• L'usine à expulser du Mesnil-Amelot tourne à vide

    ENQUÊTE.

    Ah, le charmant petit village du Mesnil-Amelot ! Son église Saint-Martin, classée au patrimoine historique ; ses habitations typiques des villages ruraux de la Plaine de France et ses... trois centres de rétention, antichambres pour les expulsions de sans-papiers.

    En 1989, la première prison pour étrangers de ce village de Seine-et-Marne est installée dans des bâtiments de chantier Algeco. Vingt-deux ans plus tard, la politique du chiffre est passée par là et c’est un immense complexe qui devait être inauguré le 29 mars 2010, il y a tout juste un an.

    Ses grands bâtiments flambant neufs se dressent à l’entrée du village. Derrière deux rangées de grillages, on aperçoit les structures de plein pied surmontées de caméras de vidéosurveillance et de détecteurs de mouvements. Conçu pour accueillir 240 retenus, ce CRA devait être le plus grand jamais construit depuis celui de Vincennes (Val-de-Marne), ravagé par un incendie en juin 2008. Pour contourner la législation qui interdit les centres de plus de 140 places, feu le ministère de l’Immigration a fait construire deux centres limitrophes, de 120 places chacun, qui possèdent une seule et même entrée.

    Un ensemble sécuritaire high-tech au service des expulsions

    Le nouveau CRA du Mesnil-Amelot est celui de tous les records. Outre sa taille, il est aussi le plus moderne : un ensemble sécuritaire high-tech au service des expulsions. En mars 2010, la Cimade, association d’aide juridique aux étrangers retenus, avait pu le visiter et décrivait des chambres truffées de caméras, des portes automatisées et des détecteurs de mouvements.

    Ironie du sort, ce centre du futur multiplie les dysfonctionnements et son ouverture a déjà un an de retard. Initialement prévue pour mars 2010, son inauguration ne cesse d’être repoussée. Dernièrement, elle a été annoncée pour la fin du mois d’avril. Pas officiellement bien sûr car, gêné aux entournures, le ministère de l’Intérieur refuse de communiquer sur le sujet. De fait, cette non-ouverture est aussi synonyme d’une gabegie financière et d’un marasme politique. La suppression, en tant que tel, du ministère de l’Immigration en novembre 2010, puis le départ de Brice Hortefeux, remplacé par Claude Guéant, aurait-il contribué à cette confusion au plus haut sommet de l’État ? Il est sûr qu’au moment où le gouvernement multiplie les sorties sur sa «  très grande fermeté à l’égard de l’immigration illégale », l’affaire fait désordre.

    Ouverture repoussée jusqu'en juin

    En décembre dernier, le ministère résiliait, en toute discrétion, l’appel d’offres pour l’exercice de la mission d’aide juridique. Motif officiel ? « L’intérêt général » ! « Visiblement, le ministère s’est engagé sur des projections de prestations trop importantes par rapport à la réalité des travaux », explique Clémence Richard, de la Cimade. Un nouvel appel d’offres devrait être lancé, certainement pas avant le mois de juin, ce qui repousserait d’autant l’ouverture du centre.

    Comment les travaux ont-ils pu prendre un tel retard ? Premier élément de réponse : la passation de pouvoir entre la gendarmerie et la police aux frontières (PAF). D’abord suivi par les gendarmes mobiles, le chantier, commencé en décembre 2007, bascule à la PAF au début de l’année 2009. Mais, entre temps, les gendarmes, militaires bénéficiant de logements de fonction, ont eu le loisir de construire un énorme bâtiment pour leurs pénates... Des logements qui devraient désormais servir de cantonnement pour les CRS en déplacement sur la région parisienne et plus précisément à Roissy.

    Des portes blindées dangereuses

    Autre raison de ce retard, les (nombreux) défauts de construction des bâtiments. Exemple parmi tant d’autres : les portes blindées, qui ont toutes dues être remplacées. Métalliques, peu fonctionnelles parce que trop lourdes, elles ont même été jugées « dangereuses », alors que quarante places sont réservées aux familles dans le centre n°2. De même, la complexité des serrures était telle que des policiers et des ouvriers travaillant dans le centre se sont retrouvés enfermés sans réussir à en sortir...

    Autre problème qui prête à sourire, en cas de déclenchement intempestif des détecteurs d’incendie, toutes les portes du CRA s’ouvraient ! « Très sécurisant en matière d’évacuation, mais un peu problématique quand il s’agit d’éviter les évasions », s’amuse un délégué syndical.

    Une dizaine de fonctionnaires de police, chargés, depuis un an, de surveiller les locaux vides, jour et nuit.

    Ce qui fait moins rire les syndicats, c’est le peu d’effectifs mobilisés en prévision de cette ouverture titanesque. Depuis le transfert de compétence entre la gendarmerie et la PAF, cette dernière a mobilisé 255 fonctionnaires pour les trois centres de rétention (qui pourront gérer jusqu’à 360 retenus). Trop peu, dit-on en interne où ce manque d’effectifs inquiète. Aucun renfort n’est prévu alors que le nombre de retenus devrait doubler. Pour l’instant, les centres 2 et 3 mobilisent une dizaine de fonctionnaires de police, chargés, depuis un an, de surveiller les locaux vides, jour et nuit.

    La PAF assure que la mise en place à l’intérieur du centre d’un tribunal de grande instance - au grand dam des magistrats - diminuera d’autant les escortes et donc le nombre de policiers requis. Mais l’argument convainc peu. D’autant que le fonctionnement même du tribunal est remis en cause par le manque d’interprètes, ces derniers refusant de se déplacer jusqu’au CRA pour si peu de missions. Or sans interprète, les procès ne peuvent pas se tenir....

