• Troisième Forum National pour construire la résistance et défendre nos Territoires

    Capulalpam : la Babel des luttes territoriales (CIP Americas)

    Miguel Ángel Vásquez

    Pendant deux jours, Capulálpam de la Sierra Juárez s’est transformée en une Babel moderne des luttes territoriales.

    Le 20 et 21 mai, la ville hébergeait le Troisième Forum National pour construire la résistance et défendre nos Territoires, avec la participation de représentants de communautés indigènes qui parlaient des langues différentes : mixe, zapotèque, mixtèque, chatino, cuicatèque, huichol (wixarika) en plus de celle des invités étrangers.

    Selon les organisateurs, la rencontre avait pour but de "faire une analyse critique du modèle de développement actuel et d’établir une liste de revendications qui permette aux villageois de s’unir pour la défense de leurs terres". En plus des villageois, il y avait des communautés et des organisations venues de différentes parties de l’état de Oaxaca et du pays qui ont toutes pour principale mission la protection des terres contre les projets et les politiques qui menacent les ressources naturelles.

    La diversité ne se reflétait pas seulement dans les langues différentes qui se mélangeaient pendant le forum. Les organisations sociales présentes se différenciaient aussi sur le plan idéologique : il y avait des sympathisants du Zapatisme et de "l’Autre Campagne", des chrétiens engagés dans les luttes populaires, des militants communistes, des militants d’ONG, des membre de l’assemblée populaire du peuple de Oaxaca (APPO), des anarchistes et des scientifiques. Ces divergences auraient peut-être, à un autre moment, empêché le bon déroulement des débats. Mais cette fois-ci la langue et les affiliations politiques n’ont pas nui au dialogue et on est parvenu à un consensus. Le principe de base était d’écouter.

    Rurik Hernández, un membre du Front de lutte contre la mine San javier, a décrit la situation de sa communauté : "Une entreprise minière est arrivée sur le mont San Pedro à San Luis Potosí et ils se sont mis à diviser la communauté en offrant de l’argent et des maisons. Les propriétaires de l’entreprise savent très bien que si une ville est construite sur des ressources naturelles, il faut la déplacer. Ils s’emparent des minéraux et nous laissent la mort".

    Les autorités de Santiago Lachiguiri qui luttent pour recouvrir les droits sur leurs terres menacés par les soi-disant "politiciens verts" du gouvernement fédéral, ont pris le micro pour affirmer "nous ne les laisserons pas violer nos droits ni nos lois communales."

    Une femme, qui représentait la Coordination pour la défense des ressources naturelle de Tlacolula a accusé la "SEMARNATet CONAGUA d’avoir accordé des permis à un promoteur pour détourner l’eau des puits vers plus de 5 000 maisons". Cette décision irresponsable a eu pour conséquence, selon elle, de priver d’eau la population de la vallée de Tlacolula.

    Nadia Chávez, une jeune Bolivarienne qualifie les gouvernements antérieurs à Evo Morales de "traîtres à la patrie" et s’est déclarée solidaire de la lutte de Oaxaca.

    La participation des jeunes a été remarquée ; beaucoup d’entre eux étaient des étudiants en science de l’environnement de l’université de la Sierra Juárez. Les jeunes s’inquiètent de ce qui se passe dans les villages. Andrés, un étudiant de l’université a déclaré : "Nous ne pouvons pas accepter les normes mondiales de développement, nos communautés ont une approche collective qui a pour objectif principal le bien-être de tous."

    Le rêve de Marakame et les mines du Mexique

    On raconte qu’un Marakame -c’est le nom qu’on donnait aux prêtres Wixárikas- a fait un rêve prémonitoire très impressionnant. Le Marakame a rêvé qu’on lui arrachait les viscères. Pour les peuples de la région de San Luis Potosí, le rêve se rapporte aux travaux d’extraction minière qui ont commencé dans la région.

    "La terre souffre parce qu’on lui arrache les entrailles, comme dans le rêve du chamán."

    Voilà les histoires que se sont racontées les participants autour des fourneaux où on préparait à manger pour plus de 300 personnes.

    Ce n’est pas par hasard que cet événement a eu lieu à Capulálpam, car on a découvert dans les médias que le gouvernement fédéral avait accordé à l’entreprise minière canadienne Continuum Resources, qui ensuite l’a cédé à Sundance, un permis d’extraction de l’or et de l’argent sur une surface d’environ 50 000 hectares dans ce territoire zapotèque. Mais grâce à la réaction rapide et organisée de la communauté "nous avons obtenu il y a quatre ans la fermeture temporaire des travaux par le bureau du procureur fédéral de protection de l’environnement (PROFEPA)" a expliqué Francisco García López, un citoyen de Capulálpam.

    Capulálpam est typique de ce qui se passe dans tout le Mexique. Selon Hernández, membre du Front d’opposition contre la mine San Javier : "On est en train de vendre le pays, mais plus en tant que pays maquilador*, mais désormais en tant que pays qui a des minéraux et ils prétendent que Oaxaca est un centre important d’exploitation minérale au niveau national.... L’industrie pétrochimique n’est plus la priorité et c’est pourquoi le Secrétaire de l’économie et celui de l’énergie crient aux quatre vents : "Venez, venez investir au Mexique, nous avons des minéraux au Mexique !"

    Les participants se sont livrés à une critique sévère du gouverneur de l’état, Gabino Cue, qui est entré en fonction le premier décembre 2010, après 80 années de pouvoir du Parti Révolutionnaire Institutionnel. Jaime Jiménez, qui habite dans la région côtière de Paso de la Reina et qui est conseiller de l’organisation Peuples Unis pour défendre le Río Verde (COPUDEVER) a déclaré : "Ce sont toujours les mêmes insanités, il n’y a que l’habit qui change ! ... Gabino Cué connaît pourtant bien nos problèmes, il s’est engagé à nous aider ; nous avons soutenu l’alliance d’opposition et maintenant il ne se passe rien, il nous a oubliés, le gouvernement est muet."

    Le second jour du Forum, le Secrétaire des affaires indigènes, Adelfo Regino, Montes, est arrivé, attiré par une problématique qu’il connaît bien pour avoir été membre du mouvement pour les droits des indigènes de l’état. Il s’est installé dans le public comme un participant ordinaire, ce qui a fait dure aux participants du forum : "Il y eut un temps où les fonctionnaires du gouvernement étaient reçus avec honneur et installés à une table spéciale ; peut-être est-ce la promesse d’une nouvelle époque et de nouvelles relations entre le gouvernement et les peuples indigènes ?"

    La protection du territoire sacré de Capulálpam

    Le sommet du forum a été la nomination officielle par les autorités municipales de Capulálpam de leur site sacré la "Y" -qu’on appelle aussi Los Sabinos- comme "territoire historique communal pour la sauvegarde des nappes aquifères." Le décret municipal signifie que, au moins au niveau municipal, ce territoire sera protégé et on peut considérer cela comme un premier pas pour défendre l’autonomie territoriale. Les autorités ont précisé dans le décret que "C’est un lieu où se maintient vivante notre mémoire ancestrale de peuple zapotèque et où les générations successives vivent ensemble en bonne harmonie ave l’eau, les montagnes et la nature."

    Cette nomination fut précédée d’une procession religieuse qui est partie de l’église de San Mateo en direction de Los Sabinos. La cérémonie religieuse était organisée par les habitants de la municipalité voisine de Santa Catarina Lachatao. Les femmes et les hommes vêtus de leurs vêtements traditionnels portaient un étendard de la vierge en plus de trois croix, des fleurs, des bougies et de la musique et ils ont gravi la longue pente qui mène au site sacré. Salvador Aquino a expliqué qu’il s’agissait d’un rituel traditionnel pour demander la pluie.

    La cérémonie a eu lieu au pied d’une source et à l’ombre d’un arbre gigantesque. Après le rituel pendant lequel un groupe de femmes a prié et offert de la nourriture à la terre mère, le président de la municipalité, Néstor Baltasar Hernández, a ouvert formellement la réunion du conseil municipal et a ordonné la lecture de l’acte : "Nous déclarons à toutes les communautés de la Sierra Juárez, à la société en général et au gouvernement de l’état et au gouvernement fédéral en particulier, que le patrimoine de Capulálpam, ne sera jamais soumis à aucune sorte d’exploitation." Il dévoila la plaque commémoratrice et ensuite tout le monde fut invité à la fête communautaire pour partager le mezcal et les tortillas.

    Capulálpam est devenue la capitale de la résistance. C’est là que s’est constitué un peuple il y a 800 ans ; aujourd’hui les mêmes peuples indigènes confirment que ce territoire leur appartient et qu’il n’a jamais cessé de leur appartenir. Ce sont les indigènes qui ont créé cet endroit sur cette terre et ils n’y renonceront jamais.

    Miguel Ángel Vásquez de la Rosa

    Miguel Ángel Vásquez de la Rosa travaille dans les services pour une éducation alternative de Oaxaca (A.C. EDUCA). Il collabore au programme des Amériques (www.cipamericas.org/es).

    Pour consulter l’original : http://www.cipamericas.org/es/archives/4690

    Traduction : Dominique Muselet pour LGS

    Note :

    Maquiladora : Une maquiladora, ou son abréviation maquila, est l’équivalent latino-américain des zones de traitement pour l’exportation (export processing zone, EPZ, en anglais). Ce terme désigne une usine qui bénéficie d’une exonération des droits de douane pour pouvoir produire à un moindre coût des marchandises assemblées, transformées, réparées ou élaborées à partir de composants importés ; la majeure partie de ces marchandises est ensuite exportée (sauf dans le cas des maquiladoras por capacidad ociosa, orientées vers la production nationale). Wikipedia


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    http://www.legrandsoir.info/capulalpam-la-babel-des-luttes-territoriales-cip-americas.html

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  • Demain, le Nicaragua....

    William Grigsby est directeur de la radio La Primerísima et de la revue Correo. Ce texte est la transcription d’une conférence donnée le 22 février 2011, pour l’équipe de la Revue Envío.

    Dans ces quatre ans durant lesquelles le Front Sandiniste a exercé le pouvoir, il s’est occupé en premier lieu de répondre aux priorités du pays. En premier lieu des points de vue économique et social. Et il a obtenu pas mal de succès dans la réorientation des politiques économiques dans ces nouvelles circonstances.

    Le Front Sandiniste a les idées claires. En plus de ce que nous savons déjà – la gratuité de l’éducation et de la santé et les programmes sociaux qui sont des bannières de ce gouvernement – une des réussites les plus importantes de ce gouvernement a été de récupérer la fonction de l’Etat comme recteur des politiques économiques. Même s’il ne l’a pas réussi totalement, il a en tout cas initié le processus dans ce sens. Citons, par exemple, la refondation – nous pouvons l’appeler ainsi – de ENABAS (Entreprise Nicaraguayenne d’Aliments de Base), chargée de réguler le prix de certains aliments, ce qui la convertit en pivot fondamental pour maintenir l’équilibre économique de la famille. Autre exemple : les politiques stratégiques de l’Etat d’investissements énergétiques, qui ont rétabli une claire autorité de l’Etat dans tout le secteur énergétique.

    Autre exemple : la redéfinition des priorités dans la construction de chemins et de routes. Jusqu’à il y a quatre ans la priorité était mise dans les couloirs internationaux ou les routes inter-frontalières/maritimes. Aujourd’hui les priorités ont changé. Ce ne sont que quelques exemples, très importants pour construire le futur. Le gouvernement a un Plan de Développement clairement vertébré autour de deux priorités : le secteur agricole et l’ énergétique ; il a consacré ses politiques à les renforcer tous deux. Dans le secteur agricole il a priorisé la petite et moyenne production, qui dispose aujourd’hui de meilleures possibilités de crédit et de marchés qu’il y a quatre ans.

    Si on réexamine le programme que le Front Sandiniste a présenté pour les élections de 2006, il l’a réalisé à 98% et l’a dépassé dans des objectifs qui n’étaient même pas prévus. Nous avons à présent un gouvernement qui produit des résultats concrets à travers des politiques économiques et sociales qui ont réduit l’incidence de la faim dans les campagnes et qui ont renforcé de nouvelles formes d’organisation rurale, principalement autour du programme Faim Zéro, qui a promu l’organisation en coopératives paysannes de 60 mille femmes. Elles sont le germe de nouvelles structures qui pourront se développer dans les cinq prochaines années de gouvernement du Front Sandiniste.

