• Vittorio Arrigoni assassiné

     
     

    Militant italien d’ISM, Vittorio Arrigoni vivait dans la bande de Gaza depuis 2008. La rubrique de notre site « Gaza : restons humains » reprenait le nom de son livre dont la version française est attendue le mois prochain : « Rester humain à Gaza : Décembre 2008-Juillet 2009, Journal d’un survivant ».

    Les articles communiqués par Vittorio et que nous traduisions régulièrement donnaient une vision très réaliste et à la fois très humaine des conditions de vie (et de mort) imposées à la population de Gaza par l’occupant israélien.
    L’assassinat de Vittorio est choquant, révoltant... tellement absurde et si profondément injuste... Et s’il s’avère qu’il a été assassiné par ceux-là même qu’il a voulu aider toute sa vie militante, une partie des responsabilités seront alors à chercher auprès des gouvernements européens qui par leur politique scandaleusement pro-israélienne et anti-palestinienne, mettent en péril la vie de leurs propres citoyens.
    Nos premières pensées vont bien sûr à sa famille, mais aussi à ses nombreux amis palestiniens - La rédaction du site.


    Le mouvement Hamas a déclaré que le corps de Vittorio Arrigoni avait été découvert dans un appartement dans la bande de Gaza.

    Les responsables du Hamas ont fait savoir que le corps d’un militant pro-palestinien italien enlevé quelques heures plus tôt venait d’être trouvé.

    Des officiels ont déclaré que la police du Hamas avait pris d’assaut un appartement se trouvant dans la ville de Gaza et appartenant à un membre du groupe qui avait diffusé une vidéo du militant.

    Après un affrontement ce vendredi matin, la police du Hamas a trouvé le corps, ont-ils dit. On ne sait pas bien pour l’instant comment il a été tué. Un agent de police a précisé que quatre personnes ont été arrêtées dans un autre lieu, dans le cadre de l’enlèvement.

    Des travailleurs humanitaires étrangers dans l’enclave sous blocus ont dit de leur côté qu’il s’agissait de Vittorio Arrigoni, un militant d’un groupe pro-palestinien International Solidarity Movement [ISM] et qui travaillait comme journaliste et écrivain.

    Dans une vidéo postée sur YouTube ce jeudi, le groupe a déclaré qu’il avait pris en otage [Vittorio] afin d’obtenir la libération d’un nombre indéterminé de leurs membres qui avaient été arrêtés par les forces de sécurité dans la bande de Gaza.

    Le groupe avait dit qu’il exécuterait son prisonnier si ses revendications n’étaient pas satisfaites d’ici 17 heures (14h00 GMT) vendredi.

    « Nous avons enlevé le prisonnier italien Vittorio et nous demandons au gouvernement Haniyeh ... de libérer tous nos prisonniers, » disait leur communiqué, s’adressant au premier ministre Ismaïl Haniyeh, du mouvement Hamas.

    « Si vous ne répondez pas rapidement à nos demandes, dans les 30 heures à partir de 11h00 (08h00 GMT) ce 14 avril, nous exécuterons ce prisonnier, » disait le même communiqué.

    Vittorio Arrigoni était exposé les yeux bandés dans la vidéo de 3 minutes, avec du sang autour de son œil droit, et une main peut être vue lui tirant la tête par les cheveux face à la caméra.

    Le texte arabe qui accompagnait les images de Vittorio Arrigoni disait également « l’otage italien est entré dans notre pays pour y répandre la corruption » et qualifiait l’Italie « d’état ​​d’infidèles ».

    Vittorio Arrigoni est le premier étranger à être enlevé dans la bande de Gaza depuis le journaliste de la BBC, Alan Johnston, qui avait été détenu pendant 114 jours par un groupe nommé l’Armée de l’Islam. Il avait été libéré [par une intervention de police] en 2007.

