refusant de généraliser les grèves et les blocages économiques. Les anarchistes et, plus largement, pas mal de militant-e-s de la mouvance de la gauche anticapitaliste ne sont pas prêts d’oublier la trahison, une de plus, des syndicats réformistes. Pour autant, faut-il faire n’importe quoi avec n’importe qui ? C’est super de faire flipper les banquiers et les politiciens véreux, mais qu’est-ce qu’on fait ensuite ? Je ne pense pas que l’An 01 commencera le 8 décembre 2010… Et c’est bien dommage !

    Je ne dis pas que Cantona est un facho, mais notons que sa référence à Spaggiari, gangster nationaliste, est pour le moins « maladroite ». Là où l’on est en droit de se poser plus de questions, c’est quand on voit certains pans de l’extrême droite donner de l’audience à cet appel populiste du 7 décembre. Qui tire les ficelles de cette « révolution » ? Qui espère retirer les marrons du feu ? Sans doute involontairement, Éric Cantona a donné du grain à moudre à des gens peu recommandables jamais à cours d’idées pour alimenter un confusionnisme malsain. Disons clairement tout de suite qu’il n’y aura jamais aucune action commune possible avec ces sbires sur quoi que ce soit. Pour ne pas leur faire de publicité, inutile de citer ici les noms des marionnettistes et des sites malodorants qui agissent à peine masqués. Méfions-nous des faux amis… Ces gens espèrent surfer sur les rancœurs causées par l’échec du mouvement social contre la réforme des retraites et sur le profond dégoût qu’inspirent les marchés financiers.

    Faut-il revenir sur le palmarès néfaste des prédateurs de la haute finance ? Oui, ça fout la rage et, pour faire un clin d’œil à un vieux slogan anticlérical, nous savons que la planète se portera mieux quand le dernier patron de banque sera pendu avec les tripes du dernier actionnaire. Qui est le plus criminel ? Celui qui dévalise une banque ou celui qui en ouvre une ? La question était déjà posée par Bertolt Brecht (1898-1956) dans son Opéra de quat’sous.

    Pour ne pas déplaire aux supporters de foot (toutes les voix sont bonnes à prendre), certains militants de l’extrême gauche électoraliste osent trouver la « révolution » du 7 décembre « séduisante ». Manifestement la gauche anticapitaliste et les mouvements révolutionnaires, anarchistes compris, sont bien mal armés pour traverser la période périlleuse que nous vivons. Il va falloir vite inventer de nouvelles façons de vivre et de militer. Des alternatives sont déjà modestement en marche dans le domaine de la consommation, du logement, du travail, de la culture, de l’éducation, de la solidarité… Le chemin va se tracer en marchant et ce sera bien sûr plus complexe que d’aller faire la queue devant le guichet des banques pour retirer son argent (et le planquer dans des chaussettes ?).

    L’inconnu ne nous fait pas peur. Nous appelons même à de grands bouleversements pour instaurer la justice, la solidarité, l’égalité et la paix dans le monde. Sans justice sociale, pas de paix. Ce n’est pas une utopie. L’utopie, c’est de croire qu’on pourrait connaître la paix sur une planète minée par l’injustice sociale et le désordre économique.


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  • Éric Cantona, encore un effort pour être révolutionnaire ! par Paco Éric Cantona, encore un effort pour être révolutionnaire !

    Depuis quelques semaines, Éric Cantona nous invite à faire la « révolution » en vidant notre compte en banque le 7 décembre… Simpliste et démagogique, en quoi cette idée serait-elle révolutionnaire ? En prime, la référence à Albert Spaggiari, gangster d’extrême droite, devrait faire réfléchir les gens qui s’agitent sur Facebook.

    Suite à l’échec des grèves et manifestations contre la réforme des retraites, Éric Cantona pense qu’il suffirait de retirer son argent des banques pour faire chuter le système capitaliste. Une idée simple qui aurait le bénéfice d’être « propre ». « On va pas prendre les armes, on va pas aller tuer des gens », explique l’ex-footballeur. Pour insister sur le caractère « pacifique » de l’opération, Cantonna ajoute qu’il faut faire ça « à la Spaggiari ! ».

    On a les héros qu’on peut, mais Albert Spaggiari (1932-1989) ne figure pas dans le répertoire des héros révolutionnaires ! Si vous avez des trous de mémoire, rappelons que Spaggiari est le truand qui a dévalisé la Société Générale de Nice en 1976. Le « casse du siècle » titraient les journaux. Sur les murs de la salle des coffres, Spaggiari avait écrit : « Sans arme, ni haine, ni violence ». Le hic, c’est que ce gangster n’était pas Alexandre Jacob (anarchiste qui dévalisait pacifiquement les riches pour redistribuer l’argent aux pauvres et financer des journaux libertaires), ni Lucio Urtubia (anarchiste qui a tout aussi pacifiquement mis la First National City Bank à genoux en fabriquant des brouettes de fausse monnaie).

    Très très loin de ces Robin des Bois anars, Spaggiari fut un militant de l’Organisation armée secrète (OAS), organisation terroriste d’extrême droite qui sévissait au moment de la guerre d’Algérie, avant de se lier à des groupes nationalistes. On retrouvera ensuite ce sinistre individu dans les dictatures fascistes d’Amérique latine, notamment dans le Chili de Pinochet où il était copain avec un flic responsable de l’assassinat d’un ministre de Salvador Allende à Washington… Vous avez toujours envie de la « révolution » de Cantona ?