    Vu en général, ce qu’a fait ce gouvernement a été d’asseoir les bases pour donner un saut qualitatif en termes structurels, et aussi en termes politiques, après notre victoire aux élections de novembre 2006. Dans ces premières années le Front Sandiniste s’est concentré sur la récupération des fonctions de l’Etat dans des secteurs déterminés de l’économie, installant les bases qui permettront de faire le saut.

    Les résultats économiques ont été jusqu’ici franchement favorables bien que marqués par la grande faiblesse qu’imposent les circonstances politiques. Il n’y a pas eu jusqu’ici une rupture structurelle de la société. Il n’y en a pas eu et il n’y en aura pas. Nous ne sommes pas comme en 1979, lorsqu’à la suite de l’insurrection populaire le Front Sandiniste assuma le pouvoir et tout le pouvoir. Et il a construit tout le pouvoir – le militaire, les structures de l’état –, parce que du pouvoir ancien ne restaient littéralement que des cendres. Le Front Sandiniste a construit également un cadre légal pour le pays qui s’est appelé Constitution. Telle n’est pas la situation actuelle, entre autres raisons parce que ni les possibilités politiques ni les nationales ni les internationales, ne nous le permettent. Et parce que ce n’est pas non plus l’objectif du Front Sandiniste.

    Ici il n’y a pas eu un changement structurel du pays. Ce qu’il y a eu c’est un gouvernement qui a changé les priorités de l’état, priorisant la sortie de l’extrême pauvreté d’un segment de la population et impulsant des politiques qui aident à élever le niveau de vie de toute la population. Nous l’avons fait dans un cadre politique défavorable au Front Sandiniste. Parce que nous avons gagné les élections sans avoir de majorité parlementaire et sans majorité idéologique dans la société.

    Ce que nous avions en janvier 2007 était un Front Sandiniste qui a gagné les élections avec la volonté, à partir de l’exercice du pouvoir, de s’élargir jusqu’à obtenir une majorité politique et idéologique.

    A mon sens, le principal problème du Front Sandiniste est de n’avoir pas réussi à pousser l’organisation populaire. Le Front n’a pas réussi à faire des CPC (Conseils du Pouvoir Citoyen), convertis ensuite en Cabinets du Pouvoir Citoyen, un instrument massif d’organisation de base. Ça n’a pas marché et c’est plus qu’évident dans les résultats. Il n’a pas réussi non plus à faire exister un autre type d’organisation populaire qui rende possibles ces vases communicants entre le gouvernement qui exerce le pouvoir politique et les gens. Je crois que c’est la principale faiblesse politique qu’a en ce moment le gouvernement du Front.

    Mais nous avons beaucoup de points forts avec lesquels nous arrivons aux élections de novembre. Un des points forts, indubitablement, du Front Sandiniste est un gouvernement qui a une vision et un projet très clairs et qui a fait les premiers pas dans cette direction. Le Front Sandiniste dispose aussi d’une organisation électorale très efficace et cela est démontré. L’armée d’observateurs du Front Sandiniste est expérimentée. Ils ont déjà participé avec efficacité à quatre élections générales et à quatre ou cinq élections municipales.

    Le Front Sandiniste dispose aussi d’un environnement international favorable à la consolidation du projet. Et non seulement parce qu’existe l’ALBA mais parce qu’en Amérique Latine existent des gouvernements qui adoptent une position plus nationaliste que subordonnée à la métropole nord-américaine. Autre facteur favorable : les états-uniens ne s’intéressent pas trop au Nicaragua et à l’Amérique Centrale car ils sont plus occupés par ce qui se passe dans d’autres parties du monde.

    Rappelons-nous une maxime du 19ème siècle : "Les états-unis n’ont pas d’amis, ils ont des intérêts". Je crois que le plus grand succès du Front Sandiniste dans ces quatre ans face à l’opposition fut de la maintenir divisée, ce qui est déjà beaucoup. Le plus important est qu’il a désarçonné l’opposition. L’opposition n’est plus l’interlocutrice de l’oligarchie au Nicaragua. Et elle n’est plus l’interlocutrice des intérêts états-uniens au Nicaragua. Les états-unis défendent leurs intérêts seuls, parfois avec l’opposition, parfois avec le gouvernement.

    Cette opposition que nous avons actuellement ne représente plus les intérêts des Etats-Unis. Sont-ce des amis des Etats-Unis ? Ils le sont, mais les Etats-Unis ne vont plus parier sur eux pour qu’ils soient leurs instruments. Les états-unis voient que l’opposition divisée n’a pas la possibilité de gagner et par contre ils voient que le Front a de plus grandes possibilités, on ne va donc pas en faire un ennemi. Parce que cela ne leur convient pas. Ils encourageront la droite à faire élire des députés, mais rien de plus.

    Le Front Sandiniste a le grand avantage que l’opposition est atomisée, déstructurée, sans leadership clair et sans programme. La fragmentation de l’opposition à cause de ses contradictions personnelles les empêche de participer unis et cela fait l’affaire du Front Sandiniste. Ses adversaires sont des adversaires affaiblis. Avec une faiblesse non seulement marquée par ses divisions mais aussi par des raisons idéologiques. Ceux qui ont imposé au Nicaragua la privatisation de la santé et de l’éducation publiques furent ces adversaires. Tous les paradigmes qu’ils ont pratiqué au gouvernement ont été pulvérisés au fil des ans. C’est pourquoi le discours de l’opposition est un discours creux.

    Quand on demande à Alemán ou à Montealegre ce qu’ils feraient avec le programme « Faim zéro », tous deux disent qu’il est bon mais qu’ils feraient mieux. On les a interrogés également sur la crise énergétique et ils disent la même chose : que le gouvernement a fait un bon travail, mais qu’il faut attirer plus d’investissements… Nous faisons face à une opposition sans idées propres sur ce qu’il faut faire dans le pays. Et ainsi, nous pouvons énumérer les problèmes principaux du pays et nous cherchons les propositions de solution qu’a l’adversaire et celles qu’offre le Front Sandiniste et nous trouvons, évidemment, beaucoup de similitudes, mais une différence : le Front fait les choses, eux ne les ont pas faites quand ils étaient au gouvernement. Nous avons le grand avantage d’une opposition affaiblie du point de vue de ses propositions de modèles de société et du point de vue de ses prédécesseurs. Ils n’ont pas d’idées nouvelles à proposer.

    La grande discussion contre le Front Sandiniste concerne l’institutionnalité. On accuse le gouvernement, et en particulier le président Ortega, d’abîmer l’institutionnalité, d’assumer une conduite autoritaire, de violer la Constitution et de violer les lois. Que dire à cela ? Je ne veux que rappeler que toute institutionnalité, tout cadre juridique, est fruit d’une majorité politique. Il n’existe pas de sociétés où les majorités politiques ne construisent pas les institutions.

    L’origine du cadre juridique du Nicaragua remonte à la révolution de 1979. La Constitution de 1987, c’est la révolution qui l’a faite, et celle-ci a construit aussi l’Etat, l’Armée et la Police. Mais cette Constitution, sous laquelle ont été organisées les élections de 1990, fut administrée et réformée suivant les intérêts de la majorité politique qui a surgi des élections de cette année-là. Cette nouvelle majorité politique a plié le cadre juridique à ses intérêts. Et ces intérêts sont restés gravés dans les réformes de la Constitution et des lois réalisées à partir de cette année. Citons un seul exemple de changement légal liés aux manifestations que font ces jours-ci des milliers de personnes âgées qui n’ont pas cotisé les semaines suffisantes à la sécurité sociale et qui, par conséquent, ont au moins une pension réduite.

    Et ils ne la reçoivent pas parce que le gouvernement de Violeta Chamorro a réformé la loi de la sécurité sociale et les a privés de ce droit. Et que s’est-il passé avec tout l’appareil productif d’Etat ? Liquidé et privatisé par ce gouvernement. Et avec le système financier ? Selon la Constitution de 1987 la banque est étatisée, mais à partir de 1991 ont commencé à opérer au Nicaragua des banques privées et la Constitution n’avait pas été réformée, alors qu’elle les interdisait. Et ce n’est qu’en 1995 qu’a été réformée la Constitution dans cet aspect comme dans d’autres. Pourquoi en fut-il ainsi ? Parce qu’il y avait une majorité politique qui imposait ses intérêts. Ce sont les majorités politiques qui construisent l’institutionnalité d’une société.

    En ce moment personne ne dispose au Nicaragua de majorité politique. A l’Assemblée Nationale personne ne l’a. Et il y a en ce moment une dispute pour la majorité politique et qui va se dénouer lors des élections de novembre. D’ici là, chacun apporte de l’eau à son moulin, chacun use des instruments qu’il a à sa portée. C’est ce que fait le Front Sandiniste. Et c’est ce qui s’est produit avec le décret présidentiel 3–2010. (En janvier de 2010, le Président Ortega a émis un décret pour que restent à leurs postes 25 hauts fonctionnaires publics desquels les mandats venaient à expiration, et ce tant que d’autres ne seraient pas nommés).

    Le Front Sandiniste savait que sans un accord politique avec quelques uns des deux groupes parlementaires des députés libéraux, celui de Montealegre ou celui du PLC, il n’avait pas la possibilité de choisir les 25 mandats de magistrats de la Cour Suprême, du Pouvoir Electoral, de la Cour des Comptes… Il savait aussi que l’intention de ses adversaires était de ne procéder à aucune nomination pour de cette manière paralyser les pouvoirs d’Etat et négocier dans de meilleures conditions avec le gouvernement. Sachant cela le Président Ortega les a pris de court et a pris le décret : tous deux restent à leur poste tant que ne seront pas élus les successeurs par l’Assemblée Nationale. On a argumenté que maintenir ou nommer à ces postes n’est pas une faculté du Président de la République. Il est vrai que ce n’est pas une faculté présidentielle expresse, mais la loi ne l’interdit pas non plus. C’est si vrai que personne n’a présenté de recours contre ce décret.

    Avec la fameuse institutionnalité nos adversaires ont affamé les gens pendant 17 ans et tout cela était constitutionnel. Quand il était ministre des finances Eduardo Montealegre élimina le verre de lait pour les écoliers. Retranchés dans l’institutionnalité du marché, ces gouvernements empêchaient les petits producteurs d’accéder au crédit. Je ne donne que quelques exemples. Ici l’institutionnalité a été au service d’autres intérêts, des intérêts économiques principalement. A présent nous essayons de construire une nouvelle institutionnalité, adaptée aux intérêts de cette nouvelle majorité politique qui va surgir des élections de novembre. Et tandis que nous avançons vers elle, ce qu’il y a est une bataille avec ses hauts et ses bas, avec ses extrêmes, parfois avec la corde trop tendue… et il en est toujours ainsi : nous ne pouvons oublier que toute élection est une lutte pour le pouvoir.

    Sachant que l’opposition allait jouer à la paralyse des pouvoirs de l’Etat, le président Ortega a donc pris les devants et a décrété le 3–2010. Ensuite, pour valider le décret, un avocat libéral a découvert que le second paragraphe de l’article 201 de la Constitution n’avait jamais été dérogé et s’était converti en troisième paragraphe de l’article constitutionnel 201 : il était légal, par conséquent, que les fonctionnaires restent à leur poste.

    Et bien que le Front n’a pas eu de majorité politique parlementaire en termes nominaux, l’opposition n’a pas davantage réussi à l’obtenir pour déroger le décret ni pour rejeter le troisième paragraphe de l’article 201. Aucune des deux choses n’a été atteinte. On pourra me dire que le Front a acheté des députés pour empêcher qu’ils l’atteignent. Mais, la responsabilité est-elle seulement de celui qui achète ou aussi de celui qui se vend ? Et qui a choisi les députés qui se sont vendus ? C’est l’opposition qui les a choisis, pas le Front Sandiniste. Et avec des règles du jeu telles qu’elles prévalent au Nicaragua tout est bon pour consolider une majorité politique au Parlement. L’alternative était de permettre qu’on paralyse le pays institutionnellement et nous aurions été idiots de nous laisser faire…

    A présent, nous allons aux élections de novembre pour élucider celui qui aura la majorité politique dans les prochaines cinq années. Qui comptera les votes, qui validera les résultats ? Il faut se souvenir que le système électoral nicaraguayen fut réformé en 1995 par la majorité politique d’alors. L’essence de la réforme fut de baser le système électoral du pays sur les partis politiques. Depuis lors la voie d’accès au pouvoir sont les partis politiques et ce sont les partis qui dictent les règles du jeu.

    Les élections de 1990 furent réalisées sous un autre système. C’étaient, par exemple, des maîtres et des maîtresses d’écoles, indépendamment de leur affiliation politique, qui présidaient les bureaux de vote. Après la réforme, toutes les structures électorales restèrent aux mais des partis politiques.

