• Compañeros y Compañeras:


    Acabo de recibir un llamado urgente de Lucía Granados desde San Pedro Sula, me informa que muchos miembros de la resistencia se encuentran acorralados por la policía al interior de la UNAH.VS.

    Camarades:

    Je viens de recevoir un appel urgent de Lucia Granados de San Pedro Sula, qui m'informe que de nombreux membres de la résistance ont été raflés par la police dans le UNAH.VS.

    Uriel Gudiel, camarógrafo de Globo TV, fue herido en su rostro con una bomba lacrimógena y posteriormente arrastrado por la calle hasta llevarlo a una patrulla policial, mientras realizaba su trabajo.

    Uriel Gudiel,  cameraman de  Globo TV, a été blessé au visage par une bombe lacrymogène, battu, puis traîné dans la rue par  une patrouille de police, alors qu'il effectuait son travail.

     

    Según el informe, la policía no sólo ha agredido a los manifestantes con la tanqueta que lanza agua con químicos, con bombas lacrimógenas sino que también con bala viva.

    Selon le rapport, la police a non seulement attaqué les manifestants avec des canons à eau, des produits chimiques, des gaz lacrymogènes mais aussi à balles réelles.

    Por favor circulen esta alerta a todos sus contactos.

    S'il vous plaît diffusez cette alerte à tous vos contacts.


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  • Le président Hugo Chávez dans le labyrinthe colombien

    Maurice LEMOINE

    «  Le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela informe que, le [samedi] 23 avril 2011, a été détenu à l’aéroport international Simón Bolivar de Maiquetía [Caracas], le citoyen de nationalité colombienne Joaquín Pérez Becerra, carte d’identité 16 610 245, alors qu’il tentait d’entrer dans le pays dans un vol commercial en provenance de la ville de Francfort (Allemagne). »

     

     

    Pérez Becerra sur lequel, selon la version officielle, pesait un mandat d’arrêt « code rouge » d’Interpol pour « terrorisme », a été extradé dès le lundi 25 en Colombie, à la demande du gouvernement de ce pays qui souhaite le juger en tant que responsable du front international des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) en Europe. Le ministère de l’intérieur et de la justice vénézuélien a fait savoir que, à travers cette expulsion, Caracas « ratifie son engagement inébranlable dans la lutte contre la délinquance et le crime organisé, dans le strict accomplissement de ses engagements et de la coopération internationale ».

    De son côté, le président colombien Juan Manuel Santos, après avoir remercié publiquement son homologue Hugo Chávez, a apporté quelques précisions sur les dessous de cette arrestation. D’après son récit, il a, le samedi matin, pendant le vol de Pérez Becerra entre l’Allemagne et le Venezuela, appelé M. Chávez : « Je lui ai donné le nom et lui ai demandé de collaborer à son arrestation. Il n’a pas hésité. C’est une preuve de plus que notre coopération est effective (1). » Caracas n’a pas démenti cette version des faits.

    Cette opération conjointe de deux pays que tout oppose et dont les relations tumultueuses ont alimenté la chronique ces dernières années provoque un fort malaise au sein des organisations sociales et des secteurs de gauche latino-américains qui, depuis 1998, se sont le plus mobilisés pour défendre la révolution bolivarienne face aux attaques dont elle est l’objet – et en particulier depuis la Colombie. L’attitude du président Chávez a été questionnée, critiquée, et parfois dans les termes les plus durs, tant au Venezuela qu’à l’étranger. La tonalité des réactions pourrait se résumer de la manière suivante : « Comment un gouvernant qui se dit révolutionnaire peut-il collaborer avec les services secrets colombiens et américains ? »

    Le sort réservé à Pérez Becerra soulève en effet de nombreuses questions.

    Né en Colombie, il a été membre de l’Union patriotique (UP), un parti légal né en 1985, dont les membres, militants et dirigeants ont été exterminés (4 000 morts) par les paramilitaires, instruments du terrorisme d’Etat. En 1994, après l’assassinat de son épouse, il a dû fuir son pays pour sauver sa vie et s’est exilé à Stockholm où, renonçant à sa nationalité d’origine, il est devenu légalement Suédois. Contrairement à ce que prétendent Bogotá et Caracas, il n’est donc pas (plus) colombien.

    S’il a refait sa vie et fondé une famille, ce survivant de la guerre sale n’a pas abandonné pour autant le combat politique et est devenu directeur de l’Agence d’information nouvelle Colombie (Anncol), créée en 1996 par des journalistes latino-américains et européens. Très critique à l’égard du palais de Nariño (2), dénonçant sans concessions la collusion entre paramilitarisme et sphères gouvernementales, les scandales des « chuzadas » et des « faux positifs » (3), Anncol publie également, entre de nombreuses autres sources, des communiqués des FARC. Cela ne fait pas du directeur de ce média alternatif un « terroriste », haut responsable de l’organisation d’opposition armée sur le continent européen.

    Comment se fait-il par ailleurs que ce citoyen – prétendument recherché par Interpol en « alerte rouge » – n’ait jamais été inquiété en Suède, pays dans lequel il vit depuis presque vingt ans ? Comment se fait-il qu’il ait pu aborder sans problèmes un avion à Francfort, aéroport européen dont on peine à imaginer une telle négligence en matière de sécurité ? Caracas et Bogotá seraient-elles les seules capitales au monde à recevoir les avis d’Interpol ? En l’état actuel des informations disponibles, on peut émettre une première hypothèse : un tel mandat d’arrêt n’existait pas.

    Organisme international, Interpol ne mène pas d’enquêtes criminelles et ne possède pas de « service action ». Il centralise simplement les avis de recherche émis par les polices des pays membres – chacun possédant un Bureau central national (BCN) – et, dans le cadre de la coopération transfrontalière, les répercute à tous ses correspondants. Il est donc parfaitement possible – sauf démentis, dans les jours qui viennent, des gouvernements suédois et/ou allemand – que le mandat d’arrêt international pesant sur Pérez Becerra ait été émis et transmis au BCN de Bogotá par la police colombienne lorsque celle-ci a su, grâce à ses services de renseignement, qu’il se trouvait déjà dans l’avion où, dès lors, il était piégé. Il ne restait au président Santos, deux heures avant l’atterrissage, qu’à appeler M. Chávez – qui est tombé dans la machination, tête baissée.

