• Le Caire, 10 février 2011. 14H00.

    Forte pluie sur le Caire. Le tonnerre gronde. Tous les climats sont instables sauf celui des manifestants déterminés à s'étendre aux quatre coins de la ville. De marée humaine en marée humaine, c'est par milliers que les corporations se joignent aujourd'hui aux manifestants attroupés autour des syndicats, des tribunaux, de l'Assemblée du Peuple, du Conseil d'Etat, du Ministère de l'aviation… Un millier d'avocats marchent maintenant sur l'ancien palais royal de Abdine.

    Chacun s'accorde à penser qu'aujourd'hui sera le jour où l'armée devra tomber le masque. Les moindres signes sont observés, décortiqués et interprétés.

    Ce matin, à l'aube, l'armée se déploie dans toute la ville du Nord au Sud. Soldats, tanks et camions pour le transport des troupes. Le quartier d'Heliopolis, où se trouve le palais présidentiel, est comme isolé du monde, sous la protection de l'armée.

    A 13h30, Sandmonkey, un blogueur plusieurs fois arrêté et actif depuis 2006, prévient dans un tweet: "Quand l'armée bat pavillon jaune, c'est qu'elle s'apprête à tirer des grenades lacrymogènes".

    D'autres nouvelles nous parviennent: les multinationales implantées dans le "Smart Village" (une mini Silicon Valley sur la route d'Alexandrie) évacuent leur locaux. Parmi elles, Vodafone. L'évacuation simultanée des locaux des multinationales laisse penser qu'elles en ont reçu l'ordre.
    Nous confirmerons ce point plus tard.

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  • Qui est Omar Souleymane ?



    Jane Mayer

    Traduit par  Michèle Mialane

    Omar Souleymane, un des “hommes nouveaux” présentés comme alternative possible au Président Moubarak, n’est pas si nouveau que ça pour tous ceux qui suivent la politique des USA en matière de transfert des personnes suspectes de terrorisme. Après avoir dissous son gouvernement, Moubarak a nommé Souleymane vice-président. Selon de nombreux commentateurs, il se positionne en successeur potentiel de Moubarak et se présente comme une alternative au fils de celui-ci, Gamal, qui devait hériter de la présidence. Souleymane est une pointure bien connue à Washington. Aimable, raffiné et parlant couramment l’anglais, il a longtemps fait office de canal principal entre Moubarak et les USA. Il est certes connu pour être loyal et efficace, mais pour ceux qui souhaiteraient quelqu’un d’irréprochable en matière de droits humains, son passé douteux pose problème. Comme je l’ai exposé dans mon livre „The Dark Side“[Le côté obscur, Ndlt], Souleymane est depuis 1993 le chef des redoutés services secrets égyptiens. Dans ce cadre il a été en Égypte la tête de pont de la CIA pour les “transferts”, le programme secret de la CIA pour enlever dans le monde entier les suspects de terrorisme et les ramener en Égypte ou ailleurs pour y subir des interrogatoires souvent très musclés.

     
    Ainsi que Stephen Grey l’expose avec beaucoup plus de détails dans son livre „Ghost Plane“, Souleymane a traité directement avec des responsables de la CIA à partir des années 90. Les services secrets égyptiens et usaméricains ont donné leur feu vert au plus haut niveau pour chacun de ces transferts. Edward S. Walker Jr., ex-ambassadeur des USA en Égypte, a décrit Souleymane comme « très intelligent et très réaliste », en ajoutant toutefois qu’il était parfaitement conscient que « certaines choses négatives auxquelles les Égyptiens prêtaient la main: torture etc. comportaient [leur part d’ombre]. Au reste il ne faisait pas la petite bouche. »
     
     À vrai dire le droit usaméricain obligeait la CIA à se faire donner par l’Égypte « l’assurance » que le suspect transféré ne serait pas torturé. Mais sous la direction de Souleymane ces assurances étaient considérées comme pratiquement sans valeur. Michael Scheuer, un ex-agent de la CIA qui a contribué à mettre sur pied le programme de transferts a par la suite témoigné devant le Congrès que « même si ces assurances étaient écrites à l’encre indélébile, elles ne valaient même pas le papier sur lequel elles étaient couchées. »
     
    ACTUALISATION: On trouvera dans le livre de Ron Suskind „The One Percent Doctrine“ d’autres preuves du rôle joué par Souleymane dans le programme de transferts. Katherine Hawkins, une avocate des droits humains au regard acéré, qui a fait les recherches pour mon livre, précise que selon Suskind, Souleymane a été l’agent de liaison avec la CIA pour le transfert d’Ibn Cheikh Al Libi, suspect d’appartenance à Al Qaïda. Le cas Libi est particulièrement controversé, essentiellement parce qu’il a joué un rôle pour accréditer les justifications de l’invasion usaméricaine en Irak.
     
    Fin novembre 2001 les autorités pakistanaises enlevèrent Libi et le remirent à des fonctionnaires des USA au camp de Bagram, en Afghanistan, pour y être interrogé. L’interrogatoire fut conduit par deux agents new-yorkais du FBI, riches d’années d’expérience anti-terroriste. Ils étaient convaincus que Libi leur permettrait de grandes avancées, c’est à dire leur fournirait des renseignements précieux et opérationnels. Mais à leur retour à Washington, une dispute éclata entre le FBI et la CIA : par qui devaient être conduits ces interrogatoires ? Suskind écrit :
     
    « La dispute remonta toutes les instances jusqu’à Mueller (Robert, chef du FBI) et Tenet (George, chef de la CIA). Ce dernier alla demander directement l’appui de Bush et Cheney, et l’obtint. Al Libi fut emmené au Caire, enchaîné et les yeux bandés, et là remis à Omar Souleymane, chef des services secrets et ami personnel de Tenet. »
     
    Le traitement subi par Libi au cours de son interrogatoire en Égypte par les services secrets du pays est connu dans ses moindres détails grâce à un rapport rendu par la Commission spéciale sur le renseignement du Sénat US, qui regroupe des sénateurs des deux partis, et publié en 2006. Selon ce rapport, Libi aurait dit plus tard à la CIA que les autorité s égyptiennes, dont l’insatisfaction devant son manque de coopération allait croissante, l’avaient enfermé durant 80 heures dans un cage minuscule, puis l’en avaient sorti, jeté à terre et tabassé durant un quart d’heure. Les fonctionnaires égyptiens auraient obligé Libi, qui connaissait personnellement Ben Laden à confirmer les dires de l’administration Bush faisant état d’un lien entre Saddam Hussein et Al Qaïda. Les Égyptiens voulaient avant tout que Libi certifie que les Irakiens étaient sur le point de livrer à Al Qaïda des armes biologiques et chimiques. En cherchant à obtenir à toute fin ce résultat, il semble que les Égyptiens aient voulu satisfaire les USA, qui étaient à la recherche d’une justification pour déclarer la guerre à l’Irak. Libi finit par céder sous la pression. Des détails tirés de ses « aveux » furent insérés par Colin Powell, le Secrétaire d’État de l’époque, dans son discours décisif aux Nations unies de février 2003, où il plaidait pour l’entrée en guerre.
     
    Mais quand, des années après l’invasion de l’Irak par les USA, on ne put découvrir aucune trace d’armes de destruction massive ou de liens entre Ben Laden et Saddam Hussein, Libi revint sur ses aveux. Au FBI qui lui demanda par la suite pourquoi il avait menti, il rejeta la faute sur la brutalité des services secrets égyptiens. Michael Isikoff et David Corn furent les premiers à rapporter, dans leur livre „Hubris“, les déclarations de Libi : « Ils allaient me tuer » et « il fallait que je leur dise quelque chose, n’importe quoi. »
     

    Note de Tlaxcala : Libi a été par la suite « trouvé mort dans sa cellule ». Il s’agissait apparemment d’un « suicide ».

     





    Merci à Tlaxcala
    Source: http://www.newyorker.com/online/blogs/newsdesk/2011/01/who-is-omar-suleiman.html
    Date de parution de l'article original: 29/01/2011
    URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=3767


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  • Les Américains préservent le soldat Hosni !

    par K. Selim

    Après des flottements intervenus à la suite de l’attaque médiatisée des « baltaguis » contre les manifestants de la place At-Tahrir, les Américains s’en tiennent à leur ligne de soutien à Moubarak pour qu’il aille jusqu’au bout de son mandat avec l’engagement de réformes. L’émissaire d’Obama l’a dit sans ambages. Même si de Washington on fait valoir qu’il s’agit d’un « point de vue personnel », il est manifeste qu’il exprime un consensus au sein de l’establishment américain.

    La révolution s’est déclenchée. Il convient, à défaut de l’étouffer, de la contenir, de la contrôler et d’éviter qu’elle aille « trop loin ». Les Américains, qui disposent « d’amis » dans les rangs de l’opposition, renforcent de fait la capacité de négociation du régime.

    Si les manifestants de la place At-Tahrir et du reste de l’Égypte veulent la chute du régime, Washington, au nom de ses intérêts stratégiques, n’en veut pas. Préserver Hosni Moubarak et lui permettre d’organiser sa sortie - et d’éviter la déconfiture de Ben Ali - répond, au-delà des considérations subjectives, à cet objectif. Il a suffi que le pouvoir égyptien mette fin aux attaques des « baltaguis » pour que la cote de Moubarak, qui semblait égale à zéro, remonte.

