• Depuis le jeudi 17 mars, plusieurs manifestations ont été réprimées par la police nationale et les forces armées avec un usage excessif de la force. Ce nouvel épisode de répression n'est que la continuité de la violence institutionnalisée d'un gouvernement qui n'a fait qu'assurer la continuité des violations des droits humains.

    Les manifestations pacifiques intégrées par des enseignants, des étudiants, des jeunes, des parents et des mères, ont été réprimées avec des quantités excessives de gaz lacrymogènes dans un évident mépris des procédures autorisées pour la dissolution de protestations. Les capsules de gaz sont utilisées comme des projectiles, jetées directement sur les manifestants et dans des espaces confinés. L'utilisation de canons à l'eau colorée est aussi constatée. Depuis le coup d'état, plusieurs personnes ont été des victimes de cette tactique.

    Le 24 mars, les organes de répression sont entrées à l'Université nationale autonome du Honduras, en violation flagrante du principe d'autonomie universitaire. Pendant environ six heures, la police s'est affrontée avec ses étudiants et étudiantes, armées de pierres, et a jetée plus de 100 capsules de gaz lacrymogène sur le site du campus universitaire, affectant de nombreux étudiants, employés et professeurs. Le lendemain, la répression a été encore plus violente, avec une "pluie" de gaz lacrymogène s'étalant sur l'espace de quelques pâtés de maisons. Plusieurs personnes se sont vues affectées par les gaz et les coups. La police à fait la chasse aux manifestants, et a capturé beaucoup d'entre eux.

    Le 31 mars, La répression policière a fait des dizaines de blessés, au cours des manifestations qui ont eu lieu à Tegucigalpa et dans d’autres villes, pour exiger le retour du président constitutionnel, Manuel Zelaya.
    Des expulsions violentes se sont aussi produites à l’Université Nationale de la ville industrielle de San Pedro Sula.
    Les rassemblements ont été convoqués par le Front National de Résistance Populaire pour appuyer les enseignants qui depuis cinq semaines manifestent contre un projet de loi qui veut privatiser l’éducation publique du Honduras.

     

     

    Después de las muchas exposiciones, la decisión de las Bases de Tegucigalpa es continuar en la lucha, independientemente de lo que digan los otros departamentos, y le piden a los Presidentes de los Colegios Magisteriales que se reúnan, para hacer un planteamiento y entregárselo a Pepe Lobo.

     


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  • Le reniement honteux de Goldstone (The Electronic Intifada)

    Ilan PAPPE
    le juge Richard Goldstone dans la bande de Gaza, juin 2009. (Photo ONU)

    "Si j’avais su ce que je sais aujourd’hui, le rapport Goldstone aurait été différent". C’est ainsi que commence le papier que Goldstone a fait paraître dans le Washington Post et qui soulève tant de commentaires. J’ai vraiment l’impression que l’éditeur a probablement modifié le texte et que la phrase originelle devait être quelque chose comme : "Si j’avais su que cela ferait de moi un Juif qui a la haine de soi (self-hating Jew dans le texte) aux yeux d’Israël ma bien aimée, et aux yeux de ma propre communauté juive d’Afrique du Sud, le rapport Goldstone n’aurait jamais existé." Si ce n’est pas ce qu’il avait écrit initialement, c’est certainement ce qu’il faut lire entre les lignes.

    Ce vil retournement de veste n’a pas eu lieu cette semaine. Il s’est produit après une année et demi de campagne incessante d’intimidation et de diffamation contre le juge, une campagne semblable à celles qui ont détruit des personnalités importantes comme le sénateur étasunien William Fulbright qui a été politiquement assassiné à cause de sa tentative courageuse de révéler les affaires illégales de l’AIPAC avec l’état d’Israël.

    Déjà en octobre 2009, Goldstone avait dit sur CNN : "Je porte un grand amour à Israël" et "J’ai travaillé à la promotion de beaucoup de causes israéliennes et je continuerai à le faire" (Video : "Fareed Zakaria GPS," 4 October 2009).

    A l’époque où il avait fait cette déclaration d’amour à Israël, il ne pouvait pas avoir de nouveaux éléments comme il prétend maintenant en avoir et on peut se demander pourquoi son amour pour Israël n’avait pas été le moins du monde entamé par ce qu’il avait découvert en rédigeant son rapport initial avec les autres membres de l’ONU.

    Mais le pire était à venir et il y a exactement un an, en avril 2010, la campagne contre lui a atteint de nouveaux sommets et plutôt de nouvelles abîmes. Elle était menée par le président de la Fédération sioniste d’Afrique du Sud Avrom Krengel qui a essayé d’empêcher Goldstone de participer à la bar mitzvah de son petit fils à Johannesburg parce que selon lui "Goldstone avait causé un dommage irréparable à tout le peuple juif."

    La Fédération sioniste sud africaine a menacé de mettre des gardes devant la synagogue pendant toute la cérémonie. Pire encore, Warren Goldstein, le grand Rabbin d’Afrique du sud, a condamné Goldstone pour "avoir causé du tort à l’état d’Israël." En février dernier, Golstone a dit que "le Hamas avait commis des crimes de guerres mais pas Israël, "dans un interview qui n’a pas été diffusé selon une information du 3 avril du site Web de la chaîne 2 israélienne. Ce n’était pas assez : Israël voulait davantage.

    Les lecteurs peuvent se demander "Quelle importance cela a-t-il ?" et "Pourquoi Goldstone n’a-t-il pas été capable de résister à la pression ?" Ce sont de bonnes questions mais hélas, la sionisation des communautés juives et l’identification erronée du fait d’être juif avec le sionisme constitue un obstacle si grand qu’il empêche les Juifs libéraux de dénoncer activement les crimes d’Israël.

