• Mexique : Le deuxième suicide de Digna Ochoa

    Le 19 octobre 2001, la jeune avocate mexicaine Digna Ochoa y Plácido, employée par une organisation spécialisée dans la défense des droits humains, était retrouvée morte à son domicile de la capitale du pays. Une balle dans la cuisse, et une autre dans la tête, entrée par la tempe gauche (alors que Digna était droitière).

    Un suicide, concluaient aussitôt les autorités judiciaires de la ville Mexico. Digna avait déjà subi, en une douzaine d’années, deux enlèvements, avec sévices sexuels et menaces de mort

    Elle avait notamment dénoncé des officiers de l’armée comme auteurs de la première agression. Pendant un temps, elle était allée trouver refuge aux Etats-Unis, avant de rentrer au pays, pressée par l’ampleur de la tâche.

    Au moment de sa mort, elle défendait des paysans écologistes de la Sierra de Petatlán, dans l’état du Guerrero, emprisonnés pour s’être opposés à la déforestation opérée par un gros propriétaire local. Ce cacique, membre du PRI (Parti de la Révolution Institutionnelle, au pouvoir depuis la fin des années 1920) finançait sa politique de modernisation agricole par la culture de marihuana et de pavot, et bénéficiait d’une complicité qui n’étonnerait que des gens peu avertis de la réalité mexicaine, à savoir celle d’officiers de la neuvième région militaire.

    La chronique de cet assassinat annoncé a fait un temps les gros titres des journaux locaux, suscitant indignation et colère parmi les défenseurs des droits humains, au sein des organisations populaires et de la gauche non officielle.

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    En dépit de nombreux témoignages et accusations portées contre eux, ni le cacique de Petatlán (aujourd’hui sous les verrous), ni les autorités militaires n’avaient été entendus par la « justice ».

    Le 27 octobre 2010, le Procureur Général1 du District Fédéral (PGJDF) a annoncé sa décision de classer définitivement l’affaire : Digna Ochoa s’est donc officiellement suicidée.

    Dans le cadre de la deuxième visite de la CCIODH au Chiapas et à México, nous avions rencontré Digna Ochoa. C’était deux ans avant sa mort. Malgré les menaces dont elle faisait l’objet, cette femme souriante, tranquille, déterminée, nous avait fortement impressionnés par le mélange de compétence et d’enthousiasme dont elle faisait preuve.

    Ce « carpetazo », l’enterrement du dossier, ne changera rien à la vérité. Mais ce qui est inquiétant, c’est que les menaces de mort, les enlèvements et les assassinats continuent d’être la règle au Mexique. Ces menaces visent toute personne, tout collectif cherchant à dénoncer ou à s’opposer de façon un tant soit peu conséquente aux pouvoirs en place.

    Notamment à la série de crimes et turpitudes accompagnant la guerre actuelle contre la paysannerie et les communautés indigènes. Un « conflit de basse intensité » visant à livrer les campagnes du pays à l’ « agro-business » et au développement industriel (monocultures d’exportation -pavot compris, méga-projets énergétiques, appropriation de la bio-diversité, mines à ciel ouvert, extraction ... d’une main d’oeuvre taillable et corvéable, disponible et parquée dans de gigantesques et concentrationnaires cités-dortoirs).

    Voici quelques jours, alors qu’elle sortait d’une réunion avec le représentant au Mexique du commissaire aux droits humains de l’ONU, Margarita Martínez Martínez a été enlevée à bord d’un gros 4/4, emmenée et « promenée » dans un cimetière à San Cristóbal de Las Casas, au Chiapas.

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    Membre de l’association « Enlace y Comunicación », Margarita avait déjà fait l’objet d’une séquestration avec menaces de mort, le 25 février dernier. Suite à l’intervention de la Commission Interaméricaine des Droits Humains, elle bénéficie d’une protection policière. Or, curieusement, le policier chargé de l’escorter s’est absenté au moment de l’enlèvement. En la relâchant, les individus ont remis à Margarita un message à l’intention de Diego Cadenas, coordinateur de l’ONG FrayBa, qui travaille avec les communautés zapatistes : lui aussi « déstabilise » l’état. Lui aussi se fera descendre.

    Le gouverneur de l’Etat du Chiapas, Juan Sabines, appartient au PRD (parti de la révolution démocratique, adhérent, comme le PRI, de l’internationale socialiste). Le chef du gouvernement du Distrito Federal est lui aussi membre du PRD. Nous voilà totalement rassurés.

    Jean-Pierre Petit-Gras

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  • Argentine : Ezequiel Ferreyra, le petit garçon esclave de l’entreprise Nuestra Huella S.A., est décédé


    La Alameda
    Movimiento de Trabajadores Excluidos (MTE Cartoneros)

    Traduit par Esteban G.
    Edité par Michèle Mialane


    Mardi (16 novembre) 1H35 du matin, Ezequiel, le petit garçon de sept ans est décédé. Cet enfant esclave était exploité depuis l’âge de quatre par la société avicole Nuestra Huella. Il venait d’être opéré de nouveau le lundi de la semaine passée, mais sa tumeur avait progressé et atteint tout le cerveau. La courte vie d’Ezequiel ne s’est déroulée, la plupart du temps, qu’au milieu du sang et des excréments de poules et en manipulant les poisons cancérigènes de l’entreprise, pour que sa famille puisse atteindre les quotas de production imposées par le patron.

    Non contents d’avoir assassiné Ezequiel et d’avoir empoisonné des dizaines d’enfants et d’adultes, les patrons de la société Nuestra Huella s’apprêtent à faire disparaître les preuves et tentent de transférer rapidement le corps d’Ezequiel et peut-être le faire incinérer, pour échapper à tout contrôle judiciaire qui les compromettrait et établirait leur responsabilité envers Ezequiel et envers tous les enfants et adultes qui manipulent les pesticides stockés dans ses fermes.

    Aujourd’hui, mercredi 17, le président de la Fondation Alameda, Gustavo Vera, et l’avocat Pablo Sernani, se sont présentés à 7 heures du matin au Procureur Fédéral de Campana. Ils ont déposé une réclamation dans laquelle ils sollicitent une autopsie du corps d’Ezequiel pour tirer au clair les causes de son décès et garantir que celle-ci soit réalisée par des organismes ayant compétence pour le faire , par exemple Médecins Légistes, la Faculté de Médecine et l’INTI, et que soit transmis le dossier médical (réquisitionné) du petit garçon. Malgré la mobilisation, hier, de toute la localité de Campana, l’Alameda a dû retourner très tôt ce matin dans cette localité, craignant que le corps du petit garçon soit incinéré ou transféré.

    N’ayant pas confiance au Procureur, Vera et Sernani se sont rendu au Tribunal Fédéral N°2. « Nous sommes restés jusqu’à ce que le secrétaire adjoint Christian Espoltore nous reçoive, le même qui nous avait reçu hier lors de notre marche », expliquait le responsable d’Alameda.

    C’est finalement vers les 9 heures, que nous avons pu rencontrer le secrétaire adjoint à qui nous avons remis en mains propres les photos de la veillée funèbre et donné l’information qu’ils allaient transporter Ezequiel au cimetière. Les mandataires du procureur sont arrivés juste à la fin de la cérémonie et ont présenté la réclamation effectuée deux heures avant, par l’Alameda, à quelques pâtés de maisons du Tribunal.

    Pendant que les fonctionnaires de justice « réfléchissaient » à la façon de procéder face à la requête de l’Alameda, Ezequiel était enterré et à 10 heures du matin tout était terminé. Dans le cortège funéraire, il y avait des travailleurs des fermes et la présidente de Nuestra Huella, Alejandra López Camelo, accusée d’exploiter les enfants, se livrer au trafic humain des familles et de les obliger à manipuler, poisons et pesticides hautement cancérigènes.

    Ezequiel n’a reçu que deux couronnes de fleurs. Une avec l’inscription « Tes papis » et l’autre « l’entreprise ». À 10h30, les forces de l’ordre et la justice qui s’étaient présentées n’ont donné aucune suite aux requêtes de l’Alameda relatives au risque de dissimulation ou de crémation du corps du petit Ezequiel.

    Hier nous avons marché jusqu’à la porte des Tribunaux et d’un Procureur

    Les institutrices d’Ezequiel avaient déjà signalé que le petit garçon arrivait fatigué et qu’il s’endormait en classe, jusqu’au jour, vers la fin septembre où il s’est évanoui et a du être transporté d’urgence dans une clinique de Pilar. Pendant deux semaines personne n’a pu avoir de ses nouvelles. La société avait catégoriquement interdit aux parents de parler de ce sujet à leurs collègues de travail. Sa façon de procéder était très simple : convaincre les parents que si quelque chose arrivait à Ezequiel, ils en seraient juridiquement les seuls responsables et qu’on pouvait même leur retirer la garde de leurs autres enfants. Eux, en échange de leur silence, offraient les soins médicaux à l’enfant et éventuellement une somme d’argent en cas d’un dénouement fatal. Paralysés par la peur et le désespoir, les parents avaient accepté le chantage et gardé le silence.

    Nous savons maintenant qu’on l’avait réorienté de la clinique de Pilar vers la Clinique du Centre de La Plata où les médecins, après avoir détecté sa tumeur cancéreuse au cerveau, l’avaient fait transporter pour être opéré dans une autre clinique à Laferrere. L’opération avait permis de réduire partiellement la progression de la tumeur. Cependant, comme son état s’aggravait, l’entreprise ordonna son transfert au Centre Gallego dans le service de soins intensifs. Quelques jours après, la tumeur recommençait à grossir et le petit garçon était opéré une nouvelle fois le lundi (15 novembre), d’heure en heure son état s’aggravait et, très tôt ce mardi matin, l’enfant a succombé. Nous l’avons appris il y a quelques heures seulement, car depuis plusieurs jours son état de santé était gardé secret par la société qui voulait éviter à tout prix une enquête sur les causes de ce décès.

    Un recruteur avait ramené Ezequiel et sa famille de Misiones vers la fin 2007. C’était l’un des agents qui travaillent pour le compte de la présidente de la société Nuestra Huella, Alejandra López Camelo ; ils encaissent 2500 dollars pour chaque famille qu’ils parviennent à attirer dans leurs filets. La société leur promettait d’échanger la grande pauvreté dans laquelle ils vivaient à Misiones contre un travail stable et un toit assuré, où les enfants grandiraient à la campagne en pleine nature. Les coûts du voyage étant à la charge de l’entreprise, il ne restait à la famille qu’accepter cette offre rassurante. Bien entendu, entre l’extrême pauvreté chronique et un avenir avec foyer et travail stable assurés, la famille n’hésitait pas.

    Mais à la ferme « La Fernández », la situation était loin d’être le paradis promis. Le père avait la charge d’un des entrepôts, dans lequel il devait ramasser et conditionner des milliers d’œufs à la journée, récupérer les excréments, nettoyer le sang et pulvériser le poison. Le rendement exigé par l’entreprise était impossible à obtenir sans impliquer le reste de la famille, ce que recommandaient d’ailleurs les contremaîtres de l’entreprise. Et si ce rendement n’était pas atteint, le travailleur courait le risque de perdre son travail, de se trouver à la rue, mais cette fois-ci à des milliers de kilomètres de sa terre natale et loin de ses amis. En plus la famille devrait rembourser la « dette » des frais de voyage à Buenos Aires. C’est ainsi que l’épouse d’abord, et ensuite les enfants, étaient enrôlés dans les cadences infernales de cet entrepôt. Dans les entrepôts voisins il se passait la même chose, il était devenu naturel que la famille entière travaille d’arrache-pied, mais seulement en échange du salaire du père, inférieur à celui d’un ouvrier agricole.

    Comme la famille d’Ezequiel, des centaines d’autres sont réduites à l’esclavage dans quelques 70 fermes autour de Pilar, Zarate, Campana, Exaltación de la Cruz et Córdoba dont de nombreux enfants exposés au même sort que celui d’Ezequiel. Toutes ces fermes sont la propriété de « Nuestra Huella », une société qui jouissait d’un prestige et d’un leadership dans le marché avicole et qui comptait avec des clients très puissants par exemple Wall Mart et Carrefour, jusqu’au moment où se révéla peu à peu sa face d’ombre: le travail esclave et celui des enfants, les clôtures électrifiées, la traite et le trafic de personnes.

    Des heures et des heures d’enregistrement vidéo montrant le travail des enfants au cours des années 2008, 2009 et 2010, la ferme emplie de gens soumis à l’esclavage et clôturée par des barbelés électrifiés, les 30 fermes de Nuestra Huella dans lesquelles le Ministère du Travail avait constaté indiscutablement le travail des enfants, plus de quarante témoignages de victimes de cette entreprise, les enregistrements vidéo des persécutions et des tentatives de corruption des plaignants, les données précises des agents recruteurs, rien, absolument rien de tout cela n’a suffi à la juge, Graciela Cione (Garanties du Droit Pénal à Campana) et à Adrián Charbay (juge du Tribunal Fédéral N°2 de Zárate et Campana) pour rendre un minimum de justice qui permette de réduire la domesticité et le travail des enfants, la traite et le trafic de ces personnes. Peut-être cette entreprise a-t-elle pu agir en toute impunité parce que la présidente de la société, Alejandra López Camelo, est la cousine germaine du maire de Pilar, Humberto Zúccaro et belle-sœur du Secrétaire Général du syndicat local UATRE, Jorge Herrrera, et que l’ex-maire de Pilar, Sergio Bivort, est lui, l’avocat de la société.

    Depuis 2008 les couturiers et les cartonniers de l’Alameda et du MTE dénoncent, preuves à l’appui, le travail des enfants et les conditions esclavagistes en usage à Nuestra Huella et manifestent contre ces pratiques. Ce matin, encore ignorants du décès d’Ezequiel quelques heures plus tôt, plus de deux cent camarades ont défilé en direction des tribunaux de justice de Campana en exigeant que justice soit faite pour Ezequiel et pour la santé et la vie de plus de 200 enfants qui vivent et travaillent dans les fermes de cette entreprise, et nous avons prêté serment de revenir dans les prochains jours.

    Aujourd’hui plus que jamais, l’Alameda et le MTE redoubleront d’efforts pour réclamer justice et, ils invitent tous les citoyens et tous journalistes honnêtes qui combattent l’esclavage et le travail des enfants, à se joindre à leur cri pour briser le silence qui garantit l’impunité de Nuestra Huella.

    • Gustavo Vera (La Alameda) 1561584835
    • Juan Grabois (MTE) 1563843877

    La vidéo(es) montre les violations commises dans La Mimosa III, une des fermes de l’entreprise NUESTRA HUELLA S.A., qui ont eu lieu du vendredi après-midi jusqu’au samedi très tôt le matin.

    Depuis 2008, la Fondation Alameda accuse la société avicole de pratiquer le trafic d’êtres humains, le travail systématique des enfants et de réduire les gens en esclavage.