    Gâchis financier et aberration politique, le centre de rétention du Mesnil-Amelot réussit à unir contre lui fonctionnaires de police, élus de gauche et associations de soutien aux étrangers. Une absurdité qui n’est pas une mauvaise nouvelle pour tout le monde : les défenseurs des sans-papiers y voient, eux, une brèche dans la machine à expulser.

    Paru dans l'Humanité du 31 mars 2011

    Source ici


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  • Le nettoyage par le vide

    La guerre high-tech

    André Dréan (première parution : juin 1999)

    Mis en ligne le 27 mars 2011

    Thèmes : Capital, multinationales (14 brochures)
    Sciences et technologies (37 brochures)

    Formats : (HTML) (PDF,87.6 ko) (PDF,94.3 ko)

    Version papier disponible chez : Infokiosque fantôme (Partout)

    « Les cris de douleur et de peur s’élèvent dans l’air au rythme de 1 100 pieds par seconde. Après avoir circulé pendant trois secondes, ils sont parfaitement inaudibles. » Aldous Huxley, Le meilleur des mondes.

    Il y a près de dix ans déjà, la chute du mur de Berlin, symbole de la désagrégation du prétendu bloc communiste, suscitait d’immenses espoirs de paix au sein des populations habituées à vivre depuis des décennies sous la menace de l’holocauste nucléaire. Les hommes d’Etat se succédèrent à la tribune du conseil de sécurité de l’Onu pour affirmer que « le danger de guerre mondiale disparaissait ».

    En réalité, les Etats vainqueurs de la Guerre froide, en premier lieu les Etats-Unis d’Amérique, annonçaient déjà la couleur du nouvel ordre mondial qu’ils appelaient de leurs vœux : celle du sang. Il n’a pas fallu deux ans pour que les feux d’artifice qui avaient fêté la fin du Mur se transforment en fusées incendiaires dans le Golfe persique. Depuis, les conflits locaux et les opérations militaires globales n’ont pas cessé. En fait, la guerre n’a jamais été que l’un des modes d’intervention des Etats, même des plus policés d’entre eux, pour régler au même titre que la paix les antagonismes qui les opposent et, de façon générale, pour accroître l’exploitation et la domination qu’ils font peser sur leurs administrés. Il ne pouvait en être autrement pour réorganiser le monde issu de la Guerre froide.

    Les justifications de la guerre sont toujours apparues aux chefs d’Etat aussi nécessaires à la conduite des opérations militaires que les armes elles-mêmes. Pour donner leurs lettres de noblesse aux épouvantables massacres qu’ils dirigent, il leur faut bien définir quelque cause générale qui transcende la réalité sordide de la guerre, qui permette aux citoyens de s’y identifier, et de sélectionner des cibles qu’ils puissent considérer comme leurs adversaires. En Occident, la guerre est actuellement justifiée par l’humanitaire, la cause de l’humanité, assimilée à celle de la civilisation occidentale à laquelle la barbarie de chefs d’Etat « criminels » ferait obstacle.

    Les interventions de l’Otan auraient donc pour objectif de porter secours aux populations qui subissent leurs exactions : tueries, tortures, viols, famines et déportations. A la noblesse des buts des Etats occidentaux correspondrait celle des moyens mis en œuvre. La guerre high-tech aurait des vertus que ne posséderaient pas les guerres traditionnelles. La technologie de pointe permettrait ainsi de créer des armes de précision qui limiteraient les pertes civiles à rien, ce qui fut affirmé sans rire par l’Otan lors de la guerre du Golfe, ou, au pire, à quelques « dommages collatéraux », ce qu’elle est obligée de reconnaître vu la proximité du théâtre d’opérations dans les Balkans. Les « dommages collatéraux » sont la transcription du terme « bavures » dans le jargon technopolicier des statisticiens de la terreur d’Etat. De telles assimilations abusives leur permettent de cacher les objectifs réels des fameuses guerres humanitaires.

    La doctrine des Trois Cercles du Pentagone, partagée par tous les états-majors, a au moins l’avantage de présenter la chose de façon brutale : dès les premières hostilités, il est nécessaire de désorienter et de terroriser les populations des pays adverses, d’anéantir les secteurs décisifs de leur économie, avant même de désorganiser leur appareil d’Etat. Les tueurs galonnés ne s’en cachent pas. Au lendemain de la guerre du Golfe, le général en chef de l’Alliance, Schwarzkopf, exultait : « Jamais aucun pays, même lors de la Seconde Guerre mondiale, n’a été bombardé comme l’Irak. » L’un des successeurs de Schwarzkopf, Nauman, affirme avec cynisme, à propos de la guerre dans les Balkans : « A la fin des opérations aériennes, la Yougoslavie sera revenue là où elle était il y a cinquante ans. » C’est-à-dire, pour le moins, à l’état de champ de ruines, dans lequel elle était au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Mais avec quelques nuées radioactives en plus.

    En effet, en moins de vingt ans, l’industrie de la boucherie humaine a fait de grands progrès : aujourd’hui, la population est mutilée et massacrée en masse, sur place, sans qu’elle ait besoin d’endosser l’uniforme et de prendre le fusil, et, dès les premières opérations militaires, le champ de bataille englobe des pays entiers. La guerre vise plus que jamais à affamer, à écraser, à soumettre les êtres humains, à leur faire passer le goût de la révolte et, en particulier, à parquer et à faire crever, à bref délai et à petit feu, ceux dont le capitalisme mondial n’a nul besoin aujourd’hui. Elle reste l’un des moyens privilégiés qu’il utilise pour se débarrasser de la surpopulation qui l’encombre. En Occident, tout est mis en œuvre pour réaliser le noble but humanitaire, du plus traditionnel, le blocus, au plus sophistiqué, l’arsenal issu de la technologie de pointe, mis au point au cours des deux dernières décennies par les docteurs Folamour du capital.