    Pourquoi Mariano Fiallos renonça-t-il à présider le Pouvoir Electoral ? Parce qu’il a vu venir un système totalement contrôlé par les partis et il a dénoncé que cela que cela allait être négatif. Il faut se souvenir de ce que la réforme du système électoral fut menée en 1995 par la majorité politique de ce moment, une combinaison des forces qui soutenaient Violeta de Chamorro sur certains points et les forces qui l’affrontaient sur d’autres points : sociaux-chrétiens, conservateurs et Mouvement Rénovateur Sandiniste. Le PLC (Parti Libéral Conservateur) ne faisait pas partie de ce groupe.

    Ce fut la majorité politique de l’époque qui prit la décision que l’appareil électoral institutionnel passait aux mains des partis politiques. Dans cette réforme se créa un grand espace pour les minorités électorales. De sorte qu’avec les résultats des élections de 1996 il y eut un groupe de onze députés venus de onze partis différents. Fruit de la réforme de la Loi électorale de 1995, négociées par les forces politiques dominantes dans le gouvernement de Violeta Chamorro, sont arrivés au Conseil Suprême électoral des magistrats postulés par les partis politiques. Roberto Rivas arriva par la société civile. A ce moment il n’y avait pas dans le Pouvoir Electoral de magistrats ni du PLC ni du Front Sandiniste.

    La Loi Electorale en vigueur fut réformée à nouveau par une négociation entre le PLC et le Front Sandiniste entre 1997 et 2001. Cette Loi fut faite à la mesure des deux grands partis, le PLC et le Front Sandiniste. Les deux partis n’avaient pas de représentation dans les structures électorales, n’avaient aucun magistrat au Conseil Suprême Electoral, malgré qu’ils étaient deux forces politiques majoritaires. Alors comme partie du pacte d’Alemán avec Daniel, et comme à eux deux en tant que partis ils atteignaient la majorité politique, ils ont réformé la Loi Electorale. Avec la réforme ils ont réduit l’espace des minorités électorales et l’ont élargi aux majorités électorales. C’est exactement ce qui se passe dans le modèle espagnol où Izquierda Unida a plus d’un million de votes et obtient un seul député.

    L’actuel Conseil Suprême Electoral qui nomme et décide dans les Conseils Electoraux départementaux, municipaux, régionaux et aussi dans les juntes réceptrices de votes, est le fruit de cette réforme. C’est avec ce Pouvoir Electoral et sous ces règles que se célébrèrent les élections générales de 2001 et de 2006. Ce ne sont pas une invention d’aujourd’hui. Nous suivons les mêmes règles du jeu et les résultats sortiront des mêmes règles. Rien n’a changé. Qu’est-ce qui a changé ? Que fut le changement ? Les inclinations politiques des magistrats ont changé. Roberto Rivas a changé, René Herrera a changé… Mais qui les a choisis comme magistrats ? Pas le Front Sandiniste, mais le PLC.

    Dans l’actuel système électoral, basé sur les partis politiques, ce sont les partis qui disposent de la prééminence. Ce sont les partis qui ont placé des recteurs dans toutes les structures du Conseil Suprême Electoral. Et qui va compter les votes ? Et qui va les surveiller ? Les partis, qui ont leurs juges dans chaque bureau récepteur de votes. Selon la Loi, les deux partis qui sont majoritaires aux élections antérieures sont ceux qui dominent toutes les structures électorales et tous les bureaux de vote. Fruit des élections de 2006 ces deux partis sont le FSLN et l’ALN. Entre eux deux ils se répartissent tous les Conseils départementaux, tous les Conseils municipaux et toutes les juntes réceptrices de votes. Seul le troisième membre des Conseils et des Juntes revient aux partis minoritaires. Trois membres dans chaque junte : le premier de chacun de ces deux partis, le deuxième aussi et le troisième des autres partis. Tel est le cadre légal dans lequel va se disputer le pouvoir lors des élections de cette année. Est-ce juste ou pas ? C’est une autre affaire.

    Beaucoup lèvent la bannière de l’Etat de droit et disent que doivent prévaloir les institutions et les décisions institutionnelles, mais nous voyons que dans tous les Etats ce sont les majorités politiques qui construisent l’Etat et qui choisissent les institutions. Qui choisit les magistrats du Tribunal Suprême en Espagne ? Les députés. Et les magistrats y sont divisés entre progressistes et conservateurs, ceux du PP et ceux du PSOE. Et on nous dit que l’Espagne est une panacée de la démocratie. Qui choisit les magistrats aux Etats-Unis ? Le président des Etats-Unis. Choisit-il des adversaires ? Non, il choisit ses copains. Et il les choisit pour toute la vie, parce que ce sont des mandats à vie. Qui choisit les magistrats au Costa Rica ? Celui qui a la majorité au parlement : celui qui a cette majorité élit plus de magistrats. Ce que je veux dire c’est que ce sont les majorités politiques qui déterminent l’institutionnalité d’un pays, non l’inverse.

    A qui revient-il, au Nicaragua, de prendre des décisions sur le plan juridique ? A la Cour Suprême de Justice. On dit que la Cour est dominée par Daniel Ortega. Mais comment a-t-on choisi les magistrats de la Cour, est-ce Daniel Ortega qui les a imposés ? Non, ils ont été choisis par la procédure parlementaire. En pacte avec Alemán ? Oui mais en suivant la procédure parlementaire : 8 pour le PLC et 8 pour le Front. Si nous acceptons cette légitimité, à qui correspond-il de prendre des décisions dans le cas de la réélection ? A la Cour Suprême de Justice. Qui a décidé que la réélection de Daniel Ortega était légale ? La Cour Suprême de Justice. Si le verdict me plaît ou pas, c’est autre chose. Quelqu’un pourrait lutter contre cette résolution de la Cour mais elle est légitimement prise par l’instrument auquel, selon l’Etat de Droit, il appartient de la prendre. Cela dit en passant, cette résolution de la Cour devrait aussi avoir été l’objet d’un recours, mais aucun de ceux qui l’ont critiqué n’ont usé de ce recours.

    On me dira que tout ce que je dis est assez cynique. C’est possible. Ne mélangeons pas morale et politique, c’est-à-dire ce que les capitalistes appellent morale, avec la politique. Je ne connais pas de pays où prévale la morale sur la politique. Il n’existe pas de société où la morale passe par-dessus les intérêts politiques. Cela n’existe pas. Ou peut-être dans un pays imaginaire. Avant on disait que ce pays était l’Islande mais aujourd’hui l’Islande est en faillite, poussée à la faillite par sa classe politique, ses banquiers et la Grande-Bretagne.

    Ces règles du jeu, est-ce le Front Sandiniste qui les a créées ? Non, ce n’est pas le Front. C’est sous ces règles que nous jouons et que nous rendons la monnaie. Mais évidemment ce n’est pas suffisant. Tout ce jeu se passe encore à l’intérieur du système, mais pour nous cela n’est pas suffisant. Nous aspirons à plus. Et pour l’obtenir nous avons besoin d’une majorité politique suffisante. Nous aspirons à obtenir aux élections la majorité qualifiée au Parlement. Je ne sais pas si nous allons l’atteindre mais nous aspirons à cela.

    Voyons ce qui peut se passer en novembre. Je suis convaincu comme toujours que la bataille va se jouer entre le Front Sandiniste et le PLC. Malgré l’apparition de Fabio Gadea, qui comme toute fusée part en flèche, retombe et s’éteint aussitôt. Ici la bataille va opposer le PLC au Front Sandiniste. Et ce ne sera pas une bataille facile. Certains compagnons et compagnes du Front disent : "C’est dans la poche". Ce n’est pas vrai. Entre autres raisons, parce qu’au Nicaragua il y a une puissante influence idéologique des conservateurs et cela ne change pas, ni en cinq ans ni en dix ans. Cela n’a pas changé avec la révolution, et je doute qu’on le change en cinq ans. Et ce alors que ce sont les générations nouvelles d’alors qui ont fait la révolution, mais ces générations sont à présent très conservatrices. Parce que c’est le propre de l’être humain : avec les années nous devenons conservateurs et avec les années les intérêts sont les enfants et les petits-enfants.

    Il n’est pas vrai qu’ici le Front a déjà gagné. Oui, il garde de franches possibilités de gagner car il dispose d’un capital politique et d’un nombre significtaif de voix accumulées. On ne discute pas de si le Front peut gagner la Présidence. Mais il faudra travailler très dur pour obtenir la majorité simple législative, qui est de 47 députés. Et il faudra s’efforcer davantage pour obtenir la majorité officielle qualifiée qui est de 55 députés, car la prochaine législature comptera 91 députés et non 92. Cela ne va pas se produire si les nôtres restent assis les bras croisés en attendant que cela se produise. Le PLC est fort. Le PLC a avancé comme un éléphant, pas à pas.

    Le PLC est une machine nullement méprisable. Il peut avoir un leadership critiqué, des structures affaiblies et un programme amorphe, reste qu’il a de l’expérience, qu’il a de l’argent et qu’il a aussi l’objectif politique de prendre le pouvoir. Et le pouvoir unit. L’aspiration d’obtenir le pouvoir, et la perception qu’il y a des possibilités de l’atteindre, garantit pas mal de fidélité préalable. Dans la mesure où cette possibilité s’éloigne, cela affaiblira les structures du PLC, mais en ce moment je perçois que dans les élections de novembre il y aura une collision entre ces deux trains. Dans les résultats de ce choc, les facteurs qui vont opérer ne sont pas seulement internes, mais aussi externes. Nous ignorons quelles seront les circonstances internationales qui prévaudront en novembre. Le monde est aujourd’hui très convulsionné, il ressemble de plus en plus au Nicaragua, où les choses changent d’un jour à l’autre. Nous ne savons pas ce qui va se passer au Moyen Orient, ni dans d’autres parties du monde. Ni à Cuba, ni au Venezuela, ni en Bolivie ou en Equateur… Dans tous les lieux il n’y a rien pour personne, ce qu’il y a c’est une lutte quotidienne et chacun, dans ses circonstances, lutte tous les jours pour préserver et pour augmenter le pouvoir.

    Un deuxième facteur qui peut influer électoralement est que s’aggrave la crise mondiale. Il y a différents signaux et cela dépend de l’économiste que nous lisons : les uns disent que nous sommes sortis de la crise, d’autres disent qu’une crise plus grave aura lieu en mai car nous n’avons pas encore touché le fond et que les solutions dégagées il y a quelques mois n’ont pas entamé les causes du problème. Si nous suivons ce pronostic pessimiste, nous sentirons son impact au Nicaragua.

    Nous paralyserons les exportations parce que s’il y a une crise dans les marchés riches, à qui allons-nous vendre ? Le gouvernement du Front Sandiniste a fait un effort pour diversifier les marchés. Il a ouvert le marché du Venezuela comme deuxième marché du pays et va ouvrir le Brésil, il a des possibilités d’ouvrir la Chine continentale. Mais c’est absolument insuffisant face au poids qu’a le marché des Etats-Unis dans l’économie nicaraguayenne comme cible d’exportations et comme source d’importations. Le retour de la crise peut causer de graves tensions dans l’économie nationale qui a connu une récupération significative avec une croissance de 4.5% en 2010, après une décroissance de -1.5% en 2009 et une croissance de 3.5% en 2008.

    Un troisième facteur qui peut générer des tensions électorales est le facteur climatique. Personne ne peut anticiper une sécheresse ou des pluies diluviennes ou savoir si nous allons être affectés par un ouragan ou par un tremblement de terre. Nous ne pouvons rien anticiper, nous ne pouvons jurer que rien ne va se passer ni dire ce qui va se passer, mais nous devons être préparés parce que ces catastrophes affecteraient les conditions économiques du pays et cela peut influer aussi sur le moral de l’électorat, dans l’un ou l’autre sens, selon la manière dont nous affronterons l’urgence. La manière avec laquelle le gouvernement a affronté l’urgence l’an passé a été l’objet d’éloges de tous les camps. Si les choses se déroulent dans la "normalité", sans crise économique mondiale, sans hécatombe internationale qui affecte directement le pays, sans aucun événement naturel dramatique, je crois que le Front Sandiniste a les meilleures possibilités d’obtenir un triomphe commode le 6 novembre.

    Ce jour-là nous aurons quatre élections au lieu d’une : nous élirons le Président et le Vice-président, les députés nationaux (20), les députés départementaux (70) et les députés au Parlement Centroaméricain (20). Les registres des élections 1996, de 2001 et de 2006 indiquent clairement que les gens votent le plus pour le Président, un peu moins pour les députés nationaux, un peu moins encore pour les députés départementaux et beaucoup moins pour les députés du PARLACEN (Parlement Centraméricain).