    (JPG)
    Vittorio Arrigoni

    Autres articles de Vittorio Arrigoni :

    -  Gaza, Guernica palestinienne - 25 janvier 2011
    -  Le testament de Shaban - 18 janvier 2011
    -  Noël sanglant à Gaza et en Cisjordanie - 5 janvier 2011
    -  Gaza, la guerre ne s’arrête pas - 17 septembre 2010
    -  Les snipers israéliens fêtent la journée internationale de solidarité - 12 décembre 2010
    -  Gaza, assassinats ciblés « Made in USA » - 24 novembre 2010
    -  Gaza, portes ouvertes sur l’espoir - 6 novembre 2010
    -  L’armée israélienne d’occupation tire à nouveau sur des civils dans la bande de Gaza - 12 octobre 2010
    -  Les morts palestiniens qui disparaissent des chroniques - 4 octobre 2010
    -  Le vrai visage des pourparlers - 30 septembre 2010
    -  Gaza : les orphelins de Nema - 22 septembre 2010
    -  Gaza, des enfants qui résistent - 19 septembre 2010
    -  Eid Mubarak, Gaza ! Shana Tovah, Israel ! - 17 septembre 2010

    Le blog de Vittorio peut être consulté à :
    http://guerrillaradio.iobloggo.com/

    15 avril 2011 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
    http://english.aljazeera.net/news/m...
    Traduction : Claude Zurbach


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  • Côte d'Ivoire: Silence on tue! Images inédites...
     
    À la barbarie sans fin des rebelles de Ouattara s’oppose la résistance d’une Afrique digne. Images du massacre de Blolequin.
     
    Sévérine Toche
     Ici


    Que faut-il faire pour arrêter la folie meurtrière des rebelles d’Alassane Ouattara? Avec un chef délétère et très bon acteur devant les caméras, des soutiens puissants et des supporters sectaires, la solution ne vient que de la résistance, dont l’histoire nous vante les mérites qui font les grandes puissances d’aujourd’hui. Car à quoi sert-il de vivre enchaîné depuis 500 ans et se laisser mourir des malheurs qu’engendre le triomphe de l’injustice?

    Image 1: Des enfants,des femmes,des vieillards,tous ceux qui étaient réfugiés à la préfecture de Blolequin ont été purement et simplement exécutés

    Combien de preuves faudra-t-il? Combien de photos, de vidéos, de documents, de manifestations, combien d’articles objectifs et de déclarations révélatrices faudra-t-il pour que certains de nos frères se rendent compte de la barbarie de celui qu’ils supportent? On a beau tout dire du président Laurent Gbabgo, mais l’histoire retiendra qu’il a dit non à la violence, a en tout temps appelé au dialogue et a résisté à l’agresseur sans jamais lui vendre sa dignité. Cette résistance est à l’image d’un peuple prêt à servir de bouclier humain pour protéger son président, face à une force destructrice que décidément rien n’arrête, surtout quand il s’agit d’Africains. Les rebelles, épaulés par la France et l’ONU, oeuvrent à éloigner tout espoir de dialogue mais à s’imposer par la barbarie et la terreur. On dirait que la vie d’un Africain a si peu de valeur, et que l’homme Africain lui-même, quand il a le malheur de se faire endoctriner par des assoiffés de pouvoir violents et très riches, n’aide pas à valoriser cette vie, qui expire plus souvent en Afrique qu’ailleurs sur la planète.

    Image 2 : Blolequin après le passage des rebelles


    La résistance de l’Afrique, à travers Laurent Gbagbo, a démontré que les alliés de Ouattara ne veulent pas dialoguer. Et comme en temps de dictature, les défenseurs de la « démoncratie » sont prêts à tuer pour l’imposer à ces Africains à qui l’on prend tout mais on ne laisse rien, si oui, la mort. La libération de l’Afrique du joug impérialiste français passe indéniablement par une rupture nette des relations avec cette France coupable à tous les niveaux dans le dossier ivoirien. La résistance de l’Afrique de Laurent Gbabgo a malheureusement occasionné de nombreuses pertes en vies humaines, et une nouvelle fois, comme pour celler le pacte quasi mystique que nous imposent les colons, l’humiliation sous sa forme la plus médiatique et donc la plus cruelle.


