• cherche expert en révolution

    19 juin 2011
    par snony Ici

    Les événements qui ont lieu dans le monde arabe depuis fin 2010 continuent de faire couler de l’encre. Mais une encre qui semble pâlir au fur et à mesure où le temps avance. Deux hypothèses : ou bien ce sont les révolutions elles-mêmes qui flanchent, ou bien se sont les commentateurs, observateurs, experts dont la plume évolue. Rien, de mon point de vue, ne confirme la première hypothèse, mais beaucoup de soupçons se portent sur la deuxième.

    Pour commenter les révolutions il faudrait sans doute commencer par définir ce que c’est. Dans les manuels d’histoire, celles-ci sont d’autant plus saluées qu’elles sont lointaines, géographiquement ou historiquement. Mais y a-t-il des caractéristiques qui permettraient de faire des pronostics sur l’avenir de celles qui sont en cours ? Y a t-il une « théorie de la révolution » à laquelle les commentateurs se réfèrent ? On peine à trouver dans les différentes contributions quelque chose qui aille au-delà de la définition du petit Robert : changement radical sur une brève période de temps. La discussion se déplace alors sur l’appréciation de « radical » et de « bref ». C’est déjà un pas.

    Tout le monde conviendra qu’une période de quelques mois à l’échelle de l’histoire d’un pays peut être qualifiée de brève. Mais qui peut juger du radical hormis les acteurs eux mêmes ? Concernant la révolution en cours en Égypte, on peut lister les problèmes qui ne sont pas encore réglés : la pauvreté, la corruption, l’organisation des prochaines élections, les réformes de l’éducation, les salaires, le droit du travail, à la santé, les questions d’environnement… On peut aussi lister les problèmes nouveaux qui se posent à elle : l’insécurité, la crise du tourisme, le recul des investissements, l’apparition des mouvements islamistes sur la scène publique. On peut lister aussi les problèmes qui se posent à l’étranger qui visite ou réside dans le pays (c’est souvent l’étranger qui commente) : l’insécurité, les bouchons dus aux manifestations, la poussée du port du hijab, les croisières annulées…

    Quel est le seuil à partir duquel le label de révolution est acquis ou perdu ? L’Égypte a arrêté et s’apprête à juger son président, la famille de celui-ci, les plus éminents responsables du PND et les ministres corrompus du précédent gouvernement, des dirigeants d’entreprise et des hommes d’affaires. Leurs biens sont confisqués, les comptes sont épluchés…Oui, un certain nombre de délinquants en col blanc sont encore dehors ; oui, il faut régulièrement que les jeunes se mobilisent pour que les procès annoncés se concrétisent… Mais le simple fait que ces procès aient lieu est le symbole d’une rupture décisive : le droit n’est plus celui du plus fort ! Ce renversement est palpable en Égypte depuis début février, avant même que Moubarak ne tombe. Il y a bien un moment seuil, un moment palpable, où la dictature perd la main, même si elle poursuit une répression sans nom. A ce titre, il semble bien que la révolution ait commencé en Syrie, où les lendemains de massacres rassemblent plus de manifestants que la veille, où la peur donc, a changé de camp.

    Quand on néglige dans les analyses produites, le fait que les peuples « relèvent la tête » comme le disent les égyptiens, on ignore l’essence même d’une révolution : un processus d’émancipation dont l’idée devient hégémonique pour tout un peuple (Gramsci peut encore nous apprendre des choses). Un processus qui ne se cantonne pas à des idées généreuses mais que l’on peut décrire à l’aide d’éléments concrets qu’il faut décider d’observer, à la loupe si nécessaire. A cet égard, la couverture médiatique en France de la création des nouveaux partis de gauche en Égypte, des alliances politiques qui se forment, des nouveaux syndicats indépendants et des espoirs qu’ils soulèvent pour les droits des travailleurs, des luttes actuelles dans les entreprises, ou des initiatives culturelles inédites, est consternante.

    Le récent papier de Thomas Cantaloube interviewant sur Mediapart un membre qatari d’un Think Tank américain soulève d’autres questions. Parler de la fin « du printemps arabe » est déjà en soi, une forfaiture. 1/ L’appellation de printemps arabe est une pure invention occidentale, y compris l’expression « révolution de jasmin » pour qualifier la première d’entre elles. 2/L’entame « les « révolutions » dans le monde arabe ont basculé dans la guerre et la répression » est quelque peu contestable : une seule a basculé dans la guerre (guerre que l’on pourrait nommer la « guerre de BP-Total » ), une seule vit une répression sanglante, la Syrie,et  les cas de de la Tunisie et de l’Egypte ne se résument pas à ces deux mots ; même le Yémen vit une situation beaucoup plus complexe. 3/ « L’optimisme d’hier est devenu le pessimisme d’aujourd’hui » … Pour ce qui est de T. Cantaloube, sa période d’optimisme a été particulièrement brève concernant l’Égypte au moins. Mais y compris si davantage de gens sont pessimistes, quel outil de compréhension cette remarque apporte-t-elle ? Que c’est difficile de faire une révolution ? Eh bien oui. Tout le monde pourrait avoir l’humilité de le reconnaître.

    Et c’est à cet endroit qu’il y a, me semble-t-il, un deuxième biais : d’où parlent les commentateurs de révolutions ? Les termes positifs qui ont été utilisés au début pour les décrire signifient-ils un engagement en faveur de la réussite de ces révolutions, ou seulement l’appréciation provisoire et convenable (convenue ?) que ces révolutions sont des valeurs sûres ? Les lecteurs de Médiapart sont suffisamment aguerris pour s’être interrogés dans leurs commentaires sur la posture du responsable de TT américain. Sans sombrer dans la dénonciation du complot et voir la main de la CIA partout, on peut effectivement s’interroger. Shadi Hamid nous révèle comme un scoop que les dictateurs « ne vont pas abandonner le pouvoir sans se battre », nous renvoyant sur le mode de l’expertise une parole légitimée par le crédit de naïveté qu’il fait lui-même aux révolutionnaires… Le procédé n’est pas très élégant.

    Bien sûr que les dictateurs, et les cohortes de profiteurs qui se sont engraissés avec eux, ne vont pas lâcher le magot comme ça. La révolution ne fait donc que commencer, y compris en Tunisie et en Egypte. A cet égard une question intéressante serait : est-ce qu’on s’attaque davantage aux pouvoirs des oligarchies aujourd’hui qu’hier ? La réponse est évidemment oui. Est-ce que les peuples sont moins résignés aujourd’hui qu’hier ? La réponse est encore oui, et en plus, la contagion est dans le bon sens !

    Un autre traitement de l’information qui pose problème est le micro-trottoir. Le prisme du chauffeur de taxi, dans tous les pays du monde, est redoutable et amplifie, la plupart du temps, les visions les plus réactionnaires. C’est le risque que prend le papier de Claude Guibal pour le journal Libération datant du 28 mai. Les éléments d’informations qu’il contient, pris un par un, sont véridiques  (quoique qualifier le Pdg de Google Egypte, Wael Ghonim, de « figure phare de la révolution » est assez discutable). Rassembler un patchwork de « sentiments individuels » sur l’insécurité, la montée des salafistes, la crise économique, les piétinements de la révolution peut constituer une « prise de température » des différentes contradictions que traverse une société. Mais ce qui est lourd de sens, c’est que ce papier est écrit le lendemain d’une énorme manifestation à laquelle les mouvements islamistes recommandaient de ne pas participer et qui a rassemblé, malgré les menaces d’attaques savamment distillées, des dizaines de milliers de personnes sur l’idée d’une deuxième révolution, associant les travailleurs et la société civile et formulant de nouvelles exigences.  Le quasi-silence sur les enjeux de ce deuxième « jour de la colère » provoque une toute autre lecture de la journée. Une brève sur la manifestation titrée « Les cairottes crient leur rancoeur« , publiée le même jour dans le même journal, ne compense pas vraiment cela en parlant « d’ultime » journée (au lieu de deuxième) et de rancœur (à la place de colère). Les mots sont lourds de sens. De fait, le succès de cette journée est passé complètement sous silence dans la presse française.

    Si on y réfléchit davantage, les journalistes qui essayent tant bien que mal de couvrir ces événements n’ont pas la tâche facile et après tout ils n’ont pas été recrutés sur la base de leurs « compétences révolutionnaires ». La posture de l’Occident observant ces révolutions est peut être davantage en cause. Basculer du soutien de la dictature à l’éloge de l’insurgé n’est pas un exercice facile. Surtout quand, après une période dite « d’euphorie » (qui a provoqué tout de même ici 800 morts et des milliers de blessés) les révolutionnaires décident de s’attaquer à l’injustice sociale, aux dégâts du capitalisme, aux droits des travailleurs. Autant de sujets sur lesquels nos pays ne sont pas franchement en position de donner des leçons. Comment une Europe, capable par exemple de donner en pâture aux banques quelques uns de ses pays membres, pourrait-elle soutenir de façon indéfectible des peuples qui s’attaquent à cette logique de l’argent-roi ? Il y a comme une schizophrénie rampante qui rend très difficile la recherche du ton juste.

    Enfin pour finir, comprendre une révolution en marche est une tache extrêmement complexe et il est évident que les informations mises bout à bout ne forment pas une analyse. « Plus personne ne comprend rien » affichait la semaine dernière un cairotte sur son pare-brise arrière. C’est aussi le sentiment de beaucoup d’observateurs. Mais cela veut seulement dire que la réalité est difficile à appréhender.


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  • vendredi de la colère II

    28 mai 2011
    par snony  ici

    Malgré les rumeurs de violences savamment diffusées sur la toile depuis la veille et relayées par les jeunes eux-mêmes qui craignaient des attaques,

    Malgré les appels des Frères et des Salafistes à ne pas manifester ce jour-là, appels qui dans certains quartiers populaires se sont transformés en interdit,

    Malgré les effets d’annonce de l’armée qui, comme chaque veille de gros rassemblement, communique, rassure, désamorce (cette fois, c’était l’ouverture du passage de Rafah, une promesse déjà utilisée mais fixée maintenant à samedi ainsi que le maintien des chefs d’accusation à l’encontre de Moubarak),

    Malgré la chaleur étouffante et l’air brûlant chargé de poussière du désert,…

    … ils étaient des dizaines de milliers sur la place ce vendredi. « Nous sommes le peuple qui a fait la révolution » lance un orateur qui précise : « Aujourd’hui c’est la révolution populaire, pas celle des Frères ni celle de l’armée ». Et le fait est que la bonne nouvelle du jour, c’est que l’Égypte ne se résume pas, comme on pourrait le croire à la lecture des médias occidentaux, à l’armée et aux Frères. La première était totalement absente et la sécurité du rassemblement assurée par les militants (barrages, contrôle des sacs aux entrées de la place). Les seconds n’étaient pas là ès qualité et le fait qu’il y ait quelques barbes et quelques niqab sur la place, montre une fois de plus qu’il vaut mieux éviter tout amalgame.

    video « tour de place ».

    Ce vendredi a surtout été une véritable démonstration de force pour les organisations démocratiques : la place était noire de monde, et à plusieurs endroits, impossible à traverser tellement la foule était dense. On y venait pour « Faire la deuxième révolution » me dit un jeune, c’est à dire « construire un gouvernement civil », en finir avec les injustices sociales et les injustices tout court. Un  orateur prend la parole et enchaîne, en écho « L’armée égyptienne nous appartient, nous voulons un gouvernement civil ».


    Le rôle et le pouvoir de l’armée sont sérieusement mis en cause dans les différentes interventions. Sur cette pancarte : « Mon problème c’est qu’au Conseil militaire, je ne connais pas les personnes qui y siègent. Je veux un Conseil civil, avec des gens connus, à qui on peut demander des comptes ».

    Plus loin ce sont les exigences non satisfaites sur les salaires qui sont discutées, et la constitution dont le maintien en l’état, à peine amendé, est toujours critiqué. C’est d’ailleurs le premier point du tract d’appel à cette journée distribué sur la place : « Nous demandons l’élection d’un comité pour instaurer une nouvelle constitution dans le pays avant toute élection, et, à la lumière de cette nouvelle constitution,  le réexamen de la loi sur les partis politiques, de la loi sur la pratique des fonctions politiques et de la loi qui criminalise les rassemblements. »


    D'autres revendications contenues dans cet appel et reprises par les différentes organisations présentes (parti socialiste, parti nassérien, mouvement du 6 avril, Front national pour la justice et la démocratie, Comités populaires de défense de la révolution, pour ceux que j’ai vus) portent sur la lutte contre la corruption et la purge nécessaire d’un certain nombre de responsables. La récente décision de l’organisme qui traque le « profit illicite » de libérer Fathi Sourour, Zacharia Ezmy et Suzanne Moubarak n’est pas vraiment appréciée. De plus parmi les chefs d’inculpation du président lui-même, les révolutionnaires exigent que celui d’assassinat des manifestants soit maintenu. Dans le même ordre d’idée, ils demandent l’arrestation des membres de la police impliqués dans les meurtres de manifestants et dans les actes de torture, ainsi que celle des policiers impliqués dans la corruption financière du régime.


    Le maintien des tribunaux militaires qui continuent de fonctionner comme ce véritables tribunaux d’exception, sans véritable droit à la défense, est aussi une source de mécontentement. De même la direction des media nationaux par des « membres de la contre-révolution » est un signe que l’abolition de l’ancien régime n’est pas achevée. Les gouvernorats doivent eux aussi être dirigés par des gens « qui n’ont aucun lien avec le précédent système ». Le tract liste ensuite pelle-mêle l’établissement d’un salaire minimum, l’intervention de l’armée pour empêcher les attaques de type confessionnelles, la protection du citoyen « de son corps, de son âme et de ses biens » et la fourniture de soins gratuits aux blessés de la révolution.


    Les salariés des banques sont venus avec un calicot (ci-contre) qui réclame une « purge de l’administration bancaire des symboles de l’ancien régime ». Plus loin, les jeunes du « mouvement du 6 avril » de la région de Manoufia défilent avec un drap noir en guise de banderole affirmant « qu’ils aiment l’Egypte » (photo ci-dessus). D’une façon générale, les calicots sont bien moins luxueux qu’ils ne l’étaient en mars avril, période pendant laquelle je me suis souvent demandée qui payait ces immenses sérigraphies (question sans réponse à ce jour).

    Un autre tract est distribué sur la place qui annonce la création d’un nouveau parti de gauche le « parti de l’alliance populaire socialiste » (page Facebook ici). Je demande à mon voisin combien il y a de partis politiques aujourd’hui en Egypte. Il éclate de rire. « Personne ne le sait ! Il y en a presque un par jour de nouveau ! ».

    L’ambiance est au débat, à la discussion. Des interventions ont lieu sur les trois au quatre petites scènes qui ont été installées. On échange des textes, des informations. Devant le musée par exemple, un groupe discute autour d’une carte

    satellite de l’Egypte. Un ingénieur explique comment le Delta va être englouti avec le réchauffement climatique. « Si le niveau de la mer augmente d’1 mètre, 6 millions de personnes doivent quitter le delta et plus de 4000 km2 de terres agricoles seront perdues. Comment va-t-on nourrir le pays ? ».


    Les questions fusent de partout, on veut comprendre, on veut agir. Mais les solutions semblent bien lointaines.

    Aucun incident à signaler pour cette journée. Le rassemblement devait se disperser à 18h mais les jeunes, notamment ceux du « 6 avril », ont décidé de rester dormir sur la place, jusqu’à ce qu’ils soient entendus.

    Cette nuit, à 2h du matin, un millier d'entre eux étaient encore là, bien décidés à defier le couvre-feu ...


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  • A compter de samedi, la frontière entre Gaza et l’Egypte sera ouverte de façon permanente

    jeudi 26 mai 2011 - 06h:32

    Al Jazeera

     

    L’agence nationale égyptienne a cité des sources militaires, disant que la frontière avec la bande de Gaza sera ouverte à partir de samedi.

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    Il y a eu de régulières initiatives du mouvement international de solidarité pour forcer le blocus de GAza. Ici le convoi Viva Palestina - Photo : Gallo/Getty

    L’Egypte ouvrira en permanence sa frontière de Rafah à partir de samedi, a annoncé l’agence officielle d’informations, ce qui allégera un blocus vieux de 4 ans sur la bande de Gaza.

    L’agence de nouvelles MENA a déclaré mercredi que les dirigeants militaires égyptiens avaient fixé la date de l’ouverture du passage frontalier dans le cadre des initiatives visant « à mettre fin à la division palestinienne et à aider à la réconciliation nationale. »

    L’agence a déclaré que le poste frontière de Rafah serait ouvert en permanence à partir de ce samedi [28 mai] de 9 heures à 21 heures tous les jours, sauf les vendredis et les jours fériés.

    « Des sources issues de la sécurité nationale ont déclaré à Al Jazeera que l’armée s’engageait à ouvrir la frontière », a déclaré notre correspondant Ayman Mohyeldin, rapportant de la capitale du Caire.

    « Un haut responsable du Hamas en visite en Egypte a dit avoir été informé que l’armée allait ouvrir la frontière », a-t-il ajouté.

    Nicole Johnston d’Al Jazeera, en reportage à Gaza, dit de son côté : « Ce n’est pas une surprise ; les gens de Gaza et d’Egypte attendaient cette nouvelle depuis plusieurs semaines. »

    Toutefois, il ne s’agira pas d’une ouverture complète car il y aura des conditions à remplir.

    « Cela permettra essentiellement à toutes les femmes de quitter la bande de Gaza, comme aux enfants de moins de 18 ans et aux hommes âgés de plus de 40 ans. Toutefois, pour ceux qui sont âgés entre 18 et 40 ans, il faudra un visa égyptien », dit-elle.

    « Les visas seront émis à partir de Ramallah. Le mouvement Hamas dit avoir été informé par les autorités égyptiennes ces dernières semaines que [les Egyptiens] avaient l’intention d’ouvrir une sorte de bureau de représentation à l’intérieur de Gaza, afin que les gens puissent directement y obtenir un visa. »

    Rupture avec le passé

    La décision est en forte rupture avec la politique de l’ancien président égyptien Hosni Moubarak, qui avait sévèrement restreint la circulation des personnes et des marchandises par la frontière entre l’Egypte et Gaza.

    Notre correspondant au Caire a déclaré que « les mécanismes en place à la frontière vont être très importants à suivre. »

    « En fait, l’une des premières annonces majeures de l’armée avait de déclarer que tous les accords internationaux pris par le gouvernement précédent seraient respectés », dit-il.

    Un de ces accords engage l’Egypte à permettrede l’accès à la frontière aux observateurs européens. Mais des sources ont indiqué à Al Jazeera que les observateurs européens n’avaient pas été informés officiellement de l’ouverture de la frontière ce samedi, selon notre correspondant.