    S’il en est ainsi, nous ne pouvons parier sur le fait que si le Front Sandiniste remporte la présidence, il obtienne automatiquement la majorité législative, plus encore si l’assignation des sièges départements départements se fait suivant les résultats départementaux et non nationaux. La bataille décisive pour obtenir la majorité se livrera dans les résultats de quatre départements : Managua, León, Chinandega et Matagalpa, qui élisent 37 députés, près de 40% de l’assemblée. En faisant des calculs d’addition et de soustraction et en prenant en compte les députés obtenus en 2006, le Front a de magnifiques possibilités d’obtenir la majorité simple (47 députés), il a aussi de très bonnes possibilités d’atteindre une majorité qui dépasse les 50 députés, mais atteindre la majorité qualifiée (55) sera un objectif difficile à atteindre.

    Je crois que les résultats donneront la deuxième place au PLC. Qu’est-ce qui peut faire que s’écroule le PLC ? En ce moment je vois peu de possibilités d’écroulement. Il a un candidat faible au sens historique du mot mais en bien ou en mal, Arnoldo Alemán est son principal capital politique. Et le PLC a des possibilités réelles de disputer le pouvoir au Front Sandiniste. Autre chose est s’il le réussira. Fabio Gadea ? Il a beaucoup moins de possibilités. Il n’a pas de structures de parti, il doit la construire. Il court sous les couleurs du PLI (Parti Libéral Institutionnel), un parti qui s’est résumé à quelques groupes de personnes qui se réunissent dans les principales villes du pays et dans quelques municipalités du pays comme la Trinité.

    Le PLI n’est pas une machine de parti, et encore moins une machine électorale. Il n’a pas d’observateurs formés, il ne dispose pas des 60 mille personnes qui agissent comme observateurs et dont on a besoin pour se lancer dans une élection. C’est là une faiblesse du groupe de Gadea, qui n’est pas décisive, mais importante. Après, autour de Gadea il y a un amalgame d’intérêts, une bagarre de chiens et de chats surtout à l’heure de définir les députations. Ils doivent inscrire les listes de députés en mai. Ce ne sera pas un problème de définir les 90 députés de la liste, mais les premiers de la liste nationale et les premiers de chaque département, qui sont ceux qui vont être en position de gagner. Là il va y avoir une bataille dont nous ne connaissons pas la conclusion. Finalement, le candidat est négatif. Sélectionner Fabio Gadea me semble la pire idée qu’ils aient pu avoir.

    Qui va donner de l’argent à Gadea pour sa campagne ? Sur qui vont parier les Pellas, les Zamora, les Arana, les Baltodano ? Gadea ou Alemán ? Nous ne le savons pas encore mais ils vont parier. Parce que bien qu’ils se disent contents du gouvernement de Daniel Ortega, ils savent qu’ils ne sont pas du même monde et qu’il ne leur convient pas que le Front aie une majorité solide au Parlement. Ils vont s’efforcer que cela ne se produise pas. Sur qui vont-ils parier ? Sûrement sur les deux, mais avec plus de force sur le PLC. Ils ne vont pas le faire gratuitement : ils vont chercher des députés. Ils ont aussi le Parti Conservateur, allié au PLC, et qui va obtenir un groupe de députés propres. C’est sur eux que parie l’oligarchie parce qu’avec ces députés ils mettent en route, négocient l’approbation de lois et la nomination de fonctionnaires. A travers eux ils participent de la vie institutionnelle du pays.

    Un autre thème de discussion est celui des observateurs électoraux, converti en bannière politique par l’opposition. L’important n’est pas si on les appelle « accompagnateurs » ou « observateurs ». Si ce sont des accompagnateurs et qu’on ne fait que les emmener en promenade ils n’auront pas la fonction d’observateurs. Par contre sous des normes déterminées, oui, ils peuvent constater des processus déterminés et seront des obeservateurs. Je crois qu’au final il y aura des observateurs dans ces élections mais sous des règles déterminées du jeu.

    Est-il important qu’il y ait des observateurs ? Rappelons-nous : dans les élections de 1996 furent présents ici Jimmy Carter, Oscar Arias, César Gaviria et une armée d’observateurs. Et il y eut une fraude monumentale. Et qu’a dit Jimmy Carter à Daniel ? "Dans d’autres pays nous aurions répété les élections mais tu dois te sacrifier, et le faire pour la paix". Littéral, j’étais présent. Et Oscar Arias lui a dit la même chose, et César Gaviria lui a dit la même chose. Et ensuite tous les trois ont défendu publiquement la transparence du processus électoral...

    Il y a eu des élections sous observation en Haïti et ce fut le comble, le résultat ne fut pas l’officiel mais celui qu’imposèrent les observateurs de l’OEA. Jamais on n’a vu d’intromission ou d’ingérence aussi fortes. La fraude monumentale en Irak fut observée par l’Union Européenne. Au Salvador les dernières élections furent observées et Funes a gagné avec 58–59% des votes mais on ne lui en a adjugé que 51%. Il n’est donc pas vrai que les observateurs garantissent la fiabilité et la transparence des résultats. Quel est l’élément vital pour garantir une élection ? Les citoyens eux-mêmes. Et les observateurs des partis. Alemán, qui n’est pas un idiot, se prépare pour l’éventualité qu’il suppose, celle qu’on lui vole les élections. Ou que l’élection soit serrée. Il se prépare. Nous aussi.

    Pourquoi nous a-t-on volé les élections de1996 ? Parce que nous avons été littéralement idiots et que nous avons cru dans l’honnêteté des autres. Nous avons cru que Mariano Fiallos continuait à la tête du Conseil Suprême Electoral. Nous n’avons pas préparé d’observateurs. La tâche de l’observateur, qui est difficile, est dure, mais nous l’avons donnée au gamin le plus jeune, à celui qui n’avait rien à faire à ce moment-là, à celui qui avait du temps. Mais ils ne dominaient pas la Loi Electorale. Beaucoup d’eux dès six heures de l’après-midi étaient pressés de quitter le bureau : « on m’appelle pour signer l’acte !". Et ils s’en allaient. Nous fûmes idiots. Et cela ne nous arrivera plus : qu’on nous gagne à la loyale, sans nous voler nos voix. Les observateurs doivent être très formés.

    La Loi Electorale dit que pour imputer un résultat le membre d’un bureau doit le faire dans le bureau. S’il n’y a pas de contestation au bureau de vote, le résultat est validé et ne peuvent l’invalider ni le Conseil municipal ni le Conseil départemental ni le Conseil national. Et à l’inverse : s’il y a contestation dans le bureau, cette contestation va au Conseil Municipal et de là au Conseil départemental. Et là les décisions sont politiques. Et s’il y a trop de complications dans un bureau le mieux est d’annuler le vote totalement. C’est comme cela qu’on a procédé. C’est une décision politique. La Loi Electorale ne concerne pas le décompte des votes individuelles, ne concerne pas l’ouverture des urnes. Alors si l’observateur n’est pas formé pour savoir à quel moment contester, s’il n’est pas entraîné pour le faire avec force, c’en est fait ! C’est vrai ce que dit le Conseil Suprême électoral : les magistrats ne comptent pas les votes. Elles se comptent au bureau. Et cette année ceux qui les comptent sont le FSLN et l’ALN. Eux comptent et les juges surveillent. Ce qui n’est pas bien compté là, ne se compte plus ailleurs.

    C’est ainsi, avec ces forces et ces règles du jeu, que nous allons aux élections. Et la question clé dans toute cette bataille, c’est ce que nous espérons obtenir si nous gagnons. Parfois nous oublions, et cela nous arrive très fréquemment à nous les sandinistes, que si nous voulons le pouvoir c’est pour améliorer le niveau de vie des gens. On ne cherche pas à obtenir le pouvoir pour être plus nationaliste ni pour être plus anti-impérialiste ni pour défendre le fleuve San Juan…ni pour devenir plus riche. C’est pour que les gens ne soient plus pauvres et pour que tout le monde progresse.

    Comment imaginons-nous le pays après cinq ans de plus de gouvernement du Front Sandiniste ? Un pays qui au lieu d’avoir 19% de dénutrition chronique, comme nous l’avons actuellement – elle atteignait 27% quand nous avons assumé le gouvernement – l’aura réduite à 4–5%. Un pays où nous aurons atteint l’objectif du sixième degré scolaire pour tous. Un pays avec une production d’aliments proche des 10 millions de quintaux de riz et de haricots et avec un processus initié d’agro-industrialisation du lait, de la viande et des grains de base. Nous imaginons un pays beaucoup plus intégré, beaucoup plus vertébré.

    Sommes-nous mieux aujourd’hui qu’il y a cinq ans ? Cela dépend de chacun, il n’y a pas de réponse universelle. Il y a beaucoup de personnes qui sont aujourd’hui mieux qu’avant, il y en a d’autres qui ne le sont pas, il y en a qui sont dans la même situation qu’avant. Mais il y a des indicateurs généraux qui disent qu’aujourd’hui il y a de meilleures conditions. Il y a cinq ans on payait l’éducation et aujourd’hui elle ne se paie pas. Il y a cinq ans on payait dans les hôpitaux et aujourd’hui on ne paie pas. Il y a cinq ans il y avait un rationnement d’énergie électrique et aujourd’hui il n’y en a pas. Je crois que le Nicaragua est aujourd’hui mieux qu’il y a cinq ans et je crois que nous avons posé les bases pour être beaucoup mieux pendant les cinq ans de gouvernement du Front Sandiniste. La pauvreté est toujours là. Pour pouvoir résoudre le problème de la pauvreté nous avons besoin de croître annuellement au moins 10% pendant 20 années successives. C’est un défi gigantesque, qui ne dépend pas exclusivement de ce qui se passe au Nicaragua, mais aussi de ce qui se passe dans le contexte mondial. Nous sommes clairs là-dessus : la pauvreté est un phénomène qui ne se résout pas seulement avec une volonté politique. La volonté politique existe, mais elle ne suffit pas.

    Je crois que le pays vers lequel nous nous dirigeons sera un pays substantiellement meilleur.

    Le principal défi du Front Sandiniste en assumant le gouvernement en 2007 était de comment faire un gouvernement progressiste, qui défende les intérêts des majorités sans se battre avec les états-uniens, sans se battre avec les riches, sans se battre avec la hiérarchie catholique. Et il a réussi : on n’a pas bataillé avec les gringos et on ne s’est pas bataillé avec l’oligarchie. Le succès a été moindre dans la relation avec la hiérarchie catholique mais même cela a été médié de manière adéquate et les dommages ont été réduits au minimum.

    Tels étaient les grands défis et tels étaient les grandes peurs des gens : si le Front gagne, il va confisquer les biens, s’il gagne il va se battre avec les Etats-Unis, les capitaux vont sortir, les apports familiaux ne vont plus arriver… Ces peurs ont déjà disparu. Et c’est pour cela que ces élections vont être les plus libres depuis vingt ans. Il n’y a plus de peur. Il n’y a plus cette peur que selon le vote pour tel ou tel la guerre peut arriver ou l’argent peut partir. Dans ce sens ce seront des élections très libres. Lors des élections de 1990 on nous a mis un pistolet sur la tempe : si vous continuez à voter pour les sandinistes ce sera la guerre. Et même lors des élections de 1996, de 2001 et de 2006 on nous disait la même chose. Cette fois c’est du passé. Les gens vont voter en conscience et sans les peurs récurrentes du passé.

    Traduction : Thierry Deronne, URL : http://www.larevolucionvive.org.ve/...

    Source : Radio La Primerisima / Tortilla con Sal : http://tortillaconsal.com/tortilla/...


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  • Le gouvernement équatorien nationalise une compagnie pétrolière US.


    Le président équatorien Rafael Correa a qualifié d’historique la récente nationalisation du champ d’hydrocarbure « Amistad ». Celle-ci a été obtenue après de très dures négociations avec la compagnie nord-américaine Noble Energy opérant dans le pays à travers sa filiale Energy Development Company (EDC).

    Faute de terrain d’entente dans le cadre de la nouvelle loi des hydrocarbures introduites par le gouvernement Correa a la fin 2010, le montant de la transaction accordée par les deux parties s’élève à 74 millions de dollars en échange de la sortie de la compagnie EDC du territoire national.

    Dans ce nouveau cadre légal, les contrats pétroliers sont considérés comme des prestations de services. Le gouvernement paye donc un tarif fixe pour chaque baril extrait. Ce tarif prend en considération les coûts d’exploitation et une marge bénéficiaire raisonnable.