    Ezequiel Ferreyra avait à peine 7 ans, il se faisait exploiter dans les fermes depuis l'âge de 4 ans. Il agonise aujourd’hui à cause d’une tumeur au cerveau provoquée par les produits toxiques cancérigènes qu’on lui faisait manipuler.

    Exclusif : Enfance, poison et esclavage

    Par Lucas Schaerer, Miradas al Sur(Regards vers le Sud) 3ème Année. Édition numéro 130. Dimanche 14 novembre 2010.

    Ezequiel un gosse de sept ans, agonise pour avoir employé des pesticides dans une ferme avicole de Pilar, où l’on a surpris vendredi de graves entorses à la loi. L’entreprise a des liens avec le maire de la localité et avec l’UATRE.

    Presque depuis le berceau, Ezequiel était devenu l’emblème de l’exploitation de l’enfant des

    Derrière le fourgon de la police on peut voir la ferme dela société Nustra Huella S.A. C’est là que travaillait Ezequiel

    campagnes. À quatre ans il a été filmé ramassant des œufs dans un immense hangar de poules. Aujourd’hui, à sept ans, Ezequiel agonise à cause d’une tumeur provoquée par la manipulation de produits toxiques employés pour nettoyer les excréments des poules, et de poison au phosphore utilisé pour faire fuir les mouches. En faisant venir le gosse de Misiones, à la ferme La Mimosa III située à Pilar, l’entreprise faisait du trafic d’enfant –c’est le seul mot qui convient pour un tel acte sciemment commis -. Il a ensuite été exploité sans aucune possibilité d’en réchapper puisque la propriété était clôturée par des barbelés électrifiés et un garde à la barrière d’entrée. Ezequiel avait reconnu, au cours de l’enregistrement vidéo réalisé par l’ONG La Alameda, qu’il avait dû ramasser les œufs même le jour de son anniversaire au lieu de le fêter et de s’amuser. « Comme ça, comme ça, comme ça », s’exclamait-il, tout en ouvrant et en fermant ses toutes petites mains d’enfant pour indiquer le nombre d’heures par jour qu’il travaillait.

    Depuis lundi (15 novembre) Ezequiel se trouve au Centre Gallego dans un état de santé alarmant. Vendredi dernier (12 novembre), dans l’après-midi seulement et suite à la publication de ce cas, la justice fédérale de Zarate-Campana s’est intéressée aux pesticides employés par Nuestra Huella S.A., la plus grande entreprise avicole du pays avec ses 70 fermes.

    Au cours du contrôle de La Mimosa III ordonné par le juge Adrián Chavay, en charge du tribunal fédéral N°2, accompagné de l’avocat Orlando Bosco, le seul média présent était Miradas al Sur. Pas moins de 30 représentants de la Préfecture Navale, de la Direction des Migrations et du Ministère de la Justice Nationale d’Aide et d’Assistance aux Victimes étaient venus participer à l’enquête dans cette ferme, symbole de l’esclavage et de l’exploitation d’enfants.

    Un contrôle claironné à l’avance

    À l’arrivée de ce journaliste suivi de l’avocat des Travailleurs, Pablo Sernani et de Gustavo Vera, de la Fondation La Alameda, le préfet vêtu d’un costard cravate en charge de cette opération lançait la phrase : « Docteur, je ne suis pas autorisé à vous laisser passer », il devait rester au service du tribunal fédéral puisque son secrétaire s’était retiré trois heures après le début de l’opération qui dura jusqu’à 2h10 le samedi matin. Même après avoir présenté son titre d’avocat, ce dernier n’a pas pu entrer, comme lors de la première enquête, au cours de laquelle on avait découvert la clôture électrifiée ainsi que les conditions inhumaines dans lesquelles vivaient et travaillaient les familles, toutes natives de Bolivie, du Paraguay et du nord de l’Argentine.

    Peu après, Oscar Taboada apparaissait au loin. Il est le premier travailleur à avoir dénoncé Nuestra Huella pour sa pratique de l’exploitation des enfants, l’asservissement et le trafic de personnes. En voyant Oscar se diriger vers la barrière d’entrée pour parler avec son avocat, une femme en civil du Bureau de l’Aide et Assistance aux victimes lui a barré le chemin. Une longue discussion s’en est suivie entre l’avocat et le préfet, ce dernier empêchant l’avocat d’exercer le droit de défense et Sernani dû hausser le ton pour soutenir, qu’au regard du droit, il s’agissait là d’une privation illégitime de liberté. Pendant la discussion, les mêmes gardes qui avaient empêché un adolescent d’entrer, l’ont laissé passer, à l’approche du préfet en costard, sans lui demander son identité. Jusque-là ils ne cessaient de répéter « personne ne peut entrer ni sortir ». Cette règle ne s’était pas appliquée non plus à l’avocat de la société Nuestra Huella S.A., Jaime Seoane qui était resté à l’intérieur de la ferme durant toute l’opération. Le préfet lui-même, en charge du bon déroulement de l’opération de contrôle, reconnaissait que cette situation n’était pas régulière. Les travailleurs plaignants avaient confirmé que l’avocat du patron, lui, avait pu explorer toute la ferme La Mimosa III. « Il a pu aller jusqu’au fin fond de la ferme le plus tranquillement du monde, et moi, je ne peux même pas parler avec mon avocat », criait Taboaba.

    Pablo Sernani, représentant des travailleurs, avait assuré au journaliste « Aide et Assistance aux victimes ont fait pression sur mes protégés pour qu’ils s’en aillent, c’est un procédé scandaleux, et ils sont allés jusqu’à ne pas leur faire signer le procès verbal. Cette affaire est lourdement entachée d’irrégularités que nous dénoncerons ».

    « Le responsable en personne de La Mimosa III, Ceferino Viero, dénoncé pour ne pas avoir permis [en l’obligeant à travailler] la mère d’Ezequiel d’être au chevet de son fils, était chargé de filtrer le passage à la barrière d’entrée » affirmait Agustín Navarro Farías, délégué des travailleurs qui a été renvoyé et qui a fait deux procès pour sa réintégration. « Ceferino nous maltraite, il nous insulte en disant que nous sommes des Boliviens de merde, il nous discrimine et il a tenté plusieurs fois de m’écraser avec son fourgon », disait la jeune adolescente Danisa, fille d’Oscar Taboada et d’Elsa Soliz Ramos.

    Et justement, le fourgon en question du responsable de la ferme est celui dans lequel la Préfecture avait trouvé les bidons de poison contenant du phosphore. Les poisons utilisés pour tuer les mouches et pour traiter les excréments revendus comme engrais pour fertiliser la terre sont de trois types : Furadan, Sipermetina et Nubal. L’emballage de ce dernier porte la mention «Mortel pour l’homme». « La pression de l’entreprise était si grande, qu’un travailleur, Hernán López Arias, s’est suicidé en ingurgitant du Nubal, un poison insoluble dans le sang. C’est pour cette raison que le poison qui se trouve aujourd’hui dans le fourgon a un effet moindre. Nous l’utilisons pour tuer les mouches à l’intérieur de l’entrepôt car si nous utilisions l’autre, il tuerait aussi les poules qui mangent les mouches mortes », expliquait Navarro Farías, un jeune Paraguayen dont la fillette de trois ans, Claudia, a un rein pas plus gros qu’un haricot ; il craint que sa fille ne soit atteinte du même mal qu’Ezequiel.

    « C’est incroyable – ajoute Gustavo Vera de La Alameda– qu’ils n’emportent qu’une seule preuve et non pas le poison mortel ! Ezequiel est en train d’agoniser pour avoir manipulé ces substances et la justice les laisse ici. C’est absurde, c’est comme s’ils trouvaient de la cocaïne lors d’une inspection et qu’ils emportent tout, sauf la preuve de la présence de la cocaïne ».

    María, une autre travailleuse, disait que l’entreprise avait été prévenue à l’avance de l’opération. « Mardi avant l’opération ils ont apporté des bottes, des pantalons et des chemises, ils ont fixé de nouveaux panneaux de sécurité, coupé l’herbe qui mesurait plus d’un mètre de haut et le responsable s’est chargé de chasser les mouches ».

    Radiographie d’une entreprise meurtrière

    Leticia Esther García de Luaces, sa fille Luz Luaces et Alejandra López Camelo présidente de la société, sont toutes les trois actionnaires de Nuestra Huella S.A. Une enquête est en cours sur leur implication dans l’état de santé alarmant d’Ezequiel et les chefs d’accusation relèvent et du droit du travail (violations aux conditions de sécurité) et du pénal (réduction de personnes en esclavage et trafic d’êtres humains). Pourtant, elles n’ont jamais été retenues ni entendues en tant que suspectes.

    Elles bénéficient d’un soutien politique et syndical. La présidente de Nuestra Huella S.A., López Camelo, est en effet la cousine germaine du maire actuel de Pilar, Humbetto Zúccaro, et de plus la belle-sœur du délégué syndical de l’Union Argentine des Travailleurs Agricoles et des Dockers (Uatre), Jorge Herrera. Le syndicat des ouvriers agricoles avait été dénoncé pour avoir voulu soudoyer Oscar Taboada en lui proposant 50.000 pesos pour qu’il retire ses plaintes contre l’entreprise. Le soutien politique est toujours effectif car l’ancien maire de Pilar, Sergio Bivort, après avoir été libéré de ses fonctions, offrait ses services en tant qu’avocat à l’entreprise de la famille Luaces. Bivort avait été filmé et photographié, le jour où une manifestation bloquait l’entrée de l’entreprise, alors qu’il accompagnait Alejandra López Camelo, à la place du chauffeur.

    En ce qui concerne le soutien judiciaire à Nuestra Huella S.A. il semblerait fonctionner par l’intermédiaire du maire Zúcarro allié au sénateur de province José Manuel Molina. Ce dernier contrôle la Commission des Accords qui désigne ou traduit devant la haute-cour les juges buenos-airiens. « Peut-être, est-ce cela qui explique la passivité de la juge des garanties du droit, Graciela Adriana Cione, qui malgré qu’elle détienne les preuves indiscutables des procédés de soumission, elle n’a jamais réagi», concluait Vera, représentant de l’Ong La Alameda qui depuis plusieurs années dénonce plusieurs établissements qui exploitent leurs travailleurs jusqu’à les soumettre à un véritable esclavage.

    Les employés plaignants ont calculé que, dans chacune des quelques 20 fermes à peine de cette entreprise avicole, il y a 10 enfants exploités au travail, et donc 200 gosses qui courent de graves risques pour leur santé. Personne ne les a fait examiner. Aujourd’hui c’est le petit Ezequiel, demain ce pourra être 199 gosses de plus.

    Le panneau ridicule qui cache ce que la société, elle, connaît

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  • Liberté d'expression ou lutte contre les discriminations: le faux débat bolivien

    Paru le Samedi 27 Novembre 2010 Ici
     

       BERNARD PERRIN, LA PAZ    

    Solidarité La Bolivie a adopté en octobre une Loi contre le racisme et toute forme de discrimination. La pénalisation formelle de pratiques profondément ancrées dans le quotidien de la société est une révolution en soi dans un pays peuplé en majorité d'Indiens, historiquement discriminés jusqu'à l'arrivée au pouvoir d'Evo Morales en janvier 2006. Les médias de communication privés ont pourtant lancé une campagne très agressive de dénigrement d'une loi considérée comme un «bâillon», devenue symbole de la censure des médias. En un mois et demi, ceux-ci ont récolté plus de 700 000 signatures «en défense de la liberté d'expression, colonne vertébrale de la démocratie et d'un véritable Etat de droit». Ils espèrent pouvoir modifier la loi au moyen d'une initiative législative citoyenne.

    La société bolivienne s'est donc une nouvelle fois polarisée, le gouvernement du premier président indigène d'Amérique du Sud s'affrontant aux élites et à une partie de la classe moyenne. L'objet du litige? Deux articles de la nouvelle loi, et principalement l'article 16, qui prévoit qu'un média «qui autorise et publie des idées racistes et discriminatoires soit passible de sanctions économiques et de suspension de la licence».

    Le débat sur la supposée «censure préliminaire», qu'introduirait cet article en violation du droit international, est parvenu à éclipser celui de fond sur le racisme, sur la discrimination face à la couleur de la peau, l'habillement ou la consonance du nom. Mais il a relancé celui du rôle de la presse. «Il est presque comique d'entendre les journalistes admettre qu'il faut lutter contre le racisme, mais ajouter ensuite que leur liberté d'expression ne peut pas être limitée par une pénalisation des expressions racistes.

    Depuis quand la presse est-elle au-dessus des lois? Les journalistes qui réclament une totale impunité n'ont-ils pas au contraire une plus grande responsabilité à assumer?», synthétise Rafael Puente, ancien préfet du département de Cochabamba. Pour Antonio Peredo, ancien sénateur du Mouvement vers le socialisme (MAS), «la liberté d'expression reconnue par la Constitution garantit à une personne de pouvoir s'exprimer librement. Mais on peut ensuite la poursuivre pour son expression. Il n'y a donc pas de censure préliminaire des médias, mais une responsabilité ultérieure.»

    Le débat a finalement fait émerger le profond malaise des médias privés boliviens, dominés par des entrepreneurs poursuivant des intérêts personnels, économiques ou politiques. Les exemples ne manquent pas dans l'histoire récente de la Bolivie. En octobre 2003, alors que l'armée tire sur la foule de El Alto et de La Paz, et que le président néolibéral Gonzalo Sanchez de Lozada prend la fuite pour s'exiler aux Etats-Unis, plusieurs canaux de télévision, dont Unitel, interrompent leur programmation pour passer des films d'Hollywood. Pour Andrés Gomez, directeur de la Radio Erbol, «ce jour-là, ces médias ont tué la liberté d'expression et le droit à l'information qu'ils prétendent ressusciter aujourd'hui».

    L'humiliation de paysans dénudés sur la place principale de la capitale Sucre en mai 2008 ou le massacre de paysans dans une embuscade, dans le département de Pando en septembre de la même année, furent largement décrits comme des «affrontements» entre des hordes à la solde d'Evo Morales et les héroïques défenseurs de la démocratie. Les principaux journaux boliviens ont construit une réalité à partir de présupposés idéologiques et raciaux. L'exemple le plus frappant fut certainement celui du journaliste radio Jorge Melgar, qui, lors de la tentative de déstabilisation du pouvoir central dans les départements de l'est de la Bolivie en septembre 2008, appela sur les ondes à assassiner «l'Indien de merde», allusion direct au président.

    Un fait qui aujourd'hui ne resterait pas impuni. «La nouvelle loi contre le racisme est une sorte d'acte de justice pour cinq cents ans d'ignominie à l'égard des peuples autochtones, des indiens», explique Rafael Puente. Mais, s'appuyant sur l'article 5, l'ancien préfet souligne que le nouveau texte «interdit aussi l'autre discrimination, depuis le bas, de l'Indien à l'égard des Blancs, et qu'elle inclut toutes les formes imaginables de discrimination», notamment à l'égard des femmes, mais aussi en fonction de l'idéologie ou de la filiation politique.