       Image 3: Riveira vit dans la peur des rebelles

    Les grands médias, que contrôle un oligopole d’hommes et de femmes d’affaires peu scrupuleux quand il s’agit d’enrichissement, agissent en ventouses mentales pour assouvir l’appétit vorace de la bête impérialiste. L’histoire a toujours élevé au rang de héros ceux qui ont fait partie de la résistance, et en tyrans ceux qui ont faire preuve de toujours plus de violence. La Côte d’Ivoire n’en échappe pas, et le tyran a fait ses preuves avant même de s’asseoir enfin sur le fauteuil présidentiel pour lequel il a tant tué.

    Les tueries de Blolequin, celles de Duékoué ou encore celles souvent évoquées de la terre kidnappée du Nord, sont-elles la faute de Gbagbo? Faut-il accuser celui qui a dit NON à la guerre ou celui qui a imposé la guerre? La seule faute de Gbagbo est d’être fidèle à lui-même, vrai, authentique jusqu’au bout. Ouattara le gentleman avec beaucoup de squelettes dans le placard, a-t-il jamais été inquiété du fameux TPI, tribunal pantin de l’intimidation, depuis 2002? Quand l’absudre poussé à l’extrême arrive à coûter la vie à des milliers de personnes, l’on a peur de devenir fou soi-même tellement c’est... fou.

    Image 4: Cet adolescent est accusé d'être un milicien. Un petit d'à peine 15 ans humilié, battu par les rebelles


    Ces innombrables morts qui jonchent les caniveaux de Côte d’Ivoire sont la seule faute de ceux qui consentent à appuyer sur la gachette pour ôter la vie d’innocentes personnes qui pourtant - on les a vu par milliers voire par millions sur la regrettée RTI – ont manifesté leur désir de paix et de dialogue. À l’heure où l’espoir d’un dénouement rapide et pacifique faisait vivre le pays, l’on était loin, très loin de se rendre compte de l’extrême violence qui sévirait ensuite. L’on parlait déjà depuis des années de la violence sans nom dont étaient capables les rebelles acquis à Ouattara, mais l’on avait espéré, en vain, qu’une étincelle de compassion les saisirait. Il n’en est rien.

    Chaque jour, l’on apprend de nouveaux décès, de personnes connues et d’anonymes, avec un discours manipulateur qui malheureusement entraîne avec lui les adeptes sectaires de la politique du sieur Ouattara. On a dit des rebelles que ce sont des drogués et que, pire encore, ce sont des personnes dotées de toutes leurs facultés mentales qui posent des actes aussi abominables : égorgements, viols, pillages, braquages, exécutions sommaires, etc. C’est à se demander ce qui justifie une telle barbarie, quel programme politique, quel candidat mérite qu’on lui sacrifie autant d’âmes? Dans une Afrique qui est civilisée de culture - et non grâce aux colons « bien-intentionnés » qui déjà avilissaient et massacraient les « indigènes » africains – ce qui se passe en Côte d’Ivoire est tout simplement irréel d’absurdité.

     Image 6: A Yopougon, Les mercenaires traquent les pro Gbagbo de maison en maison 

    Le contexte dans lequel s’inscrivent les évènements tragiques de Côte d’Ivoire parlent d’eux-mêmes : La « célébration » du cinquantenaire des indépendances et la commémoration des 17 ans du génocide rwandais. Pour les croyants chrétiens, nombreux en Côte d’Ivoire, la semaine sainte avec à son apogée le dimanche de Pâques, commémoration des souffrances, de la mort et de la résurection d’un Jésus-Christ accusé à tort, humilié publiquement et crucifié injustement par l’occupant romain, exécution applaudie par une frange complice de la population. L’on peut comprendre la symbolique très marquante qu’ont ces évènements sur nombre d’Ivoiriens et d’Africains, qui voient en l’avancée des rebelles de Alassane Ouattara la souffrance de trop. Ceci ne peut être qu’annonciateur de profonds bouleversements en Afrique, qui passeront indéniablement par le vomissement de la France hors d’Afrique, de même que de toutes les politiques impérialistes occidentales qui n’ont fait qu’excéder au fil des âges les Africains, décidés à se sortir de cette prison invisible mais bien réelle.