    De temps en temps, de nombreux Juifs libéraux donnent l’impression de se libérer de ce joug et d’écouter leur conscience plutôt que leur peur. Cependant les convictions universalistes de la plupart semblent être incapables de résister longtemps quand il s’agit d’Israël. Le risque d’être traité de "Juif qui a la haine de soi" avec tout ce qu’une telle accusation implique, est une perspective trop effrayante pour eux. Il faut être à leur place pour comprendre à quel point c’est terrifiant.

    Il y a seulement quelques semaines, les services secrets israéliens ont annoncé la création d’une unité spéciale dont la mission est d’espionner les individus ou organismes soupçonnés de "délégitimer" Israël pour leur demander des comptes et peut-être même les traquer. Cette nouvelle a peut-être convaincu un certain nombre de ceux qui n’étaient pas vraiment déterminés que cela ne valait pas la peine de tenir tête à Israël.

    On aurait dû se rendre compte que Golstone était l’un d’entre eux lorsqu’il a affirmé que, en dépit de son rapport, il demeurait sioniste. Ce qualificatif de "sioniste" a beaucoup plus de sens et de poids qu’on ne le croit habituellement. On ne peut pas se dire sioniste et s’opposer à l’état d’apartheid d’Israël. On peut rester sioniste par contre si on se contente de critiquer cet état pour une certaine politique criminelle en omettant de faire le lien entre l’idéologie et la politique. "Je suis un sioniste" est une déclaration d’adhésion à des manières de penser qui sont antinomiques avec le rapport Godstone de 2009. On peut soit être sioniste soit accuser Israël de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité -celui qui fait les deux ensemble, ne tiendra pas longtemps le coup.

    Que ce mea culpa n’ait rien à voir avec de nouveaux éléments, est évident lorsqu’on examine les "preuves" que Goldstone a présentées pour justifier sa rétractation. Pour être honnête il faut dire qu’on n’avait pas besoin d’être un expert international pour savoir que Israël avait commis des crimes de guerre à Gaza en 2009. Les rapports d’organismes comme Breaking the Silence (briser le silence) et les représentants de l’ONU sur le terrain ont démontré ces faits avant et après le rapport de Golstone. Et ce n’était pas non plus la seule preuve.

    Les photos et les images que nous avons vues sur nos écrans et celles que nous avons vues sur le terrain nous ont montré qu’il s’agissait d’une politique criminelle destinée à tuer, blesser et estropier à la manière d’un châtiment collectif. "Les Palestiniens vont s’attirer un Holocauste" avait promis Matan Vilnai, le secrétaire d’état à la défense d’Israël au peuple de Gaza le 29 février 2008.

    La seule nouvelle pièce que Goldstone apporte au dossier est une enquête intérieure de l’armée israélienne qui explique qu’un des cas suspectés d’être un crime de guerre était dû en fait à une erreur de l’armée sur laquelle elle est en train d’enquêter. Cela doit être sa carte maîtresse : une affirmation de l’armée israélienne que l’assassinat de masse des Palestiniens était une "erreur."

    Depuis la création de l’état d’Israël, les dizaines de milliers de Palestiniens tués par Israël étaient des terroristes ou avaient été tués par "erreur". Donc 29 des 1400 morts ont été tués suite à une regrettable erreur ? Seul un engagement idéologique peut inciter quelqu’un à demander une révision de ce rapport sur la base d’une enquête intérieure de l’armée israélienne concernant un seul cas alors qu’il y a eu des douzaines de massacres et de tueries illégaux. Ce n’est donc pas cette nouvelle preuve qui a conduit Goldstone à écrire cet article. C’est plutôt son désir de retrouver son confort au sein du sionisme qui l’a incité à écrire ce papier aussi bizarre que contestable.

    La manière dont il accentue sa critique du Hamas dans cet article et diminue la critique d’Israël va dans le même sens. Et il croit que cela le fera échapper à la fureur vengeresse d’Israël. Il se trompe lourdement, très lourdement. Peu de temps après la parution de l’article, le ministre de la Défense d’Israël, Ehud Barak, le premier ministre Benjamin Netanyahu et bien sur le lauréat du prix Nobel de la Paix, Shimon Perez, exigeaient de Goldsone un autre service : aller de campus en campus et d’une conférence à une autre au service d’un nouvel Israël, noble et pieux. Il peut refuser ; mais alors il lui sera sans doute interdit d’aller à la bar mitzvah de son petit fils par mesure de rétorsion.

    Goldstone et ses collègues ont rédigé un rapport très détaillé mais ils se sont montré très réservés sur les conclusions. Le tableau présenté par les organisations des droits de l’homme israéliennes et palestiniennes était bien plus horrible et leurs rapports n’étaient pas rédigé dans ce langage clinique et légaliste qui ne traduit généralement pas toute l’horreur des événements. L’opinion publique occidentale a compris avant Goldstone et mieux que lui toutes les implications de son rapport. La légitimité internationale d’Israël a subi un dommage sans précédent. Goldstone a été sincèrement ébranlé quand il s’en est rendu compte.

    Ce n’est pas la première fois que tout cela se produit. A la fin des années 1980, l’historien israélien Benny Morris a écrit en vain un rapport similaire sur le nettoyage ethnique de la Palestine en 1948. Ce sont des universitaires palestiniens comme Edward Said, Nur Masalha et Walid Khalidi qui ont fait apparaître les conséquences que les archives qu’il avait exhumées avaient sur l’image et l’identité d’Israël.

    Morris n’a pas non plus résisté à la pression et a demandé à être réintégré dans la tribu. Il est allé très loin dans le mea culpa et est devenu un raciste extrémiste anti-arabe et anti-musulman allant même jusqu’à suggérer de mettre les Arabes dans des cages et à militer pour un autre nettoyage ethnique. Goldstone en fera peut-être autant : en tous cas, c’est ce que les Israéliens veulent qu’il fasse.