    Au final, le vrai débat bolivien est donc bien celui de l'acceptation de l'égalité. «Les classes sociales sont basées sur une classification raciste depuis la colonisation espagnole. Cela est même perçu comme quelque chose de naturel, rappelle le journaliste Rafael Bautista. Même si cela nous fait mal à l'âme, il faut reconnaître que l'ensemble de la société a trop longtemps accepté l'idée qu'il y avait des êtres inférieurs.»

    Et Hugo Moldiz, rédacteur en chef de l'hebdomadaire progressiste La Epoca, de renchérir: «Ce n'est pas un hasard si la couleur de la peau a joué un rôle déterminant dans la constitution des classes sociales en Bolivie. Et ce n'est pas un accident de l'histoire si la pauvreté s'exprime avec un visage indigène, afrobolivien ou féminin.»


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  • Le discours d’Hugo Chavez

    Fidel CASTRO

    Après le discours d’Evo Morales, Le Grand Soir propose à ses lecteurs un discours enflammé d’Hugo Chavez, présenté par celui qui se consacre désormais à l’observation et à l’analyse des événements.

    On y verra probablement que les médias ont tort de réduire le dirigeant vénézuélien à sa caricature d’homme fantasque, imprévisible et au parler décousu.

    LE GRAND SOIR.

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    Une réunion insolite s’est déroulée au Capitole de Washington entre des législateurs de la droite fasciste étasunienne et des dirigeants de la droite oligarchique et putschiste latino-américaine, qui ont parlé ouvertement du renversement des gouvernements vénézuélien, bolivien, équatorien et nicaraguayen.

    Et ce, quelques jours avant la Conférence des ministres de la Défense des pays du continent, qui s’est tenue à Santa Cruz (Bolivie), et où le président Evo Morales a prononcé une dénonciation énergique le 21 novembre.

    Il ne s’agissait pas en fait d’une simple campagne médiatique de calomnies – habituelle en politique impérialiste – mais bel et bien d’une conspiration qui, si elle aboutissait, plongerait inévitablement le Venezuela dans un bain de sang.

    Compte tenu de ma longue expérience, je n’ai pas le moindre doute de ce qu’il se passerait au Venezuela si Chávez était assassiné. Pas la peine d’un plan ourdi d’avance contre le président : il suffirait d’un malade mental, ou d’un consommateur habituel de drogue, ou de la violence déclenchée par le trafic de drogues dans les pays latino-américains pour engendrer au Venezuela un problème extrêmement grave. Analysées d’un point de vue politique, les activités et les mœurs de l’oligarchie réactionnaire propriétaire de puissants médias, stimulée et financée par les États-Unis, conduiraient forcément à des heurts sanglants dans les rues du pays, ce qui est clairement l’intention de cette droite vénézuélienne porteuse de haine et fautrice de violence à la vue de tous.

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    hugo-chavez

    Guillermo Zuloaga – propriétaire d’une chaîne de télévision opposée à la Révolution bolivarienne et fuyard de la justice vénézuélienne – participait à cette réunion de législateurs conspirateurs convoquée par Connie Mack et par Ileana Ros-Lehtinen. Celle-ci est d’origine cubaine et d’obédience batistienne, et notre peuple lui a appliqué le sobriquet de « louve féroce » pour sa conduite répugnante durant l’enlèvement du petit Elián González et son refus de rendre l’enfant à son père. Cette représentante républicaine, qui suinte par tous les pores de sa peau la haine et le ressentiment contre Cuba, le Venezuela, la Bolivie et les autres pays de l’ALBA, qui a défendu le gouvernement putschiste au Honduras que la majorité des pays américains ont pourtant condamné, sera presque sûrement élue au prochain Congrès présidente de la commission des Relations extérieures de la Chambre des représentants.

    Le gouvernement de la République bolivarienne faisait donc face à une grave provocation. C’était un point vraiment délicat. Je me demandais comment Chávez réagirait. La première riposte énergique est partie d’Evo Morales, dans le discours brillant et sincère que connaît déjà notre peuple. On avait appris voilà deux jours, le mardi 23, que Chávez aborderait la question devant l’Assemblée nationale.

    Cette réunion, prévue à cinq heures de l’après-midi, a commencé quasiment à l’heure. On y a écouté des interventions énergiques et précises. Tout a duré deux heures et quelques minutes. Les Vénézuéliens ont pris le problème au sérieux.

    Chávez a commencé par mentionner par leurs noms certaines des personnes présentes, et, après avoir blagué avec la nouvelle championne mondiale de kata et au sujet du match entre deux équipes de base-ball professionnel, il est entré progressivement dans le vif du sujet :

    « … je vais, vrai de vrai, être bref. Je tiens à remercier le député Roy Daza pour le document qu’il a lu, un document qui défend non seulement le Venezuela, comme l’a dit Eva [Golinger], mais encore la patrie humaine ou, pour ainsi dire, la possibilité humaine.

    « J’ai apporté des livres avec moi. […] C’est l’exemplaire, un peu plus défraîchi maintenant, que j’ai montré aux Nations Unies. Il est de Noam Chomsky, et je continue de le recommander : "Dominer le monde ou sauver la planète ? L’Amérique en quête d’hégémonie mondiale " [1]. Eva nous a rappelé ce grand homme de la pensée critique, de la pensée créatrice, de la philosophie, de la lutte pour l’humanité.

    « Et voici sa suite : "Les États manqués : abus de puissance et déficit démocratique" [2]. Chomsky y affirme carrément que le premier État manqué du monde, c’est l’État étasunien, qui est devenu une vraie menace pour la planète, pour le monde entier, pour l’espèce humaine.

    « Dans une partie de ces entretiens, Chomsky réfléchit sur l’Amérique latine, sur le Venezuela, d’un manière très courageuse, très objective, généreuse, défendant notre Révolution, défendant notre peuple, défendant le droit que nous avons et que nous exerçons de suivre notre propre route, comme le font tous les autres peuples du monde, mais que l’Empire yankee ignore et prétend ignorer.

    « Au cœur même du Capitole fédéral – je crois que c’est comme ça qu’on l’appelle – en plein Washington, un sommet de terroristes se réunit donc, une véritable bande de voyous, de délinquants, d’escrocs, de terroristes, de voleurs, de malfrats, sous l’égide de personnalités "prestigieuses" de l’establishment, non seulement de l’extrême droite républicaine, mais encore du Parti démocrate, et, comme viennent de le dire Eva, et Roy dans ce magnifique document qu’il a lu, un document de portée nationale, un document public, ces gens-là menacent ouvertement le Venezuela, les pays et les peuples de l’Alliance bolivarienne !

    « D’ici, je salue Evo Morales, un compañero courageux, un camarade, et le peuple bolivien.

    « D’ici, je salue Rafael Correa, un compañero courageux, un camarade, et le peuple équatorien.

    « D’ici, je salue Daniel Ortega, ce comandante président, un compañero courageux, un camarade, et le peuple nicaraguayen.

    « D’ici, je salue Fidel Castro, Raúl Castro, et ce courageux peuple cubain.

    « D’ici, je salue tous les peuples caribéens, Roosevelt Skerrit et le peuple de la Dominique, de courageux dirigeants, Saint-Vincent-et-Grenadines, Ralf Goncalves, Spencer, les peuples de l’ALBA, de l’Alliance bolivarienne, leurs gouvernements, nos gouvernements et bien entendu, le courageux peuple vénézuélien, auquel je redis notre engagement et notre appel à l’unité, que j’appelle à continuer de se battre pour l’avenir de la patrie, pour l’indépendance dont l’acte de constitution original, comme l’a dit la présidente de l’Assemblée, Cilia, est ici même, dans cette salle, l’acte original d’il y a deux cents ans.

    « L’année 2011 est toute proche. Préparons-nous de tous les points de vue, spirituel, politique, moral, pour fêter les deux cents ans de ce premier Congrès, de cette première Constitution, la première d’Amérique latine, de la naissance de la première République, de la naissance de la patrie vénézuélienne. Ce n’est pas seulement le 5 juillet, c’est toute l’année 2011, le début de la guerre révolutionnaire d’indépendance commandée d’abord par Miranda, puis par Bolívar et par les grands hommes et les grandes femmes qui nous ont donné une patrie.

    « Le document qu’a lu Roy Daza s’ouvre sur une phrase de Bolívar quand il écrit à Irvine, un agent étasunien venu ici réclamer les bateaux que Bolívar et ses troupes avaient arraisonnés sur l’Orénoque parce que les États-Unis envoyaient des armes et des provisions à l’Espagne.

    « Ce n’est pas nouveau, Eva, ce que tu as dénoncé ici, l’envoi de millions de dollars, l’appui logistique. Non. À cette époque-là, le gouvernement étasunien envoyait déjà des armes et des provisions aux troupes impérialistes espagnoles. C’est une lettre fameuse. Elle apparaît en partie dans un autre livre que je n’arrête pas de recommander aussi, qui se lit tout d’une traite, d’un bon écrivain cubain, Francisco Pividal : Bolívar, pensamiento precursor del antimperialismo, qui contient toute une série de citations extraordinaires. Tu as en lu une. 

    « Mais, dans une lettre à cet Irvine, la dernière, je crois, quand Irvine commence à le menacer de recourir à la force, Bolívar lui écrit : Je ne vais pas tomber dans votre provocation, ni dans votre langage. Je veux seulement vous dire, M. Irvine… Je paraphrase, mais c’est l’idée, la dignité de notre père Bolivar qui s’impose, et qu’il vaut la peine de souligner dans cette salle pleine de magie, de symboles, de patrie, de rêves, d’espoir, de dignité… Bolívar lui écrit donc : Sachez, M. Irvine que la moitié ou plus – nous sommes en 1819 [3], après presque une décennie de guerre à mort – ou presque la moitié des Vénézuéliens est morte dans la lutte contre l’empire espagnol, et que l’autre moitié qui est encore en vie, nous qui sommes encore là, nous brûlons d’envie de suivre la même route qu’eux si le Venezuela devait faire face au monde entier pour préserver son indépendance, sa dignité.

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    Simon Bolivar

    « Voilà comment était Bolívar. Et nous sommes ici, ses fils, ses filles, prêts à faire pareil. Que le monde le sache : prêts à faire pareil ! Si l’Empire yankee avec toute sa puissance – dont nous ne nous moquons pas, oh non, il faut le prendre très au sérieux, comme Eva nous le recommande si bien – décide de nous agresser, ou plutôt de continuer d’agresser ouvertement le Venezuela pour tenter de freiner cette révolution, nous sommes prêts, sachez-le, monsieur l’Empire et vos personnifications, à faire exactement pareil : à mourir tous pour cette patrie et pour sa dignité !

    « À ce Sommet de terroristes, de génocides, qui s’est tenu à Washington, il y avait des Vénézuéliens, des Boliviens… Et nous pourrions nous demander, comme le faisait hier un bon journaliste dans une interview, avec quels passeports ces délinquants sont entrés, quels passeports ils détiennent, parce que certains sont déjà notice rouge à INTERPOL ! N’empêche qu’ils arrivent là-bas tout tranquillement, ils déambulent dans les rues de Washington, on les accueille même à bras ouverts ! Alors, oui, il a raison, Noam Chomsky, et je suis d’accord avec lui : l’État étasunien est un État manqué, qui agit sans tenir compte du droit international, qui ne respecte absolument rien et qui, par-dessus le marché, se sent parfaitement en droit de le faire, qui ne répond de rien devant personne. C’est une menace non seulement pour le Venezuela et pour les autres peuples du monde, mais aussi pour son propre peuple qui est constamment agressé par cet État antidémocratique.

    « Regardez un peu, c’est juste un résumé. Wikileaks, ça vous dit quelque chose, pas vrai ?

    « Que dira cette dame, cette représentante, cette fasciste, qui nous a traités, Evo, Correa et moi, de hors-la-loi ? Alors que la hors-la-loi, c’est elle. Et un tribunal vénézuélien devrait demander son extradition pour commettre des délits et conspirer, et bien d’autres avec elle, contre la souveraineté de notre pays. Il faut clouer au pilori cette hors-la-loi et les autres !

    « Que diront ces hors-la-loi de ça, par exemple ? …… Que dira le Congrès étasunien de ces rapports, de ces documents qui étaient secrets et qui ont été publiés sur le site Wikileaks.

    « Je lis :

    "Le 15 mars 2010, Wiki Candanga a publié un rapport du département étasunien de la Défense qui aborde plusieurs fuites apparues sur ce site web et concernant les intérêts des USA et proposait plusieurs moyens de le mettre sur la touche."

    « J’ai ici quelques-uns de ces documents, qui sont publics. Reste à voir si les autorités des USA prennent une initiative contre ces crimes ou ces prétendus crimes – je ne suis pas magistrat pour en juger – ces prétendus crimes graves commis par des citoyens de ce pays, des civils, des militaires, par son gouvernement.

    « Je lis :

    "Le 5 avril 2010, Wikileaks a publié un vidéo où l’on voit des soldats étasuniens en train d’assassiner le reporter de Reuters, Namir Noor-Eldeen, son adjoint et neuf autres personnes. On voit clairement qu’aucun ne fait le moindre geste d’attaquer l’hélicoptère Apache à partir duquel on leur tire dessus. Bien que l’agence Reuters ait réclamé ce vidéo à maintes reprises, elle n’a jamais pu l’obtenir jusqu’à ce que Wikileaks ait publié ces images inédites qui ont mis en échec l’appareil militaire des Etats-Unis."

    « Bon, mettre en échec, c’est beaucoup dire… Disons alors du point de vue moral.

    « Je le demande à nouveau : que diront les Nations Unies ? Que se passerait-il si cela était arrivé dans un pays de l’ALBA ? Que se passerait-il ? Que dira sur ce cas l’OEA, que dira le Conseil de sécurité des Nations Unies, le Conseil des droits de l’homme ? Que dira la tristement célèbre Cour internationale de justice ? Pour que vous voyez un peu le deux poids deux mesures avec lequel on mesure ici les droits de l’homme, le respect de la vie, le terrorisme et tous ces phénomènes !

    « Journaux de guerre d’Afghanistan, le 25 juillet 2010, publiés aussi. Enregistrements de la guerre d’Iraq. Écoutez un peu, ça date d’à peine quelques jours :

    "Le 22 octobre 2010, Wikileaks a publié sur son site web un ensemble de documents de la guerre en Iraq et de son occupation, contenant 391 831 documents du Pentagone, du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2009, qui révèlent, entre autres points, l’usage systématique de la torture, le chiffre de 109 032 morts en Iraq, dont 61 081 étaient des civils, soit 63 p. 100, 23 984 ‘ennemis qualifiés d’insurgés’, 15 196 du pays dit d’accueil [quelle manière de visiter un pays !], et 3 771 morts ‘amis’, autrement dit de la coalition. Les documents révèlent que 31 civils sont morts en moyenne chaque jour sur une période de six années."