    Désormais, c’est affirmé publiquement. «  Le rôle du président Moubarak est toujours important. Contrairement à la Tunisie, dont le président a pris la fuite, l’Egypte a toujours son gouvernement et l’autorité de celui-ci est toujours liée à ses forces armées, ce n’est pas le chaos complet », a indiqué Wisner. Ce n’est pas totalement faux.

    Et les États-Unis, en dépit d’une communication qui semblait désemparée durant quelques jours, ont tout fait pour que la révolte populaire des Égyptiens ne se transforme pas en révolution. Rien n’est définitivement joué, mais le régime de Moubarak est en train d’appliquer la feuille de route proposée par le même Wisner en comptant sur le temps, l’usure et l’effritement du front de l’opposition.

    Les Américains ne font plus de remontrances. Au contraire, et alors qu’une grande partie de la population veut que Moubarak dégage, les Américains sont carrément dans l’éloge. Il faut sauver le soldat Moubarak - dont la fortune personnelle atteindrait, selon The Guardian, la somme faramineuse de 70 milliards de dollars ! -, tel est le mot d’ordre de l’Empire. Mme Hillary Clinton, qui semble revenue de ses frayeurs initiales à la vue des Egyptiens bousculer le « raïs », veut une «  transition bien ordonnée ».

    Dick Cheney, le fauteur de la guerre sanglante contre l’Irak, ne tarit pas d’éloges sur cet « homme bon, ami et allié des États-Unis ». Qu’il est brave ce Moubarak... Le peuple égyptien serait presque un ingrat de ne pas comprendre ce qu’il perd et ce qu’il pousse vers la porte de sortie !

    Mais ces soutiens à Hosni Moubarak, qui ne sont pas surprenants, ne répondent pas seulement au souci de préserver un homme qui a, pendant tout son règne, servi loyalement les États-Unis. Au-delà de cette personne qui pèserait tant de milliards - qui ne sont pas le fruit de l’accumulation d’un salaire présidentiel -, les Américains veulent se donner le moyen de reprendre la main sur un pays qui peut leur échapper. Laisser tomber Hosni Moubarak, tout de suite, sous l’effet de la poussée populaire, aurait provoqué un changement trop profond et trop brusque. Il faut que l’Égypte se démocratise mais pas trop. Il faut donc préserver une partie du personnel en place et accélérer les décantations dans le front de l’opposition.

    Moubarak, qui encombre toujours l’avenir de l’Égypte, est encore utile à l’Empire.

    Le Quotidien d’Oran


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  • Le peuple égyptien a fait preuve d'un courage immense en allant manifester pendant douze jours. Douze jours à défier le pouvoir d'Hosni Moubarak, à affronter sa police puis ses sbires appelés pudiquement "pro-Moubarak" alors qu'il s'agissait de policiers en civil et de miliciens.

     

    Les égyptiens ont tenu contre ces provocateurs, ces casseurs, acheminés très facilement par cars entiers, à la Place Tahir dont les accès étaient pourtant bloqués par l'armée..

    Les égyptiens ont tenu malgré la tentation du lynchage généralisé, du massacres, des règlements de compte en masse.

    Car c'est dans ces moments-là qu'on voit la dignité d'un peuple.

    Dans les chancelleries occidentales et plus particulièrement aux Etats-Unis, on prépare un drôle de plat.

    Leur seul préoccupation: Comment garder l'Egypte comme vassal tout en provoquant le changement qui fera rentrer le peuple égyptien chez lui?

    C'est une chance pour les Etats-Unis, la rue se préoccupe de Moubarak, pas des relations avec Israël et les Etrats-Unis. On peut donc penser le remplacer comme une simple pièce détachée automobile qui lâche à cause de l'usure.

    Oui, l'Egypte est un pays clé. Si elle s'extirpe de son rôle de caniche, c'en sera fini de l'équilibre de la terreur au Proche Orient.

    Le Proche Orient vit dans l'équilibre, l'équilibrisme devrais-je dire.

    Pour l'Egypte, le canal de Suez, la fourniture de gaz naturel à Israel, la coopération dans la lutte contre le Hamas. Et si tout cela était remis en cause par un gouvernement issu de la révolution?

    Les conséquences? Le commerce mondial altéré, l'économie israélienne affaiblie, les palestiniens en position plus forte pour imposer leurs vues car un rapprochement Hamas-OLP redeviendrait possible.

    Autres conséquences: le discrédit des occidentaux et d'autres révolutions à venir ailleurs.

    Je reviens dans les cuisines de la Maison-Blanche. Le drôle de plat qui s'y prépare n'est ni plus ni moins qu'un coup d'état soft pour placer au pouvoir des gens qui conserveront à l'Egypte sa situation de vassal. Il faut trouver les bons ingrédients, le bon dosage et les bons serveurs quand on apportera le plat au peuple.

    Donc, on cherche à recruter un nouveau maître d'hôtel. Et ça prend du temps de trouver le futur Moubarak. Il faut d'abord convaincre l'ancien de renoncer à son CDI, de faire ses cartons et vider son casier. Le problème est qu'il s'accroche et qu'il a sûrement de bons moyens de chantag pression pour espérer y parvenir. Financements politiques, prisons secrètes de la CIA, services rendus en toute discrétion, informations sensibles accumulées ..etc.

    En attendant, les chasseurs de tête cherchent. Vous voulez voir la petite annonce?

    Homme de dialogue et musulman pratiquant, il ne doit pas avoir été compromis dans des affaires douteuses ou dans la répression, il doit être issu des militaires ou proche d'eux, il devra concilier un pouvoir fort et une ouverture démocratique dynamique mais contrôlée jusqu'aux prochaines élections qui lui donneront sa légitimité démocratique et internationale.

    Il aura été formé aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, et avoir montré, par le passé, son soutien même discret, à la politique de coopération avec les israéliens.

    En attendant, tout ce petit monde cherche à gagner du temps en espérant que, de guerre lasse, les manifestants accepteront de manger, le plat qu'on leur prépare.

    Milton Ici


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  • [LIVE] Dans les rues du Caire

    À quelques centaines de mètres de là, François Hien suit également le soulèvement et raconte son point de vue sur l'évolution de la situation.

    par François Hien Le 6 février 2011

    Samedi 5 février

    Le pouvoir égyptien joue avec nos nerfs. Il est chapitré comme un roman stratégique dont nous essaierons ces prochains jours de retracer le déroulement. Depuis hier, nous sommes entrés dans une nouvelle phase. Le discours avant-hier de Souleiman, le vice-président nommé la semaine dernière, nous a semblé abattre la dernière carte de Moubarak. Tout avait été concédé, hors son départ. Quatre millions de manifestants lui ont répondu hier. Dans l’après-midi nous avons cru que le dictateur serait démis. Rien ne s’est passé et nos spéculations nous épuisent.

    La réalité des check-points

    Hier dans la journée, impossible de tenir : je décide d’aller sur la place Tahrir. Si le régime tombe, je ne veux pas le voir à la télévision. On annonce des baltaguayé (ces hommes employés par la police pour commettre des actes violents et illégaux) sur l’avenue qui de chez nous mène à Tahrir. Je cherche à faire le tour par la Corniche, les quais longeant le Nil, mais toutes les rues sont barrées par des check-point de l’armée. Une rue ne l’est que par un comité de quartier que j’imagine bienveillant. Le jeune homme qui m’arrête et me demande ma pièce d’identité me fait signe de le suivre et m’amène tout droit à un militaire gradé qui, à quelques pas de là, s’ennuie avec une grande conscience professionnelle. Il tique sur les déchirures de mon jean, dont je dois lui expliquer qu’elles sont dues à la mode européenne – d’ailleurs dépassée – et non à des bagarres auxquelles j’aurais participé. Suspicieux comme son métier l’exige, il me garde vingt minutes avant de me relâcher. Je décide de passer par l’autre côté après m’être assuré auprès des comités de quartier, ceux que je connais, que le chemin était sûr. Plus loin un autre barrage militaire semble ne laisser passer personne ; je n’ose pas même le tenter : s’il dépend du même gradé, je ne voudrais pas courir le risque de me retrouver à nouveau devant lui.

    Au retour les comités de quartier font des difficultés pour me laisser entrer dans la rue où je loge. Ils veulent m’accompagner et je cherche à ne pas leur faire voir où je vais. Je ne sais plus de qui je peux être sûr. Ces jeunes gens ne sont pas agressifs : depuis une semaine, ils se chargent tous les soirs du travail de la police et sont simplement agacés de devoir assurer la sécurité d’un étranger qui brave le couvre-feu. On les comprend. Je rentre sans avoir rien pu voir.

    Dans la soirée, situation d’urgence : rumeur à propos d’un Français qui a reçu la visite de douze agents de la police militaire, armés et vêtus de gilets pare-balle (on n’est jamais trop prudent). Ils auraient saisi ses ordinateurs et sa caméra. Me voici sur le toit de la maison, planquant mes disques durs sous des bâches poussiéreuses. Tenant à ma sécurité et à celles des amis qui me logent – et qui ont plus à perdre que moi dans cette histoire – plus qu’à la gloire de couvrir l’évènement, je décide de ne plus tenter d’aller sur la place Tahrir. Mes sources d’information sont suffisamment nombreuses et de première main pour que je m’abstienne de mourir pour une cause qui, si j’y suis intellectuellement et affectivement impliqué, n’est pas la mienne.

    On s’habitue à tout : la soirée est presque joyeuse. Je m’installe confortablement dans le confinement.