    Depuis dix ans, le déchaînement de la puissance guerrière occidentale a déjà généré des désastres immenses, pour certains irréversibles pendant de très longues périodes historiques. Car les complexes industriels modernes qui sont les cibles privilégiés de l’Otan constituent des Bhopal et des Tchernobyl en puissance. Leur complexité n’a d’égal que leur fragilité. Leur pilonnage acharné a des conséquences catastrophiques.

    De l’Irak aux Balkans, du Golfe persique au Danube, leur destruction, y compris celle des plus dangereux d’entre d’eux, comme le réacteur nucléaire d’essai proche de Bagdad, bombardé en 1991, a libéré dans le sol, dans le sous-sol, dans les fleuves et dans les mers des masses de produits chimiques et radioactifs toxiques, mutagènes et cancérigènes, pour toutes les formes de vie planétaire, humaine et non humaine. Par suite, des régions entières autrefois très fertiles, comme la région agricole située entre le Tigre et l’Euphrate sont devenues des champs de mines stériles, où l’eau et l’air sont empoisonnés, où les plantes, les animaux et les humains sont contaminés, crèvent d’épidémies et sont l’objet de mutations catastrophiques qui sont transmises de génération en génération. Tel est le sinistre bilan des guerres humanitaires en cours.

    Le ralentissement momentané de la croissance des budgets officiels affectés aux armées, à l’aube des années 90, n’a été que le prélude à la nouvelle accélération dans la course aux armements. Derrière les phrases pompeuses sur le désarmement, tous les Etats procédaient à leur surarmement. Le marché mondial des instruments de mort n’a jamais été aussi florissant et le secteur militaire aussi omniprésent. Il est d’ailleurs impossible de le distinguer, sauf de façon artificielle, du secteur civil, surtout dans le domaine décisif des recherches et des réalisations technologiques. Pour les Etats les plus puissants, au premier chef les Etats-Unis, il fallait mettre progressivement à la retraite les armes les plus obsolètes héritées de l’époque de la guerre froide, recycler et moderniser celles qui pouvaient l’être et, surtout, perfectionner et tester à l’échelle réelle, celles, plus sophistiquées, qui étaient concoctées dans les laboratoires.

    La guerre du Golfe a inauguré, dans la plus grande discrétion, l’utilisation massive d’armes radioactives. L’Onu refuse de reconnaître qu’elles sont partie intégrante de la panoplie nucléaire. Elle réserve l’usage du terme honni aux bombes, à uranium enrichi ou à plutonium. Toutes les autres armes radioactives sont considérées, par les traités, comme armes conventionnelles. L’Onu pourrait aussi bien prétendre que les mitrailleuses ne sont plus des armes à feu dès qu’elles sont dotées de silencieux. La banalisation de l’utilisation militaire de l’atome est facilitée par le fait que, dans l’imaginaire populaire issu de la Guerre froide, les projectiles atomiques sont assimilés aux bombes du même nom. L’immense avantage des nouvelles générations d’armes est qu’elles n’apparaissent pas sous la forme bien connue de l’inquiétant champignon vénéneux. Rien n’est plus discret que les radiations qu’elles émettent.

    Depuis l’époque des mastodontes de la Guerre froide, la technoscience a réalisé de gros progrès. Elle est désormais capable de recycler, de façon très rentable, les sous-produits du fonctionnement des centrales nucléaires et des usines qui fabriquent des bombes nucléaires, jadis considérés comme des ordures à entasser, à enfouir et à oublier au plus vite. Pendant que les lobbies réformistes amusaient la galerie, avec leurs propositions de solutions civiles pour neutraliser les déchets radioactifs, les Etats nucléaristes avaient déjà tranché : la solution militaire était la plus adaptée aux nouvelles donnes de la guerre. Les armes à uranium appauvri, systématiquement employées au cours de la dernière décennie, du Golfe aux Balkans, sans compter la Somalie et Haïti, sont ainsi l’un des principaux produits du recyclage des poubelles nucléaires.

    Les militaires occidentaux, et russes, ont été fascinés par la dureté de l’uranium appauvri. Utilisé dans le blindage des véhicules militaires, il les protège des armes antichars habituelles. Employé dans les projectiles à forte pénétration, de la balle de mitrailleuse au cône de choc du missile, il traverse sans problème les cuirasses des blindés, les murs des casemates et des abris, militaires comme civils. Le terme « appauvri » prête à confusion : il laisse entendre que l’uranium en question n’émettrait presque pas de radiations. Il n’en est rien. L’alliage contient peu d’uranium « enrichi », susceptible de générer des réactions en chaîne quasi instantanées. C’est tout.

    Mais, à l’état inerte, il est déjà dangereusement radioactif. Pour nier les dégâts qu’il occasionne, les nucléaristes ressortent le mythe éculé de la non-dangerosité des faibles doses de radiation émises par les centrales, alors même que les maladies liées au nucléaire augmentent dans les régions où elles sont implantées. De plus, l’uranium appauvri brûle à l’impact avec des températures très élevées et dégage d’énormes quantités de dioxyde d’uranium très radioactif sous la forme d’aérosols, qui se dispersent sur des centaines de kilomètres carrés, puis qui pénètrent dans le sol et le sous-sol jusqu’aux nappes phréatiques. Elles peuvent être aussi inhalées et ingérées. Pendant la guerre du Golfe, pas moins de 500 tonnes d’uranium appauvri ont été dispersées en Irak et au Koweït par les troupes de l’Alliance, y compris celles de la France. Soit, en termes de radioactivité, quatre à cinq bombes du type Hiroshima.