    EDC exploitait des gisements de gaz dans le Golf de Guayaquil. Ce gaz servait à la génération d’électricité via la centrale Machala Power dont EDC en était aussi l’exploitant. A présent, l’extraction ainsi que la centrale électrique sont passées respectivement sous le contrôle de l’entreprise publique Petroecuador et de la Corporation Électrique de l’Équateur (CELEC).

    Des 74 millions de dollars versés par le gouvernement équatorien à EDC, 45 millions correspondent à l’acquisition de la plateforme d’extraction située a 65 km de Puerto Bolivar . Les 29 millions restants ont financé l’acquisition de la centrale Machala Power.

    Cet investissement sera cependant amorti en 365 jours grâce aux économies réalisées sur l’importation de diesel pour la partie thermoélectrique de la centrale de Machala qui, comme l’annonça Rafael Correa, fonctionnera dorénavant au gaz.

    A ce propos, le président équatorien explique : « Ici, nous ne vivons pas une époque de changements, nous vivons un changement d’époque, parfois en créant de toutes pièces, parfois en récupérant ce qui de droit nous appartient depuis toujours. »

    « Le gaz du Golfe (de Guayaquil) nous a toujours appartenu mais à cause de la signature de contrats défavorables pour le pays et d’un investissement étranger inadéquat, il a passé trop de temps aux mains d’une entreprise non équatorienne sans que cela n’ai généré d’augmentation de la production. »

    La faible production ainsi que sa stagnation sont dûs, selon le chef de l’État équatorien, à l’établissement de contrats léonins stipulant que toute augmentation de la production signifiait un accroissement de la participation de l’État. EDC s’est donc employé à maintenir une production faible pendant plus d’une décennie.

    Et Correa de conclure : « En nationalisant Machala Power, nous seront en mesure, à court terme, d’accroître la production et d’optimiser la génération d’électricité et même de créer des excédents afin d’alimenter les usines d’Azuay via Tankers. »

    Source : Correo del Orinoco

    http://www.correodelorinoco.gob.ve/...

    Traduction française : Yerko Ivan, pour www.larevolucionvive.org.ve


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  • Venezuela : nationalisme de pacotille ou anti-impérialisme conséquent ?

    Face aux plaintes de transnationales, sortir du CIRDI, maintenant !

    Par Gonzalo Gómez

    Une multitude de procès contre la révolution bolivarienne

    Luis Britto Garcia, avocat et intellectuel renommé, a de nouveau alerté sur la menace d’un « coup d’État judiciaire » qui pourrait anéantir nos réserves internationales et notre souveraineté. On assiste en effet à une multitude de procès contre le Venezuela devant des tribunaux étrangers et des « arbitres » de l’impérialisme comme le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) |1| de la Banque mondiale. Ces jugements vont à l’encontre des décisions souveraines de l’État vénézuélien par exemple dans le secteur des hydrocarbures, des finances, des expropriations, etc.

    Cela a débuté par la transnationale Exxon qui a exigé 12 milliards de dollars. La compagnie pétrolière nationale PDVSA a « gagné » la première manche mais sa faiblesse a été d’accepter de se soumettre à une juridiction étrangère plutôt que d’appliquer de manière conséquente ce que prévoit la Constitution |2|. Maintenant, avec le rejet par la Cour d’appel des États-Unis du recours du Venezuela contre le paiement de 8 milliards de dollars à des investisseurs de Bandagro |3|, c’est le retour de boomerang. Une autre plainte émanant de l’entreprise Cemex |4| est en cours de jugement devant le CIRDI. Le Venezuela subit également les attaques d’autres entreprises comme Conoco, Gold Reserve et Intesa |5|. Quant aux saisies, elles pourraient dépasser le double des montants réclamés par ces entreprises. Ces entreprises alliées aux institutions du capitalisme global comme le CIRDI s’attaquent ainsi à la base économique et politique de la révolution bolivarienne.

    L’État bureaucratique et bourgeois défend ses liens avec l’impérialisme

    L’article 153 de la Constitution bolivarienne, élaborée en 1999, prévoit que les litiges concernant des contrats d’intérêt public seront résolus par les lois et tribunaux vénézuéliens. Mais les transnationales profitent des brèches laissées par les membres bourgeois de l’Assemblée Constituante de 1999 qui ont ensuite participé au coup d’État de 2002. Des magistrats de l’ancienne Cour suprême, qui avait parlé de vide de pouvoir et non de coup d’État, et d’autres de l’actuel Tribunal Suprême ont agrandi ces brèches pour permettre aux représentants dociles de l’impérialisme de jouer avec la souveraineté du pays. Ils rendent ainsi des jugements qui correspondent aux desiderata de l’impérialisme comme cela avait été le cas avec le jugement du Tribunal suprême de justice du 17 octobre 2008.

    Ce jugement dénoncé par Britto rend facultatif le recours à la juridiction nationale et ouvre la voie à l’arbitrage international. L’État doit seulement manifester par écrit sa volonté de se soumettre à la juridiction d’arbitrage, et c’est là le piège puisque c’est chose facile à faire pour des fonctionnaires à la conscience et à la moralité faibles et aux ambitions importantes au moment d’établir des conventions. Comme le dit Britto, « il est inutile de promulguer des lois et de les faire appliquer si des arbitres ou juges étrangers peuvent invalider ces actes ». L’araignée tisse sa toile jusque dans les institutions de l’État bourgeois et son édifice juridique. Il y a là une raison supplémentaire pour détruire cet État bourgeois et rompre les liens qui nous lient à l’impérialisme.

    Pas d’indépendance ni de socialisme avec des traités favorables à l’impérialisme

    La souveraineté du pays est affectée par ce que Britto qualifie de « ponts en or pour le coup d’État judiciaire » que sont les traités de promotion et de protection des investissements qui contiennent des clauses comme celles que prévoyait la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) |6|. Il fait mention d’un traité signé avec la France et d’un autre signé avec le Canada dans lesquels le Venezuela s’engage à ne procéder à aucune expropriation ou nationalisation. Comme si le Venezuela avait des investissements semblables dans ces pays pour pouvoir exiger la réciprocité ! Tous ces traités nous soumettent au CIRDI, c’est-à-dire à nos bourreaux. Cela rend impossible la construction d’un nouveau modèle productif consacrant la prédominance de la propriété publique étatique, sociale et communale. Cela nous limite dans le combat pour sortir du capitalisme et construire le socialisme dit du XXIe siècle, solidaire dans la lutte avec d’autres révolutions au niveau mondial.

    Le Venezuela à la traîne dans la mise en œuvre de mesures anti-impérialistes

    La révolution bolivarienne est une référence pour l’indépendance des peuples mais elle est à la traîne par rapport à des tâches élémentaires sur lesquelles la Bolivie et l’Équateur ont avancé en faisant moins de bruit. Le gouvernement d’Evo Morales est sorti du CIRDI |7|. Correa a mis en place un audit sur la dette et annoncé qu’il ne paierait plus les dettes frauduleuses |8| . L’Inde et le Brésil ne se soumettent pas au CIRDI. L’Argentine est un des pays latino-américains qui a signé le plus de traités d’investissements et qui fait face actuellement au plus grand nombre de plaintes. Pendant ce temps, le Venezuela demeure dans le CIRDI et paie la dette externe corrompue de la IVe République (1958-1998).

    La rupture avec le CIRDI et les traités semi-coloniaux

    Le CIRDI est un instrument supranational de domination capitaliste contraire à la souveraineté et à l’autodétermination. Il est anticonstitutionnel de s’y soumettre si on prend l’esprit et la lettre de la Constitution vénézuélienne car cela nous place dans un cadre privé de « justice », sans possibilité de faire appel et où les décisions favorisent généralement les transnationales et les pays impérialistes. Britto a raison de proposer les mesures suivantes : 1) la réforme de la loi de promotion et de protection des investissements dont l’article 22 entraîne la soumission du Venezuela 2) le rejet des traités de promotion et de protection des investissements qui prévoient des clauses semblables 3) le retrait du CIRDI avec un préavis de 6 mois 4) la responsabilité pénale, avec la possibilité de saisir tout ou partie de leur patrimoine, des fonctionnaires qui souscrivent à des clauses de renonciation de l’immunité de juridiction sans respecter la Constitution.

    Il faut y ajouter des peines de prison et la réforme de la Constitution pour colmater les brèches qui servent au capital et aux bureaucraties pour se soustraire à la Constitution. La rupture avec les organismes de l’impérialisme est une action à mener solidairement avec les pays qui connaissent des processus révolutionnaires comme la Bolivie et l’Équateur, l’ALBA |9| et d’autres peuples qui se joignent à la résistance.

    Relancer la lutte anti -impérialiste

    D’où la nécessité d’impulser la mobilisation en faveur de la souveraineté face à ces graves attaques. Appelons-en au PSUV |10| et au gouvernement d’Hugo Chávez pour mettre en avant le programme révolutionnaire à côté des organisations de travailleurs et du pouvoir populaire. Si Exxon, les détenteurs de bons de Bandagro, Cemex, Conoco, Gold Reserve, Maxipistas, Intesa ou autres entreprises étrangères qui prétendent faire condamner le Venezuela ont d’autres investissements dans nos pays, nous devons contre-attaquer en les expropriant sans indemnisation, en leur retirant les permis d’exploitation, en mettant immédiatement en place des audits en refusant de continuer à rembourser la dette et en mettant en place le contrôle ouvrier.

    Il faudrait élaborer et mettre en place un plan de lutte et sensibilisation dans les médias qu’on contrôle pour en finir avec cette bureaucratie judiciaire et administrative vendue au capital. Le syndicat national des travailleurs UNETE, le PSUV et l’Assemblée nationale devraient se prononcer à cet égard. Cela doit être un enjeu clé pour le courant de la gauche radicale socialiste du processus révolutionnaire bolivarien.


    Notes

    |1| Créé en 1965 par la Convention de Washington, ce tribunal d’arbitrage fait partie du groupe Banque mondiale. Le plus souvent, le CIRDI est saisi par des entreprises qui contestent le droit d’un pays à définir sa politique en mettant en avant que cela a porté ou va porter préjudice à leurs profits. L’immense majorité des jugements rendus a condamné les États. Il s’agit donc d’une institution clé du capitalisme global au même titre que la Banque mondiale, le FMI, l’OMC, etc. Notons que la plupart des traités bilatéraux d’investissement désignent le CIRDI comme tribunal compétent en cas de conflit (NDT).

    |2| La Constitution vénézuélienne prévoit en effet le recours aux tribunaux vénézuéliens plutôt qu’à des tribunaux internationaux prétendument impartiaux (NDT).

    |3| Il s’agissait d’une Banque de développement vénézuélienne destinée au secteur agricole et de la pêche qui, ayant connu des difficultés en 1981, a émis des titres d’une valeur nominale de 50 millions de dollars l’unité dont deux auraient été rachetés par l’entreprise américaine Sky Ventures. Bandagro a été mis en liquidation en 1991 et Sky Ventures réclame maintenant la somme de 900 millions de dollars au Venezuela (NDT).

    |4| Cette entreprise a été nationalisée avec paiement d’indemnités en 2007 (NDT).

    |5| Il s’agit de l’entreprise qui avait fait du sabotage informatique contre PDVSA lors du lock-out pétrolier de décembre 2002 et janvier 2003, lock-out qui avait coûté à l’État une quinzaine de milliards de dollars.

    |6| Projet de l’administration de G.W.Bush qui avait pour but d’établir une zone de libre-échange de l’Alaska à la Terre de Feu et s’inscrivait dans la continuité du Traité de libre-échange Canada/États-Unis/Mexique entré en vigueur le 1er janvier 1994. Ce projet a été défait par une forte mobilisation populaire à l’échelle régionale (NDT).

    |7| Cette sortie a eu lieu le 2 mai 2007 (NDT).

    |8| L’Équateur est également sorti du CIRDI en juin 2009 (NDT).

    |9| L’Alliance bolivarienne pour les Amériques est l’intégration mise en place sur une base de solidarité et de complémentarité depuis 2004 entre Cuba et le Venezuela puis qui s’est étendue à d’autres pays. Elle compte aujourd’hui 8 membres : Cuba, Venezuela, Bolivie, Nicaragua, la Dominique, Saint Vincent et les Grenadines, l’Équateur, Antigua y Barbuda (NDT).

    |10| Le Parti socialiste unifié du Venezuela a été créé en 2007 et représente l’essentiel des forces politiques qui soutiennent le gouvernement de Chávez (NDT).

    P.-S.