    Un tank sur un checkpoint de civils à Maadi, Le Caire

    La défiance des alliés de l’Egypte

    Ce matin, annonce de l’explosion d’un pipe-line dans le Sinaï. Nous sentons que nous abordons une phase nouvelle de la crise égyptienne, où les questions stratégiques régionales vont devenir aussi déterminantes que les problèmes intérieurs. Les alliés de l’Egypte ne font plus confiance à Moubarak pour réprimer le désir de démocratie de son peuple. Sont-ils en train de s’y mettre à leur tour ? Ce matin, dans la presse internationale, on ne parle que des Frères Musulmans, pourtant très minoritaires ici. Comment leur offrir un boulevard en prétendant les combattre… Scandaleux articles pleins de contre-vérités sur les sites du Figaro et du Point. De la gauche française, nous n’attendions plus grand-chose ; mais que la droite de tradition gaulliste ne comprenne pas sa parenté politique avec les révolutions arabes, voilà qui m’accable. Alliot-Marie interdit aux chercheurs français présents en Egypte de s’exprimer dans les médias sur la situation, au nom du devoir de réserve. Elle a bien raison : si les observateurs compétents se mettent à intervenir, où va-t-on ?

    Direction Zamalek

    Nous décidons de sortir pour aller à Zamalek, une île sur le Nil. Pour éviter Tahrir, le taxi fait un large détour. Alors que l’avenue de la corniche est absolument déserte, le trafic a retrouvé sa traditionnelle et rassurante anarchie dès que nous passons le fleuve. Les Égyptiens ne pouvaient longtemps cesser d’être eux-mêmes. Quand, il y a quelques jours, nous avions fait un tour dans des quartiers populaires éloignés du centre, si le souk touristique était désert et ses échoppes fermées, le marché populaire qui le jouxte était bondé et abondamment achalandé. La circulation des marchandises dans cette ville est surprenante : alors qu’on fait la queue dans les magasins des quartiers bourgeois, en rupture de tout, les couches populaires, sans doute alimentées par leurs familles à la campagne, ont de quoi se nourrir.

    Aujourd’hui, les habitants sont rassurés par l’allègement du couvre-feu qui commence à présent à 19 heures. Ils ont retrouvé leur amabilité naturelle. Il est temps, en marge de notre souci, de retrouver le plaisir d’être au Caire. La situation reste préoccupante. Les dangers sont innombrables pour ce mouvement populaire que de nombreuses forces tentent de diviser. Jusqu’à présent, nous n’avons pas été déçu par ce peuple, par son intelligence et sa sagesse collectives – c’est d’ailleurs une première dans ma vie d’observateur politique. Nous avons envie de continuer à lui faire confiance. Sur le chemin tout à l’heure, nous avons observé un oiseau superbe entre les grilles rouillées d’une maison coloniale abandonnée. Sa tête était surmontée d’une crête zébrée qui, partant vers l’arrière, donnait à son allure assurance et fierté. Ses ailes étaient repliées en une longue queue pointue striée de barres blanches et noires ; il les a soudain déployées pour s’envoler. La crête s’est ouverte en éventail, comme de colère. Ce petit oiseau, d’une paisible puissance, est un hud-hud, un oiseau déjà présent à l’ère pharaonique. Il est devenu rare d’en voir ; les Égyptiens disent que ça porte chance…

    Vendredi 4 février

    Dixième jour d’une révolution égyptienne qu’on a cru souvent victorieuse, contre un régime qui n’en finit pas de ne pas encore tomber et qui abat l’une après l’autre ses cartes répressives. Au Caire, le mouvement de protestation a principalement investi la place Tahrir, alternativement ou simultanément lieu festif, tribune politique et champ de bataille, divisée depuis deux jours en secteurs fonctionnels spontanément découpés pour permettre aux manifestants une efficacité maximale. La place, d’un côté, se prolonge en une artère plus étroite aboutissant à une deuxième place, que surmonte une bretelle de voie rapide. C’est là que la bataille s’est concentrée la nuit de la contre-révolution, entre le 2 et le 3. Elle opposait les manifestants aux forces de police en civil et aux “baltagueya”.

    C’est dans l’après-midi du 2 que la place, très pacifique, a été envahie par de soi-disant “pro-Moubarak”, certains montant des chevaux et des chameaux. Les manifestants mettent immédiatement à l’écart les femmes et les enfants et sautent sur les chevaux et les dromadaires pour s’en emparer. Peu à peu, les entrées de la place sont sécurisées par des lignes de manifestants se tenant le bras tandis que les agitateurs arrêtés sont livrés à l’armée. Armée dont on ne comprend pas le rôle étrange : elle apparait parfois aux côtés de la police, allégeant ses dispositifs de contrôle et n’intervenant pas pour empêcher le massacre ; à d’autres moments, elle semble remplir son office et arrête les infiltrés, tout policiers qu’ils soient.

    Un front principal se dessine peu à peu, au bout de la place, près du musée des antiquités égyptiennes. La nuit tombe. Elle va être longue. Sur le front, les manifestants se positionnent en lignes et organisent un système de relai. Les blessés partent à l’arrière et sont immédiatement remplacés par d’autres, qui attendent juste derrière. A quelques dizaines de mètres du front, une véritable industrie s’est mise en place pour fournir des projectiles aux combattants : des hommes cassent des gros blocs de trottoir qu’ils brisent ensuite en plusieurs petits morceaux en les frappant contre les barrières métalliques qui bordent la rue. Les sons des coups envahissent cette partie de la place.

    De l’argent pour les pro-Moubarak

    Parfois, leurs rythmes se confondent et semblent la marche au pas d’une grande armée de métal. A d’autres moments, les rythmes se distendent et évoquent une composition de musique industrielle. Sur le front, un premier manifestant a l’idée de placer à la verticale une barrière de tôle ondulée, bientôt imité par d’autres. Deux lignes de barricade sont crées en une demi-heure. A présent, les manifestants courent à l’avant lancer leurs projectiles puis repartent se réfugier derrière elles.

    Les escaliers de la station de métro servent de prison provisoire pour les “pro-Moubarak” arrêtés. On trouve dans leurs poches des cartes de la police ou du PND, le parti du régime. Un immeuble, dominant le champ de bataille, a été investi par des baltagueya qui jette depuis ses fenêtres des cocktails molotov et des pierres sur les manifestants. La prise de cet immeuble devient un enjeu majeur de la bataille. Les manifestants, parvenant à s’en emparer, découvrent des habitants terrorisés. Un appartement sert de prison. Des baltagueya témoignent : on les a forcés à participer, ils ont reçu de l’argent, s’ils refusaient ils étaient battus et leurs biens étaient confisqués. Ces gens sont les plus miséreux des Égyptiens. Ils parlent des méthodes de la police avec un ton qui ne laisse pas de doute quant à leur opinion sur le régime.

     

     

    A l’arrière, au cœur de la place, une clinique s’est organisée. Une rumeur circule à propos des hôpitaux : les ambulances ont été investies par la police qui s’en sert pour arrêter les manifestants. J’ai vu passer ce soir-là, dans une rue venant de la place, une curieuse ambulance conduite par des officiers et à l’arrière de laquelle des hommes assis semblaient plutôt arrêtés que blessés. Le lendemain, l’information nous a été confirmée : les blessés hospitalisés sont livrés à la police dont on connait les terribles méthodes de détention. Sur la place, décidés à ne faire confiance à personne, des docteurs soignent eux-mêmes les blessés. Ils pansent des plaies, recousent des arcades, bandent les crânes. Les blessés, allongés sur les espaces herbeux de la place, sont soignés par des femmes qui leur apportent de l’eau et de la nourriture. La grande mosquée de la rue Bolivar, à l’angle opposé du champ de bataille, est également transformée en clinique.

    La place est bouclée dans les deux sens et ceux qui voudraient la quitter ne le peuvent pas. La panique monte. Certaines personnes, présentes sur la place depuis des jours, ne réagissent même plus aux coups de feu tant ils sont épuisés. La place en son centre est une grande vibration de peur qu’entourent à ses entrées des bataillons d’héroïsme.

    Coordination sans leader

    La voie rapide au-dessus de la rue est prise, puis perdue, puis reprise par les manifestants. Des hommes dont on soupçonne l’appartenance à la police secrète montent sur les toits et tirent à balles réelles sur les manifestants. Tant que la voie rapide n’est pas gagnée par les manifestants, des troupes de baltagueya peuvent encore grossir. Sa prise est donc primordiale. Il ne s’agit pas tant de gagner du terrain que de tenir toute la nuit en évitant un massacre. A quatre heures et demie, le pont est repris, les tirs de sniper cessent. Simultanément, le musée des antiquités est investi par les “pro-Moubarak”. Son toit leur sert également de base pour jeter sur les manifestants des cocktails molotov. Le feu prend dans une aile du musée, vite maitrisé, et dont le gouvernement accuse les manifestants. Le lendemain, l’actuel directeur des antiquités égyptiennes, membre du régime, affirmera aux médias qu’il n’en est rien, que le feu a été allumé par la police. Toute la journée d’hier, les manifestants formaient une chaine autour du musée pour le protéger, viscéralement attachés à leur trésor national et soucieux de n’être pas accusés de vandalisme.

    Il est rare de pouvoir admirer sans retenue des héros que rien n’entache. Ces hommes et ces femmes, qui se coordonnent sans leader et sans mot d’ordre, réussissent à créer une armée spontanée, avec son front et son arrière-pays, et à tenir tête aux puissantes forces armées de l’état policier. Au petit jour, les voix des muezzin n’ont pas couvert les derniers coups de feu. Mais les manifestants peuvent se dire victorieux. Ils n’ont pas lâché : la place Tahrir reste leur prise.