    Dans les années qui ont suivi, le taux des leucémies, des déficiences immunitaires, des cas de stérilité chez les hommes et les femmes, des malformations congénitales des nouveau-nés, etc., bref le taux des maladies d’origine nucléaire a grimpé à grande vitesse en Irak, d’autant plus vite que la population était déjà exténuée par la malnutrition et les épidémies. Les mêmes symptômes sont apparus chez les soldats onusiens qui avaient transporté et manié de telles armes et chez les membres de leurs familles. Aujourd’hui, après les Irakiens, les Somaliens, les Bosniaques, ce sont les Serbes, les Kosovars et, de façon générale, tous les habitants des Balkans, de l’Europe centrale et méridionale qui subissent les retombées de la guerre technologique. Pas plus que le nuage de Tchernobyl, elle ne connaît de frontières. Les rêves les plus fous du docteur Folamour sont en passed’être réalisés par ses successeurs, les champions de la guerre humanitaire.

    Au lendemain de la guerre du Golfe, lorsque Schwarzkopf souligna « qu’elle avait des effets bénéfiques sur l’industrie, entre autres sur l’industrie pharmaceutique », il souleva des tempêtes d’indignation morale. Au fond, il ne faisait que révéler au grand jour l’une des fonctions essentielles des boucheries initiées par les Etats capitalistes. La guerre résume, en quelque sorte, les avancées réalisées par le capital mais, en retour, elles les accélère. Elle est le ban d’essai du progrès. L’industrie de la tuerie, sous l’égide de l’Etat centralisé, est le laboratoire grandeur nature du développement de l’industrie en général. A l’aube de l’industrialisation, l’introduction du travail salarié et des machines dans l’armée permanente fut pour beaucoup dans leur généralisation à l’échelle de toute la société bourgeoise.

    Depuis plus de deux siècles, bien des formes d’organisation et des modes d’activité propres au capitalisme ont été anticipés et testés dans l’appareil militaire de l’Etat. En témoigne à l’évidence l’aventure du nucléaire, rejeton de la Seconde Guerre mondiale, comme source d’énergie fondamentale et modèle de gestion centralisée, militarisée et bureaucratisée de la société.

    La guerre high-tech marque l’accélération du processus. Les laboratoires sponsorisés par les trusts et par les Etats, qui fabriquent les marchandises les plus diverses, des armes aux médicaments, souvent les deux à la fois, y voient l’occasion rêvée pour tester in vivo, hors des enceintes de leurs technopoles, leurs brillantes inventions et pour analyser quelles en sont les retombées militaires et civiles. Aujourd’hui, les docteurs Mengele sont légion, ils sont les hérauts de la démocratie et leurs champs d’expérience inclut de très vastes territoires. L’Otan envoie sur les champs de bataille encore fumants, par le biais des institutions humanitaires de l’Onu, des missions charitables chargées d’étudier sur le tas les effets de toutes les merveilles avec lesquelles elle a martyrisé des populations entières, en Irak et ailleurs. La main qui assassine est aussi celle qui soigne.

    Rien d’étonnant aussi que des soldats de l’Otan jouent à l’occasion le rôle peu enviable de souris de laboratoire. De retour du Golfe et de Somalie, nombre de GI ont déposé des plaintes auprès de l’administration américaine et ont manifesté sous les murs du Capitole. Ils accusaient l’armée américaine de leur avoir inoculé des substances qui les rendaient malades et qui avaient des effets dévastateurs sur leurs compagnes et sur leurs progénitures. Sous prétexte de les protéger des gaz de combat de l’armée irakienne, qu’elle s’est d’ailleurs bien gardée d’employer contre les troupes de l’Alliance, leur propre service sanitaire les avait soumis à des tests, en particulier à des vaccinations, et parfois forcés, sous la menace de la cour martiale, à prendre des drogues issues de manipulations génétiques. Pour les Etats, les êtres humains ne sont jamais que du bétail à démembrer, même lorsqu’ils combattent sous leurs couleurs.

    Les deux guerres mondiales appelèrent sous les drapeaux des millions d’hommes, arrachés du jour au lendemain à leur routine et envoyés au massacre. Leur vie, et celle de leurs proches, en fut bouleversée. Sous l’impression pénible du cataclysme d’août 1914, Rosa Luxembourg pouvait écrire : « Des millions de prolétaires de tous les pays tombent au champ de honte, du fratricide et de l’automutilation, avec aux lèvres leurs chants d’esclaves. » Mais elle soulignait aussi que, dégrisés par l’horreur de la guerre, les esclaves pouvaient se retourner contre leurs maîtres. De fait, la Première Guerre mondiale engendra des fraternisations dans les tranchées et des mutineries dans la plupart des armées belligérantes. En Europe et en Russie, des révolutions éclatèrent, menaçant l’existence même du système capitaliste. Même les grandes guerres coloniales, comme celle du Viêt-nam, firent encore appel à la conscription de masse. Il en coûta la victoire au Pentagone, lorsque les GI commencèrent à désobéir et à déserter et même, parfois, à tuer leurs propres officiers.

    L’éventualité de la perte de contrôle sur les troupes reste toujours la hantise de la hiérarchie militaire. Elle préfère commander des prétoriens sans état d’âme que des appelés parfois insoumis. Dans les pays les plus développés, l’armée connaît le même genre d’évolution que toutes les autres institutions du capital : elle est restructurée à travers la mise en œuvre d’instruments technologiques plus sophistiqués qui nécessitent moins de main-d’œuvre qu’autrefois mais plus qualifiée et plus disciplinée. D’où l’image du cybermercenaire bardé de prothèses, qui symbolise la guerre « post-héroïque », selon la formule ineffable des experts en communication de l’Otan, propagée par les médias.