    Récriminations israéliennes

    « Certes, cela va soulever des inquiétudes en Israël, en particulier au moment où ce mécanisme va être mis en place », dit notre correspondant.

    Des sources à Rafah ont déclaré qu’il était peu probable que tous les mécanismes nécessaires puissent effectivement être prêts à temps pour faire face au mouvement des personnes devant sortir de Gaza.

    « Un des plus grands problèmes pour les habitants de Gaza, en plus d’une pénurie de vivres et de fournitures, a été l’impact psychologique qu’il ne soit pas permis à cette population de 1,5 million de personnes de circuler librement. Il ne fait aucun doute que si la frontière est ouverte librement pour tous, il y aura un énorme afflux de Palestiniens qui voudront sortir pour la première fois depuis que le siège a été mis en place. »

    Israël avait assoupli ses restrictions sur les marchandises entrant à Gaza il y a un an, mais la force occupante limite sévèrement l’entrée et la sortie des habitants de Gaza par les passages au nord du territoire assiégé.

    Les habitants de Gaza ont contourné le blocus en creusant des centaines de tunnels sous la frontière longue d’une quinzaine de kilomètres entre Gaza et l’Egypte.

    Les tunnels ont été utilisés pour apporter toutes sortes de produits, ainsi que pour permettre le passage des personnes.

    Israël prétend que le Hamas [mouvement de la résistance palestinienne] qui contrôle la bande de Gaza, a utilisé les tunnels pour importer des armes, y compris des roquettes qui peuvent atteindre les principaux centres de population en Israël.

    La frontière a été la plupart du temps bouclée, conformément aux exigences du blocus israélien sur Gaza imposé depuis 2007 après que le Hamas ait pris le contrôle du territoire assiégé.


    26 mai 2011 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
    http://english.aljazeera.net/news/m...
    Traduction : Info-Palestine.net


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  • L’Égypte remet de l’ordre au Proche-Orient

    M. K. Bhadrakumar
    Asia Times Online

     

    La thèse consistait juste à avancer que le lourd héritage du printemps arabe sera le réveil du monstre brutal du sectarisme au Proche-Orient musulman. Les conflits sectaires, était-il prophétisé, conduiraient à une confrontation entre les Sunnites et les Chiites, impliquant l’Arabie Saoudite et l’Iran.

    Ce spectre a aidé à détourner momentanément l’attention de la menace existentielle que pose le printemps arabe aux régimes autoritaires du Proche-Orient. Il a également aidé les États-Unis à distraire la rue arabe pendant qu’une intervention occidentale se déroule dans un autre pays musulman, riche en pétrole, et à réinventer une stratégie d’isolement pour l’Iran. Plus important, cet argument a fourni à l’administration de Barack Obama, à Washington, de quoi masquer l’échec total du processus de paix au Proche-Orient.

    Le printemps arabe est pour de vrai

    Cependant, Riyad et Washington n’avaient pas pris en compte que dans l’ombre des pyramides égyptiennes le Sphinx s’agitait, exposant sa vision de la réorganisation radicale de l’ordre établi au Proche-Orient. Le gouvernement provisoire entre les groupes palestiniens, négocié par la « nouvelle Égypte » en collaboration tacite avec l’Iran et la Syrie, menace de devenir le leitmotiv du printemps arabe.

    En principe, l’Arabie Saoudite devrait célébrer l’unité que ses frères palestiniens forgent à un moment historique, mais, à la place, elle est figée dans le silence. Le Président Obama a rapidement ajourné son discours « historique » sur la politique au Proche-Orient, programmé à l’origine cette semaine, afin de lire dans le marc de café.

    Telles que sont les choses, les factions rivales palestiniennes, le Fatah et le Hamas, signeront un accord au Caire ce mercredi, en vue de former un gouvernement provisoire qui conduira à de nouvelles élections au sein d’un accord de réconciliation négocié par le commandement militaire égyptien. Cet accord prévoit un gouvernement provisoire constitué de [personnalités] « neutres » et approuvé par les factions rivales, lequel préparera les élections dans les douze mois, afin de former un gouvernement « d’unité » [nationale].

    Cet accord a apparemment trouvé une façon de contourner les cinq points de friction qui empêchaient jusqu’à présent l’unité politique entre Gaza et la Cisjordanie - une date pour les élections, un organisme acceptable qui supervisera le scrutin, la formation d’un gouvernement d’unité, la reprise des pourparlers sur la réforme de l’OLP et les questions de sécurité.

    Les élections présidentielles et législatives se tiendront simultanément et le Fatah et le Hamas formeront [ensemble] une commission pour les surveiller.

    Le gouvernement d’unité devrait inclure des technocrates et sera dirigé par un Premier ministre qui sera acceptable à la fois pour le Fatah et pour le Hamas. Les prisonniers politiques à Gaza et en Cisjordanie seront libérés et un programme de « réconciliation sociale » sera initié. La réforme de l’OLP était une exigence clé du Hamas, que le Fatah accepte désormais. Une commission intérimaire dirigera l’OLP jusqu’à ce que celle-ci soit « réformée » et ses décisions seront exécutoires. Les questions de sécurité, un autre point délicat, devraient également être résolues par une commission conjointe du Fatah et du Hamas.

    Il est inutile de dire qu’il est trop tôt pour exprimer l’optimisme. Mais, ainsi que Massimo Calabresi l’a écrit dans Time Magazine, « Le mariage le plus important de la semaine a eu lieu en Palestine, pas à Londres. Il est vrai que les chances d’une relation durable entre les dirigeants internationalement reconnus des Palestiniens, le Fatah, et le groupe internationalement désigné comme terroriste, le Hamas, ne sont pas très grandes - on ne sait pas très bien [à ce stade] si cette union sera véritablement consommée. Mais même un petit flirt a le potentiel de retourner les affaires arabo-israéliennes, d’affecter les intérêts étasuniens au Proche-Orient et de jouer un rôle dans l’élection [présidentielle américaine] de 2012 ».

    Le Sphinx s’agite

    Le soulèvement au Proche-Orient a fourni la toile de fond nécessaire à cette réconciliation et il est évident que quelque chose a changé dans la situation d’ensemble. Le Fatah et le Hamas ont tous deux compris la nécessité d’être réceptifs à l’opinion publique qui privilégie l’unité palestinienne. L’Autorité Nationale Palestinienne (ANP) du Président Mahmoud Abbas, en particulier, a vu l’imminence d’une foule de jeunes gens en Cisjordanie empruntant les slogans de la révolution égyptienne pour exiger l’unité palestinienne.

    Le 17 février, Obama a exercé une forte pression sur Abbas, durant un appel téléphonique de 55 minutes, pour qu’il retire sa résolution à l’Assemblée Générale des Nations-Unies exigeant qu’Israël stoppe ses activités de colonisation. Obama a dit que cette mesure compromettait les 475 millions de dollars d’aide américaine à l’ANP. Mais cela n’a pas dissuadé Abbas et, dans une interview qui a donnée à Newsweek dans la foulée, il a violemment critiqué la vulnérabilité et l’impuissance de la politique d’Obama.

    Quant au Hamas, pour le dire simplement, les développements en Syrie sont extrêmement préoccupants. En même temps, il place sa confiance dans la « nouvelle Égypte ». Un dirigeant du Hamas de premier plan, Ezzat al-Rashq, a déclaré à l’agence de presse allemande, Deutsche Presse-Agentur, « L’effondrement du régime de Moubarak a replacé l’Égypte au cœur de la région et ravivé l’esprit régional qui aide la réconciliation palestinienne à se produire. »

    Dans un geste qui était beaucoup plus que symbolique, les dirigeants du Hamas ont été reçus au ministère égyptien des Affaires étrangères, plutôt que dans les « maisons sûres » des services secrets - comme c’était l’habitude durant le régime d’Hosni Moubarak. Le chef d’État intérimaire égyptien, le maréchal Mohamed Tantawi (qui est également le chef du Conseil suprême des Forces armées) a reçu les dirigeants du Hamas [en personne]. Parmi eux, Taher Nounou aurait dit, «  Lorsque j’ai été invité à cette réunion au ministère des Affaires étrangères, c’était quelque chose de différent et c’est de là que cet accord est né ».

    Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Nabil el-Araby, a dit aux dirigeants palestiniens qu’il ne voulait pas parler du « processus de paix » mais qu’il voulait à la place parler « de la paix ». De façon assez évidente, la thèse révisionniste selon laquelle l’héritage légitime - ou la « nouvelle grande partie » - du printemps arabe, serait une guerre des Sunnites contre les Chiites, ne s’applique pas à l’Égypte. Le réchauffement simultané de l’Égypte vis-à-vis de l’Iran (chiite) et du Hamas (sunnite) représente un changement tectonique indéniablement « séculier » : il traverse le grand schisme sectaire du monde de l’Islam et il est à des lieues de la géopolitique archaïque construite autour de « l’isolement » de l’Iran dans la région que l’Arabie Saoudite et les États-Unis espéraient perpétuer.

    Fini le bon toutou...

    Ce qui devient visible est que l’Égypte est en train de reconquérir l’influence régionale qu’elle a abjectement abandonnée lorsqu’elle est devenue le caniche des États-Unis et la collaboratrice d’Israël, après le traité de paix de 1979. Le porte-parole du ministère des affaires étrangères a déclaré au New York Times, « Nous ouvrons une nouvelle page. L’Égypte retrouve le rôle dont elle avait autrefois abdiqué ».

    La profondeur du changement de la politique égyptienne est que l’armée conduit ce processus en comprenant parfaitement que c’est également le souhait collectif de la société égyptienne, tant de ses élites et de ses professionnels que de la classe ouvrière, et tant des laïcs que des masses musulmanes pratiquantes. Même la communauté stratégique, en tant que praticiens de la realpolitik, se sent captivée qu’une voie indépendante octroie de la flexibilité aux politiques égyptiennes et gagne le respect pour le pays, en tant que puissance régionale, lorsque le Caire s’exprime ou agit.

    Le New York Times a fait remarquer que «  Les changements en Égypte modifieront probablement l’équilibre du pouvoir dans la région, en permettant à l’Iran d’accéder à nouveau à un ancien ennemi implacable et en créant de la distance entre elle-même et Israël ». L’information relative à l’accord entre le Fatah et le Hamas était à peine connue que Téhéran a tout fait pour lui donner un écho favorable. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akhbar Salehi, a déclaré que cet accord est la « première grande réalisation de la grande nation égyptienne sur la scène internationale ».

    Téhéran estime que la direction égyptienne cherche à obtenir un levier sur Israël. L’Égypte semble s’être coordonnée avec l’Iran dans les efforts visant à amener le Fatah et le Hamas à se réconcilier. Selon l’analyste spécialiste du Proche-Orient du think tank étasunien Stratfor, le soutien de Téhéran à cet accord et le fait que le Hamas ait son siège à Damas impliquent que « la Syrie a également décidé de permettre à la réconciliation d’aboutir ».

    Le rapprochement entre l’Égypte et l’Iran est certainement monté en puissance. D’abord, en accordant l’autorisation sans précédent, en février, à deux navires de guerre iraniens (sans tenir compte des protestations étasuniennes et israéliennes) d’emprunter le Canal de Suez, le Caire a manœuvré intentionnellement et, dès le début du mois d’avril, le ministre égyptien des affaires étrangères cherchait déjà à établir des liens diplomatiques plus étroits avec l’Iran.

    Les pires craintes d’Israël quant à la signification de la révolution égyptienne semblent se réaliser.

    La dernière annonce de l’Égypte, dans le sillage de l’accord Fatah/Hamas, qu’elle rouvrira de façon permanente le passage frontalier de Rafah avec Gaza, a sonné l’alarme en Israël. (Une équipe de sécurité égyptienne se prépare à visiter Gaza.) Vendredi dernier, un haut-fonctionnaire israélien, dont le nom n’a pas été divulgué, a dit au Wall Street Journal que les récents développements en Égypte pourraient affecter la « sécurité d’Israël à un niveau stratégique ». Le chef d’état-major des forces armées égyptiennes, le général Sami Anan, a mis en garde sur-le-champ Israël de ne pas interférer avec le plan du Caire d’ouvrir le passage frontalier de Rafah avec Gaza, disant que ce n’était pas un sujet d’inquiétude pour Israël.

    Une fois encore, la décision des dirigeants militaires égyptiens concernant Rafah reflète le souhait collectif de l’opinion publique intérieure qui s’identifie aux souffrances et aux privations rencontrées par le peuple de Gaza. (Un sondage récent du Pew Research Center, basé aux USA, montre que 54% des Égyptiens veulent que le traité de paix entre l’Égypte et Israël soit annulé.) Dans ces circonstances, ce qui préoccupera le plus Israël (et les États-Unis) sera de savoir si l’accord surprise entre le Fatah et le Hamas négocié par l’Égypte est lié d’une façon ou d’une autre au plan palestinien de pousser l’assemblée générale des Nations-Unies, à New York en septembre prochain, à reconnaître un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza.

    Une telle appréhension n’est pas injustifiée. La semaine dernière, le Wall Street Journal faisait le commentaire suivant : « Au cours des deux mois et un peu plus que [...] Moubarak a abdiqué [...] l’Égypte a tendu le bras à l’Iran, a remis en cause le prix d’un contrat d’exportation de gaz naturel qui est crucial pour les besoins énergétiques d’Israël et a remporté une victoire diplomatique majeure avec le Hamas ».

    Pour s’en assurer, la réaction israélienne à l’accord Fatah/Hamas a été particulièrement vive. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a déclaré : « L’Autorité Palestinienne doit choisir entre la paix avec Israël ou la paix avec le Hamas. Elle ne peut pas avoir les deux, parce que le Hamas a pour objectif la destruction de l’État d’Israël et ils le disent ouvertement ». Un groupe de parlementaires américains a également mis en garde contre le plan de réconciliation. La présidente de la commission aux affaires étrangères de la Chambre des Représentants étasunienne, Ileana Ros-Lehtinen, a déclaré que l’argent des contribuables américains ne peut servir à financer des terroristes qui menacent les États-Unis et son allié Israël. On dit que Netanyahou aurait approuvé ce point de vue.

    ...finis les accords en coulisses

    Toutefois, Obama garde ses pensées pour lui-même. Il est visible que tandis que le printemps arabe ne montre aucune trace « d’antiaméricanisme » en tant que tel, les nouveaux régimes qui succèderont seront très certainement à l’écoute des souhaits et des aspirations populaires, et cela affaiblira les stratégies des États-Unis dans cette région.

    Au strict minimum, ainsi que Helena Cobban, auteure et experte de longue date sur cette région, l’a publié sur son blog, « La règle générale qui se confirme dans cette région est que ce type d’accords sordides passés autrefois en coulisses avec Israël par des régimes, comme celui de Moubarak, ceux des monarchies jordaniennes successives ou autres - c’est-à-dire, des arrangements pour réprimer les mouvements palestiniens qui vont bien au-delà des conditions officielles des traités de paix - sont devenus considérablement plus difficiles à tenir pour ces partis arabes, étant donné l’émergence de mouvements forts qui auraient dû se manifester depuis longtemps et qui ont été très bien accueillis, appelant à la transparence et à la responsabilité des gouvernements arabes ».

    Cela revient à dire que toute digression dans la nature d’alimenter le feu des passions sectaires sunnites/chiites ne peut fonctionner que momentanément dans ce milieu régional en évolution. C’est devenu parfaitement clair lorsque le Premier ministre égyptien Essam Abdulaziz Sharaf a choisi l’occasion d’une réunion la semaine dernière avec l’émir koweïtien, le Cheikh Sabah el-Ahmed el-Jabir el-Sabah, pour ignorer la paranoïa vis-à-vis de l’Iran et stimulée par l’Arabie Saoudite. Il a fermement réaffirmé la détermination du Caire à étendre ses liens avec l’Iran. Il a déclaré : « L’Égypte essaye d’entamer un nouveau chapitre dans ses liens avec l’Iran, qui est l’un des pays les plus importants au monde ».

    Simultanément, le porte-parole du gouvernement égyptien, Ahmed el-Saman, a dit que le Caire était déterminé à reprendre ses relations avec l’Iran et qu’aucune tierce partie ne peut exercer de pression sur le Caire pour lui faire changer de décision. Une visite du ministre égyptien des affaires étrangères à Téhéran est bien possible.

    Les Saoudiens ont ressuscité le spectre d’un croissant chiite sous leadership iranien. Mais tous les torts ne peuvent pas être du même côté. L’Iran préfère fixer les yeux sur des objectifs bien plus élevés que le leadership du monde chiite. Damas, le Caire et Bagdad - le cœur, l’esprit et l’âme de la politique arabe - ne se laissent pas non plus prendre à l’appel à l’action des Saoudiens, selon lequel le Salafisme est en danger de mort à cause du chiisme militant.

    En attendant, non seulement pour les Saoudiens, mais aussi pour tous les gouvernements arabes, le moment de vérité approche et on verra si et quand ils seront appelés à reconnaître un État palestinien unifié sous un gouvernement « d’unité » [nationale], ce qui voudrait dire un certain nombre de choses - reconnaître le Hamas, s’ajuster à un changement majeur dans les relations israélo-égyptiennes et à la nouvelle proximité entre l’Égypte, l’Iran et la Syrie, et oser défier stratégiquement les États-Unis. La réalité géopolitique étonnante du « nouveau Proche-Orient » est que les services de renseignements égyptiens ont négocié la réconciliation palestinienne sans avoir consulté ni les États-Unis ni Israël - ni l’Arabie Saoudite.

    M K Bhadrakumar a servi en tant que diplomate de carrière dans les services extérieurs indiens pendant plus de 29 ans. Ses affectations incluent l’Union soviétique, la Corée du Sud, le Sri Lanka, l’Allemagne, l’Afghanistan, le Pakistan, l’Ouzbékistan, le Koweït et la Turquie.

    Du même auteur :

    -  L’odyssée d’Obama au Yémen vise la Chine
    -  Le pari de Rafsanjani se retourne contre lui
    -  La porte s’ouvre en grand sur le pétrole irakien
    -  La chimère de la solidarité arabe


    3 mai 2011 - article original : Egypt shakes up Middle Eastern order - publié et traduit en français par : Questions Critiques


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  • Nouvelle donne

    1 avril 2011
    par snony ici


    Après quelques semaines plutôt confuses et marquées par des reculs inquiétants, des violences et des arrestations, de nouvelles raisons d’espérer dans la révolution égyptienne se font jour. Et c’est en soi une bonne raison de reprendre la plume ou le clavier.