    Pendant la matinée, la place est entièrement nettoyée. Les manifestants, depuis le début, ont a cœur de donner une bonne image d’eux-mêmes. Tous les jours j’y ai vu des volontaires ramasser les ordures ou écouler l’eau d’une canalisation brisée par les batailles. La place n’a jamais été aussi propre qu’en ces jours de révolution. Peut-être est-ce ça, d’ailleurs, la révolution : se mettre à prendre soin de l’environnement collectif parce qu’on se l’est réapproprié. Les débris de trottoir sont ratissés et posés en tas devant les barricades, prêts à servir au cas où. Et les protestataires qui ont réussi à tenir toute la nuit sont rejoints peu à peu par des milliers d’autres manifestants qui, sur les lieux mêmes où les héros mourraient la veille, refont de la place un lieu festif et joyeux. Nous sommes ahuris : rien n’arrête la détermination de ces citoyens, et rien n’entame leur bonne humeur et leur pacifisme.

    Si Tahrir est aux mains des manifestants – et peut-être en son cœur l’un des endroits les plus sûrs du Caire – ses environs sont infestés de baltagueya qui poursuivent ceux qui se dirigent vers la place, arrêtent les journalistes et tabassent les activistes. La bataille centrale a fait des petits dans les rues avoisinantes où les rapports de masse ne sont pas les mêmes. La journée d’hier a été égrainée par les annonces d’arrestations ciblées. Dramatique, certes, mais le mouvement ne tient plus seulement sur les épaules de ceux qui l’ont initié.

    Rapport étrange à la télévision d’Etat

    Tout est maintenant une question de timing où se mêlent à la fois des facteurs politiques et sociologiques. Car de nombreux Égyptiens (la majorité ?), après l’avoir massivement soutenu et en approuvant les causes, ont un rapport ambigu au mouvement. Ils ne peuvent pas s’offrir le luxe d’une ville paralysée, leur survie dépend directement de l’argent qu’ils gagnent au quotidien. Les comités de quartier en ont assez de passer des nuits blanches pour défendre la population. Il y a un désir partagé de retour à la normalité, bien compréhensible. Ce sentiment s’accompagne toujours du rapport étrange qu’ont les citoyens à la télévision d’état. Ils savent qu’elle leur ment mais retiennent tout de même les informations qu’elle délivre. Ces derniers jours, ils disaient : “De toute façon, sur Tahrir, il n’y a que des Frères Musulmans, des étrangers, et des combattants du Hamas.” Le mouvement ne doit pas perdre cette population qui ne peut plus endurer longtemps la situation de siège. Le discours d’Omar Suleiman, le vice-président nommé la semaine dernière, leur était directement destiné. Habile moment de télévision : il ne s’agissait pas d’un discours écrit et rigide face caméra mais d’un long entretien de quarante cinq minutes où le vice-président semblait chercher le mot juste et parler le langage de la vérité. Il a reconnu la légitimité des protestations, promis des réformes en profondeur et gentiment demandé aux manifestants de rentrer chez eux. Un discours qui ne peut qu’isoler davantage dans l’opinion ceux qui, très nombreux, restent encore à Tahrir.

    La nuit de jeudi à vendredi à été plutôt calme. Ce matin, la place est noire de monde. Les barrages de sécurité ont été redoublés : après la fouille par l’armée, onze fouilles successives par des manifestants permettent de s’assurer qu’aucun infiltré ne pénètre la place. En ce moment même, les muezzin appellent à la prière. Quand elle sera finie, dans deux heures, de nombreux hommes sortiront des mosquées pour rejoindre les manifestants. Des rumeurs disent que Moubarak démissionnera à ce moment-là. On craint une répression sanglante. L’atmosphère est électrique mais nous ne pouvons nous empêcher de croire que ce régime, malgré tout, vit ses derniers instants. Alignés sur la place, les hommes forment une belle mosaïque de prieurs, synchronisés dans leurs mouvements. Rien n’arrêtera la détermination de ce peuple qui, dans la guerre qui l’oppose à son état, est en train de l’emporter. La foule est à présent plus nombreuse que mardi, le jour du ‘One million-man march”…

    De nombreux détails de cet article ont été obtenus grâce aux renseignements et à l’aide de Hana Al-Bayaty, et aux vidéos réalisées sur le champ de bataille par Mohammed A., reporter improvisé et audacieux qui fait un travail de documentation inouï.

    Crédits photo: FlickR CC: F Hussein, Florence Mohy, Flickr CC: Ahmad Hammoud

    SOURCE OWNI


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  • La révolution égyptienne : l’armée va trancher

    Robert BIBEAU

    Pourquoi le feu de la révolte populaire embrase-t-il la rue depuis Alger jusqu’au Caire ? Parce que les peuples arabes sont opprimés, exploités, sans emploi et sans pain parfois. Tous ces motifs avérés ont déjà été soulignés, mais il en demeure un autre qui constitue, à notre avis, un vecteur de changement encore plus important. Tous les pays arabes sont passés (progressivement, mais plus lentement que l’Occident) de la société patriarcale artisanale, un monde de petits entrepreneurs régionaux, à une économie marchande de livraison de ressources naturelles et de produits manufacturés à des marchés globalisés.

    S’appuyant sur le pouvoir, sur les ressources de l’État et sur le pillage de leurs budgets, une couche de milliardaires, de millionnaires, de grands capitalistes, a délogé peu à peu les propriétaires fonciers et les commerçants du souk de l’administration de l’appareil étatique. Les emprunts grotesques qu’ils ont contractés (Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Jordanie, Yémen, Syrie) ont servi, pour l’essentiel, à abonder trois postes budgétaires :

    1) Payer l’armée, les policiers et les services de sécurité, toute une engeance répressive pour maintenir la dictature des riches. Bon an mal an, les États-Unis ont accordé 1,3 milliard d’aide au gouvernement Moubarak, essentiellement pour qu’il puisse payer cet appareil régressif.

    2) Créer, supporter puis enrichir une classe de grands capitalistes qui ont fait construire des édifices et des infrastructures civiles, développé des services tertiaires, financiers et boursiers, ainsi que des moyens de transports, etc. Ces travaux ont requis le développement d’une classe ouvrière de plus en plus nombreuse et mieux formée. Quand la crise économique occidentale s’est abattue sur les pays arabes, en 2008, des milliers de travailleurs ont été jetés sur le pavé sur les ordres du FMI (1). Or, Il n’y a pas de filet de sécurité, dans ces pays dévastés où la classe des riches accapare tout et ne laisse rien pour la survie. La cellule familiale étendue, en voie de désintégration dans ces contrées en cours d’industrialisation et de tertiarisation, n’a pas permis comme auparavant de compenser les déficiences de ces états qui n’ont rien de « providentiel ».

    3) Enfin, de façon moins importante, les ressources de l’État ont contribué à développer quelques institutions collectives et sociales comme les écoles, les hôpitaux, les dispensaires, les garderies, les services d’adduction d’eau, les centrales électriques, les logements, les transports publics et les autres services essentiels à la formation et la reproduction de la force de travail.

    Depuis trente ans, tous ces développements, y compris la constitution d’une caste de grands capitalistes, de marchands monopolistes et de petit-bourgeois du commerce et des communications ont profondément transformé le paysage social des pays arabes (moins en Arabie Saoudite et aux Émirats Arabes Unis pour cause de rentes pétrolières immenses). Les anciens rapports de production néocoloniaux et quasi-féodaux, que les colonialistes français, britanniques et italiens avaient laissé perdurer, ont été détruits progressivement pour être remplacés par les rapports sociaux caractéristiques de l’impérialisme triomphant.

    Quand un nouveaux système de production s’installe sur un territoire national, il nécessite impérativement le développement de nouveaux rapports sociaux de production, de nouveaux rapports entre les hommes et les femmes, de nouvelles structures familiales, une nouvelle répartition des responsabilités et une nouvelle distribution des pouvoirs entre les différentes classes sociales en conflit, ainsi que de nouveaux rôles pour l’État et pour ses institutions. Il entraîne l’apparition de nouvelles élites et d’une nouvelle couche de bourgeois laïcisants, phénomène qui débouche sur la remise en cause du statut et du rôle des anciennes élites, religieuses notamment, héritées du monde précédent.

    Les anciens rapports sociaux néocoloniaux et semi-féodaux ont été mis à mal dans tous les pays arabes, car ils ne pouvaient survivre aux transformations de la cellule familiale et des superstructures idéologiques. Les anciennes couches sociales dégradées ont résisté et se sont accrochées au pouvoir, ce qui a suscité la résurgence de courants religieux islamistes éphémères. La crispation de courants religieux islamistes dans la plupart des pays arabes n’est pas l’indicateur d’un retour en arrière et d’une cristallisation des anciens rapports sociaux ; c’est, au contraire, le baroud d’honneur d’un ancien monde en voie de décrépitude. Dans les grandes villes industrielles arabes, la pratique religieuse recule, comme dans toutes les sociétés industrialisées.