     Image 7: Koné Zakaria de dos sur cette photo mettent en oeuvre le plan d'exécution dans les communes d'Abobo et yopougon


    Une chose est certaine : les tueries massives auxquelles s’adonnent les troupes de Alassane Ouattara, soutenues ouvertement par la Licorne française et « l’armée de la paix » ONUsienne, ne resteront pas impunies. L’homme africain ne servira plus de gibier à massacre à ceux qui n’hésitent pas à tuer pour préserver des intérêts acquis depuis 500 ans et que l’Occident tient à garder à tout prix, même au prix du sang. L’Afrique digne est en marche, et sa liberté lui reviendra dans un avenir plus proche qu’on ne le pense.


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    Thiéfaine prend la pose, façon Iggy Pop, vieil iguane qui a tout vécu, débarrassé du superflu, et expose sa carcasse au grand jour.

    Sans doute l'un de ses meilleurs albums. Sa plume est lyrique, mélancolique, ironique ou métaphorique, magnifiée par de jeunes compositeurs.

    Superbe !!!!!!!!

     

     

     

    L'album en écoute ici


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  • L’Amérique latine secoue le joug des Etats-Unis (The Guardian)

    La dispute avec l’Equateur montre que les Etats-Unis n’ont toujours pas compris qu’ils ont perdu leur hégémonie régionale.

    Jeudi, les Etats-Unis ont expulsé l’ambassadeur d’Equateur, en riposte à l’expulsion mercredi de l’ambassadeur US en Equateur. Les Etats-Unis se retrouvent sans représentation diplomatique dans trois pays d’Amérique du sud – les deux autres sont la Bolivie et le Venezuela – dépassant ainsi l’administration Bush en matière de problèmes diplomatiques dans la région.

    L’ambassadrice US Heather Hodges a été déclarée « persona non grata » et priée de quitter l’Equateur « au plus tôt » après la révélation par un câble Wikileaks de ses remarques désobligeantes envers le président équatorien, Rafael Correa. Dans le câble, elle affirme que le Président Correa avait connaissance de la corruption d’un ancien chef de la police nationale.

    Bien que l’administration Bush soit intervenue dans les affaires intérieures de pays tels que la Bolivie ou même le Brésil, elle était en quelque sorte plus douée pour « pister la proie » et éviter des conflits secondaires qui auraient pu la détourner de son objectif principal. L’objectif principal, bien sûr, c’est le Venezuela – où sont situées les plus grandes réserves de pétrole au monde, estimées par US Geological Survey à 500 milliards de barils. L’objectif de Washington depuis dix ans est un changement de régime. L’équipe Bush avait compris que plus elle entrait en conflit avec d’autres pays de la région, moins sa propagande accusant le Venezuela de tous les maux serait crédible.

    Ca n’a vraiment rien de personnel. Si le président vénézuelien Hugo Chavez avait été un parfait diplomate, cela n’aurait rien changé pour le gouvernement des Etats-Unis. Et ce n’est pas uniquement le pétrole, puisque le Venezuela vend toujours aux Etats-Unis plus de 1 millions de barils par jour, et qu’il existe d’autres sources d’approvisionnement le cas échéant. C’est simplement parce que n’importe quel pays avec autant de pétrole finit par exercer une influence régionale, et les Etats-Unis refusent tout simplement de traiter avec une influence régionale non-lignée sur ses propres objectifs – surtout s’ils peuvent s’en débarrasser. Et ils ont failli réussir en 2002 avec le coup d’état contre Chavez – et ils ne vont pas abandonner.

    Mais ici aussi la Maison Blanche perd du terrain. Un gros coup fut le changement intervenu dans la politique étrangère de la Colombie l’été dernier lorsque le président Juan Manuel Santos est arrivé au pouvoir. Un des axes importants de la stratégie de Washington est de faire régner une tension permanente entre la Colombie et le Venezuela, facilitée par les 2000 km de frontières communes souvent marquées par des violences paramilitaires ou de guérilla depuis des dizaines d’années. Les conflits entre la Colombie et le Venezuela sont importants aussi pour la stratégie électorale de Washington au Venezuela. Lorsqu’un conflit éclate entre les deux pays, comme en 2009, lorsque le Venezuela a coupé les échanges commerciaux bilatéraux en réponse aux efforts US d’étendre leur présence militaire en Colombie, il produit des effets négatifs pour de nombreux Vénézuéliens qui habitent les régions frontalières. Ce qui permet de faire gagner quelques voix anti-chavistes dans ces zones, comme lors des dernières élections législatives au Venezuela. Et les accusations d’un soutien vénézuélien aux guérillas de la FARC en Colombie – malgré l’absence de preuves – font partie des efforts de Washington pour positionner sa campagne contre le Venezuela sur le terrain de la « guerre contre le terrorisme ».