    Sur le plan professionnel, Morris et Goldstone ont concrétisé leur marche arrière en revendiquant que Israël soit jugé sur ses intentions et non sur les conséquences de ses actions, ainsi qu’on le constate dans l’article de Goldstone du Washington Post. C’est pourquoi selon eux, seule l’armée israélienne peut être considérée comme une source d’information fiable puisqu’elle seule connaît ses propres intentions. Peu de personnes honnêtes et intelligentes dans le monde considéreraient comme acceptables une analyse et une explication aussi bizarre.

    Goldstone n’a pas encore adhéré au groupe le plus fou d’ultra-sionistes comme l’a fait Morris. Mais s’il ne se méfie pas, ce qui l’attend c’est sans doute, une vie d’agréables déplacements en compagnie de gens comme Morris, Alan Dershowitz (qui a déjà qualifié Goldstone de "Juif repentant") des meetings annuels des rottweilers (race de chiens de berger NdT) de l’AIPAC aux conventions farfelues des chrétiens sionistes. Il se rendra vite compte qu’une fois qu’on a capitulé devant les sionistes, ils s’attendent à ce qu’on aille jusqu’au bout et qu’on revienne à l’endroit même qu’on croyait avoir réussi à dépasser.

    Regagner l’affection des sionistes à court terme est bien moins important que de perdre le respect du monde entier sur le long terme. La Palestine devrait choisir ses amis avec grand soin : ils ne doivent pas être pusillanimes et ils ne peuvent pas se proclamer à la fois sionistes et défenseurs de la paix, des droits de l’homme et de la justice en Palestine.

    Ilan Pappe est professeur d’histoire et directeur du European Centre for Palestine Studies à l’Université d’Exeter. Son dernier livre est : Out of the Frame : The Struggle for Academic Freedom in Israel (Pluto Press, 2010).

    Pour consulter l’original : http://electronicintifada.net/v2/ar...

    Traduction : D. Muselet

    EN COMPLEMENT :

    Palestine : Respecter les faits, et le droit

    Le Goldstone du rapport Goldstone a un doute. La capacité à douter, qualité du chercheur et du juriste, est une bonne chose. Celui qui est péremptoire en tout et qui s’interdit de douter est dangereux. Mais avec l’exploitation politique et médiatique, le doute perd ses toutes ses qualités.

    Annuler le rapport Goldstone !... Quel honneur pour ce rapport, comme s’il s’agissait d’un jugement, prononçant des condamnations. Non, gardons le calme, et replaçons ce rapport dans la réalité des faits, et du droit.

    SUITE ICI : http://lesactualitesdudroit.20minut...

    URL de cet article 13309
    http://www.legrandsoir.info/Goldstone-retourne-sa-veste.html

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  • Misrata des lieux.

    Alors que les journalistes occidentaux ont fuit Misrata, nos amis, qui sont encore dans la ville, nous envoient le fruit de leurs recherches et constatations de ces derniers jours.
    Ce texte est découpé en 3 parties distinctes. L’une, à fin de contextualisation, rappelle quelques informations générales sur la Libye. La seconde revient sur le soulèvement du 20 février à Misrata. Enfin la dernière (et plus longue) partie, dresse un état des lieux de la situation actuelle dans la ville. Il y est décrit le positionnement des forces en présence, puis la manière dont les insurgés s’organisent.

    1. Considérations générales sur la Libye.

    Le texte qui suit tente un bref état des lieux du pays, du point de vue économique, historique, social. Il est largement limité par notre manque de connaissance du pays. Pourtant, ces quelques considérations permettent de saisir les événements dans une vision moins étroite que ce qui a été écrit jusque-là.

    La Libye n’est pas un pays pauvre. Les richesses du pétrôle irradient toute l’économie, des secteurs issus de cette industrie à ceux qui lui sont indirectement liés. Les cadres, les ingénieurs, les enseignants contribuent largement à l’insurrection. Le travail ouvrier (bâtiment, soudure, menuiserie, etc.) est principalement effectué par la population issue de l’immigration africaine. La vie libyenne fonctionne sur le modèle de la métropole occidentale. Dans l’ensemble, les libyens ne vivent pas de leurs propres productions et dépendent des échanges commerciaux.

    La quasi totalité de ce qui est consommé relève des importations. Celles-ci ont cessé depuis le début de la guerre. Certaines ressources (médicaments, nourriture…) transitent encore par la frontière égyptienne mais elles se font au compte-goutte et au gré des initiatives personnelles. L’ensemble du pays vit actuellement sur ses stocks et il est difficile de savoir combien de temps ils pourront encore subvenir aux besoins.

    Comme nous l’a rappelé un vieil homme, cette révolution n’a pas commencé parce que les libyens avaient faim. Selon lui, le peuple s’est soulevé pour la dignité, l’honneur. Les Libyens avaient beau être riches et bien éduqués, ils avaient l’impression de vivre comme du bétail, à savoir ne faire que « manger et pisser ». Maintenant que la guerre a bouleversé certains aspects du quotidien, il est difficile de comprendre ce qu’un retour à la normal impliquerait. Ils ont déjà gagné l’honneur et la liberté dans le processus même de la guerre.

    Les quarante-deux ans du régime Kadhafi ont empêché le développement d’une culture de la politique classique : absence de partis politiques, inexistence de lieux de sociabilite classiques tels que des associations, nulle émergence d’idéologie particulière. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles on entend peu de discours sur la démocratie, à l’inverse des mouvements en Egypte ou en Tunisie. Etant donné qu’il n’y a pas l’ancrage d’une force d’opposition, même clandestine, aucun leader ne bénéficie d’un engouement particulier de la part des révolutionnaires.

    De la même manière, nous ne distinguons pas de hiérarchie formelle qui centraliserait l’organisation de cette guerre. Pour autant, nous commençons à entendre le nom d’Abdel Fattah Younes Al-Abidi, ancien ministre de l’interieur du régime de Tripoli nommé, ces derniers jours, chef d’Etat major des troupes rebelles. Pour le moment, son rôle semble limité au plan logistique militaire. Même si la presse occidentale l’annonce comme le nouveau leader, il est loin de faire l’unanimité parmi les shebab. Les seules figures auxquelles se rattache le sentiment national et patriotique sont des symboles de résistance passée comme celle d’Omar Al-Moktar.