    « Qui enquête sur ça ? Qui répond de ça ? Personne, car c’est l’Empire, l’État raté étasunien ! Écoutez ceci :

    "Ces documents, classés chronologiquement et par catégorie, décrivent des actions militaires meurtrières de l’armée des USA, dont la quantité de personnes assassinées, blessées ou arrêtées dans le cadre de ces actions, ainsi que l’emplacement géographique précis de chaque fait, détaillant les unités militaires impliquées et les armes utilisées."

    « Assez de détails, donc, pour ouvrir une enquête. Que dira le Congrès étasunien de tout ça ? Notre ambassadeur à Washington est parmi nous. Tu es encore ambassadeur là-bas, n’est-ce pas ? Oui. Et là-bas, que je sache, pas un mot. Je continue de lire :

    "La plupart des entrées du journal ont été écrites par des soldats et des membres des services de renseignement qui écoutaient les rapports transmis par radio depuis le théâtre des combats.

    "Victimes civiles causées par les forces de la coalition. On a fini par connaître un grand nombre d’attaques et de morts causés par les tirs des troupes contre des chauffeurs sans armes, de crainte qu’ils ne soient pas des terroristes kamikazes.

    "Un rapport signale qu’un enfant a été assassiné et un autre blessé quand la voiture où ils se trouvaient a été atteinte par des tirs de soldats. En compensation, on a versé à la famille 100 000 afghanis pour l’enfant tué, soit 1 600 euros".

    « Le capitalisme paie 20 000 afghanis, soit 335 euros, pour le blessé, et 10 000 afghanis, soit 167 euros, pour le véhicule endommagé. Et les rédacteurs de ces rapports appellent ça de "petites tragédies". De petites tragédies ! Voilà la grande menace, la plus grande menace qui pèse sur l’humanité.

    « L’Empire yankee est entré sans aucun doute dans une phase de déclin politique, économique et surtout moral, mais qui peut nier sa grande puissance militaire, ce qui, de pair avec ces facteurs, le convertisse, lui qui est le plus puissant Empire dans l’histoire, en une menace pire pour nos peuples. Que nous reste-t-il ? On l’a dit ici aussi : de l’unité, encore de l’unité, toujours de l’unité !

    « Le Congrès des États-Unis va devenir à partir de janvier un Congrès de l’extrême droite ? Oui. Alors, le parlement vénézuélien doit devenir, à partir du 5 janvier, un parlement d’extrême gauche !

    « Et j’appelle les députés et députées élus par le peuple, par les mouvements populaires, par les mouvements sociaux, par les partis de la révolution, à assumer le grand engagement qu’ils auront à compter du 5 janvier.

    « En fait, c’est inouï, et Eva nous le rappelle. Comment continuons-nous de permettre, alors que nous avons une Constitution - et combien elle a coûtée, combien d’années de bataille, combien de sueur, combien de sang, combien d’efforts, et nous avons aussi dans cette salle notre première Constitution, le premier acte de notre indépendance, qui a fait de nous un pays souverain – comment donc continuons-nous de permettre un certain nombre de choses, au risque qu’on nous qualifie de nouveau de "drôle de patrie " ou de "drôle de révolution ", ou, pour employer un langage encore plus populaire, de "lavette de révolution", comment donc continuons-nous de permettre que des partis politiques, des ONG, des personnalités de la contre-révolution soient encore financés par l’Empire yankee à coups de millions et de millions de dollars, et utilisent la pleine liberté pour abuser de notre Constitution, pour la violer, pour tenter de déstabiliser le pays ? J’implore ce Parlement de promulguer une loi très sévère pour l’empêcher. Voilà comment nous devons répondre à l’agression impériale, en radicalisant nos positions, en nous relâchant sur absolument aucun point, en ajustant nos positions, en redoublant le pas, en consolidant l’unité révolutionnaire. Et pas seulement le Parlement. Il nous faut une gauche bien plus radicalement à gauche, il nous faut un gouvernement bien plus radicalement à gauche, des forces armées, général Rangel – nous vous nommerons enfin généralissime samedi, le 27 novembre, Jour des forces armées – bien plus radicalement révolutionnaires, aux côtés du peuple.

    « Les demi-teintes ne sont pas de mise dans nos rangs civils ou militaires. Non, la seule ligne à suivre est de radicaliser la Révolution ! Et cette bourgeoisie grossière, apatride, doit le sentir dans les côtes. Cette bourgeoisie vénézuélienne sans vergogne et sans patrie doit le sentir dans les côtes, doit savoir que tout ça se paie, qu’un de ses représentants les plus notoires ne peut aller impunément au Congrès même de l’Empire pour s’en prendre au Venezuela et continuer de posséder ici une chaîne de télévision ! Et tout dans ce style. La bourgeoisie vénézuélienne doit savoir que son agression au peuple va lui coûter cher et qu’elle ferait mieux de ne pas trop se pointer là-bas !

    « Je me rappelle… que sous le gouvernement Betancourt, des députés de partis de gauche ont été arrêtés sans préavis ni avertissement préalable, qu’on les a fourrés en prison sans la moindre preuve et qu’on leur a enlevé l’immunité parlementaire.

    « Un groupe de députés d’extrême droite entrera dans quelques semaines au Parlement. Alors, je tiens à leur rappeler qu’il existe ici une Constitution. Et que, de même que le Parti communiste du Venezuela et bien d’autres partis ont été interdits à un moment donné, qu’on a enlevé l’immunité parlementaire à des nombreux députés sans la moindre preuve – d’autres ont pris le maquis, comme le grand Fabricio Ojeda qui a renoncé à son siège et a pris le maquis pour donner son sang pour la révolution et pour le peuple – de même j’imagine que ce digne Parlement n’acceptera pas, alors qu’il est le représentant majoritaire des forces populaires, que la force d’extrême droite vienne ici bouleverser l’ordre constitutionnel. Je suppose, je suis même sûr que l’État activera tous ses mécanismes pour défendre la Constitution et la loi face aux agressions qui ne se feront pas attendre.

    « Ainsi donc, nous sommes la menace. Comment est-ce donc que les terroristes ont appelé leur réunion. "Menace dans les Andes", n’est-ce pas, Nicolás ? On dirait un titre de film. Péril dans les Andes. Non, c’est péril pour le monde entier qu’il faut dire, et il faut en avertir tout haut. Le péril est mondial.

    « En ce moment même, il y a une situation compliqué dans la péninsule coréenne. Quand je suis venu ici, les nouvelles étaient encore confuses, aussi confus que le torpillage de ce bateau sud-coréen, le Cheonan, bien qu’0n ait su après, par des preuves, qu’il avait été coulé par les États-Unis. Et maintenant, dans une petite île, sur cette péninsule divisée par l’Empire yankee, envahie, rasée pendant des années, la situation est tendue. Des bombes, des morts et des blessés.

    « Ça fait plusieurs mois que Fidel Castro alerte au sujet des graves risques d’une guerre nucléaire. Je suis allé le voir une nouvelle fois, tout récemment, il m’a expliqué sa pensée – je la connais bien, évidemment, mais rien de mieux que le dialogue – et il me disait : Chávez, n’importe quel petit échange de coups de feu dans cette zone bourrée d’armes de destruction massive, d’armes atomiques, risque de conduire à une guerre qui serait d’abord classique, mais qui pourrait déboucher directement – il en est convaincu – sur une guerre atomique qui serait la fin de l’espèce humaine. Le danger n’est donc pas dans les Andes, crétins de Washington ! Le péril est mondial.

    « Ici, au Venezuela, comme le disait Eva, une lumière s’est allumée, puis une autre en Amérique latine, et d’autres encore. Nous pouvons dire maintenant que l’Amérique latine est le continent de l’espoir. Et l’Empire yankee ne peut pas fermer la porte au nez de cet espoir.

    « Nous, les Vénézuéliens et les Vénézuéliennes, il nous est toujours échu, pour une raison ou pour une autre, ou pour des raisons de différentes natures, d’être à l’avant-garde de ces luttes, depuis des siècles.

    « Je vois ici les portraits de Miranda, de Bolívar, et de Martín Tovar y Tovar, des peintures de Carabobo… Comme le disait Roy avec passion : c’est dans nos gènes, dans notre sang. Il paraphrasait Mao, le Grand Timonier.

    « Cet Empire, cet État manqué que sont les États-Unis va devenir, malgré son immense pouvoir, malgré ses menaces, un gigantesque tigre de papier. Et nous, nous devons par obligation nous convertir en de vrais tigres d’acier, en de petits tigres d’acier, invincibles, indomptables.

    « Madame la présidente, j’ai promis au début d’être bref, et je répète ma promesse. Je crois d’ailleurs que tout a déjà été dit par Eva Golinger, cette courageuse femme, et par Roy Daza, ce courageux député, et que tout est contenu dans ce document qui va être distribué, si j’ai bien compris, aux quatre coins de Venezuela puis en Amérique latine.

    « Je vous remercie de m’avoir invité à cette cérémonie. Et comme l’un de plus, je me joins, pour ainsi dire, à ce gigantesque bataillon pour défendre le Venezuela, pour défendre la patrie vénézuélienne.

    « Je regarde ce tableau, ou plutôt cette œuvre monumentale de Tovar y Tovar, avec l’infanterie ici et la cavalerie là-bas. Cavalerie, au galop, pour défendre la patrie bolivarienne, pour défendre l’Alliance bolivarienne de nos peuples !

    « A bas l’Empire yankee ! »

    C’est sur ces mots qu’il a conclu, et sur des vivats en l’honneur de l’ALBA, de la patrie et de la révolution.

    Je n’ai pas le moindre doute que Chávez, un militaire de profession, mais bien plus attaché à la persuasion et au dialogue qu’à la force, n’hésitera pas à empêcher la droite favorable à l’impérialisme et antipatriotique de lancer les Vénézuéliens trompés contre la force publique pour faire couler le sang dans les rues du pays. La mafia impérialiste a eu droit, en Bolivie et au Venezuela, à une riposte bien plus claire et énergique qu’elle ne l’imaginait.

    Fidel Castro Ruz
    Le 25 novembre 2010

    traduction J-F Bonaldi (La Havane)

    [1] Traduction Paul Chemla, collection 10 x 18. (NdT)

    [2] Paris, 2007, Fayard, traduction Paul Chemla (Failed states : the abuse of power and the assault on democracy) (NdT)

    [3] La lettre est en fait du 7 octobre 1818 (Pividal, p. 116). (NdT)

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  • Le discours d’Evo

    Fidel CASTRO

    Le Grand Soir donne à lire ici ce que la presse ne publie pas sur l’Amérique latine où se joue peut-être un nouvel équilibre mondial et où naissent sûrement de nouveaux modes de coopération inter-étatiques, de nouvelles solidarités, de nouvelles formes d’organisation dans l’économie et le social, de nouveaux rapports entre les élus et les peuples, et un retour au sens et au goût du discours sur fond d’héroïsme.

    Un homme suit cela de près, comme il regarde les agissement des USA et de l’OTAN. Nous publions ci-après en deux articles les "Réflexions du compañero Fidel" qui, à travers Evo Morales et Hugo Chavez, ne nous parle pas que de l’Amérique latine, mais probablement du monde tel qu’il va.

    Le Grand Soir

    Il est des moments dans l’histoire où un discours est de rigueur, serait-il aussi bref que l’Alea jacta est de César franchissant le Rubicon. Et il fallait le traverser le jour où les ministres de la Défense des États souverains du continent américain étaient réunis à Santa Cruz, la ville où les Yankees ont fomenté la sécession et la désintégration de la Bolivie.

    Nous étions le lundi 21 novembre, et les agences de presse s’attachaient à divulguer et à commenter le Sommet de l’OTAN à Lisbonne, où cette institution belliciste proclamait, d’un ton arrogant et grossier, son droit d’intervenir dans n’importe quel pays du monde où ses intérêts seraient censément menacés.

    Elle ignorait royalement le sort de milliards de personnes, ainsi que les vraies causes de la pauvreté et des souffrances de la majorité des habitants de la planète.

    Le cynisme de l’OTAN méritait une réponse, qui est venu des lèvres d’un indigène aymara de Bolivie, au cœur même de l’Amérique du Sud, où une civilisation plus humaine avait fleuri avant que la conquête, le colonialisme, le capitalisme en plein essor et l’impérialisme n’eussent imposé leur domination par la force brute, fondée sur le pouvoir des armes et de technologies plus avancées.

    Evo Morales, le président de ce pays élu par l’immense majorité de son peuple, a, se fondant sur des arguments, des données et des faits irréfutables, et sans doute sans même connaître l’infâme document de l’OTAN, répondu à la politique que les gouvernements étasuniens ont suivie tout au long de l’histoire envers les peuples latino-américains et caribéens.

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    SOLDATS OTAN

    Une politique de force qui s’est exprimée par des guerres, des crimes, des violations des constitutions et des lois ; par la formation d’officiers des institutions armées aux conspirations, aux coups d’État, aux crimes politiques ayant servi à renverser des gouvernements progressistes et à installer des régimes répressifs auxquels ils ont offert systématiquement un soutien politique, militaire et médiatique.

    Jamais discours n’a été plus opportun.

    Utilisant bien souvent des expressions de sa langue aymara, Evo a affirmé des vérités qui passeront à l’histoire.

    Je vais m’efforcer de résumer ce qu’il a dit en le reprenant textuellement.

    « C’est pour moi une énorme satisfaction d’accueillir à Santa Cruz de la Sierra les ministres de la Défense d’Amérique. Santa Cruz est la terre d’Ignacio Warnes, de Juan José Manuel Vaca, d’hommes rebelles qui se sont battus depuis 1810 et qui ont donné leur vie pour l’indépendance de notre chère Bolivie. D’hommes comme Andrés Ibáñez, Atahuallpa Tumpa, un frère indigène, d’hommes qui, sous la République, se sont battus pour son autonomie et pour l’égalité des peuples de notre terre. « Bienvenue en Bolivie, la terre de Túpac Katarí, la terre de Bartolina Sisa, de Simón Bolívar et tant d’autres qui se sont battus voilà deux cents ans pour l’indépendance de ce pays et de bien d’autres en Amérique.

    « L’Amérique latine… vit ces dernières années de profondes transformations démocratiques, à la recherche de l’égalité et de la dignité des peuples… « …suivant les pas d’Antonio José de Sucre, de Simón Bolívar, de tant d’autres dirigeants indigènes, métis, créoles qui ont vécu voilà deux cents ans.

    « Voilà une semaine exactement, le 14 novembre, nous avons fêté le bicentenaire de l’armée bolivienne, dans laquelle, en 1810, les indigènes, les métis et les créoles s’étaient organisés militairement pour combattre la domination espagnole.

    « Les peuples d’Amérique latine ont, ces derniers temps, décidé une nouvelle fois de se libérer, et cette deuxième libération ne sera pas seulement sociale et culturelle, mais encore économique et financière.

    « …cette Neuvième Conférence des ministres de la Défense va débattre de la sexospécificité et du multiculturalisme dans les forces armées ; de la démocratie, de la paix et de la sécurité des Amériques ; des catastrophes naturelles, de l’aide humanitaire et du rôle des forces armées. C’est là un ordre du jour judicieux, un ordre du jour bien conçu, qui doit permettre de débattre de l’espoir des peuples non seulement d’Amérique latine, mais du monde.