    Gonzalo Gómez est membre du CADTM Venezuela

    Traduction : Virginie de Romanet

    Source CADTM


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  • Libération de deux leaders indiens du Venezuela 

     

     
     

    Deux leaders indigènes du Venezuela ont été libérés après une détention arbitraire d’un an et demi.

    Sabino Romero et Alexander Fernandez, tous 2 chefs de communautés Yupka, ont été incarcéré fin 2009 à la suite d’un conflit au cours duquel deux Yukpa ont été tués. Ils ont été accusés arbitrairement de meurtre, de préjudice corporel et de conspiration.

    Le conflit a éclaté lors de l’attribution de titres de propriété contestés à trois communautés yukpa dans la Sierra de Perijá à l’ouest du Venezuela.

    Romero a déclaré pendant qu’il était en prison : ‘Je sais que ce problème est lié au projet de démarcation de notre territoire. Ils ne veulent pas de nous ici – les fermiers et le processus de démarcation veulent nous pousser hors de notre terre’.

    Suite à une longue bataille menée par les Yukpa et leurs alliés pour que l’affaire soit jugée selon la loi coutumière indigène et que les deux hommes soient libérés, ces derniers ont finalement été relâchés.

    Survival International avait fait pression sur le gouvernement vénézuélien pour le convaincre de traiter ces affaires conformément à la loi coutumière indigène et de libérer les prisonniers tant que leur culpabilité n’aurait pas été établie.

    Romero et Fernandez ont mené campagne contre le projet gouvernemental de démarcation territoriale qui aurait fragmenté les terres yukpa, exigeant un territoire indigène continu. Une semaine avant le conflit, Romero avait reçu des menaces de mort.

    En prison, les deux hommes ont été confrontés à des conditions de vie déplorables et aux maladies, l’eau potable et la nourriture saine étant rares. Les femmes qui leur rendaient visite étaient totalement dévêtues par les gardiens; l’une d’entre elles a affirmé avoir été victime d’une tentative de viol.

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  • Colombie: des fosses communes à la consolidation du grand capital; la Loi sur les Terres de Santos



    Azalea Robles

    Traduit par  ARLAC
     
    ►"Il faut promouvoir la mobilité des droits de propriété " Banque mondiale.
     
    De nombreuses victimes de la contre-réforme agraire en Colombie ont disparu dans les fours crématoires, les élevages de caïmans et les fosses communes ” Survivant.
     
    Ce que vise la Loi sur les Terres de Santos, c'est à légaliser la spoliation des terres. C'est la consolidation de la contre-réforme agraire.
     
    Les millions d'hectares de terres volés aux victimes et aux personnes déplacées par le terrorisme d'État en Colombie sont sur le point d'être remis légalement entre les mains du grand capital, grâce à un tour de passe-passe juridique très futé du gouvernement de Juan Manuel Santos.
     
    “Le président Uribe se plaignait de ne pas pouvoir créer d'exploitations de 45.000 hectares dans les plaines orientales : il se plaignait de ne pas pouvoir supprimer l'UAF, qui est une parcelle relativement petite de terre, et cela gênait M. Uribe (…) À l'article 69, on lit : l'UAF sera supprimée (… ); c'était ce dont se plaignait Uribe…” J.E.Robledo
     
    Depuis la prise de fonctions du nouveau président de Colombie, Juan Manuel Santos, propriétaire des principaux médias de masse et grand latifundiste, nous avons été témoins d'une grande opération médiatique qui vise à présenter les “différences” entre l'administration de Santos et l'administration de Uribe. L'administration de Uribe est apparue publiquement comme une administration marquée par le paramilitarisme, la torture, les violations des droits humains… et la stratégie consiste à faire croire que Santos se démarque de ces niveaux de barbarie, en s'appuyant sur le monopole des médias de masse.
     
    Il convient cependant de rappeler que Santos a été ministre de la Défense de Uribe, et responsable des mal nommés “faux positifs ” (1) : exécutions extrajudiciaires pratiquées par l'armée de Colombie. Les militaires enlèvent des jeunes, les déguisent en guérilleros et les assassinent, puis ils les présentent comme des “guérilleros morts au combat”. Les militaires commettent ce crime pour “afficher des résultats” dans leur guerre contre l'insurrection, et aussi pour assassiner les civils qui “dérangent” (lire les syndicalistes, les enseignants, les dirigeants paysans, etc.).
     
    Les médias de masse se chargent de diffuser le mensonge, puisqu'en Colombie les moyens de diffusion de masse prennent pour argent comptant ce que leur disent les sources militaires… La médiatisation des supposés guérilleros morts est macabre : on montre des corps alignés, à demi nus, allongés sur le sol … On conditionne ainsi l'opinion publique à la déshumanisation des guérilleros. Avec les “faux positifs”, la directive présidentielle 029 pousse les militaires à “présenter des cadavres”, puisqu'ils reçoivent des récompenses économiques ou des permissions en fonction des cadavres présentés.
     
    Les organisations de victimes dénoncent plus de 5.000 cas de “faux positifs”, la Fiscalía enquête sur quelque 2.000 exécutions extrajudiciaires commises directement par des membres des forces de sécurité de l'État colombien, mais l'impunité règne. Les “faux positifs” sont des crimes contre l'humanité et montrent à quel point les montages, les mensonges et les crimes font partie intégrante de l'État colombien, qui relève du concept d'État terroriste. C'est une évidence triste et vérifiable, bien que le degré d'horreur la fasse paraître invraisemblable; l'ONU et d'autres organismes sont au courant de ces pratiques mais demeurent complaisants à l'égard de l'État colombien.
     
    Les faux positifs sont de réels assassinats qui servent à créer une réalité virtuelle… les médias de masse exercent un rôle particulièrement belliciste en Colombie, en légitimant un régime génocidaire, au point d'occulter les fosses communes gigantesques, comme ils ont essayé de le faire avec la plus grande fosse commune du continent américain (2), située derrière la base militaire de la Force Omega à la Macarena (Meta), qui contient au moins 2.000 cadavres, et qui a été dénoncée par des observateurs internationaux, des ONG de défense des droits humains, et par des proches de victimes de disparus … Les médias de masse cachent les crimes de l'État colombien et se prêtent à tous les montages que préconisent les militaires, comme la médiatisation des morts de paysans déguisés en guérilleros.
     
    La construction d'une réalité virtuelle, qui opère comme une scénographie masquant la réalité objective, est une composante fondamentale de la guerre en Colombie. Et dans ce texte, nous voulons traiter d'un cas essentiel de falsimedia (désinformation), puisqu'il s'agit de tromper au sujet d'une des questions les plus fondamentales de l'injustice et de la guerre en Colombie : la question de la terre.
    Pour blanchir l'image du gouvernement de Santos, les médias de masse cherchent à faire croire, en Colombie et dans le monde, que Santos “rendra la terre aux déplacés” et “procédera à une réforme agraire”… Rien n'est plus éloigné de la réalité, bien que les apparences se fondent sur des échafaudages spécialement construits pour soutenir la propagande. L'argument de ce gouvernement, “la réparation aux victimes”, auxquelles on dit qu'ont leur rendra les terres usurpées, a été dénoncé comme une utilisation cynique des déplacés par des organisations de victimes telles que le Mouvement des victimes de crimes d'État, et par des opposants tels que le sénateur Robledo. (3)

     Concrètement, l'objectif de la Loi sur les Terres de Santos est la légalisation de la spoliation des terres. C'est la consolidation de la contre-réforme agraire.
     
     Les millions d'hectares de terres volés aux victimes et aux personnes déplacées par le terrorisme d'État en Colombie sont sur le point d'être remis légalement entre les mains du grand capital, grâce à un tour de passe-passe juridique très futé du gouvernement de Juan Manuel Santos.
     

    C'est le même cynisme qui a été appliqué en Colombie lors des fameux "dialogues de Ralito 'entre' le gouvernement et les paramilitaires", dialogues populairement qualifiés de Monologue, étant donné la façon dont la structure paramilitaire est utilisée comme outil de guerre sale par l'État lui-même...

    Le paramilitarisme est l'arme de la guerre sale de l'État colombien, et bénéficie aussi d'un financement et des conseils des multinationales et des latifundistes; c'est un outil mis en oeuvre pour éliminer les opposants et chasser d'immenses quantités de personnes de zones à haut intérêt économique. 
     

    Aujourd'hui, ce sont plus de 6 millions d'hectares de terres qui ont été enlevés aux victimes et déplacés; en Colombie, on compte plus de 4,5 millions de déplacés. Le MOVICE et d'autres sources parlent de plus de 10 millions d'hectares usurpés, le gouvernement avance le chiffre de 3,5 millions d'hectares.
     
    La Loi sur les terres de Santos contient plusieurs ruses, voyons  concrètement en quoi consiste la règle:

    La règle dit que dans certaines zones du pays choisies par le gouvernement, il sera procédé à des restitutions de terres dans un délai limité.
    Si la personne spoliée ne veut pas de la terre, l'État lui propose un titre de trésorerie qui viendra à échéance avec une vente très bon marché de sa terre.
     
    D'après les enquêtes, la grande majorité des déplacés (jusqu'à 80%) craignent de revenir sur leurs terres étant donné que les régions sont sous la domination du paramilitarisme et qu'il y règne un régime de terreur.
     
    Ce qui précède montre que ce que l'on présente comme la restitution de parcelles de terre aux personnes spoliées par la violence cache justement la spoliation définitive de ces personnes.
     
    La Loi sur les Terres est présentée dans les médias de masse pour ce qu'elle n'est pas.
    En Colombie, les terres doivent être restituées aux déplacés; mais ce n'est pas ce que vise la Loi sur les Terres. Premièrement : la Loi ne sera pas d'application dans l'ensemble du pays, mais uniquement dans les territoires désignés par le gouvernement (zones de consolidation paramilitaire-militaire). Les déplacés ne pourront donc pas effectivement aller vivre dans des zones dominées par leurs bourreaux.
    Deuxièmement : La politique agricole de ce gouvernement s'inscrit dans la poursuite de la politique du gouvernement de Uribe, en ce sens qu'il s'agit d'une politique néolibérale, qui favorise la grande propriété, le capital étranger, la méga exploitation minière, les mono-méga-cultures, le démantèlement de la protection des paysans et du secteur national de l'agriculture contre les produits subventionnés des USA et de l'UE : une politique d'annihilation de la souveraineté alimentaire …
     
    On va supprimer l'UAF (Unité agricole familiale) pour établir de grandes plantations sur les hauts plateaux. Davantage de terres seront dévolues aux multinationales étrangères. La Banque mondiale encourage la concentration des terres et préconise l'acquisition de titres comme étape préalable à la constitution de monopoles. L'acquisition de titres sur les terres est désormais encouragée par le gouvernement, alors qu'il l'a toujours rejetée; il est évident qu'aujourd'hui, l'objectif est le transfert des terres des paysans vers le grand capital. Selon la Banque mondiale : "Il faut promouvoir la mobilité des droits de propriété."

    La politique agricole du gouvernement de Juan Manuel Santos, qui est  de favoriser la grande propriété et le ‘libre commerce’ implique la ruine de l'agriculture : un appauvrissement accru, davantage de déplacements en masse des populations, davantage de faim et de misère, dans un pays dont la majorité de la population vit déjà dans l'indigence.
     
    En Colombie, 68% de la population vit dans la pauvreté et l'indigence. La concentration de la richesse est scandaleuse : la Colombie est le 11e pays dans le monde où l'inégalité sociale est la plus élevée (11e place selon le cœfficient de GINI), et est le pays où l'inégalité est la plus grande sur le continent américain. Il y aurait, selon les chiffres les plus cléments, 8 millions d'indigents et 20 millions de pauvres (4). Plus de 20.000 enfants de moins de 5 ans meurent chaque année de dénutrition aiguë (chiffres de l'UNICEF); sur 100 mères déplacées en cours de grossesse, 80 souffrent de dénutrition chronique(5). Simultanément, et corrélativement à cette misère, un seul banquier, Sarmiento Angulo, contrôle 42% du crédit national et déclare des revenus de 1.250 millions de dollars pour le dernier bimestre de 2009. (6)

    Cette injustice sociale et cette misère vont s'accentuer avec la politique agricole du gouvernement de Santos, qui poursuivra les TLC et le ‘libre commerce’. L'article 53, qui se réfère à la politique agraire de l'administration de Santos, parle d'encourager la grande production entrepreneuriale… Elle soutient le modèle de la grande propriété et de l'extraction minière par les multinationales.
     