    Ce n’est donc pas parce que Éric Cantona a été le personnage central d’un film du cinéaste militant Ken Loach qu’il a été touché par la grâce révolutionnaire au sens où les exploité-e-s l’entendent. Bien sûr qu’on en a marre des injustices, des violences et des destructions générées par ce système cannibale qui assassine les hommes et l’environnement. Nous aussi nous voulons la mort du capitalisme, système mafieux qui vole les pauvres pour donner aux riches. Il n’est pas question de mêler nos voix à celles des ministres de l’Économie et des banquiers qui s’égosillent contre Cantona, mais pas question non plus de laisser courir des illusions qui contribueront à décevoir encore un peu plus les gens qui rêvent de transformations sociales.

    Supposons qu’il soit possible que tout le monde retire son argent le 7 décembre (sachant que celles et ceux qui souhaitent le plus la fin du système sont les moins fortuné-e-s). Admettons que cette action infaisable pour de multiples raisons réussisse. Que faisons-nous le 8 décembre ? On garde Sarkozy, l’ami des banquiers ? On le remplace par DSK, autre ami des banquiers ? On continue à pointer au boulot et à subir les patrons ? On continue à produire et à consommer n’importe quoi ? Comment on répartit les richesses (y compris celles des footballeurs) ? On fait quoi face aux flics qui nous empêcheront d’approcher des banques, du MEDEF, de l’Assemblée nationale, de l’Elysée, des télés et radios nationales… « Sans violence » qu’il dit le Cantona en oubliant de préciser que la violence est toujours du côté des maîtres du monde. Pour les opprimé-e-s, la violence n’est souvent que de la légitime défense, de la résistance.

    Tout cloche dans ton idée Cantona. Elle pouvait être drôle pendant une troisième mi-temps un peu trop arrosée, mais, une fois les vapeurs de l’alcool dissipées, reconnaît que tu te trompes de méthode. Puisque tu aimes le cinéma social, je t’invite à regarder The Take (de Naomi Klein) ou Nosotros del Bauen (de Didier Zyserman). En 2001, l’Argentine a connu une crise financière et économique sans précédent. Pour faire face, les travailleurs ont créé le Mouvement national des entreprises récupérées pour remettre en marche des entreprises de manière autogérée. C’est le cas de l’hôtel Bauen et de bien d’autres lieux. Voilà une piste intéressante, certes un peu plus complexe qu’un aller-retour au DAB de sa banque.

    Si les anarchistes prônent la grève générale expropriatrice et autogestionnaire, ce n’est pas pour amuser la galerie. Oui, hachons menu le cochon ultra-libéral. Oui, bloquons l’économie (Ah, si les « camarades » de l’intersyndicale parisienne n’avaient pas volé au secours du gouvernement pendant le mouvement pour la défense des retraites…). Oui, mettons sur la paille les actionnaires, les boursicoteurs et autres vampires. Oui, créons des banques alternatives au service de projets socialement et écologiquement utiles ici et dans les pays pillés par les pays riches. Oui, inventons une société basée sur l’égalité, la solidarité, la justice. Si tu veux jouer ce match-là Cantona, on te prend dans notre équipe.

    Lire sur Le Mague :

    - Lucio Urtubia, un moraliste anarchiste.

    - Alexandre Jacob, l’honnête cambrioleur.


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  • Il en ras-le-bol, Mathieu. Marre que les médias parlent en son nom et le rangent dans de petites cases mensongères au prétexte de son âge. Marre de cette étiquette de "jeune", qui permet d’infantiliser et de manipuler toute une (prétendue) "génération". Marre, enfin, de ces raccourcis pas du tout innocents destinés à servir le système. Il le dit ici - colère et cri du coeur.

    Droit de réponse : "Génération sacrifiée" ? Sacrifié toi-même

    Par mathieu.k

     

    Quand nos magazines et journaux sont las de presser chaque semaine les mêmes éponges, préalablement gorgées de l’eau boueuse qu’a laissée la dernière averse ayant fendu l’air du temps, il leur arrive de titrer sur le malaise social du moment. Du malaise glamour et spectaculaire, si possible. Exit les couvertures où se déploie un populisme faussement naïf concernant le fait que les riches sont riches et se connaissent trop bien. Exit aussi les numéros bigrement indécents sur la meilleure façon de se jouer de la flambée des prix de l’immobilier ou sur le classement "top 50" de ce qui reste de l’hôpital public ; sans parler des séances de veille au chevet du roi à attendre qu’il daigne faire son rôt. C’est le moment que choisissent nos canards pour faire coin-coin à propos du « malaise des jeunes », dressant le portrait d’une jeunesse « sacrifiée » en « mal d’avenir ». Rentrée universitaire oblige, journaleux de tous bords s’appuient sur la nouvelle fournée de statistiques concernant la précarité, le chômage et le mal logement pour déchaîner cette surenchère venant confirmer chaque année que nous n’allons nulle part, de manière à ce que nous soyons tous bien au courant. Soit.