    Ce premier avril a renoué avec les belles heures de mobilisation de février : des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées sur une place fermée aux voitures par des cordons de sécurité. L’appel à la manifestation était dans la presse et sur le net depuis plusieurs jours : « Ensemble, il faut sauver la révolution » (inqâz el-thawra), et c’est un public très divers sur le plan social qui y a répondu.

    Sauver la révolution cela signifie pour les manifestants : obtenir que Mubarak soit jugé (père et fils) ainsi que quelques caciques du régime qui vaquent toujours en liberté dans leurs résidences dorées de Charm-el-Cheikh comme Fathy Sourour, ou l’ex-chef des services de renseignements Safwat el-Charif. Ce sont leurs portraits qui s’affichent sur le calicot ci-dessus et le slogan « le peuple veut le jugement de Mubarak » a traversé la place toute la journée (video). Jusqu’à tard hier soir, en tout cas après 21h, les gens sont venus en famille soutenir ce nouvel élan.

    Sauver la révolution signifie aussi refuser le projet de décret visant à criminaliser les

    manifestations, les rassemblements, et les gréves, projet dont il est vivement question depuis la clôture du référendum. Cela signifie ne pas oublier les centaines de jeunes qui ont fait le sacrifice de leur vie pour la liberté, comme le rappelle cet homme qui brandit le portrait de son fils (video).

    Le référendum qui a vu une majorité écrasante (77%) d’égyptiens se prononcer pour les amendements à la constitution, est lui aussi source d’inquiétudes, même s’il a été, malgré tout, un grand moment de démocratie. Le mouvement du 25 janvier, associé à l’ensemble des partis d’opposition, peine visiblement à rassembler une large base. Si on peut comprendre que les vieux partis soient discrédités par les années de compromis avec la dictature, c’est surtout le manque d’organisation qui handicape les différents partis et mouvements de jeunes nés au lendemain de la révolution. En face, la machine des Frères musulmans, parfaitement huilée et dont le réseau pénètre les quartiers les plus populaires, s’était entièrement mise au service d’un oui au maintien de l’article 2 de l’ancienne constitution qui affirme que « l’islam est la religion de l’état et que les principes de la loi islamique sont la source de sa législation ». « Si tu es chrétien tu votes non » disaient-ils en substance aux électeurs, « sinon tu votes oui ». Quand ce n’était pas le lamentable « Vote oui pour aller au paradis » qui servait d’argument. Au lendemain du suffrage un vif débat, repris par la presse, a porté sur la nécessité de séparer le politique et le religieux, ce qui en soi est une belle avancée.


    Depuis, le Conseil Suprême des Forces Armées a publié, mardi dernier, une curieuse « déclaration constitutionnelle » rappelant cet article 2, mais aussi interdisant « toute discrimination en fonction du sexe, de l’origine, de la langue, de la religion, ou des convictions » et affirmant « la liberté de la presse, et de publication ». La parution d’une telle déclaration, alors même que la constitution vient d’être modifiée par la volonté populaire, semble trahir  quelques tiraillements à la tête de ce CSFA. En effet dans le même temps, les tribunaux militaires ont continué de juger des civils pour leur participation à des manifestations, comme le dénonce cette banderole.

    Pour en revenir à cette manifestation et à toutes celles qui ont eu lieu dans différentes villes d’Egypte, elle est peut-être le signe d’une prise de conscience qui n’était pas évidente ici. La révolution n’est pas finie, c’est un long processus dont il faut défendre les acquis et pour lequel il faut maintenir une mobilisation constructive. C’est ce que clamaient les innombrables (mais petits) rassemblements de ces dernières semaines, comme celui de dimanche dernier à l’initiative de journalistes, artistes et intellectuels devant le conseil des ministres (video). Cette prise de conscience commence à sortir du cercle restreint des intellectuels dans lequel elle avait été enfermée. Travaillée par les dirigeants de l’armée et les Frères, l’idée que les manifestations doivent s’arrêter pour que le pays reprenne une vie normale, notamment sur le plan économique, s’est largement répandue, y compris parmi les jeunes, tout au long du mois de mars.

    Ce vendredi, si aucun dirigeant des Frères n’était présent, des jeunes et des familles de l’organisation avaient répondu à l’appel. Après avoir clamé le fameux « Chrétiens, musulmans, une seule main », la foule a entonné d’une seule voix ce magnifique « bismillah », chant traditionnel (certes à connotation religieuse), dans la joie et l’espoir retrouvé (video). Un grand moment.


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  • 25/03/2011

    Egypte: La contre-révolution

    Le Caire, 25 mars 2011. Le jour se lève sur un jour anniversaire. Nous fêtons aujourd'hui le deuxième mois de la révolution. En réalité on ne fête rien du tout, du moins pas ceux qui entendent, pour ce qu'il est, le mot démocratie. Les déçus cachent leur amertume et leur inquiétude et redoublent d'efforts et de réunions pour résister au rouleau compresseur de l'armée. 

    Le gouvernement de transition n'y va pas de main morte pour conduire le pays vers ce qu'il appelle la stabilité. Et qu'on se le dise: les ennemis de la stabilité sont des fauteurs de trouble! des ennemis de la patrie! You're either with us or against us, aurait dit George W. Bush.

    Les manifestants célébrés il y a quelques semaines sont en passe d'être criminalisés. L'armée a annoncé une loi criminalisant les manifestations et les grèves. Celle-ci sera sans doute passée dans les jours à venir à moins que… à moins qu'il se passe quelque chose tout à l'heure, et ce n'est pas impossible.

    Depuis l'euphorie (injustifiée) du référendum du 19 mars, certains commencent à regarder la réalité telle qu'elle est et non telle qu'ils la rêvent. On ne connaît pas leur nombre car depuis que l'armée casse les manifestations en torturant ceux qu'elle arrête, mes concitoyens ont tendance à préférer le salon, surtout les femmes qui, si elles se font arrêter par l'armée, risquent de subir mille humiliations dont des "tests de virginité" effectué par des hommes. Les femmes qui affirmaient être vierges et dont les tests étaient négatifs ont reçu, d'après rapport d'Amnesty, des chocs électriques et ont été accusées de prostitution. Nausée.

    Pourquoi euphorie injustifiée. Parce qu'on a pris "une-élection-avec-un-taux-de-participation-record" pour le signe ultime d'une démocratie enfin trouvée. Pour qu'une élection soit démocratique, ne doit-elle pas, d'abord, être juste? Et à quoi reconnaît-on une élection juste si ce n'est par l'application d'au moins quelques principes universels tels que: le secret du vote, la validité des bulletins de vote, les mesures contre la fraude, contre le double ou le triple vote, un temps de parole égal pour chaque camp sur les chaînes de télévision et les radios nationales, la surveillance du vote et des bulletins par une autorité judiciaire, l'accès — à tous — à un bureau de vote ouvert, l'empêchement de toute tentative de "harcèlement politique" ou religieux par des bandes organisées à l'intérieur des bureaux de vote…

    Chacun de ces points à été violé dans ses grandes largeurs (lien vers un rapport en langue arabe par l'Organisation Egyptienne des Droits de l'Homme) et spécialement dans les villes et les villages de province. Commençons par le plus comique. Pour éviter qu'ils votent plusieurs fois, les électeurs trempaient un doigt dans de l'encre rose lavable à l'eau et au savon. Les bureaux de vote sans isoloir se comptaient par centaines. Les zones à forte communautés coptes ont vu leur bureaux fermés, ouverts, fermés — notamment les bureaux de la ville de Naga Hammadi. La télévision nationale diffusait… non elle martelait que le devoir patriotique de chacun était de voter "oui" à la stabilité. La première page du premier quotidien national, Al Ahram, a publié un encadré expliquant que voter "oui" était un devoir qui incombait à tout citoyen. Des Frères Musulmans et des salafistes en bandes, que nulle autorité n'empêchaient, accaparaient les bureaux de votes et vociféraient qu'en votant "oui" on irait au paradis et qu'en votant non… Pour comprendre l'ampleur des dégâts, il faut imaginer des villages ou le taux d'analphabétisation atteint parfois 70 ou 80%.

    Les Frères Musulmans. Encore. Souvenez-vous quand nous disions que, trente années durant, le régime Mubarak avait agité le spectre de l'islamisme pour asseoir son pouvoir et légitimer sa dictature. L'armée, peu imaginative sans doute, se sert des mêmes ruses en ouvrant aux islamistes une voie royale telle qu'il n'aurait jamais pu la rêver.

    L'accélération du processus électoral voulu par l'armée — allant contre toutes les demandes et mises en garde du camp pro-démocrate — donne bien sûr l'avantage aux partis et aux mouvements déjà constitués : le Parti National Démocratique et, donc,  les Frères Musulmans avec lesquels il semble clair que l'armée ait passé un accord. S'il l'on ignore les termes de l'accord, on semble déjà en connaître les conséquences: 30% des sièges au prochain parlement dit, à qui veut l'entendre, Essam El Erian, porte-parole de la confrérie.

    Ne devrait-on s'étonner  d'ailleurs que le nom du Parti National Démocratique de Moubarak soit encore prononcé? Oui bien sûr, il faudrait s'en étonner, tout comme il faudrait s'étonner qu'Hosni Mubarak lui-même arpente les plages de Sharm el Sheikh, que Safwat el Sherif, tortionnaire corrompu et ex-président du Conseil d'Etat ne soit sous le coup d'aucune poursuite judiciaire, pas plus que Fathi Sorour, ex-Président de l'Assemblée du Peuple, maître en corruption lui aussi.

    Assez.

    Bonne nouvelle. Des centaines de fonctionnaires de la radio et de la télévision se sont mis en grève et constestent leurs conditions de travail. C'est pour eux une façon polie de tourner les choses. Ce qu'ils contestent c'est qu'on les oblige — et depuis toujours — à se rendre complices de toutes les campagnes de désinformation et de manipulation populaire, notamment la campagne féroce qui aura largement contribué à la victoire du camp du "oui" à une constitution qui menace, en profondeur, l'avenir démocratique de l'Egypte. 

    "Libérer l'information" est le nouveau combat de ceux qui ont compris — avec raison — que la Radio-Télévision d'état était l'arme fatale de ce qu'il est convenu d'appeler… la contre-révolution.

    Le Caire, 25 mars 2011, 18h30. Des manifestants se sont réunis à Maspero, le siège de la Radio-Télévision égyptienne. Les slogans à l'endroit de Hussein Tantawi sont directs et c'est une grande première : Tantawi ne serais-tu pas le prochain dictateur? Jamais un slogan n'avait-il été prononcé contre l'armée.

    De grandes banderoles dénoncent également la triangulaire de la corruption évoquée plus haut: Safwat el Sherif, Fathi Sorour et Zakaria Azmi (ex-chef du personnel de la présidence).

    Les manifestants sur place appellent à passer la nuit devant Maspero et de braver le couvre-feu de minuit. Cela annonce peut-être de nouvelles confrontations violentes avec l'armée et des arrestations sommaires.

    Contre contre révolution? Ç'en a tout l'air.

    Voir la vidéo de la manifestation de Maspero, un peu plus tôt dans la journée.

    — — — — — — —

    Bonus Track : Maa'lesh… tout ira bien - معلش ماعلينا


    © Aalam Wassef - mars 2011 - Chanson libre de droits.


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  • Une attaque de civils armés de couteaux et de machettes était menée le 9 mars dernier sur la célèbre place Tahrir, au Caire, contre des manifestants pro-démocratie. L’armée, qui a été appelée à la rescousse, a procédé au "nettoyage" de la place en emportant dans ses filets environs 170 manifestants. Tous auraient été victimes de tortures et jugés devant un tribunal militaire. Sur son site Internet, l’association Arabic Network For Human Rights condamne ces tortures, en les qualifiants d’inhumaines. Selon le quotidien égyptien Al-Ahram, certains ont été relâchés et témoignent devant les ONG et les journalistes du calvaire qu’ils ont vécu. Voici leur histoire, également reprise par Rue89 et Youtube.

    Walid, porté disparu…

    Walid est un jeune égyptien porté disparu depuis le 9 mars dernier. Il a été arrêté par l’armée et est aujourd’hui détenu dans la tristement célèbre prison 28, à Nasser City. Il est accusé de troubles à l’ordre public. Sa mère, Oum Walid, est à ce jour sans nouvelle de son fils, elle a la voix brisée, les mains moites et les lèvres tremblantes d'angoisse. Pourtant, Oum Walid est une maman égyptienne comme les autres. Mais voilà, depuis le mercredi 9 mars, cette maîtresse d'école à Zamalek, un quartier chic du Caire, est sans nouvelle de son fils.  C’est en larmes qu’elle s’est exprimée, le 16 mars dernier, lors d’une conférence de presse organisée à cette occasion. « Nous sommes des gens bien ! Nous ne sommes pas des baltagi (des hommes payés par le régime d’Hosni Moubarak pour semer la terreur) ! Je veux mon fils ! Je veux Walid ! », martelait-elle.

    Ali Sohby

    Ali Sohby a aussi été arrêté puis relâché. Devant la presse, il déclare avoir été torturé avant d’avoir était libéré trois jours plus tard. Battu et jugé devant un tribunal militaire, il a déclaré : « Je n’arrivais pas à croire ce que je voyais. C’était un cauchemar. Nous passions 30 par 30 devant les juges. Nous avons raconté ce qu’il s’était passé, mais ils ne nous écoutaient pas. Une déposition écrite était déjà prête. Ils nous ont obligés à la signer ».

    Ramy Assam

    Ramy Assam, chanteur, était l’une des figures artistiques de la révolution du 25 janvier. Victime de tortures, il a reçu des décharges électriques et a été battu jusqu’au sang. Les images montrent Ramy sur la Place Tahrir en train de chanter. Puis, c’est un corps mutilé que laisse découvrir les caméras.

    Ces atrocités lui ont inspiré une chanson. Après avoir entonné à pleins poumons, comme des milliers d'Egyptiens, le slogan " lève la tête haut, tu es Egyptien ! ", il chante, désillusionné, " baisse la tête, tu vis dans un pays démocratique ! ".

    Salwa El Hosseiny

    Les femmes n’ont pas été épargnées ce 9 mars. Salwa El Hosseiny est l’une d’entre elles. Elle a été retenue prisonnière puis torturée, avant d’être relâchée trois jours plus tard.

    Source ici


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  • référendum J-3

    Par snony ici
     
     

    Finalement ce référendum sur les amendements à la constitution (voir précédent post) éclaircit  nettement le paysage politique égyptien.

     

     

    Appellent à voter oui samedi prochain : l’actuel gouvernement Sharaf, le PND, les responsables de l’ancien régime, de nombreux hommes d’affaires et les Frères Musulmans. Sur les réseaux sociaux, cela se traduit par l’affichage de l’avatar ci-contre.


    Appellent à voter non ( en arabe): pratiquement toutes les autres forces politiques et de nombreuses personnalités : le Wafd (parti de la délégation), le mouvement des jeunes du 25 janvier, celui du « 6 avril », le Tagammou (parti du rassemblement, « socialiste »),  le Rassemblement national pour le changement , le parti el-rad (d’Ayman Nour), le parti du Front, le parti communiste égyptien, le mouvement d’el-Baradei, le Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux, le Mouvement des égyptiennes pour le changement. Neuf de ces mouvements participaient à une conférence de presse mardi soir au cours de laquelle ils ont appelé le CSFA (Conseil Suprême des Forces armées) à annuler ce référendum et la population à manifester vendredi pour obtenir une véritable « nouvelle constitution ». Vendredi est désormais annoncé comme la « journée du refus ».

    De nombreuses pages Facebook et des clips video explicitent les positions des uns et des autres. Dans celui-ci apparaissent des artistes et des politiques égyptiens comme Amr Moussa et M. el-Baradei qui expliquent les raisons de leur La’ (non). Ils y appellent chaque égyptien à convaincre « cinq voisins ou cinq amis de Facebook » à venir voter Non, samedi prochain.

    Le CSFA  de son côté n’a pas oublié de voter d’une certaine manière en faisant annoncer au président de la commission du référendum, Mohamed Atteyqa, qu’en cas de victoire du non, « le CSFA gouvernera par décrets » pour assurer « la transition politique ». Ce à quoi on répond aujourd’hui sur Facebook avec un avatar on ne peut plus clair (ci-contre).

    Enfin une campagne d’information dans la presse, à la télévision et sur le net donne le mode d’emploi de ce référendum, annonçant aux égyptiens leur « premier suffrage transparent ». Chaque citoyen de 18 ans ou plus peut voter à l’aide de sa simple carte d’identité et semble-t-il dans n’importe quel bureau de vote. L’encrage du pouce de chaque votant ainsi que des peines pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement à l’encontre des resquilleurs sont censés empêcher la fraude. Mais l’organisation de ce référendum est contestée par de nombreux commentateurs, notamment sur la question cruciale de la surveillance du scrutin et de la présence d’observateurs indépendants lors du dépouillement.


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  • Egypte: L'armée de Tantawi mise à nu

    Le Caire, Mars 2011. L'armée de Tantawi, chef suprême du Conseil Supérieur des Forces Armées vient de montrer son vrai visage au peuple qu'elle prétend défendre. A 17h15, c'est main dans la main que des militaires et des hommes de mains en civils armés de battes (les baltageyyas)  ont attaqués les manifestants de la place Tahrir. Les tentes ont été détruites avec violence. Les manifestants battus, arrêtés puis emmenés par la peau du cou au Musée du Caire qui sert de prison provisoire.

    Les baltageyyas, sous le contrôle et l'autorité des militaires ont arrêté de manière sélective des manifestants de la place. Ils s'est avéré que beaucoup de ceux que nous pensions être des "amis" étaient en réalité des infiltrés. La violence de cette descente était totale. Les baltageyyas se servaient de bombes aérosol qu'ils enflammaient pour s'en servir comme de napalms. Voir la vidéo tournée il y a quelques heures.

    Il ne subsiste plus aucun doute. L'armée de Tantawi est du mauvais côté et tient, depuis le début un double-langage: d'un côté celui d'un garant de l'établissement d'une Egypte démocratique et de l'autre celui d'un casseur de révolution utilisant la torture et la violence.

    Pour ceux qui sont sur place, il paraît de plus en plus clair qu'il y a réellement deux courants au sein de l'armée. Le premier est celui de Tantawi qui, aujourd'hui, ne cache plus son jeu. Le second est celui beaucoup respectueux de la révolution, de ses demandes et, surtout, de sa légitimité.

    Il est fort propable que le peuple égyptien s'unisse à nouveau après ces quelques jours ou toutes les tentatives ont été menées pour diviser les chrétiens et les musulmans, les femmes et les hommes, les égyptiens en général et les manifestants.

    La réponse devrait se faire connaître demain, mais surtout vendredi.