     Avec la Loi sur les Terres de Santos, il s'agit d'officialiser des changements de propriété : et plus (uniquement) par la spoliation, mais par la voie...disons "licite"... quel cynisme ! Après des centaines de massacres, et la création de zones de terreur militaire-paramilitaire, de zones de non retour, on cherche à créer une situation de non retour juridique.

    On a caché la réalité terrible au sujet de la Loi sur les Terres de Juan Manuel Santos.
     
    C'est une loi qui va également mettre fin aux rares dernières lois sur la protection des petits paysans, comme l'UAF (Unité agricole familiale).  L'UAF est  une loi qui limite les terrains, qui empêche les dimensions exagérées.
     
     Voici ce qu'a déclaré le sénateur Jorge Enrique Robledo à ce sujet (7), lors du débat sur le projet de loi sur les terres, en séance plénière du Sénat, en septembre 2010 :
    “Le président Uribe se plaignait de ne pas pouvoir créer d'exploitations de 45.000 hectares dans les plaines orientales : il se plaignait de ne pas pouvoir supprimer l'UAF, qui est une parcelle relativement petite de terre, et cela gênait M. Uribe (…) À l'article 69 (relatif à la politique agricole de l'administration de Santos),  on lit que l'UAF (Unité agricole familiale)… sera supprimée (… ); c'était ce dont se plaignait Uribe…” 
    Il faut dénoncer cette Loi des Terres pour ce qu'elle est : une étape fondamentale de la spoliation, la légalisation sans retour en arrière par la voie juridique.
     
    Le terrorisme d'État en Colombie et le modèle minier de saccage de l'environnement et de spoliation des paysans, des indigènes et des afro-descendants se consolide avec Santos; ce n'est pas pour rien que d'aucuns l'appellent “le nouvel administrateur des intérêts des USA et de l'UE en Colombie”. Le terrorisme d'État demeure la garantie d'éliminer les opposants au pillage.
     

    Notes

    1.“faux positifs” : Les faux positifs sont des assassinats d'enfants et de jeunes gens perpétrés par l'armée colombienne, qui médiatise ensuite leurs cadavres en les faisant passer pour des “guérilleros morts au combat”: http://www.falsos-positivos.blogspot.com/

    http://www.rebelion.org/noticia.php?id=114699&titular=terrorismo-de-estado:-el-caso-de-los-falsos-positivos-

     2.La plus grande fosse commune d'Amérique latine, une découverte dantesque qui ne suscite cependant pas le rejet international que mérite le régime colombien : plus de 2000 cadavres de disparus imputables à la force Omega du "Plan Colombie". L'armée y aurait enterré des disparus depuis 2005:  http://www.publico.es/internacional/288773/aparece/colombia/fosa/comun/cadavereshttp://www.rebelion.org/noticia.php?id=99507

    3.http://www.youtube.com/user/POLOMOIRTV#p/a/u/0/4rHBVTE6eaw

    http://www.movimientodevictimas.org/index.php?option=com_content&task=view&id=714&Itemid=1

     4.  L'étude de la Misión para el Empalme de las Series de Empleo (MESEP), Pauvreté et inégalité 2009, a comptabilisé huit millions de Colombiens dans l'indigence et 20 millions de pauvres. Dans les zones rurales, sur 100 foyers, 65 sont considérés comme pauvres et 33 vivent dans l'indigence. http://www.abpnoticias.com/index.php?option=com_content&task=view&id=2446&Itemid=90http://www.elcolombiano.com/BancoConocimiento/I/informe_sobre_pobreza_e_indigencia/informe_sobre_pobreza_e_indigencia.asp

    5.En Colombie, plus de 20.000 enfants de moins de 5 ans meurent chaque année de dénutrition aiguë; sur 100 mères déplacées enceintes, 80 souffrent de dénutrition chronique, UNICEF:http://www.elcolombiano.com/BancoConocimiento/D/desnutricion_infantil_que_no_deja_crecer_/desnutricion_infantil_que_no_deja_crecer_.asp

    http://colombia.indymedia.org/news/2009/09/106455.php

    La Colombie, pauvre parmi les pauvres : 
    http://alainet.org/active/33960&lang=es

     6.Sarmiento Angulo, l'entrepreneur le plus riche de Colombie est, avec la poignée d'oligarques parmi lesquels on distingue Ardila Lule et Santo Domingo, le grand promoteur de la néfaste “Sécurité" démocratique” du gouvernement Uribe, et, par hasard, Uribe a obéi à chacune de ses suggestions en un temps record de 24 heures, comme ce fut le cas lorsque Sarmiento Angulo proposa que “l'impôt pour financer la sécurité démocratique” soit permanent et qu'il s'applique à tous les Colombiens : aussitôt dit, aussitôt fait : http://www.lasillavacia.com/historia/1717

    http://noticieroconfidencial.com/?p=11

    Colombie : les revenus et les bénéfices des grandes entreprises sont en augmentation 
    http://www.desdeabajo.info/index.php/actualidad/colombia/4850-colombia-crecen-las-ganancias-y-los-beneficios-de-las-grandes-empresas.html

    Crise du modèle néolibéral et inégalité en Colombie (…) 
    http://www.desdeabajo.info/index.php/fondo-editorial/vertices-colombianos/5779-crisis-del-modelo-neoliberal-y-desigualdad-en-colombia-dos-decadas-de-politicas-publicas.html

    http://www.portafolio.com.co/economia/finanzas/ARTICULO-WEB-NOTA_INTERIOR_PORTA-7480367.html

    Publié le 15 février 2010 : Les revenus du secteur financier ont atteint les 8,5 milliards de dollars. 
    http://www.elespectador.com/articulo187857-ganancias-del-sector-financiero-llegaron-85-billones

     7.L'exposé du sénateur Jorge Enrique Robledo lors du débat sur le projet de loi sur les terres, pendant la séance plénière du Sénat  du 21 septembre 2010, nous éclaire sur cette question : http://www.youtube.com/user/POLOMOIRTV#p/a/u/0/4rHBVTE6eaw



    Merci à Azalea Robles
    Source: http://azalearobles.blogspot.com/2010/10/colombia-de-las-fosas-comunes-la.html
    Date de parution de l'article original: 14/10/2010
    URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=4962


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  • Le triomphe de Ollanta Humala, une bouffée d’air pur


    Un nouveau pas dans l’éveil de l’Amérique Latine a eu lieu au Pérou, le peuple ayant décidé d’élire le candidat de l’option « Gana Perú », Ollanta Humala, attaqué et calomnié sans pitié pendant de nombreux mois avant les élections avec les armes les plus troubles de la propagande par les forces de l’Empire, l’oligarchie, et la mafia péruviennes, sans oublier le pouvoir politique, médiatique et financier déployé pour empêcher sa victoire dans les urnes.

    A un mois des élections, un article de Cubadebate intitulé « Pérou : élections présidentielles à l’heure cruciale”, nous écrivions :

    “Opter pour le changement est le plus sensé, car au moins cela ouvre une porte à l’espérance ; l’autre consiste à revenir au passé et à rester ancré dans le fujimorisme et le néolibéralisme, où les riches continueront à amasser des richesses, mal ou bien acquises, et les pauvres seront pauvres et misérables”.

    La victoire de Humala est une bouffée d’air pur pour le peuple péruvien qui dans les dernières décennies n’a connu que des gouvernements dociles à Washington, faisant cadeau des richesses nationales à des intérêts étrangers, imposant la corruption.

    Humala signifie un espoir parce que depuis que le commandant indigène est entré dans le paysage politique du Pérou il a montré une sensibilité profonde pour les besoins, aspirations et préoccupations de la population la plus maltraitée de ce pays andin : les pauvres, les indiens, les paysans, les ouvriers, et les femmes au foyer.

    Il faut croire dans la possibilité qu’à partir du 28 juillet, quand le nouveau gouvernement prendra ses fonctions au palais de Pizarro, l’empire de l’injustice régnant au Pérou depuis des temps très anciens, puisse connaître le début de la fin.

    Non pas que nous pensions que la victoire de Humala ouvre les portes d’un coup à un processus révolutionnaire profond et radical au Pérou. Il faut rester très objectif et n’avancer qu’en fonction de la réalité. Dans les circonstances actuelles et si nous prenons en compte les circonstances et les modifications apportées au programme électoral de « Gana Perú », les alliances et les engagements politiques concertés, au Pérou il y aura beaucoup de changements dans de nombreux ordres et à de nombreux niveaux mais sans brutalité. Humala lui-même l’a affirmé dans ses discours de la campagne du second tour.

    La victoire a déjà signifié en soi un changement. On a porté un coup à la corruption. Parce que si Keiko Fujimori avait obtenu la majorité, ce qui attendait le Pérou était le retour aux années de pillage et de vol à visage découvert.

    Humala a promis de mieux distribuer les immenses richesses du pays, qui se trouvent dans les gisements d’argent, de cuivre, de zinc, d’étain et d’or. Il a aussi promis d’éviter la déprédation et le pillage des ressources. Il lui faudra en tout cas oeuvrer en ce sens pour mettre fin à la pauvreté, à la misère, à l’analphabétisme, l’insalubrité à laquelle reste soumise la majorité sociale du Pérou.

    Le Pérou disposera un gouvernement qui s’identifie aux les intérêts des masses pauvres, parmi lesquels les indigènes. Il deviendra ainsi le troisième pays qui fit partie de l’empire Inca à élire des gouvernements populaires et désireux d’agir en faveur des plus pauvres. Evo Morales, en Bolivie, et Rafael Correa, en Equateur, son les deux autres.

    Les défis sont nombreux parce que ceux qui ont pillé et exploité les richesses nationales ne veulent perdre ni leurs privilèges ni leur hégémonie.

    Mais les peuples de l ’Amérique Latine continuent à s’éveiller… Ils l’expriment dans les urnes et le moment venu pourront aussi le faire depuis les places des grandes villes, comme ils le font aujourd’hui en Espagne, en France ou en Grèce pour rejeter tous ceux qui n’ont d’autre solution à offrir que le néolibéralisme et la démocratie bourgeoise.

    Traduction : Thierry Deronne, pour www.larevolucionvive.org.ve

    Source : http://www.cubadebate.cu/opinion/20...


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  • Le chanteur des FARC et les sirènes colombiennes

    Loic RAMIREZ

    «  Le Venezuela serait-il devenu dangereux pour les combattants sociaux et pour les révolutionnaires du monde ? » (1) s’interroge le Parti Communiste vénézuélien. Après avoir essuyé de nombreuses critiques suite à la détention et extradition de l’opposant communiste Joaquin Pérez Becerra, le gouvernement bolivarien récidive avec l’arrestation, mardi 31 mai 2011, de Guillermo Enrique Torres, alias “Julian Conrado”, membre reconnu des FARC.

    Toujours coiffé d’un chapeau et armé d’une guitare, l’homme s’est fait connaître comme le chanteur de la guérilla, de par ses nombreuses chansons composées sur le thème. Petite moustache et une allure d’enseignant, Julian Conrado intègre, selon les services de rensignements colombiens, la guérilla dans les années 80 fuyant l’extermination du parti de gauche l’Union Patriotique (2).

    Né en 1954, l’homme était activement recherché dès lors où son corps ne fut pas retrouvé parmi les tués lors de l’opération “Fénix” (durant laquelle fut abattu Raul Reyes, en 2008) (3). Ce sont finalement les autorités vénézueliennes qui l’ont capturé, dans l’état de Barinas (à l’Ouest du pays), où le guérillero vivait dans une « modeste ferme » semble-t-il depuis qu’il avait quitté la Colombie il y a de cela huit mois (4). « Nous étions à sa poursuite depuis plusieurs années, jusqu’à ce que nous puissions récolter suffisamment d’informations crédibles qui nous indiquaient qu’il se trouvait au Venezuela ; nous en informèrent les autorités vénézuéliennes qui ont agit immédiatement » a indiqué le Ministre de la Défense colombienne, Rodrigo Rivera (5). Comme lors de l’affaire de Pérez Becerra, le président Hugo Chavez a reçu les remerciements de son homologue colombien, Juan Manuel Santos, qui a déclaré que l’extradition du détenu lui avait été confirmé par le dirigeant bolivarien (6).

    Il n’est pas difficile de deviner que cette nouvelle action du régime chaviste va accentuer la fissure qui s’était déjà dessinée au sein du mouvement révolutionnaire vénézuélien. Le PCV a rapidement exprimé son désaccord profond avec l’action gouvernementale et a affirmé « toute sa solidarité » avec Julian Conrado (7). Soulignant la coopération des services de renseignements colombiens et vénézuéliens dans cette traque, il a rappelé « la relation et l’aide au niveau des services d’intelligence et militaire qui existe entre le MOSSAD israélien et la CIA nord-américaine avec le gouvernement et l’état colombien pour persécuter ceux qu’ils appellent “terroristes” et qui sont des militants révolutionnaires » (8). Pour les communistes, cette relation entre les administrations des deux pays voisins est en train « indirectement et sans le vouloir, de faire le jeu et/ou de faire partie du réseau mondial de l’impérialisme pour capturer des cadres révolutionnaires de gauche » (9).