    Ce qu’Emmanuel Todd, dans un écrit récent, identifie comme étant la cause des modifications profondes de la société arabe est en réalité la résultante de ces transformations en cours, lesquelles se mesurent par des indicateurs démographiques très précis, comme les pratiques endogames, les taux d’alphabétisation et de scolarisation, particulièrement chez les femmes, le nombre d’enfants par ménage, l’âge du mariage, etc. Tous ces indicateurs attestent de l’évolution économique, industrielle, commerciale, sociale et démographique de la plupart des pays arabes, qui ont pour plusieurs désormais rejoint la « modernité » dans le sens économique du terme (2).

    Une société capitaliste en expansion requiert que l’État joue son rôle de régulateur de l’économie, de bâtisseur d’infrastructures, de gestionnaire des services de formation et de reproduction de la main-d’œuvre, ainsi que d’arbitre des intérêts conflictuels entre les différentes couches de la bourgeoisie. Le rôle de répression des mouvements populaires et sociaux est censé s’atténuer si l’on sait bien utiliser l’appareil idéologique pour produire du consentement. En effet, un système capitaliste qui fonctionne bien ne tend pas à instaurer une dictature politique ou militaire qui provoque des tensions sociales, de la répression, des conflits incessants, des baisses de productivité et l’émergence d’une économie souterraine incontrôlée.

    La « démocratie » parlementaire, caractérisée par l’alternance de partis au pouvoir, comme on en retrouve dans la plupart des sociétés occidentales et dans plusieurs sociétés misérables du tiers-monde, en Afrique et en Amérique du Sud, est préférable. Les libertés de parole, de publication et de manifestation, tant que le pouvoir des riches n’est pas mis en péril, sont plus convenables. Évidemment, encore faut-il que le peuple sache voter. Un jour, les Chiliens n’ont pas su utiliser le privilège « démocratique » qui leur était accordé : Pinochet le leur a retiré. Un jour, en Palestine occupée, les Palestiniens n’ont pas su apprécier le privilège « démocratique » que l’occupant sioniste leur avait concédé, et ils ont élu le Hamas : le colonisateur le leur a retiré. Un jour, en 1992, le peuple algérien pauvre a souhaité se révolter, et il a mal voté : l’armée le lui a retiré son droit de vote. Un jour, les Libanais n’ont pas usé correctement de leur privilège démocratique et ils ont voté pour le Hezbollah…

    Mais, cette fois-là, le pouvoir n’a pas pu leur retirer le droit de voter, car le peuple libanais était armé. C’est le particularisme du modèle libanais (3). Le Royaume saoudien n’a pas encouragé les bouleversements du gouvernement au Liban ; il les tolère, faute de pouvoir les contrer. Le nouveau Premier ministre Mikati est un milliardaire libano-syrien, et non pas saoudien, et le Hezbollah Chiite n’est pas le choix de la dynastie Wahhabite sunnite de Riyad, qui est aussi l’alliée de Tel-Aviv et qui a financé, selon Thierry Meyssan, l’agression sanguinaire contre Gaza, n’en déplaise à certains analystes tenants de la surdétermination antisioniste (4). L’idéologie sioniste n’est jamais qu’une variante régionale de l’idéologie impérialiste américaine.

    Le Liban fut le premier pays à se libérer de ses anciens rapports sociaux coloniaux, un modèle pour les peuples arabes selon une enquête de la revue Slate.fr. Le multipartisme y existe depuis des années et une majorité des Arabes ayant répondu à une enquête effectuée dans plusieurs pays rêve de vivre au Liban (51%). Rien d’étonnant, le Liban est la contrée la plus tertiarisée des pays arabisés (5).

    Force est d’observer que dans la plupart des soulèvements qui ont cours, en Tunisie, en Égypte, en Jordanie, en Algérie ou au Yémen, les islamistes et la hiérarchie religieuse musulmane et copte n’ont pas joué un rôle déterminant. Ce sont les autorités égyptiennes qui ont souhaité le retour d’exil d’un leader islamiste et les « Frères musulmans » ont d’abord été très réticents à soutenir le mouvement. En Tunisie, les islamistes sont à-peu-près absents, tout comme en Algérie. Quand les sionistes prétendent être inquiets du retour de la mouvance islamiste, c’est en fait un appel à ressortir ce vieil épouvantail qui servira de sortie de secours au cas, sait-on jamais, où de véritables révolutionnaires parviendraient à s’emparer de la direction des révoltes démocratiques, ce qui risque peu de se produire.

    La révolution démocratique bourgeoise qui a éclaté au Maghreb et au Mashrek est bien accueillie par les anciennes puissances coloniales et par les Américains. Les Etats-Unis, cependant, l’ont compris plus rapidement et ils sont favorables à ces changements : en Égypte, ils font la promotion de leur candidat présumé, qu’ils présentent comme un grand leader de l’opposition. Ce leader autoproclamé, qui leur a déjà servi à la tête de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA), a présenté son « Plan de transition du pouvoir » non pas au peuple égyptien en révolte et souffrant, mais à l’ambassadrice américaine au Caire, afin de bien signifier à qui il souhaitait plaire (6). Que cet homme soit adoubé par les « Frères musulmans », cela chaud peu aux militaires de Washington dès lors que ce prétendant défend une politique de compromission et de négociation avec Israël et en soutien aux magouilleurs-négociateurs de l’Autorité de Ramallah.

    Le maintien de dictateurs usés, déconsidérés et détestés n’est pas une option pour le champion du développement des rapports impérialistes de production. Barak Obama sait mieux que personne que la seule voie, pour les pays arabes, c’est l’établissement de gouvernements bourgeois pluralistes assurant l’alternance « démocratique ». De cette façon, les clans capitalistes se surveillent et s’observent, s’entendent et se concurrencent, tout en s’assurant que les crédits gérés par l’État ne servent pas qu’à enrichir les riches sans fournir aucun service aux travailleurs et à la population, que l’on doit obligatoirement nourrir, éduquer, soigner, amuser si l’on souhaite les voir retourner au travail la semaine suivante. La roue industrielle et commerciale doit tourner et c’est à l’Etat qu’il incombe de s’en assurer.

    Il demeure toutefois une source de préoccupation pour Obama : les peuples arabes sont-ils suffisamment endoctrinés et dressés pour bien user de ces libertés et comprendre que l’alternance du pouvoir parlementaire doit se faire entre un parti bourgeois et un remplaçant équivalent, un peu comme aux États-Unis entre les partis démocrate et républicain ou, en France, entre pseudo-socialistes et UMP ? Ce n’est pas évident. C’est ce danger de « dérapage démocratique » qu’Hubert Védrine, ancien ministre socialiste français des Affaires Étrangères, tentait de prévenir en indiquant que « les pays du Sud – entendez du Sud méditerranéen – ne sont pas mûrs pour la démocratie ; il a fallu plusieurs siècles pour que, nous, les Occidentaux, nous accédions à la démocratie.

    En attendant, les puissances européennes doivent traiter avec les États et les élites au pouvoir » (7). Selon Washington et les capitales européennes, les peuples arabes peuvent et doivent voter, mais seulement parmi les interlocuteurs désignés comme acceptables par les Américains et leurs alliés. Des candidats qui ne remettront pas en cause la politique internationale de l’Égypte, vis-à-vis d’Israël, par exemple, et qui n’auront pas de rêves d’indépendance, comme Nasser en avait. Les autres partis pourront se présenter aux élections, mais ils ne devront jamais gagner, sinon ces « libertés » seront retirées par l’armée.

    C’est à cette tâche que se dévouent présentement les officines des ambassades américaines, les services secrets occidentaux, le Mossad et toute une panoplie d’agitateurs infiltrés dans les mouvements populaires arabes. De cette évolution « démocratique » et du respect des oukases Étatsuniens dépendra l’intervention musclée ou non des armées sorties des casernes et répandues dans les rues.

    L’armée étant divisée en deux clans, dans « l’Égypte au bord du sang » (8), Moubarak conserve l’espoir de sauver sa dynastie déchue, mais cet espoir du vieux Rais n’aura qu’un temps très bref : sous peu, la majorité de l’État-major de l’armée fera comprendre à ce clan que son règne est terminé. Si le maintien d’une dictature réactionnaire en Égypte était le premier choix de Bush le néocon, ce n’est pas celui de l’Amérique d’Obama, pour les raisons que nous avons déjà évoquées. La démocratie parlementaire bourgeoise avec alternance est le mode de gouvernance préféré en société capitaliste.

    Comme en Tunisie, c’est l’armée (égyptienne) qui jugera de ce que la petite bourgeoisie aura accompli au cours de ces jours de sursis et c’est elle qui décidera si elle doit retourner dans ses casernes ou rester sur les parvis et les marchés pour encadrer, voire sanctionner, au besoin, la « démocratie » accordée ou refusée. Les peuples arabes de Tunisie et d’Égypte auront l’autorisation de voter et ils pourront recommencer aussi souvent que souhaité, s’ils savent voter pour le candidat qu’on leur aura désigné. La petite bourgeoisie arabe et occidentale, aux anges, calmera le jeu jusqu’à la prochaine révolte populaire pour le pain, le travail, l’équité et la dignité.

    (1) La Tunisie et les diktats du FMI. Michel Chossudovsky. 24.01.2011. http://www.mondialisation.ca/index....

    (2) La Tunisie a rejoint le modèle historique général. Emmanuel Todd. 17.01.2011. http://www.liberation.fr/monde/0101...

    (3) « Rififi à Beyrouth » Le Liban au cœur de la tourmente Arabe. Robert Bibeau. 31.01.2011. http://www.robertbibeau.ca/palestin...