    On peut également s'attendre à quelques remous au sein de l'armée qui conduiraient, peut-être à un "coup" et à un renversement du système Tantawi qui n'est autre — Ô surprise — que celui de Hosni Moubarak, ce président prétendument honni qui passe des journées tranquilles dans un palais près de la mer.

    Cherchez l'erreur.

    Cris d'Egypte


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  • Egypte: L'armée torture

    Le Caire, 6 mars 2011. Depuis quelques jours, des images-choc circulent sur la toile, mais elles se font curieusement oublier par d'autres actualités plus étourdissantes encore: la forteresse de la "Sécurité d'Etat", la STASI égyptienne, est tombée hier soir aux mains d'un millier de manifestants. Nous venons, hier soir, de pénétrer en son sein pour y trouver des montagnes de documents broyés, et des centaines de mètres de rayonnages sur lesquels reposaient les fiches soigneusement rédigées sur des millions de citoyens.

    L'armée, qui gardait les lieux comme elle garde tous les bâtiments administratifs, était pour le moins complaisante et s'est gentiment tenue à l'écart tandis que nous nous précipitions à l'intérieur, le sang glacé par ce temple du mal.

    A l'arrivée du procureur général, et après avoir rempli nos yeux et nos appareils photos des mille scandales susceptibles de disparaître, nous avons laissé la justice prendre le relais.

    La nouvelle est fracassante. La chute de la Sécurité d'Etat est plus importante encore que celle de Moubarak qui, et c'est un manifestant qui l'a hurlé en ouvrant un dossier par hasard, était fiché lui aussi.

    Il est cependant essentiel de revenir sur ces images sordides qui confirment que l'armée égyptienne a bel et bien deux visages.

    Ces images ont été montées sur une chanson que j'ai écrite et enregistrée. Elle sera diffusée demain dans la blogosphère égyptienne.

       

    Traduction française des paroles

    De qui se moque l'armée égyptienne?
    Des Égyptiens, bien sûr.
    Des martyrs, nous en avons assez.
    Laissez-nous donc vivre en paix.

    "L'armée et le peuple, une seule main"
    "L'armée et le peuple…" c'est ça, ouais.

    Dis moi Salma, l'armée défend qui?
    Ses confrères hommes d'affaires… ah! j'oubliais!
    Casse-toi Maréchal Tantawi!
    Et sauve-nous Major Shoman! (*)
    C'est que le Maréchal, vois-tu, torture nos amis.

    "L'armée et le peuple, une seule main"
    "L'armée et le peuple"… c'est ça, ouais.

    L'armée-Vodafone (**), on n'en veut plus
    Trouvez-nous des gens dignes de nous
    Ceux qui nous attaquent au Taser
    Nous leur tiendrons tête jusqu'au bout
    Jeunes officiers il est temps de faire un "coup"

    Fiers officiers, braves soldats, la justice n'attend pas

    "L'armée et le peuple, une seule main"
    "L'armée et le peuple, une seule main"
    "L'armée et le peuple, une seule main"
    Ah ben voilà, c'est mieux comme ça…
    "L'armée et le peuple, une seule main"
    "L'armée et le peuple, une seule main"

    Paroles, musique et chant: Aalam Wassef. Chanson libre de droits.

    - - - - - - - - - -
     

    Notes

    (*) Le Major Shoman s'est rendu célèbre en déposant les armes, avant la démission de Moubarak, et en rejoignant les manifestants.

    (**) Le Conseil Suprême de Armées, comme le Ministère de l'Intérieur déchu avant lui, se sert librement dans les bases de données des opérateurs Vodafone et Mobinil pour envoyer des SMS à la population. Recommandations, mise en garde, menaces. Les opérateurs aux engagements et aux obligations multiples sur la protection de la vie privée, curieusement, collaborent.

     

    Cris D'Egypte


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  • La junte égyptienne sévit contre les grèves



    Chris Marsden


    Le régime militaire égyptien a menacé de rendre les grèves illégales tandis que l’agitation sociale suite au renversement du président Hosni Moubarak continue.

    À partir du 14 février, une vague de grèves a éclaté en Égypte. Des actions revendicatives ont causé la fermeture d’usines de produits chimiques, pharmaceutiques et textiles, en plus de l’aéroport du Caire. Les cheminots ont installé des traverses sur les rails pour arrêter les trains. Les banques et les bureaux gouvernementaux ont également été fermés. Au point stratégique du canal de Suez, environ 1500 travailleurs ont organisé des manifestations à Ismaïlia, à Suez et à Port-Saïd le 17 février, revendiquant de meilleurs salaires et une assurance médicale. Des techniciens et des administrateurs faisaient partie des protestations.

    L’un des plus importants conflits a impliqué 15 000 ouvriers à l’usine textile  Misr Spinning and Weaving à Al-Mahalla Al-Kubra. La plus importante usine d’Égypte, qui emploie 24 000 personnes dans le delta du Nil, a été le lieu d’une grève et d’une occupation qui ont débuté le 10 février en soutien aux protestations anti-Moubarak, aidant à précipiter sa chute un jour plus tard. Le conflit s'est poursuivi le 14 février, avec des revendications d'augmentations de salaire, de la démission du directeur de l’entreprise et de trois autres cadres, puis d'un syndicat libre. Un char a été stationné à l’extérieur de l’usine par l’armée.

    L’industrie du textile égyptienne emploie 48 pour cent de la main-d’œuvre totale du pays. En plus, 6000 travailleurs ont fait grève à Spinning and Weaving de Damiette.

    Vendredi le 18 février, après deux avertissements lancés plus tôt, l’armée égyptienne a menacé que la vague de grève serait maintenant considérée illégale. Le Conseil suprême des forces armées « ne tolérera pas la poursuite de ces actes illégaux qui présentent un danger à la nation, et ils les confronteront », a-t-il annoncé.

    Certains groupes « organisent des manifestations qui nuisent à la production et créent des conditions économiques graves qui peuvent mener à une détérioration de l’économie du pays », a dit l’armée. « La poursuite de l’instabilité et ses conséquences vont porter atteinte à la sécurité nationale ».
    L’ordre interdisant les grèves et l’action revendicative est venu le jour suivant les célébrations auxquelles avaient participé millions de gens, qui soulignaient une semaine depuis l’évincement de Moubarak. Walid Abdel-Sattar, un cadre de l’industrie de l’énergie a commenté, « Bien que cette déclaration aurait dû être faite beaucoup plus tôt, je crois que l’armée a simplement permis au peuple de faire entendre ses revendications et de profiter de l’esprit de liberté ».
    La junte n’a jamais voulu offrir de véritable « liberté ».

    En réponse à la menace, le Centre des services pour les syndicats et les ouvriers a rapporté ce jour-là que les ouvriers de Misr Spinning occupaient l'usine pour une quatrième journée et avaient « refusé de mettre fin à leur protestation jusqu’à ce que leur revendication principale soit satisfaite, soit l’expulsion du directeur de la compagnie ».

    Dimanche, la grève de Misr a pris fin. Faisal Naousha, un des dirigeants de la grève, a dit à l’AFP « nous avons mis fin à la grève, l’usine est en marche. Nos exigences ont été satisfaites », y compris une augmentation salariale de 25 pour cent et le renvoi d’un cadre impliqué dans la corruption.

    Les banques ont aussi été ouvertes dimanche. La Banque centrale d'Égypte avait fermé toutes les banques le 14 février après des grèves et des occupations à des succursales et des bureaux le jour d’avant. Selon Ahram Online, les employés continuaient à « montrer clairement qu’ils n’avaient pas renoncé à leurs demandes ». Les employés des banques « contestent le système de comité de directeurs et les grandes inégalités dans les salaires… Il avait été demandé aux protestataires de nommer des comités de 10 à 20 membres pour communiquer leurs demandes à la Banque centrale d'Égypte. Les réunions de comité devraient débuter lundi. Les employés de la Banque Misr, la deuxième plus grande banque égyptienne, a déjà nommé ses négociateurs, refusant les demandes de la Banque centrale de nommer des gérants de l’administration pour les représenter. »

    Toujours dimanche, des journalistes travaillant pour des magazines et des journaux d’État ont protesté devant l’Agence des journalistes pour demander à la junte militaire de remplacer les rédacteurs en chef et ceux qui gèrent le travail d’édition. Les journalistes les accusent de corruption et d’hypocrisie. La police militaire a encerclé le bureau d’Ousama Saraya, le rédacteur en chef du quotidien Al-Ahram, afin de le protéger contre les manifestations attendues.

    En plus de la répression directe de la classe ouvrière, le régime militaire travaille fort à la cooptation des « mouvements d’opposition » bourgeois et petit-bourgeois dans le but de donner du crédit à ses prétentions de préparer une transition vers un régime démocratique et civil.



    La mise en accusation la plus accablante de ceux qui rivalisent pour faire partie du présumé remplacement démocratique à la gouvernance directe du régime militaire est leur engouement à discuter avec la junte militaire, même si celle-ci menace d'une répression massive de la classe ouvrière. Presque aussi condamnable est le statut privilégié du chef de la Ligue arabe, Amr Moussa, pour le poste de président.

    Moussa est un proche allié de Moubarak et ceux qui lui ont succédé, le vice-président Omar Souleimane et le commandant en chef des forces armées, Mohammed Hussein Tantaoui. Pendant le soulèvement, Moussa a été présenté comme un opposant afin de pouvoir presser les manifestants à permettre à Moubarak de demeurer à la tête sa dictature vieille de trente ans, jusqu’à la fin officielle de son mandat au pouvoir. Même maintenant, Moussa a dit de Moubarak, dans le journal espagnol El Pais, « Pour l’instant, il est à la retraite, nous devons le traiter comme un ex-président, avec tout le respect qu’il mérite. »

    Dans la même entrevue, il a donné son aval à l’armée et sa prétention de transition vers un régime démocratique et a soutenu ses efforts pour démobiliser l’opposition. « Le Conseil suprême a pris de grandes mesures, comme des réformes constitutionnelles, la dissolution du parlement et des appels au public pour un retour au travail et le rétablissement du calme », a-t-il dit.

    Les Frères musulmans sont aussi en discussions avec le régime et ont l’intention de former un parti nommé Liberté et Justice. Ils ne vont pas présenter de candidat pour la présidence cette année et vont seulement entrer dans la course dans moins du quart des sièges pour le prochain parlement, afin de montrer leur loyauté aux dirigeants militaires égyptiens.

    Samedi, les tribunaux ont approuvé un nouveau parti, le Parti Al-Wasat (Parti du centre), dirigé par d’anciens membres des Frères musulmans, Aboul Ela Mady et Essam Sultan.
    D'autres partis en construction sont directement mis de l'avant et financés par des intérêts commerciaux et des représentants de l'ancien régime.
    Wael Ghonim, un cadre de Google qui a été l'un de ceux qui ont appelé aux toutes premières manifestations, négocie présentement avec des affiliés du Parti national démocrate de Moubarak (PND), y compris l'ancien président du PND Hossam Badrawy, dans le but de former un nouveau parti politique.
    Abdel Moneim Imam dirige un groupe qui appuie l'ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique, Mohamed ElBaradei, et est en négociations avec Naguib Sawiris, le président d'Orascom Telecom Holding SAE, à propos de la formation d'un parti.

    Ces manœuvres prennent place au moment même où le Conseil suprême des forces armées déclare que, « Les conditions politiques instables empêchent toute nouvelle constitution. »

    Les puissances impérialistes jouent toutes leur rôle pour essayer de maintenir la junte au pouvoir.
    Durant les derniers jours, Moussa a discuté intensivement avec le sous-secrétaire d'État américain chargé des Affaires politiques, William Burns, et le conseiller à la Maison-Blanche, David Lipton, au cours du sommet de la Ligue arabe au Caire. Burns en a profité pour offrir un cadeau de 150 millions de dollars au gouvernement égyptien afin de « soutenir la transition qui prend place ».
    « Je viens d'avoir une longue et très intéressante conversation avec le secrétaire général Amr Moussa sur les développements en Égypte et à travers la région. Comme d'habitude, j'en ai appris beaucoup », a-t-il dit aux médias.

    La haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, a offert une plus grosse somme d'aide financière au régime, expliquant à des journalistes au Caire que, « Nous discutons déjà de la possibilité d'accorder un milliard de dollars de soutien supplémentaire par le biais de leurs programmes de financement. » Elle a rassuré la junte qu'aucune condition n'allait être liée à cette aide quant aux droits démocratiques. « Soyons clairs », a-t-elle affirmé. « C'est à l'Égypte de déterminer son avenir. »

    Malgré ce soutien financier, la junte est devant une situation explosive, alimentée par l'impact du mouvement de masse en Libye contre le régime de Kadhafi et ailleurs au Moyen-Orient.
    Au Caire et dans la deuxième plus importante ville d'Égypte, Alexandrie, des manifestations contre Kadhafi ont eu lieu devant les ambassades d'Algérie et de Bahreïn. On pouvait lire sur une pancarte : « Mission : Libérer les pays arabes – Quand : Maintenant ».
    La foule scandait, « Les gens veulent l’unité des pays arabes contre les régimes militaires. »

    Plusieurs convois égyptiens d'aide médicale ont été organisés vers la Libye. Un ressortissant libyen, Abdoul, qui était impliqué dans le mouvement contre Moubarak, a raconté à l'émission The World Today du réseau ABC: « J'ai parlé à un médecin là-bas, hier ou avant-hier, et ils manquent de fil pour faire les points de suture... Il y a des milliers et des milliers de blessés et ils n'ont même pas de place pour les recevoir. »
    La junte surveille et cherche à contrôler ces actes de solidarité et les relations politiques qui se développent entre les protestataires en Égypte et au Caire. L'armée a affirmé qu'elle renforçait présentement la frontière avec la Libye, mais qu'elle allait permettre aux malades et aux blessés d'entrer par le point de passage de Saloum et d'être soignés dans deux hôpitaux de campagne.

     




    Merci à World Soocialist Web Site
    Source: http://www.wsws.org/articles/2011/feb2011/egyp-f23.shtml
    Date de parution de l'article original: 23/02/2011
    URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=4041


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  • Egypte: REPRISE !

    Le Caire, 18 février, 2011. Au Caire, le 11 février, Moubarak démissionne. S'ensuivent deux jours de fête et de déclarations rassurantes de l'armée: dissolution de l'Assemblée du peuple, gel de la constitution. Cependant, au fil des jours, le sentiment d'avoir été trompés croît à vue d'œil.

    Nous disions que les égyptiens, prudents, n'accordaient à ce gouvernement de transition qu'une confiance provisoire et conditionnelle.

    Aujourd'hui, rien n'est plus vrai.

    Certes, le président a démissionné, mais le "nizam" (le "système") est là, et bien là, avec sa corruption, sa torture, ses fonds détournés. D'anciens dignitaires du régime comme Safwat el Sherif (secrétaire général du Parti National "Démocratique" et président du Conseil d'Etat), Zahi Hawi Hawass récemment nommé "Ministre des Antiquités" ou le général Tantawi appelé "le caniche" du président Moubarak circulent librement et nul ne les inquiète.

    Réponse du peuple en ce vendredi ensoleillé: "Le peuple demande la purge de son pays", "Ni Moubarak, ni ses semblables", "Ni Moubarak ni son entourage".

    C'est par centaines de milliers que les manifestants se réunissent aujourd'hui au Caire et dans d'autres grandes villes. Il est clair que leur nombre dépasse de très loin le million de personnes.

    La flamme de la détermination révolutionnaire est plus vive que jamais, malgré les provocations du gouvernement de transition et les campagnes de division populaire soutenues ces derniers jours par celui-ci. Sur ces campagnes, nous reviendrons bientôt.

    Cris d'Egypte


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  • Egypte : La "révolution" avortée

    Robert BIBEAU

    Révolution, ou révolte populaire ?

    Lorsqu’on examine des événements politiques, il importe d’appeler un chat par son nom, au risque que les déceptions ne succèdent aux illusions. Impossible de biaiser : si un éléphant accouche d’une souris, inutile de tergiverser, il vaut mieux l’admettre et regarder la vérité en face pour y faire face. Après trente années de gestation, le peuple égyptien, gros d’une révolution, a vu l’accoucheur de l’armée assassiner le bébé.

    Le dictionnaire de la langue française est formel : « Une révolution est le renversement d’un régime politique à la suite d’une action violente » (1). Une révolution c’est une révolte, c’est un soulèvement ayant pour but de détruire les bases d’un système politique et social, dans bien des cas corrompu, pour le remplacer par un autre, habituellement très différent du précédent.

    Hosni Moubarak s’était engagé à quitter le pouvoir en septembre 2011, au terme de son cinquième mandat. Plusieurs centaines de martyrs et des milliers de blessés plus tard, les « révoltés du Nil » (2) auront obtenu qu’il avance sa démission de six mois et qu’en rédemption de ses crimes et de ses prévarications il se retire, avec ses milliard de dollars, dans sa datcha de Charm-el-Cheikh, muni d’un sauf-conduit et d’une promesse d’immunité entérinée par l’armée.

    Il est utile de rappeler que le gouvernement du colonel Gamal Abdel Nasser a été mis en place, le 23 juillet 1952, à la faveur d’un coup d’État de l’armée égyptienne (3). Le successeur du colonel Nasser, le lieutenant-colonel Anouar el-Sadate, un temps espion de l’Afrika Corps, était issu des rangs de l’armée, tout comme allait l’être son successeur à la présidence, le commandant Hosni Moubarak (4). C’est l’armée égyptienne qui a désigné le commandant Moubarak à ce poste et c’est elle qui l’a soutenu dans ses projets de construction du Mur d’enfermement de ses frères arabes à Gaza, dans sa politique de démantèlement des capacités industrielles égyptiennes érigées sous Nasser et dans sa stratégie de soumission aux intérêts américains, ainsi que dans ses activités de collaboration amicale avec l’ennemi sioniste israélien, cela, sans la moindre défaillance, jusqu’au 11 février dernier.

    Il y a quelque temps, Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien, pleurait la déchéance de son ami sioniste, le commandant de l’armée de l’air Hosni Moubarak, troisième président de la République arabe d’Égypte. Juste avant de tomber en disgrâce, le soldat Moubarak a nommé, avec l’assentiment de l’armée, le chef des services secrets de l’armée, le tortionnaire Omar Souleiman, au poste de Vice-président. Qui osera prétendre que cette nomination respectait les vœux démocratiques du peuple égyptien en colère ?

    Souleiman, l’actuel chef du gouvernement provisoire, a déclaré publiquement qu’il couperait les pieds et les mains de tout Arabe palestinien qui traverserait la frontière égyptienne à Rafah, et l’armée constitutionnelle égyptienne a applaudi cette prouesse démagogique. Ce gouvernement provisoire, honni du peuple et illégitime, demeure en poste aux ordres de l’armée, après la soi-disant « victoire » (sic !) de la « plus grande révolution de l’histoire de l’humanité » (re-sic !) (5).