    Mais entre la représentation et la réalité, il y a encore beaucoup de différence. Même les armées de la guerre des étoiles ne sont pas composées que d’officiers technocrates. Au bas de l’échelle, il y a toujours les soutiers qui ont parfois signé pour des motifs assez peu guerriers. L’armée américaine, donnée en modèle du professionnalisme, offre ainsi aux engagés pour trois ans, sortis des quartiers misérables noirs et latinos, la possibilité de suivre des études gratis après leur démobilisation.

    Nombre s’y sont laissés prendre vers la fin des années 80. Ils n’imaginaient même pas qu’ils auraient à combattre. Lorsque l’intervention en Irak leur est apparue inévitable, des GI ont déserté, en particulier en Allemagne, d’autres ont refusé de partir et ils ont été envoyés menottes aux mains dans le Golfe pour y servir parfois de chair à expérimentation. A moindre échelle, des résistances du même genre ont eu lieu ailleurs dans d’autres bataillons de fantassins de l’Otan, pas seulement dans l’armée irakienne, ou serbe, comme le prétendent les médias à la solde des états-majors occidentaux.

    En Occident, la guerre en cours aggrave la soumission des citoyens au capital, même si, à l’heure actuelle, elle ne prend pas la forme de fureur guerrière. Le pouvoir d’Etat leur rabâche qu’il n’aura plus besoin de faire appel à eux et qu’ils ne pâtiront même plus des retombées de la guerre, pas plus que les soldats qui combattent en leur nom. Pourtant, les manifestations et les doléances d’anciens et d’anciennes GI montrent qu’il n’en est rien.

    Les engagés volontaires du ghetto payent cher leurs illusions de promotion par l’armée. Aujourd’hui clochardisés en masse, ils crèvent à petit feu, irradiés et intoxiqués : ils représentent près de 15 % des sans-logis aux Etats-Unis. Vu l’énorme disproportion des forces militaires en présence, les troupiers de l’Otan sont bien plus mutilés et tués par leurs propres armes que par celles de l’adversaire désigné à leur vindicte. Les horreurs qu’ils infligent aux populations étrangères se retournent déjà contre eux et leurs proches. « L’option zéro cadavres dans nos propres troupes », qui est l’une des justifications officielles de la boucherie technologique relève de la propagande de guerre mensongère. En réalité, l’automutilation a atteint des degrés inconnus jusqu’alors dans l’histoire du capitalisme.

    Mais nos concitoyens préfèrent ne pas croire à l’effet boomerang de la guerre. Les abris sont pour les autres. Eux sont à l’abri. De là leur indifférence envers les malheurs d’autrui, leurs larmes sans conséquence pour les charniers du Kosovo que leur présentent les médias, leur incrédulité envers les plaintes des vétérans du Golfe et d’ailleurs, et leur fascination morbide pour les prouesses fort peu héroïques que mènent en leur nom les cybersaigneurs de la guerre aérienne. Leur passivité suffit bien aujourd’hui à l’Etat pour mener ses affaires.

    Mais demain ? Même ceux que la guerre révulse sont presque tous désorientés et font le gros dos. D’autant plus que beaucoup d’appels révolutionnaires, qui résumaient autrefois l’hostilité à l’appareil militariste de l’Etat, basé sur la conscription de masse, sont en partie dépassés par l’évolution de la structure de classe de la société capitaliste et des institutions qui sont nécessaire à sa conservation. Ainsi l’appel aux prolétaires en uniforme à retourner leurs fusils contre la hiérarchie galonnée a perdu beaucoup de son sens. Non pas que des mutineries militaires soient devenues impossibles. Mais la professionnalisation de l’armée et les armes high-tech utilisées aujourd’hui par n’importe quelle puissance militaire, même d’envergure régionale, sont adaptées au terrorisme d’Etat. Elles rendent vaine toute tentative de réapproppriation générale de l’arsenal du capital par ceux qu’il écrase, qu’ils soient en civil ou en uniforme.

    Face à la force militaire, qui paraît sans limites et hors de portée de toute intervention humaine, et à l’ambiance de soumission, que pas grand-chose ne trouble, rien ne semble possible. Pourtant, le colosse a des pieds d’argile. Il repose toujours sur le dos de ses ilotes salariés. La technologie n’est rien sans eux et elle a ses faiblesses. C’est pourquoi nous réaffirmons avec force, même si cela semble relever à l’heure actuelle du vain désir, que seules des poussées révolutionnaires peuvent stopper la course guerrière à l’abîme. Bien sûr, aucun slogan révolutionnaire ne déclenchera des vagues d’insoumission, de désertion et de sabotage contre la machine de guerre. Pas plus d’ailleurs que n’importe quelle forme de refus révolutionnaire de faible ampleur, même si elle a de l’importance pour ceux qui ne veulent pas céder aux cris stridents des sirènes guerrières. Mais, que des révoltes tant soit peu larges et radicales contre la guerre éclatent, à l’intérieur comme à l’extérieur des armées, et le beau mécanisme sera enrayé.

    PS : Signalons, pour finir, les coordonnées de l’une des sources de documentation des plus fiables sur la guerre high-tech. L’International Action Center, association pacifiste d’origine américaine, aborde de manière très détaillée, quelle que soient les limites de ses leaders réformistes qui jouent au lobbying, le problème des armes sophistiquée employées depuis la guerre du Golfe, en particulier de celles à uranium appauvri.
    Adresse postale : International Action Center, 39, West 14th Street, #206, New York, NY 10011, USA
    Adresse mail : iacenter A iacenter . org
    Adresse du site web : http://www.iacenter. org


    André Dréan


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  • Festival Porte Voix du 6 au 9 Avril à Oloron

     

    Chanson engagée,
    Chanson sociale, politique,
    Chanson à texte et à thème,
    La chanson qui dit, vocifère, insulte ou dénonce,
    Cette chanson-là fait partie intégrante de notre univers
    ...musical.
    Délaissée par les grands médias et pourtant toujours si vivante
    et présente, nous voulons la mettre en exergue, le temps d’un
    festival, durant trois jours.