    (4) L’Égypte au bord du sang. Thierry Meyssan. 31.01.2011. http://www.voltairenet.org/article1...

    (5) Quel est donc ce pays si apprécié par l’opinion publique arabe ? 27.01.2011. http://www.slate.fr/story/33311/opi...

    (6) Crise en Égypte : El Baradei soumet son plan aux Américains. 1.02.2011. http://nouvelles.sympatico.ca/accue...

    (7) Tunisie : Ce que les experts civilisés n’ont pas vu venir. Omar Benderra. http://www.michelcollon.info/Tunisi...

    (8) L’Égypte au bord du sang. Thierry Meyssan. 31.01.2011. http://www.voltairenet.org/article1...

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  • Egypte : Le complot des Forces noires, contre les peuples !

    D.Benchenouf

    Ne nous y trompons pas ! Le retournement de la situation en Égypte, au cours de ces dernières heures, où on a vu des populations « civiles » venir soutenir le président Moubarak et son régime, procède d’une partition de haute facture, composée par ceux qui tiennent le monde entre leurs mains, et jouée par des virtuoses de la manipulation planétaire.

    Il y a quelques heures seulement, pour tous les observateurs politiques, la chute et le départ du président egyptien n’était plus qu’une question de jours, voire d’heures.

    Le sursaut stupéfiant du peuple égyptien n’a laissé aucun doute sur la suite des évènements, y compris parmi les chefs d’état des grandes puissances eux-mêmes.

    Mais c’était oublier les immenses répercussions, au niveau régional, et même mondial, que cette révolution aurait provoquées, s’il elle avait été menée jusqu’à son aboutissement.

    Les Forces noires occupées à leurs calculs, ont été prises au dépourvu...

    Tout le monde, et particulièrement nous, les peuples arabes et musulmans, ou les deux à la fois, savions que la chute de Moubarak aurait entraîné, à terme, plus ou moins court, celle de tous les despotes arabes, sans aucune exception, et l’avènement, pour nous, d’une ère nouvelle, non pas de régression obscurantiste, comme le rabâchent sans discontinuer tous ceux qui utilisent cet épouvantail, pour une raison ou une autre, mais enfin la renaissance tant attendue, un éveil des masses, pour une réelle démocratie, dans de véritables États de Droit, des républiques sociales, ou des monarchies réellement parlementaires.

    Mais cela aurait été aussi, pour Israël, non seulement la perte d’une carte maîtresse, dans sa politique régionale et arabe, et surtout pour son principal objectif de ses futures frontières, une vraie catastrophe, et un avenir incertain, pour cet État, qui a bâti sa présence sur la manipulation et le complot permanent.

    Israël prépare, en effet, depuis des années, en douceur lorsque cela est destiné à la consommation occidentale, et avec une extrême brutalité pour ce qui concerne les Palestiniens, son projet, qui n’en est plus qu’à ses dernières finitions, d’un État avec des frontières définitives. Non pas celles des lignes de 1967, mais du mur qu’il est en train d’achever.

    Toutes les vaines tractations, et autres négociations toutes vouées à l’échec avant même qu’elles ne soient entamées, n’avait pour seul but que de faire illusion, jusqu’au fait accompli, jusqu’à l’achèvement du mur, et le ralliement des quelques gouvernements occidentaux qui renâclent encore, bien timidement il faut croire, à cette monstrueuse idée.

    Un autre projet secret d’Israël, ou censé l’être, et qui changera notablement la donne stratégique dans toute la région du Moyen-Orient sera la séparation définitive, et consacrée, du Kurdistan irakien du reste de l’Irak. Un futur Kurdistan souverain, qui s’accaparera de larges territoires pétrolifères, en plus du fait que la plus grosse réserve prouvée en Irak, se trouve entre Irbil et Halabja, en plein Kurdistan.

    Des milliers d’ »experts » israéliens se trouvent déjà au Kurdistan, depuis des années, dont la vraie mission est de préparer le séparatisme, et l’avènement d’un Etat kurde totalement inféodé à Israël.

    Ce sont ces « experts » qui ont encadré les opérations d’exploitation et d’exportation de pétrole kurde, contre la volonté du gouvernement irakien.

    Des milliers de Kurdes se trouvent, en ce moment même en Israël, sous divers motifs, mais qui, dans la réalité, sont préparés pour l’opération de démembrement de l’Irak.

    Et dans ces deux grands projets d’Israël, ainsi que dans une politique globale de contrôle de la situation, le Président Moubarak était une pièce maitresse, avec le Roi d’Arabie Saoudite, le Roi de Jordanie, en plus des nombreux figurants que sont presque tous les autres rois et présidents des pays arabes.

    C’est pour cela, malgré l’exécrable publicité qu’ils lui avaient faite en s’exprimant contre son départ, qu’Israël n’a pu s’empêcher de jeter des cris d’orfraie, à l’idée que Moubarak puisse être éjecté, ainsi, avant la mise en place d’un plan « B ». Parce que cela aurait eu un effet dominos, sur tous les alliés d’Israël, qui tiennent d’une main de fer tous leurs peuples. Et il ne faut pas être particulièrement perspicace, lorsqu’on connait, un tant soit peu, le monde arabe, pour savoir que la chute de Moubarak aurait été d’une gravité incalculable pour Israël, puisqu’elle aura perdu, en une seule fois, tous ses gardes-chiourme.

    Pendant ces journées héroïques, de la révolution de Jasmin, puis de la révolution du « million », puisque c’est ainsi que les Égyptiens ont qualifié leur propre soulèvement, sans doute en comparaison avec la révolution algérienne, dont ils disent qu’elle est la révolution du million de martyrs, tous les peuples arabes, les peuples qui leur sont apparentés, même s’ils ne sont pas arabes, comme les berbères d’Afrique du Nord, et les peuples musulmans, chiites ou sunnites, attendaient tous la chute du tyran égyptien, pour se lever simultanément, en une sorte de déferlante, pour balayer leurs régimes corrompus et criminels.

    Effet dominos...

    En Algérie, tout particulièrement, une lourde ambiance de révolution imminente a vissé tous les gens, jusqu’aux enfants, devant leur poste télé.

    Le compte à rebours avait commencé, en réalité, partout où les peuples de cette grande région subissaient le joug d’oligarchies brutales et voraces. Même en Lybie, où le « Guide » avait mis en place un vaste plan mi-corruption des masses, mi-représsion préventive, un vent de liberté avait commencé à soulever le sable du désert. Au point où ce président échappé d’un cirque avait imposé un couvre-feu, et procédé à des dizaines d’arrestations spectaculaires, au même moment où il tentait de relancer une contre-révolution en Tunisie.

    Un autre rôle du Président égyptien, d’une extrême importance, aurait fait défaut à la stratégie des « Forces noires », si ce dernier était tombé.

    Ce rôle, où il était un acteur de premier plan, notamment grâce à la prestigieuse institution islamique « El Azhar », liée intimement au pouvoir égyptien, consistait à attiser la haine entre musulmans sunnites et chiites. Le besoin de maintenir vivace, et mortelle, la haine séculaire entre les musulmans orthodoxes, et les musulmans dits schismatiques, a été très payant non seulement pour les monarchies du golfe, qui ont pu ainsi occuper leurs sujets dans la haine irraisonnée du « mécréant » qu’était le chiite, et de se prémunir ainsi de la contagion révolutionnaire iranienne, mais surtout pour les Forces noires qui ont pompé sans aucun problème, des décennies durant, des fortunes inestimables de cette région. Au moment où les peuples musulmans des deux bords se perdaient en malédictions mutuelles, les uns contre les autres.

    Lorsque le besoin s’est fait ressentir d’attiser ces braises qui commençaient à se refroidir, et presque à s’éteindre, du conflit sanglant entre ces deux grands courants de l’Islam, les « Forces noires » n’ont pas hésité à créer une grosse farce sunnite, si elle n’était tragique, qui s’appelle « Al Qaida », et dont la mission principale, en plus d’aviver la vindicte contre les Chiites, était de faire le plus de victimes possible parmi eux. Simple à vérifier, il suffit de faire la comptabilité meurtrière d’Al Qaida, pour découvrir que les trois-quarts de ses victimes sont des musulmans Chiites. Les attaques contre les « mécréants » et les « croisés » sont destinés à noyer la baleine.

    J’ai voulu revenir, de façon presque anecdotique, sur ces quelques données souterraines de la stratégie des « Forces noires », pour permettre à ceux qui n’en ont pas connaissance, de faire une lecture plus appropriée des évènements qui se déroulent, en ce moment même en Égypte, et où va se jouer la suite de la partition qui a été écrite pour étouffer les cris de colère de peuples entiers.

    Comment s’est passée la réaction ?

    Rarement dans l’histoire des peuples, le mot « réactionnaire », aura été investi, avec un tel réalisme, de son véritable sens.

    La révolution de Jasmin et celle du « million », quoiqu’en disent les observateurs politiques qui se spécialisent dans la lecture de l’après coup, pour pontifier avec des airs de Monsieur Sait-tout, ont pris de court tous les gouvernements, et toutes les officines, y compris le plus redoutable et le plus informé d’entre eux tous, l’un des principaux outils des « forces noires », le Mossad.

    Personne ne s’attendait, même si une vague impression de catastrophe flottait dans l’air, que des peuples aussi paisibles, et qu’ils croyaient définitivement soumis, au point où en Tunisie, le Président Benali préparait sa propre succession par son épouse, et que le Président Moubarak avait quasiment désigné son fils pour lui succéder, allaient se soulever contre les deux régimes parmi les plus policiers, et les plus brutaux de monde.