    Enfin, sitôt réinstallé au pouvoir, le 11 février 2011, le Conseil suprême des forces armées n’a rien eu de plus pressé que d’appeler à la cessation de toute hostilité : « L’armée égyptienne, en charge du pays depuis la chute le 11 février du président Hosni Moubarak, a appelé lundi citoyens et syndicats à cesser les grèves et les protestations sociales, au moment où les mouvements sociaux prennent de l’ampleur. Le Conseil suprême des forces armées (les mêmes officiers qui s’étaient réunis au Pentagone quelques jours auparavant, NDLR), appelle les citoyens et les syndicats professionnels et ouvriers à assumer leur rôle de la meilleure manière, chacun à sa place (…), dans la paix et le retour au calme. » (6).

    Il est extrêmement rare que l’armée d’un régime militaire tyrannique et corrompu soit une armée du peuple, démocratique, magnanime et complaisante pour la population qu’elle a réprimée pendant trente années. Il serait avisé de se méfier de tous ceux qui appellent à s’en remettre à l’armée pour trancher en faveur du peuple qu’elle a réprimé, emprisonné, torturé : « L’armée, ce n’est pas la police, haïe pour son rôle répressif. Elle (l’armée) a joué un rôle national, s’est posée en défenderesse de la nation. Ce qui lui vaut un crédit moral. » (7). Ah bon ?

    Bon an, mal an, les États-Unis accordent une aide de 1,3 à 1,7 milliard de dollars à l’armée égyptienne « révolutionnaire » afin de payer la solde de la piétaille et d’assurer la fortune des hauts gradés. Qui stipendie l’armée dirige l’orchestre des militaires et des tortionnaires.

    Le fil des événements récents

    Reprenons le verbatim de cette révolte populaire dramatique qui n’est jamais parvenue à se déployer en une révolution démocratique, ni, encore moins, en une révolution populaire anti-impérialiste.

    Dès 2007-2008, soit avant même que la crise économique occidentale ne s’abatte sur l’Égypte, le chômage endémique concernait la grande majorité (76%) des jeunes diplômés des écoles spécialisées et des universités. Le chômage frappait également une partie de la classe ouvrière. Des grèves, pour la défense du pouvoir d’achat et pour l’emploi, bouleversaient ce pays exsangue. Les ressources de l’État étant accaparées par l’armée et par une coterie corrompue, les prix des aliments de première nécessité furent augmentés, sur les recommandations du FMI et de la Banque Mondiale. La rue se manifesta alors dans l’indifférence des médias occidentaux qui ne daignèrent pas faire état de ces grèves pour les salaires et pour l’emploi, ni de ces émeutes de la faim.

    En décembre 2010, dans un petit pays, aux confins du Maghreb, la population excédée manifesta violemment contre un tyran exécré. Après plusieurs jours de protestation populaire, la « Révolte du jasmin » emporta le tyran Ben Ali, qui s’enfuit, muni d’un sauf-conduit, avec sa fortune si mal acquise. Le Conseil constitutionnel tunisien reprit en main la populace et reconsolida son emprise sur le pouvoir. Un cacique de l’ancien régime, le Premier ministre sortant Mohamed Ghannouchi assura l’intérim et ils nous cogitera, sous peu, quelques modifications à la constitution, pour un futur scrutin, à la grande joie des petits bourgeois friands d’élections « démocratiques » où le petit peuple aura l’opportunité d’entériner le choix de la gente armée, l’activité préféré des petits bourgeois « révoltés ».

    En janvier 2011, inspirés par les événements de Tunis, de jeunes Égyptiens désoeuvrés branchés sur Internet et sur Facebook entament un soulèvement populaire pour renverser le régime militaire-autoritaire du vieux raïs et de tous ses technocrates. Les technologies nouvelles offrent des moyens de communication mais elles ne fournissent pas, en kit, la conscience de classe, ni l’orientation politique, pas plus que l’expérience révolutionnaire. Ces jeunes cyber-révoltés de la Coalition du 6 mai ne connaissaient pas grand-chose à la politique et ils fut très faciles de les duper pour les vieux roublards de l’opposition patentée.

    Rapidement, tout ce qui grenouille de petits bourgeois intellos occidentaux et de vieux politiciens sur le retour, s’agglutinèrent à ce mascaret. Les « Frères musulmans », dociles collabos du pouvoir, d’abord hésitants, entrèrent finalement dans la danse, divers comités de ‘contestataires’ de la vingt-cinquième heure surgirent de partout et chacun tenta d’accaparer la direction de l’action désorganisée et désorientée.

    La lutte pour le pain, le travail, la dignité, l’équité et l’honnêteté devint assez rapidement, sous la férule des « petits bourgeois démocrates pacifistes », une bataille pour renverser Le tyran Moubarak.

    L’Ambassade américaine au Caire, désemparée, et l’armée égyptienne, prise au dépourvu, apprécièrent à sa juste valeur le service rendu. Partant d’une « Révolution » devant débouter un régime tout entier, les comploteurs se retrouvèrent face à une « révolte » visant à chasser un tyran, dont l’armée n’était pas mécontente de se débarrasser. En effet, le vieux raïs cherchait à imposer son fils comme son successeur, un petit homme d’affaires médiocre n’ayant jamais appartenu à l’armée, et cela n’avait jamais fait l’objet d’un accord avec l’état-major.

    Alors, plutôt que de jeter à bas toutes les institutions et la vieille constitution et de créer une assemblée constituante pour en rédiger une nouvelle, un gouvernement provisoire, dirigé par un criminel du sérail fut chargé de modifier quelques articles de la constitution toujours en vigueur. Tous les partis d’opposition pourront présenter un candidat à l’élection à venir et le candidat financé par les Américains et soutenu par les médias officiels l’emportera à coup sûr. Au cas improbable où celui-ci n’y parviendrait pas, il serait toujours temps d’annuler l’élection et d’imposer un nouveau coup d’État de l’armée, comme en 1952.

    Dans le cas d’une « réussite » de ce plan et de la mise en place d’élections, « les Frères musulmans seront la fraction principale au Parlement. Les États-Unis encouragent ce cas de figure et ils ont, d’ailleurs, qualifié les Frères musulmans de « modérés ». C’est normal puisque les Frères musulmans acceptent la soumission à la stratégie américaine et laissent Israël libre de continuer à envahir la Palestine. Les Frères musulmans sont également en faveur du système de « marché » actuel, qui dépend totalement de l’extérieur. En réalité, ils sont également en faveur de la suprématie de la classe bourgeoise « compradore » au pouvoir et ils se sont opposés aux grèves de la classe ouvrière et à la lutte des paysans pour préserver la propriété de leurs terres. » (9). Pour les Américains et pour Israël, donc, il n’y a rien à craindre, de ce côté-là.

    Épilogue

    Partant d’une menace de « Révolution » incontrôlée, les apparatchiks se retrouvent maintenant confrontés à une révolte avortée, grâce aux bons soins de quelques démocrates pacifistes qui ont bien accompli leur travail de diversion au grand plaisir de l’armée.

    Les jeunes internautes resteront désoeuvrés (76 %) et les ouvriers continueront à chômer ; le pain restera hors de portée, les riches rentreront bientôt pour la curée et les capitaux du Golfe reviendront arroser les rives du Nil et les stations balnéaires des côtes de la Méditerranée et de la Mer Rouge.

    Le 14 février dernier, quelques jeunes cyber-militants « révolutionnaires » naïfs ont rencontré les représentants de l’armée, qui leur a seriné quelques billevesées : « Le conseil suprême des forces armées a indiqué dimanche qu’il prenait en charge la direction des affaires du pays provisoirement, pendant six mois, soit jusqu’aux élections législatives présidentielles, tout en maintenant, pour la gestion des affaires courantes, le gouvernement formé par M. Moubarak le 31 janvier. Le gouvernement d’un cacique du régime, Ahmad Chafic, qui s’est réuni dimanche pour la première fois depuis le départ de M. Moubarak, a promis de faire de la sécurité sa toute première priorité ».

    Vous aurez noté que la « sécurité » n’a jamais été une revendication de la rue égyptienne, mais plutôt une demande de la nomenklatura prise de panique.

    « Nous avons rencontré l’armée (...) pour comprendre leur point de vue et présenter le nôtre, déclarent Waël Ghonim, un jeune informaticien devenu icône du soulèvement, et le blogueur Amr Salama, dans une note intitulée : "Rendez-vous avec le conseil suprême des forces armées" sur un site Internet pro-démocratie. Selon les jeunes militants, l’armée a également promis de "poursuivre en justice tous ceux qui sont accusés de corruption, quel que soit leur poste actuel ou passé". Les militaires, accusés par des groupes de défense des droits de l’homme d’avoir emprisonné et torturé des protestataires pendant la révolte, se sont aussi engagés à "retrouver tous les manifestants portés disparus ». (10) L’armée ne promet pas d’arraisonner les coupables, mais de retrouver les victimes (mortes ou vives).

    Sans conscience et sans organisation révolutionnaire, voilà comment une « révolution » arabe se transforme en une « révolte » avortée. Cependant, les peuples arabes poursuivent leur soulèvement spontané et je suis absolument certain qu’ils ont déjà retenu les leçons de cette expérience, qui n’est certes pas terminée.

    (1) http://www.toupie.org/Dictionnaire/... et http://www.linternaute.com/dictionn...

    (2) Les voici, les révoltés du Nil. Robert Bibeau. 10.02.2011. http://www.robertbibeau.ca/palestin...

    (3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Gamal_...

    (4) http://fr.wikipedia.org/wiki/Anouar... et http://fr.wikipedia.org/wiki/Mohamm...

    (5) Déclaration outrancière lu sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter.

    (6) http://www.liberation.fr/monde/0101...

    (7) Entretien avec le sociologue Rachad Antonius. L’humanité. 9.02.2011. KARIMA GOULMAMINE http://www.humanite.fr/09_02_2011-e...

    (8) L’insurrection en Égypte. Samir Amin. 7.02.2011.

    (9) http://www.aloufok.net/spip.php?art...

    (10) AFP. 14.02.2011. 10 :38. Pays Égypte. GlGl. FRS10780685. / AFP-Ok98.

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    http://www.legrandsoir.info/La-revolution-avortee.html
     

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  • La révolution égyptienne et Israël

    L’opinion qui prévaut en Israël est que si elles réussissent vraiment, les révolutions égyptiennes et tunisiennes sont une mauvaise chose pour Israël, une très mauvaise chose. Les arabes éduqués — qui ne sont pas tous habillés comme des "islamistes", qui, pour un bon nombre d’entre eux, parlent parfaitement bien l’Anglais et qui expriment leur aspiration à la démocratie de manière tout à fait raffinée et sans recourir à la rhétorique "anti-occident" sont mauvais pour Israël.

    Les images d’armées arabes qui ne tirent pas sur les manifestants sont aussi mauvaises pour Israël que toutes ces autres images qui ont ému et enthousiasmé tant de personnes dans le monde et même en occident. Cette réaction unanime est aussi mauvaise, très mauvaise. Cela fait ressembler l’occupation israélienne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza et sa politique intérieure d’apartheid aux actions d’un régime "arabe" typique.

    Dans un premier temps, personne n’a su ce que les officiels israéliens pensaient. Dans une première déclaration pleine de bon sens à ses collègues, le premier ministre Benjamin Netanyahu a demandé à ses ministres de ne pas commenter en public les événements en Egypte. Pendant un court instant on a pu penser qu’Israël abandonnait le rôle de voisin voyou pour redevenir ce qu’il avait toujours été : un visiteur ou un résident permanent.

    Il semble que Netanyahu a été particulièrement embarrassé par les commentaires malheureux prononcés sur la situation par le Général Aviv Kochavi, le chef des services secrets israéliens. Cet expert galonné des affaires arabes a affirmé avec force à la Knesset que le régime de Mubarak était aussi solide et fort que jamais. Mais Netanyahu n’a pas été capable de se taire longtemps. Et quand la langue du leader s’est déliée, tout le monde s’y est mis. Et en écoutant leurs remarques, on se disait que, en comparaison, les commentateurs de Fox News étaient une bande de hippies pacifiques, adeptes de l’amour libre des années 1960.

    La substance du discours israélien est simple : Ceci est une révolution du genre de celle d’Iran soutenue par Al Jazeera et que le président étasunien Obama, qui est une nouveau Carter, et le reste du monde sous le choc laissent stupidement se développer. Les fers de lance de l’interprétation israélienne sont les anciens ambassadeurs israéliens en Egypte. Toute leur frustration d’avoir été enfermés dans un appartement d’une tour du Caire se répand maintenant comme la lave d’un volcan inextinguible. Leurs propos peuvent se résumer aux paroles de l’un d’entre eux, Zvi Mazael qui a dit sur la chaîne 2 de la TV israélienne le 28 janvier : "Tout ceci est mauvais pour les Juifs ; très mauvais."

    En Israël, bien sur, quand on dit "mauvais pour les Juifs" on veut parler des Israéliens - mais on veut dire aussi que ce qui est mauvais pour Israël est aussi mauvais pour les Juifs du monde entier (bien que le contraire ait été amplement prouvé depuis la création de l’état).

    Mais ce qui est vraiment mauvais pour Israël, c’est la comparaison. Indépendamment de la manière dont tout cela va finir, cela met en lumière les mensonges et les fausses allégations d’Israël comme jamais auparavant. Le peuple d’Egypte mène une intifada pacifique et c’est le régime qui se livre à des violences meurtrières. L’armé n’a pas tiré sur les manifestants ; et même avant le départ de Mubarak, au bout de sept jours de protestation, le ministre de l’intérieur qui envoyait ses sbires attaquer violemment les manifestants a été renvoyé et sera sans doute jugé.

    Oui, ils ont fait cela pour gagner du temps et essayer de persuader les manifestants de rentrer chez eux. Mais même cet événement, qu’on a déjà oublié, ne pourrait pas arriver en Israël. Israël est un lieu où tous les généraux qui ont donné l’ordre de tirer sur les manifestants palestiniens et juifs qui protestaient contre l’occupation sont maintenant en compétition pour la promotion au poste suprême de chef d’état major.

    L’un d’entre eux, Yair Navey a donné l’ordre en 2008 de tirer sur tous les suspects palestiniens même s’ils se laissaient arrêter sans résister. Il n’est pas en prison ; mais la jeune femme, Anat Kamm, à l’origine des fuites au quotidien Haaretz qui ont révélé ces instructions encourt une peine de neuf années de prison. Aucun général israélien n’a passé un seul jour en prison pour avoir ordonné aux troupes de tirer sur des manifestants désarmés, des civils innocents, des femmes, des vieillards et des enfants. La lumière qui brille en Egypte et en Tunisie est si forte qu’elle éclaire aussi les aspects les plus sombres de la "seule démocratie du Moyen Orient."

    Les arabes pacifiques et démocratiques (qu’ils soient ou non religieux) sont mauvais pour Israël. Mais peut-être que ces arabes étaient là tout le temps, pas seulement en Egypte mais aussi en Palestine. L’argument que les commentateurs israéliens martèlent avec insistance, comme quoi la question la plus importante serait les traité de paix avec l’Egypte, n’est qu’une diversion qui n’a quasiment rien à voir avec la puissante pulsion qui secoue le monde arabe dans sa totalité.

    Les traités de paix avec Israël sont les symptômes de la corruption morale et non la maladie elle-même - c’est pourquoi le président syrien, Bashar Asad, qui est pourtant indubitablement un leader anti-israélien, n’est pas à l’abri de la vague de changement. Non, l’enjeu ici est l’idée mensongère qu’Israël est un îlot occidental, stable et civilisé perdu dans une mer de barbarisme islamique et de fanatisme arabe. Le "danger" pour Israël est que la carte ne change pas mais que la géographie change. Il demeurerait toujours un îlot mais un îlot de barbarisme et de fanatisme dans une nouvelle mer d’états démocratiques et égalitaires.

    Depuis longtemps de larges sections de la société civile occidentale ne voient plus en Israël un état démocratique ; et il semble que maintenant des politiciens occidentaux au pouvoir pourraient se mettre à penser comme eux. Quelle place tient l’ancienne image d’Israël-état démocratique dans le maintien de sa relation privilégiée ave les USA ? Seul le temps nous le dira.

    Quoiqu’il en soit, le cri qui s’élève de la place Tahrir du Caire nous prévient que la mythologie mensongère de la "seule démocratie du Moyen Orient", l’implacable fondamentalisme chrétien (beaucoup plus sinistre et corrompu que celui des Frères Musulmans), l’industrie cynique de l’armement qui profite de la guerre, le néo-conservatisme et le brutal lobbying ne garantiront pas indéfiniment la permanence de la relation privilégiée entre les USA et Israël.

    Et même si cette relation se poursuit un certain temps, sa base est maintenant beaucoup plus fragile. Si on considère, à l’autre bout de l’échiquier, les persistantes puissances régionales anti-étasuniennes que constituent l’Iran, la Syrie et dans une moindre mesure la Turquie d’une part, et, de l’autre, le renversement des derniers dictateurs pro-étasuniens, on se rend compte que, même s’il dure, le soutien étasunien ne sera peut-être pas suffisant pour maintenir dans l’avenir un" état juif" raciste et ethnique au coeur d’un monde arabe en plein bouleversement.

    Ca pourrait être une bonne nouvelle pour la communauté juive toute entière, et même pour les Juifs israéliens sur le long terme. Etre entouré de peuples épris de liberté, de justice sociale et de spiritualité, de peuples qui évoluent parfois sans encombres et parfois moins sereinement entre la tradition et la modernité, le nationalisme et l’humanisme, le capitalisme agressif de la globalisation et la survie au jour le jour, ne sera pas facile.

    Cependant c’est une vision positive qui porte en elle l’espoir de changements similaires en Palestine. Elle peut provoquer la fin de plus d’un siècle de colonisation et de dépossession sioniste et amener une réconciliation équitable entre les victimes palestiniennes de ces politiques criminelles où qu’elles se trouvent, et la communauté juive. Cette réconciliation serait fondée sur le droit des Palestiniens au retour et tous les autres droits pour lesquels le peuple d’Egypte s’est si bravement battu au cours de ces 20 derniers jours.

    Hélas, on peut faire confiance aux Israéliens pour ne pas manquer une occasion de ne pas faire la paix. ils crieraient au loup. Ils exigeraient et obtiendraient davantage d’argent des contribuables étasuniens pour mettre en place "les nouveaux développements". Ils interviendraient secrètement pour saboter et détruire toute transition vers la démocratie (vous souvenez-vous de la violence et de la cruauté avec laquelle ils ont réagi à la démocratisation de la société palestinienne ?) et ils se livreraient à une campagne islamophobe d’une envergure inégalée.