    Lire le programme

    Organisation :

    Mairie d’Oloron Sainte-Marie
    Service culture & vie associative,
    Service jeunesse
    www.oloron-ste-marie.fr

    CCPO
    Service spectacle vivant
    www.spectaclevivant.piemont-oloronais.fr
    Renseignements : 05 59 39 98 68
    Médiathèque du Piémont Oloronais


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  • Assassinat Christian Poveda / Verdict Procès San Salvador

    Ce "procès" n’a été malheureusement que la farce judiciaire attendue, faisant suite aux incohérences de l’enquête de l’instruction qui l’avait précédé.

    Cette parodie de justice a été expédié en deux jours, le verdict a été rendu dans la nuit du mercredi 9 mars.

    Aucune réponse crédible n’a été donné aux questions :

    Pour qui et pourquoi Christian Poveda a été assassiné ?

    La presse a été interdite d’accès aux audiences du premier jour, et n’a pu suivre le procès que son deuxième et dernier jour.

    Le principal témoin à charge « Mayerli », n’était pas présent sur les lieux du crime, mais n’a eu que connaissance de celui-ci, et son identité a été "égaré" durant l’instruction

    Le rapport de police fait sur les lieux du crime lors de la découverte du corps concernant les blessures qui ont causé le décès de Poveda était mensonger.

    Un témoin a été assassiné en 2010.

    RSF, faux cul comme à son habitude, a déclaré à la clôture du procès : "un soulagement et une frustration à l’énoncé du verdict", alors que durant les années de l’instruction ils n’ont fait que de "saluer les avancées positives de l’enquête".

    Malgré ou à cause de conflits d’intérêts au sein de RSF (Alain Mingam de RSF et qui est l’agent pour les ventes photo de Poveda, est par ailleurs liée avec Aida Santos Escobar membre du gouvernement salvadorien au ministère de la justice et il en est de même pour la "co-productrice" de La Vida Loca, Carole Solive), donc pour définitivement oublier ce dossier épineux de l’assassinat de Christian, tout ce beau monde conclu que : " Malgré ses réserves à l’issue de cette affaire, Reporters sans frontières n’ignore en rien la difficulté à lutter contre le crime organisé et à rendre justice dans un tel contexte" ...

    Circulez, rien à voir, la farce est terminée.

    Et que les affaires continuent, Canal + rediffuse "La Vida Loca" et les ventes photos de Christian marchent bien.

    Le président du Salvador Mauricio Funes, pseudo président de gauche et ancien journaliste, qui avait promis que tout serait mis en oeuvre pour éclaircir le meurtre de Christian a préféré laisser l’affaire s’enliser.

    Actuellement il reçoit en visite officielle Barack Obama porteur d’un flot de dollars pour soi-disant luter contre le narco-trafic, dollars qui ne sont en fait que le prix de l’allégeance à l’empire US, pour une politique de militarisation sous contrôle américain de l’Amérique Latine sous couvert de lutte contre la drogue,

    Tout les experts en conviennent les politiques de prohibition des drogues menées depuis de longues années sont d’un échec total, n’ayant pour seuls résultats que : l’augmentations des profits, le pouvoir des narco-cartels, la corruption des autorités policières et juridiques ainsi que des politiques.

    Un commerce clandestin qui se chiffre en tonnes et en milliards de dollars de dollars ne peut se réaliser sans l’assentiment des gouvernements.

    Christian Poveda était gênant, son travail de journaliste remettait bruyamment en cause, police, justice, hommes politiques et derrière les réels bénéficiaires des profits (narco-trafic, commerce et trafic d’armes, sociétés privés de sécurité) qui génèrent et utilisent la délinquance violente des maras.

    Cordialement,
    amisdepoveda@gmail.com

    Dans le pdf : San Salvador "Verdict Procès Assassinat Christian Poveda"

    Ps :

    198 signataires sur la pétition pour la remise en cause de l’enquête des autoritees de la justice du Salvador concernant le meurtre de Christian, dont de nombreux photographes, journalistes, réalisateurs, agences de com, et aussi étudiants et retraités, de France, Belgique, Espagne, Sri Lanka, Italie, Suisse, USA, Canada

    Pour la remise en cause de l’enquête judiciaire sur le meurtre de Christain Poveda ( journaliste assassiné au Salvador le 02/09/2009)

    son lien court : http://www.lapetition.be/petition.p...

    La pétition en espagnol :

    Petition.be - Para presionar sobre la investigación judicial y esclarecer verdaderamente la muerte de Christian Poveda (periodista asesinado en El Salvador 02/09/2009)
    son lien court : http://lapetition.be/en-ligne/petit...

    Deux ajout en espagnol dans le dossier Salvador / Poveda sur le site Chien Guevara :

    http://forget.e-monsite.com/rubrique,version-espagnole,1131113.html
    http://sd-1.archive-host.com/membre...

    Sur le site Michel Collon - L’info décodée :
    http://www.michelcollon.info/Ou-en-...
    http://www.michelcollon.info/IMG/pd...

    URL de cette breve 1699
    http://www.legrandsoir.info/+Assassinat-Christian-Poveda-Verdict-Proces-San-Salvador+.html

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  • Élections et citoyenneté en démocratie représentative : une démission de la conscience politique.

    affiche politique, Paris, 1969

    Tiens, il paraît que nous vivons en démocratie, et que celle-ci s’exprime par le vote et la liberté d’expression. C’est même écrit dans la constitution et les livres scolaires que nous sommes des citoyens libres et égaux en droit, que nous pouvons choisir nos représentants au suffrage universel direct. Le papier ne refuse pas l’encre.