    Aujourd’hui, « les libyens libres sont tous des Omar Al-Moktar ». Ce dernier, cheikh des mudjahidins de l’époque, a combattu les Italiens de 1911 a 1931, retranché dans les montagnes de l’est, s’attaquant aux chars avec des moyens de fortune, construisant des pièges et imaginant d’autres mauvais coups de génie. « La victoire ou la mort, ne jamais se rendre » tel était son mot d’ordre, qui retentit encore aujourd’hui.

    En ce qui concerne le système tribal, il s’agit surtout d’un mythe que Kadhafi a beaucoup utilisé pour asseoir une gestion du pays par la division et, par conséquent, favoriser la sienne, les kadhafa. Les tribus ont une realité historique mais aujourd’hui elles n’ont plus d’influence dans les rapports de force. Dans les grandes villes, par exemple, plus personne ne semble se référer à une tribu d’appartenance. Dans cette guerre, l’Islam agit comme le seul lien communautaire infaillible, là où le vide spirituel qui accompagne l’occidentalisation pourrait atomiser les partisans de la révolution.

    Vivre dans la bonne voie ou mourir pour une bonne raison. Qu’il s’agisse précisement de la guerre en cours ou de la vie ordinaire, nos amis libyens insistent : « une cible, un chemin ». La force que donne ici la foi est déterminante dans la tenue du conflit. Quand le bateau acheminant des munitions, de la nourriture et des médicaments pour Misrata a été menacé, par un appel anonyme, d’être attaqué, le doute ne marquait aucun visage. Au son des prières et des chants, le bateau a pénétré dans le port.

    2. Les débuts du soulèvement à Misrata.

    Le 17 fevrier, alors que la katiba de Benghazi tombe aux mains des insurgés, une petite foule de partisans khadafistes parcoure encore tranquillement les rues de Misrata, munie de mégaphones, agitant des drapeaux verts et des portraits du « Guide ». Ils s’efforcent de manifester un semblant de normalité quand, partout dans l’est, les positions du pouvoir sentent déjà le brûlé. Mais, le 19 fevrier, cinq cents étudiants de Misrata sortent dans les rues pour protester contre les tirs sur la foule qui ont eu lieu à Benghasi. La manifestion est attaquée dès le matin, à main nue ou à coups de gourdins par des kadhafistes. Dans l’après-midi, les esprits s’echauffent, l’armée se déploie et tire au 14.5 sur la foule.

    Il y a un mort du côté des manifestants. Le lendemain, environ vingt mille personnes envahissent le cimetière pour enterrer le jeune garçon. Une fois la cérémonie terminée, la foule marche sur le centre-ville, avec des batons en guise d’armes et attaque systématiquement tous les symboles du régime. C’est le ravage des quelques « lenjen toria », sortes de bureaux du parti « révolutionnaire » kadhafiste, et comme un peu partout en Libye, le départ précipité vers Tripoli d’une large frange des militaires – ce qui fournit, aux insurgés, leurs premières et seules armes.

    Il faut savoir que Misrata était considérée comme une ville commerciale, très calme et exempte d’agitation politique, à l’inverse de Benghazi, lieu de résistance où les forces khadafistes étaient armées en conséquence. Ici, on connaissait même très peu les potentielles caches d’armes. Ce n’est qu’il y a deux semaines, quand des explosions se faisaient encore entendre six heures après le bombardement de l’aéroport par la coalition, que les gens ont compris où elles se trouvaient concentrées.

    Dès les premiers jours, le chef local des forces spéciales de Kadhafi, promet à la population qu’il ne donnera pas l’ordre de tirer sur la foule. Il est arrêté et emmené à Tripoli avec sept autres personnes. La Katiba et ses stocks de munitions restent aux mains du pouvoir. Si le problème de l’armement des insurgés se fait encore sentir aujourd’hui dans la guerre asymétrique qui se livre ici, ce n’est rien au regard des premières offensives loyalistes pour reprendre la ville.

    La population était alors quasiment désarmée. Leurs principaux moyens de lutter contre les premiers tanks qui entraient en ville étaient largement improvisés. A plusieurs, ils couraient sur les blindés, armés de cocktails molotov et de gélatines – grenades artisanales traditionellement utilisées pour la pêche, dont la puissance varie en fonction de la taille de la boîte de conserve qui conditionne l’explosif. A ce moment-là, la victoire est une affaire de détermination et d’ingéniosité face aux colonnes constituées principalement de mercenaires étrangers, fortement armés mais désavantagés par leur méconnaissance du terrain.

    Le plan militaire qui se déploie ici n’est pas autre chose que la fortune de Kadhafi qui achète sa vengeance. Depuis le départ, les milices sont composées de mercenaires étrangers. L’arrivage massif de ces « soldats », en provenance de divers pays, est permanent, soit parce qu’il est organisé par Kadhafi, soit parce que c’est le nouveau plan thune des tueurs professionnels : des bureaux de recrutement au Tchad et au Mali, cet appel satellite intercépté d’un sniper serbe invitant ses potes au pays à le rejoindre ici. Pour aligner des civils dans un viseur, la rémunération peut aller jusqu’à 10 000 dinars par jour.

    On parle aussi des quartiers pauvres ou des villes défavorisées du sud dans lesquelles les pro-Kadhafi recrutent des libyens, qui, au cours des premières semaines, ont grossi les effectifs des milices ou servent, maintenant, à manifester devant des caméras en agitant le drapeau vert. Les sommes d’argent et les promesses d’emplois hauts placés que le clan Kadhafi est capable de proposer créent une méfiance diffuse, égale à la peur des espions. Même s’il nous est difficile de saisir toutes les tensions, cette méfiance ne semble pas produire une ambiance délétère, ni nuire aux liens entre les révolutionnaires.