    Gardés à vue

    Ce regard jeté sur notre génération apparaît l’être du seul point de vue d’un actif (pris au sens économique du terme). Un actif doté d’un CDI et d’une maison, et s’inquiétant que le jeune ne puisse le rejoindre au sein de ce paradis de l’insertion et de la possession. Ainsi on scrute, on analyse, on dissèque : âge d’entrée sur le marché du travail, proportion de jeunes mal logés, écart de salaires avec les actifs en place, pourcentage de diplômés sur une classe d’âge donnée... L’Insee, l’Ined et toutes leurs copines viennent sentir sous nos bras et vérifier notre dentition, permettant ainsi à d’autres d’établir et de légitimer diagnostics et traitements. RSA, université réformée, CPE, discrimination positive... Pour notre bien. De la même manière qu’on a toujours plaqué sur le tiers-monde des schémas de développement occidentaux, avec le concours d’indicateurs statistiques aux contours d’armes par destination d’un néo-colonialisme offensif, on comprend le « jeune » à l’aune d’une grille d’analyse qu’il faut questionner.

    Ce jeune qui trépignerait, les mains moites, dans l’antichambre du marché du travail est en partie une chimère médiatique. Nous travaillons déjà, et ce depuis longtemps pour une bonne partie d’entre nous. A côté de nos études ou à la place de nos études : petit boulot merdique deviendra vrai boulot merdique. L’enjeu n’est pas ici de nier les données macro-économiques concernant le chômage qui frappe nos tranches d’âges, ni les inégalités sociales qui le caractérisent. Mais de souligner que la situation est plus complexe, voire vicieuse. Ce chômage est un formidable outil de pression à la baisse sur nos salaires, et la précarité qui l’accompagne est la clef de voûte de tout un pan de l’économie, notamment le tertiaire.

    On en viendrait même à douter que quiconque ait un réel intérêt à ce que les choses changent, posture médiatique bien pensante mise à part. Officiellement, on se fait du souci pour nous ; officieusement, notre galère est un poumon économique indispensable. L’exemple des stagiaires est ici outrageusement significatif : 400 euros le mois de travail en fin d’études, soit 2,85 euros de l’heure pour un 35 heures - et avec du dynamisme et de la motivation, s’il vous plaît ! Le Noël permanent du patronat. L’inquiétude concernant nos logements, notre nutrition ou nos loisirs renvoie ainsi aux larmes versées par des industriels philanthropes du 19e siècle concernant les conditions de vie de leurs ouvriers. L’exploitation soutenable maquillée en problématique sociétale.

    Spectres et marionnettes

    La mutation du système vers une économie dite de la « connaissance » est - et a été - justifiée par de prétendus défis générationnels. Il s’agissait de sauver une jeunesse, empêtrée dans une inadaptation structurelle par rapport aux désidératas du marché du travail, avec en filigrane l’échec des modèles massificateurs et égalitaristes et l’avènement des doctrines relatives au « capital humain en formation ». La fac est malade, les jeunes sont malades, tu es malade, donc avale ton cachet et va te coucher.
    De l’autre côté de l’échiquier social virtuel, la problématique des jeunes « défavorisés », sous-texte poli accompagnant des images de Maghrébins en survêtement, est prétexte à tous les fantasmes. Et s’accompagne de mesures de rétorsion et de l’illusion de nouveaux mécanismes d’ascension sociale, dans des quartiers où les techniciens en charge des élévateurs mécaniques ne s’aventurent plus depuis belle lurette. Pour ceux d’entre eux qui ne veulent pas comprendre tout le bien qu’on leur souhaite, restent la case répression et la prison.
    Malheureusement, les sept ou huit stations de métro séparant les biens nés des moins bien nés ne sont qu’un des éléments du fossé réel existant entre eux. Fossé sur lequel travaillent les médias de masse en ne reliant que rarement transgression de la loi et galère du quotidien, différenciant « sauvageons » et « jeunes précaires ». La convergence pourrait être embêtante.

    Quant au récent débat sur les retraites, il s’est centré sur le fait qu’il était de la responsabilité de nos gouvernants de ne pas laisser choir sur nos épaules d’affreux déficits tout gros et très méchants. Justifiant et imposant de fait ce que le bon sens économique permettrait pourtant de réfuter. En l’absence totale de sens de l’intérêt général, la politique politicienne se pare de visages juvéniles. Historiquement c’est d’ailleurs souvent entouré de jeunes ou d’enfants que les dirigeants fascistes ont tenté d’adoucir leur image et de justifier l’injustifiable.

    Problème à résoudre et variable d’ajustement, nous sommes donc aussi un alibi de la réforme et un instrument de communication.
    Tantôt brebis égarée, tantôt fraudeur sournois, le jeune justifie alors la réduction tous azimuts de ce qu’il coûte, comme en témoignent les attaques successives sur l’aide sociale ou sur ce qu’il nous reste de minimas sociaux. Tandis qu’on le soupçonne et qu’on le fait parler, une main enfoncée dans l’arrière-train façon Tatayet, le jeune continue à payer taxes et charges sociales, parfois des impôts, et consomme ce qu’il lui reste au gré des niches marketing funs, dynamiques et follement rebelles que lui réservent banquiers, marques d’alcool et autres recéleurs de « choses mortes ». Presque comme un vrai adulte.