    L’école, lieu d’apprentissage des codes institutionnels, formatage des cerveaux pour le pouvoir de quelques uns.

    On m’avait dit à l’école qu’il était important de voter, car l’exercice de la citoyenneté reviendrait au peuple, et que l’abstention représente un danger pour la démocratie, un acte passif favorisant la montée des extrêmes. C’est plutôt pour consentir à la légitimité d’une petite poignée d’Hommes qui font la loi pour 90% de la population, que nous votons.

    Et bien j’ai sans vergogne délibérément déserté les urnes lors de ces deux rendez-vous électoraux. Même pas abstentionniste, je suis, pour les politologues éclairés, une espèce de passager clandestin sans conscience politique, doté de capitaux économiques et sociaux si faibles que je ne prends même pas la peine de me déplacer pour m’inscrire et exercer mon droit de vote. Un citoyen dépolitisé et socialement dominé n’ayant pas eu l’éducation politique suffisante pour exercer mon pouvoir démocratique.

    Enfin ce n’est qu’une analyse sociologique…Est-ce à dire que la non-inscription ou l’abstention dénotent automatiquement un manque d’intérêt pour la politique ? Je suis comme des milliers de personnes, pourtant politisées, qui refusent de participer à ce jeu électoral, car quoi que l’on fasse, il n’œuvre que pour les franges dominantes favorisées de la population. L’abstention n’est pas unanimement un état de flemme passagère et de faiblesse cognitive face à la politique, c’est aussi un combat politique, une forme de résistance ferme à cette myriade de mensonges et de croyances collectives les plus malsaines que l’on veut nous faire rentrer dans le crâne depuis l’enfance pour mieux nous rendre dociles et obéissants aux chiens de garde.

    Le système d’enseignement français est magnifiquement organisé dans le but que les jeunes têtes à remplir intériorisent sans broncher les règles du jeu républicain. Ainsi, l’on met dans le même moule éducatif toutes sortes d’individus différents, soumis, à la hiérarchie entre l’autorité du professeur et l’obéissance de l’élève qui courbe l’échine, au contrôle et à la compétition entre élèves, à la torture stressante des devoirs à effectuer sous peine de punition s’il y a manquement.

    Non seulement ils sont placés sous l’égide du formatage scolaire, mais en plus les jeunes socialisés apprennent la dureté du processus de reproduction des inégalités sociales. Une même classe scolaire peut réunir des fils d’agriculteurs, de petits commerçants-artisans, de médecins ou d’enseignants. Dès l’enfance la plus neutre et dénuée de l’avidité entraînant jalousie, convoitise, conflits, on apprend la guerre des classes aux bambins. For de ces disparités, considérées comme naturelles voire biologiques, vient ensuite le formidable apprentissage de la démocratie.

    Il faut que les êtres formés à la chaîne industrielle votent « bien », et s’informent en conformité sur les médias considérés comme les prophètes de cette démocratie. C’est un tableau raccourci et noirci, mais voilà que vingt ans plus tard, la non-inscription sur les listes paraît choquante aux électeurs conformes.

    Voter en démocratie représentative libérale…

    De nos jours, voter en démocratie représentative d’inspiration néolibérale revient à vider le vase républicain de sa substance. Ce que nous appelons démocratie représente la prise du pouvoir des élites bourgeoises et leur sauvegarde pour éviter que la révolution de 1789 ne profite au peuple. Le choix de ce mode de suffrage a été institué pour contenir les révoltes, dans une optique justement profondément antidémocratique.

    Que l’on n’aille pas me raconter que des gens se sont battus pour que nous ayons ce droit de vote, et que je suis redevable de ces luttes. Les communards de 1871 se battaient contre la monarchie, pour la démocratie directe en république de communes socialistes fédérées, les résistants de 1939-1945 se battaient pour la démocratie sociale…non uniquement pour le vote. Aujourd’hui, l’on considère que le vote est l’exercice le plus fort de la démocratie.

    Alors, on vote pour celui qu’on veut au premier tour, puis pour le moins pire en second tour. Voila qui montre bien que le pouvoir de l’individu se trouve bien ailleurs puisque le sens du vote est complètement vicié. Celui qui remporte les élections est le parti qui aura investi le plus d’argent dans sa campagne de communication en forme d’échantillons de séduction à vendre.

    Les médias, en ce 28 mars 2011, se félicitent que la gauche ait remporté les cantonales à hauteur de 35%, en évitant que la France cantonale ne se dore du front de la haine. La gauche, dites-vous ? La rose caviar qui s’oppose à Fillon-Sarkozy tout en étant d’accord sur les reculs successifs de l’âge à la retraite, sans proposer de taxer le capital et d’interdire les défiscalisations des gros actionnaires pour désarmer les marchés financiers ? La gauche néolibérale qui dirige le FMI et l’OMC ? La gauche sécuritaire qui fait campagne commune avec l’UMP sur l’identité nationale, la sécurité et la défense ? La gauche militariste qui est d’accord avec l’impérialisme français pour aller bombarder les méchants partisans de Kadhafi et des civils innocents avec des bombes gentilles ?

    Ou parle-t-on de la gauche oligarchique qui a le plus privatisé de toute l’histoire économique et sociale de la France, et qui ne s’oppose pas à la constitution européenne ? Loin s’en faut, une carte rose ou bleue à l’issue des élections ne change rien, mais je suis quand-même mine de rien rassuré que ce ne soit pas le camp de la haine nationaliste et agressive qui ait mobilisé les électeurs…Espoir aussi, que les gens ait compris que nous sommes dirigés depuis 2007 par une droite extrême xénophobe ayant institué son fascisme institutionnel pour récupérer les voix du FN...