    Seule autre explication possible, au cas où ce mandat d’arrêt aurait existé antérieurement : les charges invoquées étaient trop inconsistantes pour que la police et le gouvernement suédois aient envisagé d’interpeller et d’extrader leur citoyen. Ou alors, il faut faire sienne la thèse (qui laisse perplexe, mais est évoquée par M. Chávez) d’une conspiration (Stockholm ?)-Washington-Bogotá-Interpol-CIA qui aurait patiemment attendu un voyage de M. Pérez Becerra au Venezuela pour sortir le mandat de sous la table et mettre Caracas dans l’embarras : « Si je l’extrade, je suis le mauvais, si je ne l’extrade pas, je suis le mauvais aussi (4). »

    Néanmoins… Pérez Becerra a été « expédié » en quarante-huit heures en Colombie, sans que la justice vénézuélienne n’ait eu à examiner son cas. Une telle précipitation fait-elle partie des usages ? Depuis 2005, Caracas réclame à Bogotá l’extradition de M. Pedro Carmona Estanga, ex-patron des patrons recherché pour avoir pris le pouvoir illégalement et dissous tous les pouvoirs publics, lors du coup d’Etat d’avril 2002 ; il semblerait que la justice colombienne prend davantage de temps pour « réfléchir » avant de prendre une décision.

    Durant sa détention dans les locaux du Service bolivarien du renseignement national (Sebin), Pérez Becerra a été soumis à un total isolement ; aucun de ses interlocuteurs n’a accepté de tenir compte de ses documents d’identité suédois ; il n’a pas eu droit à une assistance juridique ni à prendre contact avec un fonctionnaire de l’ambassade de Suède. Dans ces conditions, son affaire s’apparente de fait à l’enlèvement par un commando colombien bénéficiant de complicités locales, le 13 décembre 2004, en plein Caracas, de M. Rodrigo Granda – qui lui était réellement membre de la Commission internationale des FARC –, affaire qui avait provoqué à l’époque une réaction vigoureuse (et justifiée) du président Chávez.

    Nul ne peut sérieusement contester que le rapprochement entre la Colombie et le Venezuela, depuis l’arrivée au pouvoir de M. Santos, le 7 août 2010, constitue une évolution positive, tant la liste a été longue des incidents qui, durant la présidence de M. Álvaro Uribe, ont culminé avec la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, en novembre 2007 et juillet 2010. Une trêve s’est instaurée. Pour des raisons économiques, Bogotá a besoin d’une normalisation : en raison de la fermeture épisodique des frontières, les exportations colombiennes au Venezuela sont passées de 6 milliards de dollars en 2008 à 1,4 milliard en 2010.

    De son côté, la République bolivarienne, à qui ces importations font défaut, a également tout intérêt à ce que son voisin mette un terme à la campagne qui, en parfaite syntonie avec Washington, a tendu à faire du Venezuela un « complice du terrorisme » et un « narco-Etat ». Dès lors, chacun y trouvant avantage, c’est à celui des deux présidents qui donnera – en apparence ! – le plus de signes de bonne volonté. Et c’est au nom de la raison d’Etat qu’il a semblé difficile – voire impossible – à M. Chávez de refuser l’extradition demandée alors que M. Santos venait de lui en accorder une de toute première importance, celle du narcotrafiquant vénézuélien (présumé) Walid Makled.

    A l’époque de sa gloire, M. Makled, richissime homme d’affaires, a été propriétaire de la compagnie aérienne Aeropostal et a contrôlé plus d’un tiers des ports et aéroports vénézuéliens. En 2008, ses deux frères Alex et Abdalá ayant été arrêtés en possession de 400 kilos de cocaïne, il s’est enfui pour échapper au mandat d’arrêt émis contre lui, avant d’être finalement arrêté, le 18 août 2010, à Cúcuta, en Colombie. Son extradition a été réclamée par le Venezuela dès le 26 août (outre le trafic de drogue, on lui impute dans ce pays trois assassinats) et, le 6 octobre, par les Etats-Unis qui le considèrent comme un « capo » particulièrement important.

    Avec la complicité des autorités colombiennes, M. Makled a, depuis une prison de « haute sécurité » particulièrement permissive, passé son temps à accorder des interviews aux médias colombiens et vénézuéliens (d’opposition – pour ne pas dire « uribistes »), expliquant qu’il a bénéficié de complicités au plus haut niveau, civil et militaire, de la République bolivarienne, et participé au financement de telle ou telle campagne électorale, à l’occasion. Il a également précisé qu’il préférait être extradé aux Etats-Unis et qu’il était prêt à « négocier à 100 % avec la justice américaine ».

    On connaît le fonctionnement de celle-ci dans ce genre de cas. En échange de « révélations » réelles et/ou fabriquées qui servent la politique de Washington (et pas uniquement en matière de narcotrafic !), le prévenu peut se voir offrir des remises de peine particulièrement alléchantes. Ce qu’a parfaitement saisi le président Chávez quand il a déclaré : « Le jeu de l’Empire est d’offrir à cet homme va savoir combien de facilités, et y compris sa protection, pour qu’il commence à vomir tout ce qu’il veut contre le Venezuela et son président (5). » D’où l’intérêt de le juger à Caracas et – beaucoup l’espèrent en tout cas au sein de la base « chaviste » – de mettre à jour, si son procès en confirme l’existence, les réseaux de corruption qui, à tous les niveaux, gangrènent le Venezuela. C’est donc un cadeau royal qu’a fait M. Santos au gouvernement bolivarien lorsque, malgré les intenses pressions des Etats-Unis, il a annoncé, le 13 avril, que M. Makled serait extradé au Venezuela (à l’heure où nous rédigeons ce texte, ce dernier se trouve néanmoins toujours en Colombie !).