    Le troisième jour, la plupart des gens avaient déjà déserté leurs postes de travail. Une sorte de démobilisation générale s’est installée parce que l’Etat comme instance de gestion avait déjà disparu ou, en tout cas, il n’était plus question de le reconnaître. Des assemblées se sont formées sur la place centrale de Misrata, là où convergeait la foule. S’y est posée immédiatement la nécessite de s’organiser pour la nourriture, l’eau, l’électricite, l’argent, autant que pour combattre.

    Ceux qui poussaient à la création de « conseils » pour coordonner les initiatives venaient pour une bonne partie du milieu judiciaire (avocats, juges…). Ce sont eux qui ont poussé les banques à réouvrir quelques jours la première semaine pour que soit distribué l’argent. Suite à la creation de ces conseils locaux, il y a eu la volonte d’une coordination à l’échelle nationale, ce qui deviendra le Conseil National de Transition. Cette instance est donc aussi composée de délégués des conseils locaux. Par exemple, il y a deux personnes de Misrata présentes au CNT de Benghasi.

    Depuis la première semaine, sur les plans politiques et existentiels, la ville est acquise à la révolution. Il faut la bêtise d’un adepte de la propagande télévisée d’Etat ou la distance d’un journaliste occidental pour se perdre encore en conjectures et croire que quelque chose puisse encore ici tourner politiquement en faveur de Kadhafi. On ne voit pas bien en quoi consisterait maintenant pour le pouvoir le fait de « reprendre Misrata », sauf à en éradiquer purement et simplement la population.

    3. Notes sur la stratégie de siège de Misrata – cartographies.

    La disposition des forces ennemies, sur trois secteurs importants, encercle Misrata et en empêche l’accés par voie terrestre. De ces trois points et de l’occupation de Tripoli Street, des incursions sont régulièrement effectuées ou tentées plus en avant dans la ville. La strategie des forces kadhafistes consiste en une politique de la terreur : pénétrer dans certains quartiers pour les piller, enlever des habitants ou les tuer. Elle prend aussi la forme de bombardements, de tirs tactiques ou de prises de positions pour priver la population de ses ressources : la nourriture, l’électricite, le pétrole, l’argent, le matériel médical, les moyens de communication.

     
    vue large de Misrata
     
    legende misrata vue large

    A l’Ouest.

    Depuis Zlitan, le long de la route côtière, des pièces d’artillerie lourde, des tanks et des BMB (blindés de transports de troupes) sont retranchés dans une zone forestière à une dizaine de kilomètres de Misrata. Les mouvements depuis cette zone sont à découvert. Ils tentent régulièrement des percées dans la ville afin de se réfugier dans les immeubles pour pouvoir tenir une position à l’abri des tirs de la coalition. Jusque-là, les shebabs ont toujours reussi à les faire reculer.

    Au sud.

    Les forces kadhafistes sont concentrées depuis Tamina jusqu’aux abords de la base militaire de l’aviation, bombardée deux fois par l’OTAN. Depuis cette position, les troupes de mercenaires s’assurent le contrôle des accès sud de la ville (intersections des portes sud et de la Highway) et procèdent à des incursions. Au croisement de la Highway et de Benghazi street, les blindés enfoncent les facades des magasins et des cafés pour se mettre hors de vue dans les bâtiments lors des passages des avions de la coalition. Leurs mouvements sur la Highway coupent la ville de toute la zone qui s’étend au-delà, concentrant la plupart des fermes de la region, et donc la majeure partie de la (faible) production agricole locale. Les forces loyalistes se sont particulièrement attachées à couper l’alimentation en électricité des exploitations et à en rendre l’accès depuis la ville particulièrement suicidaire.

    A l’est.

    La zone qui s’étend du sud-est de Misrata jusqu’au port Quasr Hamad essuie continuellement des tirs d’artilleries, des pillages ou des tentatives d’attaques sur les entrepôts de stockages. Ce port de commerce est une immense zone industrielle devenue le noeud stratégique local dans le déroulement des hostilités puisqu’elle sert encore de grenier à la ville. L’attaque du vendredi 2 avril par un tank et un groupe de voiturse, mise en échec par l’intervention largement médiatisée de la coalition, y visait des entrepôts de sucre et de farine. Les premiers ont complètement cramé.

    Cette opération faisait suite à de multiples tentatives au cours des semaines précédentes, toujours plus ou moins limitées par les contre-attaques des shebabs. Dans cette zone se trouvent également la dernière centrale électrique encore fonctionelle de Misrata, ainsi que les réserves de pétrôle, encore conséquentes, qui servent autant à la circulation des shebabs qu’à produire l’électricité de la ville. La seconde centrale – située à Karsas au nord-ouest – a été détruite, il y a trois semaines, privant la moitié de la ville non seulement d’électricité mais aussi d’eau puisque le pompage direct des nappes phréatiques en depend. D’autres points du circuit électrique sont aussi régulièrement touchés comme les boitiers électriques des quartiers.

    Le centre-ville.

    Il y a un peu plus de deux semaines, les forces loyalistes ont reussi une incursion dans le centre de la ville. L’operation rassemblait sept cent hommes, une quarantaine de tanks et autres engins d’artillerie. Les shebabs ont été tenus en échec. Depuis, l’occupation de Tripoli Street par les forces kadhafistes paralyse la colonne vertébrale du centre-ville marchand. Les snipers ont pris position sur les plus hauts buildings. Huit blindés ont été positionnés entre le principal hôpital de la ville et les abords d’un gros supermarché et du marché à légumes qui pouvaient, il y a peu encore, pourvoir en nourriture. Les ansciens locaux de la radio et ceux de la télévision locale, en retrait de la rue principale, sont endommagés et l’accès y est difficile. Leurs locaux ont été déménagés dans des endroits plus protégés et inconnus des forces kadhafistes.