    Soumis à une alerte de code rouge émise par Interpol (10), Julian Conrado est recherché pour délit de trafic de drogue, extorsion et violence à des fins terroristes (11). Rapidement, sur internet, les sites alternatifs d’information de gauche ont informé sur cette détention et ont reçu de nombreuses critiques d’internautes à l’encontre de Chavez avec, en toile de fond, le cas de Pérez Becerra (12).

    Nul doute que la Colombie semble avoir trouvé le point faible du gouvernement bolivarien avec ces différents cas d’extraditions de “terroristes”. Soudainement préoccupé par l’image que pourrait renvoyé le Venezuela aux yeux des médias, le président Chavez s’est déjà exprimé sur le “piège” que lui tendait ses adversaires avec ces “patates chaudes”, ce chantage au soutien “aux terroristes”. Pourtant, la soumission aux exigences de Bogota ne se traduit pas par une paix médiatique à l’égard du régime chaviste : sitôt après la livraison du Becerra, une vaste campagne de désinformation s’est opérée contre Chavez avec l’affaire de l’ordinateur de Raul Reyes.

    Attribuant au président vénézuélien ainsi qu’à son homologue équatorien des relations douteuses et des financements obscures avec la guérilla colombienne. Il s’est avéré que l’ensemble des “preuves” apportées par l’analyse des fichiers informatiques de l’ordinateur ont été déclarées invalides et d’une authenticité « douteuse » comme le rapporte le journal britannique The Guardian (13). Le journaliste Maurice Lemoine a souligné le double jeu de Santos qui, tout en voulant s’afficher comme le nouvel allié de Caracas, n’a pas hésité a contribuer au mensonge sur ces supposées relations entre les FARC et Chavez (14).

    Au final, les concessions octroyées à l’état colombien par Hugo Chavez ne lui apporte qu’un semblant d’apaisement et affaiblissent au contraire sérieusement son propre camp. Sourd aux avertissements, portés principalement par les communistes, le président vénézuélien continue d’alimenter involontairement la politique de déstabilisation de Bogota qui a réussi là a le piéger dans ses filets. Quant à Julian Conrado, il est à son tour victime de cette alliance contre-nature et sera certainement livré à ses geôliers par ceux dont il pouvait espérer au moins la protection.

    « Le plus joli mot dans la guérilla (...) c’est le mot Camarade, Camarade, Camarade, on l’entend dans les bons moments et mauvais moments (...) si tu ne le sens pas ne le dis pas, ne le dis pas, ne le dis pas » (15) chantait le guérillero.

    Loïc Ramirez


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    http://www.legrandsoir.info/le-chanteur-des-farc-et-les-sirenes-colombiennes.html

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  • Vénézuéla, 02.06.2011. Les travailleurs assument la direction de VIVEX, Vidrios Venezolanos Extras, nationalisée par le gouvernement bolivarien.

    mercredi 1er juin 2011

    Le vice-ministre de Développement Industriel, Carlos Farías, a annoncé que les travailleurs assumeront l’administration de Vidrios Venezolanos Extras (Vivex), industrie qui se consacre à la fabrication de vitres pour véhicules. Farías a souligné que les travailleurs de l’entreprise située dans la zone industrielle de Barcelona, municipalité de Bolívar, état d’Anzoátegui luttent depuis près de trois ans pour leurs revendications.

    Il a indiqué que le décret 8.260, qui émane de la présidence de la république, constitue un acte de justice sociale envers les travailleurs. La disposition légale, publiée au Journal Officiel 39.685 du 31 mai 2011, ordonne la réquisition des biens meubles, immeubles et autres ajouts ou dépendances de VIVEX.

    Les installations sont prêtes à fonctionner. Basiquement ce que nous avons à faire, c’est de préparer un projet, connaître le niveau d’investissement financier, le matériel et les ressources humaines qui manquent pour pouvoir la réimpulser” a expliqué le fonctionnaire du gouvernement bolivarien.

    Il a souligné que le droit au travail de tous les employés de Vivex est garanti et il a rappelé l’importance de l’entreprise pour le gouvernement bolivarien dans le secteur de la production nationale d’automobiles pour la population.

    De son côté le porte-parole syndical de Vivex, Jean Sabino, a rappelé que “après que les anciens propriétaires ont déclaré de manière frauduleuse la faillite et ont refusé de payer les droits aux travailleurs, nous, les travailleurs avons décidé de commencer la lutte pour réaliser nos revendications”.

    Il a raconté comment pendant les trois dernières années le mouvement a organisé des réunions de travail et des assemblées avec les communautés voisines pour discuter des possibilités de réactivation de l’entreprise, et que de toutes les possibilités c’est la nationalisation qui a été retenue par la majorité.

    Le syndicaliste Sabino a remercié le président Hugo Chávez pour cette décision de nationaliser l’entreprise et il a rappelé l’engagement de tous les travailleurs de Vivex d’impulser la production en faveur du peuple vénézuélien.

    Source : http://www.correodelorinoco.gob.ve/...

    Voir le reportage de VIVE Oriente en espagnol

    Traduction : Thierry Deronne URL de cet article : http://www.larevolucionvive.org.ve/...


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  • Cuba : des faits réels pour éclairer le président et la presse (Counterpunch)

    Saul LANDAU, Nelson P. VALDES

    "No hay peor ciego que el que no quiere ver"

    Proverbe espagnol

    (Il n’y a pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir)

    Le 13 mai, Les journaux de Miami et Les journaux télévisés auraient du titrer : "Obama s’est ridiculisé". Les grands titres auraient voulu parler de cette déclaration : "Je serais heureux qu’un réel changement s’opère à Cuba".

    Quelles sont les conditions d’Obama ? "Pour que nous puissions avoir avec Cuba la même relation qu’avec d’autres pays, il faudrait que nous constations des changements significatifs de la part du gouvernement cubain et nous n’avons rien constaté de la sorte."

    Un journal intelligent aurait pu titrer : "Obama est devenu aveugle -Il ne voit pas le changement qui lui crève les yeux !"

    Si Granma (quotidien du PC cubain) avait le sens de l’humour, son éditorial aurait commencé ainsi : "Président Obama veut dire ’Un changement dans lequel nous pouvons croire’, il ne parle pas d’un changement dans lequel les leaders de Cuba croient."

    En réalité les changements à Cuba se sont accumulés rapidement au cours des derniers mois mais apparemment Obama a sa propre interprétation du mot "insignifiant". Ou peut-être que ses conseillers ne lui ont pas dit que Cuba avait libéré tous les prisonniers "politiques" qui avaient été arrêté en 2003 ainsi que quelques autres.

    "Nous ne pouvons pas passer sur le fait qu’il y a toujours des prisonniers politiques qui auraient du être libérés il y a longtemps et qui d’ailleurs n’auraient jamais du être arrêtés" a dit Obama. (Univision, 13 mai 2011)

    Est-ce qu’il ignorait ce que la secrétaire d’état avait dit ? "Libérez ces prisonniers politiques. Acceptez donc d’ouvrir l’économie et de lever une partie des restrictions oppressives imposées au peuple de Cuba. Et je pense qu’ils verraient qu’il y a une opportunité qui pourrait peut-être être exploitée. Mais ça c’est pour l’avenir, qu’ils décident ou non de procéder à ces changements." (13 janvier 2009, Senate Confirmation hearings)

    Personne n’a-t-il dont dit au président que les USA ont maintenant plus de prisonniers politiques à Cuba que le gouvernement cubain ? N’a-t-il pas entendu le gouvernement espagnol dire qu’il refusait d’accueillir neuf des 46 Cubains prisonniers restants parce qu’ils avaient commis des actes de terrorisme ?

    Le président n’a pas semblé se rappeler non plus qu’il s’était engagé peu après son investiture à fermer la prison de Guantanamo où les prisonniers politiques -en plus grand nombre que ceux détenus par Cuba - n’ont même pas pu bénéficier des droits basiques de la Magna Carta*. Les prisonniers cubains ont tous eu connaissance des accusations portées contre eux, ils ont eu des avocats et des procès. Personne à Guantanamo ne peut en dire autant.

    Obama a aussi passé sous silence les grands changements économiques. "Le système économique là-bas est encore bien trop fermé." a-t-il dit à Univision.

    Ses conseillers ont du s’endormir encore et oublié de lui dire que rien qu’en ce qui concerne l’agriculture, le gouvernement cubain a réduit drastiquement le nombre de fermes d’états et a en même temps augmenté le nombre de sociétés privées ainsi que le nombre d’hectares que les fermiers individuels peuvent contrôler. A ce jour l’état a transféré 63% des terres en friche au secteur privé. A la mi-mai, les fermiers individuels et les coopératives ont reçu 1 191 000 hectares. Et les fermiers privés peuvent désormais employer autant d’ouvriers agricoles qu’ils en ont les moyens - ce qui est interdit depuis 1963.

    L’état a aussi multiplié par dix le prix auquel les fermiers peuvent vendre le boeuf et trois fois le prix du lait. De plus les fermiers peuvent maintenant vendre plus facilement aux consommateurs.

    L’état a maintenu le contrôle des prix sur 21 produits agricoles ; tout le reste suit la loi de l’offre et de la demande. L’accès au crédit bancaire a été facilité pour les fermiers ; et les taux ont baissé.

    Oh, les gens pourront peut-être bientôt acheter et vendre des voitures et des maisons et créer des entreprises dans beaucoup de secteurs.

    Obama, cependant, fait une fixation sur Fidel. "Si vous y réfléchissez, (Fidel) Castro est arrivé au pouvoir avant ma naissance - il est encore là et il maintient toujours le même système alors que le reste du monde sait très bien que ce système ne marche pas," a dit Obama.

    Fidel a quitté le pouvoir en 2006 comme nous le savons tous et ironiquement Cuba possède le seul système qui peut encore prétendre ressembler quelque peu au socialisme à l’ancienne - malgré plus de 50 ans de guerre économique menée contre lui par Washington.

    Il est intéressant de constater que Obama qui déclare que le système cubain est un échec, ne mentionne pas la récession étasunienne, ni le chômage à deux chiffres dont souffrent plusieurs états, ni les millions de sans abris et d’affamés, ni tous ceux qui sont menacés de saisie ou de chômage. De fait, cela fait deux siècles que le système étasunien s’effondre régulièrement et dans le meilleur système possible des millions de sans abris regardent de tous leurs yeux des maisons et des appartements vides et des personnes sous-alimentées cohabitent avec des millionnaires. Et ce système qui fonctionne si bien n’a pas -comme Cuba- le terrible handicap d’être étranglé économiquement sous la botte de la plus grande économie mondiale.

    Est-ce que les paroles frivoles d’Obama ne sont pas tout simplement celles que les électeurs veulent entendre et qu’il lui faut prononcer en période électorale dans ce système parfait ? Après tout, il ne reste qu’un an et demi avant la prochaine élection présidentielle et le "vote des Cubains de Miami" compte.

    Saul Landau, Nelson Valdés

    Le dernier film de Saul Landau est WILL THE REAL TERRORIST PLEASE STAND UP (CINEMA LIBRE STUDIO – distributor). Nelson Valdés est Professor Emeritus, Univ. de New Mexico.

    Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/landau0...

    Traduction : D. Muselet pour LGS

    (*) La Magna Carta Libertatum ou Grande Charte est une charte de 63 articles arrachée par le baronnage anglais au roi Jean sans Terre le 15 juin 1215 après une courte guerre civile notamment marquée par la prise de Londres, le 17 mai, par les rebelles.

    Cette charte a été rédigée en 1215, sur le sol français, dans l’abbaye cistercienne de Pontigny par des Anglais émigrés, en révolte contre leur roi, Jean sans Terre. Cette « Grande Charte des libertés d’Angleterre » affirme le droit à la liberté individuelle.

    Ce texte limite l’arbitraire royal et établit en droit l’habeas corpus qui empêche, entre autres, l’emprisonnement arbitraire. Il garantit les droits féodaux, les libertés des villes contre l’arbitraire royal et institue le contrôle de l’impôt par le Grand Conseil du Royaume.


    URL de cet article 13839
    http://www.legrandsoir.info/Cuba-des-faits-reels-pour-eclairer-le-president-et-la-presse-Counterpunch.html

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