    Puis, après l’immolation par le feu d’un citoyen tunisien, presque un fait divers pour le régime, mais qui a été ressenti jusqu’aux tréfonds du peuple tunisien, parce qu’il exprimait tout le désespoir de ce peuples opprimé, ce fut une colère de la rue tunisienne qu’on n’avait jamais connue, qui allait monter crescendo, jusqu’à arriver à son paroxysme. Jusqu’à une implication de tout un peuple. On dit aujourd’hui que ce sont les Américains qui avaient demandé à l’armée tunisienne de ne pas ouvrir le feu sur les manifestants. Cela est possible. Mais rien ne dit que si cela n’avait pas été le cas, l’armée tunisienne ne se serait pas rangée du côté de son peuple. Et rien ne nous dit que l’attitude des Américains n’avait pas été dictée par des considérations purement stratégiques. Il n’en demeure pas moins que le peuple tunisien s’est libéré sans l’aide de personne, si ce n’est celle de toute l’opinion publique mondiale, qui a beaucoup compté, puisqu’elle a empêché le bain de sang.

    Ce fut le signal pour tous les peuples qui vivaient dans des conditions similaires. C’est à dire tout le Maghreb, et tous les pays Arabes. Le président libyen ne s’y est pas trompé, lui qui a condamné le soulèvement populaire en Tunisie, et qui a tenté de le contrecarrer, avec une promptitude qui en dit long sur son inquiétude.

    Israël, la face visible des Forces noires...

    Alerté par ses mentors israéliens, le président égyptien tenta de prendre les devants, en s’assurant de la fidélité de l’armée, et du soutien des Américains, mais aussi de toutes les démocraties occidentales.

    Les premiers à lui apporter leur soutien, parce que la rue égyptienne, et internet surtout, donnaient des signes d’énervement au sein de leurs propres populations, furent l’Algérie et la Lybie, qui voulaient exorciser la menace, et toutes les monarchies du Golfe, qui offrirent leurs bons services, les seuls qu’ils peuvent rendre, en arguments sonnants et trébuchants.

    Israël, comme à son habitude, dont l’efficacité et certains moyens de persuasion ne sont plus à démontrer, se fit un devoir d’infléchir la position américaine, par trop laxiste, à son goût, et qui faisait la part trop belle aux peuples arabes, au détriment de leurs gardes-chiourme.

    On ne sait pas comment les choses se sont faites, mais il ne fait plus de doute que le président américain a reçu des injonctions, voire une sommation, de revoir sa copie. Et il a obtempéré.

    Pour Israël, ne serait-ce qu’à court-terme, il n’était pas question que Moubarak soit jeté comme un malpropre, à l’instar de Benali. Cela aurait eu un effet immédiat sur tous les pays « amis », dont nul n’ignore que les peuples haïssent profondément Israël, pour tout ce qu’il a fait subir au peuple palestinien.

    Israël a exprimé, presque publiquement, son intention d’empêcher que de nouvelles situations, qui menaceraient sa « stabilité », puissent s’installer dans la région. Sans que les « Forces noires » puissent en contrôler le déroulé. Et il ne faut pas être particulièrement perspicace pour imaginer que toutes les monarchies arabes, ainsi que la Lybie, l’Algérie et le Maroc, ont dû peser de tout leur poids, avec leur ami israélien, pour contraindre le Président Obama à mettre un bémol à son enthousiasme. Et comme de bien entendu, qui dit pression d’Israël, lorsqu’elle est majeure et intransigeante, dit aussi celle des lobbies américains les plus puissants, ceux qui sont le fondement même des « Forces noires », avec Israël.

    Le fait que le président américain soit resté plus de trente minutes avec Moubarak laisse comprendre qu’il n’était plus question de préparer un départ imminent, mais de gérer une prise en main adéquate de la révolution, pour la neutraliser, et avoir le temps de dévier le cours de la contestation vers un exutoire contrôler. Un « statu quo ante », pour le moins.

    Le fait d’avoir préparé Souleiman à la succession de Moubarak, un homme très « sûr « , un pro-israélien pur beurre, le grand patron des services secrets égyptiens, qui n’a jamais déçu Israël, ni encore moins représenté la moindre menace pour lui, n’était plus une garantie suffisante.

    Trop d’inconnues subsistaient, trop d’impondérables, notamment celle d’un El Baradei dont on avait appris qu’il avait eu des contacts avec les Frères musulmans, et l’intrusion soudaine de ceux-ci sur la scène, après qu’ils aient observé une réserve très prudente, trop prudente pour Israël, qui voyaient en eux, les organisateurs souterrains de la révolte.

    Et donc, au moment où la suite des évènements ne faisait plus de doute, la contre-révolution se mit en place, en un temps record.

    A la veille de la manifestation annoncée par l’opposition, qui appelait à un rassemblement d’un million de manifestants sur la place au nom prédestiné de « Libération »(Ettahrir), tous les trains, les autobus et les taxis collectifs, à destination du Caire et d’Alexandrie, furent immobilisés. Pour empêcher ce rassemblement, et le tourner en dérision, puisque tout a été fait pour qu’il ne dépasse pas le nombre de quelques milliers.

    Malgré cela, et malgré toutes les autres méthodes pour empêcher le succès de cette manifestation, l’objectif des organisateurs fut largement dépassé, puisque le nombre d’un million aurait été largement dépassé.

    La contre manifestation « spontané » pour le « Raïs » bien-aimé...

    Puis, avant même que le « Raïs » ne fasse son discours, la machine se mit en branle. Tous les transports publics furent mobilisés, pour aller racoler, souvent avec des promesses mirifiques, mais aussi avec de petites sommes d’argent, dans toute la campagne environnante, des ouvriers agricoles journaliers, qui chômaient bien plus qu’ils ne travaillaient, dont personne ne s’était soucié auparavant, et qui végétaient dans des conditions infra-humaines, puis, dans tous les quartiers misérables de la ville, des chômeurs de toute sorte, des chiffonniers, qui se comptent en dizaines de milliers dans la seule ville du Caire, et tous les laissés-pour compte, complètement ahuris que les représentants de l’Etat lui même, viennent leur demander de soutenir le Pharaon en personne, contre les « ennemis du peuple égyptien », qui voulaient vendre le pays à Israël. Rien que cela !

    Et bien sûr, pour encadrer toutes ces malheureuses victimes du régime égyptien, et qui allaient affronter leurs frères d’infortune, pour voler au secours de leur propre bourreau, les services qui ont été chargé de lancer la contre-révolution firent appel aux agents des sinistres « Moukhabarates », les services secrets égyptiens, dont la mission était de chauffer à blanc ces foules hébétées, à qui des portraits du Raïs et des drapeaux égyptiens avaient été distribués. Il faut savoir que les effectifs des Moukhabarates, permanents ou agents infiltrés parmi la population, sont plus de 500 000, pour la seule ville du Caire. Une ville peuplée de 17 millions d’habitants, sans compter tous ceux qui s’y rendent pour la journée, avant de rentrer dans leurs villages. Ce sont des dizaines de milliers de ces agents des Moukhabarates qui ont manifesté leur soutien au « Raïs » On rapporte même une scène de ces zélateurs du régime, et donc d’Israël, qui ont brûlé le drapeau d’Israël sur la place « Ettahrir ». Une grossière manipulation, pour tromper le petit peuple égyptien. Ou plutôt pour tenter de la tromper.

    Et ainsi, de façon fulgurante, quelques heures seulement après le discours du Raïs, le monde entier, qui suivait la Révolution égyptienne en temps réel, fut-il surpris de voir surgir du néant, des milliers de contre-manifestants, qui étaient venus, selon la télévision égyptienne, de façon « spontanée », défendre leur « Raïs et leur pays, contre l’ »ennemi de l’extérieur », contre les « fanatiques islamistes », et même contre l’ »ennemi sioniste ». Des contre-manifestants tellement spontanés, qu’ils portaient tous les mêmes portraits, les mêmes drapeaux, qu’ils hurlaient les mêmes slogans.

    Des manifestants tellement spontanés qu’ils s’attaquèrent violemment à tous les journalistes qui tentaient de les filmer ou de les prendre en photo. Parce que la pire chose qui pourrait gripper la machine de la contre-révolution, serait que les agents des Moukhabarates, que la population connait très bien, malgré leur statut d’agents secrets, soient reconnus dans les photos ou les reportages filmés des télévisions étrangères. Et que ces manifestants « spontanés » pour leur Raïs bien-aimé, s’avèrent ce qu’ils sont en réalité, des agents des Moukhabarates.

    C’est pour cela que toutes les équipes de télés, et les photographes de presse ont été empêchés de faire leur travail, et qu’ils ont été contraints de se confiner dans leurs hôtels. C’est pour cela aussi, que parmi la foule des contre-manifestants, il y a de nombreux hommes masqués.

    Algérie, Libye, petits trucs de compères...

    La « Réaction » ne se sera donc pas faite attendre...

    Logique, serait-on tentés de dire. Les « Forces noires » n’allaient pas accepter que la situation échappe à leur contrôle. Et leurs gardes-chiourmes qui se vautrent sur leurs trônes d’infamie, et qui saignent à blanc le bétail qui leur sert de peuple, avaient compris, avec la révolution de Jasmin, que s’ils ne réagissaient pas vite, très vite, ils seraient faits comme des rats, et très vite contraints d’aller rejoindre leur compère Benali, dans ce repaire de despotes déchus qu’est devenue l’Arabie Saoudite, jusqu’au jour, peut-être, où le peuple saoudien se lèvera aussi. Quand il comprendra enfin que sa servilité a été acheté, en bons dollars, comme on achète du bétail au souk du coin.