    Raison d’Etat, donc. Cruelle mais nécessaire, selon la formule consacrée. Mais le bât blesse – et doublement. Car à pragmatique, pragmatique et demi.

    M. Santos ne sort pas du néant. Ministre de la défense du président Uribe, il a activement participé à la mise en oeuvre de sa meurtrière politique de « sécurité démocratique » et est directement impliqué dans le scandale des « faux positifs ». Depuis son arrivée au pouvoir, il a pris ses distances et ne manque pas une occasion de se démarquer de son prédécesseur (qui le lui rend bien), s’offrant à peu de frais une image de « modéré ». Enfin, beaucoup plus subtil que M. Uribe, il « joue » (dans tous les sens du mot) l’apaisement avec le Venezuela. En est-il pour autant un nouvel « ami » ? Ce pays va-t-il voir se réduire le niveau d’agression auquel il a été jusque-là soumis ? On peut en douter sérieusement.

    Certes, la Colombie annonce l’extradition de M. Makled à Caracas. Mais ses autorités ont fait savoir que, auparavant, des fonctionnaires américains seraient autorisés à l’interroger. On peut donc s’attendre à ce que prochainement (c’est-à-dire avant l’élection présidentielle vénézuélienne de 2012), des « révélations fracassantes », qu’elles corroborent ou non celles que le trafiquant fera à la justice de son pays, alimentent les médias et la « communauté internationale » d’un délicieux venin made in USA. En un mot : la bombe à retardement que souhaitait neutraliser Caracas n’a nullement été désamorcée.

    Elle l’est d’autant moins que, par ailleurs, à Londres, l’International Institute for Stategic Studies (IISS) annonce la présentation publique, le 10 mai, d’un ouvrage intitulé The FARC Files : Venezuela, Ecuador and the Secret Archive of Raúl Reyes (Les dossiers des FARC : le Venezuela, l’Equateur et les archives secrètes de Raúl Reyes). Le livre contiendra, est-il annoncé, une analyse du matériel contenu dans les trois clés USB et les disques durs des deux ordinateurs trouvés près du corps du responsable des relations internationales des FARC, Raúl Reyes, lors de sa mort sous un bombardement, en territoire équatorien, le 1er mars 2008. Sujets à caution, indéfendables sur le plan juridique, les milliers de documents en question, censément certifiés par Interpol, ont déjà amplement servi, par le biais de médias acquis à « la cause », à accréditer la thèse selon laquelle Caracas (de même que Quito) apporte un soutien financier, politique et militaire massif à la guérilla (6).

    Quelque peu oubliés ces derniers temps, les « ordinateurs magiques » vont donc resurgir fort à propos. Le dossier sera accompagné, précise l’IISS, d’un CD-Rom contenant leurs e-mails les plus importants. Formidable ! Il s’agit de documents on ne peut plus inédits ! Ils surprendront sans doute le capitaine Ronald Ayden Coy Ortiz, rédacteur du rapport de la division antiterroriste de la Direction des enquêtes criminelles (Dijin) de la police colombienne sur le matériel informatique « appartenant à l’ex-guérillero ».

    Dès la fin 2008, entendu par la justice colombienne à la demande de son homologue équatorienne, il a révélé sous serment que l’« ordinateur » de Reyes ne contenait « aucun courrier électronique ». On n’y a trouvé que des fichiers Word et Microsoft, avec des « copies de courriers » (7) – que n’importe qui, dès lors, a pu introduire : le rapport d’Interpol consacré à ce matériel précise que des milliers de ces fichiers ont été créés, modifiés ou supprimés après qu’ils soient tombés entre les mains de l’armée, puis de la police colombiennes (8).

    Bien entendu, quand se réactivera cette « campagne » dont on peut prévoir qu’elle sera fort médiatisée – et fera passer au second plan les avancées sociales du gouvernement bolivarien –, M. Santos pourra toujours objecter à « son ami Chávez » qu’il n’est pas responsable des publications de l’IISS. Mais c’est bien lui qui, ministre de la Défense et aux ordres de ses patrons Uribe et George W. Bush, a, en 2008, organisé cette manipulation et diffusé les « archives de Raúl Reyes » aux quatre vents.

    Le chef de l’Etat colombien gagne donc sur tous les tableaux. Ni « l’Empire » ni la droite vénézuélienne ne sauront gré au président Chávez d’avoir agi dans le sens de leurs intérêts. Comble de l’ironie et du cynisme, on a même pu entendre M. Rafael Uzcátegui, secrétaire général du parti d’opposition Patrie pour tous (PPT ; deux députés) s’inquiéter : « Le pays se demande qui est président du Venezuela : Hugo Chávez ou Juan Manuel Santos (9) ? » A gauche, en revanche, une fracture apparaît – impliquant les plus fidèles soutiens de la révolution bolivarienne, qui s’estiment trahis dans leurs idéaux, leur internationalisme et leur solidarité à l’égard de Pérez Becerra.

    Nul ne peut décemment demander à Caracas de prendre fait et cause pour les guérillas. Le conflit colombien doit se régler en Colombie, entre colombiens (avec une médiation acceptée par tous les belligérants, le cas échéant). Le Venezuela, de son côté, peut légitimement estimer ne pas avoir à pâtir de la guerre interne qui – et il n’en est pas responsable – déchire son voisin. Mais le temps n’est pas si loin (en janvier 2008) où, l’analysant dans sa réalité profonde, le président Chávez invitait la communauté internationale à cesser de considérer les FARC (et l’Armée de libération nationale ; ELN) comme des « groupes terroristes » et à reconnaître les raisons politiques de leur lutte armée. Qui aurait pu imaginer alors la Patrie de Bolivar extradant un journaliste, exilé en Europe, dont le seul tort est de déchirer le voile de silence qui, pour une grande part, recouvre la Colombie ?