    Jeunesse « sacrifiée ». On imagine le corps du jeune se vidant de ce qui lui reste de sang, tressaillant des derniers assauts d’un cœur qui s’arrête, au pied d’un autel où un bourreau masqué ferait face à une foule regardant le sacrifié passer l’arme à gauche. Une façon habile d’évacuer l’idée qu’il puisse réellement prendre les armes à gauche. Un mort ne se révolte pas, et les mouvements collectifs auxquels nous participons ne sont que des remake des meilleurs scènes de Romero. La terminologie permettant aux journaleux de caractériser notre génération apparaît comme une castration de toute perspective de conscience et d’action collective. « Les idéologies c’est fini », « Mai 68, tu n’étais qu’un gamète », « La chute du mur, tu as passé des heures à la bûcher pour ton brevet », « Même pas eu l’occasion de pouvoir être trompé par Mitterrand  »... Pas le droit de croire aux idéologies du passé, non plus que d’imaginer un quelconque futur collectif. Déjà mort.

    Et quand bien même serait-on tenté de fouler le pavé pour réclamer autre chose que ce à quoi on nous destine, grand soin est apporté à la construction d’une parole médiatique présentant un jeune qui n’y comprend pas grand chose ou fait n’importe quoi. Irrationnel. Du lycéen ne sachant pas pourquoi il manifeste au « casseur » seulement présent pour déborder un cortège pourtant pacifique. De l’étudiant minoritaire et masochiste prenant plaisir à sacrifier ses examens au jeune parfois discriminé et toujours méritant qui s’intègre « malgré tout ». Avec pour paroxysme de ces constructions médiatiques de personnages de fiction, le « scandale » des étudiantes se prostituant pour payer leurs études : livre et série télé à l’appui, il s’agirait ici de dénoncer la précarité étudiante via un propos racoleur et odieux tout en alimentant les fantasmes collectifs les plus dégoûtants - et au passage d’occulter tout vrai débat de fond. Forcément, les milliers de mecs qui risquent leur vie tous les soirs pour livrer chez Pizza Hut, ça ne fait pas bander les quinqua libidineux... Quant au jeune qui oserait encore parler d’action directe ou radicale, il a droit, chaque année et au cinéma, à un blockbuster romantique et haletant réécrivant l’histoire des égéries gauchistes dans un évident sens de répréhension morale de la violence. Habile.

    Prendre sa place dans le trafic

    Bien qu’il ne soit pas question ici d’exhaustivité ou d’un empirisme que seul permettrait un travail d’enquête, il faut se demander si ce n’est pas cette rencontre violente avec le marché du travail et avec une certaine réalité sociale et économique qui amène certains d’entre nous à retarder ou à saborder leur véritable insertion - et ce plus ou moins consciemment. Quant à ceux qui sont amenés à travailler tôt, par choix et/ou par obligation, faut-il estimer pour autant qu’ils adhèrent à tout ou n’ont pas de conscience politique (au sens large) ? Cela paraît peu probable. Restent les nantis, qui attendent leur tour dans la longue file d’attente vers le club des possédants. Le postulat qui naturalise l’envie d’une classe d’âge d’être salariée le plus vite possible ne correspond pas à la complexité et à la pluralité de nos trajectoires.

    Se former longtemps ou refuser de se former, apprendre de manière discontinue et en dehors des parcours scolaires ou universitaires, apprendre par plaisir et sans souci de compétences, travailler à droite et à gauche en fuyant l’engagement de long terme, choisir sa mobilité, travailler par passion, assumer ou subir des périodes d’inactivité, vivre de peu et réduire ses besoins… et surtout, ne pas avoir envie de travailler. Tout cela ne colle définitivement pas avec les indicateurs à l’aune desquels on mesure notre malheur. Indicateurs qui en disent par contre long sur les conformismes auxquels on aimerait voir souscrire les nouveaux « entrants ». "L’insertion" est bien une norme, et non une quelconque logique ou état de nature. "S’insérer", comme si tout revenait à un choix entre dedans et dehors. Marche ou Crève. Avec eux ou contre eux.

    Refuser cette norme de l’insertion n’est pas pour autant révélateur d’une quelconque « immaturité ». Comprendre qu’on ne vivra pas d’amour et d’eau fraiche, aspirer à un revenu décent, à un toit et à un certain confort matériel, chercher de quoi occuper son temps : tout cela n’est pas forcément synonyme d’un désir ardent de devenir de la chair à canon salariale. Et quand cette impasse du salariat pousse certains à refuser catégoriquement quelque « insertion » que ce soit, le taux horaire du SMIC en vigueur (une heure de travail, un paquet de tabac à rouler) rend compréhensible le recours à des moyens illégaux de « gagner sa vie ». Dans l’attente fébrile d’un stage ou d’un CDD de deux semaines, comme le voudraient les paroles de la berceuse.

    Forcés à faire du violon

    Malgré ces remises en cause, le fondement économiquement injuste et inégalitaire qui préside à la situation des jeunes demeure assez évident. En se plaçant sur le registre des symboles, la jeunesse semble répondre à des fonctions catharsiques transcendant le cadre de cette situation économique et sociale. L’équation est complexe.
    D’une part, la religion de la contrition mémorielle qui impose les évocations obsessionnelles d’un passé sanglant – en découle une peur maladive du totalitarisme et de l’opinion extrême qui consacre définitivement le relativisme et la pondération : d’entrée, cela colle mal avec les exigences d’absolus et de révolutions.
    D’autre part, la romance d’un passé social et politique agité, qui pose des époques références, indépassables car garantes de l’ascendant de ceux qui les ont vécues sur ceux qui les vivent : la drogue brûle l’énergie révolutionnaire, mais le poids de l’histoire la castre tout autant.
    Et pour finir, le désenchantement de l’époque, semblant dire que tout est vain et dérisoire au regard de ce qui a déjà été fait ou - à l’inverse - complètement foiré. Rien n’aurait plus de sens, si ce n’est se prémunir de lendemain qui crachent leurs miasmes plus qu’ils n’entonnent une quelconque chanson. C’est dans ce contexte « festif » qu’on demande aux jeunes générations d’être des forces motrices tout en ayant intégré que la fête est terminée.