    « En 1985… seuls ceux qui avaient de l’argent, une profession et qui parlaient espagnol avaient le droit d’être élu et d’élire.

    « Moins de 10 p. 100 de la population bolivienne pouvaient donc participer aux élections, être élus ou élire les autorités, et plus de 90 p. 100, nous, nous n’avions pas ce droit… différents processus ont eu lieu… différentes réformes, mais c’est seulement en 2009 que le peuple bolivien tout entier a eu pour la première fois le droit de se doter d’une nouvelle Constitution qui entérinait notre État plurinational.

    « …dans les autres Constitutions, bien entendu, les secteurs les plus marginalisés… n’avaient pas le droit d’être élu ni d’élire les autorités de l’État, de la République de Bolivie.

    « Il a fallu attendre cent quatre-vingts ans pour pouvoir opérer de profondes transformations et incorporer ces secteurs historiquement marginalisés en Bolivie. Aujourd’hui, si je ne me trompe, je crois que c’est le seul pays d’Amérique, voire au monde, où la moitié des ministres sont des femmes.

    « Bien entendu, indépendamment des normes de la Constitution… je sens que le plus important pour incorporer ces secteurs les plus abandonnés, c’est la décision politique. Maintenant, depuis la Constitution de 2009, les plus marginalisés, les plus méprisés, ceux qui étaient considérés comme des bêtes, autrement dit les indigènes et leur mouvement, sont représentés à l’Assemblée législative plurinationale et aux assemblées départementales.

    « L’important, c’est que là où les mouvements indigènes ne sont pas nombreux, dans l’altiplano, dans la vallée de l’Est bolivien, on a créé des circonscriptions spéciales pour qu’ils soient représentés.

    « Les circonscriptions uninominales permettent aussi à nos frères les indigènes d’être représentés à l’Assemblée législative plurinationale…

    « C’est ainsi que nous avons permis la présence de ces frères indigènes autrefois abandonnés, condamnés à l’extermination.

    « Tout ça n’existait pas avant…

    « …quand j’étais très jeune, je critiquais parfois les forces armées comme dirigeant syndical. Ensuite, quand je suis arrivé à la présidence, je me suis rendu compte qu’une bonne partie des forces armées viennent des communautés paysannes, surtout de la Vallée…

    « Je veux vous dire, chers ministres, que maintenant la participation existe pour de bon, qu’avant seule la couleur de la peau déterminait votre place dans l’échelle hiérarchique de la société. Maintenant, un indigène, un dirigeant syndical, un intellectuel, un membre des professions libérales, un entrepreneur, un militaire, un général, n’importe qui peut être élu président démocratiquement. Avant, ça n’existait pas. Il a fallu changer la Bolivie et notre Constitution.

    « L’un des points de cette Conférence est la démocratie, la sécurité et la paix. Mais il est passionnant de réviser l’histoire, non seulement celle d’Amérique, mais encore du monde.

    « Pour parler de la démocratie en Bolivie par le passé, il faut dire qu’il n’y avait qu’une démocratie négociée. Il n’y avait pas de parti qui pouvait gagner avec plus de la moitié des voix, comme le dit la Constitution politique de l’État plurinational.

    « …en Bolivie, de 1952 à 2005, il n’y avait que des démocraties négociées, des partis qui remportaient les élections avec 20 ou 30 p. 100 des voix.

    « Le candidat d’un parti qui arrivait en troisième pouvait devenir président, parce que ça dépendait des pactes et de la répartition des ministères, et ce genre de pacte était aux mains de l’ambassadeur étasunien. Nos compatriotes doivent se rappeler qu’en 2002, par exemple, quand il ne fallait pas remporter la moitié des voix, le parti vainqueur n’avait obtenu que 21 p. 100 des voix, et que l’ancien ambassadeur étasunien, Manuel Rocha, s’est efforcé de faire négocier ces partis néolibéraux pour qu’ils puissent gouverner. Mais ces gouvernements n’ont pas duré, n’ont pas supporté.

    « Heureusement, grâce à la conscience du peuple bolivien, nous avons surmonté ce genre de démocratie. Nous n’avons plus une démocratie négociée, nous avons une démocratie légitime, répondant à la pensée du peuple bolivien, aux sentiments du peuple bolivien qui a connu la souffrance sous ce genre de gouvernement.

    « …un programme pour rendre leur dignité aux Boliviens, un programme qui cherche l’égalité des Boliviens, un programme qui récupère les ressources naturelles, un programme qui fait des services de base un droit humain…

    « …quand certains de nos opposants – comme vous en avez, vous, dans vos pays – nous accusent d’être un gouvernement totalitaire, un gouvernement autoritaire, un gouvernement dictatorial, je me dis : est-ce ma faute si ce programme de gouvernement proposé par un parti recueille plus des deux tiers des voix dans les différentes structures de l’État plurinational ? La seule mairie que je n’ai pas pu gagner, c’est celle de Santa Cruz.

    « Nous respectons ce maire, il a gagné, mais je vous félicite, monsieur le maire, pour les actions que vous avez engagées la semaine dernière afin de combattre l’agiotage, la spéculation… mes félicitations, mes respects, monsieur le maire.

    « Certains nous accusent de pensée unique. Il n’y a pas de pensée unique, juste un programme mis au point par les différents secteurs sociaux à la tête des mouvements sociaux d’indigènes et d’ouvriers, et qui est le seul à obtenir cet appui pour changer la Bolivie.

    « Mais que voyons-nous quand nous parlons de démocratie ? Des conspirations, un coup d’État, des tentatives de putsch en 2008. […] Et qui était la cheville ouvrière de ce coup d’État ? L’ancien ambassadeur des USA.

    « J’ai révisé un peu d’histoire… Au sujet du coup d’État de 1964 contre le lieutenant-colonel Gualberto Villaroel, un président qui a dit : Je ne suis pas l’ennemi des riches, mais je suis plutôt l’ami des pauvres. Et ce militaire patriote a été le premier président à convoquer un Congrès indigène.

    « Un autre président, Germán Bush, un militaire, a dit : Je ne suis pas arrivé à la présidence pour servir les capitalistes.

    « Le premier président à avoir nationalisé les ressources naturelles – je parle de 1937 ou 1938 – a été un autre militaire, David Toro… qui a été assassiné en 1946, pendu dans le Palais.

    « …l’offensive se concentrait sur le Palacio Quemado, attaqué depuis la rue Illimani, depuis le carrefour de la rue Bolívar, depuis la rue du Commerce, depuis la police, et, par-derrière, depuis l’édifice Lasalle et depuis l’édifice Kersul, siège du consulat des USA.

    « …le feu provenait aussi de l’édifice Kersul, le consulat étasunien. Tout ceci pour liquider ce militaire patriote qui avait réuni le premier Congrès indigène. Les documents que j’ai révisés le prouvent.

    « …l’histoire se répète. J’ai dû moi aussi faire face à un ambassadeur, qui organisait, qui planifiait une action antidémocratique pour en finir avec moi. Et je vois que ceci se répète dans le monde entier.

    « Mais un compagnon, un compatriote, dans notre pays victime de tant de putschs militaire, que me dit-il ? Voilà : "Président Evo, vous devez vous méfier de l’ambassade des États-Unis. Il y a toujours eu des coups d’État en Amérique latine. Le seul endroit où il n’y a pas eu de coups d’État, c’est aux États-Unis, parce qu’il n’y a pas d’ambassade étasunienne."

    « …plusieurs pays ont dû supporter des tentatives de coups d’État : le Venezuela en 2002, la Bolivie en 2008, le Honduras en 2009, l’Équateur en 2010. Et nous devons reconnaître, compatriotes d’Amérique latine ou d’Amérique, que les USA nous ont battu au Honduras, qu’ils y ont consolidé le coup d’État, que l’Empire étasunien nous a gagnés. Mais les peuples d’Amérique ont gagné, eux, au Venezuela, en Bolivie, en Équateur. Nous avons gagné… Quel sera l’avenir ? Cet avenir, nous le verrons.

    « …cette analyse interne doit entraîner un débat profond des ministres de la Défense afin de garantir les démocraties […] mes ancêtres, mon peuple ont constamment été victimes de coups d’État, de putschs sanglants, non parce que les militaires, les forces armées le voulaient, mais par suite de décisions politiques internes et externes visant à liquider des gouvernements révolutionnaires, des gouvernements qui naissent du peuple. Voilà l’histoire de l’Amérique latine.

    « …nous avons le droit de proposer les façons de garantir la démocratie dans chaque pays, mais sans coup d’État ni tentatives de putsch.

    « Nous voudrions que cette Conférence des ministres de la Défense garantisse une démocratie véritable des peuples, en respectant nos différences entre régions, entre secteurs.

    « Mais quand nous parlons de paix, je me demande aussi : comment la paix peut-elle régner s’il y a des bases militaires ? Et je peux là aussi parler en connaissance de cause parce que j’ai été victime de ces bases militaires étasuniennes sous prétexte de lutte contre le trafic de drogues.

    « Quand j’étais un bleu des forces armées en 1978, les officiers et sous-officiers m’avaient appris à défendre la patrie, et ils me disaient que les forces armées servaient à ça, à défendre la patrie, et qu’elles ne pouvaient pas permettre la présence dans leurs rangs d’un étranger en uniforme et armé.

    « …quand je suis devenu dirigeant, je me suis rendu compte personnellement que l’agence antidrogues, la DEA, des USA, avec des gens en uniforme et armés, non seulement dirigeait les forces armées et la police nationale, mitraillette au poing, sous prétexte de lutte contre le trafic de drogues, mais qu’elle poursuivait les mouvements sociaux, qu’elle utilisait ses petits avions pour suivre les marches depuis Santa Cruz, depuis Cochabamba, depuis Oruro, même si après elle rentrait en disant qu’il s’agissait de marches fantômes… Des marches fantômes, allons donc ! C’était de milliers de compagnons marchant pour leurs revendications, cherchant la dignité et la souveraineté de nos peuples.

    « …si nous les peuples, nous luttons pour notre dignité, pour notre souveraineté, ils ne pourront pas l’empêcher malgré leurs bases militaires et leurs interventions armées. Si petits que nous soyons, nous les pays dits sous-développés, dit en voie de développement, nous avons de la dignité, nous avons notre souveraineté.

    « Quand j’étais parlementaire, je me rappelle qu’on a tenté de me faire voter l’immunité des fonctionnaires de l’ambassade étasunienne. C’est quoi, l’immunité ? Eh bien, que les fonctionnaires de l’ambassade étasunienne, y compris ceux de la DEA, ne soient pas jugés par les lois boliviennes en cas de délit. C’était là leur donner carte blanche pour tuer, pour blesser, comme ils l’ont fait dans ma région.

    « …la paix est la fille légitime de l’égalité, de la dignité, de la justice sociale. Sans dignité, sans égalité, sans justice sociale, il est impossible de garantir la paix. Comment pourrions-nous la garantir ? Les peuples se soulèvent parce qu’il y a une injustice.

    « …j’écoutais le secrétaire général des Nations Unies qui parlait des doctrines. Nous connaissons des doctrines en Bolivie, la doctrine anticommuniste, les putschs militaires, pour pouvoir intervenir militairement dans les centres miniers, parce que les mouvements sociaux, les centres miniers étaient de grands centres révolutionnaires pour transformer la Bolivie.

    « Dans les années 50 et 60, on accusait les dirigeants du secteur minier d’être des rouges, des communistes, ce qui permettait de nous exiler, de nous bannir, de nous juger, de nous massacrer. Cette époque est révolue. De nos jours, on ne peut nous accuser de rouges, de communistes, nous avons tous le droit de penser différemment.

    « Si la solution pour un pays, pour une région, est le communisme, parfait. Pour d’autres, ce sera le socialisme, pour un autre, le capitalisme, mais toujours en fonction de la décision démocratique de chaque pays.

    « Mais, depuis que nous avons gagné cette lutte et que la doctrine anticommuniste ne suffit plus à faire taire les peuples, à changer des présidents, à changer des gouvernements, alors on nous invente une autre doctrine : la guerre contre la drogue.

    « Bien entendu, notre obligation à tous est de lutter contre les drogues […] La Bolivie n’a pas de culture des drogues, ou de la cocaïne. Car, d’où vient la cocaïne ? Du marché des pays développés. Et ça, ce n’est pas de la responsabilité du gouvernement national, même s’il est obligé de la combattre.

    « …la lutte contre le trafic de drogues ne peut être fondée sur des intérêts géopolitiques. On ne peut, sous prétexte de lutte contre le trafic de drogues, sataniser les mouvements sociaux, les criminaliser, on ne peut confondre feuille de coca et cocaïne, on ne peut confondre le producteur de feuille de coca et le trafiquant de drogues, ou la consommation légale de la feuille de coca avec la toxicomanie.

    « Si la coca était nocive, pourquoi donc ne l’ont-ils pas combattue depuis le siècle dernier ? Les Européens étaient les premiers propriétaires fonciers à exploiter la feuille de coca. On n’en faisait pas de la cocaïne.

    « Les administrations étasuniennes distribuaient avant des certificats de reconnaissance aux meilleurs producteurs de feuilles de coca. Pourquoi ? Parce que ces producteurs de feuille de coca fournissaient les mineurs d’étain pour qu’ils puissent continuer de travailler et parce que cet étain, les USA l’emportait chez eux !

    « …le monde le sait, vous-mêmes le savez, la prétendue guerre contre la drogue a échoué. Il faut changer cette politique. Et quelle est donc la nouvelle politique ? Par exemple, en finir avec le secret bancaire. Ce gros ponte de la drogue, ce gros trafiquant de drogues, vous croyez qu’il se ballade avec son argent dans la valise, qu’il prend l’avion avec ? Non, son argent circule dans les banques. Alors, pourquoi ne pas briser le secret bancaire pour en finir avec le trafic de drogues, pour contrôler le gros trafiquant de drogues ?

    « Parce que ce ne sont pas tous les pays qui peuvent interdire l’entrée de la drogue chez eux avec des technologies pareilles, des radars… Je sens qu’il peut exister une capacité de contrôle, et que nous ne puissions pas contrôler. Mais on ne peut imposer aux autres pays, sous prétexte de lutte contre le trafic de drogues, des politiques de contrôle et surtout des politiques qui visent à récupérer les ressources naturelles au profit des transnationales.

    « …que disait par exemple l’ancien ambassadeur étasunien, Manuel Rocha ? Ne votez pas pour Evo Morales. Evo Morales est le Bin Laden des Andes et les planteurs de coca sont les talibans !

    « Autrement dit, chers ministres de la Défense, selon ce genre de doctrine, vous êtes réunis avec le Bin Laden des Andes, tandis que mes compagnons des mouvements sociaux sont des talibans ! Voyez un peu ces accusations, ces inventions !