    Enfin, le Venezuela n’est pas le seul à devoir être interpellé…

    Cette pénible affaire n’aurait pas lieu d’être si, dès avant son départ de Suède, le voyage de Pérez Becerra n’avait été détecté et signalé. Depuis 2010, la Colombie a déployé, on le sait, dans le cadre d’une campagne d’intimidation – l’Opération Europe –, ses services de renseignement sur le vieux continent. Non seulement ceux-ci surveillent les Colombiens exilés, leurs amis latino-américains ou autres, les journalistes « mal pensants », mais ils ont été jusqu’à espionner, pour tenter d’en neutraliser l’influence ou les discréditer, la Commission des droits de l’homme du Parlement européen, les eurodéputés « non sympathisants » (du gouvernement colombien), les organisations de défense des droits de l’homme, etc.

    Le 25 octobre 2010, à Madrid, une vingtaine de membres d’organisations non gouvernementales (ONG) espagnoles ont porté plainte contre l’ancien président Uribe pour avoir été espionnés, écoutés sur leurs lignes téléphoniques, poursuivis et menacés. Cinq jours plus tard, c’est à Bruxelles, et pour les mêmes motifs – filatures, prises de photos et de vidéos, vols de documents et de disques durs d’ordinateurs, menaces lors de voyages effectués en Colombie dans le cadre de projets de coopération européenne – que les victimes de ce type de pratiques ont également saisi la justice.

    A ce jour, pas plus l’Union européenne que son Parlement – qui ne rêve que de finaliser la négociation d’un Traité de libre-commerce avec le pays andin – n’ont enquêté ou agi contre ces actions illégales de Bogotá. Si, comme c’est leur devoir, ils l’avaient fait, Pérez Becerra ne serait sans doute pas enfermé aujourd’hui, comme tant d’autres prisonniers politiques, dans une geôle de Colombie. Il ne peut désormais espérer qu’une action vigoureuse de la Suède qui, le 27 avril, a demandé des explications au Venezuela pour ne pas avoir été informée de la détention de son ressortissant et de son extradition.

    De l’ « affaire Pérez Becerra », il reste, pour l’instant : une droite vénézuélienne qui s’amuse et compte les points, une gauche bolivarienne troublée et divisée, donc affaiblie, un survivant de l’UP retombé entre les mains de ses bourreaux et un Santos qui mène le bal au niveau régional… Le bilan n’a rien de satisfaisant.

    MAURICE LEMOINE

    1 El Tiempo, Bogota, 25 avril 2010.

    2 Le palais présidentiel colombien.

    3 Chuzadas : écoutes téléphoniques organisées au plus haut niveau de l’Etat ; « faux positifs » : assassinats par l’armée colombienne de citoyens lambdas qu’on fait ensuite passer pour des guérilleros morts au combat (la justice a entre les mains plus de 3 000 cas).

    4 Radio Nacional de Venezuela, Caracas, 30 avril 2011.

    5 El Nacional, Caracas, 8 novembre 2010.

    6 Lire « La Colombie, Interpol et le cyberguérillero » et « Emissaire français en Colombie », Le Monde diplomatique, respectivement juillet 2008 et mai 2009.

    7 Canal Uno (Bogotá) et El Nuevo Herald (Miami), respectivement le 1er novembre et le 5 décembre 2008.

    8 Informe forense de Interpol sobre los ordenadores y equipos informáticos de las FARC décomisados por Colombia, OIPC-Interpol, Lyon, mai 2008, pages 31 à 35.

    9 El Nuevo Herald, 30 avril 2011.

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  • La peine capitale : le pire crime des USA (The Guardian)

    Amy GOODMAN

    Mumia Abu-Jamal est dans les couloirs de la mort depuis 29 ans. Et maintenant la Cour vient de statuer que sa condamnation est inconstitutionnelle. Quand apprendrons-nous ?

    Mumia Abu-Jamal un ancien membre des Black Panther a passé 29 ans dans le couloir de la mort après avoir été jugé coupable du meurtre de Daniel Faulkner, un officier de police de Philadelphie.

    Le cas du condamné à mort Mumia Abu-Jamal a pris une tournure surprenante cette semaine, quand une Cour d’appel fédérale a jugé pour la seconde fois que la condamnation à mort de Abu-Jamal était inconstitutionnelle. La troisième Cour d’appel régionale des USA située à Philadelphie a jugé que les instructions que le jury avait reçues avant la délibération ainsi que l’énoncé du verdict qu’il devait utiliser pour décider de la sentence, n’étaient pas claires. Ce jugement ne porte pas sur les désaccords autour de sa culpabilité ou de son innocence, mais il met en lumière les problèmes inhérents à la peine de mort et au système de justice pénale et en particulier le rôle joué par la race.

    Le matin du 9 décembre de bonne heure, l’officier de police de Philadelphie Daniel Faulkner a signalé à William Cook, le frère d’Abu-Jamal, d’arrêter sa voiture au bord de la route. Il y a eu des coups de feu et l’officier Faulkner et Abu-Jamal ont tous les deux été blessés. Faulkner est mort et Abu-Jamal a été jugé coupable du meurtre par une Cour présidée par le juge Albert Sabo qui est bien connu pour être raciste. Une greffière du tribunal rapporté une des remarques horriblement racistes du juge ; elle l’aurait entendu dire dans l’antichambre du tribunal : "Je vais les aider à faire griller ce nègre."

    La dernière décision de la Cour d’appel a un rapport étroit avec la manière dont Sabo a mené la phase de la sentence au procès de Abu-Jamal. La Cour suprême de Pennsylvanie a étudié divers arguments contradictoires pour déterminer si le procès d’Abu-Jamal a été équitable ou non. La conclusion à laquelle la Cour d’appel a abouti à l’unanimité cette semaine, est que le procès n’a pas été équitable. Le procureur de Philadelphie, Seth Williams, a décidé de faire appel de la décision à la Cour suprême des USA car selon lui :

    "Il faut maintenant demander à la Cour suprême des USA de statuer là-dessus."