    En allant plus loin, les multiples articles concernant nos maux apparaissent comme un formidable miroir aux angoisses d’une société projetant ses impasses sur ceux dont elle n’attend plus grand chose tout en continuant à espérer un peu. Sans pour autant verser dans la psychiatrie de bas étage, il faut citer ces parents coincés entre l’envie que leur progéniture dépasse ce qu’ils ont construit et la volonté d’assurer la continuité de leur autorité. En transposant cette dualité à l’échelle d’une société, et compte tenu de la tronche de l’époque, on peut entrapercevoir les équations insolubles qu’on somme les jeunes générations de résoudre. Comme un mélomane frustré qui impose une heure de violon à son enfant récalcitrant et n’est jamais satisfait du niveau acquis par le bambin. Mais parfois, l’enfant finit par éclater le violon sur un mur de sa chambre, avec jouissance et sans se soucier du prix de l’objet.

    La faille et l’interstice

    Saluons d’ores-et-déjà la principale réussite des jeunes générations en ce début de 21e siècle : exister dans un monde de riverains, d’usagers et de propriétaires. Il y a une performance certaine dans le fait d’être jeune dans un monde structuré autour de la vieillesse. « Puisqu’on est jeune et jeune, puisqu’ils sont vieux et nombreux  », aurait pu chanter Saez. C’est ce type de raisonnement mélioratif que ne laissent pas filtrer les statistiques sur le chômage et la précarité. Quelle réaction à l’époque construisons-nous quotidiennement ? Il est plus facile de nous imaginer chialer en attendant devant l’abattoir que de se pencher sur la complexité de nos stratégies défensives et offensives.

    Il y a pourtant une riposte à la mesure de l’étau. Une intelligence de la faille et de l’interstice, une capacité à exiger l’impossible ayant pu en partie migré du terrain des mouvements collectifs à celui de l’intime ou du « groupe affinitaire ». Là-aussi, on parle pour nous et on détermine le seuil maximum de révolte créatrice autorisée. Faire de la récup’ devant les supermarché, cela est agréé. Et même, ils aiment à penser que nous répondons à notre paupérisation par le « système D », riposte considérée comme sympathique et inoffensive. Émouvant comme un jouet fabriqué par un enfant avec un pneu, un clou et deux planches. Personnellement, je pencherai plutôt pour ceux qui se servent directement dans les rayons, faisant de la gratuité un art de vivre, impliquant une technicité et une méthode qui imposent le respect. Ça, c’est de la compétence.

    Côté activité productive, ils aiment les auto-entrepreneurs ou la coloration éthique et durable des diplômes. Mais ils réprouvent que certains choisissent le RSA comme salaire indirect d’activités qui ne leur rapporteront jamais rien, et le fassent avec un sourire en forme d’ultime provocation. Et ne parlons même pas de ceux qui travaillent le moins possible. A tout prendre, ils préfèrerait les voir faire de l’associatif ou de l’humanitaire ; que les jeunes s’engagent, mais surtout sans s’engouffrer dans l’impasse du combat politique. Ils oublient que la galaxie associative est scindée, et qu’elle compte aussi l’asso’ dans laquelle on s’engage par idéal, en fuyant certaines formes de salariat, ou tout simplement faute de mieux. Cet associatif-là, qui pallie au fait que l’État providence soit sur répondeur, qui parle encore de cohésion sociale et s’aventure là où personne ne va plus. Cet associatif que l’on soupçonne de faire acte de concurrence déloyale vis-à-vis des entreprises, et que d’aucuns souhaitent mettre au pas le plus vite possible.

    Et puis, il y a les nouveaux fers de lance de l’industrie de la bonne conscience (Afev, Animafac, Promoteurs du Service Civil, ONG). Comme la mafia qui prend le relais dans les zones sinistrées et fait sa marge au passage, ils arguent de positions humanistes pour mettre leur pierre à l’édifice du sous-emploi généralisé, le chaos social et « le jeune » comme matières premières. L’engagement des jeunes où un monde sépare ceux qui colorent leur trajectoire ascendante d’un stage éthique, et ceux qui vouent leur existence à l’activisme.

    Pour ceux qui seraient tentés par cet activisme, on préfèrera qu’ils optent pour le standing du statut de « porteur de projet ». Le droit de demander des sous ainsi que la permission d’agir avec l’obligation de faire des courbettes tout en utilisant la langue du pouvoir et en satisfaisant à son cahier des charges. J’aime à penser que ces jeunes-là ont discrètement les doigts croisés dans leurs dos et ricanent même quand ils sortent du bureau. «  Les aspects positifs des jeunes énergies négatives », chante le groupe de rock toulousain Expérience.