     
    Centre de Misrata

    S’organiser à Misrata

    Pour désigner les combattants, les journaux occidentaux parlaient des « shebabs » (littéralement, « les gars »). Or, ici, tous s’appellent « shebab ». Il y a ceux qui affrontent physiquement, avec ou sans armes, l’ennemi, et ceux qui s’attèlent, sous plusieurs autres formes, plus ou moins chaotiques, à rendre cette guerre habitable et victorieuse. Se nourrir, circuler, communiquer, se soigner, se défendre sont devenus des pratiques offensives.

    A Misrata, plus particulièrement qu’ailleurs, la guerre n’a pas pris la forme d’un front rangé contre l’ennemi et un d’un arrière mobilisé dans une économie de guerre performante et organisée par une instance centralisée. A Misrata, dès le 20 fevrier, les habitants sont sortis dans la rue, ont deserté leur travail et ont cherché à remplir le vide que laissé par l’attaque des administrations du régime de Kadhafi. Des rassemblements se sont improvisés, des appels à s’organiser se sont succédés. Ces élans spontanés ont eu lieu dans chaque ville libyenne qui s’est soulevée. Très vite est venue l’idée d’un conseil national auquel participeraient deux membres de chaque ville.

    Celui-ci est posté à Benghazi, ville de l’est, premier endroit à prendre les armes contre le régime, le 17 février. Pour le moment, cette instance sert aux pourparlers diplomatiques avec l’occident et participe à coordonner, nationalement, une meilleure répartition des moyens. Localement, la seule instance qui influe sur le cours de la guerre est le conseil local. Le rôle de coordination matérielle (organiser la distribution de la farine, du fuel, chercher à répondre aux besoins des hôpitaux, etc.) que cette instance endosse intervient seulement quand les besoins ne peuvent pas être résolus directement par les habitants, soit pour une question d’échelle (les hopitaux), soit parce que ceux-la ont dû quitter leurs quartiers. Par exemple, ici, les familles ont en grande partie quitté les zones adjacentes à Tripoli Street depuis le début de son occupation par les forces loyalistes, il y a deux semaines.

    Le ravitaillement des shebabs qui y tiennent position passe alors par la coordination du conseil local : ses membres s’assurent que des familles préparent de la nourriture et que des munitions soient disponibles. Pourtant, à Misrata, le conseil local est loin d’incarner l’autorité en matière de décisions et d’initiatives. Il ne peut pas prétendre remplir la béance ouverte par la déstitution de l’ancien régime. D’abord, il n’y a pas l’assise d’une opposition politique qui pourrait se poser comme leader de la révolution. Ensuite, le conseil local est spontanément limité par la détermination et les savoir-faires des uns et des autres.

    La majeure partie de la population a cessé d’aller travailler et, dès le 21 mars, il n’y avait plus d’activité économique dans Misrata. Les habitants se sont rendus disponibles à la révolution en revétant de nouveaux rôles qu’ils se sont eux-même attribués. Le maître de conférence qui s’attèle a gérer le point internet de la ville, l’ancien militaire qui devient capitaine de bateau, l’étudiant en médecine qui part combattre, les bandes de gamins du quartier qui tiennent des check-points toute la nuit, le propriétaire d’une pelleteuse qui passe dans les rues pour former des barricades de sable. En ce qui concerne les tâches plus amples, l’organisation repose sur l’initiative commune d’habitants d’un même coin. Pour les déchets, par exemple, ils s’organisent entre eux pour les rassembler, les incinérer à ciel ouvert ou bien s’en servir comme combustibles pour se défendre.

    Très rapidement aussi, ils ont compris que certains lieux devaient continuer à fonctionner pour répondre aux besoins créés par cette guerre. La panique ne semble jamais avoir emporé les foules dans la destruction et le pillage de ce qui pouvait servir à tenir dans la durée. Certains lieux stratégiques n’ont donc jamais cessé leur activité, comme les dépôts de stocks issus de l’importation et ceux contenant le fuel pour en permettre la distribution. Les centrales électriques en font aussi partie. En leur sein, le travail ne fonctionne plus comme à l’ordinaire. A défaut d’autres moyens de communication, on se tient au courant des coupures d’électricite par des messages diffusés au cours des émissions de radios locales. Les techniciens, plus ou moins improvisés, se rendent sur place, en prenant parfois beaucoup de risques, constatent les dégats des compteurs attaqués ou des lignes sectionnées et font savoir aux habitants, toujours par la radio, le temps nécessaire aux réparations.

    Les banques ont d’abord été forcées d’ouvrir trois jours par semaine pour distribuer l’argent. Les forces kadhafistes se sont alors postées devant. L’argent n’est donc plus une nécessité pour acquerir les produits : ceux qui en ont encore paient, et les autres allongent des ardoises qui n’ont plus vraiment de sens, aucune activité n’étant plus remunerée par un salaire. Très vite, les magasins ont été réouverts pour rendre accessibles les produits vitaux. Certains possèdent des petits potagers et ont encore quelques bêtes à se mettre sous la dent. D’autres risquent leur vie en traversant des grandes artères pour acheminer de la viande et des légumes depuis les fermes du sud de Misrata, afin de les redistribuer en centre ville. C’est ainsi qu’on peut voir aux abords de certaines rues des foules faisant la queue devant une camionette de légumes.

    Les camps de réfugiés sont la face obscure de cette organisation. Ils sont plusieurs milliers à s’être rassemblés dans la zone portuaire de Qasr Ahmad. Ils répètent que cette guerre n’est pas la leur. Leur passivité dans le conflit les réduit à subir les pires conditions, sans pouvoir faire autre chose qu’attendre la nourriture, les médicaments, le bateau qui les sortira de Lybie. L’arrivée prochaine d’organisations humanitaires trouvera-là un misérable chaos dans lequel elle saura s’engouffrer, tandis qu’ailleurs, elle mettra sûrement fin a l’ingéniosité des habitants.