    A l’issu de ce jugement, Abu-Jamal pourrait bénéficier d’une nouvelle audience de détermination de la peine* au tribunal devant un jury. Au cours de cette nouvelle audience, le jury recevrait des instructions claires sur la manière de décider de l’application d’une peine de prison à vie plutôt que d’une peine de mort - ce dont il n’a pas bénéficié en 1982 selon la Cour. Au mieux, Abu-Jamal sortirait du cruel isolement carcéral du couloir de la mort de la prison de SCI Greene en Pennsylvanie. John Payton, le conseiller directeur du NAACP legal defence fund qui représente Abu-Jamal à la Cour a dit :

    "Cette décision est un pas important dans la lutte menée pour corriger les erreurs de ce triste chapitre de l’histoire de la Pennsylvanie... et elle nous permet de reléguer loin dans le passé le type d’injustice qui avait généré cette condamnation à mort."

    Son autre avocat, Judith Ritter, professeur de droit à Widener University school of law, m’a dit : "Cette décision revêt une importance capitale. C’est une question de vie ou de mort." Je lui ai demandé si elle avait réussi à parler à Abu-Jamal et elle m’a dit que la prison avait refusé sa demande pour un appel téléphonique légal d’urgence. Cela ne m’a pas surpris, moi qui couvre son cas depuis des années.

    Ses efforts pour se faire entendre ont rencontré de multiples obstacles. Le 12 août 1999, alors que je recevais à l’antenne l’organisation "Democraty now" (démocratie maintenant), Abu-Jamal a appelé au milieu du bulletin d’informations pour qu’on l’interviewe. Au moment où il commençait à parler un garde de la prison a arraché le téléphone du mur. Abu-Jamal a rappelé un mois plus tard et il a dit :

    "Un autre garde est arrivé en hurlant de toutes ses forces : "Cet appel est terminé !" J’ai immédiatement appelé le sergent qui était présent et qui observait la scène et je lui ai demandé : "Sergent qui a donné cet ordre ?" Il a haussé les épaules et a dit : "Je ne sais pas. On nous a juste appelés pour nous dire de vous couper."

    Abu-Jamal a poursuivi la prison pour violation de ses droits et à gagné le procès.

    En dépit du l’isolement carcéral, Abu-Jamal a continué son travail de journaliste. Ses chroniques hebdomadaires sont diffusées à la radio de la côte atlantique à la côte pacifique. Il est l’auteur de six livres. Il a été récemment invité à faire une conférence sur l’incarcération raciale à l’Université de Princeton. Il a dit (en parlant dans un micro avec un téléphone portable) :

    "Il y a beaucoup d’hommes, de femmes et de jeunes... emprisonnés dans les bâtiments de l’industrie carcérale ici aux USA. Comme beaucoup d’entre vous le savent, les USA qui ne représentent que 5% de la population mondiale, ont dans leurs prisons 25% des prisonniers du monde... le nombre des prisonniers noirs y est supérieur à celui de l’Afrique du Sud à l’apogée de l’horrible système d’apartheid."

    Les Etats-Unis sont la seule nation du monde à s’accrocher à la peine de mort. En fait, ils font partie, avec la Chine, l’Iran, la Corée du Nord, l’Arabie Saoudite et le Yémen, des pays qui effectuent le plus d’exécutions à mort. La décision de cette semaine concernant le cas d’Abu-Jamal est un argument de plus en faveur de l’abolition de la peine de mort.

    Denis Moynihan a participé aux recherches pour cet article.

    Note :

    *Pour les délits graves aux USA la sentence est généralement prononcée lors d’une "sentencing hearing" au cours de laquelle le procureur et la défense présentent leurs arguments en faveur de la peine qui leur paraît appropriée. Pour les délits mineurs la sentence est soit déterminée d’avance soit prononcée immédiatement après la condamnation.

    Pour consulter l’original : http://www.guardian.co.uk/commentis...

    Traduction : D. Muselet pour LGS

    URL de cet article 13574
    http://www.legrandsoir.info/La-peine-capitale-le-pire-crime-des-USA.html

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  • Misrata. Mes copains, ma maison sous les bombes.

    Les kadafistes sont hors de Misratah et désormais s’abat toutes les nuits, de dix heures du soir á huit heures du matin, une pluie de roquettes et d’obus sur les quartiers résidentiels de la ville. Les combats se déroulent maintenant sur un terrain plus dégagé,  à priori moins favorable aux insurgés, mais ces derniers progressent petit á petit en bons professionnels.

    Témoignage :

    « On est jeudi et demain tous les magasins seront fermés. Du coup, tout est bondé de monde, la troisième couronne de la ville (boulevard périphérique) est paralysée par les check points qui vérifient toutes les bagnoles. Il y a plein de magasins ouverts, dans tous les quartiers, bouffe, vêtements, supermarchés parfois, tout ce que tu veux. Je suis avec un pote qui a endormi une ambulance genre superclasse á l’hostipal principal, et même en poussant á fond sur les sirènes, on galère á mort dans les bouchons.

    Après ne t-y trompes pas ; ne crois pas que les bombardements ont cessé. Ça tombe encore pas mal sur la ville, même en pleine journée, mais voilà demain c’est vendredi et on restera à la maison ; alors plutôt que de se faire aplatir demain á la maison,  allons crever en faisant les courses. Bientôt, si Dieu le veut ,nous ferons taire ces putains de BM14 et plus tard peut -être on s’occupera aussi des Katiouchas, à moins que l’OTAN ne le fasse á notre place. Si il ne le fait pas, nous le ferons, c’est facile à faire, nous l’avons déjà fait.