    Le rock et les autres soupapes artistiques destinées à la jeunesse, le ministère reconnaît bien leur existence via les appellations « musiques amplifiées » ou « cultures urbaines » - qu’on subventionne (un peu) afin que le jeune puisse se divertir et s’exprimer (un peu). Mais l’effervescence de l’époque en matière de courants musicaux et plus généralement artistiques, la pluralité des formes et des lieux d’expression et l’avènement de la culture du libre et du gratuit font réagir ; comme si nous avions outrepassé la permission de minuit. Qu’importe : les lois répressives apparaissent bien dérisoires en la matière. C’est trop tard.

    Et pour finir, le jeune formé à la citoyenneté il y a quelques années sur les bancs de l’école républicaine semble avoir oublié certaines de ses leçons. En témoignent les taux d’abstention aux récents scrutins nationaux, attestant d’un désintérêt massif des jeunes électeurs pour les rendez-vous politiques obligatoires. Officiellement : irresponsables et individualistes. Mais en réalité ?

    Le temps médiatique vit d’une frénétique consommation d’un présent anxiogène, et il laisse peu de place à l’idée que nous puissions créer quand nous ne pleurons pas. Le champ de ruines faisant office de théâtre de nos vies donne à voir une friche symbolique et philosophique sur laquelle nul ne sait ce qui pousse vraiment. Il se peut même que, dans cinquante ans, les petits-enfants de nos journalistes actuels écrivent sur « La folle épopée des années 2000, quand tout était encore possible »... Déclinologie maladive et romance passéiste se passeront alors le relai. Et nous, on se fendra bien la poire, les mains cramponnées sur nos déambulateurs.

    S’il est indéniable que le chômage et la peur de l’avenir sont des ennemis équipés et entrainés, évoquer d’autres scénarios qu’une défaite semble impossible pour les plumes des actuels faiseurs de tendance. Lesquelles travaillent et cultivent à l’envi le fossé censé séparer les générations. Les jeunes sont précaires, pauvres et flexibles ? C’est aussi le cas d’une grande partie des actifs, tous âges confondus. Et il faut se demander si cette catégorie sociologique et médiatique du « jeune » n’est pas une construction artificielle de plus au service d’un certain ordre social : l’opposition entre jeunes et vieux est décidément bien utile à la castration de tout ce qui dépasse. À l’image des figures de « l’étranger », du « profiteur » ou du « délinquant », participant chacune à leur manière à la survie du système social et économique, et ce au-delà de leurs éventuelles réalités statistiques.

    À quoi et à qui sert le jeune, alors ? Pour piste de réponse, un ami me renvoyait récemment aux travaux du dénommé René Schérer qui s’est posé la question suivante : « Parlons nous d’enfant ou de mineur ? » Au sein des rapports de domination, de subordination et à l’aune des mécanismes de tutelle à l’œuvre à l’école, chez le banquier, au travail ou en maison de retraite, n’y a t-il pas une continuité entre le statut de mineur et de celui de citoyen/salarié ? Est-ce que le premier sas n’est pas un simple conditionnement au second ? Ne restons-nous pas mineur toute notre vie ? Au-delà des âges et des humeurs transitoires, il y a là sans doute un défi à relever, dans le dépassement de ce qu’on associe abusivement à cette étape de la vie et dans la déconstruction de l’articulation prétendument logique et naturelle entre jeunesse et âge adulte, entre fougue irrationnelle et renoncement conformiste.

    -

    Pour conclusion, cette lettre reçue hier de la part de mon copain le banquier :

    « Bon anniversaire !

    25 ans, une étape importante, vous allez ou venez d’entrer dans la vie active.

    Les propositions du crédit agricole franchissent aussi à cette occasion une étape :

    - Vos attentes par rapport à la gestion de vos comptes ont sans doute évolué ?
    - Vous avez peut-être des projets immobiliers ?
    - Vous souhaitez vous installer dans la vie active ?

    Pour répondre à vos interrogations je vous invite à me rencontrer le plus rapidement possible.

    Vous souhaitant une nouvelle fois un heureux 25ème anniversaire !

    Votre directeur d’agence. »

    Cher directeur d’agence, ça me fait plaisir que tu penses à moi, même si je ne comprends pas tes mots.

    Cher directeur d’agence, il y a des sentiments et des phrases que la lucidité et de la raison inhérentes à l’époque dans laquelle j’ai grandi m’interdisent, mais que je vais tout de même tenter de t’en livrer l’essence. Cela me coûte beaucoup, donc excuse ma fébrilité.

    Cher directeur d’agence, j’ai 25 ans et je t’emmerde.


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  • Elections au Brésil : deux éléphants du PS transformés en crocodiles.

    Avec 56% des suffrages (44 % pour le social-démocrate José Serra) Dilma Rousseff a succédé dimanche à Lula à la présidence du Brésil.

    Ex-militante de la gauche radicale pendant la dictature dans les années 60, elle a passé près de trois ans en prison où elle a été torturée par les militaires. Son mari, qui fut son compagnon de lutte, assure : "Elle n’a jamais tiré un coup de feu". A l’époque, les médias et les généraux juraient le contraire.

    Que de similitudes avec le passé de l’écrivain Cesare Battisti ! Militant de la gauche radicale dans une Italie mafiosi, nos médias jurent qu’il a tiré des coups de feu ! Ce qu’il a toujours nié sans qu’un seul témoin oculaire ne le contredise.