    Mais qui sait, peut-être que les contribuables étasuniens ne bougeraient pas cette fois-ci. Et peut-être que les politiciens européens suivraient leurs opinions publiques et non seulement laisseraient l’Egypte se transformer radicalement, mais attendraient une évolution similaire d’Israël et de la Palestine. Dans un tel scénario, les Juifs d’Israël ont une chance de devenir partie intégrante du Moyen Orient au lieu d’être au Moyen Orient une pièce rapportée agressive issue de l’imagination égarée des sionistes.

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    * Ilan Pappe est professeur d’histoire et directeur du European Centre for Palestine Studies à l’université d’Exeter. Son livre le plus récent est "Out of the Frame : The Struggle for Academic Freedom in Israel" (Pluto Press, 2010).

    Du même auteur :

    -  Soutenir le droit au retour des réfugiés, c’est dire NON au racisme israélien
    -  Tambours de guerre en Israël
    -  Ce qui guide la politique d’Israël
    -  L’enfermement mortel de la psyché israélienne
    -  « Nakbah 2010 »
    -  Un grand merci à vous
    -  Le boycott culturel est une nécessité
    -  La fureur bien-pensante d’Israël et ses victimes à Gaza


     
     

    14 février 2011 - The Electronic Intifada - Pour consulter l’original :
    http://countercurrents.org/pappe140...
    Traduction de l’anglais : Dominique Muselet

     

     


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  • Egypte: Tahrir vidé, manifs partout!

    Le Caire 14 février 2011. "A bas Moubarak!" Vu, je coche. "A bas la constitution! A bas l'Assemblée du Peuple!" Ça, c'est fait aussi. "Elections libres! Gouvernement civil!" On y arrive, patience et, surtout, prudence petits pas. 

    Sans transition, la suite ne s'est pas fait pas attendre.

    Tandis que l'on s'inquiétait de voir la place Tahrir se vider de ses manifestants, les nouvelles autorités furent prises de cours par la multiplication des grèves et de petites ou moyennes manifestations au Caire et en province. Une place de perdue, donc, mais dix de retrouvées.

    Au menu: revendications sociales et salariales et grogne contre la hausse des prix des produits de première nécessité. Grèves dans des secteurs aussi divers que l'industrie pétrolière, les médias, la sidérurgie ou l'industrie textile.

    Les salaires dans la fonction publique sont insignifiants et se situent autour de 35 ou de 40 euros par mois. A titre indicatif le kilo de viande se vend à 9€!

    Même la police a défilé hier pour demander une hausse des salaires et scander à son tour: "Le peuple, la police, une seule main!".

    Les employés des société privées se mettent aussi en grève et arpentent les rues où sont domiciliées leur entreprises respectives: "A bas! A bas! Mon-sieur! Shé-rif!". "Mais qui est Monsieur Shérif ?" demande une voisine. "Le patron!" répond une salariée.

    Les archéologues, les fonctionnaires du ministère de la culture et les guides touristiques ont pris d'assaut ce matin le Haut Conseil des Antiquités présidé par Zahi Hawass qui, non solum a été maintenu au gouvernement sed etiam a été bombardé Ministre des Antiquités. Colère et furie des personnes citées plus haut pour qui l'homme au chapeau est une icône de l'usurpation et de la corruption. Au pied de son bureau des centaines de manifestants crient: "Descends! Descends!" ou "Voleur! Voleur! Qu'as tu fait de mon musée!".

    Ainsi, ce que l'on observe aujourd'hui n'est plus la foule compacte de Tahrir, mais des dizaines, voire des centaines de petits groupes plus déterminés que jamais à ce que, secteur par secteur, justice soit faite.

    Cris d'Egypte ici

     

    **********

    L'armée égyptienne ne fait pas que promettre la réalisation de vagues idéaux libéraux.

    - L'armée a évacué à coup de matraques les occupants de la place Tahrir, hier, dimanche 13 février. (Elle a réussi là où la police de Moubarak avait échoué) Et elle continue aujourd'hui apparemment.
    - L'armée a promis de réprimer durement les vastes mouvements de grève qui ont débuté la semaine dernière dans de nombreux secteurs.
    - Derrière l'image de neutralité qu'elle s'est forgée, l'armée a participé à l'arrestation, la détention et parfois à la torture de centaines voire de milliers de protestataires au cours de ces 20 derniers jours.

    Certains appellent cela une révolution, une victoire du peuple ; il faut être aveugle pour ne pas y voir un coup d'État réalisé en douceur. Les premiers symptômes ne trompent pas !

    Depuis l'arrivée de Nasser (qui était issu de l'armée, de même que Moubarak) l'armée joue un rôle très important dans la politique et l'économie du pays. Les officiers supérieurs détiennent d'innombrables entreprises dans l'armement, le BTP, le tourisme, le pétrole, le textile... Certains généraux ont profité de leur place privilégiée pour bâtir de grosses fortunes. On comprend mieux leurs intérêts et leur menace de réprimer sévèrement les mouvements de protestation des travailleurs et l'action des syndicats.

    L'armée a également soutenu explicitement la contre-réforme agraire qui a jeté des centaines de milliers de paysans sur les routes et qui ont ensuite été remplir les bidonvilles du Caire et d'Alexandrie - elle a même parfois joué un rôle directement répressif contre ces paysans qui luttaient contre l'avènement de la nouvelle hégémonie des grands propriétaires terriens au cours de ces 15/20 dernières années.

    Le régime de Moubarak n'était que la structure politique et policière qui permettait le maintien de cette mainmise économique sur l'Égypte. La domination était double. Moubarak a été le fusible à faire sauter pour conserver intact le reste du système. Aujourd'hui ce sont les mêmes personnes, le même milieu, qui demeurent au pouvoir. La particularité de la nouvelle donne est que cette « bourgeoisie-militaire » se retrouve en plus aux commandes de l’Etat.

    Mais l'armée ne pourra sans doute pas conserver le contrôle direct du pouvoir politique en raison des pressions populaires et internationales qui demandent un respect des valeurs démocratique. L'instauration officielle d'une dictature militaire parait être un scénario peu probable (même si dans les faits leur pouvoir est déjà et restera énorme). L'armée se contentera donc de placer à la tête de l'État quelqu'un qui se chargera de continuer à défendre ses intérêts.

    Bien sur les généraux ne sont pas les seuls à avoir en jeu de gros intérêts économiques : par conséquent les conflits et les tractations du jeu démocratique qui s'annonce n'auront pour enjeu réel que la meilleure défense des intérêts des différentes classes économiquement dominantes (armée, propriétaires terriens, patronat « indépendant », entreprises étrangères puissantes). Toutes les autres idées utilisées dans le débat ne seront que de la poudre aux yeux : des arguments idéologiques chargés de masquer les véritables enjeux de la possession du pouvoir politique.


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  • L’armée resserre-t-elle sa griffe sur l’Egypte ?

    Robert Fisk - The Independent Info-Palesine

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    Les soldats égyptiens entourent les manifestants restés sur la place Tahrir au Caire, hier, tandis que le commandement militaire tente d’amadouer les gens pour qu’ils reprennent leurs activités habituelles - Photo : AP/Manoocher Deghati

    Deux jours après que des millions d’Egyptiens aient mené leur révolution contre le régime de Hosni Moubarak, l’armée du pays - dirigée par l’ami de toujours de Moubarak, le général Mohamed el-Tantawi - a hier encore consolidé son pouvoir sur l’Egypte en renvoyant le parlement et en suspendant la constitution. Le premier ministre désigné par Moubarak, l’ex-général Ahmed Shafiq, a déclaré aux Egyptiens que ses premières priorités étaient « la paix et la sécurité » pour empêcher « le chaos et le désordre » - le slogan tellement méprisé et si souvent repris par l’ex-président. Plus ça change ?

    Dans leur désespoir de vouloir honorer la promesse du conseil militaire que Le Caire retourne à la vie normale, des centaines de troupes égyptiennes - principalement non armées - sont apparues sur la place Tahrir pour exhorter les manifestants qui y étaient restés à quitter le campement qu’ils occupaient depuis 20 jours. Au début, la foule les a accueillies comme des amis, en leur offrant nourriture et eau. Des policiers militaires en bérets rouges, là encore sans armes, sont arrivés pour le contrôle du trafic. Puis un jeune officier a commencé à repousser les manifestants avec une canne - les vieilles habitudes ont la vie dure chez ces jeunes hommes portant un uniforme - et pour un moment, nous nous sommes trouvés en face d’une reprise en miniature de la fureur à l’encontre de la police de Moubarak sur le mêmes lieux le 28 Janvier.

    Cela reflète la préoccupation grandissante parmi ceux qui ont renversé Moubarak, que les fruits de leur victoire puissent être engloutis par une armée composée en grande partie de généraux qui ont obtenu leur grades et leurs privilèges grâce à Moubarak lui-même. Personne ne s’oppose à la dissolution du parlement car les élections truquées par Moubarak l’an dernier - et toutes les autres années - ont été tellement clairement frauduleuses. Mais le « conseil militaire » ne donne aucune indication sur la date pour la tenue d’élections libres et équitables promises au Egyptiens.

    La suspension de la Constitution - un bout de papier que les millions de manifestants ont toujours considéré comme un laissez-passer pour la dictature présidentielle - a laissé la plupart des Egyptiens impassibles. Et l’armée, après avoir reçu les félicitations d’Israël pour sa promesse d’honorer le traité de paix égypto-israélien, a annoncé qu’elle allait exercer le pouvoir pour seulement six mois, sans dire un mot, en vérité, sur le fait qu’elle puissent ou non reconduire le régime militaire après cette date.

    Mais il se trouve une divergence notable entre les demandes des jeunes hommes et femmes qui ont fait tomber le régime de Moubarak, et les concessions - à supposer qu’il y en ait - que l’armée semble disposée à leur accorder. Un petit rassemblement tenu sur le côté de la place Tahrir a rappelé une série de demandes qui comprennent notamment la suspension du vieil état d’urgence instauré par Moubarak et la libération des prisonniers politiques. L’armée a promis de résilier la loi sur l’état d’urgence « au moment adéquat », mais aussi longtemps que cette loi demeurera en vigueur, elle donnera aux militaires le même pouvoir qu’avait Moubarak d’interdire toutes les protestations et manifestations, ce qui est une des raisons pour lesquelles ces petites batailles ont éclaté hier entre l’armée et le peuple sur la place.

    Quant à la libération des prisonniers politiques, l’armée est restée étrangement silencieuse. Est-ce parce qu’il y a des prisonniers qui en savent trop sur l’implication de l’armée dans le régime précédent ? Ou parce les prisonniers qui se sont échappés ou ont été libérés des camps dans le désert sont de retour au Caire et à Alexandrie avec des histoires terribles de torture et d’exécutions par - disent-ils - des militaires ? Un officier de l’armée égyptienne connu de The Independent soulignait hier que les prisons du désert étaient dirigées par des unités de renseignement militaire qui travaillaient pour le ministère de l’Intérieur - et non pour le ministère de la défense.

    En ce qui concerne les échelons supérieurs de la police de sécurité de l’Etat qui ont ordonné à leurs hommes - leurs fidèles voyous Baltagi en tenue civile - d’attaquer les manifestants pourtant pacifiques au cours de la première semaine de la révolution->], ils semblent avoir pris les vols réguliers vers les pays arabes du Golfe. Selon un agent du Service d’enquête criminelle de la police du Caire à qui j’ai parlé hier, tous les officiers responsables de la violence qui a fait plus de 300 morts Egyptiens ont fui l’Égypte avec leurs familles en direction de l’émirat d’Abu Dhabi. Les criminels qui ont été payés par les flics pour battre les manifestants ont disparu sous terre - qui sait où leurs services pourraient être requis prochainement ? - tandis que les officiers de police de rang intermédiaire attendent que la justice suive son cours contre eux. Si cela se fait.

    Tout cela, bien sûr, dépend de la taille des archives abandonnées par le régime et de la mesure dans laquelle les autorités - actuellement l’armée - sont prêtes à remettre ces documents disponibles à un appareil judiciaire nouveau et réformé. Quant à la police des villes, qui se cachait dans les postes de police avant que ceux-ci soient brûlés le 28 janvier, ils se sont rendus au ministère de l’Intérieur hier au Caire pour demander de meilleurs salaires. Que les policiers se transforment maintenant eux-mêmes en manifestants - ils vont bien sûr obtenir leurs augmentations de salaire - a été l’un des moments les plus impérissables de l’Egypte post-révolutionnaire.

    Maintenant, bien sûr, c’est au tour de l’Egypte d’assister aux effets de sa propre révolution sur ses voisins. Difficile de trouver une famille en Egypte qui ne soit pas au courant hier de la troisième journée de manifestations contre le président du Yémen et de la violence policière qui les accompagnait. Et il est remarquable que, tout comme les manifestants arabes imitent leurs homologues et leur succès en Egypte, les appareil de sécurité de chaque régime arabe reproduisent fidèlement les tactiques infructueuses des voyous Moubarak.

    Une autre ironie est tombée sur les Egyptiens. Ces dictateurs arabes qui prétendent représenter leur peuple - l’Algérie vient à l’esprit, et la Libye et le Maroc - n’ont manifestement pas réussi à franchir le pas de vraiment représenter leur peuple en félicitant l’Egypte pour sa révolution démocratique réussie. Pour ce faire, il va sans dire, il leur faudrait scier les pieds sur lesquels repose leur trône.

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    Du même auteur :

    -  Un tyran s’en va et toute une nation exulte - 12 février 2011
    -  La révolution égyptienne met à nu le racisme occidental - 11 février 2011
    -  Egypte : 3e semaine, 16e jour, et le régime s’enlise de plus en plus - 9 février 2011
    -  Moubarak est sur le point de s’en aller - 6 février 2011
    -  Epuisés et craignant pour leur vie, les manifestants préparent la succession du régime Moubarak - 5 février 2010
    -  Religieux ou laïcs, pauvres ou riches, ils était tous présents - 2 février 2011
    -  Combien de temps Moubarak pourra-t-il encore s’accrocher ? - 31 janvier 2011
    -  La brutale vérité sur la Tunisie - 20 janvier 2011
    -  Israël s’est glissé dans l’UE sans que personne ne le remarque - 3 août 2010
    -  Le journalisme et les « mots de pouvoir » - 31 mai 2010


     
     

    14 février 2011 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
    http://www.independent.co.uk/news/w...
    Traduction : Abd al-Rahim

     

     


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  • La chute d’Hosni Moubarak

    La fin du règne de Moubarak est en partie liée aux rapports complexes entre l'armée et la police égyptiennes. Paul Amar nous livre une cartographie passionnante des mécanismes de cette révolution et de ses multiples acteurs.

    par Paul Amar Le 13 février 2011 OWNI ICI

    Traduction et adaptation d’un article de Paul Amar paru le 1er février sur Jadaliyya.com
    Paul Amar
    est professeur en relations internationales à l’Université de Californie, Santa-Barbara.

    Le Président Hosni Moubarak a perdu son pouvoir politique le vendredi 28 janvier.
    Cette nuit-là les soldats égyptiens ont laissé brûler le quartier général de son Parti National Démocratique et ont commandé aux brigades de police qui attaquaient les manifestants de réintégrer leurs casernes. Quand les appels à la prière du soir furent lancés et que personne ne comptait respecter le couvre-feu, il était clair que le vieux président était réduit à une autorité fantôme.
    La « Million Man March » du 1er février marque l’émergence spectaculaire d’une société politique d’un genre nouveau en Egypte : unissant des éléments reconfigurés de la sûreté de l’Etat avec des hommes d’affaires, des leaders internationaux, des mouvements populaires relativement nouveaux de jeunes, de travailleurs, de femmes et des groupes religieux.

    Pour savoir où va l’Egypte, et la forme que pourrait y prendre la démocratie, nous avons besoin de remettre les mobilisations populaires dans leurs contextes militaires, économiques et sociaux. Quelles sont les autres forces derrière ce revirement? Et comment le gouvernement militaire de transition va-t-il coexister avec le mouvement de protestation fort de plusieurs millions de personnes ?

    Le siège du NDP au 29 janvier

    De nombreux commentateurs internationaux et quelques analystes politiques arrivent difficilement à comprendre la complexité des forces qui conduisent et répondent aux événements de la plus haute importance auxquels nous assistons. La confusion provient du fait qu’ils observent ceux-ci avec d’un point de vue manichéen. Ce genre de perspective obscurcit plus qu’elle n’éclaire.
    Il y a trois modèles binaires proéminents ici, et chacun est porteur de sa propre valeur :

    1. Le Peuple contre la Dictature : cette vision conduit à la naïveté libérale et à la confusion sur le rôle joué par les militaires et l’élite dans le soulèvement.

    2. Les Séculaires contre les Islamistes : ce modèle mène à la stabilité appelée depuis les années 80 et à l’islamophobie.

    3. La Vieille Garde contre la Jeunesse Frustrée : cette perspective est teintée d’une romance soixante-huitarde qui ne peut pas expliquer les dynamiques structurelles et institutionnelles conduisant au soulèvement, ni prendre en compte les rôles clés joués par beaucoup de septuagénaires de l’époque Nasser.

    Pour commencer à cartographier une vision plus globale, il serait utile d’identifier les pièces en mouvement sur l’échiquier militaire et policier de la sûreté de l’Etat et de voir comment les affrontements au sein de et entre ces institutions coercitives sont liés à l’évolution des hiérarchies et aux formations de capitaux. Je vais aussi observer ces facteurs à la lumière de l’importance de nouveaux mouvements sociaux non-religieux et de l’identité internationale ou humanitaire de certaines figures qui émergent au centre de la nouvelle coalition d’opposition.

    Les commentateurs occidentaux, qu’ils soient de droite ou de gauche, tendent à considérer toutes les forces de coercition des Etats non-démocratiques comme les marteaux de la dictature ou comme les expressions de la volonté d’un chef autoritaire. Mais chaque police, armée et appareil sécuritaire a sa propre histoire, sa culture, son appartenance de classe et, souvent, sa propre source de revenus et de soutiens.

    Décrire tout cela en détail prendrait plusieurs ouvrages, mais tentons brièvement d’en faire le tour ici.

    Les forces de police al-shurta

    En Egypte, elles sont dirigées par le Ministre de l’Intérieur qui était très proche de Moubarak et qui en est devenu politiquement dépendant. Mais les postes de police ont gagné en autonomie au cours des dernières décennies. Parfois, cette autonomie s’exprime dans l’adoption d’une idéologie militante ou d’une mission morale ; certaines brigades des moeurs ont pris le trafic de drogue à leur compte, d’autres rackettent les petits commerces en échange de leur protection mafieuse.