    On était pas loin de les faire taire, ce matin, les BM14 avec les copains de la Katiba noire -rebâtissée Katiba Albouz depuis la mort il y a quelques jours de son très charismatique leader Mohamed Albouz. On entendait le typique “ssssshhhhhhrrrrrrrreeeeeeoua” que font les roquettes en sortant des tubes. Ça nous fait bien chier cette petite musique, mais c’est fini les assauts la fleur au fusil, comme des Kékés, á la “de toute façon Allah est avec nous”. Les gars sont au travail depuis 7 heures et là y a des types qui rampent dans l’herbe avec des flingues et des VHF (radio de faible portée) et qui s’approchent tout en douceur des positions ennemies. Nous, á l’arrière, on joue aux cons, on prend nos caisses á la Mad Max, blindées avec des canons de 23mm (antiaérien à balles explosives) et on part toutes les 5 minutes vider quelques chargeurs.

    L’ennemi croit qu’on se contente de cette merdouille, il réplique au sans recul (petit canon de faible portée) et au mortier, et même sans observateur, à cette distance, il met immanquablement dans le tas, ou alors c’est un coup de bol, mais on ne décarrera pas pour autant, ici il n’ y a que des vrais mecs.

    Après y a un vieux paysan, qui ressemble á rien, et qui s’amène des lignes ennemies avec un pick-up Peugeot plein de fourrage pour ces moutons. Les potes sont un peu sur le cul, ils font moins les fiers. Le vieux gars nous dit vite fait où sont ces fils de pute qu’on leur fasse la peau.

    Les gars sont sur place, ils se sont bien approchés ; chez nous, trois équipes partent reconnaitre les alentours. De retour ça discute ferme. On va y aller en douceur, et leur envoyer quelques bombes voir ce qu’ils en disent. Peut-être que cela les fera fuir ?

    De l’arrière, une caisse avec deux mortiers de 60 et tout ce qui faut a vite rappliqué. On les met en place, on règle les charges sur les bombes avec des tables de tir trouvées sur internet. Aujourd’hui on commence avec 2 charges par bombe. Un mec qui a un GPS avec compas oriente les mortiers. On consulte les cartes sur autocad pour l’inclinaison (dans d’autres groupes on utilise google maps), et on commence à balancer gentiment au compte goute. A côté dans une caisse piquée aux kadafistes et dûment repeinte en noir (couleur de la Katiba) d’autres gars écoutent, sur une cibie, le rapport des observateurs. On refait les réglages et on remet ça. Quand on sera dessus, on bombardera pour de vrai et ils vont comprendre leur douleur.

    Mais on ne restera pas, parce que le petit frère de Mohamed qui a repris avec 3 autres gars le commandement du frangin, fait dégager tout le monde. Il n’y a pas besoin d’être vingt pour servir un mortier et on fait vraiment une cible trop voyante. On va un peu plus loin préparer du thé et continuer à  blaguer et à raconter des histoires á l’abris des obus et des bombes de mortiers.

    Le soir venu, on va sur le toit avec un autre copain, et on écoute un énorme canon au loin qui balance la purée. Apparement la batterie tire quelque part au sud, ça nous passe au-dessus de la tête et ça va s’écraser plus au Nord en faisant d’énormes éclairs blancs. A chaque coup les vitres s’ébranlent et font un bruit terrible. A chaque fois qu’ils utilisent ce canon, c’est le même ménage, les familles déboulent des quartiers visés et viennent se planquer au sous-sol du media center. Avec tous les cris des gamins, impossible de dormir. En fait les femmes vivent ça 24H sur 24, mais nous une nuit, on en a déjà soupé. Alors avec Ibrahim qui est maintenant au lycée, on reste un peu au frais, et on en profite pour faire des maths. Tu comptes les écarts entre les sons et la lumière, t’as la vitesse du son, voilà c’est pas compliqué, un rapide calcul et le résultat apparait: les obus sont tirés de plus de 5km en face et tombent à plus de 3 km en arrière. Il en tombe un toutes les minutes et dix secondes approximativement, et ça va continuer comme ça jusqu’á bien 7 ou 8 heures du matin, pour peut-être reprendre vers les 10-11 heures.

    Là on a du mal à se réveiller , mais c’est pas grave tout le monde attend le feu vert de l’OTAN pour continuer. On progressait partout, mais si l’OTAN te dit: « va pas plus loin, je bombarde » ; tu bouges pas ! Y a un type á l’hosto qui en parlerait mieux que moi. Sur le front on s’ennuie ferme. Les groupes de combat sont innombrables. Ceux qui combattent depuis le début lâchent pas l’affaire tandis que des nouveaux venus entrent dans la danse. Rien qu’á Al Giran , ils combattent de concert les Katibas : Anhabaka (nom de lieux), Shahid (martyr), Swerli 1 et 2 (en hommage á Ramadan Swerli héros de Misratah), Zamoura (famille de combattants), Aljourf et Magaspa. La moitié des groupes de combat de la ville sont présent sur ce théâtre d’opération et ils ont les nerfs, parce que tout á l’heure, un tank a tiré et a tué trois ados qui gardaient des moutons. Beaucoup les connaissaient personnellement, tous se sont passés le mot.

    Cette attente sera funeste aux gars parce que l’OTAN n’a pas vraiment bougé, mais l’ennemi a repris l’offensive. Sauf dans la katiba Albouz où tout arrêt des hostilités est irrecevable. L’OTAN fera quand même taire le canon et pas mal de katiouchas sauf ceux qui arrosent le port et qui tueront encore des réfugiés africains et quelques civils libyens.

    Les combats ont repris, et á Buroweia, près de Al Giran un vieux exhibe fièrement un Dragonov (fusil de tireur d’élite russe) pris á l’ennemi la nuit précédente dans une opération spéciale. Ils sont partis en petit groupe vers 3 heures du mat, sans faire de bruit. Ils ont tué deux ennemis, ont fait un prisonnier, un nigérien surpris dans son sommeil, et ont mis la main sur pas mal de matos, 2 caisses, 5 FN (fusil d’assaut de fabrication belge), 2 Dragonov et pleins de munitions pour les alimenter. Quand je raconte ça à mon pote de la katiba Albouz, il est jaloux, « moi aussi j’aimerais bien avoir un fusil comme ça. Il faut que je m’en trouve un. »

    Le vieux il n’en a pas l’air mais c’est un vrai dur. Lui n’a pas peur de la vengeance des kadafistes .