    En Lybie, les milices de Khadafi sont en train de procéder à l’arrestation des tous les opposants potentiels, et le « Guide » a décidé, pour une énième fois, d’une distribution de grosses sommes d’argent aux populations. En veux-tu, en voilà ! Tant que tu courbes l’échine, et que tu baisses les yeux.

    En Algérie, les généraux du DRS et les détenteurs des plus grosses fortunes, acquises à la faveur d’une incroyable gabegie, tentent de convaincre le Président Bouteflika de démissionner, pour raisons de santé. Une sorte de fusible qui arrêterait la propagation de la colère, serait-ce pour quelques mois, le temps de remettre des choses en ordre, de neutraliser les forces qui s’étaient organisées ces derniers mois, et qui menacent de constituer des centres de ralliement, pour des populations qui ne savent plus à quel saint se vouer, dans ce pays où tous les partis qui ont une existence officielle mangent au râtelier du régime, à l’exeption d’un seul parmi-eux, qui ne s’est pas compromis, mais qui été complètement neutralisé, « ghettoïsé » dans une seule région du pays, sérieusement infiltré.

    Cette dernière trouvaille de pousser le président Bouteflika à une démission en douce, pour raisons de santé, devrait, selon les concepteurs de cette idée, dégonfler la colère populaire qui couve, et qui attend d’exploser, du jour au lendemain. Elle aurait le mérite, en plus de gagner quelques mois, de permettre à la famille Bouteflika de pouvoir partir paisiblement, ou de rester en Algérie, et de pouvoir jouir, sans être inquiétée, du butin faramineux qu’elle s’est constituée, depuis que le grand frère préside aux destinées de cette foule, ce ghachi, comme le président Bouteflika lui-même appelle le peuple algérien.

    Et cette démission, aurait le mérite, par ailleurs, et surtout, de ne pas déranger la « grande bouffe » qui se prépare, pour le plan quinquennal qui va être lancé incessamment, et dont l’enveloppe est de 300 milliards de dollars.

    Tout comme elle permettrait aux « Forces noires » de garder l’Algérie, cet important allié, dans le pré-carré des gardes-chiourmes. A fortiori que ce sont les généraux algériens qui gèrent la carte de l’AQMI, donc de la future politique américaine du Sahel, et de l’endiguement de la Chine, pour l’empêcher d’y prendre pied d’une façon qui menacerait les intérêts bien compris de qui on sait, et pour ne pas nous répéter indéfiniment.

    Vers la naissance d’un Peuple du Monde...

    Les mécanismes de la contre-révolution ont été activés. Ils sont multiples et complexes. Mais ils tendent tous vers un même objectif. Empêcher, coûte que coûte, les peuples arabes et musulmans d’entrer dans des logiques révolutionnaires. Et empêcher, par les mêmes mécanismes, une prise de conscience planétaire, des peuples du monde, sur la vraie nature des Forces noires, ces énergies mauvaises, occultes et toutes puissantes, dont les seules représentations visibles sont Israël, les grands groupes financiers multinationaux, et les cercles qui dirigent en sous-ordre les grandes « institutions » financières internationales, comme la Banque Mondiale, le FMI et l’OMC, les grandes banques de financement, entre bien d’autres.

    Toutes ces constructions financières, et autres grands trusts qui ont fait main basse sur les méga industries, comme celles de l’armement, du pétrole et de ses dérivés, de l’industrie nucléaire, du médicament, des biotechnologies végétales et de tout ce qui représente le Grand Capital et le contrôle politique des populations, s’emboitent les unes dans les autres, pour former un ensemble monstrueux,, sous la direction de milieux occultes, qui décident de tout ce qui doit être, ou ne pas être, à une échelle planétaire. Ce sont ce que j’appelle les Forces noires.

    Ce sont ces milieux qui ont décidé de siffler la fin de la partie en Égypte, et qui vont certainement mettre en branle tout un dispositif de réaménagements stratégiques.

    Il ne leur coûte absolument rien de changer le personnel politique de leurs gardes-chiourmes. Il vont entreprendre des actions qui vont faire illusion, et qui vont faire croire aux peuples opprimés que des changements inespérés se sont produits dans leurs pays. Le personnel va être remplacé par un autre, plus présentable, moins brutal, dont le discours aura des intonations révolutionnaires, voire anti-impérialistes. Des grands leaders vont naître du néant, qui vont même s’attaquer à l’hégémonie des Américains, voire même à l’intransigeance d’Israël, mais qui seront, en réalité, les plus sûrs alliés des uns et de l’autre.

    Mais tant va la cruche à l’eau...

    Aujourd’hui, un autre contexte s’est mis en place. En lançant internet, ou du moins en acceptant qu’il soit vulgarisé à toute la planète, les Forces noires ne savaient pas qu’il allait devenir ce qu’ils est devenu aujourd’hui. Des effets « pervers » ont dévié la grosse manipulation de ses objectifs initiaux.

    Et il n’est plus possible de faire marche arrière. Les peuples prennent conscience, chaque jour, que leurs intérêts sont intimement liés, où qu’ils se trouvent dans ce monde devenu trop étroit.

    Ce n’est pas pour rien que Finkielkraut, pour ne pas le nommer, a qualifié Internet de « Grande poubelle ». Parce que ce moyen est celui qui va accélérer la libération des peuples, et qui va éclairer l’humanité entière, sur la vraie nature des Forces noires.

    C’est pour cela, qu’instinctivement, dans le monde entier, hormis dans les castes qui se sustentent du sang de leurs semblables, où des os que leurs maîtres leur jettent, un formidable élan de sympathie est allé au peuple égyptien. Parce que nous commençons à apprendre, en marchant, que l’union entre tous les peuples de la terre sera notre seule planche de salut.

    Soutenir le peuple égyptien, contre les Forces noires qui tentent de le réduire, et de le renvoyer à son statut d’esclave, est un acte de résistance.

    C’est le moment, pour le peuple mondial de jouer pleinement son rôle.

    L’heure a sonné, pour la Révolution de l’Homme, contre le Mal absolu.

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    http://www.legrandsoir.info/Egypte-Le-complot-des-Forces-noires-contre-les-peuples.html
     

    2 commentaires
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    الشعب يريد اسقاط النظام
    Le peuple veut faire tomber le régime

    Par Nadine Acoury
    ici
     

    Moubarak s'est tout d'un coup aperçu , oups, qu'il n'avait jamais désigné de vice-président en 30 ans ; il a donc procédé à la nomination de Omar Suleimane, chef des renseignements généraux, à ce poste. Personne n'a oublié la fameuse déclaration de Suleimane à l'adresse des "terroristes palestiniens de Gaza" : "on coupera les mains et les jambes des Palestiniens qui franchiront nos frontières à la recherche de médicaments ou d'aliments", pour montrer sa détermination à renforcer le blocus instauré par l'Egypte, en soutien du blocus sioniste contre la population de Gaza.



















    Al Kahira (Le Caire) (Photo Goran Tomasevic, Reuters)



    On peut imaginer qu'autour de la momie en putréfaction, des personnes bien intentionnées (de préférence d'obédience étatsunienne et sioniste, voire française) lui soufflent les dernières décisions à prendre en essayant de gagner un maximum de temps, alors que la famille et les "proches" s'installent ci et là dans les capitales occidentales où ils détiennent des hôtels particuliers et des comptes bancaires.

    Le temps que les sionistes, qui étaient, avant-hier encore, si sûrs de leur principal allié au Machreq, dont ils louaient la "stabilité" ("l'Egypte n'est pas la Tunisie"), voient plus clair dans le "processus de paix" qu'ils prétendent mener sur le dos de la Palestine et des Palestiniens (une intense activité de communication entre les renseignements militaires européens et diverses armées arabes est signalée).

    Aujourd'hui Omar Suleimane, demain El Baradei, qu'on assigne à résidence histoire de lui inventer un passé d'"opposant", le régime de Camp David est à la recherche d'une parade à sa stratégie dans la région, et le monde arabe en général, qui consiste depuis plus de 80 ans à piller les richesses, asservir les peuples et soutenir l'occupant sioniste et son incrustation par la force en terre arabe.

    En attendant, et toujours dans le but de gagner quelques jours avant que ses maîtres ne décident de son sort, la clique au pouvoir en Egypte a lancé ses sbires (les fameux Moukhabarat renforcés par des criminels de droit commun relâchés exprès) qui tuent les gens par dizaines dans la rue et pillent les maisons pour donner le prétexte d'une éventuelle prise de pouvoir par l'armée et ternir l'image de l'insurrection égyptienne, elle a aussi ce matin bouclé la frontière avec Gaza et fermé les bureaux de Al Jazeera.

    VIVE LA LUTTE DES PEUPLES ARABES CONTRE L'OPPRESSION, LE COLONIALISME ET LE SIONISME

    Enfin, ci-dessous une illustration de plus de l'orientalisme français, véritable collaborateur et soutien de l'oppression des peuples arabes : Egypte : "Personne ne lâchera Moubarak", Le Monde.fr, 26.01.2011


    VOIR LES PHOTOS DU CAIRE SUR The Guardian, 29.01.2011.

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