    “…et maintenant que les doctrines anticommunistes, ou antiterroristes ne fonctionnent plus très bien, on nous sort une nouvelle doctrine, que nous avons écoutée voilà quelques jours. Et je veux saisir l’occasion d’en informer mon peuple à travers les médias.

    « Le 17, certains Latino-américains se sont réunis avec des législateurs des États-Unis au Congrès dans le cadre d’un forum intitulé : "Danger dans les Andes, menaces à la démocratie, aux droits de l’homme et à la sécurité interaméricaine".

    « …la représentante Ileana Ros-Lehtinen, par exemple, que dit-elle ? Eh bien, qu’elle a observé avec préoccupation, ces dernières années, les efforts de plusieurs gouvernements de la région, comme ceux d’Hugo Chávez au Venezuela, d’Evo Morales en Bolivie, de Daniel Ortega au Nicaragua, de Rafael Correa en Equateur, pour consolider leur pouvoir coûte que coûte, et que les gouvernements de l’ALBA, Chávez à leur tête, manipulent le système démocratique de leurs pays pour servir leurs objectifs autocratiques.

    « Je veux dire à cette représentante qu’ici, nous n’avons pas gagné les élections comme aux USA, avec une différence d’un ou deux pour cent, mais avec plus de 50 p. 100, ou plus de 60 p. 100, et même plus de 80 p. 100 dans certaines régions. Ça, c’est la vraie démocratie !

    « Pareil pour Daniel Ortega. Que dit-on du cocalero Evo Morales ? Qu’il est en train de nouer une nouvelle alliance avec l’Iran et la Russie. Quant à Rafael Correa, lui, il fait de douteuses réformes constitutionnelles à partir de postulats anti-USA.

    « …sous ma direction, la Bolivie passera des accords, des alliances avec le monde entier. Personne ne va m’interdire, nous avons le droit, nous avons une culture du dialogue.

    « …sans partenaires démocratiques stables, il ne peut y avoir de sécurité régionale. Les USA ne peuvent chercher la sécurité pour eux tout seuls. Il est temps que l’Organisation des États américains mette au rebut sa double morale, son deux poids deux mesures, et fasse respecter par tous les États membres les principes et les obligations fondamentales de la Charte démocratique interaméricaine. En fait, il faudrait la réviser !

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    Evo Morales ONU

    « Quant à l’autre représentant [Evo Morales parle de Connie Mack], j’ai ici toute son intervention, mais je vais résumer ses idées essentielles. Voilà en gros ce qu’il dit :

    Comme membre de ce Congrès, j’ai pu observer ces six dernières années l’administration républicaine et l’administration démocrate. Leur idée à toutes les deux au sujet d’Hugo Chávez est de ne pas intervenir, de nous asseoir et d’attendre qu’il implose de lui-même, ou alors que Chávez est fou. Je ne partage aucune de ces deux vues : je ne crois pas qu’Hugo Chávez soit fou, et je ne crois pas que cette approche d’attendre qu’il implose va fonctionner. Hugo Chávez est une menace pour la liberté et pour la démocratie en Amérique latine et dans le monde. C’est ce qui m’inquiète le plus. J’espère que quand nous deviendrons la majorité au Congrès et que je serai président de la sous-commission, nous ferons justement ça : nous charger de Chávez, autrement dit le vaincre politiquement ou le liquider physiquement.

    « Donc, ce législateur Connie Mack est bel et bien un assassin avoué ou un conspirateur avoué contre notre compagnon, notre frère, le président vénézuélien Hugo Chávez.

    « Si quelque chose arrive à Hugo Chávez, le seul responsable sera ce législateur étasunien, qui dit ça publiquement et dont l’intervention est reproduite par les médias.

    « Compagnon, frère secrétaire général de l’OEA : vous devez nous expulser, nous, le Venezuela, l’Équateur et la Bolivie, et aussi le Nicaragua, et nous appliquer des sanctions. Quoi donc ? Sûrement un blocus économique comme celui contre Cuba.

    « Les sanctions, ça veut sans doute dire ça. Dites-moi comment nous pouvons garantir la sécurité et la paix des Amériques quand vous entendez ces prises de position de certains législateurs et de certains Latino-Américains ?

    « Je suis allé chercher pour quelle raison l’OEA avait expulsé Cuba en 1962 : parce qu’elle était léniniste, marxiste et communiste. Maintenant, la nouvelle doctrine est une doctrine contre l’ALBA. Comme c’est nous qui l’avons organisée… J’en profite pour saluer Fidel, pour saluer Chávez, et d’autres présidents. Parce que notre doctrine à nous, ceux de l’ALBA, c’est de forger un instrument d’intégration, de solidarité, de solidarité sans conditions, une manière de partager au lieu de rivaliser, des politiques de complémentarité et non de concurrence.

    « … seuls de petits groupes tirent parti de la concurrence, et non les majorités, qui attendent autre chose de leurs présidents. « Dans le cadre de ces politiques de concurrence – et non de complémentarité – le capitalisme n’est même plus une solution au capitalisme. Il suffit de voir la crise financière.

    « Avant, les doctrines venaient de l’École de Panama, du Commandement Sud, où s’entraînaient nos militaires. Ils ont dû fermer cette école à la suite des luttes de nos peuples. Maintenant, ce n’est plus l’École des Amériques qu’elle s’appelle. Mais par quoi l’a-ton remplacée ? Par des opérations mixtes de forces spéciales.

    « …j’admire certains officiers de nos forces armées qui ont informé en détails au sujet de ces entraînements qui se font par roulement annuel dans les différents pays latino-américains. Pourquoi ces entraînements ? Pour former les officiers sur la manière de liquider ces pays révolutionnaires, les pays qui font de profondes transformations démocratiques, ou encore pour former exclusivement des francs-tireurs capables de tuer des dirigeants.

    « …j’avais vu avec une grande indignation des vidéos de ces opérations mixtes de forces spéciales qui se font par roulement dans chaque peuple. Bien entendu, la Bolivie ne participe plus – et ne participera jamais plus tant que je serai président – à ces opérations mixtes qui continuent d’attenter à la démocratie.

    « …pour le mouvement indigène […], cette planète ou Pachamama peut exister sans l’être humain, mais nous, les êtres humains, nous ne pouvons pas vivre sans la Pachamama.

    « …le capitalisme n’est pas la propriété privée. Parfois, on tente de nous tromper en disant que le président Evo remet en cause le capitalisme et qu’il va nous prendre nos maisons, nos voitures. Non, la propriété privée est garantie en Bolivie.

    « …la nouvelle Constitution garantit une économie plurielle, autrement dit la propriété privée, la propriété communale, la propriété publique, celle de tous les secteurs sociaux. Mais quand nous parlons du capitalisme, nous parlons de ce développement irrationnel, irresponsable, illimité.

    « Nos compagnons ne trouvent déjà plus d’eau dans l’Amazonie. Quand vous forez, vous constatez que l’eau se trouve de plus en plus profond et qu’elle n’est pas abondante. Et justement, à cause du réchauffement mondial, la sécheresse s’installe, et les familles doivent abandonner l’endroit si vous ne leur garantissez pas d’eau. On appelle ça des migrants climatiques, et ils sont maintenant des millions dans le monde.

    « Et ce problème, nous n’allons pas pouvoir le régler en faisant participer les forces armées, ou avec la participation ou la coopération des ministres de la Défense. Non, c’est un problème structurel de nature mondiale.

    « …nous voudrions le régler ici sur le moyen et le long termes, mais la meilleure solution pour en finir avec les catastrophes naturelles, c’est d’en finir avec le capitalisme, en modifiant ces politiques de surindustrialisation.

    « Bien entendu, tous les pays veulent s’industrialiser au profit de la vie, au profit de l’être humain. Mais nous ne voulons pas d’une industrialisation qui liquide la vie, qui liquide les êtres humains. Vous avez des doctrines qui proclament et prônent la guerre ; certains peuples ou États vivent de la guerre. Il faut en finir. Et pour en finir, il faut liquider ces grandes industries d’armements.

    « …je sais que de nombreux ministres ont un message de leur président, de leur gouvernement, de leur peuple. Mais soyons responsables envers la vie, et soyons donc responsables envers la planète, envers la Pachamama, envers la Terre nourricière. Et être responsables envers la Terre nourricière, envers la planète, envers la Pachamama, ça veut dire respecter les droits de la Terre nourricière.

    « …si seulement l’Amérique latine pouvait, à travers vous, ministres de la Défense, garantir le droit de la Terre nourricière, garantir les droits humains, la vie, l’humanité, non seulement au profit de l’Amérique, mais à celui du monde entier. Je sens que nous avons une énorme responsabilité dans cette conjoncture.

    « Je tiens à saluer nos forces armées. Je vais être franc : en 2005, en 2006, quand je suis arrivé à la présidence, j’avais très peur parce que je ne savais pas si les forces armées m’accompagneraient ou non.

    « …des forces armées qui participent aux travaux sociaux, aux changement structurels, à la récupération des mines, qui appuient les politiques de récupération des ressources naturelles, voilà les forces armées qu’aime le peuple bolivien.

    « Le peuple sent que ses forces armée sont à lui. Nous avons maintenant, heureusement, deux structures importantes dans l’État plurinational : les mouvements sociaux qui défendent les ressources naturelles et les forces armées qui les défendent aussi. Quand les forces armées ont vu le jour en 1810, elles étaient là pour défendre les ressources naturelles, l’identité de nos peuples, leur souveraineté. Il est vrai qu’à certaines étapes, les forces armées ont joué un mauvais rôle, mais pas à cause de leurs commandants, mais à cause d’intérêts oligarchiques ou sans rapport avec nos peuples, et elles ont fait beaucoup de mal.

    « …les diktats politiques venant d’en-haut et du dehors, du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, afin de privatiser, d’aliéner les sociétés publiques.

    « Des profits, seuls 18 p. 100 allaient aux Boliviens, et les 82 p. 100 restants étaient empochés par les sociétés transnationales.

    « Par le décret suprême du 1er mai 2006, nous avons d’abord fait passer les ressources naturelles sous le contrôle de l’État. Ensuite, comme nous sommes convaincus que l’investisseur a le droit d’avoir des profits et d’amortir son placement, nous avons décidé, après avoir consulté les spécialistes, qu’avec un taux de profit de 18 p. 100, il pouvait récupérer son investissement et faire des bénéfices. Donc, depuis le 1er mai 2006, les entreprises qui investissent ont droit à 18 p. 100, et les 82 p. 100 restants vont au peuple bolivien. Voilà notre forme de nationalisation, qui respecte l’investissement privé. »

    Evo a conclu son allocution en donnant des chiffres qui prouvent incontestablement les bons résultats économiques de la révolution :

    « Le Produit intérieur brut était en 2005 de 9 milliards de dollars ; il est en 2010 de 18,5 milliards.

    « …à l’époque de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, le revenu moyen annuel par habitant était de 1 000 dollars ; sous notre gouvernement, de 1 900 dollars.

    « …en 2005, la Bolivie était située à l’avant-dernier rang en matière de réserves internationales, avec 1,7 milliard de dollars ; aujourd’hui, elle en possède 9,3 milliards…

    « …quand nous dépendions des gouvernements étasuniens, nous ne pouvions même pas liquider l’analphabétisme ; aujourd’hui, grâce à la coopération inconditionnelle, surtout de Cuba, et du Venezuela, nous avons déclaré la Bolivie, voilà deux ans, Territoire libre d’analphabétisme, au bout de presque deux cents ans.

    « Que nous demande Cuba en échange de cette coopération ? Rien. Ça s’appelle solidarité, partager le peu qu’on a et non pas ce qu’on a de trop. Ça, je l’ai appris du compagnon Fidel pour qui j’ai beaucoup d’admiration. » C’est uniquement par modestie qu’Evo n’a pas parlé des avancées colossales du peuple bolivien en matière de santé. Rien qu’en ophtalmologie, environ 500 000 Boliviens ont été opérés de la vue ; les services de santé touchent tous les habitants, tandis qu’environ 5 000 spécialistes en Médecine générale intégrale sont en cours de formation et recevront bientôt leur diplôme. Ce pays frère latino-américain a de quoi se sentier fier.

    Evo a conclu :

    « …sans le Fonds monétaire international, autrement dit sans personne qui nous impose des politiques économiques de privatisation, de bradage, nous pouvons avancer encore plus en matière de démocratie. Si nous ne dépendons pas des États-Unis, nous améliorons notre démocratie en Amérique latine. Voilà le résultat de mes cinq années de président.

    « Je ne veux pas dire par là que la Bolivie n’a pas besoin de coopération. La Bolivie a encore besoin de crédits internationaux, de coopération internationale, de facilités de crédit, parce que nous sommes en train d’opérer de profondes transformations, et j’en profite pour saluer les pays d’Europe et d’Amérique latine qui coopèrent avec nous…

    « …que les peuples aient le droit de décider d’eux-mêmes de leur démocratie, de leur sécurité. Mais tant qu’on continuera d’avoir des politiques interventionnistes au moindre prétexte… la libération des peuples prendra du temps. De toute façon, tôt ou tard, les peuples, comme nous pouvons le voir, continueront de se rebeller.

    « …j’en suis convaincu, de la rébellion à la révolution, de la révolution à la décolonisation… »

    À peine quarante-huit heures après le discours d’Evo, celui de Chávez frappait comme un éclair. Les lumières de la rébellion illuminent les cieux de Notre Amérique.

    Fidel Castro Ruz
    Le 24 novembre 2010

    Traduction JF Bonaldi (La Havane)

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    http://www.legrandsoir.info/Le-discours-d-Evo.html
     

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  • Plus de pauvres au Chili aujourd'hui qu'en 2006



    Andrés Figueroa Cornejo

    Traduit par  alencontre.org


    Dans un microbus de la Compagnie Transantiago, un usager avait collé un avis sur lequel on pouvait lire «Si je paie mon transport, je ne peux pas manger». Voilà la vérité dans ce petit pays dont le PIB augmente de 6% au détriment d'une inégalité sociale plus dure, une concentration économique et une exploitation sans freins des êtres humains et de la nature.
     

    1. Le 8 novembre 2010, alors que Sebastian Piñera [1] tirait encore les derniers dividendes politico-médiatiques du spectaculaire sauvetage des 33 mineurs de la mine de San José, Homero Aguirre (40 ans) et Daniel Lazcano (26 ans), deux travailleurs de la mine de cuivre Los Reyes, mouraient dans un nouvel accident de travail. Cette mine est située à Copiapo, dans la même zone que celle de San José. Elle est également gérée par la Compañia Minera del Sur [qui n’avait effectué aucun investissement sérieux pour la sécurité dans la mine de San José, malgré les avis des experts, depuis plusieurs années].
       