    « Prends ma photo, montre là á tout le monde. Je m’appelle Omar al Wakchi et personne ne me tuera. »


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  • Une révolution invisibilisée par les grands médias et... par une part croissante de la gauche occidentale

    Elias Jaua "Il ne peut y avoir de changements sociaux sans confrontation avec le capital".

    mercredi 4 mai 2011

    Les deux dernières semaines ont vu une accélération sans précédent de la démocratie et de la révolution au Venezuela. Augmentation du salaire minimum de 25%, augmentation des salaires des universitaires et travailleurs du secteur public de 40 à 45%, financement par l’état d’un "new deal" en matière de logement qui va permettre la construction d’un logement décent pour chaque famille pauvre. Plan national de création d’ emploi pour 3,5 millions de chômeurs sur les 8 prochaines années. Le parlement discute actuellement de nombreuses lois structurantes : sur les droits du travail, sur la protection du pouvoir d’achat, contre la spéculation et les hausses de prix illégales, ou sur la démocratisation - à la suite de l’Argentine - du spectre radio et TV jusqu’ici monopolisé comme partout ailleurs par de grands groupes économiques. Cette loi équilibrera le patrimoine public des ondes - 33% pour le public, 33% pour le privé et 33% pour le secteur associatif, participatif.

    Dotés de plusieurs milliards de dollars ces trois dernières années, 42000 conseils communaux appliquent le budget participatif que la gauche altermondialiste avait découvert à Porto alegre (Brésil) et mobilisent les citoyens dans la reconstruction de leurs services publics et d’un nouveau type d’état.

    La Mision Agrovenezuela vient de financer 34.000 producteurs agricoles à hauteur de 1,4 milliards de bolivars, pour ancrer définitivement le pays dans une souveraineté alimentaire qui refuse les biocarburants ou les OGM. De la CEPAL à l’UNESCO, de l’ONG indépendante chilienne Latinobarometro a la firme privée Gallup, les rapports publics récents indiquent que le Venezuela est devenu le pays le plus égalitaire de la région mais aussi celui où les citoyen(ne)s croient le plus dans la démocratie.

    Ces transformations en profondeur passionnent, mobilisent les vénézuéliens mais sont invisibles à l’extérieur. La gauche occidentale, qui vit un fort désamour des secteurs populaires, impuissante face à la montée de l’extrême-droite, semble ignorer, voire mépriser, ces douze années d’une vaste construction du socialisme bolivarien et sa forte dose de démocratie participative. Une partie croissante d’entre elle préfère mettre son énergie dans des prises de distance médiatiques vis-à-vis de Chavez.

    Au moment où la réalisation du programme historique de la gauche s’accélère au Venezuela, il nous a paru utile de rencontrer un personnage peu connu de la nouvelle génération révolutionnaire, et actuel vice-président de la République bolivarienne, Elias Jaua. Né à Caucagua, état de Miranda, il y a 41 ans, il est licencié en sociologie de l’Université Centrale du Venezuela (UCV). Avant d’être nommé au poste de vice-président de la république, il fut ministre de l’Agriculture et des Terres, ministre de l’Économie Populaire et chef du cabinet présidentiel.

    Q/ Certains dirigeants de l’opposition viennent de dévoiler ce que sera leur programme électoral. Un thème qui, jusqu’ici, était entouré du plus grand mystère : il s’agit de privatiser tout ce qu’il y a à privatiser. Que vous inspire ce soudain élan de transparence ?

    R/ Ceci met en évidence les contradictions internes de l’opposition. D’un coté, ceux qui se présentent comme sociaux-démocrates se sont lancés dans la promotion d’un programme électoral démagogique en prétendant faire croire au peuple qu’il est possible de construire un état social de droit et de justice avec un gouvernement de droite et sans confrontation avec le capital. Mensonge ! Le peuple sait bien que tout ce qui a été acquis au niveau de l’inclusion sociale, des pensions, de l’éducation et de la santé le fut à travers une confrontation avec le capital. Il est impossible d’y arriver autrement. (1) D’un autre coté, Le patronat, qui finance l’opposition, trouve le programme électoral présenté par ce secteur, pour le moins indigeste. C’est donc sous la pression du patronat qu’un autre secteur de l’opposition exprime plus ouvertement l’objectif réel de leur projet à savoir la restauration du système de domination du capital sur l’État et les politiques publiques.

    Q/ Et dans le camp révolutionnaire ? Il y a des dirigeants qui devraient croitre mais dont l’évolution semble limitée par le leadership d’Hugo Chavez. Cela n’engendre-t-il pas une pression interne dangereuse pour le camp bolivarien ?

    R/ Non. Nous qui accompagnons Chavez, avons la maturité politique nécessaire et un idéal commun. Ceci nous permet de comprendre que cette période est marquée par le leadership d’Hugo Chavez. En tant que dirigeants issus de la révolution, désignés, formés et stimulés par Chavez, notre rôle est d’accompagner le leader que le peuple s’est choisi. Chavez n’est ni le fruit d’une imposition , ni issu de primaires , ni d’aucun décret. La légitimité de son pouvoir est née des espérances et des aspirations de notre peuple. Aucun de nous n’éprouve de complexes à cet égard.

    Q/ De fait, le président a déclaré que l’actuel cabinet ministériel est le meilleur qu’il est eu en 12 ans. Quel est le secret de ce succès ?

    R/ Il faudrait le lui demander. Je dirais cependant qu’aussi bien dans la direction du parti (PSUV) qu’au gouvernement, après tant de remaniements, de trahisons et de déceptions, le président est parvenu à conformer une équipe homogène politique et idéologiquement.