    Il n’y a pas de centralisation de l’information mais plusieurs outils pour la faire circuler. Il y a la radio qui informe localement et nationalement mais aussi l’imam du quartier qui informe du besoin de telle ou telle famille et est en mesure de trouver telle ou telle personne pour y repondre. Ces derniers outils ne fonctionnent pas seulement pour repondre à des besoins, c’est aussi un moyen de s’adresser aux ennemis. Par exemple, l’ « avertissement aux mercenaires » (cf. article ‘Nouvelles de Misrata, ville assiegée’) tourne en arabe, en francais et en anglais a la radio.

    On nous raconte aussi qu’il y a une semaine, des habitants s’étaient adressés à des snipers logés dans un immeuble via le minaret de la mosque. Le message adressé était à peu pres celui-ci : « Si vous vous vous rendez et deposez les armes de vous-même, vous ne serez pas faits prisonniers, si vous acceptez, tirez trois coups ». Au deuxieme coup de feu tiré en l’air, les gens sont sortis dans la rue pensant avoir remporté la reddition des snipers, mais le troisième coup et les suivants furent pour la foule.

    Les rues et les batiments sont aussi occupés d’une nouvelle manière. A chaque intersection, un check-point a été installé. Ce sont des barrages pour contrôler l’accès dans les quartiers et pour multiplier les remparts à une possible incursion des forces kadhafistes. On peut y être contrôlé sommairement, avec ouverture de coffre et vérification des cartes de rebelles. Ces cartes ont été editées par le CNT et distribuées aux shebabs. Elle porte la date du fameux 17 fevrier et on peut y lire toutes sortes de fonctions improvisées.

    Par exemple, un jeune étudiant en médecine se retrouvera docteur. La circulation permanente des voitures aux check-point permet la transmission d’informations sur la sécurité de telle ou telle zone. Certains barrages sont faits de brics et de brocs, d’autres sont devenus de véritables lieux de vie. Pour s’abriter, des tentes sont montées sur les trottoirs ou bien ce sont des contenaires ramenés du port commercial qui sont posés sur la route, autant pour réduire les voies que pour y mettre de quoi cuisiner, quelques matelas et une télévision branchée sur Al-Jazeera.

    A certains check-points, il y a des details qui révèlent le plaisir que les shebabs prennent à les installer, les penser, les ameliorer. Le nombre des équipes varie, c’est aussi bien des vieux que des jeunes, en general peu armés. Les équipes se relaient par tranches horaires et elles se forment à partir des habitants des rues à proximité. Il ne semble pas y avoir de coordination formelle entre les differents check-points.

    Pourtant, le même genre de matériel se trouve partout et, toute la journée, on voit des types qui transportent du sable, remplissent des sacs avec ou le répartissent en tas sur les routes. Quant aux batiments, beaucoup ont été requisitionnés et reconvertis selon les moyens et les besoins : un local de radio, trop proche de Tripoli Street, s’est improvisé dans un préfabriqué branché à une grosse antenne et couvre toute la Libye, une école s’est transformée en centre de communication internet, un magasin est devenu un dépôt de nourriture.


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  • Nouvelle attaque, déjouée, de la "Ligue de défense juive"  contre "Gaza-strophe" à Paris

  • 4 avril 2011 par Schlomo ici 

    La LDJ (la mal nommée Ligue de Défense Juive) a encore frappé, cette fois-ci contre l’Espace St-Michel à Paris, un cinéma d’art et d’essai qui projette le film « Gaza-strophe ».

    Un commando a essayé de pénétrer à l’intérieur du cinéma hier soir, mais a été empêché par le projectionnise, qui a été légèrement blessé dans l’attaque.

    Avant de se disperser, les nervis ont pu coller des affiches de la LDJ sur les vitrines de la salle, signant ainsi leur forfait.

    L’Union Juive Française pour la Paix (comme d’autres associations) ont déjà, à plusieurs reprises, appelé à la dissolution de cette milice d’extrême droite sioniste.

    Témoignage

    « …le projectionniste de l’Espace St Michel a appelé pour dire qu’il avait été attaqué par 15 à 20 brutes qui ont cherché à enfermer les spectateurs en fermant les portes à l’aide d’un antivol. Le projectionniste qui est grand et costaud a résisté (ainsi que l’ouvreuse, petite et mince) ce qui lui a valu d’être sévèrement battue mais sa résistance a surpris les brutes qui sont parties non sans signer leur forfait en collant des affiches jaunes de la LDJ dénonçant ce nouveau film « antisémite« … La police a été prévenue. A suivre. »

    Voir aussi ici


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  • LAMPEDUSA : LES BARBELES DE NOTRE MEDIOCRITE

    Lampedusa: les barbelés de notre médiocrité



    Annamaria Rivera

    Traduit par  Fausto Giudice

    Face à l’exode, tout à fait prévisible, de quelques milliers de migrants et de réfugiés, on ne pourrait imaginer de farce plus indigne que celle qui se joue dans le malheureux pays dans lequel il nous est échu de vivre, désormais padanisé* du Nord au Sud, à quelques exceptions près.

    Et le contraste est strident entre la noblesse du printemps arabe et la misère des réponses italouillardes** à l’issue escomptée et secondaire de cet extraordinaire tournant historique : rien que chaos, déshumanisation, alarmisme social, compétition entre égoïsmes institutionnels, camps de concentration, barbelés, menaces de rapatriements collectifs, patrouilles “spontanées” et chasse aux fugitifs jusque dans les hospitalières Pouilles.

    La jeune taupe a bien creusé : le mélange monstrueux de liguisme nazi, de cynisme individualiste de propriétaires, de provincialisme pingre et inconscient dessine aujourd’hui le portrait le plus fidèle de la nation italienne.
     