    Après avoir fui la France qui voulait le livrer à Berlusconi par traitrise à la parole donnée par Mitterrand, Battisti a été arrêté au Brésil. Au terme d’une interminable procédure judiciaire, la décision de sa libération dépend à présent de Dilma Rousseff, seule.

    Les éléphants du PS ont eu raison de se précipiter pour la féliciter. DEMAIN ELLE VA LES FAIRE PLEURER.

    GIF - 2.3 ko
    MANUEL VALLS

    Pour DSK, c’était déjà commencé : le Brésil n’est plus membre du FMI.

    Reste Manuel Valls qui, sur France Inter, le 3 septembre 2007 dans l’émission « Le franc-parler » a plaidé pour l’extradition de l’écrivain vers l’Italie où l’attend la prison à vie.

    Ce faisant, Valls a fait pipi sur la tombe de son grand père qui, pendant la guerre civile espagnole, cacha des membres du POUM (Partido Obrero de Unificación Marxista) et des anarchistes poursuivis par les franquistes sur lesquels ils avaient tiré.

    Théophraste R.

    PS. « Ce faisant » est la bonne orthographe. Dommage, « ce faisan » a son charme).

    URL de cette brève
    http://www.legrandsoir.info/+Elections-au-Bresil-deux-elephants-du-PS-transformes-en-crocodiles+.html

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  • La Banque nous asphixie
    Le Patronat nous exploite
    Les Politiques nous mentent
    Les syndicats nous vendent
    AUX CHIOTTES
    Ensemble tout est possible !

     

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  • Risque de chienlit. Guy Môquet récupéré, jeunesse incontrôlée.

    13 octobre 1940, Guy Môquet, 16 ans, résistant, membre du PCF interdit, a été arrêté sur dénonciation par la Brigade spéciale de répression anticommuniste. On sait qu’il fut fusillé.

    Emu, (heu ! récupérateur, vous croyez ?) Nicolas Sarkozy a ordonné que les professeurs lisent à leurs élèves la dernière lettre du martyr.

    Dans le même temps, les jeunes, qui sont pénalement responsables à 13 ans (oublions, je vous prie, la recherche des futurs délinquants chez les mômes de 3 ans), qui peuvent, à 16 ans, entrer dans le monde du travail et y conduire des machines dangereuses, manipuler des produits toxiques, grimper sur des échafaudages, qui peuvent se marier, sont invités par plusieurs ministres à ne pas mettre le nez dans la rue en groupe et à rester au chaud avec nourrice, biberon, doudou.

    Pourquoi ? Eh bien je vais vous le dire : c’est dangereux.

    Pourquoi c’est dangereux ? Eh bien parce que les rues sont quadrillés par des robocops armés, casqués, gantés, bottés, bardés de pare-tibias, de pare-chevilles, de pare-épaules, de pare coudes. Ce sont des keufs, poulets, condés, cognes, bourres, bleus, képis, flics, perdreaux, poulardins.

    Ce sont les forces qu’on a dressées, équipées, gonflées, assurées de l’impunité.

    Donc, disent nos gouvernants dont la tâche est de veiller sur la sécurité publique (ils nous le répètent assez), on ne vous garantit pas que nos matraqueurs assermentés ne vont pas casser des crânes, nos lanceurs de grenades tirer à l’horizontale. Et va savoir si des tasers ou flashball, ne vont pas viser des visages, nos véhicules renverser des traînards, nos experts en arrestation écraser du genou des cages thoraciques jusqu’à étouffement. Va savoir.

    Et la faute en sera aux victimes qui, au lieu de rester devant la télé à écouter les explications de Woerth, ministre de la pédagogie (et des parfums l’Oréal), seront sortis de chez eux pour crier : « Ferme-là, menteur ! ».

    On ne leur a pas appris, à l’école, que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire (sans parler de la politesse) ?

    Théophraste R. (ex-fabriquant de chienlit) legrandsoir.info.

    URL de cette brève
    http://www.legrandsoir.info/+Risque-de-chienlit-Guy-Moquet-recupere-jeunesse-incontrolee+.html

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  • Une énième réforme des retraites fait encore une fois descendre les gens dans la rue. Et pourquoi ? Préserver ce qu’il reste du droit de se reposer dune vie dexploitation, dhumiliations et de souffrances en attendant la mort ? Conserver la relative garantie quapporte une pension (souvent de misère) de pouvoir encore payer ses factures ou son mouroir (pudiquement appelé maison de retraite ou hôpital) ?

    En réalité la plupart des gens ny croient plus depuis longtemps et ne sortent que pour exprimer leur colère et leur dégoût avant de retourner à leur vie de labeur ou de chômage, sans pouvoir nourrir un quelconque espoir dans ces journées daction fantoches appelées par les syndicats. Car si lenvie de lutter était vraiment là, les syndicats, ces partenaires sociaux dont la seule finalité est aujourd’hui de contenir la rage populaire, seraient notre première cible.