    Dans une perspective bottom-up, la dépendance politique de la police n’est pas grande. La police s’est développée pour devenir une espèce d’entreprise cherchant son propre intérêt. Dans les années 80, elle a du faire face à la croissance de gangs, appelés baltagiya en arabe égyptien. Ces organisations affirmaient leur pouvoir sur de nombreuses extensions et bidonvilles du Caire. Les étrangers et la bourgeoisie égyptienne les considèrent comme des islamistes mais ils sont pour la plupart tout à fait dénués d’appartenance idéologique.

    Lazoughli Square : les manifestants en route pour le Ministère de l'Intérieur

    Au début des années 90, le Ministère de l’Intérieur, voyant qu’il ne pouvait pas les combattre, a décidé de les acheter. Ainsi, le Ministère de l’Intérieur et les Services Centraux de Sécurité ont commencé à sous-traiter la coercition aux baltagiya, les payant bien et les entraînant à utiliser une brutalité sexualisée (des attouchements au viol) pour punir ou décourager les manifestantes ou les détenus masculins. C’est aussi à ce moment que le Ministère de l’Intérieur a transformé le Bureau d’Enquêtes de la Sécurité d’Etat (State Security Investigations, mabahith amn al-dawla) en une menace monstrueuse, arrêtant et torturant de nombreux dissidents politiques.

    Les Services Centraux de Sécurité Amn al-Markazi

    Ils ne dépendent pas du Ministère de l’Intérieur. Ce sont les hommes casqués à l’uniforme noir que les médias appellent « la police ». Les Services Centraux de Sécurité étaient censés agir comme l’armée privée de Moubarak. Ils n’ont rien à voir avec les gardes révolutionnaires ou les brigades morales comme les basiji qui ont joué un rôle dans la répression du Mouvement Vert en Iran. Les Amn al-Markazi sont sous-payés et n’ont pas d’appartenance idéologique.
    En outre, à plusieurs reprises, ces brigades de la Sécurité Centrale se sont soulevés en masse contre Moubarak lui-même, pour demander une hausse des salaires et de meilleures conditions de travail. La vue de ces Amn al-Markazi désarmés et embrassés par les manifestants est devenue l’une des icônes de la révolution égyptienne. La disparition de l’autorité de Moubarak pourrait remonter au moment exact où les manifestants déposèrent des baisers sur les joues des officiers Markazi avant que ceux-ci n’entrent dans les nuages de gaz lacrymogène pour ne plus revenir.

    Membre des Service centraux de sécurité

    Des Forces Armées divisées

    Les Forces Armées de la République Arabe d’Egypte n’ont pas grand chose à voir avec les Markazi ou la police. On pourrait dire que l’Egypte est toujours une « dictature militaire » (si l’on veut utiliser le terme) puisque le régime est toujours celui qui fut installé par la Révolution des Officiers Libres dans les années 50. Mais l’armée a été marginalisée depuis la signature, par le président égyptien Anouar Sadate, des accords de Camp David avec Israël et les Etats-Unis.
    Depuis 1977, l’armée n’est pas autorisée à combattre. Au lieu de ça, les généraux ont reçu énormément d’argent de la part des Etats-Unis. On leur a accordé des concessions sur des centres commerciaux égyptiens, on leur a permis de développer des gated communities dans le désert et des stations balnéaires à la côte. Et on les a encouragé à se réunir dans des clubs sociaux bon marché.

    Tout cela a fait d’eux les hommes d’affaires d’un groupe d’intérêt incroyablement organisé. Ils sont attirés par l’investissement étranger mais leur loyauté est économiquement et symboliquement liée au territoire national. Comme nous pouvons le constater en examinant d’autres cas de la région (Pakistan, Irak, le Golfe), l’argent américain n’achète pas la loyauté envers l’Amérique, il n’achète que le ressentiment.

    Ces dernières années, l’armée égyptienne est parcourue par un sentiment croissant de devoir national et a développé une honte amère par rapport à ce qu’elle considère comme sa « castration » : le sentiment qu’elle n’était pas là pour le peuple. Les Forces Armées veulent restaurer leur honneur et sont dégoutées par la corruption de la police et la brutalité des baltagiya.

    Et il semblerait que les forces armées, en tant que « capitalistes nationalistes », se considèrent comme les ennemis jurés des « capitalistes complices » associés au fils d’Hosni Moubarak, Gamal, qui ont privatisé tout ce qu’ils ont pu et ont vendu le pays à la Chine, aux Etats-Unis et au Golfe Persique.

     

     

    C’est donc pour cela qu’on a pu assister, dans les premiers jours de cette révolution, le vendredi 28 janvier, à un « coup » de l’armée contre la police et la Sécurité Centrale, et à la disparition de Gamal Mubarak et de Habib el-Adly, le Ministre de l’Intérieur honni. Pourtant, l’armée est aussi divisée par des contradictions internes. Au sein des Forces Armées, il y a deux branches d’élite : la Garde Présidentielle et l’Armée de l’Air. Ces deux branches sont restées proches de Moubarak alors que le gros de l’armée s’est tourné contre lui.

    Ceci explique pourquoi vous pouviez voir le Général en Chef des Forces Armées, Muhammad Tantawi, se rendre sur Tahrir pour montrer son soutien aux manifestants alors que simultanément le chef des Forces Armées était nommé Premier Ministre et envoyait des avions de chasse aux mêmes manifestants. Ceci explique aussi pourquoi la Garde Présidentielle a protégé l’immeuble de la Radio/Télévision et a combattu les manifestants le 28 janvier au lieu de prendre leur défense.

    Les Services de Renseignement

    Le Vice Président, Omar Suleiman, nommé le 29 janvier, était auparavant le chef des Services de Renseignement (al-mukhabarat), qui font aussi partie de l’armée (et pas de la police).
    Le renseignement est chargé des opérations secrètes dirigées vers l’extérieur, des détentions et des interrogatoires (et donc aussi de la torture et des « transferts » de non-Egyptiens). Les Services de Renseignement sont en mesure de faire pencher la balance de manière décisive lors des élections.
    Comme je le comprends, les Services du Renseignement détestent Gamal Moubarak et la faction des « capitalistes complices », mais ils sont obsédés par la stabilité et entretiennent une longue relation intime avec la CIA et l’armée américaine. La montée de l’armée, et, en son sein, des Services de Renseignement, explique pourquoi tous ceux qui trempaient dans les affaires de Gamal Moubarak ont été purgé du cabinet le vendredi 28 janvier et pourquoi Suleiman a été fait Vice-Président par intérim (et agit en fait comme Président en fonction).

    Cette révolution ou ce changement de régime pourrait être complet quand les tendances anti-Moubarak au sein de l’armée auront consolidé leur position et rassurer les Services de Renseignement et l’Armée de l’Air qu’ils peuvent s’ouvrir en toute confiance aux nouveaux mouvements populaires et à ceux coalisés autour du leader d’opposition El Baradei.

    Ceci constitue la version optimiste de ce qu’on peut entendre lorsque Obama et Clinton parlent d’une « transition ordonnée ».

    Le peuple veut ta chute

    Business, nationalisme et naissance de la contestation

    Le lundi 31 janvier, nous avons vu Naguib Sawiris, peut-être l’homme d’affaires égyptien le plus riche et le leader symbolique de la faction des « capitalistes nationalistes », se joindre aux manifestants et demander le départ de Moubarak. Au cours de la dernière décennie, Sawiris et ses alliés étaient menacés par le néolibéralisme extrême de Moubarak-et-fils et par leur préférence pour les investisseurs étrangers.

    Parce que leurs investissements sont mêlés à ceux de l’armée, les intérêts de ces hommes d’affaires égyptiens sont liés au pays, à ses ressources, et à ses projets de développement. Ils sont exaspérés par la corruption du cercle intime de Moubarak.

    En parallèle avec le retour d’un nationalisme organisé associé à l’armée et dirigé contre la police (un processus qui avait cours également durant la bataille contre le colonialisme anglais dans les années 30-50), il y a le retour de mouvements de travailleurs très organisés et puissants, principalement parmi les jeunes.
    2009 et 2010 ont été marqués par de grandes grèves nationales, des sit-ins gigantesques et des manifestations de travailleurs sur les lieux-mêmes qui ont donné naissance au soulèvement de 2011. Et les zones rurales se sont soulevées contre les efforts gouvernementaux pour exproprier les petits fermiers de leur terre, s’opposant aux tentatives gouvernementales de re-créer les vastes fiefs qui définissaient la campagne pendant les périodes coloniales ottomane et britannique.

    En 2008, nous avons vu émerger le Mouvement du 6 Avril, fort d’une centaine de milliers de personnes et conduisant à une grève générale nationale. Et en 2008 et décembre 2010 nous avons vu la création du premier syndicat indépendant du secteur public. Puis le 30 janvier 2011 des groupes de syndicats issus de la plupart des villes industrielles se sont regroupés pour former une Fédération Indépendante des Syndicats.

    Travailleurs sur Tahrir Square

    Ces mouvements sont organisés par de nouveaux partis politiques de gauche qui n’ont aucune relation avec les Frères Musulmans, et qui n’ont aucune connexion avec les générations passées du Nasserisme. Ils ne se positionnement pas contre l’Islam, évidemment, et ne se prononcent pas sur la division entre le séculaire et le religieux.

    Leur intérêt est de protéger les fabriques nationales et les petits propriétaires terriens, ils demandent l’investissement des deniers publics dans des projets de développement économique nationaux, et cela concorde avec les intérêts de la nouvelle alliance capitaliste nationaliste.

    Des mouvements sociaux coordonnés avec le Net

    Nous voyons donc que derrière les ONG et les vagues de protestations conduites à partir de Facebook, il y a d’importantes forces structurelles et économiques et un réalignement institutionnel en cours. La population égyptienne se chiffre officiellement à 81 millions de personnes, mais en réalité elle va bien au-delà des 100 millions parce que certaines familles n’enregistrent pas tous leurs enfants pour leur épargner le service dans l’Amn Al-Markazi ou l’armée. À mesure que la jeune population s’organise, ces mouvements sociaux et coordonnés depuis l’Internet deviennent très importants.

    On peut les regrouper en trois tendances :

    1.Un groupe de nouveaux mouvements s’organise avec et autour des normes internationales, et pourrait donc tendre vers des perspectives et des discours séculaires et de mondialisation.

    2.Un deuxième groupe s’organise à travers la culture légale très active et indépendante des institutions judiciaires égyptiennes. Cette culture légale forte n’est certainement pas une importation des « Droits de l’Homme occidentaux ». Des avocats, des juges et des millions de plaideurs – hommes et femmes, travailleurs, fermiers et élites – ont gardé le système judiciaire en vie et ont sans cesse résisté à l’autoritarisme et à la perte de leurs droits.

    3.Un troisième groupe se trouve à l’intersection entre des ONG internationales, des groupes de défense des droits et de nouveaux mouvements de féministes, de ruraux, de travailleurs et de gauche. Ce dernier groupe critique l’universalisme des discours séculaires des Nations Unies et des ONG et s’appuie sur la force de l’activisme légal et travailleur égyptien. Mais il développe aussi ses propres solutions et innovations – bon nombre d’entre elles ont été montrées dans les rues ces derniers jours.

    Nuit de camping à Tahrir Square

    L’Egypte sur la scène internationale

    Un dernier élément qu’il reste à examiner est le rôle critique et souvent négligé joué par l’Egypte au sein des Nations Unies et d’organisations humanitaires, et comment cette histoire revient pour animer la politique domestique et offrir une certaine légitimité et un certain leadership à Muhammad ElBaradei. L’ancien directeur de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique semble avoir été choisi par le Front Démocratique Uni pour servir de président par intérim et pour diriger le pays pendant la période de transition et la rédaction d’une nouvelle constitution.

    Au début des années 2000, ElBaradei a courageusement dirigé l’AIEA en affirmant qu’il n’y avait pas d’armes de destruction massive en Irak et que l’Iran ne développait pas l’arme nucléaire. Il a reçu le Prix Nobel pour avoir fait prévaloir la loi internationale sur l’agression et la guerre et pour avoir endigué la préparation d’une guerre contre l’Iran.
    Ce n’est ni un radical ni un Gandhi égyptien, mais il n’est pas non plus une marionnette ou un fantoche américain. A ses côtés se tenait aussi l’acteur égyptien Khaled Abou Naga, ambassadeur auprès de l’UNICEF. Cela semble être davantage une révolution humanitaire qu’un soulèvement mené par les Frères Musulmans. C’est un changement de régime digne du 21e siècle – profondément local et simultanément international.

    Mohmmed ElBaradei, 2009, Nations Unies

    Il est important de se rappeler que la toute première force d’intervention humanitaire et armée des Nations Unies a été créée par les efforts conjoints de Gamal Abdel Nasser et du Président américain Eisenhower (deux soldats, bien sûr) en 1960 pour maintenir la paix à Gaza et pour empêcher les anciens pouvoirs colonialistes et Israël d’envahir l’Egypte pour reprendre le Canal de Suez.

    Puis, dans les années 90, Boutros Boutros-Ghali fut le Secrétaire Général des Nations Unis. Aida Seif Ad-Dawla, quant à elle, est candidate au poste de Rapporteur des Nations Unis sur la torture. Les Egyptiens soutiennent depuis longtemps les lois internationales, les normes humanitaires et les droits humains. L’internationalisme égyptien insiste sur l’application des principes des Droits de l’Homme et des lois humanitaires en temps de guerre même contre les pressions des super-puissances.

    Dans ce contexte, l’émergence d’ElBaradei comme leader est tout à fait compréhensible. Pourtant, la dimension internationaliste du soulèvement « local » égyptien est profondément ignorée par la plupart des commentateurs bien-pensants pour qui « international » signifie « l’Occident » et pour qui les manifestants égyptiens sont dirigés par une politique des tripes plutôt que par des principes.

    Moubarak a perdu le pouvoir bien avant le 11 février.

    Le nouveau cabinet est composé de chefs du Renseignement, de l’Armée de l’Air et de l’autorité pénitentiaire, ainsi que d’un dirigeant de l’Organisation Internationale du Travail. Ce groupe représente le coeur d’une « coalition pour la stabilité » qui va travailler pour réunir les intérêts d’une nouvelle armée et de la main d’oeuvre et du capital national tout en rassurant les Etats-Unis.
    Oui, c’est un remaniement de cabinet, mais un remaniement qui reflète un important changement de direction politique. Mais rien de tout cela ne comptera comme transition démocratique tant qu’une vaste coalition de mouvements sociaux locaux et internationalistes égyptiens ne brisera pas ce cercle et n’imposera pas les termes et le programme d’une transition.

    Je serais prêt à parier que les chefs du nouveau cabinet ne résisteront pas à la volonté des soulèvements populaires forts de cent millions d’Egyptiens.

    A lire en complément :
    > Moubarak est parti. Et après ?
    > Tous les articles d’Owni sur l’Egypte
    -
    Traduction : Damien Spleeters
    Titre original : Why Moubarak is out
    -
    Crédits photo, via Flickr : Par Guebara Graphics, [cc-by-nc-sa] : Affiche de Mubarak ; Par Hossam El-Hamalawy, [cc-by-nc-sa] : Camping place Tahrir, Siège du NDP, Tank sur Tahrir Sq. , Pancarte, Service Centraux de Sécurité , les travailleurs, Lazoughli Sq., ; Par United Nations Photo, [cc-by-nc-sa]Mohammed ElBaradei ,


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  • Les voici, les révoltés du Nil.

    Robert BIBEAU

    L’Égypte, ce don du Nil, ce fleuve aux grandes eaux, majestueux et beau qui serpente entre les dunes depuis les lacs jusqu’à la mer. Au passage, il arrose le Caire – la capitale mégalopole – et Alexandrie la Magnifique, où des barbares européens, un jour, ont détruit les vestiges d’une civilisation millénaire (1).

    « Un air de liberté », susurrait un intellectuel distrait, car il s’achève, paraît-il, le temps du « maintien des régimes autoritaires qui ne rendent jamais aucun compte à leurs citoyens. » (2). Bientôt, les Égyptiens en âge de voter auront le droit, espère ce confrère, de tracer une croix sur un bulletin d’utopie et le bonheur s’ensuivra, qu’il a écrit, le journaliste français en visite indolente au sarcophage du Roi des Rois.

    Pourtant, vous qui vivez sous des régimes « démocratiques », qui a entendu votre voix ? Quel gouvernement, aux États-Unis, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Italie, vous a rendu des comptes pour avoir subventionné les banques lors du krach boursier qui vous a ruinés ? Quel gouvernement « démocratique » vous a écouté et a cessé de couper dans les services sociaux, l’éducation, les services de santé, les caisses de retraite, suite à vos supplications désespérées ? Lequel de vos gouvernements vous a compris et s’est attelé sérieusement à stopper la destruction de la planète par les pollueurs industriels privés ? De qui se moque-t-on, pensez-vous ?

    Chaque Égyptien bénéficiait déjà du droit de la tracer, sa croix, comme vous, à Paris, à Amsterdam ou à Montréal. Tout Égyptien en âge de voter avait le devoir de déposer son ex-voto aux pieds de l’un ou de l’autre des candidats désignés par le pouvoir détesté.

    Qui voudrait nous faire croire que plus de mille jeunes Égyptiens ont donné leur vie pour obtenir le douteux privilège de voter sur une liste plus imposante de faux jetons et de faux-culs, comprenant cet opposant qui présente son « plan de réforme de la constitution » à l’ambassadrice américaine, ce champion de la petite bourgeoisie européenne, ce « Mohammed El-Baradeï, l’ancien secrétaire général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), dont on s’inquiète de savoir s’il sera « capable de fédérer les oppositions ? » (3). Fédérer qui ? Au bénéfice de qui, Monsieur le Reporter sans Frontière ?

    Qui nous fera croire que des milliers ont été blessés pour obtenir le privilège de « crucifier » le nom d’un ex-fonctionnaire du FMI qui a jeté l’Égypte dans la misère, après lui avoir prêté de l’argent à taux d’usuraire ? Ou encore pour le privilège de voter en faveur d’un plénipotentiaire des droits de l’homme ? « Les États-Unis ont fabriqué des opposants plus représentatifs, comme Ayman Nour, que l’on ne tardera pas à sortir du chapeau, même si ses positions en faveur du pseudo-libéralisme économique le disqualifie au regard de la crise sociale que traverse le pays. » (4).

    Faut-il espérer que les Égyptiens pourront tracer leur croix en face du nom d’un « frère musulman », ceux qui, justement, palabrent en ce moment avec Souleiman-le-Tortionnaire, qui sera lui-même candidat à la succession de son frère ?