    Bien que le précédent président, Alvaro Uribe, était – dans les dernières années – un allié dans la stratégie des Etats-Unis envers le Venezuela, le nouveau président Santos l’a immédiatement rejeté et a décidé de faire la paix avec Chavez. Ce qui était assez facile à faire, malgré les conflits à l’époque où Santos était le ministre de la défense d’Uribe. Comme le savent tous ceux qui suivent le Venezuela, Chavez se montre amical avec tous les dirigeants d’état ou de gouvernement qui se montrent eux-mêmes amicaux avec le Venezuela.

    Le demi-tour effectué par Santos est très intéressant à plusieurs égards. D’abord, il montre l’importance de l’intégration économique régionale en tant que facteur de paix et de stabilité dans la région. La tentative de Washington et du prédécesseur de Santos de renforcer la présence militaire US en Colombie a provoqué une baisse de 2,3 milliards de dollars des exportations de la Colombie vers le Venezuela qui était devenu son deuxième partenaire commercial. Cela représentait plus de 11% des exportations colombiennes, et la majorité était constituée de bétail et produits textiles pour lesquels il n’y a pas de marché alternatif. Le Venezuela entretient aussi des relations très étroites avec le Brésil et pratiquement tout le reste de l’Amérique du sud qui pensaient tous la même chose de la politique étrangère de la Colombie – et s’y sont opposés encore plus fermement lorsque des documents de l’armée de l’air US ont été rendus publics et indiquaient clairement que l’expansion était destinée « à des opérations mobiles... sur le continent Sud-américain » et visait « la menace permanente » de « gouvernements anti-américains ».

    Santos avait en gros le choix entre continuer d’obéir à Washington ou faire partie de l’Amérique du sud. Il a choisi l’Amérique du sud. Le rôle clé du commerce ici, alors que l’Amérique du sud poursuit son intégration économique, montre un des plus importants « gains » tirés des échanges commerciaux. Ces gains sont bien plus importants que les « gains de productivité » néoclassiques, souvent exagérés par les partisans des accords de « libre-échange ».

    Le choix de Santos de faire partie de l’Amérique du sud montre à quel point les changements géopolitiques menés par les gouvernements de gauche de la région ont désormais une influence y compris sur les gouvernements de droite. C’est le résultat de changements dans les institutions (ministres des affaires étrangères, organisations multilatérales telles l’UNASUR, le groupe de Rio), des idées, et des normes mises en application ces dix dernières années.

    Voilà maintenant Washington qui demande à la Colombie d’extrader un certain Walid Makled, un vénézuélien accusé de narcotrafic et arrêté en Colombie, vers les Etats-Unis. Non, merci, répond le Président Santos – ce type ira au Venezuela. Santos évoque la loi colombienne, et dit que premièrement, la Colombie a un accord d’extradition avec le Venezuela, mais pas avec les Etats-Unis ; et deuxièmement, le Venezuela a présenté sa demande en premier ; et troisièmement, Makled est recherché pour des crimes plus graves (meurtre) au Venezuela qu’aux Etats-Unis (trafic de drogue). Autant d’éléments qui exigent une extradition de Makled vers le Venezuela.

    Et Washington est furieux. Pour comprendre pourquoi cette histoire est si importante pour le Département d’Etat US, il faut analyser leurs déclarations sur l’impossibilité d’un « procès équitable » pour Makled au Venezuela et autres bêtises répétées avec un air faussement naïf par tous les grand médias.