    Tous font lapologie du travail et du salariat, tous négocient en notre nom la paix sociale avec nos bourreaux et trompent la confiance de celles et ceux qui les suivent en leur faisant croire que lutter cest faire les traîne-savates de temps en temps dans la rue et attendre les chiffres du ministère de l’Intérieur devant sa télé le soir. Sûr qu’ils tremblent les bourges devant ces hordes apathiques réclamant à grands cris le droit de se faire exploiter et de jouir de loisirs produits par d’autres exploité-e-s (les fameux droit au travail et pouvoir d’achat) ! Ami-e-s, on se fout vraiment de nos gueules…

    Alors nous le disons clairement : rien à foutre des retraites, du pouvoir d’achat et de ce monde pourri que l’on voudrait nous faire défendre. On en a ras le bol de trimer pour avoir le droit de recommencer le lendemain, que ce soit pour une durée de 40 ou 42 ans. Même vendre une heure de nos vies nous paraît abject ! Bien sûr, comme tou-te-s, nous y sommes (souvent) contraints mais cela ne veux pas dire que nous nous y résignons.

    Plutôt que de perdre notre temps en de vaines protestations et revendications, nous voulons créer un rapport de force qui rende possible la fin de l’exploitation et de la misère, pas leur aménagement. Nous voulons brûler nos prisons, pas y installer le câble et la clim’. Nous voulons créer un monde où nous pourrons utiliser nos têtes et nos mains en accord avec nos cœurs pour faire des choses qui profitent à nous-mêmes et aux autres, pas pour engraisser les patrons et l’État.

    Oui, nous sommes des révolutionnaires, mais en cette sombre époque, n’est-il pas urgent de (re)penser à la révolution ? Pas celle qui consiste à remplacer une élite par une autre, mais celle qui permet à chacun de vivre libre et responsable, solidaire entre égaux. Ceci ne dépend que de toi, lui et elle, en somme : de nous.


    CESSONS DE CREUSER NOS TOMBES

    EN DE VAINES NÉGOCIATIONS,

    NOUS NAURONS QUE CE QUE NOUS SAURONS CRÉER.


    Collectif Libertaire Marius Jacob (contact).

    2 commentaires
  • Label RPE : La belle raison pour endormir !

    Le label Règles Pénitentiaires Européennes* (’’RPE’’), certains diront qu’il s’agit-là d’une avancée de la modernisation dans la gestion des prisons et, d’autres, qu’il s’agit d’une meilleure prise en charge du détenu, et, plus particulièrement, de l’arrivant ou du primaire. Moi, je me contenterai d’une simple réalité utopique, ce qui est un non sens…. c’est exactement ce que je veux dire !

    La plupart n’ont jamais lu les RPE* et ne savent même pas en quoi elles consistent. Pour rappel, cet accord, entre Pays de la communauté, légiféré pour que l’organisation interne du milieu carcéral soit le plus proche possible de la dignité humaine, du respect de l’être humain, mais surtout pour une humanisation universelle, correspond à une Déclaration des Droits de l’Homme-Détenu et du Citoyen-Détenu.

    Mais comme tous textes législatifs, le fond ne correspond pas forcément à la forme sur le terrain Français. « Labelliser » les prisons françaises, nos belles prisons françaises ! Là où l’Unité de Consultation et de Soins Ambulatoires se contente d’administrer des Dolipranes comme remède à tout, ou qui prend le temps de finir son café avant d’intervenir sur un infarctus ; où les suicides sont devenus de simples incidents, des chiffres statistiques, excusés ou excusables ; où un sachet de chicorée et un carré de beurre font un petit-déjeuner complet ; où des détenus dorment sur un matelas à même le sol par manque de place ; où les détenus travaillent pour 2,36 € net de l’heure ; où l’on condamne les détenus au mitard pour une simple insulte vociférée sous le coup de la colère ou de la souffrance ; où les détenus indigents doivent donner leurs culs, mendier ou voler pour pouvoir s’allumer une clope ou boire un café ; où la violence ne cesse que lorsque les détenus sont trop fatigués pour se battre ; où on vous appelle « Bidule » au lieu de « Monsieur Bidule », comme on appellerait son chien.

    Alors avant de se parer d’un label, certificat de l’excellence, il faudrait déjà penser à ne pas mettre la charrue avant les bœufs et faire application des règles de base, celles du respect de la dignité de l’autre, du citoyen, tenu, lui, à faire pénitence de ses crimes ou délits.

    Et enfin, il est important de noter qu’il suffit, à un agent de l’Administration Pénitentiaire, de répondre correctement à 30 questions pour être, lui-même, labellisé RPE*…. Et qu’il a fallu en poser 317 à 46 Pays pour constituer les Règles Pénitentiaires Européennes *, qui ne sont en définitive, que de simples recommandations.

     Michel-ZonzonBD@hotmail.f

    Le 25 Juillet 2010

    Contact Presse : Benoit DAVID / 06 63 08 17 39

     * Règles Pénitentiaires Européennes (RPE) - Conseil de l’Europe :

     Recommandation R(2006)2 sur les règles pénitentiaires :

    http://prison.eu.org/<wbr></wbr>article7584.html

    <wbr>

    <wbr>Recommandation R(2006)2 sur les règles pénitentiaires - motifs : </wbr>

    <wbr>

    http://prison.eu.org/<wbr></wbr>article7585.html

    <wbr>

    <wbr>
    </wbr>

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    -----
    BAN PUBLIC
    Association pour la communication sur les prisons et l'incarcération en Europe
    (Adresse postale) 12 Villa Laugier - 75017 Paris
    Site: http://www.prison.eu.org
    Mail : redaction@banpublic.org

    </wbr></wbr></wbr></wbr>

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