    Bon, je considère que les dissensions idéologiques qui partagent les Hommes de pouvoir ne sont que l’écran de fumée qui cache le gouvernement économique et oligarchique du monde, de telle manière que les ploutocrates qui dirigent financent leurs amis pour qu’ils soient leurs vassaux, au pouvoir politique. De cette idée, nous avons une alternance UMP/PS qui reproduit en permanence le même cap et interdit toute formation politique alternative : enrichir les riches à coups de privatisations et de coupes franches dans les dépenses publiques de santé, d’éducation, de transport, d’hygiène, de sécurité, de réduction des coûts de production pour satisfaire les actionnaires, rendre la population, celle qui doit travailler pour vivre au lieu de l’inverse, à l’état de servage et surtout conserver le pouvoir bien au chaud.

    Et refuser l’afflux d’immigrés du Sud tout en continuant à coloniser-piller l’Afrique avec nos entreprises. Voilà pourquoi je pense que toute autorité du pouvoir est malsaine, et que dans les grands partis, l’on s’accorde sur un point : prendre le pouvoir. Donc dominer, écraser les plus faibles en politique, manipuler les foules, jouer au théâtre de la séduction, cacher les réalités. Le reste, les programmes électoraux et discours, ne sont que la robe dorée en fleur de lys que le roi enfile. Impossible, donc, que ce soit des humanistes et des gens respectueux qui soient appelés à gouverner. Pire, même avec seulement 20% de participation au vote, donc moins de dix millions d’électeurs, les nouveaux responsables politiques se diraient toujours légitimement élus devant le peuple.

    D’une certaine manière, voter constitue l’un des pires consentements à sa propre déresponsabilisation, en déléguant la gestion de sa vie (d’une manière indirecte) à des gens dont on ne peut faire confiance. Le citoyen qui dépose un suffrage dans l’urne a le sentiment d’avoir exercé sa citoyenneté, dans un élan de pensée conforme, là où il contribue à la reproduction institutionnalisée d’élites arrogantes, quasi-autoritaires et opportunistes dont l’avidité du pouvoir rémunéré leur a fait perdre toute notion d’humanisme et d’intérêt général. La démocratie, c’est un peu la nouvelle religion, le nouvel absolutisme dans lequel une autorité, sorte de Clergé, tente de réunir tout acteur social sous sa coupe.

    Avec cette bannière démocratique, les grandes puissances de ce monde partent alors en guerre impérialiste contre tous ceux qui refusent d’importer notre modèle, tel une armée catholique partait au 12ème siècle en croisade contre les arabes. Notre sinistre de l’Intérieur Claude Guéant précisait d’ailleurs récemment que la France mène actuellement une croisade en Libye…

    De nos jours, le gouvernement n’est plus qu’un conseil d’administration, mélangeant des avocats d’affaires, des anciens militants du FN, des ex-PDG de multinationales, ou des ex-directeurs d’institutions financières internationales, et il faudrait que j’aille cautionner ce jeu de chaises tournantes des classes riches possédantes et dirigeantes ? Des milliers de gens travaillent toute leur vie, sont sous-payés pendant 42 ans et usent leur vie pour des objectifs de production, sans pouvoir bénéficier d’une retraite décente, et il faudrait que je crois encore au vote en tant qu’acte citoyen pour choisir celui qui pourra prendre des mesures sociales ?

    Bref, l’on pourrait écrire des pages de lamentation sur fond de crise sociale qui paupérise des milliers de personnes, au milieu d’un paysage industriel qui dévaste l’environnement et qui risque de faire exploser le nombre de cancers d’ici peu, une fois que la santé publique aura été privatisée et sera rendue inabordable pour ces nouveaux malades nourris aux OGM et aux radiations nucléaires…on peut se lamenter d’un système politique ploutocratique qui reproduit ses élites, il faut tout de même proposer autre chose, des alternatives.

    Je ne jette pas la pierre à ceux qui votent encore, bien évidemment, mais cela ne me paraît pas être un acte de citoyenneté suffisant. Le véritable changement ne peut passer que par le regroupement d’individus en associations et petits syndicats de luttes, pour fédérer les espaces de combat politique et rétribuer à la population sa pleine capacité de pensée critique. L’on n’enrichit pas une démocratie en demandant l’avis au peuple seulement un jour ou deux tous les cinq-six ans. L’acte citoyen le plus démocratique reste la réflexion sur la manière de s’organiser en collectivité, donc cela passe plus à mon sens par la pensée critique et la ré-acquisition de la liberté de penser par soi-même plutôt que de se fier aux médias ou croire ce qu’il est écrit sur les tracts des partis politiques afin de décider pour qui l’on va voter.

    Ces dernières élections cantonales ne mobilisent évidemment pas les mêmes enjeux que la prochaine échéance de 2012. Surtout que les conseillers généraux et régionaux seront supprimés en 2014 au profit d’une centralisation territoriale sarkozyste, mais la démission de notre propre pouvoir sur les choses qu’entraîne le vote, reste de mise lorsqu’il faut élire un président de la république. A mon sens, agir au lieu d’élire, militer et contribuer au débat public serait donc plus efficace que de déléguer à d’autres le pouvoir de changer les choses que chaque individu pourrait avoir. Le débat est ouvert à qui voudra entendre mon message.

    Samuel Moleaud

    http://sam-articles.over-blog.com

    URL de cet article 13248
    http://www.legrandsoir.info/Elections-et-citoyennete-en-democratie-representative-une-demission-de-la-conscience-politique.html

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