    2. Des milliers de sans-emploi ont été jetés à la rue après la brutale suppression des «emplois d'urgence» à Concepcion, alors même que cette ville est dans une situation critique suite au tremblement de terre et du raz-de-marée en février 2010. Une centaine de ces chômeurs ont fait le déplacement jusqu'à Santiago, puis au Congrès de Valparaiso, pour exiger la réouverture des emplois, même précaires. Dans le même temps, le président Piñera annonçait les grandes lignes d'un ensemble de projets gouvernementaux pompeusement baptisé «Le Chili Un Pays Développé: Plus d'opportunités et de Meilleurs Emplois».
    3. En réalité cette formule de Piñera ne désigne qu'une extension des politiques menées par les derniers gouvernements de la Concertation [coalition de la social-démocratie avec des démocrates-chrétiens, à la tête de laquelle se trouvait Michelle Bachelet]. Là encore, l'objectif est d'augmenter les investissements étrangers (IDE) dans le pays, de stimuler fiscalement le réinvestissement dans les infrastructures des petites et moyennes entreprises, de «moderniser» l'Etat, de créer des postes de télétravail, de faciliter la création légale d'entreprises et d'encourager le tourisme. Or, le projet de sortir le Chili du sous-développement par des mesures qui intensifient l'ouverture économique et les investissements transnationaux sans limites, ni redevances (fiscalité) significatives n'est qu'une chimère publicitaire qui rendra le Chili encore plus dépendant des prix du cuivre.

      Il n'est pas étonnant qu'entre janvier et octobre 2010 le gouvernement ait autorisé des investissements historiques de capitaux de très grandes transnationales pour un montant de 13'257 millions de dollars états-uniens (plus que 200% par rapport à la même période en 2009). Le 83% de ces investissements étaient destinés à la production cuprifère; 9.1% à des services: électricité, gaz (privatisés); 4% à la distribution d'eau [Suez-Lyonnaise des eaux est très présente] et 3.4% aux communications.

      Les prix du métal rouge [cuivre : il a presque triplé depuis son point bas en avril 2009, jusqu’en novembre 2010] se situent actuellement à des niveaux extraordinairement élevés (comme toutes les matières premières du continent), notamment à cause de la demande actuelle asiatique, et en particulier chinoise. Cette conjoncture, qui s'est déjà présentée à d'autres périodes, rend l'économie chilienne très sensible à la conjoncture des puissances hégémoniques de la planète.

      Elle tend à renforcer le caractère d’économie d’extraction de ressources primaires du pays. Or, ces capitaux étrangers, qui créent peu de postes de travail, peuvent émigrer quand ils veulent et suivant des variables incontrôlables par l'Etat chilien. En outre les mesures prises augmentent la nature rentière du modèle d'accumulation capitaliste de la classe au pouvoir. Elles repoussent l'industrialisation et la diversification nécessaires pour que le pays puisse impulser un projet de développement national et intégré.

      La classe dirigeante ne cherche qu'un profit rapide et à court terme, ce qui impose une structure économique déformée au pays, en hypothéquant du même coup ses bases effectives qui lui permettraient d'évoluer vers un développement démocratique. En effet, la souveraineté du pays se trouve dramatiquement subordonnée aux capitaux des économies tutélaires, dont les objectifs sont très loin d'être le bien-être et les intérêts de la majorité des populations nationales.

      De même, avec un chômage structurel «officiel» qui frise les 10%, le fait de simplifier la création de microentreprises – dans la majorité des cas des entreprises familiales, ayant un statut de sous-traitant, direct ou indirect – entraîne en réalité une démultiplication des emplois précaires pour des personnes devant travailler pour leur propre compte, puisqu'il n'existe pas d'emplois dits formels pour absorber le chômage.

      Ces petites et moyennes entreprises qui se consacrent à des activités productives sont en outre condamnées à vendre leurs produits aux prix qu'impose la grande distribution, qui est de plus en plus concentrée (la chaîne Wal-Mart, qui s'appelle Lider au Chili, est emblématique de cette tendance). Elles doivent d'ailleurs s'efforcer de concurrencer le commerce asiatique, dont l'importation n'est pas taxée.

      Lorsque Piñera parle de «modernisation de l'Etat», il se réfère simplement à son rétrécissement, avec l'augmentation subséquente du chômage et une diminution des revenus liés à la fiscalité dans tous les secteurs. L'on s'attend à ce qu'il y ait de nombreux licenciements vers la fin novembre 2010, dans le cadre d'une âpre négociation collective avec le secteur public, qui revendique une augmentation salariale de 8.9%, alors que jusqu'à maintenant le gouvernement n'a proposé qu'un petit 3.7% nominal.
       
    4. L'accumulation capitaliste par pillage ou dépossession de ressources naturelles atteint des sommets dans le territoire du Lac Neltume, où les communautés Mapuches résistent à la construction du tunnel de prospection pour la Centrale Neltume, propriété de la transnationale Endesa-Enel [groupe contrôlé par le capital italien depuis 2007]. Les représentants des communautés mapuche ont déclaré: «Endesa-Enel a envahi notre territoire et s'approprie les droits d'exploitation des débits de plusieurs estuaires, droits qui reviennent traditionnellement à des familles de notre communauté, en nous privant ainsi de l'eau». Entre autres malheurs entraînés par la prospection, les représentants du peuple Mapuche ajoutent que la compagnie «nous privera de nos herbes médicinales lorsqu'augmentera le débit du Lac Neltume. Ce débit nous l'avons utilisé depuis des époques ancestrales, et sans lui nous mourrons». Les Mapuches expliquent encore que’Endesa-Enel «doit comprendre que les êtres humains ne sont pas les propriétaires de la nature, mais que nous faisons partie d'elle, et que l'argent et le profit ne peuvent être mis au-dessus des droits collectifs des peuples».
       
    5. Doña Inés de Collahuasi est la troisième corporation privée de cuivre au Chili [l’un des cinq principaux opérateurs dans ce secteur au monde] qui exploite le minerai dans le pays. Ses 1'500 travailleurs sont en grève depuis le vendredi 5 novembre. A 4'500 mètres d'altitude, au nord du pays, le président du syndicat, Manuel Muñoz, a dénoncé le fait qu'en 2010 la compagnie aura fait un chiffre d’affaires d'une valeur de 3000 millions de dollars, alors que les travailleurs exigent au maximum 50 millions de dollars sur 3 ans pour l'ensemble de leurs revendications.

      Dans un autre secteur, les ouvriers de la construction qui travaillent sur le chantier de l'Hôpital de Puerto Montt, au Sud du Chili, se sont mobilisés contre les mauvaises conditions de sécurité et d'hygiène dans un chantier de l'Etat. Les entreprises concessionnaires pour ce chantier sont Besalco, Moller et Pérez Cotapos, associées au Consortium Hôpital de Puerto Montt. Les ouvriers, groupés dans la Fédération des Travailleurs de la Construction (Fetracoma), ont été délogés du chantier avec une violence extrême par les Forces Spéciales de Carabiniers, avec l'accord du Gouverneur de la région, Francisco Muñoz, de secrétaire régionale du Ministère de la Santé, Monica Winkler, et de celle du Travail, Andrea Rosmanich. Or, tous connaissaient parfaitement les conditions déplorables dans laquelle on travaille dans ce chantier. Vingt-trois ouvriers et dirigeants syndicaux ont été arrêtés.
       
    6. D'après l'enquête de Caractérisation Socio-Economique (CASEN) 2009, qui est effectuée par le Ministère de la Planification tous les 3 ans, le Chili est actuellement plus pauvre qu'en 2006. Autrement dit, selon le rapport officiel, la pauvreté qui atteignait en 2006 le 13,7% de la population nationale, atteint aujourd'hui le 15,1%. L'enquête du CASEN permet d'établir une hiérarchie de la misère. Ainsi la région de La Araucania atteint un 27,1%, celle de Bio Bio 21%, celle de Maule un 20,8%, celle de Los Rios de 20,4%, celle de Atacama 17,4% et celle de Coquimbo 16,6%. On peut également relever des traits structurels: les femmes sont plus pauvres que les hommes (15,7% contre 14,5%) et la population indigène est plus pauvre que la population métisse (19,9% contre 14,8%).

    On arrive ensuite à la partie importante: le seuil de pauvreté est fixé par l'Etat à 64'000 pesos par mois (soit 128 dollars) pour ceux qui habitent dans les zones rurales. Autrement dit, si au moment où l'enquête a été réalisée la personne avait gagné un peso de plus que les minima signalés, elle n'est plus considérée comme pauvre, du point de vue statistique. D'ailleurs le seuil de pauvreté a été conçu en utilisant un mystérieux «panier de base d'aliments dont le contenu calorique et protéique permet de satisfaire un niveau minimum de besoins nutritionnels». Autrement dit, il s'agit d'un ensemble de produits alimentaires – dont la qualité et l'origine n'ont pas d'intérêt – dont un être humain a besoin pour ne pas mourir d'inanition.

    En outre, avec un présupposé qui est fondé sur le cynisme le plus abjecte, l'enquête de la CASEN indique «on part de la supposition que les foyers qui peuvent couvrir de manière adéquate leurs besoins en alimentation peuvent également fournir le minimum dans les autres nécessités de base».

    Et pourquoi donc suppose-t-on que quelqu'un qui a juste de quoi mal se nourrir aurait forcément les ressources pour accéder aux besoins de base (logement, électricité, eau, gaz, téléphone), à la santé, à l'éducation et à la sécurité sociale élémentaires et de bonne qualité, sans parler des loisirs, d'un emploi stable et d'une très longue liste d'autres besoins ? Sur quelle science s'appuie donc cette hypothèse ?

    Il faut noter que ce seuil de la pauvreté est fixé par l'Etat à 64'000 pesos, dans un pays, le Chili, où deux voyages dans les transports publics coûtent 1000 pesos, un kilo de pain encore 1000 pesos, un mois de taxes universitaires plus de 200'000 pesos en moyenne, et la location mensuelle d'un studio ou d’une chambre avec une salle de bain partagée entre les locataires entre 60'000 et 80'000 pesos. Si l'on tient compte du chômage structurel qui ne passe pas sous la barre des 8-10%, on peut se demander combien de Chiliens gagnent moins de 350'000 pesos (700 dollars US) avec leur travail. Peut-être le 70 ou le 80% de la population ?

    Il apparaît clairement que la pauvreté ou la paupérisation de la population du pays dépasse de loin le taux officiel de 15,1%, qui n'est qu'un chiffre mis en vitrine pour les évaluations de risque des multinationales qui orientent le grand capital d'investissement pour le bénéfice d'une minorité de rentiers et de grands propriétaires.

    Dans un microbus de la Compagnie Transantiago, un usager avait collé un avis sur lequel on pouvait lire «Si je paie mon transport, je ne peux pas manger». Voilà la vérité dans ce petit pays dont le PIB augmente de 6% au détriment d'une inégalité sociale plus dure, une concentration économique et une exploitation sans freins des êtres humains et de la nature.





    Merci à À l'Encontre
    Source: http://www.labreche.ch/Ecran/ChiliCornejo11_10.html
    Date de parution de l'article original: 23/11/2010
    URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=2681


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  • Mexique: Les gauches et les autonomies



    Gustavo Esteva

    Traduit par  Gérard Jugant
    Edité par  Michèle Mialane


    La relation entre gauche et autonomie est évoquée fréquemment dans le discours politique et universitaire . En général, on considère comme acquis que ces deux termes sont entièrement compatibles entre eux, sans prendre en compte que, pour certaines gauches, certaines autonomies sont inacceptables. Et à l’inverse...

    Ce qui est arrivé à San Andrés en 1996 (1) peut contribuer à éclairer ce sujet, toujours plus important dans la lutte politique actuelle.

    Dans la première réunion des dirigeants zapatistes et leurs conseillers invités pour des négociations avec le gouvernement, ceux-ci avait été interrogés sur la notion d’autonomie. Nous avons une conception que nous appliquons quotidiennement dans nos communautés, avaient-ils répondu. Mais nous savons que ce n’est pas l’unique ni nécessairement la meilleure. Nous les avons invités à découvrir la notion d’autonomie qui représente le consensus des peuples indiens de tout le pays, et qui est ce que nous négocierons. Les zapatistes avaient confirmé cette attitude dans le Forum National Indigène qu’ils avaient organisé. Après avoir écouté la position des peuples indiens, ils l’avaient mise sur la table de négociation.

    Tous les conseillers n’ont pas été d’accord avec la position adoptée d’un commun accord. Certains avaient exprimé en public et en privé leur dédit avec les accords de San Andrés, car selon eux ils n’étaient pas fidèles aux demandes historiques des peuples indiens. Par exemple, dans un texte pour La Revista del Senado de la República, Hector Diaz Polanco avait souligné que ce qui était accordé n’était pas réellement l’autonomie parce qu’il n’était pas stipulé ce qui, selon lui, devait la définir :  une base territoriale, un gouvernement autonome défini comme un ordre de gouvernement spécifique, distinctif du système de pouvoirs verticaux qui constituent l’organisation de l’Etat et les compétences qui configurent la décentralisation politique consubstantielle à tout régime d'autonomie(vol. 2, numéro 2, p. 109).

    Certaines gauches et droites diverses sont d’accord avec ce point de vue. C’est l’autonomie que l’on reconnaît à Madrid : une forme de décentralisation des pouvoirs étatiques. Mais ce n’est pas cela qui a été convenu à San Andrés. Ce n’est pas l’autonomie qu’avaient exigé les peuples indiens. Les accords avaient engagé une réforme profonde de l’État mexicain, expression d’un nouveau pacte social qui fonderait une nouvelle relation entre les peuples indiens et l’État. En étant reconnus comme tels, ils pourraient exercer leur libre détermination et leurs propres formes de gouvernement en tant qu’entités de droit public, comme les états de la Fédération. Leurs pratiques politiques et sociales ne seraient pas des formes décentralisées d’administration de pouvoirs verticaux de l’Etat, comme le veut ladite position, mais une expression réellement autonome de la volonté souveraine des peuples indiens, dans un régime juridiquement pluraliste.

    Non seulement cette situation avait atteint son point critique d’immobilisme mais en plus, à la place de ce qui avait été accordé à San Andrés, les pouvoirs de l’État avaient produit une contre-réforme réduisant à néant par une rhétorique vide ce qui avait été accordé. De fait, sans aucune législation signée, il ne restait aux zapatistes et à beaucoup d’autres peuples indiens qu’à se décider à continuer la pratique de leur autonomie. Et ils démontrent, encore aujourd’hui, qu’ils peuvent et qu’ils veulent l’exercer sans vouloir créer une fracture dans la nation mais sans se soumettre aux pouvoirs verticaux de l’Etat.

    Une telle autonomie peut également s’appliquer aux peuples, aux syndicats, aux groupes sociaux, aux groupes paysans, aux gouvernements des états ou aux états qui chacun sont libres et souverains au sein de la Fédération, comme les zapatistes l’ont expérimenté depuis mai 1994. Loin de prétendre imposer cette notion à d’autres, ils cherchent à créer un espace politique dans lequel les gens eux-mêmes, et non pas un leader charismatique, un universitaire, une avant-garde ou un parti qui  déclareraient parler en leur nom, pourront discuter de ces propositions et d’autres et les mettre en pratique.