    Nous sommes le pays qui est incapable – ou refuse – de contraindre à la démission son médiocre despote, camarade de goûter et de bunga-bunga***des tyrans renversés par les révoltes : un homme qui, après l’apocalypse japonaise, a eu le culot de qualifier l’arrivée de réfugiés de “tsunami humain”. Et il est donc cohérent que nous en exprimions au niveau institutionnel et social les attitudes, les tics, les sautes d’humeur indécentes.
     


    Chappatte, Le Temps (Genève), 31/3/2011
     

    À l’opposé - et ce n’est pas un hasard – l’héroïsme et la générosité collectifs qui ont guidé le soulèvement tunisien se sont reflétés dans la solidarité, l’altruisme, le naturel serein avec lesquels les populations très pauvres des villages frontaliers – et les autorités tunsiennes elles-mêmes – ont accueilli presque 150 000 réfugiés arrivés de Libye : cela, dans un pays d’à peine 10 millions et demi d’habitants, se trouvant dans une phase très difficile de transition politique, sociale et économique.
     
    Chez nous – un pays de plus de 60 millions d’habitants – il a suffi de 20 000 arrivées pour entraîner le cycle pervers et crapuleux dont nous avons parlé, qui va de l’impéritie et du chaos à leur instrumentalisation alarmiste, du malaise et du rejet populaires aux renvois de balles entre institutions. Il faut ajouter que c’est seulement en apparence que la France est à peine moins dégoûtante, qui, à Vintimille, renvoie les Tunisiens vers l’Italie : pour retrouver leur honneur perdu - si l’on ose dire – Sarkozy & Co., eux aussi anciens camarades de goûter de Kadhafi et grands protecteurs de Ben Ali, préfèrent les bombardements “humanitaires” à l’accueil et à la solidarité.
     
    Et pourtant il n’y a dans toute cette situation aucun lien objectif, mais plutôt des volontés perverses et des inaptitudes subjectives. Pour ne parler que du niveau institutionnel, il suffirait, pour garantir aux migrants un traitement digne d’un pays civilisé, de réaliser un plan d’accueil diffus, organisé en petits groupes, et surtout édicter un décret sur la protection temporaire, parfaitement possible selon les lois et règlements actuels. Cela permettrait entre autres aux migrants de transiter dans les pays européens et de rejoindre la France et l’Allemagne, c’est-à-dire leurs objectifs réels, contournant ainsi le “bouchon” de Vintimille. C’est ce que demande la myriade d’associations de défense des droits des migrants, à commencer par l’ARCI.
     
    Le Parti démocratique évoque lui aussi la protection temporaire, mais de manière passablement plus ambiguë, car il ne résiste pas à la tentation de demander dans le même souffle un “accord avec la Tunisie pour gérer l’arrêt des arrivées et la programmation des rapatriements”. Peut-être les « démocrates » ignorent-ils qu’ainsi ils trahissent la volonté et l’esprit du printemps arabe, dont la déclaration récente du Forum économique et social tunisien est un exemple. Le Forum demande à son propre gouvernement l’exact contraire : de refuser “la demande des autorités italiennes concernant un rapatriement de masse obligatoire des émigrés” et ”l’interruption de l’application des accords sur les questions migratoires, passés avec l’ex-dictature”.
     
    Mais les nôtres sont durs de la feuille. Ils n’ont pas encore compris que la liberté pour laquelle les jeunes Tunisiens et Égyptiens, peut-être aussi Libyens, ont lutté et luttent, c’est aussi la liberté de mouvement. Les jeunes révoltés qui ont expérimenté virtuellement le droit à la mobilité – avec les blogs, Facebook et autres réseaux sociaux – et qui donc se sentent déjà partie prenante d’une communauté globale sans frontières, n’acceptent plus (en admettant qu’ils l’aient jamais accepté) d’être confinés à l’intérieur des enceintes nationales. Par leurs révolutions ils ont déclarés faire partie d’au moins une région euro-méditerranéenne.
     
    Certes les raisons qui les poussent à risquer leur vie en embarquant sur les habituelles charrettes de la mer sont aussi multiples que leurs biographies individuelles. Pour beaucoup de jeunes prolétaires tunisiens, la transition, avec l’effondrement du secteur touristique et de tout le secteur informel induit, signifie perte de travail et de revenu, impossibilité de continuer à faire vivre leur famille. Pour d’autres, cette transition, avec le relâchement de la surveillance policière, représente l’occasion de réaliser enfin un projet de migration qu’ils avaient dans le tiroir. Pour beaucoup d’entre eux, partir, aller voir ce qu’il y a sur l’autre rive, est simplement le corollaire de la liberté conquise par le soulèvement.
     
    Penser qu’on peut contraindre de telles aspirations entre les barbelés de notre médiocrité fainéante et devenue méchante, de notre égoïsme incapable et provincial, est pure sottise car cela va dans la direction opposée à celle des désirs collectifs des autres et du mouvement historique.
     
    Dès maintenant, des brèches et des voies de fuite s’ouvrent dans les clôtures de barbelés. Et à propos : pourquoi est-ce que nous, les vrais “hommes et femmes de bonne volonté”, ne nous armons pas de cisailles - des vraies, pas des symboliques - pour encourager le cours de l’histoire ?
     
     Ndt

    *Padanisé : néologisme formé à partir du mot Padania, la chimérique république virtuelle de la région du Pô inventée par la Ligue du Nord. Une version post-moderne de l'esprit de clocher et du “maître chez soi”.

    **Italouillardes : néologisme du traducteur, formé à partir de franchouillard et de trouillard, pour rendre l’italien italiche.

    *** Bunga-bunga : Terme inspiré à Berlusconi par Kadhafi pour désigner ses orgies.





    Merci à Tlaxcala
    Source: http://www.liberazione.it/rubrica-file/I-fili-spinati-della-nostra-mediocrit----LIBERAZIONE-IT.htm
    Date de parution de l'article original: 03/04/2011
    URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=4487


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