    Q/ Les spécialistes du PSUV assurent que vous êtes à la tête d’un courant interne. Existe-t-il un « jauisme », à qui s’opposerait-il ?

    R/ Non, cela n’existe pas. Je peux le nier et ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas partisan de ce genre de choses. Je suis bolivarien, socialiste et chaviste. C’est le seul courant auquel j’appartienne. Je me suis efforcé de contribuer à ce que les positions se basant sur des tendances personnalistes ne fassent pas partie de la révolution. Je crois au débat d’idées au sein de notre parti et de notre projet, à la lutte contre les déviations et le réformisme mais ceci ne saurait être personnalisé.

    Q/ Mais en tant que jeune et ex-membre de Bandera Roja (1), comment vous traite la droite endogène, à l’intérieur du camp bolivarien ?

    R/ Je me demanderais tour d’abord, s’il existe vraiment une droite endogène. Ce concept est utilisé comme une accusation par certains secteurs du chavisme. Je n’y souscris pas car ce concept n’a pas d’existence organique. Les idées de droite seront toujours présentes dans une révolution aussi ample et démocratique que la nôtre, mais l’orientation stratégique claire, courageuse et décidée du président Chavez élimine de fait toute possibilité qu’auraient ces idées de devenir hégémoniques au sein du parti ou de la révolution.

    Q/ Que vous inspire la présence de Bandera Roja (BR) dans la Mesa de Unidad Democratica (MUD, regroupement de la droite vénézuélienne) ?

    R/ Ceci a été digéré il y a longtemps car nous fumes expulsés de Bandera Roja (1) en 1991 à l’issu d’une rupture interne. Maintenant, tous ces mauvais exemples de dirigeants de gauche se retrouvant dans les rangs de la droite ne font que renforcer notre éthique mais aussi la conviction que ce triste rôle de traitre est exactement celui que nous ne voulons pas jouer.

    Q/ Vous faites partie de l’équipe opérationnelle de ce gouvernement. Qui de mieux placé que vous pour nous dire quelle serait le problème interne le plus grave ? Le bureaucratisme, le manque d’efficience, la corruption, la culture capitaliste ?

    R/ Ce qui nous a manqué jusqu’ici, c’est la capacité de suivi et de contrôle dans notre gestion. C’est cette défaillance qui nous rend vulnérable à tous ces maux. Quand nous aurons réussi à exercer un suivi et un contrôle sur notre gestion, aucun de ces fléaux ne pourra prospérer. Pour sur, cette faiblesse démontre que nous n’avons pas un État omnipotent contrôlant le moindre détail. Il faut une consolidation des institutions afin que ce contrôle soit possible.

    Q/ Si on suit les analyses les plus pessimistes postérieures à l’intervention militaire en Libye, quand cela sera-t-il le tour du Vénézuéla ?

    R/Une des grandes vertus du président et de la révolution bolivarienne est d’avoir empêché ce scénario avec beaucoup d’audace, une diplomatie courageuse, une capacité de nouer des relations avec différents pôles de pouvoir dans le monde et par le renforcement de l’organisation et de la conscience de notre peuple. L’impérialisme nous habitue depuis le Vietnam à agresser les peuples qu’il sait organisés et assez dignes pour défendre leur territoire et leur souveraineté. Nous allons continuer à lutter pour que notre pays ne soit jamais agressé.

    L’effort de renouer des relations avec la Colombie par exemple a neutralisé les plans impériaux d’attaquer à travers un pays voisin et frère. Cela reste possible, en particulier vu la rareté du pétrole dans le monde, et c’est pourquoi nous devons nous préparer mieux chaque jour. C’est la meilleure barrière contre l’impérialisme.

    “J’ai traité des vaches... et semé de la yucca”

    Q/Le président a défié les grands propriétaires à un moment très difficile. Comment avez vous relevé le défi d’assumer le ministère de l’agriculture sans avoir trait des vaches ?

    R/ Si, j’ai trait des vaches lorsque je suis allé me réunir avec les paysans de Mérida. J’ai coupé des bananes à Barlovento. Et j’ai aussi semé de la yucca (rires). Le thème de l’agriculture requiert beaucoup de directionnalité politique et de compréhension du phénomène social. Tout le reste, les aspects techniques, sont déjà élaborés et nous avons l’appui de puissances en la matière telles que la Chine, l’Argentine et le Brésil. Nous sommes arrivés dans ce secteur pour nouer un grand débat dans lequel ont participé tant la droite récalcitrante que les mouvements paysans. Les dirigeants patronaux du secteur privé n’ont pas voulu l’admettre publiquement mais ils savent que nous avons fait un grand effort pour arriver à des accords.

    Q/Les avancées de la révolution agraire ont coûté beaucoup de sang. Pourquoi n’a-t-on pu faire justice dans les cas de paysans assassinés par des mercenaires des grands propriétaires ?

    R/ Les cas de "sicaires" ne sont pas faciles, mais les assassins professionnels ne laissent pas de trace et dans la majorité des cas, ce sont des personnes qui viennent de l’étranger, commettent le crime et repartent. Sur ordre du commandant Chávez, on a cherché à garantir la sécurité sociale des survivants des victimes d ces assassinats. dans les dernières années il y a eu moins de cas et ce sont des cas résolus par la police, certains auteurs matériels et parfois intellectuels ont été arrêtés. Deux grands propriétaires ont été arrêtés et un autre a fui du pays, un avis de recherche a été lancé contre lui.

    Traduction : Yerko Ivan.

    URL de la version FR de cet article : http://www.larevolucionvive.org.ve/spip.php?article1525&lang=fr

    Source : http://www.minci.gob.ve/entrevistas...

    (1) ("Drapeau rouge". Organisation stalinienne des années 70, passée peu à peu à droite et qui a participé au coup d’état contre Chavez en 2002)


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