    Nous continuons ce processus : dans la création active de cet espace politique, toujours plus large et renforcé à la base sociale, pendant qu’au sommet la bulle reste toujours vide...celle qui agit comme un écran de fumée pour dissimuler l’agression constante contre les engagements populaires, notamment ceux qui se manifestent comme des exercices d'autonomies.

    Au Chiapas, l’agression s’abat en permanence, avec une violence croissante, sur l’autonomie zapatiste rebelle. En Oaxaca, la violation quotidienne d’expériences similaires continue. Les réformes conquises en 1998 ont été dans tous les esprits à San Andrés et se retrouvent dans la Constitution de l’état par le droit à la libre détermination des peuples et communautés indigènes à pouvoir s’exprimer en tant qu’autonomie. Comme “parties intégrantes de l’état d’Oaxaca...elles ont la personnalité juridique de droit public...La loi réglementaire établira les normes... pour qu’elles assurent la reconnaissance et le respect des droits des peuples et des communautés indigènes pour: leur organisation sociale et politique...leurs systèmes normatifs internes, la juridiction qu’ils auront sur leurs territoires...”. Les pouvoirs en place ne respectent rien de cela, ils voient toujours l’autonomie comme quelque chose d’étranger aux us et coutumes des peuples oaxaquiens, comme vient de le déclarer le gouverneur élu.

    (1) Accords de San Andrés

    Accords passés entre le gouvernement mexicain et l’Armée Zapatiste de Libération Nationale en février 1996, avec la coparticipation de larges secteurs de la société mexicaine. Ce sont les résultats de la première table ronde de dialogue qui sera suivie par cinq autres débats thématiques, avec, en première place, une discussion sur les droits et la culture indigènes. Une fois signés, ces accords ont été traduits juridiquement par une commission formée des deux parties et des représentants de tous les partis politiques pour devenir un texte constitutionnel. Au dernier moment, le gouvernement a fait marche arrière et les partis ont ensuite refusé de reconnaître leur engagement (Ndt).

    Communes du Chiapas où les zapatistes sont présents





    Merci à La Jornada
    Source: http://www.jornada.unam.mx/2010/11/15/index.php?section=opinion&article=018a2pol
    Date de parution de l'article original: 15/11/2010
    URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=2633

     


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  • Evo Morales : « plus aucune entreprise ne s’enrichira avec les caisses de retraite ».

    La Bolivie socialiste réforme les retraites. Réflexion sur la gauche Française

    Le président bolivien Evo Morales a envoyé le mardi 16 novembre au congrès, son projet de nouvelle loi sur les retraites, élaboré et approuvé avec les syndicats et a déclaré que celle-ci serait certainement adoptée par le sénat au cours des prochaines semaines.

    Parallèlement aux mesures déjà acquises (comme l’abaissement de l’âge légal de départ en retraite de 65 à 58 ans) Evo Morales a annoncé mardi la nationalisation des caisses de retraites privées du pays.

    Actuellement le versement des retraites est administré par deux grands groupes financiers étrangers, à savoir la banque espagnole Bilbao Vizcaya Argentaria SA (BBVA) et le groupe suisse Futuro de Zurich Financial Services SA (ZFS).

    Dès 2011 ces 2 entreprises seront remplacées par une caisse nationale publique de retraites qui s’occupera d’administrer les cotisations du peuple bolivien d’un montant d’environ 3,5 milliards.

    Le message du gouvernement de Evo Morales est clair : "plus aucune entreprise ou organisme ne s’enrichira avec la gestion des caisses de retraites".

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    ouvriers boliviens

    Cette nouvelle loi sur les retraites a pour principe fondamental la solidarité, et contient une série d’avancées sociales significatives pour les travailleurs boliviens : en premier lieu la création d’un fonds de solidarité destiné à améliorer le montant des retraites.

    Les cotisations patronales seront augmentées de 3% contre 0,5% pour celles des travailleurs, à quoi s’ajoutera une majoration pour les boliviens ayant des revenus 20 fois supérieurs au salaire minimum (une proposition déjà mentionnée par Jean-Luc Mélenchon et qualifiée de populiste par nos élites).

    Un nouveau calcul des pensions plus favorable aux travailleurs entrera aussi en vigueur, les personnes invalides pourront désormais bénéficier d’une pension de retraite (et même d’un supplément en cas d’invalidité à 80%), de même que les travailleurs dits indépendants (eux aussi oubliés de l’actuelle législation).

    La situation des femmes est également grandement améliorée, notamment avec la prise en compte des années passées à élever leurs enfants.

    Les travailleurs du secteur minier ne seront pas laissés à l’abandon puisqu’ils pourront désormais partir à la retraite à 56 ans, et même 51 ans selon des critères de pénibilité. Le patronat sera amené à contribuer à hauteur de 2% à un fonds solidaire spécial pour ce secteur afin d’en améliorer les niveaux de pensions.

    Le gouvernement a également annoncé que jusqu’à 5% du montant des cotisations serviront à investir dans le développement des petites et micro-entreprises, l’objectif étant que le nouvel organisme public de retraites puisse aider les entreprises qui génèrent de la production et des emplois dans le pays.

    Pour finir, une anecdote des plus intéressantes, le ministre bolivien a déclaré que cette réforme des retraites était à l’avant garde en Amérique et pouvait être comparée aux systèmes de retraites en vigueur dans les pays européens.

    En effet notre système de sécurité sociale est considéré comme un exemple dans les pays d’Amérique latine victimes durant des années des politiques libérales, dictées par le Fond monétaire international.

    Un système pour lequel le peuple français s’est battu et qui est en train d’être mis en pièce par notre gouvernement libéral, qui vient d’entériner "sa" réforme des retraites, dont le coût est majoritairement pris en charge par les travailleurs.

    Un système largement finançable pour peu que l’on sache qui doit contribuer le plus et dont le déficit - mis en lumière par nos politiques et les grands médias - est imputable aux gouvernements de droite qui n’ont eu de cesse d’appauvrir l’ Etat par des privatisations massives (sans oublier la non remise en cause et la poursuite partielle de ces privatisations par les socialistes).

    La Bolivie et son président Evo Morales donnent au mot progressisme toute sa signification à travers la promulgation de lois comme celle dont nous venons de parler.

    Alors bien entendu, comme lors de l’annonce de l’abaissement de l’âge légal de 65 à 58 ans, nous entendrons dire que comparer la Bolivie et la France est totalement ridicule, que l’espérance de vie des deux pays est énorme, etc..

    Je le répète, comme je l’avais déjà mentionné dans mon précédent article sur la Bolivie, il ne s’agit en aucune sorte d’une comparaison.

    En revanche le chemin que prend la Bolivie depuis l’élection de Evo Morales en 2005 semble être un exemple à suivre : celui de la souveraineté nationale face à l’impérialisme américain, de la souveraineté populaire, de la redistribution des richesses produites dans le pays, de la socialisation des moyens de production stratégique, du bien être de la population et du respect de l’humain.

    Alors remettons-en une couche : "Sarkozy plus que jamais n’est pas Morales et nous le regrettons de toutes nos forces" .

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    Cette révolution Bolivienne (n’en déplaise aux puristes c’en est bien une) - tout comme celles menées au Vénézuela et en Equateur - doit nous amener à réfléchir sur un certain nombre d’éléments liés au combat pour le progrès social : une révolution par les urnes est possible, faut t-il encore que celle ci soit portée par un large mouvement uni et dépassant ses vieilles querelles historiques.

    Nos camarades sud-américains l’ont fait, il serait hypocrite et malhonnête intellectuellement de les soutenir dans leur combat tout en refusant chez nous, une union de la gauche de transformation sociale.

    En attendant que l’union sociale et politique de type sud-américaine ne se concrétise ailleurs qu’en Limousin et en Languedoc-Roussillon, ne cessons jamais de rappeler que si nos pays ne peuvent être comparés de façon simpliste, l’ union et la méthode de nos camarades bolivariens sont en revanche à prendre en exemple tout autant que leurs politiques sociales et économiques.

    Frédéric André

    Rappel du GS : la loi de réforme des retraites en France va booster l’option de retraite par « capitalisation ». Aubaine pour les banques et les sociétés d’assurance et pour le groupe Malakoff Médéric, premier groupe de « protection sociale » avec plus de 3 milliards de chiffre d’affaires.

    Il est dirigé par Guillaume Sarkozy, frère du président de le République.

    URL de cet article
    http://www.legrandsoir.info/La-Bolivie-socialiste-approfondit-et-enterine-sa-reforme-des-retraites-Reflexion-sur-la-France-et-la-gauche-de-transformation.html

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  • Les représailles de l’état colombien terroriste contre ceux qui ont dénoncé l’existence de la fosse de la Macarena continuent

    Les représailles de l’état colombien terroriste contre ceux qui ont dénoncé l’existence de la fosse de la Macarena continuent. Après Norma Irene Pérez qui fut assassinée en Août dernier (voir Asesinaron en Colombia a delegada de DDHH que auditó la fosa común de La Macarena et Vidéo : Denuncian muerte de investigadora de fosas comunes en Colombia) et qui fut une des dénonciatrices de l’existence de la fosse commune de la Macarena, plus grande fosse commune depuis la seconde guerre mondiale (2000 morts) c’est au tour de Marisela Uribe García également dénonciatrice de l’existence de la fosse de subir les affres de l’état terroriste.

    Elle a été incarcérée et a perdu ses deux bébés lors du cinquième mois de grossesse suite aux tortures et mauvais traitements infligées en prison dans les installations du DAS. Elle n’a pas reçu l’attention médicale adéquate. De plus elle fut nourrie avec des aliments avariés et crus.

    Le 13 septembre 2010 elle fut transférée à la prison pour femme de Buen Pastor de Bogotá : malgré qu’on lui ait administré une brève attention médicale, il y avait seulement une semaine qu’on lui a fait des examens pré-nataux où on a pu déterminer qu’elle était enceinte de jumeaux de 5 mois.

    Durant le mois et les sept jours qu’elle a passé à la prison Buen Pastor, Marisela fut amenée en trois occasions aux urgences d’un hôpital car elle perdait du sang et ceci mettait en danger la vie des bébés. A ces trois occasions un médecin avertit qu’elle nécessitait un repos absolu et que sa grossesse était à haut risque. Malgré cela l’INPEC ne l’a pas hospitalisée.

    Le 22 octobre 2010 à 12 h30 à l’Hôpital Simón Bolívar moururent les bébés de la camarade, lutteuse sociale et défenseure des droit humains Marisela Uribe Garcia.

    Sources :

    Terrorismo de Estado : El Estado colombiano tortura a mujer embarazada, defensora de DDHH pierde sus bebés gemelos

    Defensora de Derechos Humanos pierde sus dos bebés por torturas de Agentes del Estado colombiano

    URL de cet article
    http://www.legrandsoir.info/Les-represailles-de-l-etat-colombien-terroriste-contre-ceux-qui-ont-denonce-l-existence-de-la-fosse-de-la-Macarena-continuent.html

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  • Après l’échec cuisant de sa tentative pour résoudre le coup d’état au Honduras, l’année dernière, l’Organisation des États Américains, l’OEA revient à la charge, cette fois-ci contre le Nicaragua, qu’elle a sommé de retirer ses troupes de la région frontalière avec le Costa Rica notamment dans la zone du fleuve San Juan.


    Cette région a été le théâtre, ces derniers jours, du resurgissement d’un vieux différent opposant le Nicaragua et le Costa Rica qui, tout au long de l’histoire, a tout fait pour s’approprier  cette voie fluviale.

    Sans raison apparente, le gouvernement de la présidente Laura Chinchilla a porté au sein de l’OEA une plainte contre son voisin, l’accusant de porter préjudice à l’environnement en draguant ce fleuve et de déployer des forces militaires en territoire costaricien.

    Cette dernière accusation n’a jamais pu être prouvée. Managua l’a toujours nié. Pour ce qui est des travaux en cours au fleuve San Juan, il faut rappeler qu’une résolution de la Cour Internationale de la Haye a d’ores et déjà déterminé que ce fleuve faisait partie du territoire souverain du Nicaragua. Les opérations de nettoyage et de dragage pour éviter la détérioration de ses rives, reviennent donc à ce pays.

    Le Costa Rica a le droit, en vertu de cette résolution de la Haye, d’utiliser ce fleuve pour la navigation à des fins strictement commerciales, mais il ne peut pas transporter par cette voie aucun type de force armée.

    La question a été dûment résolue, il n’y a aucune raison donc de l’analyser à nouveau, à moins qu’il y ait des intentions cachées, ce qui pourrait être le cas.

    Dès que le gouvernement costaricien a recommencé à parler de cette question, le Président Daniel Ortega a fait montre de sa disposition à dialoguer. Lorsque le ton est monté, il a proposé de faire analyser de nouveau la question par le tribunal de la Haye où il existe tout un dossier sur le cas.

    Le Costa Rica a cependant insisté de l’analyser au sein de l’OEA, organisme qui non seulement n’a aucune juridiction pour décider de cet type de questions, mais qui en plus, n’a pas les antécédents nécessaires pour pourvoir donner un jugement correcte.

    Le résultat a été une résolution déplorable qui lésine la souveraineté d’une nation qui a tout le droit et la responsabilité de maintenir des forces militaires dans ses frontières, à condition qu’elles soient un centimètre après la ligne limitrophe et s’acquittent de leur obligation de préserver la souveraineté.

    Comme l’a bien expliqué le Président Ortega, la fonction de ces troupes est de combattre le trafic de drogues et elles ne constituent aucune menace pour le pays voisin.

    Rappelons que le Costa Rica a permis, en avançant comme prétexte, la lutte contre le trafic de stupéfiants, le déploiement sur son territoire, de troupes étasuniennes. En vertu de l’accord, 46 bateaux, 200 hélicoptères, 10 avions et deux sous-marins étasuniens sont déployés au Costa Rica depuis juillet et jusqu’en décembre de cette année. Il s’agit là, comme l’on peut le constater, d’une force totalement disproportionnée avec le présumé but de sa présence en territoire costaricien. Le sens le plus élémentaire permet de supposer qu’elle a d’autres tâches non avouées.

    Comme par hasard, l’OEA, à la demande du Costa Rica, exige du Nicaragua, d’abandonner ses défenses frontalières. Il s’agit sans doute d’une grande coïncidence.

    Il est vrai que le Costa Rica se vante de ne pas avoir d’armée, mais actuellement, elle ouvre son territoire à celle très puissante des Etats-Unis, à laquelle, il a également cédé des terrains pour l’installation d’un complexe de radars.

    Il y a plus de questions que des réponses dans les intentions de San José et de l’OEA, mais une chose attire l’attention. Il s’agit d’une manœuvre, apparemment non nécessaire contre un pays membre de l’AlBA, l’Alliance Bolivarienne pour les Peuples de Notre Amérique, une nation où un processus de changements se consolide, un pays où son président a toutes les possibilités d’être réélu pour un nouveau mandat.

    Source : RHC


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