    Nommez-les, chacun de ces candidats prêts à offrir sa collaboration pour sortir l’Égypte de la révolte et la remettre au chômage, au service de la classe des riches parasites qui ont déjà expatrié leurs familles dans l’espoir de jours plus cléments et qui reviendront pour la curée, quand tout risque de révolte aura été conjuré. Égypte tragique, on te trahit de tous côtés ; sauras-tu conserver ta liberté, si jamais tu parviens à la recouvrer ?

    Qui est à l’origine du soulèvement et des révoltes en Égypte ? Deux observateurs vivant au pays depuis longtemps ont écrit ceci : « Prévue, préparée, planifiée, annoncée, cette révolution est le résultat d’un long cheminement, d’une longue gestation. Qui est derrière ce soulèvement ? – Les Frères Musulmans ? Le Mossad ? L’Iran ? L’Amérique ? L’Occident ? Tel ou tel autre agent étranger ? Ou bien, tout simplement, le peuple égyptien lui-même – un peuple qui avait trop supporté, trop souffert, trop subi –, qui n’en pouvait plus d’être écrasé, exploité, piétiné – et qui a, tout à coup, éclaté. Si c’est le peuple, quel peuple ? Non pas le tout petit peuple qui a toujours vécu dans la peur et la soumission…, mais une certaine catégorie, très précise : les jeunes – et plus précisément les 25-35 ans - diplômés d’hier et pourtant chômeurs, frustrés, sans emploi, sans logement, sans perspective d’avenir. » (5). L’information ne vient pas de journalistes maraudeurs mais d’individus arpentant les rues du Caire depuis des lustres.

    Je suis étonné d’apprendre que ces jeunes désoeuvrés ont planifié et organisé cette révolte, que je ne qualifierais pas de « Révolution » cependant. Pas encore, compte tenu de ses résultats et de son déroulement.

    La crise économique, le FMI et la Banque mondiale ont jeté ces jeunes instruits sur le pavé, sans ressources, sans avenir, n’ayant que la misère et la dictature comme perspective. Leur révolte n’est pas une révolte pour la « démocratie » bourgeoise et le droit de voter pour élire leurs oppresseurs ; c’est une révolte pour la vie, pour le pain, pour le travail, pour la dignité et pour avoir, eux aussi, un avenir, à défaut d’avoir eu un passé. Pour le droit de se marier et d’élever des enfants et de les éduquer dans la dignité, décemment, fièrement, en travaillant. Est-ce trop demander ? Non, assurément.

    Le renversement du vieux raïs est-il suffisant pour leur apporter la prospérité ? Non, évidemment : c’est tout le système social néocolonial qui étreint l’Égypte qu’il leur faut mettre à bas. À nouveau, ces deux observateurs lucides écrivent ceci « Ce sont ces jeunes – ouverts, émancipés, capables de réflexion et de critique – qui ont concocté, organisé et mis au monde cette « révolution ». Mais une fois mise au monde, celle-ci n’a pas tardé à être arnaquée par les Frères Musulmans, qui ont cherché à la récupérer, à en faire leur affaire, à la voler aux jeunes qui l’avaient créée et inventée. » (6). Les arnaqueurs ne sont pas qu’au Caire mes frères ; ils sont aussi à Washington, à Londres et à Paris : quelle tragique comédie !

    Je l’écrivais précédemment, il ne fait pas de doute qu’un bras de fer est engagé entre deux factions au sein du patronat et au sein de l’armée. D’un côté, le courant réactionnaire, les caciques du pouvoir, la garde rapprochée de Moubarak et d’Omar Souleiman, le bras droit du répudié. De l’autre, une faction « moderniste », dirigée depuis l’ambassade américaine au Caire, qui espère qu’un nouveau masque de « démocratie » parera l’Égypte des atouts rêvés et la fera aimer comme une nouvelle égérie. Si la rue n’explose pas, l’armée va trancher (7).

    Venons-en au dernier – et premier – protagoniste de ces événements, le peuple lui-même « Celui-ci, pris de court par la soudaine disparition des forces de sécurité et la surprenante libération des prisonniers, a tout d’abord paniqué face aux hordes de bandits qui ont déferlé sur la ville. Mais les gens se sont très vite repris et organisés pour résister et faire face. Des comités de défense civile sont nés spontanément un peu partout, prenant position au pied des immeubles, au coin des rues, pour se défendre, protéger leurs familles et leurs biens, organiser la circulation et le ramassage des ordures. » (8).

    En province égyptienne la "sécurité" a commencer à frapper et les morts se compte par centaine (9). Ils tentent d’écraser la province puis ce sera au tour de la capitale. Rien n’est encore joué et il ne faut pas désespérer. Récemment les révoltés se sont dotés d’une « Coalition » pour se coordonner, cumuler l’expérience, poursuivre leur combat et résister : voilà - enfin ! - une nouvelle encourageante (10). Les insurgés doivent être aux aguets, toutefois : celui qui leur susurrera le compromis se sera trahi ; espérons qu’ils le chasseront de la coalition afin de mener à terme le renversement du régime, qu’aucun cacique ne reste et que tous disparaissent.

    Voilà où en est la révolte égyptienne : quelque part entre la relance et la déconvenue. Il est à espérer que les révoltés de la rue n’écouteront pas les muses de l’Occident (celles-ci n’ont en effet rien à leur enseigner) et qu’ils durciront le ton, radicaliseront leur détermination et ne feront aucun compromis avec l’opportunisme : l’Égypte mérite mieux que la démocratie bourgeoise et l’alternance entre la gauche caviar et la droite parvenue, elle mérite un nouveau régime social.


    (1) Le Nil. http://fr.wikipedia.org/wiki/Nil

    (2), (3) De la Tunisie à l’Égypte un air de liberté. Alain Gresh. 4.02.2011. http://www.monde-diplomatique.fr/ca...

    (4) L’Égypte au bord du sang. Thierry Meyssan. 31.01.2011. http://www.voltairenet.org/article1...

    (5), (6), (8) Égypte. La révolution du 25 janvier 2011. 4.02.2011. Henri Boulad, sj, directeur du Centre Culturel Jésuite d’Alexandrie. Soliman Chafik, journaliste et analyste politique. 4.2.2011. http://www.robertbibeau.ca/palestin...

    (7) La révolution démocratique égyptienne : l’armée va trancher. 8.02.2011. Robert Bibeau. http://www.agoravox.fr/actualites/i...

    (9) Extrême violence en province. Libération. 6.02.2011. http://crisdegypte.blogs.liberation...

    (10) Égypte : proposition de réformes insuffisantes. 6.02.2011. "La Coalition" qui regroupe des représentant du Mouvement du 6 avril, du Groupe pour la justice et la liberté, de la "Campagne du porte-à-porte", de la "Campagne populaire de soutien à ElBaradei", des Frères musulmans et du Front démocratique. http://www.aloufok.net/spip.php?art...

    URL de cet article 12749
    http://www.legrandsoir.info/LES-VOICI-LES-REVOLTES-DU-NIL.html
     

    5 commentaires
  • Explosion de joie dans les rues du Caire, après l'annonce par le vice-président Omar Souleiman de la démission du Président, qui a déjà quitté Le Caire. Le pouvoir est remis à l'armée.
     

    2 commentaires
  • Ce billet fait partie de notre dossier sur l'Egypte.

    Protesting to the beat of a drum on Tahrir Square, Cairo

    On manifeste au son du tambourin sur la place Tahrir, au Caire. Photo Adham Khorshed © Copyright Demotix (09/02/2011)

    Une liste de revendications des manifestants de la place Tahrir a été mise sur Internet aujourd'hui, au 17e jour des manifestations de masse qui appellent à travers l'Egypte au renversement du régime Moubarak. Avec en première place, la démission du président Hosni Moubarak.

    Wael Khalil liste ces revendications sur son blog (en arabe) et il écrit :

    هذه المطالب هي نتاج نقاشات متعددة تمت داخل الميدان ولكنها بالتأكيد ليست ممثلة لكل الميدان
    Ces revendications sont le résumé de diverses conversations place Tahrir, et ne représentent, bien entendu, pas chaque personne sur la place

    Les revendications immédiates sont :

    1. استقالة رئيس الجمهورية مُحمّد حُسني مُبارك
    2. إلغاء العمل بقانون الطوارئ
    3. إلغاء جهاز مباحث أمن الدولة
    4. إعلان عُمَر سُلَيمان التزامه بعدم الترشح للرياسة في الانتخابات الرئاسية القادمة
    5. حل مَجلسي الشعب و الشورى
    6. الإفراج عن كل المعتقلين منذ 25 يناير
    7. إنهاء حظر التجوّل لعودة الحياة الطبيعية في كل أنحاء البلاد
    8. الغاء الحرس الجامعي
    9. إحالة المسؤولين عن استخدام العنف ضد المتظاهرين السلميين منذ 25 يناير، والمسؤولين عن أعمال البلطجة المنظمة التي تَلَت 28 يناير للتحقيق
    10. اقالة أنس الفقي ووقف التجييش بلهجة التخوين والتهديد في أجهزة الإعلام الحكومية ضد الثورة، ووقف إثارة الكراهية في الشوارع ضد الأجانب
    11. تعويض أصحاب المحلات عن خسائرهم أثناء حظر التجول
    12. إذاعة المطالب أعلاه في تلفزيون و راديو الحكومة

    1. Démission du président Mohammed Hosni Moubarak
    2. Annulation de l'état d'urgence
    3. Démantèlement du service secret d'Etat
    4. Annonce par (le Vice-Président) Omar Sulieman qu'il ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle
    5. Dissolution du Parlement et du Conseil de la Choura
    6. Libération de toutes les personnes emprisonnées depuis le 25 janvier
    7. Fin du couvre-feu pour que la vie reprenne son cours dans le pays
    8. Démantèlement du corps de vigiles de l'université
    9. Déférer les responsables des violences contre les manifestants pacifiques depuis le 25 janvier et des brutalités organisées qui ont suivi le 28 janvier, devant une commission d'enquête
    10. Renvoi d'Anas El Fiqi et arrêt des attaques contre les manifestants dans les médias propriétés du pouvoir par menaces et accusations d'être des traîtres, et cessation de l'incitation à la haine des étrangers dans les rues
    11. Indemnisation des commerçants de leurs pertes pendant le couvre-feu
    12. Annonce des revendications ci-dessus à la radio-télévision gouvernementale

    Wael Khalil liste aussi ci-dessous les revendications pour la période de transition :

    . صياغة دستور جديد
    2. الحق في إصدار الصحف بلا ترخيص مسبق، و القنوات التلفزيونية و الإذاعة
    3. تنفيذ حكم الحد الأدنى للأجور 1200ج – حكم 21606 إداري
    4. الحق في تكوين الأحزاب بالإخطار
    5. الحق في إنشاء النقابات و الجمعيات بالإخطار
    6. تحقيق استقلال حقيقي للصحف القومية و الإذاعة و التلفزيون القوميين بكل ما يتطلبه ذلك من تشريعات و إعادة هيكلة لمؤسسات و هيئات و وزارات
    7. إلغاء أداء الخدمة الوطنية في جهاز الشرطة
    8. وقف التحكم الامني في الاتصالات والانترنت
    1. Elaboration d'une nouvelle constitution
    2. Droit de créer des journaux et audio-visuels ouverts sans autorisation préalable
    3. Mettre en vigueur le salaire minimum de 1.200 livres égyptiennes
    4. Droit de créer des partis politiques, sur déclaration
    5. Droit de créer des associations et des syndicats, sur déclaration
    6. Réaliser une autonomie et une indépendance réelles pour les journaux, radios et télévisions nationaux, par une nouvelle législation et la réforme des sociétés et établissements des ministères
    7. Abolition du service national dans la police
    8. Arrêt des mesures sécuritaires sur les télécommunications et l'internet

    Les réactions aux revendications, sur le blog, sont pour le moment limitées.

    A protester in Tahrir Square, Cairo holds up a sign listing crimes
 of the Egyptian government against the people.

    Un manifestant de la place Tahrir, au Caire, brandit un panneau listant les crimes du pouvoir égyptien contre le peuple. Par Adham Khorshed © Copyright Demotix (09/02/2011)

    Un anonyme a écrit :

    أولاً جهاز مباحث أمن الدولة لا يمكن حله ، لإنه المسئول عن الكثير من الملفات الحساسة . يكفى إلغاء قانون الطوارئ لكف يده عن أصحاب الرأى . مش لازم تخليص الثأر على حساب مصلحة البلد
    ثانيًا : أنس الفقى بيعمل شغله زى ما هو شايف إنه يخدم البلد ، مش معنى إن أى حد ضد الثورة يكون بالتبعية ضد البلد . و الكلام مش على وزير الإعلام كشخص و لكن على كل اللى له موقف مخالف
    ثالثًا : حكم الحد الأدنى للأجور ده غبى و مضر بالموظف المصرى لإن أصحاب الأعمال بدل ما يشغل 2 و يدى الواحد 600 هايجيب واحد بس يشغله شغل 3 أشخاص بال1200 .
    الأجور زيها زى الأسعار يجب أن تتحدد بالعرض و الطلب فى سوق حرة أى تدخل بقرارات بيأثر على السوق و يخلق مشاكل
    رابعًا : إطلاق الحق فى إصدار الصحف و بث القنوات غير منطقى ، ممكن المطلب يكون إعادة تقييم الشروط لكن كل من هب و دب يعمل جريدة و لا مجلة و لا قناة . كفاية البلاوى اللى على المدونات ، يا ريت قليل من الإحترام للكلمة المطبوعة و الأهم من مين هايمسك ميكروفون و يغسل دماغ الناس بإيه
    خامسًا : إلغاء الخدمة الوطنية فى الشرطة و نستورد عساكر من الكنغو يعنى ؟؟

    Premièrement, vous ne pouvez pas démanteler les services secrets, car ils sont en charge d'une quantité d'affaires sensibles. Il est suffisant de mettre fin à l'état d'urgence afin qu'il ne soit plus utilisé pour museler l'opinion publique. Vous ne devriez pas vous venger sur eux pour le bienfait du pays.

    Deuxièmement, Anas El Fiqi fait son boulot comme il l'estime convenir au service du pays. Ce qui ne veut pas dire que quiconque est contre la révolution est forcément contre le pays. Et ça ne s'applique pas uniquement au ministre de l'Information personnellement, mais aussi à tous ceux qui ont une opinion différente

    Troisièmement, réclamer un salaire minimum est idiot et aurait un contre-effet sur les ouvriers égyptiens car les patrons emploieraient une personne à 1.200 livres égyptiennes et lui feraient faire le travail de trois, au lieu d'en employer deux à 600 livres chacun. Les salaires, comme les prix, devraient être laissés à l'offre et à la demande. Dans un marché libre, interférer avec ces choses affecte le marché et crée des problèmes.

    Quatrièmement, ouvrir le droit à des journaux et des télévisions libres n'est pas logique. Vous pourriez demander à revoir les conditions. Mais vous ne pouvez pas laisser n'importe qui ouvrir tout ce qu'ils veulent. Nous en avons assez des problèmes sur les blogs. Je souhaite vraiment qu'il y ait plus de respect pour la parole écrite et ce qui est plus important, c'est qui va tenir le micro et avec quoi ils vont laver le cerveau des gens

    Cinquièmement, si on supprime le service national dans la police, d'où prendrons-nous les policiers ? Du Congo, par exemple ?

    Hany Masry a répondu :

    لا غبار على ان هذه المطالب هى حق مشروع لكل الشعب المصرى لذا ارجو ان يتم توجيه مطلب واحد ليس الى النظام الذى فقد شرعيته بل الى كل العالم الحر ان يتم طرح هذه المطالب على الشعب عن طريق استفتاء شعبى مباشر تحت اشراف و رقابة كاملة من الامم المتحدة كالذى تم اجراءه بجنوب السودان بذلك نثبت لكل العالم انن بحق دعاة ديموقراطية و توجيه صفعة قوية لكل من يقول باننا شعب غير ناضج و انن لسنا مؤهلين لممارسة الديموقراطية
    Il n'y a aucun problème avec ces revendications. Elles sont un droit légitime pour tous les Egyptiens. J'espère que vous prendriez une demande, pas seulement au régime qui a perdu sa légitimité, mais au monde libre, et offrir cette demande au peuple par un référendum, sous supervision des Nations Unies, exactement comme celui du Sud Soudan. Ainsi nous prouverons que nous appelons réellement à la démocratie et donnerons une gifle à ceux qui disent que nous ne sommes pas mûrs et prêts pour la démocratie.

    Et Osiris d'ajouter :

    Désolé, mais ces demandes vont être utilisées contre vous pour montrer que vous n'êtes pas des types sérieux. Et c'est quelqu'un qui est à 1.000.000% de votre côté qui vous le dit.

    Tout d'abord, il faut se rendre compte que bien que massivement corrompu le pouvoir est malin et a réussi à se gagner des gens, ainsi en rédigeant nos revendications nous devons garder à l'esprit la désinformation que le gouvernement a utilisée contre nous et montrer à ceux qui sont ouverts qu'ils se trompent.

    1- Si nous voulons que Moubarak démissionne il faut travailler dans le cadre de la constitution que nous avons actuellement et avoir Fathy Suroor comme président (pire que Moubarak). Nous devrions donc plutôt dire que Moubarak doit quitter son poste “temporairement” “pour raisons de santé”.

    3- Certains pourraient interpréter ça comme démanteler aussi la police, et d'autres diront “pour que El-Ekhwan et AlQaïda puissent nous attaquer.” Nous devons donc clarifier cela

    5- Je ne suit pas un spécialiste du droit, mais juridiquement si ça arrive qui est habilité à réécrire la constitution ? Encore une fois, il nous faut ici des demandes d'adultes. Quelque chose qui puisse être réellement accordé et fonctionner à notre avantage et non contre nous.

    8- Wouah, je ne savais même pas qu'un tel corps existait. Tu parles d'un état policier.

    Maintenant pour les demandes sur la période de transition :

    1- Encore une fois, comment allons-nous nous y prendre ? Le vice-président a-t-il l'autorité pour écrire une nouvelle constitution ? Qui voulons-nous voir émerger avec la nouvelle ? Encore une fois, soyons pratiques et dans le réel. Qui devrait choisir ceux qui vont réécrire la constitution ?

    3- Je ne suis pas sûr de comprendre ce droit (vous voulez fixer le loyer minimum à 1200 ?) mais qu'est-ce que ça a à voir avec la démocratie ?

    D'autres réactions au billet incluent une suggestion de commencer à collecter des signatures sur la place pour ces revendications, enquêter sur les fortunes des fonctionnaires corrompus, et en exiger le reversement.

    La liste des revendications est signée des Blogueurs d'Egypte.

    Ecrit par Amira Al Hussaini · Traduit par Suzanne Lehn
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