    Une élection présidentielle est prévue au Venezuela l’année prochaine. A chaque élection ou référendum important au Venezuela – et il y en a beaucoup, mais aucun n’est aussi important que celui-là aux yeux de Washington – on assiste à une campagne médiatique internationale, avec la participation du gouvernement US. (Un câble récent de Wikileaks montre que le gouvernement Colombien a collaboré avec les fonctionnaires US pour coordonner la campagne médiatique qui liait à la fois Chavez et Correa aux guérillas colombiens, les FARC). Makled a déjà offert de parler sur la corruption de certains officiels vénézuéliens, mais uniquement s’il est extradé vers les Etats-Unis. Ainsi, s’ils pouvaient le faire venir jusqu’à Miami, là ils pourraient monter un procès-spectacle meilleur que n’importe quelle campagne médiatique que le Département d’Etat pourrait organiser.

    Pour tous ceux qui pensent que de tels efforts paraissent disproportionnés, rappelons que c’est exactement ce qui s’est passé en 2008. Les autorités US ont utilisé un vague procès-spectacle d’un Venezuelien accusé de « d’agir en tant qu’agent étranger non-enregistré » - il n’a pas été accusé d’espionnage – afin de diffuser des accusations de corruption « au plus haut niveau » du gouvernement Vénézuélien. Ces accusations ont fait la "une" des journaux de tout le continent et, bien sûr, ont été reprises en boucle par les médias vénézuéliens dominés par l’opposition. Imaginez ce que le procès de Markled pourrait faire : personne ne demanderait ce qui aurait été offert à l’accusé en échange de son témoignage, ni si son témoignage repose sur quelques éléments de preuve. Ce serait juste une gigantesque campagne de diffamation que les journaliste avaleraient tout rond.

    Mais Santos refus de jouer le jeu, malgré les énormes pressions exercées et, bien sûr, l’accord de « libre-échange » en attente de ratification entre les Etats-Unis et la Colombie. Peut-être parce que cet accord est plus important pour Washington que pour lui.

    En tous cas, l’administration Obama – comme celle de son prédécesseur – livre un combat perdu d’avance. Le voyage récent d’Obama en Amérique latine fut à peine meilleur que ceux de Bush. Obama est mieux traité – pas d’émeutes dans les rues et pas de dignitaires Maya pour purifier le site après son passage. Mais tous les présidents et ministres des affaires étrangères là-bas vient bien que la politique des Etats-Unis n’a pas changé d’un iota.

    Mark Weisbrot

    http://www.guardian.co.uk/commentis...

    traduction "Obama, c’est bonnet noir, noir bonnet" par VD pour le Grand Soir avec probablement les fautes et coquilles habituelles

    URL de cet article 13359
    http://www.legrandsoir.info/L-Amerique-latine-secoue-le-joug-des-Etats-Unis-The-Guardian.html

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  • « C’est liquide et c’est noir »

    L’activité de Benghazi semble être rentrée dans une routine révolutionnaire ou patriotique tout comme le front et la politique internationale. Il n’en est rien, ou plus exactement, cette routine est elle-même une rupture conséquente avec l’esprit plus ou moins fort qui avait été celui du début de la révolte.

    Dans le cul la balayette

    Le CNT a récemment fait parler de lui, et pour cause, le temps est maintenant à la diplomatie. Et bien des journalistes en costard, spécialisés en questions internationales, ont pris la place des reporters de guerre mal rasés à Benghazi. Il est intéressant de connaître la sauce de cette nouvelle officine, mais cela prend tout son sens quand on a d’abord fait un tour en cuisine.

    Abdul Fatar Younis est depuis peu un homme occupé. Ancien ministre de la justice de Kadhafi, chef des forces spéciales, il est le plus visible des prétendus chefs de la prétendue armée de la révolution.

    Cela fait une semaine et demi que les gros katiouchas BM-21 avaient déserté le front, amenant comme par magie -une magie récurrente dans cette guerre= branlées et branlées encore pour la révolution sur le front du côté de Brega. Dans le même temps, étaient appelés aux casernes des dizaines de volontaires qui s’étaient fait enregistrer comme pouvant donner un coup de main. Monsieur Younis ayant certainement eu vent de la présence de stocks d’armes lourdes de Kadhafi encore bien pourvus, a ainsi pu monter un plan d’acheminement des munitions basé sur la bonne volonté et le désir de bien des Libyens de s’organiser dans des institutions formelles autant que possible. La rétention des katiouchas lourds et leur utilisation autour du 9 avril ont inauguré la naissance de cette nouvelle armée.

    C’est un grand défaut d’initiative qui a permis l’apparition de cette structure au milieu des combattants, car aucune organisation ne s’était inventée jusque-là pour donner une vraie efficacité à l’armée des gens de Cyrénaïque.

    Combattants auto-organisés. Panier de roquettes de mi-24 montes sur 4X4

    A propos de tentative d’organisation, il convient de relever ici une fois pour toutes la stratégie médiatique orchestrée par l’occident, d’Hillary Clinton aux journaux de gauche français, et qui consiste à faire courir la rumeur de la présence sur le front d’une organisation internationale du terrorisme islamique portant le nom de “Al Quaeda”. Ayant personnellement rencontré les journalistes présents ici et ayant redigé des articles en ce sens, il a été aisé de comprendre comment remplacer le mot “imam” par le mot “mullah”, comment transformer un sympathique prof de techno en nouveau docteur No -les james bond girls étant dans cette oeuvre revêtues de la Burka.

    On peut se demander pourquoi les démocraties occidentales, prêtes à aider le pétrole de Libye dans son désir de démocratie, font courir de tels bruits sur leurs nouveaux alliés -les reportages et articles centrés sur la question ont tous été commandés par les rédactions occidentales, les journalistes présents sur place n’en ont jamais pris l’initiative, se contentant d’obéir aux ordres. Je pense qu’il s’agit en fait simplement d’une peur de la plèbe transformée en arme efficace à qualifier toute tentative d’auto-organisation -ce qui donne à réfléchir sur bien des mouvements décrits par le même nom. Il est important de noter que les gouvernements occidentaux, contrairement à bien des citoyens de gauche des mêmes pays, ont bien compris que le groupe de personnes en armes, combattants les dollards de Kadhafi dans le désert, n’avaient rien à voir avec une armée.

    Le cul entre deux chaises

    Regardons maintenant la guerre elle-même, première à encaisser les conséquences de la diplomatie internationale et de ses errements. Je centre ici mes commentaires sur la guerre en Cyrénaïque, n’ayant pas les éléments pour parler de la guerre à Misrata qui constitue un front au moins aussi large et actif, certainement bien plus.

    Que ce soit la pression de la Chine, de la Russie, de la Turquie ou de l’Allemagne, ou que ce soit la timidité à enjoindre à l’obéissance des pays anciennement colonisés, toutes les raisons ont, semble-t-il, été bonnes pour laisser le Tchad, le Soudan et surtout l’Algérie apporter massivement armes, essence et matériel aux forces de Kadhafi. Et ce, quand ce n’est pas la Turquie qui est chargée de faire respecter cet embargo contre ses propres bateaux. Ce sont des réfugiés libyens qui ont bloqué l’arrivée d’essence depuis le terminal de Gabes en Tunisie, et plus tard sur cette même route, l’arrivée de 4X4.

    La France avait, dans ses premiers raids, bombardé certains de ces ravitaillements, ce qui avait conféré un avantage énorme à la révolution quand elle s’était trouvée confrontée à un armement comparable au sien, mais l’OTAN a cessé ses frappes qui ne se passent pas sur le lieu des combats.

    Le temps énorme donné par cette politique de semi-aide au vieil Etat libyen a permis la réorganisation de son armée telle que nous l’attendions depuis longtemps. Avant-hier, le 10, les troupes de Kadhafi, pourvues de 4X4 flambants neufs, ont effectué un raid à travers le désert et sont rentrées dans la ville d’Ajdebia, tirant sur tout ce qui bouge dans les rues désertées de sa population. Ces troupes ont en cela bénéficié de l’expérience acquise au Tchad et notamment de l’engagement de Touaregs capables de trouver des routes praticables dans le désert. Si l’on veut encore parler de guerre assymétrique, on va en perdre sa géométrie dans ce combat où l’Etat puissant utilise des techniques de guérilla contre le peuple capable de peu d’invention, mais aidé de l’aviation high-tech des gendarmes du monde.

    Devant cet afflux ininterrompu d’armes neuves (véhicules, essence, mercenaires, munitions de tous calibres, optiques), la réponse militaire libyenne est bien faible. Une grande partie des stocks de munitions se trouve dans une vallée perdue des montagnes vertes. Toute sorte de missiles de haute technologie sont entassés là, mais bien peu de ces armements hors de prix -ils vaudraient certainement autant si c’était des caisses de whisky, vu leur âge compris entre 20 et 40 ans- est utilisable en raison du manque d’avion, de canon ou autre lanceur. Les réserves semblent suffisantes pour quelques semaines de guerre.

    D’autre part, au front, les militaires obéissant à Fatar Younis font leur apparition, concentrés autour de la ville d’Ajdebia, ils sont dotés d’optiques puissantes (ce qui est une bonne idée étant donné que la guerre est à près de quarante kilomètres de là), et de nos fameux BM-21. Ces armes, décisives pour la réussite des offensives, sont dédiées à répondre à la nouvelle tactique très agressive des forces de Kadhafi par une attitude très… défensive.

    Et ce, sans compter qu’un truc qui a près de vingt kilomètres de portée serait un peu plus efficace en tir de contre-batterie sur la route que les paniers de roquettes d’hélicos montés sur 4X4 qui sont les seuls à faire cette guerre désormais. Sachant aussi que ces grads sont également très mal adaptés à un assaut de 4X4 rapides à travers le désert.

    Si cette tactique d’utilisation défensive des katiouchas persiste, ce sera une volonté franche d’appuyer le projet de Kadhafi de séparation de la Libye.

    Ce projet, soutenu par la Turquie d’abord, l’union africaine ensuite, consiste à laisser à la Cyrénaïque son indépendance et l’argent du pétrole de Tobrouk, ce qui n’est pas rien, et de laisser à Kadhafi son autorité sur le reste du pays, ainsi que le contrôle du pétrole de Brega, Ras lanuf, et Tripoli. Les conséquences d’un tel accord serait le massacre de la population de Misrata, des purges importantes à Tripoli et dans tout le Djebel Mafoussa, incluant Ziltan.

    Le comité ne peut pas accepter un tel accord sans se faire étriper par la population de Benghazi, mais son langage a déjà changé. En langue diplomatique, “intervention militaire” veut maintenant dire force d’interposition sur la zone du front, et “no fly zone” ou “action de l’OTAN” signifient appui militaire effectif en faveur de la Libye. Le comité refuse de négocier une trêve, mais le simple fait de ne pas le dire clairement, et d’utiliser ce langage diplomatique fait de ce refus un élément de négociation, qui augure peut-être l’ouverture de pourparlers effectifs quand davantage de terminaux pétroliers seront reconquis. Il faut d’ailleurs ajouter que, en privé, il y a effectivement des gens qui pensent que ce traité serait une bonne chose pour la Cyrénaïque (financièrement c’est certain).

    Un jeune étudiant me disait, avec une certaine exagération, “le pétrole, on sait juste que c’est liquide et que c’est noir”. Pour ceux qui ne lorgnent pas sur cette manne, qui signifie le massacre de bien des insurgés, cette matière est devenue haïssable. Loin de pouvoir être utilisée comme arme, elle a sa volonté propre qui se perd dans les hésitations des puissances occidentales et attire les armes de Kadhafi comme un aimant.

    Le spectacle des chefs d’Etat se déroule maintenant loin d’une guerre toujours plus dure dans le désert, à Misrata, et à Tripoli, où des actions coordonnées sont tentées, notamment de nombreux guets-apens contre la police, qui ne sont pas sans rappeler ceux que la France a connus dans ses banlieues.

    Ce qui meut la force des combattants doit être une chose bien difficile à saisir pour les occidentaux de tous poils qui viennent à tour de rôle passer deux semaines dans les hôtels de Benghazi. Quand j’ai demandé à un journaliste très connu ce que c’était, le sang, il m’a répondu, « tout ce que j’en sais, c’est que c’est liquide, et que c’est rouge ».


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